État du Bengale occidental |
Bengale occidental (Inde) |
Le Bengale occidental (en anglais:
West Bengal; en bengali: Poshchim Bônggo) est un État indien d'une
superficie de 88 752 km² (Inde: 3 287 590 km²) situé
au nord-ouest. L'État est limité au nord par l'État du Sikkim, le Bhoutan, à
l'est par l'État d'Assam et le Bangladesh, au sud par le golfe du Bengale et
l'État d'Orissa, à l'ouest par les États de Jharkhand et de Bihar, ainsi que
par le Népal.
La capitale du Bengale occidental est Calcutta (en bengali: Kolkota). L'État est divisé administrativement en 19 districts : Darjeeling, Jalpaiguri, Cooch Behar, Uttar Dinajpur, Dakshin Dinajpur, Malda, Birbhum, Murshidabad, Bardhaman, Nadia, Purulia, Bankura, Hooghly, Parganas-Nord, Paschim Medinipur, Howrah, Kolkata, Parganas-Sud et Purba Medinipur.
Lors de l'accession de l'Inde à
l'indépendance (1947),
l'ancien Bengale, qui comprenait alors le Bengale
occidental, l'actuel Bangladesh, le Bihar et l'Orissa, fut
partagé en deux, la partie est, majoritairement musulmane,
devint le Pakistan oriental, puis le Bangladesh, et la
partie ouest, majoritairement hindoue, devint le Bengale
occidental indien.
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Lors du recensement fédéral de 2001, la population du Bengale occidental était de 80,1 millions d'habitants. Cet État, à l'instar de bien d'autres, est une région multiethnique, multilingue et de confessions religieuses multiples. Les locuteurs du Bengale occidental parlent quatre types de langues: des langues indo-iraniennes, des langues sino-tibétaines, des langues autro-asiatiques et des langues dravidiennes. Le tableau qui suit ne présente que les langues parlées par plus de 1000 locuteurs; il ne montre pas les plus petites langues parlées par quelques centaines, voire quelques dizaines de locuteurs ou encore moins.
Langue maternelle | Locuteurs (2001) | Pourcentage | Groupe linguistique |
bengali | 68 369 255 | 85,2 % | langue indo-iranienne |
hindi | 5 747 099 | 7,1 % | langue indo-iranienne |
santali | 2 247 113 | 2,8 % | famille austro-asiatique |
ourdou | 1 653 739 | 2,0 % | langue indo-iranienne |
népalais | 1 022 725 | 1,2 % | langue indo-iranienne |
télougou | 208 769 | 0,2 % | famille dravidienne |
kurukh | 201 309 | 0,2 % | famille dravidienne |
oriya | 186 391 | 0,2 % | langue indo-iranienne |
panjabi | 67 952 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
munda | 61 862 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
gujarati | 46 926 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
bodo | 37 654 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
koda | 33 218 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
mundari | 32 571 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
maithili | 22 064 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
tamoul | 20 238 | 0,0 % | famille dravidienne |
malayalam | 17 043 | 0,0 % | famille dravidienne |
anglais | 15 681 | 0,0 % | langue germanique |
marathi | 15 176 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
lepcha | 14 731 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
rabha | 10 967 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
assamais | 7 835 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
kharia | 7 276 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
tibétain | 7 107 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
bhotia | 6 508 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
bhumij | 6 304 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
sindhi | 5 749 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
tamang | 4 897 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
ho | 4 235 | 0,0 % | famille austro-asiatique |
persan | 3 670 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
arabe | 2 913 | 0,0 % | famille chamito-sémitique |
sherpa | 2 902 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
kannada | 2 755 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
limbu | 2 377 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
dogri | 2 006 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
malto | 1 961 | 0,0 % | famille dravidienne |
savara | 1 696 | 0,0 % | famille dravidienne |
koch | 1 583 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
garo | 1 457 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
rai | 1 137 | 0,0 % | famille sino-tibétaine |
kashmiri | 1 084 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
manipouri | 1 075 | 0,0 % | langue indo-iranienne |
2.1 Le bengali
Le tableau précédent montre que le bengali est la langue de la majorité de la population dans une proportion de 85 %. C'est une langue indo-iranienne de la famille indo-européenne. Le bengali est particulièrement proche du bihari, de l'assamais et de l'oriya. Cette langue est parlée non seulement au Bengale occidental, mais également dans les États indiens de Jarkhand, Bihar; Assam, Meghalaya, Mizoram et Nagaland, ainsi qu'au Bangladesh. Il existe aussi des bengalophones au Népal et au Bhoutan. Avec l'assamais, le bengali est la langue la plus orientale des langues indo-européennes. De plus, le bengali est la 4e langue du monde (250 millions de locuteurs) après le chinois mandarin (885 millions), l'espagnol (358 millions), l'anglais (322 millions) et avant l'arabe (200 millions).
