Generalitat de Catalunya
|
Catalogne
Cataluña / Catalunya
(Espagne)
|
Capitale:
Barcelone
Population: 8,5 millions (2022)
Langues officielles: castillan, catalan et aranais (local)
Groupe majoritaire: catalan (env. 60 %)
Groupes minoritaires: castillan (35 %), aranais (0,1 %)
Système politique: lune des 17 communautés autonomes dEspagne
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la
Constitution espagnole de 1978;
art. 3 et 27 du
Statut
d'autonomie de la Catalogne (1979,
abrogé); art. 6 du
Statut d'autonomie
de la Catalogne (2006).
Lois linguistiques:
Loi
sur la normalisation linguistique en Catalogne (1983,
abrogée);
Décret 397 du
8 septembre attribuant à la Direction générale de la politique linguistique les
fonctions permettant de suivre et de promouvoir l'application de la loi
(1983);
Décret 125 du 17 avril réglementant l'usage du catalan dans les écritures
publiques (1984);
Accord du 29 mai 1985 entre le département de la Justice de la Generalitat de Catalogne et le tribunal régional de Barcelone sur la catalanisation de
l'administration de la justice
(1985); Décret 18 du 30 janvier réglementant
l'exigence de la connaissance du catalan par les fonctionnaires du corps enseignant des
ordres préscolaire et EGB qui s'incorporent au système scolaire de la Catalogne
(1986);
Arrêté du 18 février 1986 sur la normalisation linguistique des affiches
utilisées dans la signalisation des appareils et des installations
(1986);
Décret du 5 octobre concernant l'application de la Loi sur la
normalisation linguistique
(1988);
Circulaire du 24 avril concernant l'usage des langues officielles
en Catalogne par l'administration de la Generalitat
et par les organismes qui en dépendent (1989);
Loi de la Catalogne sur le régime
spécial du val d'Aran (1990);
Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998;
Décret
208 du 30 juillet réglementant l'accréditation de la modification
linguistique des noms et prénoms
(1998);
Décret
152 du
29 mai sur
l'évaluation et la certification de connaissance du catalan
(2001);
Décret 116 du 14 juin sur le Conseil social de la langue catalane
(2005);
Décret
216 du 11 octobre sur la structure organique du Secrétariat à la
politique linguistique (2005);
Décret 3 du 17
janvier modifiant le décret 152/2001 du 29 mai sur l'évaluation et la
certification des connaissances du catalan
(2006);
Loi sur la langue occitane, l'aranais en Aran (2010).
Lois scolaires:
Décret 362 du 30 août sur
l'application de la loi 7/1983 du 18 avril sur la normalisation
linguistique en Catalogne dans le cadre de l'enseignement non
universitaire (1983);
Décret 75 du 9 mars
établissant l'organisation générale de l'enseignement préscolaire, de
l'enseignement primaire
et secondaire obligatoire en Catalogne (1992);
Loi
n° 12 du 10 juillet sur l'éducation (2009).
Lois
diverses à portée linguistique:
Décret
106 du 16 avril sur la signalisation routière, des gares de chemin de fer, des gares
d'autobus et des services publics sur le territoire de la Communauté autonome
(1982);
Décret
389 du 15 septembre sur l'étiquetage des produits commercialisés en Catalogne
(1983);
Loi 17 du 23 juillet sur la fonction publique de
l'administration de la Generalitat
(1985);
Loi 4 du 24 mars créant l’École d’administration publique de
Catalogne
(1987);
Décret 147
du 31 mars réglementant l'activité industrielle et la prestation de services dans les
ateliers de réparation de véhicules automobiles, de leurs équipements et de leurs
pièces (1987);
Loi 8 du 15 avril concernant les municipalités et les organismes locaux
de la Catalogne (1987);
Décret
214 du 30 juillet approuvant le règlement sur le personnel au
service des entités locales
(1990); Décret 78 du 8 avril sur l'utilisation de la toponymie
(1991);
Loi relative au statut du
consommateur (1993);
Décret 317 du 4 novembre fixant les normes sur l'aménagement
et la classification des établissements de restauration
(1994);
Décret 168 du 30 mai sur la réglementation des agences de voyages
(1994);
Décret 53 du 8 février sur le régime des prix, réservations et services
complémentaires dans les établissements hôteliers
(1994);
Décret 237/1998 du 8 septembre sur les mesures destinées à promouvoir
l'offre des films doublés et sous-titrés en catalan (1998, abrogé);
Décret
269 du 21 octobre sur le régime juridique des concessions pour la
prestation des services de radiodiffusion (1998);
Décret 201/1999 du 27 juillet modifiant la disposition finale du décret
237/1998 du 8 septembre sur les mesures destinées à promouvoir l'offre
de films doublés et sous-titrés en catalan (1999, abrogé);
Décret 172/2000 du 15 mai abrogeant le décret 237 du 8 septembre sur les
mesures destinées à promouvoir l'offre de films doublés et sous-titrés
en catalan (2000, abrogé);
Décret
15 du 8 janvier réglementant le régime juridique transitoire des
télévisions locales par ondes terrestres (2001);
Décret
59 du 23 janvier établissant la Commission de toponymie et
modifiant le décret 78/1991 du 8 avril sur l'usage de la toponymie
(2001);
Décret
213 du 24 juillet sur la protection des droits du consommateur et
de l'usager dans la prestation de service sur les biens durables
(2001);
Décret n° 188 du 26 juin sur les étrangers et leur intégration sociale
en Catalogne (2001);
Loi 1
du 19 février sur les universités de la Catalogne (2003); Loi
11 du 11 octobre sur la Société catalane des moyens audiovisuels
(2007);
Loi
10 du 10 juillet sur le Livre IV du Code civil de la Catalogne,
relative aux successions (2008);
Loi 4
du 24 avril du Livre III du Code civil de la Catalogne, relative aux
personnes morales (2008);
Loi 22/2010
du 20
juillet
sur le Code de
la consommation
de la Catalogne
(2010);
Décret législatif n° 2/2009 du 25 août (DOGC 5452 du 27) approuvant le
texte refondu de la Loi sur les routes (2009);
Loi 20/2010 sur le cinéma
(2010); Loi
d’accueil aux personnes immigrées et à celles qui reviennent en
Catalogne (2010).
|
Plan de l'article
|
La Catalogne (Catalunya
en catalan;
Cataluña
en
espagnol) est une région
de 31 930 km² (à peu près l'équivalent de la Belgique) située au nord-est
de l'Espagne. Elle est limitée au nord par la France
et la principauté d'Andorre, à l'ouest par l'Aragon, au sud par le Pays valencien
et à lest par la mer Méditerranée. La Catalogne forme une
Communauté autonome au sein de l'Espagne.
La Catalogne est divisée administrativement en quatre
provinces: Barcelona (Barcelone), Gerona (Gérone), Lérida
(Lleida) et
Tarragona (Tarragone) —
voir
la carte détaillée. La capitale régionale est Barcelone.
|
1.1
Llivia, un territoire extraterritorial
|
Il existe aussi une ville du nom de
Llivia (en catalan: Llívia) située en territoire français,
soit à l’intérieur du département des Pyrénées-Orientales. La ville de 12,83 km²
fait partie de la province catalane de
Girona (ou Gérone);
la population (env. 1500 habitants) parle le catalan comme langue maternelle;
l'espagnol et/ou le français comme langues secondes. Une route «neutre» de 4 km relie
Llivia à la Catalogne (Espagne); la ville est située à 153 km au nord de la
capitale de sa province, Girona. Llivia est la seule enclave
étrangère en sol français. Quoi qu'il en soit, la ville de Llivia fait partie de
l'aire catalane, qui comprend la Catalogne-Nord (en catalan : Catalunya Nord),
la Catalogne du Sud (l'actuelle communauté autonome), la principauté d'Andorre,
le Pays valencien et les îles Baléares. Rappelons que ce qu'on appelle la «Catalogne du Nord» ou «Catalogne-Nord»
désigne le territoire espagnol cédé à la Couronne de France par la Couronne d'Espagne en
1659 lors du traité des Pyrénées, à l'exception de la ville de Llivia, ce qui
correspond grosso modo à l’actuel
département français des Pyrénées-Orientales. |
1.2 La structure gouvernementale et
administrative
La structure administrative des communautés autonomes en
Espagne diffère des structures connues dans
d'autres pays fédérés. Ainsi, en Floride (États-Unis), le chef de l'Exécutif est le
gouverneur ("Governor"), assisté d'un lieutenant-gouverneur ("Lieutenant
Governor") et de «secrétaires» d'État ("secretaries") à la tête des différents
«départements» ("Departments"). Au Québec (Canada), le chef de
l'Exécutif est le premier ministre assisté des ministres responsables d'un
ministère particulier. En Catalogne, le chef de l'Exécutif est le
«président» ("President" ou "Presidenta") assisté d'un
Conseller Primer
del Govern
(fr. «premier conseiller du Gouvernement»)
ou, depuis 2006, d'un vice-président ("Vicepresident"
ou "Vicepresidenta") et de plusieurs «conseillers» ("conseller" ou "consellera")
à la tête des différents «départements» ("departaments"). Le
vice-président n'est pas titulaire d'un Departament et dispose de
fonctions propres. La fonction de «premier conseiller» est prévue à
l'article 69 du Statut
d'autonomie de 2006. Mais ce sont la Loi 1/2005 du 31 mars sur le premier
conseiller ou la première conseillère du gouvernement de la Generalitat ("Llei
1/2005, de 31 de març, del conseller o consellera primer del Govern de la
Generalitat") et la Loi 13/2008 du 5 novembre sur la présidence de la
Generalitat et du Gouvernement ("Llei 13/2008, del 5 de novembre, de la
presidència de la Generalitat i del Govern") qui régissent les fonctions de
président et de vice-président.
Rappelons
qu'en France la «Généralité» ("Generalitat") désignait sous l'Ancien Régime
monarchique le gouvernement central par opposition aux gouvernements régionaux,
ceux des anciennes provinces. Dans le cadre de l'administration royale, les
généralités servaient surtout à contrôler la collecte des impôts destinés à
l'État. La dernière généralité disparut en France après 1784. En Espagne, parmi
les 17 communautés autonome, la Catalogne (Generalitat de Catalunya) et
le Pays valencien (Generalitat Valenciana) ont conservé cette appellation
pour désigner leur gouvernement.
Les termes Departament et
conseller / consellera
servent à désigner
l'équivalent des «ministères» (ou «Departments» aux États-Unis) et
des «ministres» (ou «secrétaires» aux
États-Unis) du gouvernement catalan. En français, on peut employer
l'expression «ministre-conseiller» (ou
«ministre-conseillère») pour rendre
compte adéquatement du terme catalan
conseller / consellera. Depuis 2008,
en Catalogne, le titre de
Conseller Primer del Govern
a été remplacé par celui de vicepresident (fr. «vice-président»)
servent d'équivalent à «premier
ministre» au Québec ou de gouverneur en
Floride; le vice-président catalan est
nommé sur décision du président de la Generalitat de Catalogne.
En Floride, c'est le gouverneur, qui en tant que représentant de l'État,
promulgue les lois régionales; au Québec, c'est le lieutenant-gouverneur (ou
vice-roi), mais en
Catalogne c'est le président de la Generalitat
(prononcer [janaralitat]) ou «Généralité» en français. En Catalogne, le président est
élu par le Parlement catalan; dans l'État de la Floride, le gouverneur est élu au suffrage
universel; le lieutenant-gouverneur du Québec est nommé par le gouvernement
fédéral du Canada.
En Espagne, les termes
ministerio (fr. «ministère») et
ministro / ministra (fr.
«ministre») désignent les
ministères et les ministres du gouvernement central,
et non ceux des Communautés autonomes. Jusqu'à récemment, seul le
premier ministre du gouvernement
espagnol était désigné comme le
Primer Ministro (fr. «premier
ministre»), le chef du gouvernement des
Communautés autonomes étant alors désigné par le titre de Conseller Primer
(en catalan) ou de Consejero Primero (en espagnol).
Aujourd'hui, on emploie dans tous les cas le terme «président» (esp. "presidente"),
plus précisément «président du gouvernement» (esp. "Presidente del
Gobierno"; catalan "President del Govern"). En
français, on emploie aussi les expressions «chef du gouvernement» ou «premier
ministre». Bref, il n'y a plus de premier ministre en Espagne.
1.3 Le drapeau catalan
Le drapeau de la Communauté autonome de la Catalogne,
connu sous le nom de la Senyera («l'étendard»), est formé de neuf bandes
horizontales jaunes (l'or) et rouges (le sang). Ce sont les couleurs de l'ancien royaume
d'Aragon (1035 – 1707), car les descendants des premiers comtes catalans provenaient de ce
royaume; ils ont simplement récupéré au XIIe
siècle l'héritage du roi d'Aragon. Ces couleurs sont apparues pour la première fois en 1150 sous le règne
de Ramon-Bérenguer IV (1115-1162), comte de Barcelone et artisan de l'union de
l'Aragon et de la Catalogne. Celui-ci fut le dernier monarque catalan à se
désigner avant tout comme comte de Barcelone, puisque, à partir de son fils
Alphonse II d'Aragon (1157-1196), les comtes de Barcelone furent désignés comme
rois d'Aragon. Les couleurs du drapeau catalan sont aussi les mêmes que celles de la
Rome antique (rouge et or), qui furent également adoptées par les États
pontificaux jusqu'en 1808. Le page changea alors ses propres couleurs en
remplaçant le rouge par le blanc.
La population de la Catalogne était estimée à
8,5 millions d'habitants en 2022, une augmentation importante par rapport à
2008, alors que la population était de 6,1 millions. Selon les données de
l'Institut d'Estadística de Catalunya, l'IDESCAT (Institut de la statistique de
la Catalogne), le catalan est la langue maternelle (appelée en catalan la "llengua
inicial") de 31,6 % de la Catalogne, contre 55 % pour le castillan et 3,8 % pour
les locuteurs qui ont déclaré deux langues maternelles, ce qui donne un total de
90,4 % pour ces deux langues officielles en Catalogne. C'est donc dire que
les catalanophones sont minoritaires en Catalogne, mais pas nécessairement les
Catalans.
Tableau 1 -
Population selon la langue maternelle - 2003-2008
Langue |
Nombre 2003 |
Nombre 2008 |
Pourcentage 2003 |
Pourcentage 2008 |
Catalan |
2 036,2 |
1 949,5 |
36,2 % |
31,6 % |
Castillan |
3 155,1 |
3
389,0 |
56,1 % |
55,0 % |
Catalan et
castillan |
141,6 |
236,5 |
2,5 % |
3,8 % |
Arabe |
- |
162,3 |
- |
2,6
% |
Roumain |
- |
56,8 |
- |
0,9
% |
Galicien |
71,4 |
36,5 |
1,3 % |
0,6
% |
Français |
39,4 |
31,1 |
0,7 % |
0,5
% |
Portugais |
- |
26,9 |
- |
0,4
% |
Anglais |
- |
22,1 |
- |
0,4
% |
Russe |
- |
20,2 |
- |
0,3
% |
Aranais |
- |
3,2 |
- |
0,1 % |
Autres
langues |
74,6 |
178,2 |
1,3 % |
2,9 % |
Autres
combinaisons de langues |
- |
- |
- |
- |
Aucune
réponse |
24,0 |
- |
0,4 % |
- |
Total (IDESCAT
2008) |
5 619,5 |
6 162,5 |
100,0 % |
100,0 % |
On estime que
9,6 % de la population est immigrante, ce qui laisse place à plusieurs
autres langues, dont l'arabe (marocain), le roumain, le galicien, le français,
le portugais, l'anglais, le russe, l'aranais, etc.
Quant au tableau 2, il indique la proportion des
locuteurs ayant le catalan et/ou le castillan comme langue d'usage (appelée en
catalan "llengua habitual"). En fonction de ce critère, les
catalanophones comptent pour 35,6 % au lieu de 31,6 %), les castillanophones
pour 45,9 % (au lieu de 55,0 %), alors que les bilingues forment 12% (au lieu
de 3,8%). Selon l’enquête linguistique réalisée en 2008 par le gouvernement de
la Catalogne, qui diffère sensiblement de celle de 2003 (47,2%), une majorité
revendique le castillan en 2008 (45,9%).
Tableau 2 -
Population selon la langue d'usage - 2003-2008
Langue |
Nombre 2003 |
Nombre 2008 |
Pourcentage 2003 |
Pourcentage 2008 |
Catalan |
2 584,9 |
2 196,6 |
46,0 % |
35,6 % |
Castillan |
2 650,3 |
2 830,0 |
47,2 % |
45,9 % |
Catalan/castillan |
265,4 |
736,7 |
4,7 % |
12,0 % |
Arabe |
- |
115,9 |
- |
1,9 % |
Roumain |
- |
56,8 |
- |
0,9 % |
Galicien |
71,4 |
36,5 |
1,3 % |
0,6 % |
Français |
39,4 |
31,1 |
0,7 % |
0,5 % |
Portugais |
- |
26,9 |
- |
0,4 % |
Russe |
- |
20,2 |
- |
0,3 % |
Anglais |
- |
22,1 |
- |
0,4 % |
Aranais |
- |
2,0 |
- |
0,0 % |
Autres langues |
74,6 |
178,2 |
1,3 % |
2,9 % |
Autres combinaisons
de langues |
- |
- |
- |
- |
Aucune réponse |
24,0 |
- |
0,4 % |
- |
Total (IDESCAT
2008) |
5 619,5 |
6 162,5 |
100,0 % |
100,0 % |
Toute la partie nord de cette région de lEspagne fait
partie de
laire linguistique du
catalan.
2.1 La langue catalane
En catalan, on écrit català pour désigner la langue catalane (llengua
catalana); en espagnol, on distinguera
catalán et
lengua catalana.
|
Le catalan est une
langue romane comme lespagnol, le portugais, litalien, le français,
etc. Cependant, il fait partie du
groupe ibéro-roman
à lexemple de l'aranais et du roussillonnais (France). Jusqu'au Moyen
Âge, le catalan et l'occitan (en France) ne faisaient qu'une seule et même
langue: ce sont des destins politiques différents et deux rattachement à
des blocs dominants opposés qui les ont fait évoluer chacune de leur côté. Rappelons que
c'est en 1934 que les intellectuels catalans ont fini par proclamer
solennellement que le catalan (groupe ibéro-roman) était distinct de l'occitan
(groupe occitano-roman). C'est pourquoi, aujourd'hui, on a plutôt tendance à en
faire deux groupes distincts au même titre que l'espagnol (groupe
ibéro-roman septentrional) et le portugais (groupe
ibéro-roman méridional), le catalan étant considéré comme une langue
ibéro-romane septentrionale. Pour certains linguistes, le catalan serait à
classer dans les
gallo-romanes
méridionales, à l'instar de l'occitan. |
Le catalan diffère de l'espagnol
(castillan) en de
nombreux points, dont son histoire, sa phonétique, sa grammaire et son
vocabulaire.
Article 6
(catalan)
La llengua pròpia i les llengües
oficials
1) La llengua pròpia de
Catalunya és el català. Com a tal, el català és la llengua d'ús normal i
preferent de les administracions públiques i dels mitjans de comunicació
públics de Catalunya, i és també la llengua normalment emprada com a
vehicular i d'aprenentatge en l'ensenyament.
|
Artículo
6 (castillan)
La lengua propria y
las lenguas oficiales
1) La lengua
propia de Cataluña es el catalán. Como tal, el catalán es la lengua
de uso normal y preferente de las Administraciones públicas y de los
medios de comunicación públicos de Cataluña, y es también la lengua
normalmente utilizada como vehicular y de aprendizaje en la
enseñanza. |
Article 6
(français)
La langue propre et les langues
officielles
1) La langue propre de la Catalogne est le catalan. Comme
tel, le catalan est la langue d'usage normale et prioritaire des
administrations publiques et le moyen de communication public en
Catalogne, ainsi que la langue normalement utilisée comme véhicule
et moyen d’apprentissage dans l'enseignement. |
L’une des caractéristiques les plus importantes du
catalan réside dans l’emploi de la consonne palatale initiale notée [ll]
dans le système graphique: la llengua («la
langue»), la lluna («la lune»), la lliço («la leçon»), la llet («le lait»), un llibre
(«un livre»), etc. Pour les francophones, le catalan apparaîtra sans doute plus familier que
l'espagnol :
Mots catalans |
Équivalents français |
Équivalents espagnols |
Article |
Article |
Artículo |
com |
comme |
como |
administracions públiques |
administrations publiques |
Administraciones públicas |
comunicació
públics |
communications publiques |
comunicación públicos |
l'ensenyament |
l'enseignement |
la enseñanza |
normalment
|
normalement |
normalmente |
Et il y aurait des centaines d'autres exemples du genre. De plus, les traits communs entre le catalan et
l'ancien français sont restés remarquables:
-
L'art de
traduire est molt dificil (ancien français).
L'art de traduir és
molt difícil (catalan).
El arte de traducir es muy
difícil
(castillan).
En raison de son aire linguistique située entre les langues d’oïl
(nord de la France) et l’Espagne, le vocabulaire catalan est souvent constitué
de termes plus proches du français et de l’occitan (soit le gallo-roman) que de
l'espagnol et du portugais (soit l'ibéro-roman), et ce, qu'il s'agisse de noms
ou d'adjectifs. En ce sens, le catalan est une sorte d'intermédiaire entre l'ibéro-roman
(espagnol et portugais) et le gallo-roman
(français et occitan). Il ne faut pas oublier que la Catalogne a été vassale
des rois francs et de Hugues Capet, le premier roi de France à parler le
français.
2.2 Le degré de connaissance du catalan
|
Lorsqu'on consulte la figure de gauche ("Connaissance des
langues par la population espagnole" 2008), on constate que les
Espagnols catalans possèdent tous un haut degré de connaissances des
deux langues officielles. En effet, le catalan est compris par 97,5
% contre 99,5 % pour le castillan, mais 83,4 % peuvent parler le
catalan contre 98,2 % pour le castillan. Si 80,2 % des locuteurs
savent lire le catalan, 93,8 % savent lire le castillan, et 62,8 %
peuvent écrire le catalan et 91,9 % peuvent écrire le castillan.
Les données de recensement de 2011 sur le catalan révèlent que la
connaissance du catalan sest améliorée par rapport à 1991. Ainsi, le
tableau 3 nous indique que le nombre de locuteurs qui
affirment comprendre le catalan a augmenté de 93,7 % à 95,1 %; ceux qui peuvent
le parler, de 68,3 % à 73,1 %; ceux qui peuvent le lire, de 67,5 % à 78,7 %; et
ceux qui peuvent l'écrire, de 39, 9 % à 55,8 %. |
Tableau 3 - Connaissance du catalan
Année |
Peut comprendre |
Peut parler |
Peut lire |
Peut écrire |
Ne comprend pas |
2011 |
95,1 % |
73,1 % |
78,7 % |
55,7 % |
4,8 % |
2001 |
94,5 % |
74,5 % |
74,3 % |
49,8 % |
5,4 % |
1996 |
94,9 % |
75,3 % |
72,3 % |
45,8 % |
5,0 % |
1991 |
93,7 % |
68,3 % |
67,5 % |
39,9 % |
6,2 % |
2.3 Les variétés du catalan
Le catalan parlé en Catalogne ou ailleurs présente
plusieurs variétés. On distingue deux grands groupes dialectaux: le catalan
oriental et le catalan occidental. Dans le groupe du catalan occidental,
on compte trois grandes variétés: le catalan
occidental du Nord et le
catalan méridional. Dans le groupe du catalan oriental,
on distingue le catalan du Nord (appelé roussillonnais en France)
et le
catalan central
(provinces de Gérone et de Barcelone).
Groupe occidental
1) Catalan occidental du Nord
- léridan ou lleidatà (prov. de Lérida
ou Lleida)
- pallarais (Pallars, prov. de Lérida ou Lleida))
- ribagorçain (Ribagorça, prov. de Lleida et Huesca)
2) Catalan méridional (valencien
septentrional)
- tortosin (Tortosa, Gandesa,
Amposta, au sud de la prov. de Tarragona)
|
Groupe oriental
(Catalogne)
1) Catalan du Nord (ou septentrional)
- roussillonnais
(dans le Roussillon/Rosselló en
France)
- sous-dialecte du Capcir ou capcirois
2) Catalan central
- catalan central (prov. de Girona,
Barcelona et nord de Tarragona)
- catalan septentrional de transition avec le roussillonnais
- parler salat (Costa Brava)
- xipella ou xipelle (transition avec le catalan occidental du Nord)
|
Ces variétés dialectales se révèlent peu
importantes au plan de la phonétique et du lexique, ce qui signifie que
l'intercompréhension est relativement aisée, même entre les variétés
occidentales et les variétés orientales. Voir
la
carte linguistique de l'Espagne en cliquant
ICI, s.v.p.
Situé au nord-ouest de la Catalogne, le val d'Aran compte
une petite communauté de quelque 7000 habitants dont la langue principale, l'aranais
(4500 locuteurs), en fait une véritable enclave linguistique occitane, dont la
langue est appelée gascon en France.
2.4 Les préjugés sur le catalan
On sait que de nombreux castillanophones ont développé de
forts préjugés à l'égard des langues ibériques de leur pays, que ce soit le
catalan, le galicien, le basque, l'aragonais, l'asturien, etc. Malheureusement,
il semble que ces mêmes préjugés se soient transmis à l'extérieur de l'Espagne.
De fait, on ne peut que déplorer la perception dévalorisante que beaucoup de
visiteurs étrangers entretiennent avec la langue catalane, par exemple,
lorsqu'ils visitent la Catalogne.
D'abord, sauf de rarissimes exceptions, les visiteurs
étrangers (francophones, anglophones, germanophones, etc.) ignorent tout de la langue catalane.
Généralement, ils ignorent même l'existence de cette langue. Pour la
plupart des visiteurs étrangers, le catalan est perçu comme une
sorte de «dialecte» ou une «déformation de l'espagnol», un idiome dont ils n'ont jamais entendu parler. Ils ignorent
tous que le
catalan et le castillan sont les deux langues officielles de la Catalogne. Ils
ne distinguent même pas l'espagnol du catalan, lequel est pourtant affiché dans le nom des rues,
sur les
affiches du gouvernement catalan ou dans la publicité des grandes sociétés
espagnoles; ils ne perçoivent pas que ces affiches portent des noms catalans. Ou bien ils croient que c'est de
l'espagnol, en raison de la proximité des deux langues, ou bien c'est du
«mauvais espagnol» ou de l'«espagnol local». Bref, les
visiteurs ne remarquent généralement pas que les panneaux, les directions, les
noms de rue, etc., sont entièrement rédigés en catalan. Pour bien des visiteurs,
les mots sortida (fr. «sortie»; esp. «salida») ou carrer (fr.
«rue»; esp. «calle») doivent être de l'espagnol! Lorsque quelqu'un,
éventuellement un guide touristique, révèle aux
visiteurs étrangers que le catalan est une «langue», tout comme l'espagnol ou le
français, c'est la surprise la plus totale: ils n'en n'ont bien souvent jamais entendu
parler!
Il semble que le gouvernement catalan aurait là
un énorme travail à faire, non pas seulement auprès des Espagnols cette fois, mais auprès
des agences touristiques ou des agences de voyage, surtout depuis que Barcelone
est devenue une ville très «tendance».
On peut consulter une page
particulière consacrée à la description et à
l'histoire de la langue catalane en
cliquant
ICI,
s.v.p.
2.5 Les immigrants en
Catalogne
Les mouvements migratoires apparaissent comme des
constantes de l'Histoire de la Catalogne. Sa situation géographique au nord-est
de l'Espagne, entre la France et la Méditerranée, lui a valu le rôle de «terre
de passage» du nord de l'Europe vers le sud et vice versa. Cette tradition
migratoire aurait commencé avec les Phéniciens, se serait poursuivie avec les
Grecs et les Romains pour se perpétuer au Moyen Âge et jusqu'au
XXe siècle.
