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(4)
Les politiques linguistiques des États indiens |
Plan de l'article
1.
Une
fédération linguistique 2. Les langues officielles des États |
5.
Le multilinguisme des États |
Rappelons que l'Union indienne est une république
fédérale formée de 29 États et de sept territoires(avant le 2 nov. 2014). Ces
États fédérés sont les suivants:
Depuis le 2 novembre 2014, un nouvel État a été créé, le Télanga, à partir de régions de l'Andhra Pradesh. Les sept territoires de l'Union sont les îles Andaman-et-Nicobar, Chandigarh, Dadra-et-Nagar-Haveli, Daman-et-Diu, Delhi, les îles Lakshadweep (ou Laccadive) et Pondichéry. On peut consulter la carte politique détaillée. L'Inde, une ancienne colonie britannique (1799-1947), obtint son indépendance en 1947 au prix de la sécession d'une partie du pays: le Pakistan. L'Inde forma ensuite une fédération appelée l'Union indienne, dont les limites des États membres furent calquées sur les divisions arbitraires de l'ancien régime. Il en résulta un plurilinguisme enchevêtré dans la plupart des États fédérés, ce qui engendra des conflits sanglants entre les ethnies. L'agitation linguistique provoqua des mouvements de redistribution des États sur une base linguistique. |
La Constitution de 1950 créa une véritable fédération linguistique pour résoudre le problème de la non-concordance des limites territoriales et des aires linguistiques. On adopta alors le principe d'une langue par État, bien que la réalité puisse montrer qu'il sera toujours impossible d'en arriver à cet idéal. En 1956, le Parlement indien a adopté la States Reorganisation Act (Loi sur la réorganisation des États), qui modifiait les frontières des États sur une base linguistique. Depuis, de nouveaux États ont été créés, toujours sur une base linguistique.
Cependant, la Constitution de 1950 ni la loi de 1956 n'ont éliminé les tensions entre les différentes communautés: année après année, d'autres conflits aigus apparaissent ici ou là. Certains affirmeront même que les interventions du gouvernement central ont eu plutôt tendance à provoquer des crises entre les États. Il faut régulièrement procéder à des redistributions territoriales parce que les mouvements autonomistes régionaux demeurent toujours très actifs. Les luttes entre les communautés ainsi que la difficile conciliation des intérêts contradictoires des États et du gouvernement central semblent des constantes inévitables de la vie politique indienne.
Ces problèmes n'ont rien d'étonnant dans un pays (le deuxième du monde par la population), dont les dimensions sont analogues à celles de l'Europe. On peut lire les dispositions constitutionnelles de l'Union indienne en matière de langue en cliquant ICI.
Pour mieux saisir le caractère complexe de cette fédération linguistique, on pourra consulter la liste des États fédérés qui présente les 28 États membres avec leur population et leur(s) langue(s) officielle(s) respective(s):
État | Langue(s) officielle(s) | Population (2001) | Autres langues reconnues | |
---|---|---|---|---|
1 | Andhra Pradesh | télougou | 75 727 541 | ourdou (co-officiel dans certains districts). |
2 | Arunachal Pradesh | anglais | 1 091 117 | aucune, sauf les langues tribales à l'école. |
3 | Assam | assamais | 26 638 407 | bengali et bodo: co-officiels dans certains districts. |
4 | Bengale occidental | bengali | 80 221 171 | népali: co-officiel dans le district de Darjeeling. |
5 | Bihar | hindi | 82 878 796 | ourdou: co-officiel dans les services gouvernementaux dans certains districts. |
6 | Chhattisgarh | hindi - chhattisgarhi | 20 795 956 | aucune, sauf le chhattisgarhi. |
7 | Goa | konkani | 1 343 998 | marathi reconnu dans les services gouvernementaux. |
8 | Gujarat | gujarati - hindi | 50 596 992 | langues reconnues dans les écoles primaires: marathi, sindhi, ourdou, anglais, tamoul, télougou et malayalam. |
9 | Haryana | hindi | 21 082 989 | aucune, sauf le panjabi dans les écoles primaires. |
10 | Himachal Pradesh | hindi | 6 077 248 | aucune. |
11 | Jammu-et-Cachemire | ourdou | 10 069 917 | aucune, à l'exception de l'anglais et de l'hindi dans les écoles. |
12 | Jharkhand | hindi | 26 909 428 | aucune. |
13 | Karnataka | kannada | 52 733 958 | anglais: co-officiel, certaines langues sont reconnues (15% de la population d'un district) dans certains services gouvernementaux. |
14 | Kerala | malayalam - anglais | 31 838 619 | tamoul et kannada: co-officiels dans certains districts. |
15 | Madhya Pradesh | hindi | 60 385 118 | langues régionales reconnues: marathi et ourdou. |
16 | Maharashtra | marathi | 96 752 247 | ourdou: co-officiel dans certains districts. |
17 | Manipur | meitei (ou manipouri) | 2 388 634 | aucune. |
18 | Meghalaya | anglais | 2 306 069 | khasi : co-officiel dans quatre districts; garo : co-officiel dans trois districts. |
19 | Mizoram | mizo | 891 058 | aucune, sauf l'anglais. |
20 | Nagaland | anglais | 1 988 636 | aucune. |
21 | Orissa | oriya | 36 706 920 | aucune, sauf l'anglais. |
22 | Panjab | panjabi | 24 289 296 | aucune, sauf l'hindi à des fins scolaires. |
23 | Rajasthan | hindi | 56 473 122 | aucune. |