Le bengali s’écrit à l’aide d’un alphabet dérivé du sanskrit appelé alphabet bengali:
- Pour les voyelles:
- Pour les consonnes:
Voici un court texte rédigé avec l'alphabet bengali; il s'agit de l'article 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme:
«Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» |
Le bengali présente plusieurs variétés dialectales. Selon la classification du linguiste irlandais George Abraham Grierson (1851-1941), il convient de distinguer six grands groupes dialectaux:
Central Bengali (Standard) Bengali central (standard) |
Northern
Bengali (Koch, Siripuria),
Rajbanshi, Bahe) Bengali septentrional |
Western Bengali (Kharia Thar, Mal Paharia, Saraki) Bengali occidental |
Eastern Bengali
(Barisal, Chittagong, Comilla,
Faridpur, Noakhali, Manikganj, Mymensingh, Munshiganj et Sylhet ) Bengali oriental |
Southwestern Bengali Bengali du Sud-Ouest |
Southeastern
Bengali Bengali du Sud-Est |
Chacun des groupes peut lui-même fragmenté en plusieurs variétés dialectales. La variété du bengali central sert de norme pour le bengali standard. Les variétés du bengali occidental correspondent aux dialectes du Bengale occidental (Inde), alors que les autres sont parlés au Bangladesh. La plupart des locuteurs du bengali sont capables de communiquer dans plus d'un dialecte, car l'intercompréhension est relativement aisée d'une région à l'autre, sauf lorsque les régions sont éloignées l'une de l'autre (p. ex. le Nord et le Sud).
Il existe deux formes d'écriture du bengali :
1) La shadhubhasha («la langue de sages»): il s'agit d'une écriture ancienne tirée du sanskrit et utilisée dans l'hymne national, les textes littéraires, les chansons, etc., mais son usage est de plus en plus à la baisse.
2) La choltibhasha («la langue courante»): c'est une écriture plus proche de la langue parlée, qui sert généralement de norme pour le bengali écrit.
Au point de vue grammatical, les noms du bengali sont caractérisés par trois genres (masculin, féminin et neutre), avec des terminaisons spécifiques, mais le neutre n'a pas de forme particulière au pluriel. Le bengali compte sept cas de déclinaison, selon l'ordre suivant: nominatif, accusatif, instrumental, datif, ablatif, génitif, et locatif. Les adjectifs ne possèdent ni nombre ni cas; ils ont une terminaison particulière pour former le féminin.
Le bengali contemporain possède un vocabulaire remarquablement riche. Il a emprunté et incorporé de nombreux termes du sanskrit, du persan, de l'hindi, de l'ourdou, de l'anglais, du portugais, mais également du grec, de l'arabe, du néerlandais, du turc, du français, du japonais, du malayalam, du birman, etc. Cependant, il faut comprendre que tous les emprunts ne sont pas numériquement équivalents. En effet, un dictionnaire normal de bengali compte environ 75 000 mots, dont 50 000 proviennent du sanskrit (soit 67 %). Il reste environ 20 000 mots typiquement bengali (28 %) et le reste provient des langues étrangères, dont le persan, le portugais, le français, l'anglais, l'arabe, le chinois, l'hindi, le turc, etc. L'apport arabo-persan est relativement important, car le persan a été longtemps la langue de l'administration du Bengale.
En général, le bengali adapte les emprunts de façon à les intégrer phonétiquement à la langue d'arrivée. En voici quelques exemples:
De l'anglais: ôfish (< office: "bureau"), inchi (< inch: "pouce", unité de mesure), kap (< cup: "tasse"), khrishtan (< Christian: "chrétien"), glash (< glass: "verre"), jel (< jail: "prison"), tebil (< table: "table"), daktar (< doctor: "docteur"), pulish : (< police: "police"), fut (< foot: "soccer"), bêngk (< bank: "banque"), skul (< school: "école"), hashpatal (< hospital: "hôpital").
