Union indienne
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Bref aperçu historique
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Plan de l'article
1.
Les premières invasions au nord
2. Les
conquêtes musulmanes
2.1 L'empire des Moghols
2.2 L'introduction du persan et de l'ourdou
3. La
colonisation européenne
3.1 L'Inde portugaise
3.2 L'Inde danoise
3.3 L'Inde française
3.4 Les Indes britanniques
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3.5 La route vers l'indépendance
4. L'Inde
indépendante
4.1 L'Inde hindoue contre le Pakistan musulman
4.2 La disparition des États princiers
4.3 Les difficultés d'imposer l'hindi comme langue officielle
4.4 Le prolongement des privilèges de l'anglais
4.5 L'Inde violente et l'après-Nehru
4.6 La montée du nationalisme hindou
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L'Inde a toujours réussi à résister aux invasions, aux famines,
aux persécutions religieuses ou aux soulèvements politiques et aux autres cataclysmes.
Aujourd'hui, malgré les difficultés de composer avec de nombreuses ethnies, des langues différentes
et à la diversité géographique du pays, l'Inde tente avec un certain succès de
demeurer une démocratie relativement unie.
Le pays a subi au cours des siècles de nombreuses
invasions de la part de marchands, mais aussi de la part de peuples puissants
venus du monde entier, qui y ont laissé leurs traces. Ce sont les Aryens
indo-européens dès 2000 avant notre ère, les Grecs avec Alexandre le Grand en
326 avant notre ère, les Moghols au XVIe siècle, les Britanniques
aux XVIIIe et
XIXe siècles, sans oublier, selon les
époques, les Bactriens, les Scythes, les Parthes, les Koushites,
les Huns, les Avars, les Turcs, les Afghans, les Portugais, les Hollandais et
les Français. En raison de l'histoire fort complexe de ce pays, il a
semblé préférable de ne présenter qu'un bref sommaire.
1
Les premières invasions au nord
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La première civilisation importante se constitua aux environs de 2500 avant
notre ère le long de la vallée de l'Indus (actuellement le Pakistan); cette
civilisation subit les invasions des Indo-Aryens, lesquels
implantèrent l'hindouisme, ainsi que leur culture et les structures
sociales (dont les castes) encore en vigueur aujourd'hui. Les
Indo-Aryens sont également à l'origine des langues parlées dans tout le nord de
l'Inde (hindi, panjabi, marathi, etc.), langues que l'on classe aujourd'hui
comme les langues du
groupe
indo-iranien (sous-groupe indien ou aryen) appartenant à la
famille indo-européenne.
Au cours des siècles suivants, soit de 1500 à 200 avant notre ère, les
Indo-Aryens prirent le contrôle de tout le nord de l'Inde
en expulsant les Dravidiens plus au sud du sous-continent. On en constate
aujourd'hui les conséquences linguistiques de cette répartition
territoriale: les
langues indo-aryennes (ou indo-iraniennes)
occupent le Nord, alors que
les
langues dravidiennes sont
confinées au sud de l'Inde (voir
la carte linguistique).
C'est durant cette période que les Vedas (écritures sacrées
hindoues) furent écrites et que le système de castes fut
définitivement établi pour assurer le statut de Brahman (prêtres issus de la 1re
civilisation). Vers 500, le bouddhisme et le jaïnisme firent leur apparition
dans le pays.
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En 326, Alexandre le Grand établit des colonies grecques à
l'ouest du pays, mais il n'y resta pas longtemps.
La dynastie Maurya prit le pouvoir en 321 et devint le premier grand empire de
l'histoire indienne (-324-185 av. notre ère); l'apogée sera atteinte par le règne d'Asoka sur
tout le pays (273-236). Cet empire s'écroula en 185. L'empereur Ashoka
joua un rôle crucial dans l'expansion du bouddhisme et du sanskrit. Ashoka est
devenu une figure importante de l'histoire indienne au point où le chapiteau du
pilier de Sarnath portant l'inscription d'un de ses édits a été choisi pour
devenir l'emblème national de l'Inde lors de son indépendance. La devise en
sanskrit (Satyameva
jayate) fait partie intégrante de l'emblème. Elle signifie:
«Seule la vérité triomphe».
Par la suite, il s'ensuivit une période de créations multiples d'empires jusqu'en 319
de notre ère, date de la fondation de l'empire Gupta, qui dura jusqu'en 606,
alors que le nord
de l'Inde se fragmenta en plusieurs royaumes hindous séparés; il ne se réunifia plus
jusqu'à l'arrivée des musulmans (au XIe siècle). L'âge d'or de la civilisation hindoue
coïncida avec le règne
d'Harsa (606-647).
Un peu après l'an 700 de notre ère, les
Rajputs (du sanskrit rajaputra signifiant «fils de roi») firent leur
apparition dans le nord de l'Inde, une région alors appelée le Rajputana,
aujourd'hui le Rajasthan et une partie du Gujarat. Ils s'installèrent en de
nombreux petits royaumes indépendants. Au moyen d'un subtil équilibre d'alliance
et d'opposition, les souverains rajputs réussirent à conserver leurs royaumes
relativement intacts durant plusieurs siècles contre les envahisseurs musulmans,
les Moghols. Ce sont les Marathes qui purent les vaincre partiellement et ils
durent se réfugier dans la Rajasthan. Plus tard, les princes Rajput, les
anciens maharajahs, s'allièrent aux Britanniques et leurs États passèrent sous
le protectorat de la Couronne britannique en 1858.
2 Les conquêtes musulmanes
Les musulmans se révélèrent des envahisseurs différents
des autres, car ils tenaient à leur identité et tentaient d'imposer leur
religion aux populations des territoires conquis. À partir de 1206, c'est-à-dire
à la création du sultanat de Delhi, les musulmans accrurent leur influence qui
allait durer plusieurs siècles, et ce, sans jamais être absorbés par
l'hindouisme. De grands empires musulmans se succédèrent jusqu'en 1300. Ceux-ci
n'affectèrent pas la région de façon permanente, mais en 1336 un royaume
musulman s'établit simultanément à l'établissement d'un royaume hindou. De
nombreux petits royaumes firent leur apparition et certains disparurent jusqu'à
l'arrivée des Moghols. À partir du XVIe siècle et jusqu'au XIXe siècle, l'Inde
allait être constituée essentiellement de trois empires: les Moghols, les
Rajputs et les Marathes, mais l'Empire moghol fut le plus déterminant.