24 | Sikkim | népalais, bhotia, lepcha, limbo | 540 493 | langues co-officielles à des fins de préservation de la culture et des traditions: bhotia, lepcha, limbo, newari, gurung, mangar, mukhia, rai, sherpa et tamang. |
25 | Tamil Nadu | tamoul | 62 110 839 | aucune, mais le télougou, le kannada et le malayalam sont reconnus dans certains districts. |
26 | Télanga | télougou | 35 100 000 (2011) | ourdou |
27 | Tripura | anglais - bengali - tripouri | 3 191 168 | aucune, mais le bishnupriya, le manipouri et le chakma sont autorisés dans les écoles primaires. |
28 | Uttarakhand | hindi - sanskrit - anglais | 8 479 562 | aucune, sauf l'ourdou dans quelques districts. |
29 | Uttar Pradesh | hindi | 166 052 859 |
ourdou : co-officiel dans certains districts. |
Chacun des 29 États a adopté une ou plusieurs langues officielles, mais il en est ainsi des sept territoires de l'Union (Andaman-et-Nicobar, Chandigarh, Dadra-et-Nagar-Haveli, Daman-et-Diu, Delhi, Laccadive et Pondichéry) qui ont tous adopté au moins l'anglais comme l'une de leurs langues officielles, Pondichéry en ayant adopté cinq:
Territoire | Langue(s) officielle(s) | Autres langues reconnues | |
---|---|---|---|
1 | Andaman-et-Nicobar | anglais - hindi |
télougou et tamoul : reconnus dans les services gouvernementaux dans certains districts. |
2 | Chandigarh | panjabi - hindi | aucune, sauf l'anglais. |
3 | Dadra-et-Nagar-Haveli | marathi - gujarati | aucune, sauf l'anglais. |
4 | Daman-et-Diu | gujarati - anglais | aucune, mais le marathi est reconnu dans les services gouvernementaux dans certains districts. |
5 | Delhi (district fédéral) | anglais - hindi | ourdou et panjabi: co-officiels. |
6 | Laccadive (Lakshadweep) | malayalam - tamoul | aucune, sauf l'anglais. |
7 | Pondichéry (Puducherry) | tamoul - anglais - français | malayalam et télougou : co-officiels à Mahé (malayalam) et Yanam (télougou). |
Depuis 2007, suite à une série de modifications
constitutionnelles, l’Annexe VIII de la Constitution reconnaît 22 langues dites
«répertoriées» (en anglais: "scheduled"). Ce sont les «langues
constitutionnelles» qui correspondent aux principales langues indiennes (''major regional languages''),
sauf en ce qui a trait au sanskrit pour des motifs strictement historiques,
religieuses et culturelles. Ces langues sont toutes des langues officielles
(sauf le sanskrit) dans un ou plusieurs États. Voici la liste des langues dites
«constitutionnelles»:
Rang | Langue | Famille | État |
---|---|---|---|
1 | assamais | Assam | |
2 | bengali | Bengale occidental, Tripura | |
3 | bodo | Assam | |
4 | dogri | Jammu-et-Cachemire | |
5 | goujarati | Gujarat | |
6 | hindi | Bihar, Haryana, Himachal Pradesh, Madhya Pradesh, Rajasthan, Uttar Pradesh, Delhi, Jharkhand, Chhattisgarh, Andaman-et-Nicobar, Chandigarh, Daman-et-Diu, Dadra-et-Nagar-Haveli | |
7 | kannada | Karnataka | |
8 | kashmiri | Jammu-et-Cachemire | |
9 | konkani | Goa, Karnataka, Maharashtra, Kerala | |
10 | maithili | Bihar | |
11 | malayalam | Kerala, îles Laccadive, Pondichéry | |
12 | manipouri | Manipur | |
13 | marathi | Maharashtra | |
14 | népali | Sikkim | |
15 | oriya/odia | Orissa/Odisha | |
16 | ourdou | Jammu-et-Cachemire, Uttarakhand, Bihar, Jharkhand | |
17 | panjabi | Panjab | |
18 | sanskrit |
------------------ |
|
19 | santali | Assam, Bihar, Bengale occidental, Mizoram, Orissa, Tripura | |
20 | sindhi | Panjab | |
21 | tamoul | Tamil Nadu, Pondichéry | |
22 | télougou | Andhra Pradesh, Pondichéry |
Dans les faits, le gouvernement central a accordé à ces langues un statut particulier, mais sans vraiment les reconnaître comme langues officielles à part entière. Ce statut constitutionnel semble strictement symbolique, puisqu’il ne s'accompagne pas de privilège ni de droits particulier; ce statut ne garantit pas que ces langues seraient utilisées par les autorités fédérales ni par les pouvoirs des États. Au mieux, ces langues sont «représentées» auprès de la Commission nationale aux langues officielles; le gouvernement central pourrait prendre des mesures pour contribuer à leur développement afin qu’elles demeurent des moyens de communication. Les termes de «langues constitutionnelles» ("constitutional languages") n'apparaissent même pas dans la Constitution: art. 15, 29, 30, 120, 210, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 350, 350-A, 350-B, 351 et 394-A. Seule l'Annexe VIII de la Constitution mentionne une liste de 22 langues, sans indiquer un quelconque statut.
On peut consulter la carte la carte linguistique de l'Inde. De plus, un certain nombre de langues, sans être «constitutionnelles», sont néanmoins des langues officielles et/ou administratives dans les États. On en dénombre 33 dans ce cas dont quelques-unes sont officielles dans plus d’un État (anglais, hindi, ourdou, bengali, etc.): anglais (14), assamais, bengali (4), bhojpouri (2), bhoutia, français, garo, goujarati, haryanvi, hindi (10), kannada, kashmiri, khasi, konkani, kouki, lushai, malayalam (2), manipouri, marathi (3), marwadi, miau, mizo, naga, nepali, oriya, ourdou (8), pahadi (2), panjabi (2), rajasthani, sindhi (2), tamoul (2), télougou, tripouri.