Du français: ingrej (< anglais), kartuj (<cartouche), restorañ (< restaurant), shemiz (< chemise).
Du portugais: shaban (< sabão: "savon"), bomba (<bomba: "bombe"), tamak (< tabaco: "tabac"), botam (< botão: "bouton").
2.2 Les langues minoritaires
Le Bengale occidental n'abrite que fort peu de langues minoritaires importantes, mais il faut souligner au moins les suivantes: l'hindi, le santali, l'ourdou, le népalais, le kurukh et l'oriya.
Le santali est une langue austro-asiatique parlée par 2,2 millions de locuteurs dans cet État, mais il est utilisé par six millions de locuteurs dans d'autres États de l'Inde (Jharkhand, Assam, Bihar, Orissa, Tripura) ainsi qu'au Bangladesh, au Népal et au Bhoutan.
Le népalais, une langue indo-iranienne, est parlé par plus d'un million de locuteurs dans le Bengale occidental, surtout dans le district de Darjeeling, mais cette langue est aussi employée dans le Sikkim (500 000 locuteurs), ainsi qu'au Népal (10 millions) et au Bhoutan (250 000).
Le kurukh, une langue de la famille dravidienne, est utilisé par plus de 200 000 locuteurs dans le Bengale occidental, mais au total par plus de deux millions dabs le nord du Bangladesh, ainsi que dans les États du Bihar, de Jharkhand, d'Orissa, du Madhya Pradesh et de Chhattisgarh.
L'oriya, pour sa part, est une langue indo-iranienne parlée par moins de 200 000 locuteurs, mais utilisée également dans l'État voisin de l'Orissa comme langue officielle, ainsi que dans les États de Jharkhand, de l'Andhra Pradesh et de Chhatisgarh.
L'État du Bengale occidental est caractérisé également par la présence de nombreuses petites langues austro-asiatiques et sino-tibétaines, dont la plupart sont en voie d'extinction.
Dans cet État, les hindous forment la majorité de la population (72,5 %), alors que les musulmans composent 25 % de celle-ci, y compris quelques communautés bouddhistes, chrétiennes et animistes.
En raison de sa position stratégique, le Bengale ancien a servi de port d’entrée et d'intermédiaire commercial entre le sud de l’Asie et l’Extrême-Orient. L’influence du Bengale s’est répandue partout. De puissants empires (Gangaridai et Prasioi, Mauryas, Guptas, Sasanka, Pala, Senas) se sont succédé dans la région durant plusieurs siècles. Dans l'Antiquité, le Bengale était connu comme la terre de l’abondance. Alexandre le Grand a parcouru la région, attiré par son abondance légendaire.
Le Bengale fut converti à l'hindouisme très précocement et fit partie des grands empires de l'Inde du Nord. Il a acquis une certaine personnalité sous la dynastie des Pala après le VIIIe siècle, qui développèrent le bouddhisme. Les Pala agrandirent le territoire pour englober les États actuels de Bihar, d'Orissa et du Bangladesh. Après 1200, la région fut conquise par les musulmans, mais ceux-ci ne purent islamiser le reste de l'Inde. Après 800 ans de domination musulmane, seulement 25 % de la population indienne avait été islamisée. Toutefois, le Bengale et le Pakistan actuel subirent l'islamisation en raison de l'établissement dès le XIVe siècle de fortes principautés musulmanes. À la suite de cette invasion islamiste, surgit une langue commune aux hindous et aux musulmans: l'ourdou qui est resté la langue véhiculaire d'une grande partie du nord de l'Inde et du Pakistan.
3.1 Le Bengale britannique
À la fin du XVIe siècle, l'actuel territoire du Bangladesh fut conquis par l'empereur moghol Akbar; la majorité de la population, initialement bouddhiste, fut convertie à l'islam. Parallèlement au déclin de la puissance moghole au XVIIIe siècle, une dynastie distincte émergea au Bengale, au Bihar et dans l'Orissa, sous la domination des nababs du Bengale. Dès le XVe siècle, les Européens commencèrent à s'intéresser aux richesses du Bengale, notamment les Portugais, les Anglais et les Français. Tous installèrent des comptoirs le long de la Hooghly. Les nababs entrèrent bientôt en conflit avec les Britanniques et presque la totalité de la région (à l'exception du Cooch Behar et Tripura) devint une «division» des Indes britanniques en 1699. C'est à partir du Bengale que les Britanniques organisèrent la conquête de l'Inde du Nord. Les Anglais réussirent à imposer définitivement leur domination après la bataille de Plassey en 1757. Puis la défaite du général français Thomas de Lally-Tollendal à Madras (1758) et sa reddition à Pondichéry (1761) assurèrent à la couronne d'Angleterre la domination sur tout le sous-continent indien, soit du Pakistan jusqu'au Sri Lanka.