C'est avec la dictature franquiste que la Catalogne vit
arriver des centaines de milliers d'Espagnols de toutes les régions de
l'Espagne. Juste après la guerre civile (1936-1939), plus d'un million
d'Andalous ont immigré en Catalogne. Entre 1950 et 1970, des villages entiers
ont migré de l'est et du sud de l'Espagne vers la Catalogne. De nombreux
villages de la Castille ont perdu la majorité de leur population au profit de la
Catalogne. Ces mouvements migratoires massifs ont eu lieu alors que le régime
franquiste interdisait l'usage du catalan et toute manifestation de la culture
catalane. Ces millions de personnes venues du reste de l'Espagne n'ont pu
connaître la langue catalane et se sont intégrées à la culture castillane.
- La montée spectaculaire de
l'immigration
Depuis les années 2000, le phénomène de l'immigration est
devenu spectaculaire : 794 000 étrangers vivaient en Espagne en 2000. En 2014,
ils étaient 4,5 millions, soit 10 % de la population totale espagnole et 13,5 %
en Catalogne. En raison de son avance économique, la Catalogne a vu bondir le
nombre des étrangers. En 2008, les nouveaux-nés avaient une mère étrangère dans
une proportion de 28,2 %. La moitié des habitants de la Catalogne ont
aujourd'hui des racines familiales originaires de l'extérieur. Au cours de la
période 1999-2009, 82,5 % de l'augmentation démographique est due à l'arrivée de
population étrangère. Sans elle, la population de la Catalogne se serait
simplement maintenue au lieu d'augmenter.
|
1999 |
2009 |
Croissance |
% |
Nationalité espagnole |
6
062 608 |
6
283 231 |
220 623 |
17,5
% |
Nationalité étrangère |
144 925 |
1
184 192 |
1 039 267 |
82,5
% |
Population totale |
6
207 533 |
7
467 423 |
1 259 890 |
100,0 % |
Source: IDESCAT 2009 |
|
|
|
|
Dans cette décennie, la période avec la plus grande
croissance proportionnelle de l'immigration étrangère est celle de 200-2002. Par
contraste, la croissance de la population de nationalité espagnole en Catalogne
s'est maintenue stable et à des niveaux relativement bas.
- Les pays d'origine
Quant aux pays d'origine des immigrants en Catalogne, ils
sont devenus très diversifiés. Au 1er janvier
2009, il y avait une présence de 179 nationalités différentes en Catalogne, qui
représentaient au moins 16 % de la population totale.
Pays
d'origine |
Zone |
Langue |
Total |
% |
Maroc |
Afrique |
arabe marocain |
225 244 |
19,0 % |
Roumanie |
Europe |
roumain |
96 448 |
8,1 % |
Équateur |
Amérique du Sud |
espagnol |
82 261 |
6,9 % |
Bolivie |
Amérique du Sud |
espagnol |
58 323 |
4,9 % |
Colombie |
Amérique du Sud |
espagnol |
48 911 |
4,1 % |
Italie |
Europe |
italien |
48 143 |
4,1 % |
Chine |
Asie |
chinois (et variétés) |
44 789 |
3,8 % |
France |
Europe |
français |
36 059 |
3,0 % |
Pérou |
Amérique du Sud |
espagnol |
35 413 |
3,0 % |
Argentine |
Amérique du Sud |
espagnol |
33 812 |
2,9 % |
Pakistan |
Asie |
panjabi / sindhi, etc. |
33 336 |
2,8 % |
Brésil |
Amérique du Sud |
portugais |
27 803 |
2,3 % |
Allemagne |
Europe |
allemand |
24 107 |
2,0 % |
Royaume-Uni |
Europe |
anglais |
21 810 |
1,8 % |
République
dominicaine |
Amérique centrale |
espagnol |
21 211 |
1,8 % |
Sénégal |
Afrique |
wolof |
18 798 |
1,6 % |
Portugal |
Europe |
portugais |
17 550 |
1,5 % |
Gambie |
Afrique |
mandingue / peul, etc. |
16 473 |
1,4 % |
Chili |
Amérique du Sud |
espagnol |
16 208 |
1,4 % |
Ukraine |
Europe |
ukrainien / russe |
16 183 |
1,4 % |
Total des étrangers |
Source: IDESCAT 2007 |
- |
1 1884 192 |
100,0 % |
Sur 179 pays, les dix principaux sont le Maroc, la
Roumanie, l'Équateur, la Bolivie, la Colombie, l'Italie, la Chine, la France, le
Pérou et l'Argentine. On y parle aujourd'hui en Catalogne quelque 270 langues et
on y pratique 13 confessions religieuses différentes. La Catalogne compte de nombreux
immigrants dont la langue d'origine est l'arabe, le roumain, l'italien, le portugais, le russe, le polonais, etc. Mais
d'autres pays sont appelés à augmenter leurs ressortissants: le Pakistan
(panjabi, sindhi, pachtou, ourdou), la Chine (mandarin, cantonais, hakka, min, wu, etc.), la Turquie (turc
et kurde) et les Philippines (tagalog ou filipino) auxquels il faudrait ajouter l'Inde (panjabi, marathi, hindi, bengali, ourdou,
gujarati, népali, konkani, sindhi, tamoul, télougou, malayalam, etc.).
- Distribution des étrangers sur le territoire
|
Sur le territoire de la Catalogne, l’immigration n’est pas
un phénomène uniquement urbain ou métropolitain, car les immigrants sont
répartis un peu partout, depuis la côte est sur la Méditerranée jusqu’aux
montagnes du Nord (Pyrénées) et de l'Ouest, dans les petites agglomérations,
aussi bien que dans les moyennes et les plus grandes.
La carte de gauche ("Distribution des
étrangers dans les municipalités, 2008") indique la distribution des
immigrants ou des étrangers dans les municipalités de la Communauté
autonome de Catalogne en 2008. Il n'existe que fort peu
d'agglomérations (en rouge) qui n'abrite aucun étranger. En effet, on compte au moins une
personne immigrante dans 98 % des villages, municipalités et communes de la
Catalogne.
Le poids de la population étrangère était en moyenne, au 1er janvier 2009, de 16 % pour
l’ensemble de la Catalogne. Dans
plusieurs municipalités, les immigrants comptent jusqu'à 35 % de la population et
cette proportion peut augmenter jusqu'à 50 % dans certaines municipalités. On
constate cependant, d'après la carte, que les immigrants sont
davantage attirés vers la côte est (vers la Méditerranée) et le Sud
(vers Valence) que
le Nord (vers la France) et l'Est (vers l'Aragon). Les municipalités
dans lesquelles est dénombré le plus grande nombre d'immigrants en
termes absolus sont forcément de grandes villes se trouvant dans des
zones métropolitaines ou dans les capitales de province (Barcelone,
Badalona, Terrassa, Lleida, Tarragona, Tortosa, Reus, etc.). Les
municipalités ayant le plus grand poids de population étrangère, par
exemple au-dessus de 35 %, sont habituellement petites.
|
La Catalogne n'est donc pas une région
ethniquement homogène, car 50 % des Catalans ne sont pas des «Catalans de
souche» et de 30 % à
40 % sont autant castillanophones que catalanophones. En Catalogne, le concept de «Catalan
de souche» n'est pas tellement applicable, car la cohésion sociale apparaît plus importante que l'homogénéité ethnique. En
Catalogne, est catalan
qui veut l'être. Le projet catalan est civique, non ethnique!
Vers 210 avant notre ère, la Catalogne fut conquise par les Romains, intégrée aux
provinces romaines de l'Hispania et latinisée. Au Ve siècle de notre ère,
les Wisigoths s'emparèrent de cette région et lui donnèrent son nom actuel:
Gotholonia
(ce qui signifie «pays — ou Land en all.
— des Goths»).
|
La région fut ensuite conquise par les
Arabes en 712 et reconquise par Charlemagne à la fin du VIIIe siècle. Ayant acquis le statut de comté, la Catalogne s'unit au
XIIe siècle au royaume d'Aragon (par le mariage du comte Raymond Béranger IV
et de Pétronille d'Aragon).
3.1 L'expansion catalane
Conservant leur propre autonomie au sein du royaume d'Aragon, les Catalans se
lancèrent dans une politique d'expansion en Méditerranée, faisant successivement passer
sous leur autorité les îles Baléares (1229-1230), le royaume de Valence (1238), la
Sicile (1282), puis la Sardaigne (1321) où ils firent de la ville dAlghero leur
capitale régionale. Au cours de cette période sétendant du XIIIe au
XIVe
siècles, la Catalogne s'affirma comme la première puissance de louest de la
Méditerranée.
À l'extinction de la dynastie catalane d'Aragon en 1410, lélection
du Castillan Ferdinand Ier le Juste en 1412 suscita la grogne chez les Catalans
qui finirent par s'insurger sous le règne de Jean II, mais durent se soumettre à la
couronne de la Vieille-Castille en 1472.
|
3.2 L'intégration à l'Espagne
Désormais intégrée à lEspagne, la Catalogne resta en retrait de l'aventure
coloniale en Amérique et développa seule ses traits particularistes. Elle se révolta à
plusieurs reprises, développa des sympathies pro-françaises, mais fut vaincue
par la politique centralisatrice de Madrid qui lui supprima ses dernières
prérogatives en 1714. La guerre de succession d'Espagne (1701-1714) mit fin aux
velléités d'indépendance de la Catalogne. Le 16 janvier 1716, le Décret de
Nova Planta («Décret de restructuration») appliqua en Catalogne un grand
nombre de dispositions répressives destinées à abolir les institutions et les
droits des Catalans. La Catalogne si vit imposer les lois de la Castille et le
castillan comme langue officielle. Cependant, le catalan, comme langue du
peuple, ne disparut jamais, même s'il était relégué aux oubliettes dans la vie
officielle. Dès 1760, les députés catalans, valenciens, des îles Baléares et du
Val d'Aran envoyèrent au roi d'Espagne un Memorial de Greuges, une sorte
de cahier des doléances dans lequel ils revendiquaient l'emploi du catalan. Au
cours des années 1870, l'Espagne inaugura un système de monarchie parlementaire.
Le catalan reprit ses droits et connut une véritable renaissance (Renaixença)
culturelle et littéraire. L'Académie de la langue catalane fut fondée en 1880,
l'Institut d'études catalanes, en 1907.
- Le Statut d'autonomie
En
1932, après la chute du roi Alfonse XIII, la Catalogne obtint un statut d'autonomie
politique au sein de la IIe République espagnole (voir
le texte de 1932). En vertu de l'article 1 du
Statut d'autonomie, la
Catalogne était constituée en région autonome au sein de l'État espagnol,
son
territoire couvrant les provinces de Barcelone, de Tarragone, de Lérida
et de Gérone. L'article 2 reconnaissait que «la langue
catalane est, comme le castillan, une langue officielle en
Catalogne». Toutefois, il
convient de bien comprendre la portée de la Constitution espagnole de 1938 et du
Statut d'autonomie de 1931. Ces deux textes apportaient plusieurs restrictions
aux acquis dans les domaines de la politique, de l’administration et de la
justice.
D'abord, les autorités régionales étaient
tenues de publier toute disposition ou décision officielle dans les deux
langues, le castillane et l'autre langue co-officielle. Par ailleurs, le texte
ne prévoyait pas que la langue régionale soit forcément la langue administrative
prédominante, puisque tout citoyen a le droit de choisir la langue officielle
qu’il préfère dans ses rapports avec les tribunaux, les autorités et les
fonctionnaires de toute catégorie, aussi bien ceux de la région autonome que
ceux de la République. De plus, dans les communications officielles de l'État
avec les régions autonomes, le castillan est considéré comme la seule langue
officielle (art. 2 du Statut
d'autonomie). Quoi qu'il en soit, ces droits linguistiques accordés aux locuteurs des langues minoritaires
en Espagne allaient devoir disparaître durant plus de quarante ans.
Lorsqu’en mars 1938 les troupes franquistes pénétrèrent sur le territoire
catalan, l'une des priorités de Franco fut d'abroger le Statut d'autonomie de la
Catalogne par la loi du 5 avril 1938 (Ley
de derogació de l´Estatut de Catalunya pel general Franco). La Catalogne
allait alors connaître l'une des périodes les plus sombres de son histoire.
- La politique linguistique
franquiste
Au cours de la guerre civile
d'Espagne, la Catalogne républicaine finit par tomber aux mains des partisans du
général Francisco Franco. La région fut soumise à un régime d'occupation
militaire jusqu'au 1er août 1939. Sous le régime dictatorial de Franco (1939-1975), la
Catalogne perdit son statut d'autonomie et le catalan fut même interdit, les livres en
catalan, brûlés, tandis que les imprimeries furent sujettes à une censure
brutale. Le régime franquiste fit supprimer toute
visibilité du catalan dans l'espace public. Il s'employa à changer les noms des
places et des rues, et à les remplacer par des plaques en castillan. Par
exemple, la Plaça de Catalunya devient la "Plaza del Ejército Espanol"
(«place de l'Armée espagnole»); la Passeig de Gràcia («promenade de
Gracia») fut renommée "Paseo General Mola" («promenade du Général Mola») et la
Avinguda Diagonal devint "Avenida del
Generalísimo" («avenue du Généralissime»). De la même façon, les noms des villes
et des villages furent castillanisés. Par ailleurs, les statues représentant des
personnalités catalanes ayant marqué le cours de l'Histoire furent détruites.
Les commerçants furent obligés de se départir de leurs enseignes ou inscriptions
rédigées en catalan. Voici quelques exemples d'événements illustrant les
changements imposés à l'encontre du catalan pour la seule année de 1939:
1. Edicto del
alcalde accidental de Olot donde prohíbe la presencia del catalán en
todos los ámbitos 2. Edicto del
alcalde de Mollet del Vallès donde se obliga a redactar en
castellano todos los carteles escritos en catalán
3. El ayuntamiento de Hospitalet de
Llobregat acuerda sacar todos los indicadores de las calles en
catalán
4. El gobernador civil de Tarragona
Mateo Torres prohíbe los carteles en catalán en los establecimientos
así como en la vía pública
5. Orden del comandante militar español
de Bellver de Cerdanya para que desaparezcan todos los carteles o
anuncios "en lengua regional“
6. El comandante militar español de
Granollers da ocho días de plazo para sustituir todos los letreros y
anuncios del catalán al castellano
7. El ayuntamiento de Lleida acuerda
que todos sus servicios se hagan en castellano
8. El ayuntamiento de Breda obliga a
cambiar todas las placas de nombres de calles del catalán al
castellano
9. El mando militar español de Sant
Hipòlit de Voltregà ordena que en 48 horas se sustituyan todos los
letreros en catalán por otros en castellano
10. La alcaldía de Olot ordena tapar o
borrar todos los letreros públicos en catalán
11. Un edicto del ayuntamiento de Sant
Feliu de Llobregat prohíbe hablar en catalán a los funcionarios
12. Carta del ministro español de
Gobernación, Ramón Serrano Suñer a todos los obispos catalanes :
Nueva normativa de usos lingüísticos en la comunicación de la
Iglésia con los feligreses "hasta tanto que el idioma español sea
entendido por todos (lo que se logrará con una tenaz labor escolar)" |
1. Ordonnance de la mairie occidentale d'Olot interdisant la présence du
catalan dans tous les domaines.
2. Ordonnance
de la mairie de Mollet del Vallès où il est obligatoire de
rédiger en castillan toutes les affiches écrites en catalan.
3.
La municipalité de Hospitalet de Llobregat accepte de supprimer tous
les panneaux de rues en catalan.
4. Le gouverneur civil de Tarragone Mateo Torres interdit les
affiches en catalan dans les établissements scolaires ainsi que dans
la vie publique.
5.
Ordonnance du commandant militaire espagnol de Bellver de Cerdanya
pour faire disparaître toutes les affiches ou publicités «en langue
régionale».
6.
Le commandant militaire espagnol de Granollers accorde huit jours
pour remplacer toutes les enseignes et les annonces du catalan au
castillan.
7.
La municipalité de Lleida s'engage à ce que tous les services soient
en castillan.
8.
La
municipalité
de Breda oblige de changer toutes les plaques des noms de rues du
catalan au castillan.
9.
Le
commandant militaire
espagnol de Saint Hippolyte de Voltrega ordonne que dans les 48
heures toutes les enseignes en catalan soient remplacées par
d'autres en castillan.
10.
La municipalité d'Olot ordonne de couvrir ou d'effacer toutes les
enseignes publiques en catalan.
11.
Une ordonnance de la municipalité de Saint Feliu de Llobregat interdit de
parler le catalan aux fonctionnaires.
12.
Lettre du ministre espagnol de l'Intérieur, Ramon Serrano
Suñer
à tous les évêques catalans :
Nouvelles
règles des usages linguistiques dans les communications de l'Église
avec les paroissiens «jusqu'à ce que la langue espagnole soit
comprise par tout le monde (ce qui sera réalisé avec un travail
scolaire tenace)». |
Par ailleurs, les Catalans s'attirèrent de sévères réprimandes de la part des
franquistes lorsqu'ils parlaient catalan: Perro separatista («chien
séparatiste»), Quién es el perro que ha adrado? («Qui est le chien
qui a aboyé?»), Si eres español, habla la lengua del imperio («Si tu es
espagnol, parle la langue de l'Empire») ou encore habla en cristiano
(«Parle chrétien»), ce qui pourrait être l'équivalent ibérique du Speak white
des anglophones du Canada!
Par la suite, la presse espagnole, un allié de poids
pour le pouvoir en place, publia systématiquement des commentaires très élogieux
à l'endroit de «la langue commune à tous les Espagnols, symbole d’unité et
véhicule de compréhension mutuelle» (El Noticiero Universal, Barcelone, 1er
avril 1939: «La lengua común a todos los españoles, vínculo de
unidad y vehículo de mutua comprensión»—, mais aussi en affirmant à maintes
reprises que la langue catalane devait être cantonnée à la sphère familiale et
privée. Le discours sur la souveraineté nationale et la défense de la grandeur
et de l'unité de la nation espagnole furent les arguments récurrents que l'on
retrouve dans la plupart des textes de cette époque. Un décret demeuré
historiquement célèbre fut adopté le 28
juillet 1940 : le Décret portant création
de l'usage exclusif de l'espagnol dans les services publics (Decreto
estableciendo el uso exclusivo del español en los servicios públicos). Il
illustre parfaitement la répression linguistique exercée par le régime de
Franco. Voici les deux premiers articles du décret (traduction):
Article 1er
À partir du 1er
août prochain, tous les fonctionnaires
intermédiaires des sociétés provinciales et municipales dans cette
province, quelle que soit leur catégorie, qui s'exprimeront à
l'intérieur comme à l'extérieur des bâtiments officiels dans autre langue
que celle officielle de l'État seront «ipso facto» destitués, sans
qu'aucun appel ne soit recevable.
Article 2
1)
S'il y a des
manquements commis par des fonctionnaires rémunérés, titulaires d'un
poste ou responsables d'unités administratives ou d'organismes qui
sont en instance d'être réintégrés, ces manquements permettront de
clore le dossier dans l'état où il se trouve, et entraîneront la
destitution immédiate du contrevenant, sans aucun recours. |
Un très grand nombre d’écrivains catalans décidèrent de s’exiler.
Durant de longues décennies, le catalan ne put s’employer qu’à l'intérieur
du
foyer familial. Dans les universités, de nombreuses disciplines furent
supprimées dans l'enseignement: la langue catalane, la philologie catalane,
l'Histoire de la Catalogne, la géographie catalane, le droit civil catalan, le
droit public catalan et l'histoire de l'art catalan.
Cependant, la politique de réduction de l'emploi de la
langue catalane se doubla d'une politique de répression culturelle concernant
tous les symboles qui permettaient de revendiquer une identité catalane
spécifique : l'hymne catalan, le drapeau catalan, les Jeux floraux, la sardane
(une danse populaire catalane), ainsi que toutes les institutions culturelles
(maisons d’édition, bibliothèques, établissements d'enseignement supérieur,
presse et cinéma), dont les activités artistiques et intellectuelles qui
consistent à sauvegarder un patrimoine en assurant un rôle de transmission.
Les années qui suivirent se caractérisèrent par une résistance
culturelle d’ordre général. Après la Deuxième Guerre mondiale, le régime
franquiste permit progressivement une certaine restauration des droits des Catalans.
La mort du général Franco en 1975 allait changer l'ordre des choses. Le 15 juin
1977, l'Espagne célébrait les premières élections parlementaires démocratiques
depuis quarante ans. Le successeur du général Franco, le roi Juan Carlos, et
Adolfo Suárez González,
le président qu'il a nommé, ont su imposer la dissolution du régime franquiste.
À la tête de l'Union du centre démocratique (UCD), une coalition de
centre-droit rassemblant des démocrates-chrétiens, libéraux et autres
technocrates du régime franquistes, Suarez parvint à signer avec tous les
partis, les «Pactes de la Moncloa», préalables à la rédaction de la Constitution
de 1978 qui entérinait la démocratie naissante.
3.3 Le rétablissement de la Generalitat
de 1978
En 1978, la nouvelle Constitution espagnole accorda à la Catalogne son
autonomie politique (l'Estatut) et rétablit la Generalitat, le Parlement de Barcelone et le
gouvernement autonome. Depuis lors, la Catalogne a tout fait pour assurer au catalan son
rôle de langue propre à la région devenue une Communauté autonome au sein de
l'Espagne. Les Catalans ont toujours jusqu'à présent privilégié la voie
autonomiste dans leurs revendications. Rappelons que l’autonomie octroyée par le
Statut d'autonomie de 1979 avait
fait naître bien des attentes qui, avec les années, se voyaient lésées, et ce,
non seulement dans le domaine des compétences dévolues à la Catalogne, mais
aussi les pouvoirs qui ne correspondaient pas à ce que l’on attendait. Ni la
Constitution ni les Statuts d’autonomie originaux n’ont prévu une articulation
adéquate entre les deux niveaux de gouvernement, le gouvernement central et les
gouvernements régionaux. Ces textes prévoyaient à peine les relations que ces
deux niveaux devraient entretenir par la suite. De plus, il fallait traiter du
problème de financement qui s'est révélé insatisfaisant pour la Catalogne, car
le peu d’autonomie fiscale restreignait la capacité de la Catalogne à obtenir
des ressources propres. Au point de vue fiscal, la Catalogne ne récupérait que la
moitié des impôts: l'entente avec Madrid garantissait à la Catalogne 50 % des
recettes de l'impôt sur le revenu, 50 % des taxes à la
consommation (au lieu de 35 %) et 58 % des taxes spéciales (tabac, essence, etc.). Avec le Pays
basque et la Navarre, la Catalogne restait l'une des rares Communautés autonomes à
disposer de sa propre police, de son éducation, de sa justice et de sa santé.
L'accord reconnaissait aussi, pour la première fois, les responsabilités de la
Catalogne dans l'accueil des immigrants: la Generalitat pouvait même
émettre certains permis de travail. Madrid acceptait également de transférer la
responsabilité des trains régionaux.
Il ne faudrait pas croire que seule la Catalogne
se trouvait dans cette situation. Les relations des Communautés avec l’État
espagnol ont, elles aussi, été entachées par de nombreux «accrocs» concernant la mise en œuvre du système de répartition des compétences. Tout cela
a par conséquent conduit la Catalogne à engager, dès 2001, une réflexion interne
sur l’affaiblissement de sa propre gouvernance.
De façon générale, le bilan qui est fait du nouveau modèle
de l'Espagne mis en place avec la Constitution de 1978 demeure tout de même
positif, car l’autonomie des Communautés s’est un peu consolidée avec les
décennies et l’ancienne structure
de l’État espagnol s’est transformée avec un résultat tout à fait acceptable en
termes de fonctionnement du système politique. Néanmoins, cette réussite ne peut
occulter l’existence des graves problèmes qui restreignent le
fonctionnement général du système politique espagnol. L’un des problèmes fondamentaux en
Catalogne est celui de l’érosion progressive des compétences de la Generalitat.
Qui plus est, les problèmes ont eu pour effet de rendre le développement de la
Catalogne, et des autres Communautés, plus difficile au risque d'entraîner une
paralysie, sinon un retour en arrière. C’est précisément pour améliorer cette
situation que le gouvernement catalan a voulu entreprendre une réforme du Statut
d'autonomie de la Catalogne. N'oublions pas que la Constitution espagnole de 1978 devait
être un texte provisoire qui avait été adopté afin de faire oublier au plus vite
le régime franquiste. Deux décennies plus tard, vers la fin du siècle dernier, des millions d'Espagnols
catalans, basques et galiciens rejetaient cette constitution jugée inadéquate.
- La réforme du Statut d'autonomie
En 2005, un projet de réforme du
Statut d’autonomie visant à accorder davantage de pouvoir à la Catalogne,
notamment au plan fiscal, a été adopté par le Parlement catalan. C’est toutefois
une version diluée de ce projet, déjà adoptée par le Parlement espagnol, qui fut soumise et approuvée par référendum en
juin 2006 par 78 % des électeurs. Cette année-là, la «nation» catalane fut
reconnue; son gouvernement obtenait de nouveaux pouvoirs, notamment pour assurer
la «prépondérance» du catalan dans l'administration. Ces mesures ont été prévues
dans un nouveau statut d'autonomie adopté par le Parlement espagnol et le
Parlement de Barcelone ainsi que par une référendum. À ce moment-là, le
gouvernement espagnol était dirigé par
José Luis Rodriguez Zapatero
(président socialiste du gouvernement espagnol de 2004 à 2011); ce dernier était à l'origine de la
refonte du statut catalan, car il avait besoin du soutien des partis catalans au
Parlement de Madrid. José Luis Rodriguez Zapatero avait même soutenu que ce qui
serait approuvé en Catalogne le serait à Madrid. Mais il se trompait!
En effet, les députés du Parti populaire (Partit
Popular en catalan; Partido Popular
en espagnol), un parti très conservateur, ont déposé un
recours auprès du Tribunal constitutionnel afin de protester contre certaines
dispositions du nouveau Statut d'autonomie. Mais le Tribunal constitutionnel, la
plus haute cour en Espagne, était en très mauvaise position pour gérer la
constitutionnalité du Statut d'autonomie. Plusieurs juges avaient dépassé la
durée normale de leur mandat et se trouvaient ainsi dans une situation
irrégulière; on ne s'entendait pas sur le remplacement d'un juge décédé; la
président du TC était accusée de conflit d'intérêts en raison du rôle de son
mari comme conseiller juridique; certains juges ne s'alignaient que sur les
politiques du Parti populaire, alors que d'autres ne retenaient que celles du
Parti socialiste. L'arrêt du Tribunal constitutionnel, plusieurs fois repoussé
en raison de la pagaille entre ses juges, était attendu au cours de l'automne
2009. Quand on connait le processus très politisé de nomination des juges du
Tribunal constitutionnel, on sait d'avance ce qu'ils peuvent décider.
En réalité,
la décision du TC a été retardée en raison de nombreuses tractations et chicanes politiques
entre les partis espagnols pour le contrôle du tribunal en y désignant des juges
affiliés à leur cause. Autrement dit, il fallait trafiquer la cour en y nommant des magistrats
compatibles avec le centralisme traditionnel de l'État espagnol.
N'oublions pas que l'arme judiciaire est parfois à double tranchant, d'autant
plus que le Tribunal constitutionnel est composé d'une dizaine de juges, la
plupart d'entre eux étant favorables au Parti populaire espagnol, le parti le
plus à droite en Espagne.