L'article 345 de la Constitution précise que chaque État
choisit une ou plusieurs langues officielles pour son parlement, son administration
publique, ses cours de justice, l'enseignement et l'affichage. Partout
l'usage de l'anglais reste possible, même lorsqu'il s'agit de communiquer
entre États:
Article 345 [...] La législature d'un État pourra, par une loi, adopter une ou plusieurs des langues en usage, ou encore l'hindi, pour une ou plusieurs des fins officielles de l'État. |
Les langues choisies par les États peuvent être employées à des fins officielles et être inscrites dans la Eighth Schedule ou 8th Schedule (Annexe VIII) de la Constitution. Jusqu'à l'amendement 21 (''Twenty-First Amendment'') de la Constitution de 1967, le pays reconnaissait 14 langues constitutionnelles, puis 18 jusqu'en 1992, avec l'Amendement 71 qui a prévu l'insertion de quelques autres langues (konkani, manipouri, népali). À partir de mai 2007, avec le 100e Amendement, le nombre des langues mentionnées dans la Eighth Schedule (Annexe VIII) a été augmenté à 22 (bodo, dogri, santali et maithili).
La plupart des États de l'Inde, soit 21 sur 28, ont adopté une législation destinée à proclamer une ou plusieurs langues officielles. Même des États qui ont choisi l'hindi comme langue officielle (Bihar, Hayana, Imachal Pradesh, Madhya Pradesh et Rajasthan) ont adopté de telles lois. D'autres États ont tenu à protéger des langues officielles régionales, c'est-à-dire utilisées dans leur propre État: le télougou dans l'Andhra Pradesh, l'assamais en Assam, le bengali et le népali au Bengale occidental, le konkani à Goa, le gujarati au Gujarat, le kannada au Karnataka, le malayalam au Kerala, la marathi au Maharashtra, le metieti au Manipur, le khasi et le garoa au Meghalaya, le mizo au Mizoram, l'oriya en Orissa, le panjabi au Panjab, le tamoul au Tamil Nadu. Voici les États qui ont adopté ces lois, dont certaines sont disponibles sur ce site (en bleu souligné) :
État | Loi linguistique | Année | Langue(s) protégée(s) |
Andhra Pradesh |
1966 |
télougou |
|
Assam |
1960, 1967 |
assamais, bengali, bodo |
|
Bengale occidental |
1961 |
bengali et népali |
|
Bihar |
Bihar Official Language Act |
1950 |
hindi, ourdou |
Chhattisgarh |
Chhattisgarh Official Language (Amendment) Act | 2007 | hindi, chattisgarhi |
Delhi | Delhi Official Language Act | 2000 | hindi, ourdou, panjabi |
Goa, Daman-et-Diu |
1987 |
konkani, marathi, anglais |
|
Gujarat |
1960 |
gujarati |
|
Haryana |
1969 |
hindi |
|
Himachal Pradesh |
1981 |
hindi |
|
Karnataka |
1963 |
kannada |
|
Kerala |
1969 |
malayalam et anglais |
|
Madhya Pradesh |
1957, 1972 |
hindi |
|
Maharashtra |
1964 |
marathi |
|
Manipur | Manipur Official language Act |
1979 |
manipouri (meitei) |
Meghalaya |
Meghalaya Official Languages Bill |
1981 |
khasi, garo, jaintia et anglais |
Mizoram |
Mysore Official Language Act |
1963 |
mizo |
Orissa/Odisha |
1954 |
oriya (odia) |
|
Panjab |
Punjab Official Language Act |
1967 |
panjabi |
Pondichéry |
1965 |
tamoul, malayalam, télougou et anglais |
|
Rajasthan |
Rajasthan Official Language (Amendment)
Ordinance |
1954 |
hindi |
Sikkim | Sikkim Official Languages Act | 1977 |
népali, anglais, bhotia, lepcha, limbu + (local) newar, rai, gurung, manger, sherpa, tamang, sunuwar |
Tamil Nadu |
1956 |
tamoul |
|
Tripura |
Tripura Official Language Act |
1964 |
anglais, bengali et tripouri (kokborok) |
Uttarakhand | Uttarakhand Official Language Act | 2009 | hindi |
Uttar Pradesh |
1951, 1969, 1970 et 1989 |
hindi et ourdou |
Dans plusieurs de ces législations, l'État promulgue une langue officielle, parfois deux, mais reconnaît aussi d'autres langues dans des localités ou des secteurs déterminés comme l'école, les services gouvernementaux ou l'affichage. Par exemple, le Kerala a adopté deux langues officielles, le Malayalam et l'anglais, mais il protège aussi le tamoul et le kannada au plan local. L'Andhra Pradesh a rendu le télougou officiel, mais protège aussi l'ourdou dans certains districts. Le Sikkim a quatre langues locales officielles (népalais, bhotia, lepcha et limbo), mais l'hindi et l'anglais ont aussi ce statut à la Législature, dans les tribunaux et dans les écoles.
Bien que chaque État soit découpé selon une base linguistique, le multilinguisme est généralement la règle au sein d'un même État. Seuls les États de Haryana (ourdou) et de Kerala (malayalam) ainsi que le district fédéral de Delhi sont unilingues à 90 %; sont unilingues à 80 % les États du Bengale occidental (bengali), du Gujarat (goujarati), de l'Uttar Pradesh (hindi), d'Orissa (oriya) et du Tamil Nadu (tamoul). Les autres États sont bilingues ou maintiennent concurremment une langue secondaire comme en Assam, au Cachemire, en Himachal Pradesh, au Manipur ou au Tripura. Pour ne mentionner qu'un seul exemple parmi d'autres, le recensement 1971 comptait 166 langues maternelles dans le seul État du Karnataka, un cas classique d'un État multilingue.