La province du Bengale fut une des plus importantes de l'Inde britannique, dont Calcutta devint la capitale entre 1857 et 1910. À l'époque, le Bengale incluait l'actuel Bangladesh, le Bihar, l'Orissa et s'étendait jusqu'à Agra (la ville du Taj Mahal). Au gré des décisions politiques, le Bengale fut plusieurs fois morcelé, notamment en 1905. C'est pourquoi lord Curzon (1859-1925), alors vice-roi des Indes britanniques, divisa le Bengale, car il considérait que cette province était trop étendue pour pouvoir être administrée correctement. Cette partition allait donner naissance au Bengale occidental (actuel Bengale occidental, le Bihar et l'Orissa) et au Bengale oriental (Bangladesh actuel et Grand Assam élargi). Toutefois, un mouvement massif avec l'appui du Congrès a amené la réunification du Bengale en 1911.
Durant la colonisation britannique, les autorités exploitèrent consciemment l'antagonisme entre hindous et musulmans afin de diviser pour régner. Les Britanniques favorisèrent d'abord les hindous parce qu'ils se méfiaient des musulmans. Puis devant le nationalisme musulman, les Britanniques tentèrent de gagner l'appui des musulmans aisés en leur offrant plus d'emplois au gouvernement et dans les établissements d'enseignement. La grande mutinerie en 1857 en Inde du Nord marqua le début des mouvements nationaux, lesquels atteignirent leur apogée dans les années 1920 avec Gandhi (assassiné en 1948). Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’histoire du Bengale se confondit avec celle de l’Inde.
3.2 Le Bengale occidental
En 1947, avec l'indépendance de l'Inde et la séparation de ce grand pays en deux entités: l'Inde hindoue et le Pakistan musulman, la partie occidentale de l'ancienne province du Bengale fut attribuée à l'Inde sous le nom de Bengale occidental (aujourd'hui le Pakistan) et la partie orientale devint le Pakistan oriental (aujourd'hui le Bangladesh). Les deux Pakistans ou Dominion du Pakistan restèrent séparés par la langue (ourdou et bengali), la culture et plus de 1600 km de territoire indien; l'islam apparut comme le seul lien unificateur des deux Pakistans. Les musulmans de l'Inde affluèrent dans les deux Pakistans, alors que les hindouistes se réfugièrent en Inde. Quelque 11 millions d'hindous émigrèrent vers l'Inde au moment de la partition. Victime d'affrontements communautaires dès 1946, le Bengale fut divisé en deux en 1947, la partie ouest devenant le Bengale occidental (sous domination hindoue), la partie est devenant le Pakistan oriental (sous domination musulmane), puis en 1971 le Bangladesh.
Le Bengale occidental devint un État indien en 1947. Puis la principauté du Cooch-Behar fut réunie en 1950 au Bengale occidental. En 1954, l'ancienne possession française de Chandernagor lui fut également rattachée. Au cours de la réorganisation des États de l'Union indienne en 1956, des parties de l'État du Bihar furent transférées au Bengale occidental.
Diverses commission d'enquête ont été instituées afin de faire le point sur la langue bengali: la commission RadhaKrishnan (1948-1949), la commission Mudaliar (1952-1953) et la commission Kothari (1964-1966). Elles ont toutes suggéré d'accorder de l'importance au bengali dans dans l'éducation générale. Divers organismes gouvernementaux comme l'Académie de bangali (Bangla Academy), l'Université de Calcutta (Calcutta University), la Bangiya Sahitya Parisat, la Société asiatique (Asiatic Society), etc., ont joué un rôle actif dans la question du processus de standardisation du bengali.