-
Le réveil de la fibre nationaliste
À partir de 2009-2010, les choses se sont mises à déraper sérieusement entre
le gouvernement espagnol et le gouvernement catalan, et ce, d'autant plus que le
Parti populaire de Mariano Rajoy allait prendre le pouvoir, le 21 décembre 2011,
à Madrid. Finalement, le 28 juin 2010, soit après un délai de quatre ans, ce qui
semble inusité dans un État de droit qui se respecte, le Tribunal constitutionnel espagnol,
la plus haute instance judiciaire du pays, a rendu son arrêt:
Sentencia del
Tribunal Constitucional sobre el Estatuto de Autonomía de Cataluña de 2006
: "Arrêt du Tribunal
constitutionnel sur le Statut d'autonomie de la Catalogne de 2006". Pour le
TC, les Catalans forment une «nationalité» ("nacionalidad"),
pas une «nation» ("nación"),
car il n’y a pas d’autre nation que la «nation espagnole» dans la
Constitution espagnole. De plus, le TC a
non seulement réinterprété 27 articles du Statut d'autonomie, mais en a annulé 14 de
ses 223 articles, dont plusieurs articles sur la langue:
|
Articles jugés
inconstitutionnels |
Article
réinterprétés |
Langue et symboles |
1 |
7 |
Institutions |
8 |
3 |
Compétences |
3 |
6 |
Participation de
l'État |
0 |
3 |
Financement |
2 |
6 |
Réforme |
0 |
2 |
TOTAL |
14 |
27 |
Cet arrêt paraît d'autant plus insolite que le Statut
d'autonomie a été adopté, répétons-le, à la fois par le Parlement
espagnol et toute la population catalane par un référendum.
Ensuite, la situation s'est mise à dégénérer, car l'arrêt
du Tribunal constitutionnel n'a pas été bien accueillie en Catalogne.
L'explication est simple: cet
arrêt du TC réduisait plusieurs dispositions du
Statut d'autonomie de 2006, alors
que le texte avait été adopté par le Parlement espagnol et approuvé par
référendum par la population catalane. Or,
les
Catalans ne l'ont pas entendu de cette oreille, car tout dans cette affaire
était
d'abord une question d'interprétation de la part des juristes espagnols. Cependant, lorsque ce sont les juges du Tribunal
constitutionnel, généralement favorables au Parti populaire (de tendance
conservatrice), qui interprètent les textes, leur décision fait loi, même s'ils
peuvent avoir tort ou être soupçonnés de partialité. C'est pourquoi Barcelone a été le théâtre d'une manifestation,
le 10 juillet 2010, qui a
rassemblé plus d'un million de Catalans, afin de protester contre
l’arrêt du TC. Aux cris de «Independència», les Catalans
ont alors demandé de décider de leur sort en tant que «nation catalane» :
Nosaltres decidim, som una nacio («nous choisissons, nous sommes une
nation»). Les Catalans nationalistes estiment que des
juges ne devraient pas s’opposer à la «souveraineté populaire».
La plupart des partis politiques catalans, surtout les
nationalistes et les indépendantistes, ont annoncé qu'ils
considéreraient comme une déclaration de guerre (casus belli) l'arrêt du Tribunal
constitutionnel. En invalidant certaines dispositions du Statut
d'autonomie, le TC a plongé le gouvernement espagnol de
José Luis Rodriguez Zapatero
(président socialiste du gouvernement espagnol de 2004 à 2011) dans l'eau chaude, lui qui
a été à l'origine de la
refonte du nouveau statut catalan et qui avait besoin du soutien des partis catalans au
Parlement de Madrid. Beaucoup d'Espagnols ont reproché à
M. Zapatero d'avoir trop appuyé
la fibre nationaliste catalane dans le but d'obtenir l'appui des Catalans. Il
était difficile pour le président du gouvernement espagnol de colmater la brèche
souverainiste qu'il avait élargie par des concessions «extraconstitutionnelles»
maintenant désapprouvées.
- Le vent des revendications
Le 11 septembre 2012, jour de fête traditionnelle en
Catalogne, plus d'un million de personnes défilèrent dans les rues de Barcelone,
galvanisées par la perspective de rompre avec l'Espagne. Pour la première fois,
les sondages démontraient qu'une majorité des 7,5 millions de Catalans seraient
favorables à la sécession de la Catalogne. Le Parlement catalan prévit
d'organiser un référendum après les élections anticipées du 25 novembre, soit
deux semaines après le refus du gouvernement central de Madrid d'accorder des
pouvoirs spéciaux en matière fiscale à la plus puissante des régions du nord-est
de l'Espagne. Évidemment, le gouvernement central déclara que la plus haute
juridiction du pays empêcherait un tel projet. Selon les Catalans, la
Catalogne contribuerait «trop» au budget national espagnol, elle paierait «trop» pour les
régions plus pauvres. Bref, en raison de la crise économique, de nombreux
Catalans jugèrent qu'ils donnaient «trop» à l'État espagnol et n'en recevaient
«pas assez».
Le 25 novembre 2012 eurent lieu les élections
législatives.
Le président catalan,
Artur
Mas, crut que son parti remporterait une majorité des sièges au Parlement
catalan.
Les partis souverainistes remportèrent effectivement la majorité des
sièges du Parlement, mais Convergence et Union (CIU: Convergencia i Unio),
la formation politique du président Artur Mas, perdit 12
députés tout en demeurant le premier parti en Catalogne. Le
CIU préconisait un concept ambigu d’autonomie politique pour la Catalogne.
Par ailleurs, le 21 décembre 2011, Mariano Rajoy du Parti
populaire, désigné candidat à la présidence du gouvernement espagnol, fut assermenté par le roi Juan Carlos. Le 12 décembre 2013, le président catalan,
Artur Mas,
annonça l'organisation d'un référendum sur l'autonomie de la Catalogne, avec
le soutien des groupes parlementaires suivant:
- Convergència i Unió:
- Esquerra
Republicana de Catalunya ("Gauche républicaine de Catalogne");
- Iniciativa per
Catalunya Verds - Esquerra Unida i Alternativa ("Initiative pour la Catalogne
Verts - Gauche unie et alternative");
- Candidatura d'Unitat Popular
("Candidature d'unité populaire").
Ces formations politiques ne représentaient
alors que 87 des 135 députés du Parlement catalan, soit 64,4 %.
Néanmoins, le 23 janvier 2013, le Parlement catalan
adoptait la
Déclaration de souveraineté et du droit à l'autodétermination
du
peuple de Catalogne par 85 voix contre
41 et 2 abstentions. La déclaration permettait en principe de proclamer le droit du peuple de
Catalogne à décider lui-même de son destin, sans tenir compte de la Constitution
espagnole, sans l'accord du gouvernement de Madrid et en dépit d'une éventuelle
décision du Tribunal constitutionnel. Évidemment, le texte fut considéré comme
inconstitutionnel.
3.4 La
consultation symbolique de 2014
Le 27 septembre 2014, le
président catalan,
Artur Mas, signa un décret
permettant la tenue d’une consultation populaire non contraignante sur
l’indépendance de la Catalogne. En réaction,
le Tribunal constitutionnel espagnol invalida deux jours plus tard le décret autorisant le référendum en suspendant le processus référendaire
jusqu'à ce que la cour rende son verdict. Le gouvernement espagnol de
Mariano Rajoy invoqua l'article 2 de la Constitution qui affirme «l’unité
indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les
Espagnols». Ainsi, toute démarche sécessionniste apparaît comme
inconstitutionnelle, ce qui en général est tout à fait normal dans la plupart
des pays.
Ce qui est moins normal, c'est que, selon la Constitution espagnole, le gouvernement catalan n’a pas le droit de
tenir un vote, même symbolique, sur l’indépendance. Le Tribunal constitutionnel affirma que
tous les Espagnols devaient prendre part à une telle décision. C'est pourquoi la cour estima que
la consultation prévue n’était pas conforme aux normes démocratiques, ce qui
paraît pour de nombreux observateurs hautement discutable, puisque qu'une consultation peut être démocratique
tant au plan local que national, que ce soit une municipalité ou un district,
une région ou un pays. Pour le président de l'Espagne de l'époque,
Mariano Rajoy,
le référendum annoncé parut «illégal». En réalité, au-delà des positions favorables et
défavorables à l’indépendance de la Catalogne, c'est le caractère démocratique
de l’État espagnol qui était en jeu. Pendant que le président espagnol défendait
l'unité de l'Espagne; l'autre, le droit des Catalans à décider de leur avenir.
Les deux démarches semblaient légitimes, mais pas nécessairement inconciliables. Pour Madrid, la seule démocratie
fut celle qui concerne tous les
Espagnols, pas seulement les Catalans. Le président catalan
Artur Mas accusa le gouvernement espagnol de se servir de la loi
pour éviter que la population puisse se prononcer. Pour
Mariano Rajoy, il n’y avait
rien ni personne qui puisse priver les Espagnols de leur droit à décider du sort de leur
pays.
- Les questions
référendaires
En novembre 2014, le président catalan,
Artur Mas, opta pour une consultation populaire «sans valeur
légale». Une nouvelle décision du Tribunal constitutionnel espagnol eut pour effet de suspendre la tenue du «vote
symbolique» sur l’indépendance. La question, posée à la fois en catalan
et en espagnol, fut la suivante:
1. "Vol vostè que Catalunya sigui un Estat?"
(catalan)
"¿Quiere que Catalunya sea un Estado?
(espagnol)2. "Vol que sigui un Estat independent?"
(catalan)
"¿Y que este sea un Estado
independiente?" (espagnol) |
Questions
(traduction)
1. «Voulez- vous que la Catalogne devienne un État ?
»
2.
Dans le cas d’une réponse affirmative:
«Voulez- vous que cet État
soit indépendant? |
Le jour venu, plus de 2,2 millions de
Catalans s'exprimèrent sur la question de
l’indépendance nationale à l’occasion de ce vote
«symbolique». Comme il était prévu, les indépendantistes
l’emportèrent aisément avec un appui de 80,7
% des votants. La participation, à elle seule, fut
accueillie comme un triomphe. Quelque 5,4 millions de
Catalans pouvaient en principe participer au vote. Ce
sont surtout les sympathisants de la cause
indépendantiste qui se déplacèrent, tandis que les
opposants boudèrent les urnes.
De son côté, l’Exécutif espagnol
fit savoir qu’il n’attribuait «aucune valeur» au taux de participation et
dénonça le scrutin. Quant au président
catalan, il parla d’une «grande leçon de démocratie» et critiqua la «myopie
politique» de Madrid. Autrement dit, la consultation ne changea rien au dialogue
de sourds entre les deux gouvernements. Le bras de fer entre le gouvernement de
Madrid et les indépendantistes catalans n’était pas terminé, et il allait se
poursuivre.
- Les élections catalanes de
septembre 2015
En septembre 2015, les Catalans s'engagèrent dans l'une des campagnes électorales les
plus importantes des 40 dernières années. Le 27 septembre, ils durent décider de
leur gouvernement, mais ils devaient aussi voter sur la question de l’indépendance
nationale. Le président catalan,
Artur Mas, fit le pari d’un chemin peu orthodoxe pour la création d’un nouveau pays : des
élections plébiscitaires. La coalition des principaux partis souverainistes, si
elle était élue à la majorité, prévoyait déclarer unilatéralement l’indépendance en
2017.
Le soir du 27 septembre,
la coalition indépendantiste d'Arthur
Mas ne remporta pas une majorité parlementaire, car six sièges la séparaient de
la majorité nécessaire (68 sièges), et elle n'avait obtenu que 41% des voix, ce qui
est fort loin de la majorité absolue. Bref, les indépendantistes ne purent
obtenir la légitimité démocratique pour faire l'indépendance.
3.5 La voie légaliste et
le dialogue de sourds
En effet, cette indépendance
était forcément difficile à obtenir en raison des
nombreux obstacles, notamment de la part du gouvernement espagnol qui entama une réforme juridique afin de suspendre le
président
Artur Mas, s’il devait procéder à une déclaration d’indépendance. On
fit aussi allusion à un «retrait» de l’autonomie catalane. De plus, le ministre espagnol de
la Défense laissa entendre que l’armée pourrait intervenir si les lois
espagnoles n’étaient pas respectées.
Le gouvernement espagnol de
Mariano Rajoy
présenta officiellement une double réponse à la question catalane: le respect de la loi et
l'ouverture au dialogue. Le problème, c'est que Madrid ne voulut jamais négocier
quoi que ce soit pour transformer un éventuel dialogue en une offre concrète. Plutôt que de négocier une entente, le gouvernement
espagnol de Mariano Rajoy préféra s'en remettre aux tribunaux et à la police. En se servant des tribunaux, le gouvernement espagnol
espérait freiner les aspirations autonomistes des Catalans, mais la stratégie
risquait aussi d'avoir l’effet contraire.
Depuis que le Tribunal
constitutionnel avait tranché contre un nouveau statut d’autonomie pour la Catalogne
en 2010 (voir l'arrêt), le soutien pour l’indépendance
passa même de 15 % à 50 % en
Catalogne.
De blocage en blocage, l'appui à l'indépendance augmenta,
alors que les Catalans demeuraient très divisés sur leur avenir. Il est même
probable que la majorité se contenterait d'une forme de dévolution des pouvoirs,
mais plus le gouvernement espagnol se braquait, plus l’option indépendantiste
gagnait en popularité. L’Espagne ne voulait
certainement pas «perdre» la Catalogne, mais elle s'y prenait bien mal pour la
conserver, car au lieu de jouer du bâton et de la carotte, elle n'utilisait que le
bâton!
3.6 La radicalisation du gouvernement catalan
Puis la situation politique changea en Catalogne. Le parti politique d'Artur Mas, la
Convergence démocratique de Catalogne (CDC), et l'Union démocratique de
Catalogne (UDC), son partenaire au sein de la coalition Junts pel Si («Ensemble
pour le Oui»), annoncèrent la rupture de leur alliance en raison de leurs
désaccords stratégiques dans le processus d'accès à l'indépendance. Au pouvoir
depuis la fin 2010, Arthur Mas fut considéré
comme trop
«libéral» par la CUP (Candidatura d'Unitat Popular : Candidature d'unité
populaire). Bref, les indépendantistes catalans se sont montrés incapables de former un
gouvernement parce qu'ils étaient handicapés et minés par leurs divisions sur
l'identité du futur président catalan.
Finalement, le 10 décembre 2016,
Carles Puigdemont,
maire de Gérone, est devenu le 130e président
au terme d'un vote serré (70 contre 63, en plus de deux abstentions). Celui-ci, profondément indépendantiste, s'est engagé à porter la cause de son
prédécesseur, Athur Mas, c'est-à-dire amener la région à l'indépendance d'ici
2017. Comme on pouvait s'y attendre, le président espagnol
Mariano Rajoy a aussitôt affirmé
que l'Espagne ne permettrait pas aux dirigeants catalans de «s'accorder des
pouvoirs illimités» et a rappelé que les tribunaux espagnols avaient tranché sur
le fait que le projet indépendantiste était illégal.
Le 23 décembre 2016, le Pacte national pour le référendum
fut créé par les partis et organisations indépendantistes, avec l'objectif de
réaliser le référendum sur l'indépendance. Le 9 juin 2017, le gouvernement
catalan, conjointement avec les députés indépendantistes du Parlement de
Catalogne, annonça la date de la consultation populaire (le 1er octobre) et la
question dans les trois langues officielles (catalan, espagnol et aranais) :
Catalan |
Castillan |
Traduction française |
¿Voleu que Catalunya sigui un estat independent en
forma de república? |
¿Quiere que Cataluña sea un estado independiente en forma de
República? |
Voulez-vous que la Catalogne soit
un État indépendant sous la forme d'une république ? |
Le 6 septembre 2017, le Parlement catalan adoptait la Ley del referéndum
sobre la independencia de Catalunya (Loi sur la tenue du référendum portant
sur l’indépendance de la Catalogne). Dès le lendemain, le 7 septembre, la loi
fut suspendue par le Tribunal constitutionnel espagnol, lequel mettait également en garde
les maires des 968 communes de la Catalogne pour les dissuader d'organiser le
scrutin. Le jour même, le Parlement catalan adoptait, avec la même majorité (71
voix sur 135), la loi de transition (Ley de transitoriedad jurídica y
fundacional de la República ou
: Loi sur la transition juridique et
fondamentale de la République) qui prévoit l'organisation de la Catalogne si
le OUI au référendum du 1er octobre l'emportait, ne
serait-ce que par une voix et sans minimum de participation nécessaire.
Comme on le sait, le gouvernement espagnol estime qu'un référendum sur
l'indépendance de la Catalogne devrait impliquer toute la population de
l'Espagne. Évidemment, les indépendantistes catalans perdraient un tel
référendum. Dans ces conditions, le gouvernement conservateur de
Mariano Rajoy fit déclarer
illégal le référendum du 1er octobre par le Tribunal constitutionnel.
Comme ce n'était pas suffisant, le gouvernement espagnol
interdit
non seulement la tenue du référendum, mais menaça de traîner en cour tous ceux qui aideraient à organiser ce référendum sur
l'indépendance et de faire arrêter un grand nombre d'organisateurs, dont les maires des villes catalanes.
Au lieu de se livrer au jeu de la démocratie et de tenter de convaincre les
Catalans qu'il valait mieux pour eux de demeurer dans l'Espagne, le
gouvernement espagnol fit l'inverse au risque de faire grimper la cote de
popularité de l'indépendance en Catalogne. De plus, aucun article (cf. art. 92 et 155) de la Constitution
espagnole ne précise formellement qu'il
est interdit d'organiser des référendums sur une base locale. Tout est
une question d'interprétation de la part des instances politiques et
judiciaires. Madrid joue la carte de la légalité, mais se sert du droit pour
nier un exercice démocratique.
3.7 Les effets pervers de l'arme
judiciaire
Le gouvernement espagnol a tout fait pour empêcher la tenue du scrutin:
arrestations des responsables catalans, fortes amendes de 12 000 euros (près de 15
000 $US), plus de 10 millions de bulletins de vote confisqués, etc. À la fin de la journée du 1er octobre 2017, des centaines
d’indépendantistes rassemblés sur la place de la Catalogne ont accueilli les
résultats du scrutin avec un immense cri de satisfaction : 90 % des votes
se seraient exprimés en faveur de l’indépendance, avec deux millions d’électeurs
sur 2,2 millions de bulletins. Évidemment, la légitimité du vote est contestée
par Madrid, avec raison, car rien n'était vérifiable!
De plus, le gouvernement espagnol refusa de négocier
quoi que ce soit avec
des Catalans qui ont enfreint la loi. En même temps, le chef du gouvernement
espagnol, Mariano Rajoy, n'a jamais plaidé pour l'unité de son pays et il n'a jamais essayé de
relever le défi des indépendantistes catalans; il s'est plutôt contenté
d'interdire et de menacer en se dissimulant derrière des juges et des policiers.
En l'absence de propositions politiques concrètes de la part de l'Exécutif
espagnol, les chances d'une résolution négociée de la crise demeuraient nulles
avec le résultat que c'est le pire des scénarios qui s'est concrétisé de part et
d'autre, une fois les modérés exclus dans les deux camps.
- La répression espagnole
Le jour du scrutin, la police antiémeute, la Guardia Civil
(la
police nationale espagnole), a tenté d'empêcher les
citoyens de participer au processus référendaire.
La télévision a montré des électeurs frappés, matraqués ou encore jetés
violemment au sol. Des policiers encagoulés ont frappé des personnes âgées et
des femmes; ils ont cassé des vitres pour entrer dans les bureaux de scrutin et
ont utilisé des gaz lacrymogènes. Des centaines de personnes
ont été évacuées sur des civières, alors qu'elles ne voulaient que voter. Ces
images qui avaient fait le tour du monde. Évidemment, Madrid, a rejeté toute
responsabilité sur les autorités catalanes.
Il est vrai que le gouvernement espagnol a agi dans le respect du droit espagnol, l’ordre constitutionnel
ne pouvant être remis en question. Toutefois, le gouvernement central a, depuis
plusieurs années, alimenté la crise par
son incompréhension, sa rigidité et sa brutalité. La première fois en 2010,
lorsque le Tribunal constitutionnel a invalidé une grande partie du nouveau
Statut d'autonomie de 2006
pourtant démocratiquement adopté à la fois par les Cortès de Madrid (Chambre des
députés) et par le Parlement catalan. La deuxième fois, c'est lorsque le
gouvernement espagnol a refusé la tenue d'un référendum qu'il aurait pourtant
gagné. La troisième fois (le 27 octobre 2007), c'est la mise en œuvre de
l’article 155 de la Constitution qui lui
permet d’adopter les «mesures nécessaires» pour contraindre la Catalogne à
«l’obéissance forcée de ses obligations légales», ce qui suspendrait l'autonomie
de la Catalogne. Bref, au lieu d’une plus grande autonomie promise, Madrid a
défait l’accord de 2006 et remplacé la négociation par la répression.
L'Espagne a accusé les indépendantistes catalans de «rébellion»
et de sédition». Le terme de «rébellion» est définie légalement en Espagne comme
«un soulèvement violent contre l’ordre constitutionnel», tandis que la
«sédition» consiste en «un soulèvement public et tumultueux pour empêcher par la
force ou en dehors des voies légales l’application des lois». Toutefois, la
violence est plutôt l’apanage des forces de l’ordre espagnoles, ce qui rend le
chef d’accusation de «rébellion» plutôt loufoque. Quant à la sédition, elle
suppose un coup d'État sans avoir recouru à la directement à la violence, alors
que celle-ci est venue, dans les faits, du camp adverse! Au XXIe siècle, ces
deux termes font d'ailleurs sourire dans les démocraties occidentales, car ils
paraissent archaïques et associés à une autre époque, celle du Moyen Âge, ou à
d’autres types de régimes, les régimes autoritaires et les dictatures. Depuis
ces dernières années, ces termes ont donné lieu à de furieux débats qui ne
règlent rien.
La liste des mesures envisagées montre que Madrid
a accaparé toutes les manettes de l’administration de la Catalogne, depuis la police
autonome (les Mossos d'Esquadra) jusqu’à la radio et la télévision publiques, et
a mis le Parlement
régional sous tutelle en emprisonnant les dirigeants catalans. De son côté, le
gouvernement catalan a proclamé unilatéralement son indépendance par une
majorité (70 sur 135) de députés du Parlement de Catalogne.
Ensuite, le gouvernement espagnol a fait incarcérer
plusieurs des ministres catalans et a lancé un mandat d'arrêt contre
Carles Puigdemont, le président destitué de la
Catalogne, qui a fui à Bruxelles, puis en Allemagne. On a jeté en prison les
leaders indépendantistes avec deux ans de détention avant leur procès. Certes, il aurait été préférable
que le gouvernement espagnol ait travaillé sur un scénario de sortie de crise viable, plutôt que de poursuivre
une approche musclée qui risque même de torpiller ses propres objectifs. Certains observateurs estiment que l'attitude de
Mariano Rajoy a été un relent du
centralisme autoritaire qu'a connu l'Espagne sous le règne du général Franco. C'est ce qui
expliquerait la riposte musclée de Madrid: arrestations, amendes, menaces,
saisies de matériel, matraquages, etc. Cette
crise politique témoigne que l'Espagne est encore
marquée par le centralisme et une allergie viscérale à la diversité. Comme stratégie, le gouvernement espagnol aurait mieux fait de
laisser les Catalans voter en laissant entendre d'avance qu'il ne reconnaîtrait
pas le résultat. Dans une démocratie, un chef d'État qui réprime son peuple
devant les caméras du monde entier, ce n'est pas un acte politique de bon
augure.
- Les changements de joueurs
Finalement, il valait mieux que les principaux joueurs politiques soit
changés. Le 14 mai 2018,
Quim Torra a été
investi président de la Generalitat après un discours à forte tonalité
indépendantiste. Quelques jours plus tard, le 1er
juin 2018, Mariano Rajoy, coulé par un scandale de corruption, a été renversé
par une motion de censure par le Parlement espagnol et remplacé par le socialiste
Pedro Sanchez. Un chapitre de
l'histoire politique espagnole s'est donc refermé à Madrid. Pour réussir à faire
adopter la motion de censure, les socialistes ont dû faire coalition avec les
indépendantistes catalans. Si Pedro Sanchez a déjà défendu le concept de
l’Espagne comme «une nation de nations», il a abandonné ce discours durant la
crise catalane ; il s'est même montré un fervent défenseur de la Constitution et
de l’unité de l’Espagne. S'il a critiqué la tentative d'indépendance catalane,
Pedro Sanchez a aussi promis de «construire des ponts» avec le nouveau
gouvernement catalan.
- La sentence du Tribunal
constitutionnel en octobre 2019
Le 14 octobre 2019, le Tribunal constitutionnel a rendu sa
sentence: les neuf principaux leaders indépendantistes ont été condamnés à des
peines de prison pour sédition et malversation de fonds publics, allant de neuf
à treize ans, notamment l’ex-vice-président du gouvernement, l’ex-présidente du
Parlement et cinq ex-ministres. Le Tribunal a abandonné le chef d’accusation de
«rébellion» – qui passait vraiment mal hors de l'Espagne et lui faisait une
mauvaise réputation – pour ne retenir que la «sédition». Leur crime : avoir
consulté leur nation sur son avenir. Un nouveau mandat d’arrêt international a
aussi été lancé contre
Carles Puigdemont réfugié en Belgique en espérant que Madrid
pourrait faire extrader l’ancien président catalan en exil.
Néanmoins, les pénalités contre les
indépendantistes catalans semblent totalement disproportionnée, compte tenu qu'ils n'ont
jamais agi avec violence ni tué personne. Vues de l'extérieur de l'Espagne, les
peines de neuf à douze ans de d'emprisonnement infligées à des indépendantistes
catalans par la justice espagnole peuvent sembler aussi injustes
qu’incompréhensibles. On peut, dans un pays démocratique, se faire infliger pour
un délit politique des peines réservées aux violeurs récidivistes ou aux
braqueurs de banque! Pourtant, les neuf condamnés, impliqués à divers titres
dans le mouvement souverainiste catalan, n’ont commis aucun geste violent, ni
incité à la casse. Il est plausible que les dirigeants
espagnols aient eu comme objectif de punir l’ensemble de la population catalane.
Pendant que les Catalans sont révoltés, Madrid applaudit. Fidèle à sa ligne
dure, le quotidien
El Pais, réputé «progressiste», s'est réjouit de la lourdeur des peines; il
a affirmé que
la sentence résulte de l’application stricte des lois dans un État de droit, et
qu'elle ne constitue ni un jugement partial ni une vengeance.
Des
observateurs y voient des relents du franquisme anti-catalan. Un peu plus à
droite, d'autres déplorent que les peines ne soient pas assez sévères, ils
auraient voulu des condamnations pour «rébellion» avec des peines de vingt-cinq ans. Ils
soutiennent aussi que c’est justement pour éviter le retour aux violentes
divisions du passé que les Espagnols veulent que leur pays soit «indivisible»,
comme le précise l'article 2 de la Constitution espagnole.
