4.2 Les langues minoritaires et les districts protégés
En plus de l'assamais, la Loi sur la langue officielle de l'Assam prévoit aussi des mesures à l'intention des minorités concernant l'emploi de certaines langues dans les districts désignés. En plus de l'assamais, le bengali et le bodo sont des langues complémentaires officielles dans leurs secteurs respectifs où ces langues sont concentrées. Quoique les requêtes auprès du gouvernement de l'État soient reçues dans les langues des minorités et que les réponses soient rendues dans ces langues, la procédure ne s'applique pas aux langues mineures (secondaires) comme le miri, le karbi et le dimasa. L'assamais, le bengali et le bodo sont des langues d'examen pour le recrutement. Les questionnaires sont parfois en assamais, mais les réponses peuvent être rédigées en bengali ou en bodo. Il n'est pas toujours évident que la maîtrise de l'assamais soit une condition essentielle d'emploi dans les districts de Cachar, Hailakandi et Karimganj, là où le bengali demeure la langue prédominante et est employé à toutes les fins officielles. La politique linguistique de l'Assam fait en sorte de réduire les conflits des langues en impliquant les membres des minorités linguistiques.
- Le district de Cachar
Dans le district de Cachar, le bengali est une langue officielle, selon l'article 5 de la même Loi sur la langue officielle :
Article 5 Préservation de l'usage du bengali dans le district de Cachar Nonobstant les dispositions de l'article 3, le bengali doit être employé à des fins administratives et autres fins officielles, y compris au niveau du district dans celui de Cachar jusqu'à ce que les Mohkuma Parishads et les conseils municipaux du district, lors d'une assemblée conjointe, par une majorité supérieure aux deux tiers des membres présents et votants, ne se décident en faveur de l'adoption de la langue officielle en usage dans le district pour les fins susmentionnées. |
Cet article précise donc que le bengali doit être employé à des fins administratives et autres fins officielles, y compris au niveau du district de Cachar. Ce district compte une population de 1,4 million de personnes, dont une majorité parlant le bengali, particulièrement la variété sylheli. Les autres langues parlées sont d'origine indo-iranienne (assamais, l'hindi et manipouri), sino-tibétaine (dimasa) ou austro-asiatique (khasi).
- Le district de North Cachar Hills
Il faut ajouter aussi le district de North Cachar Hills (186 189 hab.), qui bénéficie des mêmes avantages. La Constitution indienne a accordé à ce district le statut de district autonome ("autonomous district"). La population de ce district comprend, en plus des Bengalis, divers peuples sino-tibétains qui ont conservé leur langue propre, leur culture, leurs us et coutumes. C'est le cas des Dimasa, des Zeme, des Hmar, des Biate, des Hrangkhol, des Kuki, des Khelma, des Jaintia, des Karbi et des Vaiphei.
- Le district de Karbi Anglong
Le district de Karbi Anglong (813 320 hab.), fragmenté en deux entités géographiques et séparé par le district de Nagaon, constitue un autre district protégé. Plusieurs peuples sino-tibétains résident dans ce district. Les Karbi sont les plus nombreux, mais il faut compter aussi les Rengma Naga, les Dimasa, les Bodo, les Kuki, les Garo, les Tiwa (Lalung), les Khasi, les Thadou, les Hmar, les Mizo et les Chakma.
- Les districts du Bodoland
De plus, le gouvernement assamais a fait adopter en 1993 une loi sur le Bodoland (composé des districts de Kokrajhar, Bongaigaon, Barpeta, Nalbari et Darrang). Cette loi accorde au Conseil général du Bodoland la possibilité d'élaborer la politique linguistique à l'égard de la langue bodo sur le territoire confié sous sa juridiction.
The Bodoland Autonomous Council Act, 1993 An Act
to provide for the establishment of an
Administrative Authority in the name and style of
“BODOLAND AUTONOMOUS COUNCIL” and for certain
matters incidental thereto and connected therewith. |
Loi sur le Conseil autonome du Bodoland, 1993 Loi
prévoyant la création d'une autorité administrative
au nom et au type de
«Conseil autonome du Bodoland» et pour certaines
affaires accessoires qui y sont afférentes et
connexes.