En 1961, la Loi sur la langue officielle du Bengale occidental (West Bengal Official Language Act) reconnaissait le bengali comme langue officielle de l'État, tout en autorisant le népalais comme langue co-officielle dans le district de Darjeeling (au nord-ouest). La loi fut modifiée en 1964 pour permettre l'usage de l'anglais et en 1973 pour accepter que le népalais soit employé dans les lois et règlements du Parlement lorsqu'ils sont applicables dans le district de Darjeeling.
Aujourd'hui, le Bengale occidental constitue la première région industrielle de l'Inde. On y trouve des aciéries, des usines de transformation de l'aluminium, de fabrication et d'assemblage automobile, de production d'engrais, de verre et de câbles. Outre l'agriculture, les industries légères, notamment les textiles (soie), sont également importantes dans l'économie régionale.
L'État du Bengale occidental pratique une politique linguistique destinée à valoriser la langue officielle locale, le bengali, tout en assurant certains droits au népalais (népalais) et à d'autres langues locales. Bien que la langue officielle de l'État soit le bengali le népalais a aussi été reconnu comme langue complémentaire officielle dans quelques districts.
4.1 Le bengali comme langue officielle
C'est la Loi sur la langue officielle du Bengale occidental de 1961, qui définit le mieux cette politique. Le titre officiel de la loi est bel et bien "West Bengal Official Language Act" («Loi sur la langue officielle»), mais on ne retrouve par la suite dans le texte de la loi aucunement l'expression «langue officielle» ("official language") pour désigner une langue en particulier, que ce soit le bengali, le népalais ou l'anglais, lesquels sont les seules langues dûment mentionnées. La loi n'utilise que la formule «à des fins officielles» ("for the official purposes") pour traiter du caractère officiel d'une langue. Voici comment est libellé l'article 2 au sujet du statut officiel des langues:
Article 2 Emploi des langues à des fins officielles de l'État À compter de cette date, au plus tard quatre ans suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le gouvernement peut, peut par avis dans le Journal officiel désigner à ce sujet :
lesquels doivent être les langues utilisées à des fins officielles par l'État du Bengale occidental prévues à l'article 345 de la Constitution de l'Inde; et des dates différentes peuvent être désignées à des fins officielles différentes ou pour divers endroits dans le Bengale occidental : À la condition que le résultat d'un tel avis soit sans préjudice :
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La Loi sur la langue officielle reconnaît à l'article 2 que dans les trois subdivisions du district de Darjeeling, soit Darjeeling, Kalimpong et Kurseong, le bengali et le népalais doivent être les langues employées pour les fins officielles de l'État du Bengale occidental.
La Loi sur la langue officielle prévoit à l'article 4 une disposition pour le maintien de l'anglais à des fins officielles de l'État et pour son emploi dans la Législature de l'État.
Article 4 Continuité de la langue anglaise à des fins officielles de l'État et son emploi à la Législature de l'État Nonobstant -
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La politique linguistique du Bengale occidental est encore tributaire du colonialisme britannique. Elle découle principalement de l'importance de l'anglais et de l'attitude bureaucratique de l'administration locale envers cette langue. Les problèmes et les conflits qui en résultent proviennent de certains facteurs sociaux associés à la domination de l'anglais. Même après plus de six décennies d'indépendance, la plupart des Bengalis croient que, pour obtenir un emploi dans la fonction publique et dans les sociétés multinationales, il faut avoir reçu son instruction en anglais. Ce colonialisme, plus économique que politique, incite les Bengalis à investir plus dans l'anglais que dans le bengali. Une telle situation a engendré la nécessité d'une planification linguistique et la prise de décisions en faveur du bengali.
En vertu de la Loi sur la langue officielle de 1961, le bengali a été déclaré langue officielle du Bengale occidental, mais le résultat à ce sujet est mitigé. Ainsi, à la Législature régionale, les projets de loi sont généralement présentés et adoptés en anglais, bien que le bengali soit parfois employé. Souvent, les projets de loi, tous rédigés en anglais, sont discutés en bengali, mais adoptés en anglais. Tout parlementaire a le droit de s'exprimer en anglais, en bengali ou dans une langue minoritaire, mais il n'existe à peu près pas de traduction simultanée. Il peut arriver de prévoir un service d'interprétariat (anglais-bengali), mais pas toujours et jamais de façon systématique. Le Journal officiel et tous les registres de la Législature ne sont publiés qu'en anglais. Depuis quelques années, des efforts sont faits pour présenter des projets de loi en bengali, mais les résultats ne semblent guère concluants.