- Le cul de sac
Dans cette crise, chaque camp a poursuivi sa logique, mais
l’attitude butée des autorités espagnoles n’a fait que jeter de l’huile sur le
feu. Le gouvernement espagnol s'est toujours entêté à régler un problème
politique par la voie judiciaire, ce qui s'est révélé contre-productif. En
effet, ce sont les autorités espagnoles qui ont amplifié le mouvement
indépendantiste catalan depuis 2010, lequel ne cesse de prendre de l’ampleur. Les
différents gouvernements espagnols auraient dû, depuis des années, ouvrir des
discussions avec les représentants élus de la Generalitat catalane. Toutefois,
ils n'ont jamais eu quoi que ce soit à offrir, sauf brandir l'épée de Damoclès
de la Justice!
|
Pourtant,
tous les Espagnols savaient ce que revendiquaient les Catalans:
des pouvoirs supplémentaires, un nouvel arrangement fiscal, la reconnaissance
d'être une nation, la prééminence de leur langue en Catalogne, notamment dans
les écoles et les administrations publiques. Or, les membres du gouvernement
espagnols n'ont jamais cherché à comprendre le sentiment populaire des Catalans;
ils ont préféré ignorer tout de la situation qui prévalait en Catalogne et
enfoncer leur pays dans une crise institutionnelle sans précédent. Bien sûr, Madrid savait aussi que
d'autres Communautés autonomes que la Catalogne pourraient rappliquer avec leurs propres revendications, ce
qui justifiait vraisemblablement le gouvernement central de jouer à l'autruche
en se mettant la tête dans le sable. Tous se disent ouverts au dialogue,
mais tous posent des conditions préalables qui rendent ce dialogue impossible.
Il ne peut y avoir d’autre issue à cette crise politique qu’un règlement
politique, encore moins la judiciarisation perpétuelle du conflit. Le blocage
demeure complet et le pourrissement va se poursuivre, car il n’y a aucune sortie
de crise à l’horizon. L’enfoncement dans la logique juridique rigide
ne fera qu’augmenter le sentiment d’injustice et la force du
mouvement souverainiste. |
Alors que la situation risque de se dégrader en Catalogne, le
processus judiciaire risque aussi de se poursuivre. Les avocats des neuf leaders
séparatistes ont annoncé qu’ils déposeraient un recours auprès du Tribunal
constitutionnel pour «atteinte aux droits de l’homme», préambule à une plainte
devant les instances européennes à Strasbourg. Or, ces démarches seront
laborieuses et prendront de longs mois. Pour aider sans doute à perpétuer la
crise, la justice espagnole a, en septembre 2020, destitué le président catalan
Quim Torra pour
un délit de «désobéissance» à un an et demi d’inéligibilité. M. Torra est
sanctionné pour avoir refusé d’obéir aux ordres de l’autorité électorale qui
l’avaient sommé de retirer une banderole au contenu sécessionniste de la façade
du siège du gouvernement régional avant les élections d’avril 2019. Pendant 18
mois, M. Torra ne pourra pas exercer de fonction publique et devra payer une
amende de 30 000 euros. Cette destitution risque de raviver les tensions en
Catalogne.
3.8 Le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes
Beaucoup de nationalistes de divers pays évoquent le «droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes», ce qu'on appelle aussi le «droit à
l’autodétermination». C'est là un principe issu du droit international,
notamment dans la Charte des Nations unies, selon laquelle chaque peuple
dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime
politique, indépendamment de toute influence étrangère. Pour être mis en œuvre, du moins en théorie, le droit à
l’autodétermination suppose non seulement une violation des droits de la
personne, mais aussi une grande répression de la part de l'État, une oppression
presque systématique. On comprendra surtout que ce droit à l'autodétermination
n'est pas pour tous les peuples et qu'il s'agit d'un principe fort milité et
rarement applicable. D'ailleurs, selon l'ancien secrétaire général de l'ONU,
Ban Ki-moon, ce droit des peuples à disposer d'eux-mêmes s'applique uniquement
aux colonies et aux peuples opprimés, des catégories dans lesquelles la
Catalogne n'entre pas:
L'Espagne est
un pays indépendant et souverain qui inclut la région catalane et
c'est ainsi qu'elle a été admise aux Nations unies et agit au sein
de la communauté internationale. [...]
Quand on parle d'autodétermination, certaines aires ont été
reconnues par les Nations unies comme des territoires non autonomes.
Mais la Catalogne ne fait pas partie de cette catégorie.
|
Certes, si l’on peut regretter la répression policière le jour du référendum,
les Catalans ne sont pas dans une situation de violation massive des droits de
l’Homme, ce qui justifierait un droit unilatéral à la sécession. En droit international, la
théorie dominante, c’est que ce n'est ni interdit ni permis. C'est avant tout
une question politique. De plus, ce fameux droit à l'autodétermination est contrebalancé par le droit des États
à préserver leur unité politique et territorial. Sans cette «précaution», aucun
État n'aurait signé un tel traité international. Dans les faits, les États ne se
préoccupent pas de ces dispositions sur «le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes» dans les autres États, sous prétexte qu'il s'agit d'affaires
internes à un pays. De façon évidente, le droit à l’autodétermination n'est pas
un droit absolu, car il s'agit en fait d’un droit politique dont l’application
est limitée par le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures
d’un autre pays et aussi par la règle démocratique de la majorité. Finalement,
il faut convenir que le droit à l’autodétermination est surtout
conditionné par le rapport des forces en présence.
- Le silence complice
Dans le cas du référendum catalan du 1er octobre 2017, il
était à parier qu'aucun
État ne voudrait réveiller les nationalismes qui somnolent en son sein. Aucun État
européen, certainement pas la France qui est le voisin immédiat de l’Espagne, ne
voudrait se mettre à dos un gouvernement souverain en soutenant un mouvement
nationaliste régional sous peine d'ouvrir une boîte de Pandore. C'est
pourquoi ni la France, ni l’Italie, ni le Canada, ni le Royaume-Uni, etc.,
n’ont osé soutenir les Catalans; on comprend bien pourquoi. En l'occurrence, les États vont s’accrocher,
comme l'Espagne, à la «règle de droit» selon laquelle toute sécession est
formellement interdite, car aucun État n’ouvre à l’avance la voie légale à sa
propre dissolution. Les autres pays d'Europe, dont beaucoup abritent des
minorités nationales, craindront un effet de contagion. Certes, ils condamnent
tous la
violence, mais soutiennent l'Espagne!
3.9 Les modèles de référendum
d'autodétermination
Pour les nationalistes catalans, il appartient à la
Catalogne de définir sa relation avec le reste de l’Espagne. Au contraire, pour les «espagnolistes»
("los españolistes") —
et les ultra-espagnolistes
—, notamment les partisans du Parti populaire, seul le Parlement
national de Madrid est souverain, alors que la Catalogne ne constitue qu’une
communauté autonome «comme les autres». Pour le moment,
l'Espagne semble avoir créé
une structure politique étrange
qu'on pourrait qualifier d'«État décentralisé très unitaire»! C'est ce qui
explique que les Catalans soient «catalans de cœur» et «espagnols de
passeport».
- Le modèle écossais
Le référendum qui a eu lieu en Écosse
en septembre 2014 est
frappant par son contraste avec la Catalogne. Dans ce cas-ci,
Londres
s'est entendu dès 2012 avec Édimbourg sur les termes du référendum portant sur
l’indépendance de l’Écosse : la question, les règles et les conséquences, ce qui
adonné lieu à un admirable débat démocratique. Alors que Londres avait joué le
jeu, évidemment risqué, du référendum écossais, le gouvernement conservateur de
Mariano Rajoy a opposé une fin de non-recevoir systématique aux velléités
catalanes. Quoiqu'il arrive, le projet écossais
d’indépendance, en dépit de son échec, a acquis une grande notoriété en créant
un cadre, voire une référence mondiale en la matière, qui profitera à d’autres
petites nations, comme la Catalogne, le Québec, le Groenland, etc. De plus, le
processus a certainement contribué à familiariser la communauté internationale
avec ce genre de questions. C'est déjà beaucoup.
- L'exemple du
Québec
Voyons aussi ce qui s'est passé
au Canada concernant la sécession du Québec. En août 1998, la Cour suprême du
Canada s'est prononcée sur la sécession du Québec dans un jugement intitulé «Renvoi
relatif à la sécession du Québec». Dans son jugement,
la Cour reconnaissait que, même s'il n'existe pas de droit de
sécession unilatérale en vertu de la Constitution ou du droit international,
cela n'écartait pas la possibilité d'une déclaration inconstitutionnelle de
sécession conduisant à une sécession de facto, laquelle serait même
reconnue par la communauté internationale.
En conséquence, les juges de la Cour suprême du Canada ont
décidé que, si à la suite d'une question claire, les Québécois indiquaient par
une majorité claire leur intention de se séparer du Canada, cela entraînerait
envers les autres provinces et le gouvernement fédéral l'obligation de négocier
de bonne foi la séparation du Québec.
Bien sûr, il doit être extrêmement rare qu'un État prévoie
dans sa loi fondamentale une quelconque disposition concernant la sécession d'une de
ses composantes. Par exemple, la Constitution américaine n’a pas prévu,
comme dans les autres pays, de mécanisme de retrait de la fédération pour les
États; une fois entré dans l’Union, on ne peut légalement plus en sortir. Le
fait de tenter de retenir une nation dans un ensemble qui désire s'en
retirer par des arguments strictement légalistes peut retarder le processus pour
un temps limité. En somme, vouloir déclarer son indépendance pour une nation, c’est forcément
sortir du cadre juridique constitutionnel. Mais ce qui est en principe illégal
peut néanmoins être légitime. Le jugement de la Cour suprême du Canada sur un
problème similaire en Catalogne devrait faire jurisprudence dans un pays
démocratique comme l'Espagne. Nous savons pourtant que les grands enjeux
en politique sont décidés non pas par le droit, mais par les rapports de force !
Dans le cas de la Catalogne, l'État espagnol a un avantage aux plans militaire
et juridique sur la Catalogne. Dans l'état actuel, il paraissait inévitable que les
autorités catalanes allaient déclarer leur indépendance et que l’État espagnol
allait répondre en abrogeant l’autonomie de cette région, provoquant ainsi un chaos
politique, ainsi que des confrontations entre le gouvernement espagnol et les
indépendantistes. Deux légalités coexistent en Catalogne : celle de l’Espagne et
celle de la «République catalane». En attendant une éventuelle sortie de crise,
tous les intervenants politiques savent que «ça va mal se terminer». Le problème
politique va demeurer entier, car ce n'est pas la mise en tutelle de la
Catalogne et l'emprisonnement des dirigeants catalans, qui ne feront améliorer
les choses. Le légalisme obstiné des autorités espagnoles a aggravé la crise.
Pour Madrid, le respect de l’État de droit a pris la forme d’une matraque portée
contre ceux qui veulent se prononcer sur leur avenir. Au lieu de négocier avec
les Catalans, le gouvernement espagnol a préféré les écraser et, comme si ce
n'était pas suffisant, leur retirer les gains obtenus en 2006 et en 2010 pour
plus d’autonomie. Tout un gâchis que d'enflammer une crise qu'on prétend
éteindre! Si l'objectif était d'étouffer le mouvement sécessionniste, le
résultat laisse grandement à désirer. De plus, le dialogue est rompu, et il sera difficile de
rétablir les ponts entre Madrid et Barcelone.
Le cadre juridique du catalan fut défini durant un temps dans trois importants documents: la
Constitution espagnole (1978), le Statut d'autonomie de la Catalogne (1979,
abrogée en 2005) et,
jusquà la loi du 7 janvier 1998 sur la politique linguistique, la
Loi sur la
normalisation linguistique en Catalogne (1983) ou Llei de normalització
lingüística a Catalunya. Puis, à la fin de lannée
1997, un projet de loi de politique linguistique a été approuvé par le
parlement de la Catalogne: il sagit de la
Loi sur la politique linguistique
du
7 janvier 1998 (Lei 1/1998, de 7 de gèr, de politica lingüistica)
approuvée, cette fois, par un vote favorable de 80 % des voix. En raison de
cette dernière loi, la Catalogne est la seule des Communautés autonomes à
avoir réformé sa loi sur la normalisation linguistique. À ces
textes
il faut ajouter une bonne trentaine de lois adoptées de façon ponctuelle par la Generalitat
(le Parlement catalan) de Catalogne. On en trouvera des exemples dans les
documents appelés «lois
diverses (1)» et «lois
diverses (2)». En fait, la Catalogne s'est dotée d'une législation
très complète et très ambitieuse, pratiquement unique au monde pour un État non
souverain.
4.1 Le Statut d'autonomie de 2006
Le Parlement catalan a adopté, le 30
septembre 2005, un nouveau Statut d'autonomie (Estatut), le troisième de
son histoire, par 120 voix contre 15 (celles des conservateurs du Parti
populaire). L'Estatut entendait faire reconnaître la Catalogne comme une
«nation», bénéficiant d'une souveraineté fiscale et judiciaire et dont les
citoyens ont «le devoir de déterminer librement leur futur en tant que peuple».
Les 227 articles de l'Estatut affirment assurer la prééminence de la
langue catalane dans tous les domaines. De plus, le texte énumère les droits
fondamentaux des Catalans et définit comme relevant de la compétence exclusive
de la catalogne la justice, le droit civil, la fiscalité, l'éducation,
l'immigration, l'agriculture, l'eau, le sport et d'autres secteurs dont les
routes, les ports et les aéroports. Un Tribunal supérieur de justice
chapeauterait l'ensemble des instances judiciaires. Tous les impôts seraient
collectés et gérés par les institutions catalanes. Celles-ci céderaient au
pouvoir central un «quota annuel» au titre des services rendus par l'État
espagnol en Catalogne et au titre de «la solidarité» avec d'autres régions.
Depuis 1979, aucun gouvernement catalan n'avait jamais modifié le texte
constitutionnel définissant les compétences territoriales de la Communauté
autonome.
Toutefois, le texte constitutionnel devait être adopté
également par les Cortès
de Madrid (Chambre des députés), où le projet catalan était jugé
«inconstitutionnel» par les deux grands partis nationaux. Le mot nación
(«nation») proposé par le Parlement catalan n'a pas réussi à passer:
El
Parlament de Catalunya, recogiendo el sentimiento y la voluntad de la
ciudadanía de Catalunya, ha definido de forma ampliamente mayoritaria a
Catalunya como
nación. La
Constitución Española, en su artículo segundo, reconoce la realidad
nacional de Catalunya como
nacionalidad.
|
Le
Parlement de la Catalogne, rassemblant le sentiment et la volonté
des citoyens de la Catalogne, a défini comme
nation
la population amplement majoritaire de la Catalogne.
La Constitution espagnole, dans son second
article, reconnaît la réalité nationale de la
Catalogne comme
nationalité. |
Le Parlement catalan avait pris certaines précautions: il avait
utilisé une formulation indirecte mentionnant que c'est le Parlement qui,
d'après la volonté des citoyens de la Catalogne, a défini comme «nation»
la population de la Catalogne, tandis que la Constitution espagnole reconnaissait la
réalité nationale de la Catalogne comme une «nationalité». Pourtant, le Tribunal constitutionnel (TC) acceptait que la
Catalogne soit définie comme une nation, parce que le mot était sans
effet juridique dans le Statut d'autonomie. C'est pourquoi le texte final
du nouveau
statut d'autonomie de 2006 a fini par être un peu édulcoré lorsque les Cortès
l'ont approuvé, le 30 mars 2006, par une majorité de
189 députés sur 345. Ainsi, la Catalogne comme «nation» (nación) est
disparue pour faire place à la «nationalité» (nacionalitat/nacionalidad):
Article 1
[catalan]
Catalunya
Catalunya,
com a nacionalitat, exerceix el seu autogovern constituïda en
comunitat autònoma d'acord amb la Constitució i amb aquest Estatut, que és
la seva norma institucional |
Article 1er
Catalogne
La Catalogne,
en tant que nationalité, exerce son auto-gouvernance
constituée en Communauté autonome en accord avec la Constitution et le
présent Statut, qui est sa norme institutionnelle. |
Le Préambule du Statut d'autonomie emploie, en castillan, pueblo de
Cataluña («peuple de Catalogne») et pueblo catalán («peuple catalan»); en catalan, poble de Catalunya et poble català.
Mais les Catalans voulaient le mot «nation».
|
Le texte final a été soumis, le 18 juin 2006, à la
consultation des Catalans qui l'ont approuvé par référendum (jugé légal à
l'époque) avec une forte majorité de 74 %
(contre 21 %), même si seulement 49 % des Catalans se sont donné la peine de
voter.
Autrement dit, l'autonomie élargie se trouve quelque peu ternie par une
abstention de 50,59%. On est est loin de la «clameur historique du
peuple catalan» prédit par le président de la Catalogne,
Pasqual Maragall. Or, en 1979, le premier
Statut d'autonomie avait été accepté
par plus de 88 % des votants et 53 % des inscrits.
En 2006, les Catalans étaient d'autant moins prêts à rejeter l'accord qu'ils craignaient
un retour au pouvoir à Madrid du Parti populaire (Partido Popular), farouchement opposé aux
régionalismes en Espagne. À l'époque, José María Aznar, alors premier ministre
espagnol (du 5 mai 1996 au 17 avril 2004), avait même refusé à la
Catalogne ses propres plaques d'immatriculation. Des milliers de personnes
ont voté OUI par simple rejet du Parti populaire et aussi par lassitude
des batailles contre Madrid, lassitude des luttes de pouvoir entre partis
politiques catalans et, surtout, lassitude des débats sur le sens
véritable des mots nation et autonomie. |
Pour le président du gouvernement,
José-Luis Rodriguez Zapatero, qui a
participé à la délicate préparation d'un compromis sur le texte final,
la diversité ne signifiait pas la «division». Il croyait bien avoir réalisé
l'un de ses objectifs politiques : «L’Espagne plurielle». N'oublions pas
que le nouveau Statut d'autonomie a été adopté à la fois par les Cortès (le Parlement
espagnol), ainsi que par le Parlement catalan et la population catalane par un
référendum (18 juin 2006).
Pourtant, lors d'un
sondage publié le 30 mai 2006 par le quotidien El Mundo, 54 % des
Espagnols étaient hostiles au projet de «statut élargi» pour la Catalogne, et la
même proportion estimait que le texte devrait être soumis à une consultation
populaire à l'échelle nationale. Les tenants du projet, tant catalans
qu'espagnols, ne voyaient pas dans ce référendum un
pas vers l'indépendance de la Catalogne, mais plutôt une reconnaissance par
Madrid de «la spécificité régionale catalane». On peut lire une version française des dispositions linguistiques
(l'article 6) du nouveau Statut d'autonomie (2006)
en cliquant
ICI, s.v.p. On peut lire aussi une version française complète (format PDF) du Statut d'autonomie
en
cliquant ICI, s.v.p.
Cela étant dit, des politiciens catalans pensaient déjà à
ce moment-là à des
stratégies pour accroître l'autonomie.
Jordi Pujol, l'ex-président du
gouvernement catalan affirmait: «Le nouveau statut est mieux qu'avant, mais ce
n'est qu'un pas en avant. [...] Ce qui importe, c'est de récupérer ce qui nous
manque encore dans le statut d'autonomie.» Le successeur de Pujol, le
président Pasqual Maragall croyait que «le statut d'autonomie catalan est la locomotive d'un futur État
fédéral». Les autres régions, dont le Pays basque, les Baléares et
l'Andalousie, ont suivi le dossier de près, afin d'étoffer leurs propres
revendications.
4.2 Les limites
imposées par le
Tribunal constitutionnelCependant,
en juillet 2006, le grand parti conservateur espagnol, le
Parti populaire, a déposé un recours auprès du Tribunal
constitutionnel concernant pas moins de 114 des 223 articles
du Statut d'autonomie, alléguant que ce dernier dépassait
«les lignes rouges de la Constitution espagnole». C’est sur
ce recours que les magistrats du Tribunal constitutionnel
durent statuer. Selon le
journal El Pais,
les juges du haut tribunal pouvaient déclarer certaines
dispositions non conformes à la Constitution en raison
notamment de la définition dans son préambule de la
Catalogne comme «nation» et de l'obligation faite à ses
habitants de connaître le catalan (article
6). Voici le texte en question dans le Préambule:
Preámbulo
(en catalan)
El
Parlament de Catalunya, recollint el sentiment i la voluntat de la
ciutadania de Catalunya, ha definit Catalunya com a nació d'una
manera àmpliament majoritària. La Constitució espanyola, en
l'article segon, reconeix la realitat nacional de Catalunya com a
nacionalitat. |
Préambule
(traduction)
Le
Parlement de la Catalogne, en recueillant le sentiment et la volonté
des citoyens de la Catalogne, a défini la Catalogne comme
nation
par une large majorité. La Constitution espagnole, à l'article 2,
reconnaît la réalité nationale de la Catalogne comme une
nationalité. |
Et cet article 2 de la
Constitution espagnole de 1978:
Artículo 2
(en
espagnol)
La
Constitución se fundamenta en la indisoluble unidad
de la Nación española, patria común e
indivisible de todos los españoles, y reconoce y
garantiza el derecho a la autonomía de las
nacionalidades y regiones que la integran y la
solidaridad entre todas ellas.
|
Article 2
(traduction)
La Constitution est
fondée sur l'unité indissoluble de la nation espagnole,
patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît
et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des
régions qui la composent et la solidarité entre elles.
|
Pour le Parti populaire (conservateur), la Catalogne ne constitue pas une
«nation», car il n’y a pas d’autre nation que la «nation espagnole» dans la
Constitution espagnole. C'est une guerre sémantique, car il y a une nation
espagnole et il y a une nation catalane. On peut nier l'évidence, mais cela ne
change en rien la réalité.
Dans son arrêt du 28 juin 2010, le Tribunal
constitutionnel a précisé que faire
référence à la région du nord-est de l'Espagne comme une «nation» était une «idée
parfaitement légitime», mais qu'elle n'avait aucun fondement juridique (voir
le texte de l'arrêt). La Cour
a considéré que le fait que les statuts d’autonomie ont leur fondement dans la
Constitution est «une question de principe aussi élémentaire et ne pas être
contesté», alors que donner un effet juridique à la nation catalane est
«incompatible, contradictoire» avec l'«unité et l’indivisibilité de la nation
espagnole, qui est fondée sur la Constitution». On peut parler de «nation» au
sens culturel, linguistique, sociologique ou religieux, mais pas au point de vue
constitutionnel. Selon l’interprétation de la Cour, la seule nation
constitutionnelle est l'Espagne, ce qui a choqué les Catalans. En fait, le
TC a bien cerné le problème: les Catalans forment une nation au sens
culturel, linguistique et sociologique, mais pas en terme légal. Ce n'est pas un
droit constitutionnel de former une nation catalane. Seule la nation espagnole
en est une au sens juridique du terme. C'est là une autre guerre de
sémantique!
- L'article 6
Sur la question linguistique, c'est l'article
6.1 qui porte sur la «langue propre» et les «langues officielles» :
Article 6
La llengua pròpia
i les llengües oficials
1) La llengua
pròpia de Catalunya és el català. Com a tal, el català és la llengua
d'ús normal i preferent de les administracions públiques i dels
mitjans de comunicació públics de Catalunya, i és també la llengua
normalment emprada com a vehicular i d'aprenentatge en l'ensenyament.
|
Article 6
(traduction)
La langue propre et les langues officielles
1) La langue propre de la Catalogne est le catalan. En tant que tel,
le catalan est la langue utilisée habituellement et de préférence par
les administrations publiques et les médias publics de Catalogne. En
outre, le catalan est normalement utilisé comme langue véhiculaire et
d’apprentissage dans l’enseignement. |
Le Tribunal constitutionnel a introduit d’autres
limites : nul ne peut être tenu de parler la langue catalane à l’école ou dans
les administrations locales. Le fait de déclarer le catalan «de préférence» pour la langue
des administrations publiques, le fait de détenir un pouvoir judiciaire autonome et le fait
d’augmenter les compétences fiscales de la Catalogne ont été rejetés, tandis
qu’a été rappelée «l’unité indissoluble de la nation espagnole», qui rend
illégale le terme de «nation catalane». Selon le Tribunal, les administrations
publiques ne peuvent avoir une langue «de préférence» pour aucune des langues
officielles. Envisager le catalan comme «langue propre» ne doit pas supposer un
déséquilibre dans le régime de co-officialité. Déclarer des préférences
«implique la primauté d'une langue plutôt qu'une autre», ce qui est
inconstitutionnel. Le Tribunal
énonce aussi qu'on ne peut déclarer le catalan comme «langue véhiculaire» dans
l'enseignement, car le castillan doit, lui aussi, être considéré comme langue
véhiculaire dans l'enseignement.
Quant à l'article 6.2 qui proclame que «le
catalan est la langue officielle de la Catalogne», il est également assujetti,
selon le Tribunal constitutionnel, aux principes juridiques énoncés par
celui-ci, comme l'est également la disposition qui prévoit que «la Catalogne,
définie en tant que nationalité à l'article 1, a comme symboles nationaux le
drapeau, la fête et l'hymne» (art. 8).
Article 6
La llengua pròpia
i les llengües oficials
2) El català és la llengua
oficial de Catalunya. També ho és el castellà, que és la llengua oficial
de l'Estat espanyol. Totes les persones tenen el dret d'utilitzar les dues
llengües oficials i els ciutadans de Catalunya tenen el dret i el deure de
conèixer-les. Els poders públics de Catalunya han d'establir les mesures
necessàries per a facilitar l'exercici d'aquests drets i el compliment d'aquest
deure. D'acord amb el que disposa l'article 32, no hi pot haver
discriminació per l'ús de qualsevol de les dues llengües. |
Article 6
(traduction)
La langue propre et les langues officielles
2) Le catalan est la langue officielle de la Catalogne, de même que
le castillan, qui est la langue officielle de l'État espagnol. Toutes
les personnes ont le droit d'utiliser les deux langues officielles, et
les citoyens de Catalogne ont le droit et le devoir de les connaître.
Les pouvoirs publics de Catalogne doivent mettre en place les mesures
nécessaires pour faciliter l'exercice de ces droits et le respect de ce
devoir. Conformément aux dispositions de l'article 32, il ne peut y
avoir de discrimination en raison de l'utilisation de l'une ou l'autre
langue. |
Pour le Tribunal, le devoir d'utiliser la catalan est
limité par le droit de connaître le castillan; il ne peut être généralisé et ne
peut être identique ni comparé au devoir de tous les Espagnols de parler le
castillan. Autrement dit, le devoir de connaissance de la langue
catalane ne doit pas être interprété comme une obligation juridiquement
contraignante sur une grande échelle.
- L'article 8
Plusieurs droits et obligations
linguistiques énoncés dans le Statut d'autonomie sont ainsi susceptibles d'être limités
dans leur portée par le Tribunal constitutionnel, qui les assujettit au respect de sa
jurisprudence. C'est en ce sens que le Tribunal
a aussi réinterprété 27 autres articles du Statut, notamment
l'article 8 portant sur les «symboles nationaux» (drapeau, hymne, fêtes).
Article
8
Símbols de
Catalunya
1. Catalunya, definida com a nacionalitat en l'article 1, té com
a símbols nacionals la bandera, la festa i l'himne.
2. La bandera de Catalunya és la tradicional de quatre barres
vermelles en fons groc i ha d'ésser present als edificis públics i
en els actes oficials que tinguin lloc a Catalunya.
3. La festa de Catalunya és la Diada de l'Onze de Setembre.
4. L'himne de Catalunya és Els segadors. El Parlament ha de regular
les diverses expressions del marc simbòlic de Catalunya i n'ha de
fixar l'ordre protocol·lari.
5. La protecció jurídica dels símbols de Catalunya és la que
correspon als altres símbols de l'Estat.
|
Article 8
(traduction)
Les symboles de la
Catalogne
1. La Catalogne,
définie en tant que nationalité à l’article 1, a comme symboles
nationaux le drapeau, la fête et l’hymne.
2. Le drapeau catalan, drapeau traditionnel comportant quatre barres
rouges sur fond jaune, doit se trouver sur tous les édifices publics
et être présent lors des actes officiels se déroulant en Catalogne.
3. La fête de la Catalogne est la Diada le 11 septembre.
4. L’hymne de la Catalogne est "Els segadors". Le Parlement doit
réglementer les diverses expressions du cadre symbolique de la Catalogne
et établir leur ordre protocolaire.