Langue maternelle |
1961 | 1971 | 1981 | 1991 |
Augmentation/ Diminution |
Kannada | 65,17 | 65,94 | 65,69 | 66,2 | + 1,03 |
Ourdou | 8,64 | 9,00 | 9,53 | 9,96 | + 1,32 |
Hindi | 0,35 | 0,44 | 1,78 | 1,96 | + 1,61 |
Malayalam | 1,30 | 1,41 | 1,60 | 1,68 | + 0,38 |
Tamoul | 3,64 | 3,36 | 3,76 | 3,84 | + 0,20 |
Télougou | 8,68 | 8,17 | 8,12 | 7,39 | - 1,29 |
Marathi | 4,55 | 4,05 | 3,77 | 3,64 | - 0,91 |
Konkani | 2,08 | 1,96 | 1,74 | 1,57 | - 0,51 |
Toulou | 3,61 | 3,56 | 3,30 | 3,06 | - 0,55 |
Kodagou | 0,33 | 0,24 | 0,21 | - 0,12 | |
Lambani/banjari |
1,16 | ||||
Yerava soliga | 0,04 |
On peut consulter la liste des États fédérés de lUnion pour avoir une idée des langues officielles et des langues d'usage.
5.1 L'Administration régionale
L'administration publique régionale fonctionne dans la ou les langues officielles de l'État, sauf lorsqu'elle communique avec le gouvernement central; c'est alors obligatoirement l'hindi ou l'anglais. Si les États hindiphones utilisent le plus souvent l'hindi, les autres États préfèrent recourir à l'anglais. Lorsqu'ils communiquent avec d'autres États, ils utilisent leur langue officielle si l'autre État a la même langue, ce qui est relativement fréquent entre États hindiphones: Chattisgarh, Gujarat, Hryana, Himachal Pradesh, Jharkhand, Madhya Pradesh, Rajasthan, Uttar Pradesh et Uttar Pradesh. Lorsque les langues officielles sont différentes, c'est l'anglais qui sert de langue véhiculaire. Ce sont les Règlements fédéraux sur les langues officielles qui régissent l'emploi des langues dans trois régions d'application des langues officielles.
Avec leurs administrés, les États emploient leur(s) langue(s) officielle(s), mais ils peuvent aussi, dans des villes ou régions spécifiques, utiliser une langue locale. En principe, la traduction et la publication de règlements importants sont assurées dans toutes les langues parlées par au moins 15 % de la population d'une zone ou d'un district.
De plus, les municipalités peuvent elles-mêmes intervenir dans le domaine linguistique et déclarer co-officielle(s) une langue dans un district donné, là où une ethnie minoritaire est en nombre suffisant, généralement 15 % ou plus. Dès lors, des aménagements concernant les services publics, les écoles et les inscriptions officielles doivent être prévus.
L'affichage se fait également dans la langue de l'État avec l'alphabet correspondant (il existe une douzaine d'alphabets en Inde). La langue de travail est celle de l'État, mais la connaissance de l'hindi et/ou de l'anglais constitue un atout pour obtenir un poste important; la gestion linguistique devient plus compliquée lorsque deux ou trois langues officielles se disputent la dominance au sein d'un même État.
Dans l'affichage commercial, la langue utilisée dans une ville donnée dépend de l'importance de celle-ci. Ainsi, dans les grandes villes, l'unilinguisme anglais constitue l'usage le plus courant; suit le bilinguisme anglais/langue de l'État. Dans les rues secondaires, les commerçants ont tendance à n'employer que la langue de l'État. L'utilisation de l'anglais demeure rare dans les petites villes où une langue locale peut même remplacer la langue de l'État régional (dans le cas où la langue locale est différente de celle de l'État).
5.2 L'éducation et les contraintes constitutionnelles
Dans le domaine de l'enseignement, l'article 350A de la
Constitution indienne oblige tout État à assurer, au primaire, l'enseignement de
la langue maternelle aux enfants appartenant à des groupes minoritaires:
Article 350A Chaque État et chaque autorité locale de cet État devra faire en sorte de fournir aux enfants appartenant à des groupes linguistiques minoritaires des installations adéquates pour l'enseignement dans leur langue maternelle au niveau primaire; et le président, s'il juge nécessaire ou approprié que ces installations soient fournies, pourra donner des directives à cet effet à tout État. |
Pour ces langues minoritaires, il suffit d'une demande de 10 élèves sur 40 pour que l'État soit obligé de fournir un enseignement dans une langue donnée. Il existe aussi un critère de distance pour les «zones tribales», à savoir qu'une école primaire devrait être située à moins de 1,5 kilomètre, mais dans certaines régions rurales cette distance peut atteindre jusqu'à cinq kilomètres. Dans les faits, une bonne soixantaine de langues au total sont enseignées dans les écoles primaires. Le pays a donc la tâche de gérer un système d’éducation qui compte plus de 664 000 écoles primaires, 110 000 écoles secondaires, 300 universités, 8700 collèges universitaires d’enseignement général et 2400 instituts professionnels.
5.3 Le système scolaire indien
En Inde, le système scolaire compte quatre niveaux d'enseignement :
1) le «pré-primaire» (maternelle) appelé "pre-primary school", non obligatoire;
2) le primaire ("primary"), obligatoire;
3) le secondaire ("secondary"), obligatoire au premier cycle;
4) l'enseignement supérieur.
L'enseignement primaire et l'enseignement secondaire se divisent en deux cycles :
Lower Primary | Upper Primary | Secondary | Higher Secondary |
Primaire inférieur (premier cycle) | Primaire supérieur (second cycle) | Secondaire (premier cycle) | Secondaire supérieur (second cycle) |
1re - 5e année | 6e - 7e année | 8e - 10e année | 11e - 12e année |
6 - 10 ans | 11 - 12 ans | 13 - 15 ans | 17 - 18 ans |
Le niveau primaire du premier cycle compte cinq classes (ou années); le primaire du second cycle en a deux; le secondaire du premier cycle, trois; le secondaire du second cycle, deux. Les élèves suivent pour l'essentiel un programme commun jusqu'à la fin du secondaire, sauf en ce qui concerne les langues maternelles. Au second cycle du secondaire, les élèves peuvent suivre une certaine spécialisation (d'ordre technique). La durée totale du secondaire est généralement de quatre ans dans la majeure partie des États. L'admission à l'enseignement supérieur se fait en fonction de la réussite aux examens du second cycle du secondaire; cet enseignement est offert dans les universités, les facultés ou les écoles de technologie supérieure.