2.1 L'empire des Moghols
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En 1517, la mort du sultan de Delhi modifia les rapports de force au
sein de la noblesse et fragilisa la dynastie des Lodi, une dynastie
musulmane sunnite d'origine afghane qui régnait sur le sultanat de
Delhi depuis 1451. Le prince moghol Bâbur (1483-1530), descendant de
Tamerlan et déjà maître de l'Afghanistan, profita de ce contexte
favorable pour vaincre les Lodi, en avril 1526, à la bataille de
Panipat, ce qui inaugurait la domination moghole sur le nord de
l'Inde. Lorsque Bâbur fonda son empire, il mit davantage
l'accent sur son héritage turco-mongol que sur sa religion
musulmane. Il passa le reste de sa vie à organiser son nouvel empire
et à embellir Agra, sa capitale. Il créa aussi une nouvelle monnaie
: la roupie, qui est encore utilisée en Inde, ainsi qu'au Pakistan,
au Népal, au Sri Lanka, etc. À la mort de Bâbur, son fils aîné, Humâyûn
(1508-1556), lui succéda.
En 1556, Jalâluddin Muhammad Akbar succéda à son père Humâyûn à la tête d'un royaume musulman au nord de l'Inde que
ce dernier avait regagné à la fin de sa vie, une fois revenu de son
exil de Perse. Akbar agrandit son royaume dès 1561 autour de Delhi.
À partir de ce moment, il commença à régner en maître incontesté sur
tout le nord de l'Inde. Il conquit le Gujarat en 1573, puis le
Bihar et le Bengale en 1576, le Sind en 1590, l'Orissa en 1592, le Baloutchistan
(Pakistan) en 1594. Par la suite, il hérita du Cachemire et du royaume de
Kaboul (Afghanistan). À son décès en 1685, l'empire d'Akbar s'étendait dans tout
le nord de cette grande région, de Kaboul à Dacca, ce qui comprendrait
aujourd'hui une partie de l'Afghanistan, le Pakistan, le nord de
l'Inde (y inclus le Népal) et le Bangladesh.
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2.2 L'introduction du
persan et de l'ourdou
Du fait que les Moghols contrôlaient un
empire
musulman, c'est le persan qui servit
de langue administrative en employant l'alphabet
arabo-persan. C'est Akbar qui fit traduire les classiques hindous en
langue persane, qui organisa des discussions théologiques entre chrétiens,
hindous, sunnites, chiites, zoroastriens et sikhs, et qui supprima la jizyia,
une taxe prélevée sur les non-musulmans, rendant ainsi égaux devant l'impôt
tous les sujets de son empire.
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C'est sous le règne de son fils, Jahângîr
(1569-1627), que l'Empire moghol devint la plus grande puissance
du monde de son temps, sans pour autant être tenté de partir à
la conquête de l'Occident. Son successeur, Aurangzeb (1618-1707)
fut un musulman orthodoxe, adepte des interprétations les plus
conservatrices du Coran. Il interdit même l'hindouisme, ce qui
allait entraîner la création d'un empire rival, l'Empire
marathe, de confession hindouiste, entre la vallée du Gange et
l'Inde centrale.
L'Empire marathe est né de la volonté des
hindous de s'opposer au pouvoir des Moghols musulmans.
Comme son nom l'indique, il provient de l'État qui forme
aujourd'hui le Maharashtra, la terre natale des Marathes. Cet empire devint la première puissance du
subcontinent indien au cours du XVIIIe siècle. Puis il en vint à se
fractionner en plusieurs entités régionales confédérées, régies
par des dynasties de gouverneurs. L'Empire marathe s'allia à la
France et devint le principal adversaire de la Compagnie des
Indes britanniques. Celle-ci allait en venir à bout au terme de
trois «guerres marathes» (1775-1782, 1803 et 1817-1818).
Ces faits témoignent que, en dépit de la
domination musulmane, l'hindouisme réussit à se maintenir, prouvant aux musulmans que l'Inde était un sol relativement
peu fertile à la conversion vers l'islam, ce qui se confirma par la suite, car après 800
ans de domination musulmane, seulement 25 % de la population s'est trouvée
convertie.
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De cette forte invasion musulmane naquit
une langue commune aux hindous et aux musulmans: l'ourdou (hindoustani) qui est resté la langue d'une grande partie du
nord de l'Inde et du
Pakistan. Mais aujourd'hui l'ourdou qui s'écrit avec l'alphabet
arabo-persan est perçu comme la langue des musulmans, alors que l'hindi qui
s'écrit avec l'alphabet devanagari
reste la langue des hindous.
3 La colonisation européenne
Il ne faut pas croire que, parmi les Européens, seuls les
Britanniques se sont intéressés à l'Inde. Il y eut aussi les Portugais, les
Hollandais, les Danois et les Français.
3.1 L'Inde portugaise
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Les Portugais, avec Vasco de Gama en 1498, furent les premiers colonisateurs
européens; ils
arrivèrent au Kerala et s'emparèrent de Goa (en 1510) qu'ils contrôlèrent jusqu'en 1961.
Les Portugais ont pu acquérir de nombreux territoires des sultans
indiens, surtout du Gujarat: Daman (en 1531), Salsette, Bombay, et
Bassein (en 1534), Diu (en 1535), Dadra et Nagar Haveli (en 1779),
puis au nord-est Hughli (en 1579). Ces possessions
devinrent les provinces de l'Inde portugaise (en portugais: Índia
Portuguesa ou Estado da Índia), qui regroupe l'ensemble des colonies
portugaises en Inde. L'Inde portugaise était administrée à partir de
la
cité-forteresse située à Bassein (en portugais: Baçaim). Les
Portugais réussirent à acquérir également des comptoirs commerciaux
dans l'île de Ceylan (aujourd'hui le Sri Lanka), notamment à Colombo
et à Galle.
À partir de 1860, l'Inde portugaise perdit
progressivement plusieurs comptoirs au profit des Britanniques. Au
moment de l'Indépendance de l'Inde en 1947, il ne restera au
Portugal que Diu-et-Daman, Dadra-et-Nagar-Haveli, ainsi que
Goa, tous des territoires enclavés par l'empire des Indes
britanniques. |
D'autres comptoirs commerciaux furent implantées par les
Hollandais (Compagnie hollandaise des Indes orientales) qui en possédaient sur toute la côte du golfe du Bengale:
Chinsura au nord de Calcutta, Masulipatam et Pulicat au nord de Madras, puis
Jaffna, Trincomale et Matara dans l'île de Ceylan (Sri Lanka). Dès 1600,
les Britanniques (British
East India Company)
exercèrent leur pouvoir sur les mêmes territoires grâce à
la Compagnie orientale des Indes,
qui établit plusieurs comptoirs commerciaux et exerça, pendant 250 ans, le
contrôle en Inde pour le compte du gouvernement anglais.