5. La protection juridique des symboles de la Catalogne est
identique à celle des autres symboles de l’État. |
Le fait de qualifier de «nationaux» les symboles de la
Catalogne ne doit pas être interprété comme les symboles d'une «nationalité» et
souffrir d'une concurrence ou d'un conflit avec les symboles de la «nation
espagnole».
- L'article 33.5
L'article 33 du
Statut d'autonomie porte sur les droits
linguistiques auprès des administrations publiques. En vertu de ce droit, les
citoyens ont droit de choisir leur langue auprès de l'administration, ce qui est
appelée en catalan «l'option linguistique» ("opció lingüística"). Dans le cadre
des relations avec les institutions, les organisations et les administrations
publiques de la Catalogne, toutes les personnes ont donc le droit d’utiliser la
langue officielle de leur choix. Ce droit oblige les institutions, organisations
et administrations publiques, y compris l’administration électorale en
Catalogne, et en général, les entités privées en dépendant lorsqu’elles exercent
des fonctions publiques. Le Tribunal constitutionnel interprète le paragraphe 4
de cet article comme contraire à la Constitution, car l'État catalan prétend
étendre le droit d'utiliser le catalan auprès des organismes de l'État, dont la
compétence n'est pas sous la juridiction de la Generalitat de Catalogne.
Article 33
5)
Els ciutadans de Catalunya tenen el dret de relacionar-se per escrit
en català amb els òrgans constitucionals i amb els òrgans
jurisdiccionals d'àmbit estatal, d'acord amb el procediment
establert per la legislació corresponent. Aquestes institucions han
d'atendre i han de tramitar els escrits presentats en català, que
tenen, en tot cas, plena eficàcia jurídica. |
Article 33
5) Les citoyens
de Catalogne ont le droit de s’adresser par écrit en catalan aux
organismes constitutionnels et aux organismes juridictionnels de
l'État, conformément à la procédure établie par la législation
correspondante. Ces institutions doivent recevoir et traiter les
documents écrits présentés en catalan, documents qui ont, dans tous
les cas, pleine efficacité juridique. |
Selon le TC, il ne relève pas des compétences de la
Catalogne d'imposer le catalan à des organismes dont les autorités ne sont pas
basées sur le territoire catalan. Une telle juridiction serait exclusivement
espagnole. Si les juges ont accepté que le catalan soit la langue principale de
l'école, ils ont refusé qu'il soit la langue principale de l'administration
publique.
- L'article 34
L'article 34 du
Statut d'autonomie est aussi réinterprété par le TC.
Article 34
Droits linguistiques
des consommateurs et des usagers
Toute personne a le
droit d’être servie, à l’oral comme à l’écrit, dans la langue
officielle de son choix à titre d’usagère ou de consommatrice de
biens, de produits et de services. Les organismes, entreprises et
établissements ouverts au public en Catalogne sont sujets au devoir
de disponibilité linguistique selon les conditions prévues par la
loi. |
Selon la Cour, le fait qu'une personne a le droit
d'utiliser la langue de son choix oblige les entités ou les sociétés de service
public à offrir une disponibilité dans les deux langues, mais les individus et
les employés ne sont pas tenus de connaître les deux langues.
- L'article 35 du Statut
Le Tribunal constitutionnel ne condamne pas tout l'article
35 du
Statut d'autonomie, mais seulement l'interprétation qu'on peut en faire. Il ne serait pas légal,
selon le TC, d'interpréter cette disposition comme pouvant recevoir un
enseignement «uniquement et exclusivement dans l'une des deux langues co-officielles».
Article 35
Droits linguistiques dans le domaine de l’enseignement
1. Toutes les
personnes ont le droit de recevoir un enseignement en catalan,
conformément aux dispositions du présent Statut. Le catalan doit
habituellement être utilisé comme langue véhiculaire et
d’apprentissage dans le cursus universitaire et non universitaire.
2. Les élèves
ont le droit de recevoir un enseignement en catalan dans le cadre de
l’enseignement non universitaire. Ils ont également le droit et le
devoir de posséder des connaissances suffisantes, à l’oral et à
l’écrit, en catalan et en castillan à la fin de la période
d’enseignement obligatoire, quelle que soit leur langue habituelle
au moment d’incorporer l’enseignement. L’enseignement du catalan et
du castillan doit être suffisamment présent dans les plans d’études.
3. Les élèves
ont le droit de ne pas être séparés dans des établissements ou dans
des groupes classe différents en raison de leur langue habituelle.
4. Les élèves
qui incorporent le système scolaire catalan après l’âge
correspondant ont le droit de recevoir un soutien linguistique
spécial si le manque de compréhension ne leur permet pas de suivre
normalement l’enseignement dispensé.
5. Les
professeurs et les étudiants des établissements universitaires ont
le droit de s’exprimer, à l’oral et à l’écrit, dans la langue
officielle de leur choix. |
Autrement dit, on ne peut affirmer que «le
catalan doit habituellement être utilisé comme langue véhiculaire et
d’apprentissage», car ce serait comme exclure le castillan, ce qui est
inconstitutionnel, les deux langues étant à égalité de traitement, ce qui
signifie que le catalan et le castillan sont tous deux des «langues
véhiculaires».
- L'article 50.5
Cet article 50 du
Statut d'autonomie concerne les domaines où il faut encourager
et diffuser la langue catalane. Le TC considère que l'obligation d'utiliser le
catalan par les organismes publics et les entreprises qui en dépendent ne doit
pas impliquer l'interdiction d'employer le castillan, sauf si l'utilisation
normale du castillan peut être conditionnée par toutes sortes de formalités.
Article 50
Encouragement et
diffusion du catalan
5) La
Generalitat, l’Administration locale et les autres organismes
publics de la Catalogne, les institutions et les entreprises qui en
dépendent, ainsi que les concessionnaires de leurs services, doivent
utiliser le catalan dans leurs interventions internes et leurs
relations mutuelles. Ils doivent également l’utiliser normalement
dans les communications et les notifications adressées aux personnes
physiques ou morales qui résident en Catalogne, sans préjudice du
droit des citoyens à les recevoir en castillan, s’ils en font la
demande. |
- Un recul
Cet arrêt du Tribunal constitutionnel représentait un recul dans l'appropriation de l'autonomie gouvernementale
pour les Catalans. Il
s'agissait même d'un dépouillement, voire d'une amputation de l'autonomie
gouvernementale du statut de 2006. Cet arrêt du plus haut tribunal du pays
constituait non seulement une limitation de la reconnaissance de l'autonomie
catalane, mais imposait un net recul de certaines dispositions concernant la langue, les
symboles et les compétences, par comparaison au
Statut d'autonomie de 1979. Le Tribunal
constitutionnel a simplement adopté une vision nationaliste espagnole héritée
du centralisme traditionnel.
Ce qui est
surprenant dans toute cette affaire, c'est que le Statut d'autonomie de 2006, au
risque de se répéter, avait fait
l'objet d'un vote favorable, tant au Parlement catalan qu'au Parlement espagnol
(les Cortès),
en plus d'être approuvé par référendum par la population catalane (74 % de
POUR). De fait, le Parlement catalan, la Chambre et le
Sénat espagnols ainsi qu'un référendum régional avaient entériné successivement
ce nouveau statut. Bref, c'est le gouvernement de Madrid qui semble décider de
tout en ultime recours, et c'est lui qui désigne les juges au Tribunal
constitutionnel. Si l'autonomie
de la Catalogne existe,
elle reste subordonnée à l’État, ce qu'a encore rappelé le TC. Cette
décision a balayé une grande partie des acquis de
la Catalogne, alors même que le moral était au plus bas dans une Catalogne qui
plongeait, comme ailleurs, dans la crise économique et
institutionnelle.
4.3 La Catalogne et la Francophonie
La question de la Francophonie est un autre exemple
concret du durcissement entre Madrid et Barcelone. Dans une lettre datée du 25
avril 2014 et destinée à Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation
internationale de la francophonie (OIF), la Catalogne a demandé à être présente
à titre d'«invité spécial» au Sommet de Dakar, les les 29 et 30 novembre 2014.
L'OIF prévoit le statut d'«invité spécial» pour les collectivités territoriales
issues d'États n'y appartenant pas, mais qui participent à ses Sommets et à
quelques-uns de ses programmes. Le président de la Generalitat,
Artur Mas, a
vanté les liens historiques entre la Catalogne et les pays francophones. Dans sa
demande, le président Mas disait combler ainsi «un désir qui vient de loin» et
qu'il était prêt à participer «avec enthousiasme, conviction et fierté». Pour
Artur Mas, une participation au Sommet francophone était certainement une
occasion de donner une visibilité intéressante à sa région. C'est pourquoi le
président de la Generalitat avait préparé ses arguments en affirmant que, durant
plusieurs siècles, le français a été la première langue étrangère de la
Catalogne et est aujourd'hui celle des personnes âgées de plus de 45 ans.
El francés ha sido
durante siglos la primera lengua extranjera en Cataluña. Hoy,
todavía, la mayoría de los mayores de 45 años ha estudiado el
francés como primera lengua extranjera, la mayor parte con
resultados significativamente mejores que los obtenidos actualmente
en inglés. Pese a todo, aun manteniendo su prestigio, el francés
acusa la competencia del inglés. Conviene revitalizarlo, en especial
a nivel educativo. Es una paradoja si se tiene en cuenta la
proximidad de Cataluña con Francia y el hecho de que ocho de los 14
estados más próximos a Barcelona tienen el francés como lengua
oficial o de uso cotidiano” |
[Le français a été pendant des siècles la première langue étrangère
en Catalogne. Aujourd'hui, encore, la plupart des gens âgés de plus
de 45 ans ont étudié le français comme première langue étrangère, la
plupart avec des résultats nettement meilleurs que ceux actuellement
obtenus en anglais. Malgré tout, tout en maintenant son prestige, le
français a subi la concurrence de l'anglais. Il convient de le
revitaliser, en particulier en éducation. C'est un paradoxe si
l'on tient compte de la proximité de la Catalogne avec la France et
le fait que huit des quatorze États les plus proches de Barcelone
ont le français comme une langue officielle ou d'usage quotidien.] |
Cette demande, à l'initiative du
président de la Generalitat, avait été soumise au secrétaire général de la Francophonie (alors
Abdou Diouf l), sans en informer le gouvernement espagnol. Or, les règles de l’OIF
stipulent qu’il faut l’accord du gouvernement central pour qu'une candidature de
ce type soit acceptée. La Louisiane et la Vallée d’Aoste ne sont pas soumis à cette
règle, postérieure à leur participation. Comme on pouvait s'y attendre, Madrid a
opposé son véto à la participation de la Catalogne au Sommet de 2014.
L'ambassadeur de l'Espagne à Paris, Ramón de Miguel, a donné ainsi le point de
vue du gouvernement espagnol:
“El Gobierno
español sostiene totalmente el objetivo de mantener y reforzar los
lazos culturales, económicos y comerciales con los países de lengua
francesa [...] La Constitución española de 1978 reconoce la riqueza
de las diferentes modalidades lingüísticas como un patrimonio
cultural [...], conforme a los principios de la Carta de la
Francofonía. [Pero] el Gobierno considera que la mejor manera de
atender a este objetivo en el plano internacional es perseverar en
la acción conjunta del Estado en su totalidad, coordinando de manera
eficaz el esfuerzo de todas las comunidades autónomas en favor de la
promoción del uso del francés y de las relaciones con el mundo
francófono”. El País, Madrid 20 de Julio 2014. |
[Le gouvernement espagnol soutient pleinement l'objectif de
maintenir et de renforcer les liens culturels, économiques et
commerciales avec les pays francophones [...] La Constitution
espagnole de 1978 reconnaît la richesse des différentes
particularités linguistiques comme un patrimoine culturel
[...], selon les principes de la Charte de la Francophonie. [Mais]
le gouvernement estime que la meilleure façon d'atteindre cet
objectif au niveau international est de persévérer dans l'action
commune de l'État dans son ensemble, de coordonner efficacement les
efforts de toutes les communautés autonomes en faveur de la
promotion de l'usage du français et des relations avec le monde
francophone.] El Pais, Madrid, le 20 juillet 2014. |
C'est pourquoi l'ambassadeur Ramón de Miguel a réfuté
l'argumentation d'Artur Mas dans une lettre envoyée à Abdou Diouf le 18 juillet 2014. En
résumé, l'ambassadeur espagnol estime que, si le
président de la Generalitat s'est dit désireux de participer au
Sommet de l'OIF, il ne saurait oublier que les Catalans devraient faire encore
des efforts pour promouvoir le français sur leur territoire. La Catalogne est la
seconde plus grande communauté autonome de l'Espagne après l'Andalousie, avec 71
000 étudiants de français comme langue étrangère. Pourtant, la Catalogne se classe
après l'Andalousie (300 000 étudiants), après la Communauté de Madrid (120 000) et
après les îles Canaries
(77 000). La Catalogne n'a que 7 % des étudiants de français, contre 13 % pour
l'ensemble de l'Espagne.
Finalement, l'ancien président catalan, Artur Mas,
un élève du lycée français de
Barcelone, n'a pu profiter du Sommet de novembre 2014 pour montrer qu'il n'était
pas isolé sur la scène internationale. En réalité, le gouvernement espagnol ne
pouvait décemment s'effacer dans une instance internationale au profit de la
Catalogne. Il ne pouvait accepter de voir Artur Mas apparaître dans une photo
officielle en compagnie des chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie.
La Generalitat de Catalogne s'est dotée d'un arsenal
juridique presque unique au monde en matière linguistique, avec une quantité
impressionnantes de lois, décrets, ordonnances et circulaires. En 1983, la Generalitat a fait adopter à
l'unanimité par le Parlement catalan de Barcelone la
Loi
sur la normalisation linguistique en Catalogne,
aujourd'hui abrogée et remplacée par une nouvelle loi linguistique (Loi
sur la politique linguistique du 7 janvier 1998). Cette ancienne loi était l'équivalent de la
Charte
de la langue française au Québec. Elle
imposait le catalan dans toutes les cérémonies et manifestations de la région, dans
tous les rapports publics, officiels et non officiels, et le mettait ainsi sur un pied
d'égalité avec le castillan. L'objectif de la loi catalane était de reconnaître à
tout citoyen le droit d'utiliser le catalan dans ses rapports avec l'administration
locale, dans les services publics et privés, dans toutes les activités professionnelles,
syndicales, politiques, et de recevoir un enseignement en catalan. Pour ce faire, le
gouvernement s'est doté d'assises juridiques impressionnantes: rappelons-le, une bonne trentaine de
lois.
La
Loi
sur la normalisation linguistique en Catalogne (abrogée) proclamait le caractère
particulier du catalan (art. 2):
Article 2
(abrogé)
Le catalan est la langue particulière de la Catalogne. Tous les
citoyens ont le droit de la connaître et de s'exprimer dans cette langue verbalement et
par écrit, au cours des relations et des actes publics, officiels et non officiels.
|
Maintenant, c'est la
Loi sur la politique linguistique
du 7 janvier 1998 (Lei 1/1998, de 7 de
gèr, de politica lingüistica) adoptée par la Generalitat de la
Catalogne qui remplace la
Loi
sur la normalisation linguistique en Catalogne de 1983, dont elle reprend
toutes les prescriptions et les adapte à la situation actuelle. Larticle 2
de la nouvelle loi résume
ainsi les objectifs de la loi de 1998:
Article 2
1) Le catalan est la langue propre de la Catalogne et la distingue en tant que
pays.
2) En tant que langue propre, le catalan est:
a) La langue de toutes les institutions de Catalogne, et en particulier de
l'administration de la Generalitat, de l'administration locale, des organismes publics,
des entreprises et des services publics, des médias institutionnels, de l'enseignement et
de la toponymie.
b) La langue employée préférentiellement par l'administration de l'État en
Catalogne suivant les critères que celle-ci définira pour les autres institutions et, en
général, pour les entreprises et organismes qui offrent un service au public.
|
Larticle 3 de la
Loi sur la politique linguistique, quant à lui, proclame à nouveau la co-officialité du catalan et du castillan
en Catalogne:
Article 3
1) Le catalan est la langue officielle de Catalogne, de même
que le castillan.
2) Le castillan et le catalan, en tant que langues officielles, peuvent être employés
indistinctement et sans discrimination par les citoyens et citoyennes dans toutes leurs
activités privées ou publiques. Les actes juridiques dressés en l'une ou l'autre des
deux langues officielles ont, en ce qui concerne la langue, une pleine validité et
efficacité.
|
De plus, larticle 4 de la
Loi sur la politique linguistique
du 7 janvier 1998
décrit les droits
linguistiques des citoyens comme étant de connaître les langues officielles et de
pouvoir sexprimer dans nimporte laquelle des langues officielles, oralement et
par écrit, dans les relations avec ladministration et les actes publics et privés,
dans les tribunaux, et den recevoir des services.
5.1 La législature catalane et les tribunaux
À la Generalitat de Catalogne, les députés s'expriment au choix en catalan
(surtout) ou en espagnol, les lois sont rédigées obligatoirement dans les deux langues,
mais le texte catalan sert de «référence authentique»; dailleurs, les
lois sont rédigées en catalan et traduites ensuite en castillan. Toutes les publications de la Generalitat
sont publiées dans les deux langues officielles. La plupart des parlementaires s'expriment en catalan au
Parlement (Cors Catalanes), même ceux dont la langue maternelle est l'espagnol (castillan). Dans le domaine de la
législature, le catalan assure donc sa dominance sur le castillan (espagnol).
Dans les tribunaux, larticle 36 de la loi de lÉtat espagnol du 26 novembre
1992, appelée Loi relative au régime juridique
des administrations publiques et de la procédure administrative commune
(Ley 30/1992, de 26 de noviembre, de Régimen Jurídico de las Administraciones
Públicas y del Procedimiento Administrativo Común), oblige ladministration centrale espagnole à offrir des
services dans les deux langues officielles de la Catalogne. Selon l’article 36,
la langue utilisée par l’administration de l’État est le castillan, mais dans
les Communautés autonomes où il existe une autre langue co-officielle, cette
dernière est aussi reconnue.
Dans la législation catalane, les articles 4 (par. 2) et 13
de la
Loi sur la politique linguistique catalane obligent aussi les tribunaux à offrir
des services sans la présence dun interprète, ce qui signifie que le juge doit
comprendre laccusé, les témoins et autres justiciables:
Article 13
1) Les interventions judiciaires,
orales comme écrites, faites dans l’une ou l’autre des deux langues officielles,
seront valides, sans nécessité de traduction.
|
De façon générale, le catalan n'est pas toujours employé
dans les tribunaux par les usagers eux-mêmes. Selon les localités,
l'usage du catalan varierait entre 44 % et 15 % entre les membres de
l'Administration de la justice et les citoyens. Dans les procès, seulement de 7
% à 8 % se dérouleraient uniquement en catalan. Conformément à la
législation espagnole en vigueur, lorsque toutes les parties comprennent le
catalan et en arrivent à un accord unanime, les avocats peuvent utiliser
uniquement le catalan. Si ce n'est pas le cas, l'avocat de la défense et le
procureur ont l'obligation de recourir au castillan. Précisons que les juges
nommés par Madrid ne connaissent pas toujours le catalan. De façon générale, l'Administration centrale
de Madrid ne les inciterait pas trop à apprendre le catalan.
Par ailleurs, la
Loi 10/2008 du 10 juillet sur le Livre IV du Code civil de la Catalogne,
relative aux successions oblige les notaires à utiliser la langue officielle
choisie par le bénéficiaire:
Articles 421-12
Langue du testament
1) Le testament doit être
rédigée dans la langue officielle de la Catalogne choisie par le
bénéficiaire.
2) Le testament peut être
dicté
dans une langue non officielle de la Catalogne si le notaire autorisé la connaît ou, s'il ne la connaît pas, en présence et
avec le recours à un interprète pas nécessairement officiel,
mais désigné d'un commun accord par le testateur et le notaire. L'accord
dans la désignation de l'interprète est présumé par le seul fait de
la passation du testament.
3) En
conformité avec le paragraphe 2,
le testament doit être rédigé dans la langue officielle en Catalogne
choisie par le bénéficiaire et, s'il le sollicite, aussi
dans la langue non officielle concernée. L'interprète qui a pris
part à la traduction doit signer le document. |
5.2 L'Administration catalane
La
Loi
sur la normalisation linguistique en Catalogne
(abrogée) établissait clairement le
caractère obligatoire du catalan au sein de l'administration territoriale (art. 5, par.
2):
Article 5
[abrogé]
2)
Le catalan et le castillan, en tant que langues officielles en
Catalogne, devront être employés obligatoirement par l'administration conformément à
la forme établie par la loi.
|
En principe, cela signifiait que le catalan et le
castillan devaient être enseignés durant le même nombre d'heures. Au cours de
la décennie quatre-vingt, la catalan gagna graduellement du terrain dans la
majorité des centres scolaires jusqu'à devenir au début des années
quatre-vingt-dix la principale langue d'enseignement en Catalogne.
Dans la Loi sur la politique linguistique, cest tout le chapitre I (art. 8 à
17) qui est consacré à la langue de ladministration catalane. Il faut préciser
que ladministration catalane doit utiliser le catalan comme langue de travail (art.
9). Voici comment se lit l'article 9:
Article 9
1) La Generalitat, les administrations et les autres organismes publics
de la Catalogne, les institutions et les entreprises qui en dépendent,
ainsi que les concessionnaires de leurs services, devront utiliser le
catalan dans leurs interventions internes et leurs relations mutuelles. Ils
devront également l'utiliser normalement dans les communications et les
notifications adressées aux personnes physiques ou juridiques qui résident
dans le domaine linguistique catalan, sans préjudice du droit des citoyens
et citoyennes à les recevoir en castillan, s'ils en font la demande.
2) Le gouvernement de la Generalitat devra réglementer l'emploi du
catalan dans les activités administratives de tous les organes de sa
compétence.
3) Les collectivités locales et les universités devront réglementer
l'emploi du catalan dans le domaine de leurs compétences respectives, en
accord avec les dispositions de l'alinéa 1. Les autres organismes publics
devront également les réglementer en ce sens.
|
Tous les citoyens ont le choix de sadresser en catalan ou en castillan
auprès de ladministration. Cela dit, le gouvernement catalan incite ses
fonctionnaires (dont la connaissance du catalan est obligatoire) à utiliser le catalan en
priorité. Une circulaire (24 avril 1989), diffusée par la Direction générale de la
politique linguistique, précisait même quelle langue le fonctionnaire catalan doit
utiliser s'il parle le premier à un citoyen:
Étant donné que la langue propre à la Catalogne et à la Generalitat
est le catalan, la première fois qu'ils communiquent oralement ou par écrit avec les
citoyens, les fonctionnaires doivent s'adresser à eux en catalan. [...]
Dans les relations personnelles entre la Generalitat et les citoyens,
les fonctionnaires doivent employer le catalan, langue propre au pays et à l'Institution,
pourvu que le citoyen ne manifeste pas le désir d'être servi en castillan.
|
Cette directive est significative parce qu'elle montre la volonté d'assurer la
prépondérance du catalan sur le castillan en Catalogne, et ce, même si la loi oblige
les fonctionnaires catalans à servir les usagers dans la langue dans laquelle ils se sont
exprimés (catalan ou castillan). Initialement, le projet prévoyait instituer une
obligation similaire pour les entreprises privées, mais cette disposition a été
retirée à la suite de protestations des gens daffaires, et le texte final n'oblige
plus les commerçants à répondre à leurs clients dans la langue de leur choix mais
simplement à les «écouter». Finalement, la loi ne prévoit pas de sanctions
pour les citoyens qui ne la respectent pas, mais seulement pour les entreprises et les
fonctionnaires.
De toute façon, toutes les unités administratives doivent être en mesure de
communiquer avec les citoyens oralement ou par écrit dans les deux langues officielles.
Il est significatif aussi que, la pression sociale aidant, certains fonctionnaires de
l'État espagnol en poste en Catalogne se sont mis à suivre volontairement des cours de
catalan. Par ailleurs, depuis 1992, lÉtat espagnol oblige ses fonctionnaires à
être bilingues en Catalogne, même si les résultats n'atteignaient pas les 50
% de bilingues en 2001. Le bilinguisme est donc quasi systématique dans cette
région: au
Parlement, dans les cours de justice, dans toutes les administrations, dans les écoles,
etc.
En 1987, le gouvernement catalan adoptait la loi 4/1987 du 24 mars
créant l’École d’administration publique de Catalogne (Llei 4/1987, de 24 de
març, reguladora de l'Escola d'Administració Pública ou
loi 4/1987 du 24 mars régularisant l'École d'administration publique). En vertu de l’article
3 (alinéa L), les fonctions propres de l’École relativement à la langue sont
notamment les suivantes en ce qui a trait à la langue:
Article 3
l) Coadjuvar en la
programació i l'organització de l'ensenyament de la llengua catalana
i, en especial, del llenguatge administratiu destinat a la plena
qualificació lingüística del personal al servei de l'Administració, d'acord
amb el que estableix la Llei 7/1983, del 18 d'abril, de normalització
lingüística a Catalunya, i el que determinen els articles 34 i 35 de la Llei
17/1985, del 23 de juliol, de la funció pública de l'Administració de la
Generalitat.
|
Article 3
l) Coopérer quant à la programmation et l’organisation de l’enseignement
de la langue catalane et, plus particulièrement, du langage administratif
destiné à la qualification linguistique complète du personnel au service de
l’Administration, conformément à ce qu’établit la loi 7/1983 du 18
avril relative à la normalisation linguistique en Catalogne, ainsi que ce que
déterminent les articles 34 et 35 de la loi 17/1985 du 23 juillet relative à
la fonction publique de l’administration de la Generalitat.
|
Bien que le catalan soit utilisé dans certaines
municipalités majoritairement catalanes, les municipalités n'y sont pas
assujetties (sauf
pour les services aux citoyens). Néanmoins, de nombreuses commissions mixtes de catalanisation ont été créées afin de catalaniser progressivement ces différents
services. À l'heure actuelle, on peut dire que la Catalogne est la seule des
trois communautés catalanophones (Baléares et Pays valencien) à avoir
catalanisé de manière significative son administration. Le gouvernement
catalan est aussi le seul à avoir adopté des mesures juridiques sur la
catalanisation et à avoir considéré de façon systématique les épreuves de
connaissance du catalan comme conditions nécessaires aux concours de
recrutement de la fonction publique.
Catalan |
Équivalent espagnol |
Équivalent
français |
Plaça
de Catalunya |
Plaza
de Cataluña |
Place
de la Catalogne |
Plaça
Portal de la Pau |
Plaza
Portal de la Pau |
Place
Portail de la Paix |
Port Olímpic |
Puerto olimpico |
Port olympique |
Supermercat |
Supermercado |
Supermarché |
Museu Fran Daurel |
Museo
Fran Daurel |
Musée
Fran Daurel |
Atenció:
Pas restringit per obres |
Atención:
Paso
restringido
por obras |
Attention: lieu limité aux travaux |
Centre Ciutat |
Centro
Ciudad |
Centre-ville |
Serveis |
Servicios |
Services |
Aternció: Prioritat per a
vianants |
Atención: Prioridad para peatones |
Attention: priorité aux piétons |
Zona
avançada per a motos |
Zona avanzada para motos |
Zone avancée pour
les motos |
Consell de Collegis Veterinaris de Catalunya |
Consejo de Colegios
Veterinarios de Cataluña |
Conseil des
collèges Vétérinaires de Catalogne |
|
5.3 La toponymie
Pour ce qui est des inscriptions publiques, elles sont obligatoirement unilingues catalanes sur les édifices
publics de la Generalitat, sur les panneaux routiers et les plaques
odonymiques (noms des rues), ainsi que pour toute publicité gouvernementale ou
para-gouvernementale. Dans le chapitre II
de la Loi sur la politique linguistique
(1998), l'article 18 précise que les toponymes de la Catalogne, à l'exception de ceux du val d'Aran, ont pour
unique forme officielle le catalan; cela signifie que les formes espagnoles des toponymes
sont illégales, donc interdites.