Dans de nombreux services gouvernementaux, le bengali et l'anglais sont en principe employés. Cependant, seul l'anglais est toujours employé dans certains services comme langue officielle de communication. Ainsi, pour les fins de la correspondance officielle aux niveaux inférieurs, le bengali demeure plus souvent employé que l'anglais. De même, l'emploi du bengali est beaucoup plus fréquent que l'anglais dans les réunions, débats et tous les échanges oraux.
Si les avis et les circulaires sont rédigés en bengali et en anglais, il n'est pas ainsi dans le cas des instructions officielles comme la poste, les transferts, les promotions, les congés de sanction, où l'anglais est toujours employée. Au niveau des plus petites unités administratives, comme le taluk (à l'intérieur d'un district), l'administration fonctionne en bengali, mais dans les échelons plus élevés de l'administration c'est l'anglais qui est employé. Les instructions relatives aux concours d'admission dans la fonction publique et la commission des services publics sont toujours en anglais. Bref, au fur et à mesure qu'on s'élève dans la hiérarchie, l'anglais prend de l'importance. En général, la traduction en bengali est prévue avec l'anglais dans les divers domaines administratifs, mais de façon générale la langue de départ est l'anglais, le bengali, la langue d'arrivée. Dans la désignation des bureaux, sociétés, organismes locaux, en-têtes, routes, rues, etc., c'est le bilinguisme bengali-anglais. Au niveau administratif du gouvernement central, l'emploi du bengali est limité aux échanges oraux internes, sinon c'est l'anglais ou l'hindi. Dans le secteur privé et les organismes internationaux, le bengali doit encore trouver sa place par rapport à l'anglais dans l'administration.
Dans les tribunaux, la situation est complexe. En principe, le tribunal siège en anglais, mais le bengali est autorisé dans les témoignages oraux. Le témoignage peut être consigné en anglais si le juge estime que la cause pourrait être reportée dans un tribunal supérieur. Au niveau du taluk, le bengali est généralement employé à des fins judiciaires. Dans les tribunaux d'instance supérieure, l'anglais est la seule langue autorisée, mais les traductions sont parfois incontournables.
4.2 les langues minoritaires reconnues
Rappelons que les langues minoritaires,
parlées par un nombre significatif de locuteurs (plus d'un
million) au Bengale occidental, sont l'hindi, le santali,
l'ourdou et le népalais. La Loi
sur la langue officielle du Bengale
occidental de 1961
reconnaît à l'article 2 que le bengali
et le népalais doivent être les langues employées pour
les fins officielles de l'État du Bengale occidental dans les trois subdivisions du
district de Darjeeling (tout au nord), soit Darjeeling, Kalimpong et Kurseong.
Le népalais y est parlé par un peu plus de 49 % de la population dans
le district de Darjeeling.
De plus, dans le district de Cooch Bihar, l'hindi
est reconnu comme
langue minoritaire (secteurs de Rabha, Lama, Lepcha et
Mogh), alors que dans le
district de Jalpaiguri
ce sont l'hindi et le népalais.
Au plan historique, le district de Darjeeling a déjà appartenu au royaume de Sikkim, qui avait perdu ce territoire plusieurs fois à partir du XVIIIe siècle. L'identité ethnique des "Gorkha" provient du royaume du même nom qui avait été uni au Népal. |
Par ailleurs, la Loi sur la langue officielle de 1961 a été modifiée en 1975 afin que le népalais, en plus du bengali, puisse être employé dans l'adoption des lois, règlements et décrets du gouvernement de l'État (art. 5). Toutefois, bien que la seule langue minoritaire reconnue à des fins officielles soit le népalais, l'État peut néanmoins autoriser l'usage d'autres langues à des fins spécifiques, par exemple administratives, judiciaires ou scolaires.
D'après le gouvernement, des instructions ont été données pour que les lois et règlements important soient publiés dans les langues des minorités, mais aucun détail sur ces publications n'a été transmis au commissaire aux minorités linguistiques («Commissioner Linguistic Minorities») du gouvernement central. Le gouvernement du Bengale occidental a aussi affirmé que les requêtes des citoyens sont reçues dans les langues des minorités et que les réponses sont données dans cette même langue, mais rien n'a pu être confirmé de la part du CLM, sauf dans le district de Darjeeling, là où le bengali et le népalais sont co-officiels (secteurs de Darjeeling, de Kalimpong et de Kurseong). En ce qui a tait au recrutement pour les postes de la fonction publique, il semble que le gouvernement de l'État ait recours à des traductions pour certains documents destinés aux membres des minorités, mais la connaissance du bengali est toujours considérée comme essentielle pour exercer une fonction dans les services publics.