3.2 L'Inde danoise
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Au XVIIe
siècle, le port de Balasore (en Orissa) fut l'un des plus réputés de l'Inde
pour son commerce international; les navires anglais, français, portugais et
hollandais y faisaient escale, ce qui perdura jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Les villes de Balasore et de Serampore (ou Srirampur) firent partie de la colonie danoise des Indes en 1763 à 1845,
les Dansk Ostindien (ou Indes orientales danoises);
il s'agissait alors de Frederiksnagore. La colonie danoise était gouvernée depuis
Fort-Dansborg à Trankebar dans le Sud où se trouvait aussi Colachel
(ou Kulachal). En 1829,
une université danoise fut fondée à Serampore. Dans la colonie danoise, les
langues principales étaient le bengali et le télougou, en plus du danois. Mais le 7 novembre 1845,
l'ensemble de l'Inde danoise (comprenant aussi les îles Nicobar dans le golfe du
Bengale) fut vendu aux Britanniques, qui l'intégrèrent à
l'Inde britannique. |
3.3 L'Inde française
En 1672, les
Français (Compagnie française des Indes orientales) s'établirent à Pondichéry et eurent sous leur juridiction cinq
comptoirs commerciaux en Inde:
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- Chandarnagor, fondé
en 1673 (aujourd'hui Chandannagar dans le
Bengale-Occidental);
- Pondichéry, fondé en 1674 (aujourd'hui
Puducherry dans le Tamil Nadu);
- Mahé, fondé en 1723 (aujourd'hui
Mahe dans le Kerala);
- Yanaon, fondé en 1723 (aujourd'hui Yanam dans
l'Andhra Pradesh);
- Karikal, fondé en 1738 (aujourd'hui
Karaikal dans le Tamil Nadu);
En 1693, la ville de Pondichéry fut capturée par
les Hollandais lors de la guerre de la ligue d'Augsbourg (1688-1697), puis restituée à la
France en 1697 par le traité de Ryswick. Les Britanniques s'en emparèrent à trois
reprises au cours du XVIIIe
siècle et, après des périodes variant
entre deux à onze mois
d'occupation, le territoire de Pondichéry fut rendu à la France. En
1742, Joseph-François Dupleix devint gouverneur de l'Inde française.
C'est sous sa direction que Pondichéry connut son apogée.
Par ses victoires militaires contre les Britanniques, Dupleix réussit à
étendre le petit territoire autour de la ville de Pondichéry et à Karikal;
il exerça par le fait même une grande influence dans les affaires des souverains de
la région. Dupleix obtint le poste de gouverneur général de tous les
Établissements français de l'Inde. Il désirait acquérir pour son pays de
vastes territoires en Inde. Mais la colonie de Pondichéry passa de nouveau sous le
contrôle de la Grande-Bretagne de 1803 à 1814, avant de redevenir un
territoire français jusqu'en 1954, au moment où le territoire fut rétrocédé
à l'Inde. |
3.4 Les Indes britanniques
Durant plus de deux siècles, les Britanniques grugèrent
petit à petit les petites colonies portugaises, hollandaises, danoises et
françaises, au point où seules quelques enclaves portugaises et françaises ont
pu résister jusqu'à l'indépendance de l'Inde en 1947. Dès le début du XIXe
siècle, les Britanniques avaient acquis le contrôle de tout le nord
de l'Inde.
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En 1835, la "English Education Act" changea
la donne en matière d'enseignement dans le sous-continent indien. Alors qu'auparavant les
Britanniques avaient favorisé l'instruction traditionnelle,
musulmane et hindoue, et les publications de la littérature dans les
langues savantes comme le sanskrit, l'arabe et le persan, ils imposèrent
dorénavant des établissements d'enseignement de type occidental avec
l'anglais comme langue d'enseignement. Par la suite, d'autres
mesures suivirent en faveur de l'anglais comme la langue de
l'administration et des tribunaux supérieurs (en lieu
et place du persan).
Les Britanniques avaient jugé que, parmi toutes
les langues étrangères, l'anglais était celle qui leur paraissait la
plus utile à leurs «sujets indigènes» ("native subjects"). Finalement, du statut de langue maternelle des
souverains étrangers, l'anglais devint l'une des principales langues
véhiculaires de l'Inde. L'imposition de l'anglais permettait aussi aux colons britanniques de maintenir une certaine supériorité par rapport aux
peuples colonisés. En même temps, les Britanniques favorisèrent l'alphabet
devanagari dans toute l'Inde sur les autres écritures (bengali,
gujarati, gurmukhi, oriya, tamoul, télougou, etc.
Après la guerre
anglo-indienne avec les guerres
afghanes (1839-1842 et 1878-1880), les guerres sikh (1845-49) et la révolte
des Cipayes (1857-1858), l'Inde resta sous la tutelle des Britanniques; le gouverneur général de l'Inde devint vice-roi.
L'Inde britannique commença en 1858 par le transfert des possessions
de la Compagnie des Indes orientales à la Couronne britannique en la
personne de la reine Victoria, proclamée en 1876 «impératrice des
Indes» (en anglais: Queen Victoria, "Empress of India").
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Les Britanniques administrèrent un territoire
immense, qui s'étend aujourd'hui du Pakistan jusqu'à la Birmanie en
incluant l'Inde et le Bangladesh. Le territoire regroupait des
«provinces» sous administration directe et des États princiers sous
suzeraineté britannique. Trois «présidences» (anglais: "Presidencies") furent créées: la
présidence du Bengale (1773), la présidence de Madras (1864) et la
présidence de Bombay (1847). Les villes de Calcutta, Madras et
Bombay devinrent des capitales administratives, mais le vice-roi
résidait à Calcutta. En raison de ces trois
«présidences», il y
donc eu plusieurs «Indes», d'où l'expression «empire des Indes». Mais les
Britanniques n'utilisèrent que très rarement le mot «India» au pluriel ("Indias");
on utlisait l'expression Indian Empire, ce qui équivalait en français à
«Empire indien». Par exemple, on emploie en français l'appellation «Compagnie
britannique des Indes orientales», mais en anglais c'était la
British East India Company.
En Évidemment,
l'expression «empire des Indes» allait tomber en désuétude à la suite de
l'indépendance de l'Inde.
En 1911, le gouvernement britannique déplaça la capitale
de Calcutta, jugée trop éloignée, à New Delhi, nouvelle ville construite au sud
de la vieille ville de Delhi. New Delhi devint alors la capitale de l'Empire
britannique des Indes. Les Britanniques considérèrent le pays avant tout comme une zone de prospérité
économique;
ils ne s'intéressèrent pas à la culture, aux croyances et aux religions des
peuples du sous-continent
indien.
Sous la Couronne britannique, l'Inde demeura un ensemble d'États hétéroclites avec
des États princiers gouvernés par des maharadjas et des nawabs, dont plusieurs restèrent relativement indépendants.
Par leur intérêt pour le commerce et le profit, les Britanniques exploitèrent les
mines de charbon et de fer, développèrent la production de thé, de café et de
coton, élaborèrent des plans d'irrigation révolutionnant l'agriculture
de l'époque et construisirent même un vaste réseau de chemins de fer. Au plan
administratif et
législatif, les Britanniques développèrent des structures
solides et organisées, lesquelles se révèleront très utiles par la suite aux Indiens lors de
l'indépendance.