Article 18 La toponymie
1) Les toponymes de
Catalogne auront pour unique forme officielle la forme catalane, en
accord avec les normes linguistiques de l'Institut d'études
catalanes, excepté ceux du val d'Aran, qui auront pour forme
officielle la forme aranaise.
2) La détermination du nom
des municipalités et des comarques est régie par la
législation des institutions locales.
3) La détermination du nom
des voies urbaines et des localités de toutes sortes revient aux
mairies, tandis que celle des autres toponymes de Catalogne revient
au gouvernement de la Generalitat, y compris les voies
interurbaines, quel que soit l'organisme dont elles dépendent.
4) Les dénominations
auxquelles réfèrent les paragraphes 2 et 3 sont légales à tous les
effets et la composition des panneaux doit les respecter. Il revient
au gouvernement de la Generalitat de réglementer la normalisation
des panneaux publics, en respectant dans tous les cas les normes
internationales qui font désormais partie du droit interne. |
Mais c'est le
Décret 78/1991
du 8 avril sur l'utilisation de la toponymie, qui précise le plus
l'usage des toponymes en Catalogne, la forme officielle de ceux-ci étant en
catalan:
Article 2
Désignation
sur les voies urbaines et interurbaines
2.1 La désignation toutes les voies urbaines et interurbaines
dans le territoire de Catalogne doit faire figurer les toponymes de
Catalogne exclusivement dans sa forme officielle, avec comme seule
exception de ce que prévoit le paragraphe 3 du présent article.
2.2 Lorsque, dans la désignation
des voies urbaines ou interurbaines, la direction vers un lieu hors
de la Catalogne est indiquée, le toponyme correspondant doit figurer en
catalan s'il a une forme traditionnelle dans cette langue, sous réserve de
ce qui peut aussi figurer dans d'autres langues. Dans la Val d'Aran, cette
règle doit être appliquée par rapport à l'aranais dans le lieu catalan.
|
L'article 3 du même décret précise que l'emploi des
toponymes catalans est obligatoire non seulement sur les panneaux indicateurs,
mais aussi dans tous les imprimés, les en-têtes des documents, les timbres et
tampons, la presse écrite, les feuillets publicitaires, les cartes, les guides
et dans tous les registres publics de la Catalogne:
Article 3
Usage du toponyme officiel dans les services au public
3.1 Dans tous les panneaux indicateurs externes et internes de la
Catalogne, les toponymes de la Catalogne doivent figurer dans leur forme
officielle.
3.2 Dans tous les imprimés, les en-têtes imprimées de toute
catégorie de documents, les timbres et tampons, la presse écrite, les
feuillets publicitaires et autres éléments analogues fabriqués ou publiés
en Catalogne pour son usage en Catalogne, les toponymes de Catalogne
doivent figurer dans leur forme officielle.
3.3 Les cartes, les guides et en
général les publications descriptives du territoire qui sont publiées en
Catalogne doivent faire figurer les toponymes de Catalogne dans leur forme
officielle.
3.4 Dans tous les registres publics de la Catalogne, y compris les
employés de l'Administration de l'État, les toponymes de Catalogne doivent
figurer selon leur forme officielle.
|
Selon l'article 5 du
décret 78/1991, il n'est pas administrativement
autorisé d'utiliser des manuels et du matériel pédagogique destinés aux écoles
de la Catalogne si les toponymes de Catalogne ne figurent pas dans leur forme
officielle. La loi (art. 9) crée aussi la Commission de toponymie, dont les
fonctions sont les suivantes:
Article 9.4
Les fonctions de la
Commission de toponymie sont les suivantes:
a) Assurer la coordination entre
l'Institut d'études catalanes et le Conseil général d'Aran et
l'administration de la Generalitat et ses organismes autonomes en matière
de toponymie.
b) Agir comme organisme de coordination avec d'autres organismes ou
institutions ayant des compétences dans le domaine de la toponymie.
c) Proposer des critères et des règles
d'écriture pour l'usage des toponymes sur les panneaux indicateurs, dans
la cartographie, les publications et les moyens de diffusion
audiovisuelle, en conformité avec la réglementation linguistique de
l'Institut d'études catalanes et celle du Conseil général d'Aran.
|
Selon l'article 42 du
Décret législatif n° 2/2009 du 25 août (DOGC 5452 du 27) approuvant le texte
refondu de la Loi sur les routes (2009), la signalisation routière doit être
au moins en catalan, ce qui laisse supposer qu'elle peut l'être en supplément en
castillan ou en aranais dans le Val-d'Aran.
Article 42
Publicité, et panneaux d'information
et d'indication
4) Sont des signaux
d'information :
a) les signaux de service.
b) les signaux qui indiquent des lieux, des centre ou activités
d'attraction, de tourisme ou d'intérêt culturel. c) les
signaux qui sont exigés par la réglementation internationale.
5) La forme, la
couleur, les dimensions et les choix linguistiques dans les signaux
d'information et de leurs éléments fonctionnels doivent être
conformes aux critères établis par le gouvernement, selon les
règlements généraux applicables
en la matière.
6)
Sans préjudice des règles générales applicables en la matière, les
indications de signalisation routière sur les routes de Catalogne
doivent être au moins en catalan. La toponymie doit figurer en
catalan ou en aranais, conformément aux règlements de
la Generalitat de Catalogne.
|
Pour le gouvernement catalan, les noms de lieu constituent
«une partie
essentielle du patrimoine d'un peuple» et contiennent des éléments
importants de leur histoire et de leur tradition. La possibilité de rendre pleinement effectives
les prescriptions de l'ancienne
Loi sur la normalisation linguistique en cette
matière aurait rendu nécessaire son développement réglementaire.
5.4 Les langues dans l'enseignement
Le gouvernement catalan n'a pas adopté la langue
maternelle comme critère principal de la langue d'enseignement dans les
écoles. La législation interdit explicitement la séparation des élèves en
écoles linguistiques ou en classes linguistiques distinctes. En 1982-1983, un rapport gouvernemental
(«Quatre anys de català a l'escola») révélait que 40 % des enfants étaient
incapables de s'exprimer en catalan. De plus, la
Constitution espagnole reconnait que
d'autres langues espagnoles peuvent
être également officielles dans les différentes Communautés autonomes en accord
avec leurs Statuts.
En Catalogne, il existe trois groupes d’établissements : les écoles
publiques ("colegios públicos"), les écoles privées financées par l’État
("colegios concertados") et les écoles privées ("colegios privados"). Les
écoles publiques sont laïques, et elles sont gérées par l’État et les
administrations locales en proposant tous les niveaux du programme scolaire
obligatoire. Le nombre de places est limité et il faut répondre à un certain
nombre de critères (p. ex., la proximité géographique) pour y être inscrit. Les
écoles privées financées par l’État bénéficient d’une plus grande liberté de
gestion, mais elles doivent de respecter certaines conditions (p. ex., le nombre
d’élèves par classe, les dates, etc.); ces écoles sont financées en partie par
les frais de scolarité. Enfin, les écoles privées sont des entreprises
d’enseignement privées financées exclusivement par les frais de scolarité.
- L'enseignement du catalan et du
castillan
L'article 1er du
Décret 362 du 30 août sur
l'application de la loi 7/1983 du 18 avril sur la normalisation
linguistique en Catalogne dans le cadre de l'enseignement non
universitaire (1983) introduisait l'enseignement du catalan et du
castillan dans les établissements d'enseignement non universitaires:
Article 1er
1) Les langues catalane et castillane doivent être obligatoirement
enseignées à tous les niveaux, dans tous les types d'études et dans
toutes les classes de l'enseignement non universitaire, dans tous
les établissements publics et privés, conformément aux programmes,
orientations et horaires établis ou qui seront établis par règlement
à cet effet pour chaque niveau, type d'études et classe.
L'aranais doit également être enseigné dans les établissements
scolaires du val d'Aran.
2) Le niveau de connaissance du catalan exigé des élèves qui se sont
incorporés tardivement au système scolaire de la Catalogne doit
tenir compte de ce fait et, par conséquent, ce niveau de
connaissance doit être adapté à leur niveau d'apprentissage.
3) Les élèves qui peuvent justifier qu'ils séjournent en Catalogne
de façon temporaire et ceux qui sont visés par les règlements
établis par le département de l'Éducation n'ont pas à prouver leur
connaissance du catalan. |
Puis le décret
362/1983 du 30 août a été suivi du
Décret 75/1992 du 9
mars établissant l'organisation générale de l'enseignement préscolaire, de l'enseignement primaire
et secondaire obligatoire en Catalogne,
qui introduisait un élément différent en imposant le catalan comme langue
véhiculaire et langue d'enseignement obligatoire au primaire et au secondaire
dans les écoles.
Article 3
1)
Le catalan comme langue propre de la Catalogne l'est aussi dans l'enseignement.
Il doit être normalement utilisé comme langue d'apprentissage
obligatoire en éducation préscolaire, au primaire et au secondaire.
2)
Dans le Val d'Aran, l'aranais, en tant que langue propre, fait
l'objet d'enseignement et
doit généralement être la langue d'enseignement et d'apprentissage dans
les champs ou domaines à déterminer.
Le Conseil général du Val d' Aran doit prévoir le programme d'études
de l'aranais.
Le département de l'Éducation, en accord avec le Conseil général du Val
d'Aran, doit déterminer l'organisation de l'enseignement de l'aranais et
son utilisation comme langue d'enseignement dans les écoles du Val
Aran.
3)
Dans tous les cas, respecter les droits linguistiques de l'élève,
conformément à la loi. |
Selon les articles 20 et 21 de la
Loi sur la politique linguistique
du 7 janvier 1998, le
gouvernement catalan doit garantir le droit à l'école en catalan et en castillan, et ce,
à tous les niveaux. La maîtrise de la langue seconde est donc obligatoire pour tous les
élèves de la Catalogne. Comme il n'y a pas d'écoles distinctes pour les catalophones et
les hispanophones, le catalan et le castillan sont obligatoires pour tous. Larticle
20 décrit ainsi la langue de lenseignement:
Article 20
Le catalan, comme langue propre de la Catalogne, est aussi celle
de lenseignement, à tous les niveaux et toutes les modalités éducatives.
|
Mais larticle 21 précise que les enfants ont le droit de recevoir leur premier
enseignement dans leur langue habituelle, quelle soit le catalan ou le castillan. Le
gouvernement doit garantir ce droit et prendre tous les moyens nécessaires pour
rendre effectif ce premier enseignement. À la fin du primaire, tout élève doit démontrer obligatoirement sa
connaissance du catalan et du castillan; dans le cas contraire, l'administration catalane
ne peut délivrer de certificat de fin détudes.
- Un seul type d'école
Précisons que l'article
21 de la
Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998 interdit lenseignement dans des écoles
ou classes linguistiques
séparées pour des raisons de discrimination. Autrement dit, il ny a pas
décoles castillanes ni catalanes. Les écoles de la Catalogne enseignent
le catalan et le castillan à tous les élèves, que leur langue maternelle soit le catalan
ou le castillan. En pratique, l’espagnol n’est enseigné obligatoirement qu’à
partir de six ans, à raison de deux ou trois heures par semaine.
- La politique de catalanisation
Dans la réalité, la politique de catalanisation n'a pas toujours été appliquée
avec rigueur en raison parfois du manque de personnel enseignant. Dans de
nombreuses écoles primaires, on se contentait de respecter le minimum légal de
cinq heures hebdomadaires consacrées au catalan. Toutefois, chaque année,
le nombre d'instituteurs de catalan a augmenté, des séminaires de
didactique et des visites ponctuelles ont été organisés dans les écoles et l'enseignement du
catalan a été graduellement mieux planifié. De plus, des cours d'éducation aux adultes ont
été offerts dans toute la Catalogne; ils sont couronnés par des certificats officiels. En Catalogne, la catalanisation de l'enseignement a été constante depuis 1983. On peut estimer que la
catalanisation du système éducatif est maintenant réussie; le catalan devient
donc la principale langue d'enseignement
Au secondaire, lors de l'année scolaire
de 1995-1996, quelque 42 % des centres d'enseignement donnaient tout leur
enseignement en catalan, 33 % le donnaient à plus de la moitié des groupes
scolaires, 20 % à moins de la moitié, 5 % à tous les groupes à la fois en
catalan et en castillan, 0,1 % uniquement en castillan. On doit admettre que les
deux langues officielles sont enseignées en Catalogne, mais une nette
prédominance est accordée à la «langue propre» de la Catalogne, le catalan.
- La loi sur l'éducation
En juillet 2008, le gouvernement catalan avait approuvé
un avant-projet de loi sur l'éducation (Anteproyecto de la Ley de Educación de Cataluña).
La loi a été adoptée le 10 juillet 2009:
Loi n° 12 du 10 juillet 2009 sur
l'éducation (Llei 12/2009, del 10 de juliol, d’educació). L'article
10 de la loi précise que les programmes doivent
garantir la pleine maîtrise des langues officielles catalane et
castillane à la fin de la scolarité obligatoire, selon le
Cadre
européen commun de référence pour les langues,
l'enseignement et l'évaluation des langues:
Article 10
Droit et obligation de connaître les langues officielles
1) Les programmes doivent
garantir la pleine maîtrise des langues officielles catalane et
castillane à la fin de la scolarité obligatoire, selon le
Cadre
européen commun de référence pour les langues,
l'enseignement et l'évaluation des langues. |
L'article 11 de la
loi 12/2009 proclame que
le catalan, comme langue propre de la Catalogne, est la langue normalement
utilisée comme langue véhiculaire et comme langue d'apprentissage du système
scolaire:
Article 11
Le catalan, langue véhiculaire et langue d'apprentissage
1) Le catalan, comme langue
propre de la Catalogne, est la langue normalement utilisée comme
langue véhiculaire et comme langue d'apprentissage du système
scolaire.
2) Les activités scolaires, tant à l'oral qu'à l'écrit,
le matériel didactique et les manuels scolaires, les activités
d'évaluation dans les unités de formation, les matières et les
modules du programme d'études, doivent normalement être en
catalan, sauf les matières en langue et en littérature
castillanes ainsi que les langues étrangères, sans préjudice des
dispositions des articles 12 et 14.
3) Les élèves ne peuvent pas
être séparés dans les établissements d'enseignement ni dans des
groupes de classes différents en fonction de leur langue
habituelle. |
La
Loi n° 12 du 10 juillet 2009
sur l'éducation prévoit l'apprentissage d'au moins deux langues
étrangères:
Article 12
Langues étrangères
1) Les programmes approuvés par
le gouvernement doivent inclure un enseignement d'au moins une
langue étrangère pour les élèves, afin d'acquérir les compétences
nécessaires pour écouter, lire, converser, parler et
écrire, en conformité avec le
Cadre
européen commun de référence pour les langues, l'enseignement et l'évaluation
des langues.
2) Le projet linguistique doit
déterminer, conformément aux exigences du Département, quelle
langue étrangère est enseignée comme première langue étrangère et
laquelle, parmi les autres, comme deuxième langue étrangère.
|
En ce qui concerne l'enseignement du
catalan, des programmes d'immersion sont prévus afin que le catalan
maintienne la fonction de langue de référence et de facteur de cohésion
sociale (art. 15 de la loi
12/2009 sur l'éducation :
Article 15
Programmes d'immersion linguistique
1) Le département de
l'Éducation, afin que le catalan maintienne la fonction de langue de
référence et de facteur de cohésion sociale, doit mettre en
œuvre des stratégies pédagogiques d'immersion linguistique qui
assurent un usage intensif comme la langue véhiculaire et comme
langue d'apprentissage. La définition de ces stratégies doit
tenir compte de la réalité sociolinguistique, de la langue ou
des langues des élèves et de l'enseignement du castillan.
2) Les écoles doivent s'adapter aux caractéristiques des
programmes d'immersion linguistique, en tenant compte du nombre
d'heures des matières linguistiques qui doivent être enseignées
tout au long de l'année scolaire. |
En plus de la langue d'enseignement, la
Loi n° 12 du 10 juillet 2009
sur l'éducation prévoit des dispositions concernant le catalan comme
langue de l'administration scolaire:
Article 16
Le catalan, la langue officielle de l'administration scolaire en
Catalogne
1) Le catalan, comme langue
particulière de la Catalogne, est aussi celle de
l'administration scolaire.
2) Les autorités scolaires et les écoles doivent
normalement utiliser le catalan dans leurs relations internes et
avec celles qu'elles entretiennent avec le gouvernement de la
Catalogne et d'autres territoires de langue catalane et les
entités publiques à leur égard. Le catalan doit aussi être la
langue d'usage normal pour la prestation des services contractés
par le Département.
3) Les activités administratives de régime interne des
établissements d'enseignement doivent être normalement en
catalan, sans préjudice de la
Loi sur la politique linguistique. |
Enfin, l'article 18 de la
Loi n° 12 du 10 juillet 2009
sur l'éducation prévoit que le catalan devienne le véhicule d'expression dans
les activités de rayonnement externe, particulièrement dans les
établissements d'enseignement à l'étranger notamment dans les territoires
ayant des liens historiques, linguistiques et culturels avec la Catalogne:
Article 18
Usage et promotion du catalan
1) Afin de rendre présent le
caractère véhiculaire du catalan dans les manifestations
culturelles publiques, dans les
écoles publiques et les écoles privées financées par des fonds
publics, le catalan doit être normalement le véhicule d'expression dans
les activités de rayonnement externe.
3) Le gouvernement doit encourager et soutenir les
établissements d'enseignement à l'étranger dans le contexte plus
large du rayonnement international de la culture et de la langue
catalane, et doit contribuer aussi à les soutenir, surtout dans
les territoires ayant des liens historiques, linguistiques et
culturels avec la Catalogne. |
- L'enseignement universitaire
À l'université, les professeurs et les élèves ont le droit de s'exprimer oralement
ou par écrit dans la langue officielle de leur choix. L'article
22 de la
Loi sur la politique linguistique de 1998 reconnaît le
bilinguisme catalan-castillan, tout en préconisant l'usage du catalan:
Article 22
L 'enseignement universitaire
1) Dans les centres d'enseignement supérieur et universitaire, le
professorat et les étudiants auront le droit de s'exprimer dans chaque
cas, oralement ou par écrit, dans la langue officielle de leur choix.
2) Le gouvernement de la Generalitat, les universités et les institutions
d'enseignement supérieur, dans le domaine de leurs compétences
respectives, devront adopter les mesures pertinentes afin de garantir et
d'encourager l'emploi de la langue catalane dans toutes les activités
enseignantes et non enseignantes, ainsi que dans la recherche, y compris
les soutenances de thèses doctorales et les concours.
3) Les universités devront offrir des cours et d’autres moyens appropriés
aux étudiants et au professorat pour qu'ils perfectionnent leur
compréhension et leur connaissance de la langue catalane.
4) Les universités peuvent, si nécessaire, fixer des critères spécifiques
d'usage linguistique dans les activités en rapport avec des engagements
internationaux.
|
Plus de la
moitié des professeurs utilisent le catalan dans leur enseignement dans les universités de la
Catalogne. À tous les niveaux
d'enseignement, les professeurs doivent connaître les deux langues pour exercer leurs
fonctions.
En 2003, la Generalitat adoptait la
Loi 1/2003 du 19 février sur les universités de la Catalogne (Llei
1/2003, de 19 de febrer, d'universitats de Catalunya). L'article 6 de cette
loi reconnaît dorénavant le catalan comme «la
langue
propre des universités de la
Catalogne et, par conséquent, la langue d'usage normal de leurs activités» par.
1), tout en précisant que «le catalan
est la langue officielle des universités de la Catalogne, tout
autant que le castillan» (par. 2).
Article 6
Langue
1) Le catalan est la langue
propre des universités de la
Catalogne et, par conséquent, la langue d'usage normal de leurs
activités.
2) Le catalan
est la langue officielle des universités de la Catalogne, tout
autant que le castillan. L'usage des langues officielles dans les
activités universitaires est régi par la loi 1/1998 du 7 janvier sur
la politique linguistique.
3) Dans le cadre de la loi 1/1998 du 7
janvier sur la politique linguistique, le gouvernement et les
universités, dans le domaine de leur juridiction respective, doivent stimuler la
connaissance et l'usage du catalan
dans tous les domaines de l'activité universitaire et en promouvoir
l'apprentissage chez tous les membres de la communauté
universitaire.
4) Conformément à la
loi 1/1998 du 7
janvier sur la politique linguistique, le corps professoral universitaire,
sauf les visiteurs et les cas similaires, doit connaître suffisamment les
deux langues officielles, en conformité avec les exigences de leurs
tâches universitaires. Conformément avec la réglementation
en vigueur et au moyen du Conseil interuniversitaire de la
Catalogne, le gouvernement doit garantir que, dans les processus de sélection,
d'accès et d'évaluation, ladite connaissance
suffisante doit être effective.
5) Conformément
avec la
réglementation en vigueur et au moyen du Conseil interuniversitaire
de la Catalogne, le gouvernement doit s'assurer que l'accès et l'incorporation des
nouveaux membres dans la communauté universitaire n'altèrent pas les
usages linguistiques de l'enseignement normal et le
processus de normalisation
linguistique des universités.
6)
Dans le domaine de leurs compétences
respectives, le gouvernement et les universités doivent prévoir des programmes de promotion de la
connaissance d'une troisième langue, lesquels pourront inclure également
l'usage de ces langues dans les activités universitaires ainsi que l'offre de matières spécifiques de chaque diplôme.
|
Soulignons aussi l'obligation (par. 6) pour tous les
étudiants de connaître une troisième langue.
5.5 Les langues dans les médias
Conformément à la loi catalane, la Generalitat doit promouvoir l'usage du
catalan à la radio et à la télévision locale. Le catalan est la langue exclusive de la
radio et de la télévision relevant de la Generalitat, soit deux chaînes de
télévision (TV3 et Canal 33) et cinq stations radiophoniques: Catalunya Ràdio,
Catalunya Música, Catalunya Informació et Ràdio Associació de Catalunya. La chaîne
publique espagnole TV2 diffuse aussi des émissions en catalan et la chaîne privée TVE2
diffuse 37 h/s en catalan. Plus de 180 radios régionales privées diffusent aussi
principalement en catalan. Le gouvernement catalan peut encourager l'usage du
catalan auprès de tous les médias en recourant à des subventions ou à des crédits
d'impôt. Dans les faits, seule la presse écrite publiant exclusivement en catalan a pu
bénéficier de telles subventions. On compte aujourdhui sept quotidiens et 26
hebdomadaires publiant en catalan. Depuis la fin d'octobre 1997, le quotidien espagnol,
El Periódico de Catalunya, publie une édition quotidienne en catalan, qui compte
presque la moitié de la vente totale du journal.
Enfin, l'article 26 de la
Loi sur la politique linguistique
du 7 janvier 1998
institue aussi des quotas d'émissions en catalan pour les radios
et les chaînes de télévisions régionales et locales ainsi que pour les cinémas.
Néanmoins, malgré les déclarations de bonnes intentions de la part
des entreprises, quelque 82 % des radios privées en Catalogne continuent de diffuser en
castillan. Le catalan demeure donc encore une langue minoritaire à la radio
privée.
Mais la Catalogne dispose aussi d'un décret sur le régime
juridique d'obtention pour les services de radiodiffusion : le
décret 269/1998. Selon l'article 6, le diffuseur d'une station émettrice
commerciale doit utiliser la langue catalane dans ses émissions de sorte
qu'au moins 50 % du temps d'antenne soit en catalan. Il fut aussi garantir qu'il
y ait une présence adéquate de chansons produites par des artistes
catalans et qu'au moins 25 % de celles-ci soient des chansons
interprétées en catalan (ou en aranais):
Article 6
Obligations du
diffuseur
Le diffuseur d'une station émettrice commerciale pour le
service de radiodiffusion par ondes métriques avec modulation
de fréquence doit respecter les principes inspirateurs précisés à
l'article 3 ainsi que les obligations suivantes :
f) Utiliser la langue catalane dans ses émissions de sorte
qu'au moins 50 % du temps d'antenne soit en catalan. L'usage
du catalan doit équitablement être distribué dans toutes les bandes
horaires. Cependant, les stations émettrices, qui font actuellement
partie de chaînes de niveau étatique, en totalité ou partiellement
pour leur temps d'antenne, pourront exclure de cette obligation une
bande horaire dont la durée est d'un maximum de six heures
consécutives. Cette bande sera exclue du calcul du temps d'antenne
pour ce que prévoit la présente disposition. [...]
g) Garantir que, dans la programmation de musique chantée, il
y a une présence adéquate de chansons produites par des artistes
catalans et qu'au moins 25 % de celles-ci soient des chansons
interprétées en catalan ou en aranais. Sont exclues de cette
obligation les stations émettrices musicales spécialisées en musique
classique ou folklorique. La Direction générale de radiodiffusion et
de télévision doit reconnaître cette exclusion à la demande du
diffuseur.
|
5.6 Le cinéma et la langue catalane
Le cinéma occupe une place importante dans la politique linguistique de la
Catalogne. Cette question fut même une véritable saga entre le gouvernement
catalan et les exploitants des salles de cinéma. Depuis plusieurs années, le monde du cinéma est sur le
pied de guerre en Catalogne... pour des motifs à la fois linguistiques et
économiques.
- La saga de 1998
En effet, les autorités de Barcelone tentent depuis au moins
1998 de promouvoir le catalan dans les salles de cinéma. Ainsi, la
Loi sur
la politique linguistique de 1998 prévoyait au
paragraphe 3 de l’article 28 des quotas linguistiques pour les films en langue
étrangère:
Article 28
3) Afin de
garantir une présence significative de la langue catalane dans
l'offre cinématographique, le gouvernement de la Generalitat pourra
établir par règlement des quotas linguistiques de distribution et de
projection pour les produits cinématographiques distribués et
projetés en version doublée ou sous-titrée. Les quotas établis pour
les productions cinématographiques doublées ou sous-titrées en
catalan ne pourront excéder cinquante pour cent annuel de l'offre
des distributeurs et des salles de projection et devront se fonder
sur des critères objectifs. La réglementation correspondante doit
être faite dans le cadre de la
Loi 17/1994 du 8 juin sur la protection et le développement du
cinéma, et suivant
le régime établi par celle-ci. |
Ces quotas avaient été jugés nécessaires parce qu'une enquête
de 1994 avait déjà révélé une présence de seulement 0,43 % de films originellement tournés en
catalan, contre 91 % pour les films en castillan et 7,8 % des films en version
originale doublée en castillan.
Pour ce faire, le gouvernement a tenté d'obliger les
exploitants des salles de cinéma et les entreprises de distribution à faire en
sorte que la moitié des exemplaires de chaque long métrage sortant en salles
soient doublées ou sous-titrées en catalan et non en castillan, la langue
officielle de l'Espagne. L'article 5 du
décret 237/1998 précise que les quotas linguistiques doivent correspondre à
un jour de projection sur trois pour des films doublés en catalan:
Article 5
Quota des écrans de cinéma doublés en catalan
1)
Les salles de
cinéma doivent être planifiées, au cours de chaque année civile,
avec des films doublés en catalan de sorte qu'à la fin de chaque année
civile la proportion d'au moins un film par jour soit atteinte
pour
trois jours pour de films doublés en castillan ou en
d'autres langues.