4.3 L'éducation
À la fin des années 1990, l'Inde a adopté une série de politiques et de programmes pour améliorer la qualité de son système d'éducation. Ces politiques prévoient un droit à l'instruction pour tous les citoyens. Le gouvernement du Bengale occidental est tenu d'autoriser l'instruction au primaire dans la langue d'une minorité s'il existe une demande de la part d'au moins 10 élèves dans une classe ou 30 élèves dans une école.
Dans la plupart des écoles primaires publiques (env. 80 %) du Bengale occidental, le bengali est la langue d'enseignement. Il existe des écoles primaires et secondaires privées où la langue d'enseignement est l'anglais, mais elles sont peu nombreuses. Au niveau secondaire, le bengali est employé comme langue d'enseignement et comme matière dans toutes les écoles gouvernementales. Dans les écoles privées, l'anglais peut être utilisé à la place du bengali, alors que le bengali est enseigné comme matière. Dans les écoles secondaires de second cycle et les collèges, le bengali est employé principalement, sauf pour certaines matières comme les sciences, la technologies, le génie et la médecine, alors que l'anglais sert de langue d'enseignement au lieu du bengali. Dans les écoles professionnelles, l'anglais est employé comme langue d'enseignement dans les domaines de la santé, de la technique, de l'ingénierie, de la gestion, de la comptabilité, etc.
Cela étant dit, la
Loi sur l'enseignement
primaire
(1973) ne mentionne aucune langue en particulier :
Article
80 Particularités du régime Le régime visé à l'article 79 doit être sous la forme prescrite et contenir les mentions suivantes, à savoir : (a) La zone dans laquelle l'enseignement primaire doit être obligatoire avec la population constatée lors du dernier recensement précédent; (b) Le nombre approximatif des enfants dans ces zones, classés en fonction de l'âge, du sexe et de la langue maternelle; (c) Une liste indiquant le nombre d'écoles primaires existantes, classées en fonction de la langue dans laquelle l'enseignement est donné dans ces écoles, la localisation des écoles, le nombre d'enseignants et d'élèves dans chaque école et les places disponibles pour l'inscription scolaire; (d) Une liste indiquant le nombre des nouvelles écoles primaires proposées à être ouvertes et classées en fonction de la langue dans laquelle l'enseignement est proposé pour être offert dans ces écoles, l'emplacement des écoles proposées, le nombre d'enseignants et des autres membres du personnel qui serait nécessaire et les places disponibles dans ces écoles; |
Dans les universités du Bengale
occidental, le bengali et l'anglais sont employés: si le bengali
est privilégié dans les sciences humaines, l'anglais est préféré
dans les sciences exactes et la technologie, au lieu du bengali.
Cette langue peut être dispensée comme discipline pour les
étudiants de troisième cycle. Selon le commissaire aux
minorités linguistiques
(«Commissioner
Linguistic Minorities»), il n'existe aucune contrainte ni aucune
obligation dans l'apprentissage des langues pour les étudiants
et diplômés fréquentant une
université. Au Bengale occidental, la langue ne doit pas être
considérée comme une matière obligatoire pour les étudiants préparant une licence
ou un baccalauréat, mais uniquement une connaissance complémentaire.
Ainsi, le bengali peut être une langue d'enseignement, mais non une
matière obligatoire. L'anglais ou le bengali sont donc considérés
comme des matières complémentaires.
En ce qui concerne les minorités, le
népalais est enseigné dans la plupart des écoles des secteurs de
Darjeeling Sadar, de Kalimpong et de Kurseong du district de Darjeeling.
L'hindi peut être donné dans les écoles primaires du
district de Cooch Bihar.