Vers la fin du XIXe siècle, les Britanniques commencèrent à préparer l'indépendance
future de l'Inde en déléguant des pouvoirs aux
Indiens tout en gardant le contrôle. À partir de 1882, les Britanniques
établirent la Local Self-Government Act (Loi sur l'autonomie locale) un
système politique fondé sur l'élection qui s'étendra au plan des provinces avec
les réformes de 1909, 1919 et 1935. En 1885, fut fondé le Congrès national
indien par une intelligentsia hindoue soucieuse de prendre pied dans
l'Administration. Les Britanniques vassalisèrent le Cachemire pour le compte des
héritiers du rajah Gulab Singh; pour les populations assujetties au rajah, la
dynastie dogra laissait un amère souvenir d'occupation étrangère difficile à
supporter.
3.5 La route vers l'indépendance
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Au début du XXe siècle, l'opposition du Parti du Congrès (parti établi par les
Britanniques afin de favoriser l'autonomie de l'Inde) au pouvoir grandit
et, après la Première Guerre mondiale, elle se concrétisa avec l'arrivée d'un leader
pour le Parti du Congrès: le mahatma Mohandas
Karamchand Gandhi (1869-1948), qui revenait d'Afrique du Sud où il
exerçait la profession d'avocat et se battait contre la discrimination raciale
envers les nombreux Indiens établis dans ce pays. En 1906, eut lieu la fondation
de la Ligue musulmane qui défendit les intérêts de la communauté musulmane. Gandhi, adopta la politique de
résistance passive (satyagraha) après le massacre d'Amritsar en 1919,
alors que l'armée britannique avait ouvert le feu sur des protestataires non
armés.
L'objectif de Gandhi était de
joindre non seulement les classes moyennes, mais aussi les paysans et les
villageois à sa lutte par des boycotts de produits anglais, ce qui lui vaudra à
maintes reprises d'être emprisonné. L'année suivante, Gandhi lança le mouvement
de non-coopération et, dix ans plus tard, de désobéissance
civile. En 1927, le Congrès indien réclama l'indépendance.
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- Gandhi et l'anglais
Auparavant, Gandhi avait lancé
sa campagne nationale contre l'usage de
l’anglais, car il préconisait le recours aux langues indiennes. Pour Gandhi et
plusieurs de ses contemporains, l’anglais était perçu non seulement comme la
langue de l’oppresseur colonial, mais aussi comme une langue qui, en raison de
emploi dans l’éducation et l’administration coloniale, avait eu pour effet
d'exclure la majorité de la population indienne qui l'ignorait totalement.
Gandhi lui-même, quoiqu’il la maîtrisait bien, racontait pourquoi l’anglais
constituait pour lui une forme d’aliénation (dans
The Collected Works
of Mahatma Gandhi (1917-1918), vol. XIV,
1965):
The pillory began
with the fourth year. Everything had to be learnt through English-Geometry,
Algebra, Chemistry, Astronomy, History, and Geography. The tyranny
of English was so great that even Sanskrit or Persian had to be
learnt through English, not through the mother tongue. If any boy
spoke in the class in Gujarati which he understood, he was punished.
[...] The result was chaos. [...] I know now that what I took four
years to learn of Arithmetic, Geometry, Algebra, Chemistry and
Astronomy, I should have learnt easily in one year, if I had not to
learn them through English but Gujarati. My grasp of the subjects
would have been easier and clearer. My Gujarati vocabulary would
have been richer. I would have made use of such knowledge in my own
home. This English medium created an impassable barrier between me
and the members of my family, who had not gone through English
schools. [...] I was fast becoming a strange in my own home.
|
[Le pilori a
commencé dès la quatrième année. [...].
Tout devait être appris à travers l'anglais: la
géométrie, l'algèbre, la chimie, l'astronomie, l'histoire et la
géographie.
La tyrannie de l'anglais était si grande que même le sanskrit ou le
persan a dû être appris à travers l'anglais, non pas par la langue
maternelle.
Si un garçon parlait le gujarati qu'il comprenait en
classe, il était puni.
Je sais maintenant que j’aurais
appris aisément en un an ce que j’ai mis quatre ans à apprendre en
arithmétique, en algèbre, en chimie et en astronomie, si je n’avais
pas dû le faire en anglais, mais en gujarati. J’aurais mieux possédé
ces matières, plus vite et plus clairement. J’aurais eu un
vocabulaire plus riche en gujarati. J’aurais utilisé mes
connaissances à la maison, chez moi. L’anglais, au contraire, a créé
une barrière infranchissable entre moi-même et ma famille qui
n’avait pas fréquenté l’école anglaise. [...] Je suis rapidement
devenu un étranger dans mon propre foyer.] |
- Gandhi et la langue
nationale
En 1917, Gandhi
avait précisé les critères de la future langue nationale. En fait, la plupart
des leaders indiens de l’époque, ce qui incluait Gandhi, ne semblaient pas trop
se soucier de la question linguistique : pour eux, l’Inde devait devenir une
fédération laïque — l'Inde ne pouvant
faire autrement, car les Britanniques en avaient déjà décidé dès 1935
— avec une seule langue officielle,
l'hindi. Cette langue devait être
facile à apprendre pour les fonctionnaires et les dirigeants politiques, ainsi
que pour les citoyens. Elle devait aussi être adéquate pour servir de langue
véhiculaire entre tous les Indiens dans les domaines de la religion, de
l'économie et de la politique. Enfin, cette langue devait être celle qui
regroupait le plus grand nombre de locuteurs. Selon Gandhi, c'était l'hindi qu'il
convenait de restaurer son rôle naturel de «langue nationale». En réalité, lorsque
Gandhi parlait de l'hindi, il désignait l'hindoustani,
cette langue commune qui, à la suite de tensions de
plus en plus fortes entre les communautés musulmane et hindouiste, allait donner
naissance à l'ourdou actuel et à l'hindi actuel.
- Gandhi et l'hindoustani
Toutefois,
pour que l'hindi devienne la langue nationale
de l'Inde libre, il fallait un consensus, surtout dans les régions de langues
dravidiennes ou dravidophones, traditionnellement réfractaires à l'hindi et à
l'ourdou. Néanmoins, Gandhi préconisa, non sans difficultés, l'usage de
l'hindoustani dans les régions du Sud. En 1918, la Dakshina Bharat Hindi
Prachar Sabha (Institut pour la diffusion de l'hindi dans l'Inde du Sud) fut
fondé. Gandhi s’adressa ainsi aux locuteurs dravidophones :
I want a pledge from your here and
now that you will all learn Hindustani. I say it is your Dharma to
learn Hindustani which will link South with the North. |
Je veux que vous vous engagiez d’ores
et déjà tous à apprendre l’hindoustani. Je dis que c’est votre
dharma [devoir spirituel] d’apprendre l’hindoustani, qui sera un
lien entre le Sud et le Nord. |
Il faut dire que Gandhi
avait une raison supplémentaire pour proposer l’hindoustani, y compris parfois
sous le nom de «hindi». Cette langue composite, appelée aussi «hirdu» (hirdou),
correspondait à une sorte de «patrimoine commun» entre les hindous et les
musulmans de l’Inde du Nord. Or, pour
Gandhi, le risque le plus dangereux était la division des deux grandes
communautés et la partition du futur pays. C'est pourquoi Gandhi préconisait une
langue connue et commune aux deux communautés et destinée à réduire les
conflits. Il s'agissait de l'hindoustani décrit comme «la résultante de l’hindi
et de l’ourdou, ni lourdement sanskritisée, persanisée ou arabisée» (Young
India, 27 août 1925). C'est ce qui explique aussi la tolérance de
Gandhi pour le choix de l'écriture: l’hindi s’écrivant comme le sanskrit en
alphabet devanagari, et l’ourdou en caractères arabo-persans modifiés.