La présentation des œuvres en version catalane doit être
planifiée
dans les séances régulières durant les heures commerciales
habituelles, et le
prix d'admission ne peut pas être plus élevé qu'avec les autres versions
présentées dans la même salle. |
L'article 6 du
décret 237/1998 précise que la
projection des
œuvres sous-titrées
en catalan doit être planifiées lors des séances régulières et
durant les heures commerciales habituelles,
et le prix d'admission ne peut pas être plus élevé qu'avec les
autres versions sous-titrées présentées dans la même salle:
Article 6
Quota des écrans de cinéma sous-titrés en catalan
Les salles de cinéma doivent être planifiées au cours de chaque année civile
avec des
œuvres
sous-titrées en catalan, de sorte qu'à la fin de chaque
année civile la proportion d'au moins une journée de
films sous-titrés en
catalan soit atteinte pour trois jours de films sous-titrés en
catalan ou en d'autres langues.
La projection des
œuvres sous-titrées
en catalan doit être planifiées lors des séances régulières et
durant les heures commerciales habituelles,
et le prix d'admission ne peut pas être plus élevé qu'avec les
autres versions sous-titrées présentées dans la même salle. |
Le
Décret 237/1998 du 8 septembre sur les mesures destinées à promouvoir l'offre
des films doublés et sous-titrés en catalan prévoyait m^me des infractions
et des pénalités. Selon l'article 14, les
infractions aux obligations sur les quotas
linguistiques de distribution et de projection furent classées
comme très
graves, graves et mineures. L'article 15 prévoyait des mesures
disciplinaires et des amendes, selon le degré de l'infraction:
Article 15 (suspendu)
Mesures
disciplinaires
1)
Les
organismes compétents pour imposer des sanctions prévues à l'article 14
sont
régis par la procédure disciplinaire réglementée par le décret
278/1993 du 9 novembre.
2)
Les organismes
compétents pour imposer les sanctions prévues par le présent
décret sont le suivants :
a)
Le gouvernement de la Generalitat pour les infractions très graves.
b ) Le
conseiller de la Culture pour les infractions mineures et
graves.
|
Normalement, le
gouvernement de la Catalogne dépensait 80 millions de pesetas (plus de 480 00
euros) pour le doublage. Avec le
décret
237/1998, le gouvernement dépenserait entre 200 et 300 millions de pesetas par an
(soit entre 1,1 million et 1,6 million de dollars US), sans compter les dépenses
pour la promotion. En cas de non-application du décret, les sanctions
prévues pouvaient aller jusqu’à 10 millions de pesetas (près de 55 000 $US) et la
fermeture de la salle.
Évidemment, le décret de la Generalitat soulevé
aussitôt un tollé de protestations, tant chez les
grandes entreprises de distribution américaines que chez les Espagnols et les
Catalans. À l'époque, le bras de fer fut perçu comme une guerre déclarée entre la Generalitat
de Catalogne et les grands «majors» américains qui, par ailleurs, n’avaient
même pas voulu discuter avec le représentant du gouvernement catalan. En
réalité, le coût d’un doublage en catalan représentait une somme presque
insignifiante pour les Américains qui recevraient en plus des subventions de
la Generalitat.
Le problème était ailleurs: le
fait de répondre aux exigences du gouvernement catalan équivalait à créer
une sorte de «précédent». Il fallait, en effet, accorder à une «région», la
Catalogne, ce dont ne disposaient même pas ni la Suède, ni la Grèce, ni les
Pays-Bas, etc. C'est alors que Hollywood a protesté et a fait savoir qu'elle
pouvait se passer de ce «marché régional», le tout avec l'appui du
gouvernement espagnol qui craignaient déjà que les Basques et les Galiciens
fassent des demandes similaires, ce qui ferait augmenter les coûts de
distribution et diminuer le marché espagnol au profit du marché catalan,
voire basque ou galicien.
Devant l'intransigeance des propriétaires
de salles de cinéma, le gouvernement a dû renoncer.
Invoquant les progrès réalisés avec les
entreprises concernées par le cinéma, le gouvernement catalan commença par
retarder l'application du
décret
237/1998 à deux reprises. Par la
suite, la Cour supérieure de justice de la Catalogne annula les articles 14
et 15 du décret. Finalement, par le
Décret 172/2000 du 15 mai abrogeant le décret 237 du 8 septembre sur les
mesures destinées à promouvoir l'offre de films doublés et sous-titrés en
catalan, le gouvernement catalan a
lui-même abrogé le décret 237/1998, cédant ainsi à l'opposition des
entreprises de distribution des produits
cinématographiques. De plus, l'article 28.3 de la
Loi sur la politique linguistique
a continué de ne pas être appliqué. Une décennie plus tard, les observateurs
de la scène politique catalane avaient considéré que le gouvernement local avait plié face au géant américain.
- Le nouveau bras de fer de 2010
La Catalogne a vécu un nouveau bras de fer vers les années
2010. Le panorama politico-linguistique a
changé en une décennie. Les autorités ont propagé le catalan de façon
impressionnante. Grâce à une
politique intensive de promotion et de subventions, la langue catalane est
aujourd'hui obligatoire dans
l’administration et dans les écoles et de plus en plus répandue dans les médias et la
vie quotidienne, de telle sorte que les politiciens de Madrid ont le sentiment
que Barcelone impose sa langue aux dépens du castillan.
De fait, Barcelone estime qu’il fallait aller plus loin
dans les médias, y compris dans les domaines réputés castillanophones tels la publicité, la télévision et le cinéma.
L'aspect linguistique est demeuré l'une des priorités du gouvernement catalan,
qui a tenté de corriger l'inégalité linguistique au cinéma «où le catalan n'a
pas une grande place». En dépit de
tous les efforts entrepris depuis 1998, le pourcentage des films doublés ou sous-titrés
en catalan est passé de 2 % à 2,7%. Il s'agit d'une amélioration jugée
dérisoire. En 2008, seul 3 % des 854 906 projections effectuées en Catalogne
l'ont été en catalan.
La
Loi
20 /2010 du 7 juillet sur le cinéma
adoptée par le Parlement catalan sert de
prétexte à une nouvelle polémique, bien que l'objectif stratégique soit, selon
le ministre-conseiller à la Culture (Joan
Manuel Tresserras), de garantir le droit des
citoyens de pouvoir voir du cinéma dans les deux langues officielles («garantir
el dret dels ciutadans a poder veure cinema en les dues llengües oficials»).
Parmi les 53 articles qui composent la loi, c'est l'article 18 qui suscite le
plus la controverse:
Article 18
Garantie d'accès linguistique
1) Quand une œuvre
cinématographique est diffusée en Catalogne, doublée ou
sous-titrée en plus d'une copie, les entreprises de
distribution sont
tenues de répartir 50 % de toutes les copies analogiques en
version catalane.
Cette obligation doit être respectée à la fois dans le
nombre des copies distribuées en version doublée que dans les
exemplaires distribués en version
sous-titrée. Les entreprises de distribution doivent s'assurer que
l'équilibre linguistique dans la distribution de
films repose sur des critères relatifs à la population, au territoire et
à la présence à l'écran, lesquels sont prévus par règlement. Lorsque le support est
numérique, toutes les copies distribuées doivent favoriser l'accès
linguistique en catalan. Dans la présentation des copies, les entreprises de
distribution sont tenues de présenter 50 % des projections de
l'œuvre en version catalane selon des critères de population, de territoire, d'horaire et de billetterie,
lesquels sont calculés
chaque année et élaborés par règlement.
Cette obligation doit être respectée
tant dans le nombre des
projections présentées en version doublée que dans les projections
présentées en version sous-titrée. Les entreprises de distribution et les
entreprises d'exploitation doivent aussi assurer un équilibre entre le
catalan et le castillan dans la publicité pour produire des œuvres
cinématographiques concernés par le présent article.
|
Cet article sur les quotas linguistiques exige en
effet qu'au moins la moitié des copies analogiques soient distribuées dans des
versions doublées ou sous-titrées en catalan, sauf pour les productions
espagnoles et les productions européennes distribuées en moins de seize copies.
Pour le gouvernement catalan, la loi est censée protéger le libre choix
linguistique et encourager la diversité culturelle sur le territoire de la
Catalogne. Selon l’Institut catalan des industries culturelles (Institut
Català de les Indústries Culturals ou ICIC),
l’accord avec les exploitants et les distributeurs
devrait contribuer à augmenter le nombre de spectateurs de films doublés en
catalan de 117 471 en 2010 à environ 1,5 million en 2012.
Comme on pouvait s'y attendre, les exploitants
d'Hollywood et leurs représentants en Europe n'acceptent pas les quotas
linguistiques au cinéma et réclament leurs droits au libre marché. Le doublage
d’un film coûterait entre 25 000 € et 70 000 € (33 000 $US et 94 000 $US), le
sous-titrage entre 2000 et 5700 € (2700 $US et 7700 $US), auxquels il faut
ajouter des frais pour les affiches de promotion, ce qui rendrait
plus difficile l'accès des films
européens non espagnols au marché espagnol.
Le raisonnement des entreprises est simple: le castillan permettrait de ratisser
large, alors que le catalan provoquerait une certaine désaffection.
De son côté, en juin 2012, la Commission
européenne a demandé au gouvernement espagnol de mettre un terme aux règles
discriminatoires qui entravent la distribution des films non espagnols. La
Commission européenne rappelle que la Cour de justice de
l'Union européenne «n'interdit pas l'adoption d'une politique visant à la
promotion d'une langue d'un État membre». Toutefois, les mesures prises pour
mettre en œuvre cette politique devraient être proportionnées et ne pas
comporter de discriminations au détriment des ressortissants des autres États
membres. Enfin , la Commission
considère que la législation mise en place par le gouvernement catalan est incompatible avec les règles de l’Union européenne sur la libre
circulation des services.
Pour les Catalans, le nationalisme linguistique peut
aussi coûter cher, car les quatre millions de dollars US que la Generalitat
débourserait serviraient essentiellement aux acteurs américains qui auraient
l’air de parler catalan en disant «bon dia» (c’est-à-dire «bonjour» en catalan).
Enfin, certains Catalans estiment aussi que le catalan est devenu un «article de
luxe» et que la défense de la langue et de la culture a un prix, alors que le
gouvernement la présente «comme un dû». Enfin, d'autres croient que l'«ennemi
commun», ce n'est pas le castillan, mais l'anglais. Il n'en demeure pas moins
qu'il serait illusoire de croire que la défense d'une «petite» langue n'a pas de
prix. Celui-ci est toujours d'ordre économique, mais il faut aussi tenir compte
des gains.
5.7 Les industries de la langue
Conformément à l’article 29 de la
Loi sur la politique linguistique,
le gouvernement de la Generalitat doit favoriser, stimuler et encourager
par des mesures adéquates la recherche, la production et la commercialisation
de toutes sortes de produits en catalan en rapport avec les industries de la
langue, notamment les systèmes de reconnaissance de voix, de traduction
automatique, et tous ceux que les progrès technologiques rendront
possibles.
Le gouvernement doit aussi favoriser la production, la distribution et la
commercialisation des programmes informatiques, des jeux d'ordinateur, des
éditions numériques et des œuvres multimédias en langue catalane, et la
traduction, le cas échéant, de ces produits en catalan, et prendre les mesures
pour encourager la présence de produits d'informations en catalan dans les
réseaux télématiques d'information. C’est ainsi que le gouvernement catalan
a dû débourser 80 millions de pesetas (environ 437 336 $US) pour l’achat et
la traduction de la version catalane de Windows 98.
5.8 Les entreprises privées
et le catalan
Dans le domaine privé, le gouvernement catalan ne dispose que du pouvoir
d'encourager l'usage du catalan dans les activités commerciales, publicitaires,
culturelles, sportives, etc. Pour ce faire, la Generalitat a établi un
programme d'action systématique appliqué dans différents secteurs:
l'affichage, la publicité commerciale, le sport, etc. Le
chapitre V de la Loi sur la politique linguistique
du 7 janvier 1998 prévoit aussi l'usage obligatoire du catalan pour les
chèques et reçus, les enseignes, l'affichage publicitaire et les
communications par haut-parleur.
Article 30
Les entreprises publiques
1) Les entreprises publiques de la Generalitat et des collectivités
locales, de même que leurs entreprises concessionnaires, lorsqu'elles
gèrent ou exploitent le service concédé, devront employer
normalement le catalan dans leurs interventions et leur documentation internes,
dans leur affichage, leurs modes d'emploi, l'étiquetage et l'emballage
des produits ou des services qu'elles produisent et proposent.
2) Les entreprises auxquelles fait référence l'alinéa
1 devront employer normalement le catalan dans les communications et les
notifications, y compris les factures et autre documents commerciaux adressés
à des personnes résidant dans le domaine linguistique catalan,
sans préjudice du droit des citoyens et citoyennes à les
recevoir en castillan ou, le cas échéant, en catalan, s'ils
en font la demande. |
En ce qui concerne les enseignes et la publicité commerciale, l'usage est de
rédiger toute inscription commerciale soit en castillan soit en catalan, jamais
dans les deux langues en même temps. La prépondérance de l'une d'entre elles
dépend de la municipalité et du degré de concentration des catalanophones qui y
résident. De façon générale, le bilinguisme espagnol-catalan est mal perçu
et demeure marginal. Il faut noter par ailleurs que la pénétration du catalan
dans le secteur privé demeure encore relativement faible et rencontre de fortes
résistances en raison des critères de rentabilité qui motivent les
entreprises.
Cependant, selon une étude réalisée par la Direction générale
de la politique linguistique (mars 1997) auprès de 5800 entreprises
commerciales de Barcelone, on observerait une certaine prédominance de la
langue catalane dans 32,9 % des affiches commerciales; les affiches en castillan
seraient de l’ordre de 27,4 %, alors que 23,6 % des affiches sont dites
«ambivalentes» dans la mesure où le mot (ou expression) est le même
dans les deux langues;12,4 % des affiches sont dans d’autres langues,
principalement en anglais et an français.
On peut consulter la version française de la Loi
sur la politique linguistique du 7 janvier 1998 de la Catalogne.
Dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, la
Generalitat a aussi légiféré en matière linguistique. Ainsi, l'article 18 du
Décret 317/1994 du 4 novembre fixant les normes sur l'aménagement
et la classification des établissements de restauration oblige
tous les établissements de restauration à offrir au public les cartes des menus
et des vins avec leurs prix au moins en catalan:
Article 18
Cartes de services et menus des
restaurants et restaurants-bar
18.1 Tous les
établissements de restauration des catégories restaurants et
restaurant-bars doivent offrir au public les cartes des menus et des
vins avec leurs prix au moins en catalan. |
L'article 15 du
Décret 168/1994 du 30 mai sur la réglementation des agences de voyages
impose aux agences de voyage à transmettre leurs informations au moins en
catalan:
Article 15
1) Les agences de
voyages qui participent à l'organisation et la vente finale d'un
voyage organisé, conformément aux fonctions qui leur conviennent,
doivent donner au consommateur, par écrit et dans un délai suffisant
avant le début du voyage, l'information suivante :
a) Les horaires,
les escales et les
correspondances, ainsi que la catégorie ou classe souscrite dans
le moyen de transport.
b) Le nom,
l'adresse et le numéro de téléphone de la représentation locale
de l'agence de voyage du pays ou des pays dans lesquels le
voyage est effectué et, si c'est nécessaire, le
nom, le trajet et les
téléphones des organismes qui pourront aider les voyageurs en
cas de difficultés. Si ces derniers n'existent pas, le voyageur
devra disposer d'un numéro de téléphone d'urgence ou de toute
autre information qui lui permette de se mettre en contact avec
l'organisateur ou le voyagiste.
c) Pour les
voyages et les séjours des mineurs à l'étranger, l'information
qui permettra d'établir un contact direct avec le responsable du
séjour sur place.
d) L'information
sur la souscription facultative d'un contrat d'assurance qui
couvrira les dépenses d'annulation occasionnées pour le
consommateur ou d'un contrat d'assistance couvrant les dépenses
de rapatriement en cas d'accident ou de maladie.
e) Les clauses
contractuelles du voyage organisé.
2) Les
informations auxquelles le présent article fait référence
doivent être données
au
consommateur au moins en
catalan. |
Il en est ainsi du
Décret 53/1994 du 8 février sur le régime des prix, réservations et services
complémentaires dans les établissements hôteliers :
Article 1
Affichage des prix
1) Les prix de
tous les services que fournissent les établissements hôteliers
doivent bénéficier d'un affichage maximal dans les lieux où
ils sont offerts. Dans
tous les
cas, ils doivent être présentés au moins en
catalan à la réception de
l'établissement de manière visible et permettant à l'usager une
lecture de manière claire et montrant de façon distincte le prix de
chacune des unités de location et chacun des services offerts.
Article 10
Conditions exigées
des notes d'hôtel
La note d'hôtel devra
présenter, en catalan au moins, de façon claire et précise, à savoir
nommément désignés et en chiffres, présentés par jour et par objet,
les divers services donnés par l'établissement hôtelier. |
Enfin, le
Décret 213/2001 du 24 juillet sur la protection des droits du consommateur et de
l'usager dans la prestation de service sur les biens durables semble
tout aussi clair sur l'emploi du catalan
Article 18
Langue des
communications
Tous les
établissements sont dans l'obligation de donner à l'usager au moins
en catalan toute l'information et
la documentation prévue dans la présente disposition.
Article 19
Publicité des
services
Toute forme de
communication publicitaire ou promotionnelle des établissements
assujettis à la présente disposition doit incorporer la raison
sociale et le domicile de l'entreprise, d'où il sera possible de
faire des réclamations effectives ultérieures et des consultations
de la part de l'usager. |
Bref, le consommateur paraît bien protégé par la
législation dans l'emploi du catalan.
L'article 149.1.2 de la Constitution espagnole confère des
compétences exclusives au gouvernement central: «L'État a des compétences
exclusives en matière de nationalité, d'immigration, d'émigration, de statut
d’étranger et de droit d’asile.» L'État espagnol exerce la fonction législative
dans le domaine général du travail en ce qui a trait aux étrangers et, par
conséquent, dans la réglementation des différents types de permis, y compris les
conditions pour les obtenir, ainsi que dans la réglementation du procédé qu’il
faut suivre pour les émettre. Il appartient également à l'État espagnol de
réglementer par loi le régime des infractions et des sanctions en matière de
travail. Évidemment, on ne peut ignorer le fait que la Catalogne, à
l'exemple des autres territoires catalanophones (Pays valencien et îles
Baléares), ne dispose pas de tous les outils juridiques nécessaires pour gérer
les mouvements migratoires, car les décisions les plus importantes finissent par
être prises à Madrid.
6.1 Les compétences de la Generalitat
Les gouvernements autonomes et les
administrations locales ont des compétences qui leur sont dévolues
dans certains domaines reliés à l'immigration, tels l'enseignement, les services sociaux et les
services de santé. Pour le gouvernement de la Generalitat, les compétences sont
décrites à l'article 138 du Statut d'autonomie de 2006:
Article 138
Immigració
1) Correspon a la Generalitat
en matèria d'immigració:
a. La competència exclusiva en
matèria de primer acolliment de les persones immigrades, que
inclou les actuacions sociosanitàries i d'orientació.
b. El desenvolupament de la
política d'integració de les persones immigrades en el marc de
les seves competències.
c. L'establiment i la regulació
de les mesures necessàries per a la integració social i
econòmica de les persones immigrades i per a llur participació
social.
d. L'establiment per llei d'un
marc de referència per a l'acolliment i la integració de les
persones immigrades.
e. La promoció i la integració de
les persones retornades i l'ajuda a aquestes, i l'impuls de les
polítiques i les mesures pertinents que en facilitin el retorn a
Catalunya.
2) Correspon a la Generalitat
la competència executiva en matèria d'autorització de treball als
estrangers la relació laboral dels quals s'acompleixi a Catalunya.
Aquesta competència, que s'exerceix necessàriament en coordinació
amb la que correspon a l'Estat en matèria d'entrada i residència
d'estrangers, inclou:
a. La tramitació i la resolució
de les autoritzacions inicials de treball per compte propi o
aliè
b. La tramitació i la resolució
dels recursos presentats amb relació als expedients a què fa
referència la lletra a i l'aplicació del règim d'inspecció i
sanció.
3)
Correspon a la Generalitat la participació en les decisions de l'Estat
sobre immigració que tinguin una transcendència especial per a
Catalunya i, en particular, la participació preceptiva prèvia en la
determinació del contingent de treballadors estrangers mitjançant
els mecanismes que estableix el títol V. |
Article 138
Immigration
1) En matière d’immigration, la
Generalitat a :
a) une compétence exclusive,
en matière de premier accueil des personnes immigrées, qui
comprend les activités socio-sanitaires et d’orientation ;
b) le développement de la
politique d’intégration des personnes immigrées, dans le cadre
de sa compétence ;
c) l’établissement et la
réglementation des mesures nécessaires à l’intégration sociale
et économique des personnes immigrées et à leur participation
sociale ;
d) l’établissement par une loi
d’un cadre de référence pour l’accueil et l’intégration des
personnes immigrées ;
e) la promotion et
l’intégration des personnes qui sont retournées en Catalogne et
l’aide à ces personnes, ainsi que l’incitation à mettre en œuvre
des politiques et des mesures pertinentes visant à faciliter
leur retour.
2)
La Generalitat a une compétence exécutive en matière d’autorisation
de travail aux étrangers dont la relation de travail s’établit en
Catalogne. Cette compétence, qui s’exerce nécessairement en
coordination avec celle qui revient à l’État en matière d’entrée et
de résidence des étrangers, comprend:
a) la gestion et la décision
concernant les premières autorisations de travail pour son
propre compte ou pour le compte d’autrui ;
b) la gestion et la décision
concernant les recours interjetés au sujet des procédures visées
à l’alinéa a, et l’application du régime d’inspection et de
sanction.
3)
Il appartient à la Generalitat de participer aux décisions de l’État
sur l’immigration qui auraient une importance primordiale pour la
Catalogne et, en particulier, de participer obligatoirement et au
préalable à la détermination du contingent de travailleurs étrangers
à travers les mécanismes établis au titre V. |
Bref, la Generalitat doit élaborer les conditions minimales que doit
satisfaire tout service en matière de «premier accueil» en ce qui a trait à la procédure
d’accès aux services prévus par la loi. L'objectif visé étant l'intégration
sociale des immigrants, la connaissance des langues officielles devient un
élément incontournable des services à accorder aux nouveaux arrivés. Depuis
l'adoption de la Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998,
un bon nombre de travailleurs sont tenus de maîtriser le catalan.
Article 36
L'activité professionnelle
1) Le gouvernement de la Generalitat et les ordres corporatifs devront
encourager l'emploi du catalan dans les activités professionnelles.
2) Le gouvernement de la Generalitat devra stimuler et encourager l'emploi
du catalan sur les lieux de travail, dans les rapports professionnels et
dans les conventions collectives, dans les contrats d'entreprise et dans
les contrats de travail, et devra promouvoir la participation directe des
syndicats et des organisations patronales pour atteindre ces objectifs.
3) Les conventions collectives et les contrats d'entreprise pourront
comprendre des clauses linguistiques destinées à encourager
la connaissance du catalan chez les travailleurs et travailleuses et à
en garantir l'usage sur les lieux de travail, dans les contrats de travail,
les feuilles de paye et toute autre documentation. Le gouvernement de la Generalitat devra stimuler la présence de ces clauses dans les conventions
collectives.
4) Les affiches et les informations à caractère fixe comprenant
un texte et destinés à figurer à l'intérieur
des lieux de travail à l'adresse des personnes qui y travaillent
devront être au moins en catalan. |
Évidemment, cette explosion migratoire est tout à fait nouvelle pour
la Catalogne. Cette question constitue même l'un des plus graves problèmes en
Catalogne qui dispose de moyens limités pour faire face à l'intégration des
immigrants. Ainsi, il n'y a pas de ministère de l'Immigration parce que cette
juridiction est réservée au gouvernement espagnol. Il existe néanmoins un
système dit «de catanalisation» pour adultes implanté depuis la décennie de
1980.
6.2 La problématique des deux langues officielles
Le processus d'apprentissage de la langue catalane par les
nouveaux arrivants est encombré d'obstacles. La plupart d'entre eux pensent
arriver en Espagne et devoir apprendre l'espagnol, ce qui est effectivement le
cas. Toutefois, en arrivant en Catalogne, plusieurs découvrent avec surprise
que, dans cette partie de l'Espagne, il se parle aussi une langue qui n'est pas
l'espagnol. Ils apprennent que la Catalogne a deux langues ayant un statut
officiel : le catalan et le castillan.
Cette dernière est en plus la langue officielle de toute l’Espagne. Diverses circonstances historiques, politiques et
sociolinguistiques ont incité de nombreux immigrants à choisir le castillan
comme langue seconde dans leur pays d'accueil. Le défi pour le gouvernement
catalan, c'est d'inverser la tendance et de favoriser plutôt le catalan, sinon
avec les décennies la langue propre de la Catalogne pourrait être minorisée de
façon irréversible.
De façon générale, les immigrants ne font pas de lien entre
l'intégration sociale et l'intégration linguistique. Ils considèrent le catalan
comme une langue minoritaire par rapport à l'espagnol, une langue comprise et
parlée par toute la population, ce qui n'est pas le cas du catalan. Il en
résulte que c'est par l'espagnol (castillan) que s'effectue l'insertion dans la
société catalane pour un grand nombre d'immigrants. Ceux-ci peuvent tarder à
réaliser l'importance sociale de maîtriser le catalan, notamment s'ils
travaillent dans les régions métropolitaines de Barcelone, voire de Valence
(Pays valencien) ou de Palma de Majorque (Baélares), où la langue de travail est
la plupart du temps le castillan.
En vertu de la législation espagnole, la Catalogne est tenue
d'enseigner le castillan et le catalan. Donc, il faut prévoir l'acquisition
des compétences de base dans les deux langues. Mais lorsque les immigrants
apprennent d'abord le castillan, peu d'entre eux réussissent à maîtriser le
catalan par la suite. C'est pourquoi les autorités catalanes sont convaincues
que les nouveaux venus doivent d'abord apprendre le catalan, puisqu'ils finiront
quand même par apprendre aussi le castillan.
Selon les données d'une enquête de l’IDESCAT ("Institut d'Estadística
de Catalunya") réalisée en 2008 auprès de 2700
personnes de tout âge, une faible
proportion ne comprend pas l’espagnol, alors que presque un tiers de la
population étrangère (27,7 %$) déclare ne pas comprendre le catalan. Dans le
tableau ci-dessous, 72,3 % des citoyens d'origine étrangère disent
comprendre le catalan (contre 95,3 % pour le castillan), 30,7 % disent le
parler (contre 86,1 % pour le castillan), 31,2 % disent le lire (contre 77,3
% pour le castillan) et 18,7 % savent l'écrire (contre 70,6 % po9ur le
castillan).
Manifestement, les citoyens d'origine étrangère apprennent
davantage le castillan que le catalan. Ce sont les citoyens de nationalité
espagnole qui savent davantage comprendre, parler et lire le catalan, bien
que la proportion de ceux qui savent l'écrire est plus faible (62,8 %).
Faire du catalan la langue commune de tous les Catalans, alors
que les catalanophones sont minoritaires dans le pays représente un défi déjà colossal.
Cependant, l'obstacle le plus important, c'est encore d'obtenir
un cadre juridique au sein de l'État espagnol, qui place le catalan sur un
pied d'égalité avec le castillan.
6.3 Le catalan comme «langue publique commune»
En 2008, la Generalitat a adopté le Pacte national pour l'immigration
("Pacte Nacional per a la Immigració"). Ce Pacte
concerne non seulement le gouvernement de la Catalogne (Generalitat) et les
groupes parlementaires, mais aussi les municipalités, les agents économiques et
sociaux, les membres de la Table de la citoyenneté et de l’immigration ("Taula
de Ciutadania i Immigració").