L'Inde dispose de trois sortes d’écoles: les écoles publiques, les écoles privées et les écoles privées subventionnées. Chacune d’entre elles doit respecter le programme scolaire imposé par l’État. Les écoles publiques sont appelées "government schools"; elles sont gérées et financées par le gouvernement local. Ces écoles ont le net avantage de requérir de faibles frais de scolarité. Par contre, les écoles privées exigent des frais de scolarité beaucoup plus importants et nécessairement moins accessibles aux classes populaires et rurales. Néanmoins, quelque 60 % des écoles du secondaire sont des établissements privés. Il existe également des écoles privées subventionnées par le gouvernement de l'État, ce qui entraîne des frais moindres et rend ces écoles plus accessibles aux classes moins favorisées.
L'enseignement public indien est perçu négativement par la population. Au chapitre des difficultés, soulignons la surpopulation des classes (plus de 35 élèves/classe en moyenne), le manque de matériel didactique et la faiblesse des infrastructures scolaires, surtout en milieu rural, la pénurie d'enseignants, leur formation souvent inadéquate et leur le taux d’absentéisme élevé (25 % chaque jour), les méthodes pédagogiques souvent désuètes, etc.
Dans ces conditions, les conséquences peuvent être très négatives pour l'école publique. Par exemple, 50 % des élèves de dix ans ne savent pas lire un texte simple, alors que 60 % d’entre eux ne savent pas faire une simple division arithmétiques. De plus, après le premier cycle du secondaire, 50% des jeunes Indiens choisissent une formation professionnelle plutôt qu'une formation post-secondaire.
Les écoles privées, notamment au niveau secondaire, sont mieux perçues que les écoles publiques. Un étude réalisée en 2012 par l'India Institute en collaboration avec l'Université de Newcastle, révélait que, parmi les raisons invoquées par les parents pour lesquelles ils choisissaient d’envoyer leurs enfants dans les écoles privées plutôt que dans le secteur public, c'était d'abord la qualité supérieure de l’enseignement (93,8 %), puis l'enseignement de l'anglais (85,1 %) et la discipline exigée dans ces écoles (85,1 %).
5.4 Les langues d'enseignement
Dans tous le pays, la plupart des élèves doivent apprendre trois langues : leur langue maternelle, l''anglais et l'hindi, à l'exception des régions où l'hindi est déjà la langue maternelle. Selon les enquêtes menées par le gouvernement central, 92,07 % des écoles indiennes de niveau primaire offrent un enseignement dans la langue maternelle des élèves. L'anglais comme langue d'enseignement est enseigné dans les écoles dans une proportion de 12,98 % au primaire et dans une proportion de 25,84 % au premier cycle du secondaire et 33,59 % au seconde cycle. Quant à l'hindi, il est employé comme langue d'enseignement dans les écoles dans une proportion de 46,79 % au primaire et de 41,32 % au premier cycle du secondaire.
Au terme de la fin du premier cycle du secondaire, un certificat d’enseignement secondaire (Secondary School Certificate) est décerné aux élèves qui réussissent les examens prévus par les autorités compétentes de l'État ou la Commission centrale de l’enseignement secondaire (Central Board of Secondary Education ou CBSE). Les élèves qui désirent poursuivre leurs études au niveau supérieur doivent terminer un programme d’enseignement secondaire de deuxième cycle d’une durée de deux ans (11e et 12e années). Ce cycle conduit au certificat d’études secondaires supérieures ou à l’examen du certificat de la 12e année (Higher Secondary Certificate ou Standard XII Examination Certificate). Ce certificat demeure la condition nécessaire pour être admis dans les universités indiennes de premier cycle.
Le tableau qui suit résume les données relatives aux langues enseignées en Inde. Le nombre total dans le choix des langues disponibles est de 320 langues, une moyenne de dix choix de langues par État/territoire, avec des extrêmes de 3 (Himachal Pradesh et Daman-et-Diu) à 25 langues (Uttar Pradesh). Les deux langues les plus fréquemment proposées dans l'enseignement sont l'hindi et l'anglais, qui sont offerts dans tous les États dont les données sont disponibles (voir le tableau des langues enseignées dans les programmes scolaires).
No | Langues enseignées |
Nombre de fois des langues enseignées dans les États indiens |
1 = |
hindi |
32 |
1 = | anglais | 32 |
3 = | ourdou | 21 |
3 = | sanskrit | 21 |
5 | bengali | 15 |
6 | tamoul | 13 |
7 | télougou | 12 |
8 = | arabe | 11 |
8 = | persan | 11 |
10 = | panjabi | 10 |
10 = | marathi | 10 |
12 = | malayalam | 9 |
12 = | kannada | 9 |
12 = | gurarati | 9 |
15 | français | 7 |
Sous-total | - | 222 |
60 autres langues | - | 98 |
TOTAL |
Source: MEGANATHAN, Ramanujam. "Language policy in education and the role of English in India: From library language to language of empowerment" in Dreams and Realities: Developing Countries and the English Language, British Council, p. 9. |
320 |
Voici la répartition des langues enseignées en fonction du
cycle d'études dans les États ou territoires
impliqués:
Nombre | Langue |
Primaire (cycle 1) |
Primaire (cycle 2) |
Secondaire | Supérieur |
1 | assamais | 3 | 2 | 2 | 1 |
2 | bengali | 11 | 12 | 10 | 5 |
3 | gujarati | 8 | 5 | 5 | 5 |
4 | hindi | 24 | 25 | 24 | 21 |
5 | kannada | 6 | 5 | 5 | 2 |
6 | kashmiri | 1 | 1 | 1 | - |
7 | malayalam | 8 | 7 | 5 | 2 |
8 | marathi | 7 | 7 | 6 | 5 |
9 | oriya | 5 | 3 | 2 | 2 |
10 | panjabi | 4 | 3 | 3 | 30 |
11 | sanskrit | 2 | 1 | 1 | - |
12 | sindhi | 5 | 4 | 3 | 2 |
13 | tamoul | 10 | 10 | 9 | 5 |
14 | télougou | 11 | 11 | 9 | 5 |
15 | ourdou | 15 | 15 | 12 | 9 |
16 | anglais | 32 | 32 | 32 | 30 |
On constate que l'anglais est enseigné dès le premier cycle du primaire dans 32 États et territoires (sur 35), l'hindi dans 24, l'ourdou dans 15, le bengali et le télougou dans 11, le gujarati et le malayalam dans 8, le marathi dans 7, le kannada dans 6, l'oriya et le sindhi dans 5, le panjabi dans 4, le sanskrit dans 2 et le kashmiri dans un seul. À l'université, les langues les plus utilisées comme langue d'enseignement sont l'anglais (30), le panjabi (30), l'hindi (21) et l'ourdou (9).