Gandhi croyait aussi, en 1909, que
l'hindoustani était «un instrument de progrès dans la mesure où il désaliène le
pays de l’expression et de la pensée anglaise».
Évidemment, une fois annoncée la partition, et entérinée l’existence d’un
Pakistan à la demande de la Ligue musulmane, avec pour langue nationale
l’ourdou, le Parti du Congrès allait cesser de parler de l'hindoustani. Le débat
allait porter exclusivement sur le type d’hindi retenu.
La fin de la Seconde Guerre mondiale amena les Britanniques à réaliser que l'indépendance
était inévitable: ils n'avaient plus le pouvoir ni la volonté de maintenir un
si vaste empire, le «joyau de la Couronne britannique». Durant la colonisation
britannique, les hindous avaient été le groupe
privilégié parce qu'ils étaient détenteurs du trône de Delhi. Par conséquent, les musulmans
de l'Inde se sont vite trouvés marginalisés dans le cadre colonial,
tandis que les hindous y prospéraient, notamment grâce à leur nouveau système
d'éducation anglophone. Une nouvelle réalité surgit pour l'importante minorité
musulmane: l'indépendance de l'Inde allait forcément entraîner une domination
hindoue sur tout le pays.
4 L'Inde indépendante
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L'Inde restait divisée par des
idéologies purement religieuses: d'une part, la Ligue musulmane de
Muhammad Ali Jinnah, d'autre part, Jawaharlal Nehru, lequel représentait
la population hindoue et contrôlait le Parti du Congrès. Le pays assista
à plusieurs affrontements entre les deux camps jusqu'à ce que le
Royaume-Uni nomme lord Louis Mountbatten pour essayer de calmer les
esprits et de préparer l'indépendance prévue pour le 15 août 1947.
Après avoir vainement tenté de convaincre
Muhammad Ali Jinnah qu'une Inde unifiée paraissait un choix
plus raisonnable, Nehru prit à contrecœur la décision de diviser le pays en deux
parties, l'Inde et le Pakistan. Gandhi s'y opposa, préférant une guerre civile au chaos qu'il prévoyait
suite à une telle séparation. En effet, la division politique s'avéra une
tâche difficile en raison du mélange des populations à travers tout le pays et du
fait que les deux grandes régions musulmanes restaient séparés par 1600
kilomètres dans deux côtés opposés de l'Inde, le Pakistan occidental (Pakistan
actuel) et le Pakistan oriental (Bangladesh actuel).
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4.1 L'Inde hindoue contre le
Pakistan musulman
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Le 15 août 1947, l'Inde obtint son
indépendance du Royaume-Uni et Nehru devint premier ministre. Mais le
pays fut aussitôt séparé en deux entités: l'Inde hindoue et le Pakistan
musulman. La partie occidentale de l'ancienne province du Bengale fut attribuée
à l'Inde sous le nom de Pakistan occidental (aujourd'hui le Pakistan) et la
partie orientale devint le Pakistan oriental (aujourd'hui le Bangladesh). Les
deux Pakistans ou Dominion du Pakistan restèrent séparés par la langue
(ourdou et bengali), la culture et plus de 1600 km de territoire indien; l'islam
apparut comme le seul lien unificateur des deux Pakistans. Les musulmans de
l'Inde affluèrent dans les deux Pakistans, alors que les hindouistes se
réfugièrent en Inde. Quelque 11 millions d'hindous émigrèrent vers l'Inde au
moment de la partition. La création de l'Union indienne devait permettre à la majorité
hindoue, dominée par la force depuis le XVIe siècle par les
musulmans, puis par les Britanniques, d'exercer le pouvoir
politique, comme à l'époque des dynasties hindoues.
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À la suite
à cette division entre l'Inde et le Pakistan, de nombreux problèmes surgirent,
dont des massacres et des affrontements
qui ne sont guère résolus à l'heure actuelle, notamment celui du
Cachemire. Ce territoire était, au moment de
l'indépendance, un État princier
vassal de l'Empire britannique, à majorité musulmane,
et
gouverné par un maharadja hindou, un Dogra nommé Hari Singh qui dut, lors de la division, choisir
d'appartenir à l'Inde ou au Pakistan. Il décida, après maintes réflexions (ou
par la pression exercée par quelque 3000 combattants originaires de la frontière
afghane et ayant envahi la région),
d'opter pour l'Inde, ce qui permit à l'Inde d'intervenir militairement et conduisit le Pakistan à déclarer une offensive en 1948
pour accaparer un tiers de la province. Cet événement provoqua
une série de guerres
territoriales qui se livrèrent non seulement entre le Pakistan et l'Inde, mais aussi
avec la Chine. Encore aujourd'hui,
l’Inde revendique le Cachemire occupé par le Pakistan
(l'Azad-Cachemire) et la partie occupée par
la Chine (l'Aksaï Chin). De son côté, le
Pakistan revendique le Cachemire occupé par l'Inde (l'État
de Jammu-et-Cachmire). Quant à la Chine, elle revendique la partie du
Ladakh qui prolonge le plateau tibétain (voir la
carte). Après la sécession du Pakistan et du Bangladesh,
l'Inde se retrouva avec 562 États princiers qui ont dû être fusionnés pour
s'intégrer dans une union fédérale.
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Selon lord Mountbatten, les
«contraintes géographiques» faisaient en sorte que la plupart d'entre eux
choisiraient l'Inde; Mountbatten soutenait que seuls les États partageant
une frontière commune avec le Pakistan devraient choisir d'y adhérer, mais
il n'avait pas le pouvoir d'imposer ce point de vue aux États. Le petit État
princier de Junadargh (Junagadh) fut intégré à l'Inde en 1948 après un
référendum; quant à la principauté d'Hyderabad, le plus grand État princier à
l'époque (224 722 km²) avec 18 millions d'habitants, il fut intégré de force
lors d'une intervention de l'armée indienne en septembre 1948.
4.2 La disparition des
États princiers
Il était donc logique que cette union des
États se fasse sur la base de la langue — selon le
principe un État, une langue —, car tout le pays
comptait des centaines de langues diverses et un nombre alors incalculable
de langues tribales et mineures. Cependant, comme les frontières
géographiques divisant les États ne pouvaient pas correspondre exactement
aux frontières linguistiques, il subsista des poches de minorités
linguistiques dans presque chaque État.