Article 63 |
En 2003, le gouvernement indien et le
gouvernement assamais ont conclu un entente avec les Bodo Liberation Tigers
(BLT) ou Tigres de libération du Bodoland. Il s'agit du
Memorandum of Settlement with BLT (Mémorandum de règlement
avec les BLT). En vertu de cet accord, il est prévu de créer un
organisme autonome de gestion désigné comme le Conseil
territorial du Bodoland (BTC) dans l'État d'Assam et de prévoir
en plus une protection constitutionnelle. Selon la clause 9.2,
la langue bodo doit être la langue officielle du BTC sous
réserve que l'assamais et l'anglais puissent continuer d'être
également employés à des fins officielles:
Memorandum of Settlement with BLT, 2003 The Government of India and the Government of Assam have been making concerted efforts to fulfill the aspirations of Bodo people relating to their cultural identity, language, education and economic development. Towards this end, a series of talks were held between Government of India, Government of Assam and Bodo Liberation Tigers (BLT) since March, 2000. As a result, it is agreed to create a self-governing body for the Bodo areas in the State of Assam as follows : 2.
Objectifs 3.2
:: A Committee comprising one representative each
from Governments of India & Assam and BLT will
decide by consensus on the inclusion of additional
villages and areas in the BTC from out of villages
and areas given in Annexure-II on the basis of the
criteria of tribal population being not less than
50%, contiguity or any other agreed relevant
criteria within a period of three months of signing
of this MoS. 9.2 :: Bodo Language shall be the Official Language of BTC subject to the condition that Assamese and English shall also continue to be used for official purposes. |
Mémorandum de règlement de 2003 avec les BLT Le gouvernement de l'Inde et le gouvernement de l'Assam ont déployé des efforts concertés afin de répondre aux aspirations des Bodos concernant leur identité culturelle et linguistique, leur éducation et leur développement économique. À cette fin, une série de pourparlers ont eu lieu, depuis mars 2000, entre le gouvernement de l'Inde, le gouvernement de l'Assam et les Tigres de libération du Bodoland (BLT). En conséquence, il est convenu de créer un organisme autonome pour les régions bodo dans l'État d'Assam, comme suit : 2.
Objectifs 3.
Région 3.2: Un comité composé d'un représentant chacun des gouvernements de l'Inde et de l'Assam ainsi que du BLT doit décider par consensus l'insertion de villages et de régions supplémentaires de la liste non comprise des villages dans le BTC et des régions prévue dans l'Annexe II sur la base des critères relatifs à la population tribale formant au moins 50 % de la population, à proximité ou en fonction d'autres critères pertinents consentis dans un délai de trois mois après la signature du présent guide d'instruction. 9.
Épanouissement de la langue bodo 9.2: : La langue bodo doit être la langue officielle du BTC sous réserve que l'assamais et l'anglais puissent continuer d'être également employés à des fins officielles. |
Ainsi, le bengali et co-officiel (avec l'assamais et l'anglais) dans le district de Cachar, alors que le bodo bénéficie du même statut dans les districts du Bodoland.
- Les autres communautés linguistiques
L'article 7 de la Loi sur la langue officielle de l'Assam prévoit aussi que divers autres groupes linguistiques peuvent se voir accorder des droits en matière scolaire et dans les services publics à la condition que l'anglais puisse être utilisé si un fonctionnaire ignore la langue locale en question:
Article 7 Les droits des divers groupes linguistiques Sous réserve des dispositions de la présente loi, le gouvernement de l'État peut éventuellement émettre un avis concernant l'usage de la langue, tel qu'il peut être spécifié dans ledit avis et dans les régions de l'État d'Assam qui peuvent être désignées : Sous réserve que : (a) Les droits des divers groupes linguistiques, relativement au moyen d'instruction dans les établissements scolaires, tel qu'il est prévu dans la Constitution de l'Inde, ne soient pas affectés;
(b) L'État ne doit pas, en accordant de l'aide aux établissements
scolaires et culturels, faire de discrimination contre ces
établissements pour des motifs linguistiques; (d) En ce qui concerne les documents dans les bureaux de la région ou du district, si un membre du personnel est incapable d'utiliser la langue du district, les directeurs permettront l'usage de l'anglais dans les ministères en autant que son usage soit autorisé par l'article 343 de la Constitution de l'Inde. |
Il s'agit ici de considérations générales, puisqu'aucune communauté linguistique n'est mentionnée. On peut croire que la loi protège ainsi les droits des groupes tribaux déjà préservés dans la Constitution indienne.
4.3 Les langues de l'éducation
À la fin des années quatre-vingt-dix, l'Inde a adopté une série de politiques et de programmes pour améliorer la qualité de son système d'éducation. Ces politiques prévoient un droit à l'instruction pour tous les citoyens. Le gouvernement de l'Assam doit autoriser l'instruction au primaire dans la langue d'une minorité s'il existe une demande de la part d'au moins 10 élèves dans une classe ou 30 élèves dans une école.