Dans le district de Jalpaiguri,
deux langues sont autorisées: l'hindi et le népalais. Dans le
district de Bankura, l'hindi, l'ourdou et le santali sont des langues
minoritaires autorisées dans les écoles primaires. Dans le
district de Purulia, il
existe des écoles dont la langue d'enseignement est le santali,
l'hindi ou l'ourdou. Dans d'autres districts, l'oriya, le
télougou, voire d'autres langues, peuvent être aussi enseignées. Il n'y a aucune
école pour d'autres langues. Cependant, cela ne
signifie pas que toutes ces langues minoritaires sont utilisées
de la première à la dixième année; il peut arriver que ce soit
pour deux ou trois années, selon la disponibilité des
enseignants. Dans tous les cas, les manuels sont fournis sans
frais par le gouvernement.
Toutefois, d'après les enquêtes du commissaire aux minorités linguistiques («Commissioner Linguistic Minorities»), le nombre des enseignants dans de nombreuses écoles des minorités ne semble pas adéquat. De plus, l'information concernant l'accès aux écoles minoritaires est toujours transmise en bengali, en anglais, parfois en ourdou, mais jamais en hindi, en népalais, en oriya ou en santali. La plupart des écoles minoritaires ne sont pas identifiées par des enseignes dans la langue correspondante, mais uniquement en bengali. Par ailleurs, le nombre de ces écoles destinées aux filles est tout à fait inadéquat.
4.4 Les médias
La plupart des journaux du Bengale occidental paraissent en bengali (Aajkaal, Abasar, Amader Malda, Anandalok, Bangala Ganashakti, Bartaman Patrika, Century Sangbad, Sambad Pratidin, etc.), mais il en existe en anglais (Bannla Live, Calcutta Post, Darjeeling Times, Sanmarg Hindi Daily, Telegraph, The Statesman, etc.), en hindi (Janpath Samachar), en ourdou, en panjabi, en gujarati, etc. Les magasines en bengali sont aussi très nombreux: Anandmela, Ekush Satak, Samatat, Paschimbanga, Manorama, Parichaya, lokasruti, Siksadarpan, Sananda, Alokpat, Ekak, Nabakallol, Kabitar kagoj et Amake. Ainsi, en 2002, on comptait déjà plus de 2640 journaux en bengali, dont 99 quotidiens,
Dans les médias radiophoniques, le bengali est très présent au Bengale occidental. Outre la station publique All India Radio, diffusée dans tout l'État, il existe de très nombreuses stations régionales en bengali, mais également en anglais, en hindi, en ourdou, en népalais, en santali, etc. La télédiffusion en bengali a commencé dans le district de Calcutta en 1975. En 1981, la télédiffusion en bengali était d'environ trois heures par jour. Aujourd'hui, de nombreux canaux diffusent des émissions en bengali durant vingt quatre heures: par exemple, Alpha Bangla, ETV Bangla, DD 7, Akash Bangla, Ekhon Bangla, Tara Bangla, etc.
Quant à l'affichage public, il est généralement en bengali et en anglais, mais pour les entreprises commerciales l'unilinguisme anglais peut être de mise.
L'État du Bengale occidental a élaboré une politique de valorisation de la langue officielle, le bengali, tout en permettant que les membres de certains groupes minoritaires puissent utiliser leur langue dans les régions ou districts où leurs locuteurs comptent pour au moins 15 % de la population locale. C'est une politique linguistique qui respecte les dispositions de la Constitution indienne. Le Bengale occidental montre qu'il est possible de concilier les intérêts de la majorité parlant le bengali et les autres communautés minoritaires. Les locuteurs des plus petites langues (tribales) ne se voient pas reconnaître de droits, mais cette situation est généralisée dans toute l'Inde. Néanmoins, l'État du Bengale occidental semble pratiquer une politique linguistique plutôt correcte.
Cela étant dit, le Bengale occidental n'a pu empêcher la formation d'un mouvement indépendantiste sur son territoire. En effet, le mouvement Gorkhaland est né à la demande des Népalais du district de Darjeeling afin de former un État distinct dans l'Union indienne. Entre 1986 et 1988, le Front national de libération du Gorkhaland a même perturbé le district par des interventions violentes. Malgré l'emploi officiel de la langue népalaise dans le district de Darjeeling, le Front national de libération du Gorkhaland accuse le gouvernement de l'État d'avoir échoué pour mettre en oeuvre l'emploi du népalais. L'erreur a peut-être été de la part de l'Inde avoir intégré le district de Darjeeling dans le Bengale occidental plutôt que dans le Sikkim. Quoi qu'il en soit, l'État du Bengale occidental a fait des efforts pour respecter les droits de ses minorités, mais il faut croire que ce n'est pas encore suffisant.
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