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De plus, avec les nouvelles migrations qui
allaient s'amplifier avec les années entre les États, chaque langue officielle
d'un État pouvait devenir une langue minoritaire à l'extérieur de son propre
État. En raison des mouvements de population dans le pays, tout État pouvait
devenir relativement multilingue malgré une langue officielle. Pour toutes ces
raisons, la
Constitution de l'Union devait
protéger la plupart des langues, non seulement les
langues constitutionnelles et
les
langues numériquement
importantes, mais aussi les langues tribales.
Le 30 janvier 1948, le mahatma Gandhi
(1869-1948) était assassiné par un extrémiste hindou
(Nathuram Godse). La disparition de l’inspirateur de l’indépendance ouvrit une
nouvelle période de l’histoire indienne, caractérisée par une relative
stabilité. Puis Nehru engagea le pays dans la voie de l'industrialisation et, au
plan international, de la neutralité. L’Inde fut ainsi à l’origine du mouvement
dit des «non-alignés», qui refusaient de choisir entre le camp américain et le
camp soviétique.
Le 26 janvier 1950, l'Inde adopta une nouvelle constitution qui
en fit un État fédéral, l'Union indienne, une
république démocratique
laïque, membre du Commonwealth britannique. Entre 1952 et 1956, l'État
indien annexa
Pondichéry et quatre autres comptoirs français de l'Inde (Pondichéry, Yanaon, Karikal et Mahé), en réalité déjà
autonomes depuis 1939. Avant 1956, l'Union indienne comprenait les États
suivants: Cachemire, Himachal Pradesh, Panjab, Uttar Pradesh, Bihar,
Bengale occidental, Assam, Manipur, Tripura, Rajasthan, Madhya
Pradesh, Orissa, Bombay (auj.: Maharashtra et Gujarat), Andhra Pradesh, Mysore
(auj.: Tamil Nadu), Kerala et Madras (auj.: Karnataka).
Quant aux territoires portugais, ils demeurèrent
des colonies portugaises («Inde portugaise»), car le Portugal du régime de Salazar (de 1932 à 1968)
refusa d'accéder à la demande de l'Inde de céder ses possessions indiennes, ce
qui obligea les Nations unies à intervenir en faveur de l'Inde dans les années
1950. Finalement, en 1961, l'armée indienne envahit les enclaves portugaises et
les annexa à l'Union indienne. Non seulement Salazar refusa de reconnaître la
souveraineté indienne sur les territoires portugais, mais il continua à faire
représenter les députés à l'Assemblée nationale du Portugal jusqu'en 1974. C'est
seulement après révolution des Œillets, la même année, que le nouveau
gouvernement de Lisbonne reconnut la souveraineté indienne sur l'ex-Inde
portugaise.
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4.3 Les difficultés d'imposer
l'hindi comme langue officielle
Au plan linguistique, l'hindi devint la langue
officielle de l'Union indienne le 14 septembre 1949. Lors des débats à
l'assemblée constituante, alors que la partition n'était plus un risque mais un
fait, la tendance qui l’emporta fut celle des «hindiwalahs» (le "Hindi lobby"),
c'est-à-dire les partisans d’un hindi sanskrisé, nettement démarqué de l’ourdou.
Cette position se résume à l’intervention, le 8 avril 1949, de Purushottam Das
Tandon, un partisan de l'hindi:
Those who oppose acceptance of Hindi as the national language and
nagari as the single national script are still following a policy of
anti-national appeasement. |
[Ceux qui s'opposent à l'acceptation de l'hindi comme langue
nationale et au nagari comme écriture nationale unique obéissent
encore à une politique antinationale ce conciliation.] |
L'hindi, avec l'alphabet devanagari, l’emporta
comme langue officielle et non nationale (avec une seule voix de majorité), de
façon à éviter les caractères symboliques et affectifs sur une langue qui
n’était pas également partagée par tous les Indiens, notamment les dravidophones,
et à afficher le respect du pluralisme linguistique. Dans la
Constitution du 26 janvier 1950, l'article 243
proclamait ainsi l'hindi comme langue officielle:
Article 343
Langue officielle de l'Union
1) La langue officielle de l'Union
est l'hindi écrit en devanagari.
Les chiffres indiens utilisés aux fins officielles de l'Union doivent être selon la
forme internationale.
2) Nonobstant une disposition du
paragraphe 1, pendant une période de
quinze ans, à compter de la date de promulgation de la présente Constitution,
l'anglais doit continuer d'être utilisé aux fins officielles de l'Union pour
lesquelles il était déjà utilisé immédiatement avant la promulgation :
Pendant ladite période, le président peut autoriser par décret, aux fins
officielles de l'Union, l'usage de la langue hindi, en plus de la langue
anglaise, et des chiffres selon la forme devanagari, en plus des chiffres
indiens selon la forme internationale.
3) Nonobstant les dispositions du présent article, après ladite période de
quinze ans, le Parlement peut, par une loi, autoriser l'usage:
a) de la langue anglaise, ou
b) des chiffres selon la forme devanagari aux fins précisées dans la loi.
|
Nous savons que la langue peut être
un puissant fédérateur, mais aussi une force de division en fonction de
la façon dont elle est gérée par les collectivités ou les dirigeants
politiques. Après des débats intenses à l'Assemblée constituante de
l'Inde, une formule de compromis dut être trouvée en matière
linguistique. Il fallait à la fois satisfaire pleinement ceux qui
demandaient que l'hindi soit la seule langue officielle et ceux qui y
étaient fermement opposés. La
Partie XVII de la Constitution (art. 343 à 349) représente un
équilibre délicat qui devait être respecté scrupuleusement si l'on
voulait préserver l'intégrité et l'unité nationale de l'Inde.
C'est pourquoi, afin de ménager les États dravidophones, la Constitution autorisa l'usage de l'anglais au même
titre que l'hindi, et ce, pour une période de quinze ans. En ce qui
concerne plus particulièrement le rôle de l'hindi, l'article 351
de la Constitution énonçait que cette langue allait servir «de moyen d'expression à tous
les éléments de la mosaïque culturelle de l'Inde»:
Article 351
Directive concernant la promotion de l'hindi
L'Union a pour devoir de promouvoir l'usage de l'hindi, de développer
cette langue de manière à ce qu'elle serve de moyen d'expression à tous les
éléments de la mosaïque culturelle de l'Inde et d'assurer son enrichissement
par l'assimilation, sans nuire à son génie, des formes, du style et de
l'expression propres à l'hindoustani et aux autres langues de l'Inde énumérées
à l'Annexe VIII. Chaque fois que ce sera nécessaire ou désirable, l'hindi
puisera, pour enrichir son vocabulaire, dans celui du sanskrit, puis dans celui
d'autres langues. |
Par ailleurs, beaucoup d'hindiphones se
méfiaient de cet «hindi officiel» que certains qualifiaient d’«artificielle et
quasi étrangère». Dès 1960, le leader des partisans de l’anglais déclarait: «Le
nouvel hindi est la négation de la démocratie laïque.» Il ajoutait: «C’est le
symbole du sectarisme religieux et la ruine des langages minoritaires,
régionales et locales» (Report of the Committee of Parliament on Official
Language, cité par Dvidevi, 1980). Dans les faits, ces dispositions
constitutionnelles allaient mettre beaucoup de temps à être appliquées. De plus,
l'anglais allait conserver ses prérogatives, même après les quinze ans prévues.