De façon générale, la langue
d'enseignement en Assam est l'assamais. Il existe des écoles
primaires et secondaires où la langue d'enseignement est
l'anglais, mais elles sont peu nombreuses. Normalement,
l'anglais est une langue d'enseignement dans les établissements
supérieurs, c'est-à-dire les universités et les instituts
spécialisés. Cela étant dit, les minorités ont le droit de
recevoir leur instruction dans leur langue maternelle.
Toutefois, l'Assam
Elementary Education (Provincialisation)
Act de 1974 ne
mentionne aucune langue à ce sujet, ni d'ailleurs les Assam
Elementary Education (Provincialisation) Service and conduct
Rules de 1981. Les langues minoritaires autorisées
dans l'enseignement primaire sont le bengali, le bodo, l'hindi,
le manipouri, le népali, le garo
et l'anglais. La Loi sur l'éducation primaire de l'Assam de 1969
prévoit que les minorités linguistiques ou religieuses puissent
recevoir leur instruction dans leur langue et de gérer leurs
propres écoles:
The Assam Elementary Education Act, 1968 (Published in the Assam Gazette Extraordinary, dated the 9th August, 1969) An Act to Provide for the management and control of elementary education and for free compulsory elementary education in Assam
Section 26. |
Loi sur l'éducation primaire de l'Assam (1968) (Publié dans le Journal extraordinaire de l'Assam en date du 9 août 1969) Loi prévoyant la gestion et le contrôle de l'éducation primaire et de l'éducation obligatoire gratuite en Assam
Article 26
Sous
réserve que rien dans le présent article n'empêche
le
droit des minorités, sur la base de la religion, de la
langue ou d'un organisme privé, de gérer leurs
propres écoles. |
De plus, certaines langues minoritaires
sont autorisées comme discipline : le miri, le rabha, le karbi
et le bishnupriya. Le gouvernement a également autorisé le
deuri, mais le nombre d'écoles n'a pas été relevé.
En ce qui concerne les langues secondes, l'État de l'Assam privilégie un régime fondé sur la «formule des trois
langues» ou régime trilingue: l'assamais au premier cycle, ou
l'anglais ou le bengali ou le bodo. Ensuite, l'assamais et
l'hindi sont enseignés, suivi de l'anglais. De façon simplifiée,
on peut dire que les enfants reçoivent d'abord leur instruction
dans leur langue maternelle (assamais ou autre), puis en hindi
et anglais. Ce sont les parents qui choisissent une
langue maternelle et une langue seconde, mais seul l'anglais est
obligatoire comme troisième langue.
Dans l'ensemble, les droits linguistiques sont relativement respectés pour les communautés importantes: le Bengalis, les Bodos, les Miris, les Népalis et les Karbis. Pour les autres communautés, c'est plus difficile, car bien souvent les élèves appartenant à de petites communautés doivent suivre leurs cours en assamais. C'est particulièrement le cas des langues tribales. Comme ailleurs en Inde, même si plusieurs langues sont utilisées dans l'enseignement primaire, le nombre des langues diminue grandement au secondaire et il est encore plus limité dans l'enseignement supérieur (assamais, anglais et hindi. En réalité, les nombreuses petites langues sont plutôt laissées pour compte en raison des difficultés financières en éducation dans l'État d'Assam. Ainsi, les frais encourus pour l'élaboration et l'impression de manuels semblent nettement insuffisants, de même que le salaire des enseignants. Pourtant, la Constitution indienne ordonne que tous les enfants doivent recevoir leur instruction dans leur langue maternelle. Cette responsabilité semble être non respectée pour des motifs financiers.
4.4 Les médias
Les grands quotidiens de l'Assam sont en assamais (Andinor Sambad, Ajir Asom, Ajir Dainik Batori, Assamiya Khabor, Asomiya Pratidin, Dainik Agradoot, Sadin) ou en anglais (Assam Live, Assam Tribune, The Sentinel, Voice of Assam). La plupart des journaux régionaux sont en assamais, mais il en existe en bengali et en d'autres langues. L'assamais est la langue la plus répandue dans les stations de radio, mais l'anglais et plusieurs langues locales sont utilisées: bengali, hindi, bodo, népali, miri (mishing), karbi, manipouri, garo, rabha, oriya, dimasa, etc. Pour la télévision, l'assamais, l'anglais, le bengali et l'hindi demeurent les langues employées.