Les langues d'enseignement dans les États indiens
Numéro | État/territoire | Primaire I | Primaire II | Secondaire |
1 | Andhra Pradesh | télougou, ourdou, oriya, anglais, hindi, marathi, kannada, tamoul | télougou, ourdou, oriya, anglais, hindi, marathi, kannada, tamoul | télougou, ourdou, oriya, anglais, hindi, marathi, kannada, tamoul |
2 | Arunachal Pradesh | anglais, hindi | anglais | anglais |
3 | Assam | assamais, bengali, bodo, anglais | assamais, bengali, bodo, anglais, etc. | assamais, bengali, bodo, anglais, etc. |
4 | Bengale occidental | bengali, hindi, ourdou, oriya, tamoul, télougou, gujarati, tibétain, népalais | bengali, hindi, ourdou, oriya, tamoul, télougou, gujarati, tibétain, népalais | bengali, hindi, ourdou, oriya, tamoul, télougou, gujarati, tibétain, népalais |
5 | Bihar | hindi, ourdou, sanskrit, anglais, maithili, bengali, persan | anglais, hindi, sanskrit, ourdou | anglais, hindi, sanskrit, ourdou |
6 | Chhattisgarh | hindi, ourdou, etc. | hindi, ourdou, etc. | hindi, ourdou, anglais, etc. |
7 | Goa | anglais, konkani, marathi, ourdou, kannada | anglais, marathi | anglais, marathi |
8 | Gujarat | gujarati, hindi, anglais, etc. | anglais, gujarati, hindi, ourdou, marathi, sindhi | anglais, gujarati, hindi, marathi, ourdou, sindhi, etc. |
9 | Haryana | anglais, hindi, etc. | anglais, hindi, sanskrit, etc. | anglais, hindi, sanskrit, etc. |
10 | Himachal Pradesh | anglais, hindi, etc. | anglais, hindi, etc. | anglais, hindi, etc. |
11 | Jammu-et-Cachemire | dogri, anglais, hindi, kashmiri, ourdou, etc. | dogri, anglais, hindi, kashmiri, ourdou, etc. | dogri, anglais, hindi, kashmiri, ourdou, etc. |
12 | Jahrkand | anglais, hindi, sanskrit, etc. | bengali, anglais, hindi, sanskrit, etc. | bengali, anglais, hindi, sanskrit, etc. |
13 | Karnataka | kannada, anglais, hindi, marathi, tamoul, télougou, ourdou, malayalam, sanskrit, arabe | kannada, anglais, hindi, marathi, tamoul, télougou, ourdou, malayalam, sanskrit, arabe | kannada, anglais, hindi, marathi, tamoul, télougou, ourdou, malayalam, sanskrit, arabe |
14 | Kerala | malayalam, anglais, tamoul, kannada | malayalam, anglais, tamoul, kannada | malayalam, anglais, tamoul, kannada |
15 | Madhya Pradesh | hindi, anglais, ourdou, marathi | hindi, anglais, ourdou, marathi, etc. | anglais, hindi, ourdou |
16 | Maharashtra | marathi, hindi | anglais, hindi, marathi, etc. | anglais, hindi, marathi, etc. |
17 | Manipur | anglais, hindi, manipouri, etc. | anglais, hindi, manipouri, etc. | anglais, hindi, manipouri, etc. |
18 | Meghalaya | anglais, garo, khasi, etc. | anglais | anglais |
19 | Mizoram | anglais, mizo | anglais, mizo, etc. | anglais, mizo, etc. |
20 | Nagaland | angami, ao, anglais, hindi, konyak, lotha, sema, etc. | angami, ao, anglais, hindi, konyak, sema, etc. | angami, anglais, hindi, etc. |
21 | Orissa | anglais, oriya | anglais, hindi, oriya, etc. | anglais, hindi, oriya, sanskrit, etc. |
22 | Panjab | anglais, hindi, panjabi | anglais, hindi, panjabi, etc. | anglais, hindi, panjabi, etc. |
23 | Rajasthan | hindi, ourdou, etc. | hindi, ourdou, etc. | hindi, ourdou, etc. |
24 | Sikkim | anglais, hindi, népalais, bhotia, lepcha, limbo | anglais, hindi, népalais, bhotia, lepcha, limbo | anglais, hindi, népalais, bhotia, lepcha, limbo |
25 | Tamil Nadu | tamoul, télougou, anglais | tamoul, télougou, malayalam, kannada, ourdou | tamoul, télougou, malayalam, kannada, ourdou |
26 | Tripura | bengali, kokborok, anglais, etc. | bengali, anglais, etc. | bengali, anglais, etc. |
27 | Uttar Pradesh | hindi, ourdou, anglais, panjabi, etc. | hindi, ourdou, anglais, panjabi, etc. | hindi, ourdou, anglais, panjabi, etc. |
28 | Uttarakhand | hindi, ourdou, anglais, etc. | hindi, ourdou, anglais, etc. | hindi, ourdou, anglais, etc. |
29 | Andaman/Nicobar | bengali, hindi, anglais, tamoul, télougou | bengali, hindi, anglais, tamoul, télougou | bengali, hindi, anglais, tamoul, télougou |
30 | Chandigarh | anglais, hindi, panjabi, etc. | anglais, hindi, panjabi, etc. | anglais, hindi, panjabi, etc. |
31 | Dadra Nagar Haveli | gujarati, hindi, anglais, marathi | gujarati, hindi, anglais, marathi, sanskrit | gujarati, hindi, anglais, marathi, sanskrit |
32 | Daman-et-Diu | gujarati, anglais | gujarati, anglais | gujarati, anglais |
33 | Delhi | hindi, ourdou, panjabi, bengali, télougou, etc. | hindi, ourdou, panjabi, bengali, télougou, etc. | hindi, ourdou, panjabi, bengali, télougou, etc. |
34 | Laccadives | malayalam, anglais, etc. | malayalam, anglais, etc. | malayalam, anglais, etc. |
35 | Pondichéry | anglais, tamoul, malayalam, télougou, français | anglais, tamoul, malayalam, télougou, français | anglais, tamoul, malayalam, télougou, français |
Source: | MEGANATHAN, Ramanujam. "Language policy in education and the role of English in India: From library language to language of empowerment" in Dreams and Realities: Developing Countries and the English Language, British Council, p. 22. |