Pour réussir l’intégration dans une culture publique commune, le Pacte
propose de susciter la participation à la vie publique, de faire du catalan la
«langue publique commune» ("llengua pública comuna"), de favoriser la cohabitation dans la pluralité des croyances,
d'assurer l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, de renforcer les politiques
destinées à l’enfance, à la
jeunesse, aux personnes âgées et aux familles.
C'est pourquoi l'administration de la Catalogne doit non seulement favoriser
l'usage public du catalan, mais aussi prendre les moyens nécessaires pour que
les
immigrants puissent exercer leur droit d’accès à l’apprentissage de cette
langue tout en offrant des possibilités d’apprendre la langue castillane aux
individus qui le demandent
et qui en ont besoin, même s'ils ont acquis les compétences linguistiques de
base du catalan. De cette façon, le gouvernement catalan croit garantir le
«droit à l'option linguistique» ("el dret d'opció lingüística").
Voici ce qui est énoncé à l'article 33 du
Statut d'autonomie
au sujet du «droit à l'option linguistique»:
Article 33
Droits linguistiques
auprès des administrations publiques et des institutions de l'État
1. Les citoyens
ont droit à l’option linguistique. Dans le cadre des relations avec
les institutions, les organisations et les administrations publiques
de la Catalogne, toutes les personnes ont le droit d’utiliser la
langue officielle de leur choix. Ce droit oblige les institutions,
organisations et administrations publiques, y compris
l’Administration électorale en Catalogne, et en général, les entités
privées en dépendant lorsqu’elles exercent des fonctions publiques.
|
Dans l'ensemble, il n'est pas encore possible de pouvoir
affirmer que le catalan est aujourd'hui la «langue publique commune» entre
les membres des divers groupes linguistiques qui cohabitent aujourd'hui en
Catalogne.
6.4 Les mesures
d'intégration linguistique
Le Pacte national
pour l'immigration comprend trois axes :
(1) la
gestion des flux migratoires et l'accès au marché du travail;
(2) l'adaptation des services publics à une société
diverse;
(3) l'intégration à une culture publique commune.
Les mesures d'intégration linguistique des nouveaux
immigrants font
partie de ce dernier axe. Ces mesures se résument par le pari tenu par
l'administration catalane de faire du catalan la «langue
commune», c'est-à-dire la langue de cohésion au sein d'une société aux origines
très diverses. Quand un immigrant apprend le catalan, il devient un
membre intégré à la société catalane.
Parmi les mesures
d'intégration possibles, le gouvernement a ciblé les éléments suivants:
- garantir l’apprentissage des langues officielles de la
Catalogne dans le système d'éducation;
- garantir le «droit d’option linguistique» de la part des organismes de
l’administration en Catalogne;
- garantir l’emploi du catalan comme langue véhiculaire dans le monde de
l’enseignement;
- favoriser l’enseignement des langues des pays d’origine de la
population immigrante;
- utiliser de préférence le catalan de la part des administrations et
des médias publics en Catalogne;
- appuyer les initiatives de la société civile, qui favorisent le
catalan
de façon complémentaire aux initiatives du gouvernement;
- promouvoir l’apprentissage et l’usage de la langue catalane dans le
monde du travail;
- développer un service d’accueil universel, systématique et homogène
sur l’ensemble du territoire:
- utiliser massivement les médias, la presse écrite, la télévision et
surtout la radio pour communiquer avec les immigrants.
À cet effet, l'article 3 du
décret 188 du 26 juin sur les étrangers et leur intégration sociale en
Catalogne (2001) prévoyait déjà une aide juridique gratuite et le droit
d'être assisté d'un interprète:
Article 3
Droit à une assistance juridique gratuite
1) Le ministère de la Justice doit
veiller à ce que le droit effectif des étrangers à l'aide juridique
gratuite dans les procédures administratives ou judiciaires, qui pourraient
entraîner le refus de leur admission, leur départ obligatoire ou
leur expulsion
d'Espagne, ainsi que dans les procédures en matière d'asile, lorsque les
étrangers n'ont pas de ressources financières suffisantes,
conformément aux critères établis dans le règlement sur l'aide
juridique gratuite ; ainsi que le droit d'être assisté par des
interprètes dans la procédure judiciaire, s'ils ne comprennent
pas ou ne parlent pas la langue officielle qui est utilisée. |
En 2010, le gouvernement a fait adopter la
Loi d’accueil aux
personnes immigrées et à celles qui reviennent en Catalogne (loi n° 10/2010
du 7 mai). Cette loi prévoit l'application, pour toute la
Catalogne, d'un service «de premier accueil» qui doit permettre d'établir un
premier contact avec la culture, la langue et le marché du travail dans la
Communauté autonome, et ce, dès leur arrivée, sinon dans certains cas depuis
leur pays d’origine, avant d'entreprendre leur projet migratoire. Ce service se
veut personnalisé et doit garantir l'acquisition des compétences linguistiques
de base, aussi bien en catalan, qui est la langue d’accueil, qu'en espagnol, la
langue officielle de toute l'Espagne. L'objectif visé est de permettre aux
immigrants de s'intégrer plus facilement dans un environnement social qui leur
est inconnu, puis d'élargir leurs connaissances concernant leurs droits et leurs
obligations dans la société catalane.
L'article 2 de la
loi n°
10/2010 du 7 mai explicite ce qu'est le «service de premier accueil» :
Article 2
Définitions
Aux effets de la
présente loi, il est compris par :
b) Service de
premier accueil : l'ensemble des ressources, des
équipements, des projets et des programmes de titularisation
publique et privée, visant à garantir la satisfaction des
besoins initiaux de formation et d'information à caractère
élémentaire des étrangers immigrés, des demandeurs d'asile, des
réfugiés, des apatrides et des rapatriés, afin de promouvoir
leur autonomie personnelle et l'égalité des chances, ainsi qu'à
parvenir à la cohésion de l'ensemble de la société catalane.
|
En Catalogne, le titulaire d'un service est en fait
un bénéficiaire d'un service. En vertu de la
loi n°
10/2010 du 7 mai, ceux qui ont le droit au service de
premier accueil et qui en sont bénéficiaires («titulaires») sont les
étrangers immigrants, les demandeurs d'asile, les réfugiés, les apatrides et
les rapatriés :
Article 7
Droit d'accès et titulaires des
services
1) Sont titulaires du droit
d'accès au service de premier accueil les étrangers immigrants, les
demandeurs d'asile, les réfugiés, les apatrides et les rapatriés.
2) Le service de premier
accueil peut être fourni dans les pays d'origine des immigrants.
3) Le droit d'accès au
service de premier accueil commence à l’étranger, quand la personne
obtient une autorisation administrative de résidence ou de séjour
supérieure à quatre-vingt-dix jours sur le territoire de la
Catalogne.
4) Sur le territoire de la
Catalogne, le droit d'accès au service de premier accueil commence à
partir de l'inscription sur les listes municipales ou, le cas
échéant, à partir de la demande d'asile. |
Selon l'article 9 de la
loi n°
10/2010 du 7 mai, les bénéficiaires au service de premier accueil doit
obtenir les compétences linguistiques élémentaires en catalan
et en castillan (par. 1), en privilégiant le catalan pour ceux qui ne le
connaissent pas (par. 2), en utilisant le catalan comme langue véhiculaire
de l'enseignement, en commençant «par l'acquisition des compétences élémentaires en langue catalane»
(par. 3) et en offrant «la formation pour acquérir les compétences
élémentaires en langue castillane aux personnes qui ont acquis des
compétences élémentaires en langue catalane» (par. 4) :
Article 9
Compétences linguistiques élémentaires
1) La personne titulaire du droit d'accès au service de premier
accueil, au cours du processus d'intégration dans la société
catalane, doit obtenir les compétences linguistiques élémentaires en
catalan et en castillan.
2) Le service de premier accueil doit offrir la formation et les
moyens nécessaires pour l'acquisition des compétences élémentaires
en langue catalane aux personnes titulaires du droit d'accès au
service qui ne la connaissent pas, tant que cela est possible
moyennant le Consortium pour la normalisation linguistique.
3) Il convient d'établir par règlement le niveau minimum de référence
à atteindre quant aux compétences linguistiques indiquées dans le
Cadre
européen commun de référence pour les langues, établi par le
Conseil de l'Europe.
4) Le catalan, en tant que langue propre de
la Catalogne, est la
langue commune pour la gestion des politiques d'accueil et
d'intégration. Il est également la langue véhiculaire de la
formation et de l'information, un instrument élémentaire pour la
pleine intégration dans le pays. À cet effet, l'apprentissage
linguistique offert par les services de premier accueil commence par
l'acquisition des compétences élémentaires en langue catalane.
5) Le service de premier accueil, une fois la formation en langue
catalane achevée, doit offrir la formation pour acquérir les
compétences élémentaires en langue castillane aux personnes qui ont
acquis des compétences élémentaires en langue catalane et qui le
demandent ou l'exigent.
|
L'article 12 de la
loi n°
10/2010 du 7 mai énonce que «le service de premier accueil
doit faciliter l'alphabétisation de
l'usager qui le demande au moyen des programmes de
formation existants pour adultes ou, le cas échéant, des programmes
d'alphabétisation spécifiques devant être créés :
Article 12
Autres aspects du service
1) Les actions d'information et de formation du service de
premier accueil doivent :
a) Partir du niveau
sociocognitif de l'usager en
utilisant une méthodologie adaptée à leurs caractéristiques
personnelles et aux particularités du contexte socioculturel. Le
service de premier accueil doit faciliter l'alphabétisation de
l'usager qui le demande au moyen des programmes de
formation existants pour adultes ou, le cas échéant, des programmes
d'alphabétisation spécifiques devant être créés. À cet effet, ces
programmes sont intégrés au service de premier accueil.
|
Comme on le sait, s’il est souhaitable que les immigrants acquièrent
des compétences linguistiques en catalan et en castillan (espagnol) au cours
de leur processus d’intégration dans la société catalane, la situation de départ
est très défavorable pour le catalan, car tout joue en faveur du castillan.
C'est pourquoi, si le gouvernement veut faire du catalan la première «langue commune»
de la Catalogne, il lui faut entreprendre des efforts nécessaires pour
favoriser la
connaissance et l’utilisation sociale de cette langue.
Dans le cadre de l’offre publique d’enseignement du catalan,
la présence étrangère dans les cours d’accueil linguistique destinés aux
adultes était de 83,5 % durant l’année scolaire de 2007-2008. Au total,
cette année-là, quelque 125 000 personnes ont suivi de cours de catalan.
Plus de la moitié de ces personnes provenait de l'Amérique latine (54,9 %)
et presque un quart, de l'Afrique (23,2 %). Le poids des élèves de l’Union
européenne (11,5 %) est également très significatif. Le reste vient de
l'Asie (7 %) et d'autres pays européens (3,5 %).
Évidemment, la présence constante des immigrants et la pression
sociale qui se manifestent quotidiennement
dans les médias ont transformé le débat sur l’intégration sociale et
scolaire en une question prioritaires pour la société catalane aussi bien
qu'espagnole.
La Catalogne s'est dotée d'un grand nombre d'organismes
linguistiques pour veiller non seulement à la sauvegarde du catalan, mais
surtout à son usage généralisé et sa promotion.
7.1 La Direction générale à la
politique linguistique
L'organisme principal est la
Dirección
General de Política Lingüística del Departamento de Cultura de la
Generalitat de Catalunya, c'est-à-dire la
Direction générale à la politique linguistique du département de la Culture
de la Generalitat de Catalogne. Ainsi, la Direction générale est sous la
responsabilité du département (ministère) de la Culture. Selon le décret
387/1983 (Décret 397/1983 du 8 septembre attribuant à la Direction générale
de la politique linguistique les fonctions permettant de suivre et de promouvoir
l'application de la loi 7/1983 ou Decret 397/1983, de 8 de setembre, pel
qual s'assignen a la Direcció General de Política Lingüística funcions relatives
al seguiment i la impulsió del'aplicació de la Llei 7/1983), les fonctions
de la Direction générale sont essentiellement de veiller à la coordination et à
la surveillance de l’actualisation de la politique linguistique du gouvernement
catalan:
Article unique
En vertu de ses attributions, la Direction générale à la politique
linguistique du département de la Culture doit exerce les fonctions
suivantes:
a) Faire le suivi
de l'application des dispositions réglementaires qui se
rapportent aux domaines réglementés par la loi 7/1983 et des
activités des différents départements de la Generalitat dans le
domaine linguistique.
b) Donner des informations sur tous les actes normatifs relatifs
au domaine linguistique produits par les départements de la
Generalitat.
c) Promouvoir l'application de la loi 7/1983 du 18 avril dans
chacun des secteurs visés par la présente loi.
|
La Direction générale à la politique
linguistique compte trois principaux services:
- le Service de la normalisation
linguistique (Servei de Normalització Lingüística), dont la
mission est de se consacrer à la promotion de l'usage du catalan dans
tous les domaines;
- le Service de consultation linguistique (Servei
d’Assessorament Lingüístic), voué à l'aide et la diffusion de la
connaissance du catalan chez les adultes;
- le l'Institut de sociolinguistique catalane (Institut
de Sociolingüística Catalana),
chargé
de la recherche sur la normalisation du catalan.
L'effectif de la Direction générale est
d'environ une centaine de personnes. Le domaine de l'éducation de relève pas
de la Direction générale, mais du Service d'enseignement du catalan (Servei
d'Ensenyament del Català) relevant du département de l'Éducation.
7.2 Le Conseil social de la langue catalane
Le Conseil social de la langue catalane (en
catalan: Consell
Social de la Llengua Catalana) relève aussi de la
responsabilité du département de la Culture de la Catalogne. Ce
conseil est régi par le
décret 116/2005 du 14 juin sur le Conseil social de la langue catalane
(en catalan: Decret 116/2005, de 14 de juny, del Consell
Social de la Llengua Catalana). Le Conseil social de la langue
catalane est l'organisme de conseil, de consultation et d'implication
sociale dans la politique linguistique développée ou promue par le
gouvernement de la Generalitat. Les fonctions du Conseil social de la
langue catalane sont énumérées à l'article 2 du
décret 116/2005 :
Article 2
Fonctions
Les fonctions du Conseil sont les
suivantes:
a) Évaluer les objectifs et les résultats
de la politique linguistique du gouvernement de la
Generalitat et spécialement le rapport annuel que prévoit l'article
39.3 de la loi 1/1998 du 7 janvier sur la politique linguistique. À cet
effet, le Conseil présente annuellement un avis sur les
actions réalisées ou passées l'année
précédente par le gouvernement de la Generalitat.
b) Étudier et analyser, à la demande du
gouvernement, les questions reliées à la promotion et au développement de
la langue catalane dans tous les domaines de la société.
c) Se
prononcer sur les projets d'instruments de planification linguistique
générale. qui doivent être approuvés par le gouvernement.
d) Proposer au gouvernement l'élaboration
d'études et d'avis, et l'adoption de mesures adéquates pour les objectifs
généraux de la loi 1/1998 du 7 janvier sur la politique linguistique et du
décret 162/2002 du 28 mai sur la promotion d'un langage simplifié et de la
non-discrimination et de la terminologie catalane régularisée.
e) Toute autre mesure que les lois ou
règlements lui attribuent.
|
En bref, à l'intention du gouvernement, le Conseil
étudie les questions linguistiques et mesure l’efficacité des politiques
gouvernementales, puis formule des recommandations au sujet des
politiques linguistiques. Les organismes associés du Conseil sont l'Assemblée plénière,
la Commission permanente et les comités de
rapporteurs sectoriels et de rapporteurs spéciaux.
7.3 L'Institut d'études
catalanes
L'Institut d'études catalanes (Institut d’Estudis
Catalans) est une institution universitaire, scientifique et
culturelle catalane, dont le but principal est la recherche
scientifique dans tous les domaines. Parmi les réalisations les
plus importantes de l'Institut, mentionnons le Dictionnaire
de la langue catalane (Diccionari de la llengua catalana),
qu'on peut consulter par Internet, et le Dictionnaire
catalan-valencien-baléare (Diccionari
català-valencià-balear).
L'Institut est formé de cinq «sections»:
1. Section
historico-archéologique (Secció Històrico-Arqueològica);
2. Section ses sciences biologiques (Secció
de Ciències Biològiques);
3. Section des sciences et de la technologie (Secció de
Ciències i Technologia);
4. Section de philologie (Secció Filològica);
5. Section de philosophie et des sciences sociales (Secció
de Filosofia i Ciències Socials).
Les travaux de l'Institut d'études
catalanes servent de référence pour tous les «pays catalans»:
Catalogne, Andorre, Pays valencien, Îles-Baléares, y compris la
frange d'Aragón (frontalière avec la Catalogne), le territoire
du Carche à Murcie, le département des Pyrénées-Orientales en
France et la commune d'Alghero dans l'île italienne de
Sardaigne. D'ailleurs, bien que le siège social soit à
Barcelone, il existe des «succursales» régionales à Perpignan (Perpinyà),
Lérida (Lleida), Castelló de la Plana, Valence (València) et
Alicante (Alacant).
L'Institut d'études catalanes compte aussi
un grand nombre de sociétés scientifiques affiliées, avec plus
de 8000 associés de toutes les spécialités:
Amics de l'Art Romànic
Associació Catalana de Ciències de l'Alimentació
Associació Catalana de Sociologia
Institució Catalana d'Estudis Agraris
Institució Catalana d'Història Natural
Societat Catalana d'Economia
Societat Catalana d'Estudis Clàssics
Societat Catalana d'Estudis Hebraics
Societat Catalana d'Estudis Històrics
Societat Catalana d'Estudis Jurídics
Societat Catalana d'Estudis Litúrgics
Societat Catalana d'Estudis Numismàtics
Societat Catalana d'Història de la Ciència i de la
Tècnica
Societat Catalana d'Ordenació del Territori
|
Societat Catalana de
Biologia
Societat Catalana de Comunicació
Societat Catalana de Filosofia
Societat Catalana de Física
Societat Catalana de Geografia
Societat Catalana de Llengua i Literatura
Societat Catalana de Matemàtiques
Societat Catalana de Musicologia
Societat Catalana de Pedagogia
Societat Catalana de Química
Societat Catalana de Sociolingüística
Societat Catalana de Tecnologia
Societat Catalana de Terminologia
Societat d'Història de l'Educació dels Països de
Llengua Catalana |
7.4 Le Consortium pour la normalisation
linguistique
Le Consortium pour la normalisation linguistique (Consorci
per a la Normalitzacio Lingüistica) est un réseau de centres locaux offrant
des cours de langue aux adultes. Le CNPL a été créé par la Generalitatm de
Catalogne ainsi que par 19 municipalités et le Conseil provincial de Girona; le
consortium compte plus de 400 spécialistes en planification linguistique a pour
mission d'intervenir au sein des institutions et organismes qui font appel à son
expertise. Les services linguistiques (Servei Linguistiques) sont des
«unités de travail» implantées dans les entreprises, les universités ou de toute
autre entité, afin de fournir des services sur «les langues et les modèles
linguistiques».
7.5 La Commission de toponymie
La Commission de toponymie (Comissió de Toponímia),
sous la responsabilité du département de la Culture,
est l'organisme de conseil, de consultation et de proposition en matière
de fixation officielle des toponymes de la Catalogne. En vertu de
l'article 9.4 du
Décret 78/1991 du 8 avril sur l'utilisation de la toponymie,
les fonctions de la Commission de toponymie sont les suivantes:
Article 9
4. Les fonctions de la
Commission de toponymie sont les suivantes:
a) Assurer la coordination entre
l'Institut d'études catalanes et le Conseil général d'Aran et
l'administration de la Generalitat et ses organismes autonomes en matière
de toponymie.
b) Agir comme organisme de coordination avec d'autres organismes ou
institutions ayant des compétences dans le domaine de la toponymie.
c) Proposer des critères et des règles
d'écriture pour l'usage des toponymes sur les panneaux indicateurs, dans
la cartographie, les publications et les moyens de diffusion
audiovisuelle, en conformité avec la réglementation linguistique de
l'Institut d'études catalanes et celle du Conseil général d'Aran.
|
Plusieurs organismes («Entitats») font partie de la
Commission de toponymie:
- la vice-présidence de la Generalitat:
Vicepresidència;
- le département de la Politique territoriale et des travaux publics:
Departament de Política Territorial i Obres Públiques;
- le gouvernement et les administrations publiques: Governació i
Administracions Públiques;
- le département de l'Économie et des Finances Institut de la statistique de
la Catalogne- IDESCAT): Departament d’Economia
i Finances (Institut d'Estadística de Catalunya-IDESCAT);
- l'Institut d'études catalanes: Institut d'Estudis Catalans;
- le Consortium pour la normalisation linguistique : Consorci per a la
Normalització Lingüística ;
- l'Association catalane des municipalités et comarques: Associació
Catalana de Municipis i Comarques;
- la Fédération des municipalités de la Catalogne: Federació de Municipis
de Catalunya;
- l'Institut cartographique de la Catalogne: Institut Cartogràfic de
Catalunya;
- le Conseil général du val d'Aran: Consell General d'Aran.
7.6 Le Conseil permanent du
catalan
Le Conseil permanent du catalan (Junta
Permanent de Català)
élabore et administre les tests de langue destinés aux fonctionnaires, en vue de
l'obtention des certificats de connaissance générale du catalan et, si c'est le
cas, des certificats de
connaissances spécifiques. Selon le
décret
152/2001 (modifié
par le décret 3/2006), les
quatre niveaux de connaissance linguistique sont les suivants :
- "A-bàsic" : niveau basique permettant de répondre à
des besoins généraux;
- "B-elemental" : niveau élémentaire répondant à des besoins habituels dans
la communication;
- "C-intermedi" : niveau intermédiaire satisfaisant à une diversité de
situations;
- "D-suficiència" : niveau suffisant de connaissance pour la communication
formelle;
- "E-superior" : niveau supérieur nécessitant de pouvoir analyser des
questions et des concepts, et de comprendre le système linguistique du
catalan.
Ces quatre niveaux de connaissance sont sanctionnés
selon les niveaux, par des examens concernant la lecture, l'expression
écrite, l'expression orale, la grammaire et le vocabulaire, etc. C'est le
décret 152/2001 du 29
mai sur l'évaluation et la certification de connaissance du catalan,
qui réglemente les tests de connaissance linguistique.
7.7 Le Centre de terminologie de
Catalogne Termcat
Le Centre de terminologie de Catalogne TERMCAT (Centre
de Termiologia de Catalunya TERMCAT)
est responsable de la diffusion de la terminologie et de la normalisation de la
langue catalane. En réalité, le Termcat publie un grand nombre d'ouvrages
spécialisés sur la terminologie. Parmi les ouvrages les plus marquants,
signalons le Diccionari de comunicació empresarial («Dictionnaire de
communication patronal»), le Vocabulari de la neu i dels esports d'hivern
(«Vocabulaire de la neige et des sports d'hiver»), le Diccionari de
veterinària i bestiar («Dictionnaire de la médecine vétérinaire et du
bétail»), la Terminologia en la societat de la informació («Terminologie
de la société de l'information»), le Diccionari d'auditoria i de
comptabilitat («Dictionnaire d'auditorat et de comptabilité»), etc., sans
oublier la traduction de logiciels et de manuels techniques. Le Termcat
collabore avec l'Association européenne de terminologie, RITerm, Realiter,
l'Union latine, l'Office québécois de la langue française, etc. La participation
de Termcat à des réunions scientifiques, tant en Catalogne qu'en Espagne ou dans
d'autres pays, a donné lieu à la publication de plusieurs articles d'un grand
intérêt.
Le val d'Aran s'est vu accorder une reconnaissance juridique tant par la Generalitat de Catalogne que par l'État espagnol. La
région constitue une entité administrative de premier niveau au sein de la
Communauté autonome de Catalogne, dans la province de Lérida. Le
val d’Aran dispose
d’un régime juridique spécial qui reconnaît la spécificité de son organisation
institutionnelle et administrative, et en garantit
l’autonomie à des fins de règlement et de gestion des affaires
publiques dans sa juridiction territoriale. On peut consulter la page particulière
consacrée sur le Val-d'Aran
en cliquant
ICI, s.v.p.
N’oublions pas que le catalan a été une langue interdite
pendant plusieurs décennies et que les livres en catalan n’existaient même
plus, car le possesseur d’un livre en catalan pouvait encourir l’emprisonnement.
Depuis la démocratisation de l’Espagne en 1978, les Catalans de Catalogne se
sont repris en main et ont réussi le processus de normalisation du
catalan. C'est ainsi que la Generalitat a pu renaître de ses cendres et se
lancer dans une politique linguistique très volontariste en proclamant le
catalan première langue de la Catalogne, tout en développant des liens directs
avec les autres régions de l'Europe. Dès 1983, la Loi sur la normalisation
linguistique en Catalogne en a constitué le fer de lance. Après une
trentaine de lois linguistiques et une économie considérée comme la plus
prospère de l’Espagne, les Catalans sont passés à une autre étape avec la
Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998. Le véritable
problème réside dans le fait que tous les Catalans parlent aussi l'espagnol,
comme tous les Espagnols; personne n'est dans l'obligation de parler le catalan,
sauf à l'école, ce qui diffère sensiblement de la situation au Québec, alors que
les deux tiers des Québécois ne parlent pas l'anglais.
Maintenant, il n’est plus
nécessaire de parler de normalisation, mais plutôt de promotion
du catalan, le tout sans nuire apparemment au castillan, la langue que, selon la
Constitution espagnole, «tous les Espagnols ont le devoir de connaître et
le droit d'utiliser». En Catalogne, la langue catalane s'est affirmée
comme «une arme de combat» dans sa lutte identitaire pour de nouvelles
prérogatives contre le pouvoir de Madrid. L'ancien président de la Generalitat,
Jordi Pujol, a
même exigé en mars 1999 que le roi Juan Carlos, lorsqu’il prend la parole
sur «ses terres», prononce la moitié de ses discours en catalan. À Madrid,
on a longtemps ironisé sur ce «drôle de quota» (alors que celui-ci
paraîtrait normal en Belgique ou au Canada), ce qui a eu pour effet d’obliger
le président catalan à se pourfendre en excuses. Le 16 novembre 2003, le
président Jordi Pujol, après 23 ans de pouvoir, prenait sa retraite de la
présidence catalane. La Catalogne prenait un autre virage, car la donne
politique venait de changer. Fini le temps où tout ce qui était bon venait de
Jordi Pujol, et tout le mauvais de Madrid! Cela dit, l'héritage de l'ancien
président Pujol demeure immense pour la Catalogne et les Catalans, car il a
incarné durant vingt-trois ans le nationalisme catalan, modéré et tenace. Le
rapport de force entre Barcelone et Madrid risque de ne plus jamais être le
même.
On peut constater également que, de toutes les langues régionales d’Espagne
– le basque, le galicien, le catalan des îles Baléares et celui du Pays
valencien –, seul le catalan de la Catalogne semble, en dépit d’une forte
immigration castillanophone, en mesure de tenir tête au castillan, en raison du
dynamisme économique de la bourgeoisie catalane, de son habileté politique et
de ses ambitions européennes. C'est d'ailleurs dans la perspective d'un
rééquilibrage en faveur des pouvoirs régionaux dans le cadre d'une Europe
fédérale que les autonomistes catalans considèrent le statut d'autonomie
actuel, à défaut d'indépendance, comme un «compromis acceptable». Cela étant
dit, en raison de la situation sociopolitique de la langue espagnole
(castillan), le catalan n'arrivera probablement jamais à la marginaliser, mais
il pourra certainement lui livrer une solide concurrence. Il n'en demeure
pas moins que la politique linguistique élaborée et défendue par les Catalans de
Catalogne constitue l’une des surprises de ce siècle en matière d’aménagement
linguistique.
Dernière mise à jour:
18 févr. 2024
L'Espagne