Encore aujourd’hui, l'hindi officiel est souvent perçu comme le symbole du
pouvoir de l'État central. Cette langue
officielle (âdhikârî bhâShâ), considérée comme une langue nationale (râjbhâShâ),
fut assignée à la double tâche de modernisation et de normalisation. Pour ce
faire, elle fut dotée par l'État central d'organismes, dont le Central Hindi
Committee et le Central Hindi Directorate. Mais le Board of Scientific and
Technical Terminology (plus tard transformé en "commission") n’avait élaboré en
1955 que 5500 termes d’usage (et uniquement 34000 termes juridiques en 1979).
Quoi qu'il en soit, la lecture d'un simple article de journal demeurait tout à
fait incompréhensible pour les hindiphones qui n'avaient fait que l'école
primaire et à demi compréhensible pour ceux qui avaient terminé le secondaire,
ce qui démontrait le caractère artificiel de l'hindi officiel. La situation
était encore pire pour les jeunes écoliers dont la langue maternelle était
une variété régionale de l'hindi, ce qui était le cas de la majorité des
villages des neuf États hindiphones d'alors. Selon les témoignages de l'époque,
les jeunes étaient tout aussi déroutés devant l'hindi standard de leur
professeur que si celui-ci parlait une langue complètement étrangère. C'est
pourquoi l'emploi de l'hindi officiel a été longtemps réduit à des fonctions
strictement cérémonielles durant plusieurs décennies, tandis que l'État central
prenait tous les moyens pour en répandre la pénible diffusion. Pendant
longtemps, cet hindi officiel ne fut l'affaire que des «gardiens de la langue»
qui décidaient de ce qui était «bon» pour des millions de locuteurs, et ce, à
partir de leur propre influence en politique ou en littérature. En réalité, ce
qui rendait l'hindi officiel si difficile, c'est le grand désir de la «pureté
linguistique» avec le retour quasi exclusif aux sources sanskrites considérées
comme les seules «autochtones». Au contraire, l'indonésien officiel a connu plus
de succès parce que ses sources lexicales furent souvent puisées dans les
langues locales, sinon les dialectes. En Inde, l'hindi fut avant tout une langue
de l'élite. Dans ces conditions, il s'est développé dans la vie quotidienne un
hindi «informel», qui n'hésite pas à puiser les mots qui lui manquent dans les
autres langues, que ce soit l'anglais, l'arabe ou le chinois.
4.4 Le prolongement
des privilèges de l'anglais
Après les quinze ans de délai prévus à l'article
343 de la Constitution à l'égard de l'anglais, la question linguistique
ressurgit comme on s'y attendait. Quelques manifestations violentes ont eu lieu
dans certains États parce que des tentatives avaient été faites pour accélérer
le processus d'introduction de l'hindi à l'exclusion de l'anglais. Or, des
assurances avaient été données à l'époque par Pandit Jawaharlal Nehru pour que
l'usage de l'anglais se perpétue comme langue alternative aussi longtemps que
les citoyens l'exigeaient.
En 1963, sous
l'initiative de Nehru, le Parlement fédéral indien adoptait la loi n° 19,
appelée Loi sur les langues officielles (Languages Official Act).
Cette loi, qui sera modifiée en 1967, fixait les conditions d'utilisation tant
de l'hindi que de l'anglais dans la conduite des affaires relevant de la
juridiction du gouvernement fédéral, ainsi que dans les cours de justice.
4.5 L'Inde violente et l'après-Nehru
Lors de la révolte tibétaine de mars 1959, quelque 9000
réfugiés tibétains demandèrent l’asile politique à l’Inde. Ils s’installèrent à Dharamsala dans l’État de
Himachal Pradesh, où
le dalaï lama a aujourd’hui encore sa résidence. Plusieurs conflits éclatèrent
alors entre les troupes chinoises et indiennes à propos de certaines zones
frontalières et, en août, l’armée chinoise pénétra en Inde. Le traité
officiel de sa cession fut signé le 8 mai 1956 entre l'Union indienne et
la République française. Pondichéry fit alors partie intégrante de
l'État de Madras, aujourd'hui l'État du
Tamil Nadu. En 1961, après un
bref conflit avec les Indo-Portugais, l'Inde envahit et annexa les
territoires
de Goa et de Daman-et-Diu, qui appartenaient au Portugal.
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Le 27 mai 1964, Jawaharlal Nehru, premier ministre depuis
l’indépendance de l’Inde, décédait. Le Pakistan passa encore à l'attaque en 1965,
toujours au Cachemire, croyant l'Inde diminuée après
sa défaite contre la Chine en 1962. Mais la supériorité militaire de New Delhi
fut sans appel, un rapport de forces que confirmera la guerre de 1971. En 1966, la dirigeante du Parti du
Congrès, Indira Gandhi
(1917-1084), la fille de Nehru, prit la succession de Lal Bahadur Shastri
(1904-1966) au poste de premier ministre. Madame Gandhi, avait été portée
au pouvoir par les conservateurs du Congrès, qui espéraient ainsi la manipuler.
Mais celle-ci opta pour des réformes socialistes qui mécontentèrent les
notables, ce qui fragilisa son pouvoir au Congrès.
En 1971, une guerre civile éclata dans la partie
orientale du Pakistan, aujourd’hui le Bangladesh. Les Bengalis affluèrent alors
massivement en Inde, et les relations entre l’Inde et le Pakistan occidental
(le Pakistan actuel) se détériorèrent. En décembre, l’Inde entra en guerre aux
côtés du Pakistan oriental (Bangladesh), ce qui obligea l’armée pakistanaise à
rendre les armes; l'Inde fut également le premier pays à reconnaître le Bangladesh en tant
qu’État indépendant. De nombreux réfugiés bengalis regagnèrent alors leur pays.
Les accords de Simla en 1972 consacrèrent la défaite complète du Pakistan. En
1975, le petit
Sikkim (situé entre le Népal
et le Bhoutan) fut annexé par l'Inde.