L'une des pratiques les plus courantes en Inde correspond à ce qu'on appelle "The Three-Language Formula», c'est-à-dire la «formule des trois langues» ou encore mieux la «formule trilingue»: la langue maternelle (ou la langue régionale), une langue officielle (hindi ou anglais) et une autre langue moderne, indienne ou étrangère : l'hindi, l'anglais et la langue officielle régionale. Cette expression est rarement utilisée dans les documents officiels par les autorités centrales, mais l'expression est connue et largement acceptée dans les États indiens. Il s'agit d'une sorte de compromis entre la notion d'efficacité et de rentabilité de la communication au sein de la grande diversité linguistique du pays et le respect de la plupart des langues locales. C'est là le résultat de la politique linguistique la plus représentative de l'Inde. Par ordre d'importance, il faut d'abord apprendre la langue officielle régionale (ce qui vaut pour plus de 80 % des Indiens), puis l'hindi (la langue de l'identité et de l'unité nationale) et ensuite l'anglais (la langue des communications internationales).
Si l'État central privilégie d'abord l'hindi, puis l'anglais, les États indiens favorisent nettement leur langue officielle qui, dans certains cas, est l'hindi: Bihar, Haryana, Himachal Pradesh, Madhya Pradesh, Rajasthan, Uttar Pradesh, Delhi, Jharkhand, Chhattisgarh, Andaman-et-Nicobar, Chandigarh, Daman-et-Diu, Dadra-et-Nagar-Haveli. Il reste encore 21 autres langue indiennes: assamais, bengali, bodo, dogri, goujarati, kannada, kashmiri, konkani, maithili, malayalam, manipouri, marathi, népali, oriya, ourdou, panjabi, sanskrit, santali, sindhi, tamoul et télougou. La formule à trois langues a été mise au point comme un moyen d'accommoder l'intérêt de chaque groupe linguistique. En vertu de cette «formule», la politique consiste donc à encourager les enfants à choisir et apprendre trois langues à l'école, en commençant par la langue régionale officielle. Dans les États officiellement hindiphones, les élèves choisissent souvent comme langue étrangère le sanskrit, le persan ou l'arabe. C'est aussi dans ces États où l'anglais est mieux appris.
Sur les douze années d’études au primaire et au secondaire, l’enseignement se fait dans la langue maternelle (ou régionale) de la 1re à la 5e année, la FTL est introduite à partir de la 6e année. On peut résumer la situation de la façon suivante:
(1) Dans les États hindiphones :
(a) l'hindi (avec le sanskrit);
(b) l'ourdou ou une autre langue moderne indienne excluant (a);
(c) l'anglais ou une autre langue moderne européenne.(2) Dans les États non hindiphones :
(a) la langue régionale;
(b) l'hindi;
(c) l'ourdou ou une autre langue moderne indienne excluant (a) et (b);
(d) l'anglais ou une autre langue moderne européenne.
Le tableau qui suit présente pour quelques États les langues enseignées dans le cadre de la «formule trilingue»:
État | Langue officielle |
Langue maternelle (première langue) |
Seconde langue | Troisième langue |
Andhra Pradesh | télougou | ourdou | télougou | anglais ou hindi |
Bengale occidental | bengali | bengali, hindi, anglais, népali, ourdou, assamais, gujarati, malayalam, marathi, tibétain, oriya, panjabi, santali, tamoul, télougou, lushai ou soudani | anglais, bengali ou népali | bengali, hindi, sanskrit, pali, persan, arabe, latin, grec ancien, arménien, français, russe, portugais, espagnol ou italien |
Bihar | hindi - ourdou | hindi, ourdou, bengali, oriya, maithali ou santali | hindi (non-hindiphones) ou sanskrit (hindiphones) | anglais |
Chhattisgarh | hindi | hindi, ourdou ou anglais | anglais ou hindi | sanskrit, ourdou, panjabi, marathi, gujarati, tamoul, bengali, télougou ou malayalam |
Delhi | anglais - hindi | hindi | anglais | sanskrit ou ourdou, panjabi, sindhi, bengali, malayalam, gujarati, tamoul, télougou, persan, kannada, arabe ou marathi |
Goa | konkani | konkani, marathi, ourdou ou kannada | hindi et sanskrit ou hindi et marathi | anglais |
Gujarat | gujarati - hindi | hindi, ourdou, marathi ou sindhi | anglais | sanskrit, persan ou arabe |
Haryana | hindi | hindi | anglais | télougou, sanskrit, ourdou ou panjabi |
Himachal Pradesh | hindi | hindi | anglais | ourdou, tamoul, télougou, malayalam et bengali |
Madhya Pradesh | hindi | hindi, anglais, marathi, ourdou, panjabi, sindhi, bengali, gujarati, tamoul, télougou ou malayalam | hindi ou anglais | hindi, anglais, sanskrit, marathi, ourdou, panjabi, sindhi, gujarati, télougou, tamoul, malayalam, arabe, persan, français ou russe |
Karnataka | kannada | kannada | anglais | hindi |
Maharashtra | marathi | marathi |
marathi et hindi; marathi et pali; marathi et arabe |
anglais |
Rajasthan | hindi | hindi | anglais | sanskrit, ourdou, sindhi, panjabi ou gujarati |
Tripura | anglais - bengali - tripouri | tripouri, anglais, bengali ou kokborok | anglais ou bengali | hindi ou sanskrit |
Uttar Pradesh | hindi | hindi | anglais ou autre langue européenne | assamais, bengali, gujarati, kannada, maithili, malayalam, marathi, népali, oriya, panjabi, sanskrit, santali, sindhi, tamoul, télougou ou ourdou |
Dans ce pays, il est tellement normal d'apprendre plusieurs langues qu'il n'est pas rare de constater dans des établissements d'enseignement que les enseignants et les élèves communiquent dans une langue, les cours sont donnés dans une autre, les manuels écrits sont rédigés dans une troisième, alors que les devoirs ou travaux sont faits dans une quatrième langue.