En 1976, la
Loi sur
les langues officielles de 1963 fut complétée par les
Règlements sur les langues officielles
(The Official Languages Rules),
lesquels seront modifiés en 1987. |
En 1977, Indira Gandhi organisa des élections
générales, espérant le soutien du peuple, mais elle perdit son siège au
Parlement, tandis que le Parti du Congrès, pour la première fois depuis 1952,
n’obtint pas la majorité. En 1979, le gouvernement mené par le Parti Janata (ou
Parti du peuple) perdit la majorité au Parlement et Desai démissionna. Les
élections organisées en janvier 1980 consacrèrent la victoire du Parti du
Congrès et d’Indira Gandhi, de nouveau premier ministre de l'Union. Le 31
octobre 1884, Indira Gandhi fut assassinée par deux sikhs de sa garde
personnelle; auparavant, elle avait pris des mesures énergiques pour sévir
contre les insurgés sikhs et avait ordonné l'attaque du Temple d'Or d'Amritsar,
sanctuaire sikhs. Au cours des émeutes qui suivirent cet assassinat, un millier de
sikhs furent tués par la foule.
Le fils d'Indira Gandhi,
Rajiv Gandhi (1944-1991), fut désigné premier ministre quelques heures après le décès de sa
mère. Confirmé à ce poste lors des élections législatives de décembre 1984,
Rajiv Gandhi répondit aux exigences des sikhs en acceptant d’agrandir les
frontières du Pandjab. Le 3 décembre 1984, une fuite de gaz toxique provenant
d’une usine de pesticides de la compagnie Union Carbide, implantée à Bhopal dans
le centre de l’Inde, provoqua la mort d'environ 3300 personnes, entraînant de
nombreuses maladies dont souffrirent plus de 20 000 Indiens. Aux élections de
novembre 1989, le Parti du Congrès perdit sa majorité au Parlement et Vishwanath
Pratap Singh, chef du Janata Dal Party (Parti socialiste du peuple), devient
premier ministre. En 1990, une scission au sein du parti de Singh provoqua
l’effondrement de son gouvernement minoritaire, alors que Chandra Shekhar lui
succédait, mais le gouvernement périclita en mars 1991. Rajiv Gandhi fut
assassiné en pleine campagne électorale par une kamikaze tamoule qui lui avait
placé une guirlande de fleurs piégée autour du cou; il fut pulvérisé
sur-le-champ. Les électeurs indiens,
choqués, donnèrent au Parti du Congrès la majorité au Parlement, et Narasimha
Rao, ancien ministre des Affaires étrangères et partisan de Gandhi, devient
premier ministre. Victime lui-même de la violence communautaire, Rajiv Gandhi en
avait pourtant mesuré le danger, comme l'attestent ces paroles prononcées après
l'assassinat de sa mère : «Cette violence, si elle n'est pas stoppée, nous
détruira. [...] Elle détruira tout ce en quoi l'Inde croit et espère.»
Narasimha Rao
(1921-2004), un polyglotte maîtrisant 13 langues, fut le premier dirigeant indien à
changer de politique économique, en renonçant notamment au dogme du
protectionnisme. Son gouvernement mit en œuvre plusieurs réformes libérales,
engagea un vaste programme de privatisations, mais les rivalités religieuses
ruinèrent à nouveau ce processus d’ouverture. En janvier 1993, des émeutes
éclatèrent (faisant environ 3000 victimes) après la destruction, par des
extrémistes hindous, de la mosquée Babri Masjid d'Ayodhya, dans l’État
de l'Uttar Pradesh. Au début des années 1990, les tensions
s’intensifièrent entre l’Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire. Depuis 1989,
le Cachemire reste le théâtre de conflits sporadiques entre l’armée indienne et
les séparatistes ainsi que les militants musulmans qui souhaitent un État
indépendant ou un rattachement au Pakistan musulman. En janvier 1994, l’Inde et
le Pakistan entamèrent des pourparlers sur l’avenir de cette région, sans
véritable issue. Du fait que le Pakistan développait un programme d’armement
nucléaire (comme l'Inde), certains pays redoutèrent que le différend sur le
Cachemire ne dégénère.
4.6 La montée du
nationalisme hindou
Les élections législatives de février et mars 1998, marquées par de nombreuses
violences, confirmèrent la montée des nationalistes hindous du Bharatiya Janata
Party (BJP, ou Parti du peuple indien) qui, avec l’appui de leurs alliés du
Tamil Nadu, disposaient de la majorité absolue
au Parlement. En mai 1998 et avril 1999, l’Inde procéda à des essais nucléaires,
ce qui entraîna la réprobation internationale des membres du Conseil de sécurité
de l’ONU, des sanctions économiques de la part des États-Unis et du Japon, une
dégradation des relations avec la Chine, une aggravation de la situation au
Cachemire et la réplique du Pakistan qui effectuait à son tour des essais
nucléaires et des tirs de missiles. En mai 1999, de nouveaux accrochages eurent
lieu au Cachemire entre Indiens et Pakistanais. L'Inde atteignit officiellement
un milliard d'habitants en 2000. L'année suivante, trois nouveaux États firent
créés: l'Uttarakhand (hindi), le Chhattisgarh (chhatisgarhi et
hindi) et le Jharkhand (hindi et santali) (voir
la carte). Jusqu'à maintenant, le conflit indo-pakistanais à propos du
Cachemire continue de pourrir les relations entre les deux pays.
Aux élections législatives de mai 2004, le Parti
du Congrès, avec à sa tête la veuve de Rajiv Gandhi, Sonia Gandhi, remporta une
victoire importante qui marquait le retour au pouvoir du Parti du Congrès.
Toutefois, après quelques jours, vivement critiquée par les nationalistes du
Bharatiya Janata Party qui lui reprochait son origine italienne, Sonia Gandhi
céda le poste de premier ministre à Manmohan Singh,
un économiste d'origine sikhe. Par Manmohan Singh, le Parti du Congrès put
continuer d'exercer son hégémonie sur la politique indienne. Mettant en pratique
sa longue expérience politique, Manmohan Singh a voulu s'abstenir de mettre tous
ses œufs dans le même panier afin de privilégier une «une diplomatie tous
azimuts avec un maximum de partenaires», selon les mots du politicologue
Jean-Luc Racine (directeur de recherche au Centre d'études de l'Inde à Paris).
Singh est salué comme l'«architecte de la modernisation de l’Inde». On parle
aujourd'hui d'une une «perestroïka à l’indienne». C'est lui qui fit adopter en
2005 la
Loi sur le droit à l'information,
permettant à toute personne qui désire obtenir des
informations de le faire une demande par écrit ou par voie électronique en
anglais ou en hindi ou dans la langue officielle de la région. En mai 2014,
Narendra Modi
lui succéda comme premier ministre. La même année, le 2 juin, après des débats
houleux au Parlement indien, un nouvel État télougouphone fut créé à partir de
la partie ouest de l'Andhra Pradesh, le Télangana, avec comme capitale
Hyderabad, une capitale commune aux États jusqu'en 2024 (voir
la carte politique actuelle).
Dernière mise à jour:
22 déc. 2023
L'Inde
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2) Bref aperçu historique
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