De façon générale, toutes les langues parlées par au moins un million de locuteurs sont des langues protégées, de même que pour les 22 langues constitutionnelles et les langues officielles et/ou administratives des États. De plus, les langues comptant plus de 10 000 locuteurs sont en principe enseignées dans les écoles primaires, mais certains États peuvent trouver le moyen de contourner cette obligation.
Évidemment, tout n'est pas parfait dans le merveilleux paradis des langues en Inde. Certains États font en sorte d'interpréter les lois du gouvernement central à leur façon. C'est que la protection des petites minorités a un coût! La règle des 10 élèves pour ouvrir des classes spéciales n'est pas toujours respectée. Bien que la Constitution de l'Union prescrive que l'on doit enseigner à tous les enfants dans leur langue maternelle, il faut tenir compte aussi de la disponibilité des fonds publics et du personnel enseignant. Certains États ont saisi ces prétextes pour supprimer les droits linguistiques. Il peut être en effet difficile d'embaucher un enseignant pour un groupe de 15 élèves appartenant à une minorité linguistique, alors qu'un professeur d'anglais pourra enseigner à 40 élèves. Par exemple, dans l'État d'Oriya, il n'existe aucune traduction des règlements (en oriya et en anglais) dans les langues des minorités, alors que ces langues sont nombreuses dans cet État: ho, koya, khond, télougou, sabar, munda, etc. Le nombre minimal pour une classe minoritaire est de 20 élèves. Des États s'organisent pour ne jamais tenir compte des plaintes des citoyens en matière linguistique. L'une des raisons les plus souvent mentionnées pour faire fi des droits des minorités est le manque de ressources financières. Or, c'est le cas de tous les États, mais certains d'entre eux réussissent tout de même à respecter ces droits.
En 2009, le taux d’alphabétisation des moins de 15 ans
atteignait une moyenne de 79,7 %, dont 85,9 % pour les hommes et 73,8 % pour les
femmes. Chez les adultes, la proportion d'analphabètes est plus élevée, car elle
s'élève en moyenne à 62,3%, dont 73,5 % pour les hommes et 51,3 % pour les
femmes.
Âge | Taux d'alphabétisation total | Taux d'alphabétisation des hommes | Taux d'alphabétisation des femmes |
Moins de 15 ans | 79,7 % | 85,9 % | 73,8 % |
Plus de 15 ans | 62,3 % | 73,5 % | 51,3 % |
Ce tableau illustre un écart important entre l'instruction des hommes et l'instruction des femmes. L’éducation des femmes est plus négligée en Inde, car elles sont souvent mariées avant leur majorité, alors que des parents ne voient donc pas l'utilité de les envoyer à l’école. Dans bien des cas, les mères font subir à leur fille le même sort qui a été le leur et ne voient pas pourquoi ce serait différent. Par ailleurs, certains parents, eux-mêmes analphabètes, considèrent l’école comme une perte de temps puisqu’elle ne leur a pas servi à eux, puisqu'ils ont pu vivre uniquement leur savoir-faire agricole ou technique. Selon les critères de l'UNESCO, l'atteinte du taux de 85 % d’alphabétisation de la population serait un minimum pour que l'Inde soit considérée comme pays totalement alphabétisé.
En Inde, force est de constater qu'il y a autant de politiques linguistiques que d'États. Chacun a développé sa propre politique à partir des prescriptions constitutionnelles, notamment en matière d'éducation. Malgré le grand nombre des langues dans le pays, les langues régionales officielles du pays semblent bien protégées par le fédéralisme linguistique de l'Union, qui permet la séparation territoriale des langues. Il est vrai que la dominance de l'hindi pourrait s'accentuer. Pour l'instant cependant, on ne voit pas comment l'hindi pourrait réussir à supplanter les langues officielles régionales (''scheduled languages'') tant que l'anglais restera la langue dominante de l'État central. Ces langues conservent toutes les chances de se maintenir: elles disposent d'un État et de frontières linguistiques sécurisantes. La situation apparaît différente pour les plus petites langues, les langues tribales ou ''non-scheduled languages'', davantage laissées à elles-mêmes. Il est probable qu'un jour plusieurs de ces langues seront menacées d'extinction. Pour le moment, le «combat linguistique» se passe entre l'hindi et l'anglais. Anciennement perçu comme la «langue de l'oppresseur», l'anglais est devenu le contrepoids de l'hindi devenu à son tour la «langue de l'oppresseur», surtout de la part des États du Sud, de langues dravidiennes. Néanmoins, les politiques linguistiques élaborées dans les États indiens contribuent à réduire le pouvoir d'attraction d'une langue à la fois dominante et subordonnée, l'hindi.
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