Euskadi

Le Pays basque

Pais Vasco - Euskadi

(Espagne)

Capitale:  Vitoria 
Population: 2,1 millions (Espagne) 
Langue officielle: castillan et basque (euskara)
Groupe majoritaire: castillan (60 %) 
Groupes minoritaires: basque (40 %) 
Système politique: l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne 
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Constitution de 1978, art. 6 du Statut d'autonomie (1979) 
Lois linguistiques: Décret 573 reconnaissant l'Académie de langue basque sous la dénomination de Académie royale de la langue basque (1976); Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara (1982); Décret 86 réglementant le processus de normalisation de l'usage de l'euskera dans les administrations publiques de la Communauté autonome d'Euskadi (1997); Décret 38 réglementant le Service officiel des traducteurs (2000); Décret royal 750 modifiant les Statuts de l'Académie royale de la langue basque (2006); Loi n° 3 sur la création et et le Règlement de l'Institut basque Etxepare Euskal Institutua / Basque Institute (2007); Ordonnance du 22 mai 2008 du ministre de la Culture réglementant et assignant l'attribution de subventions pour les initiatives destinées à favoriser les premières productions audiovisuelles doublées et/ou sous-titrées en euskara (2008); Décret 123 sur les droits linguistiques des consommateurs et usagers (2008); Ordonnance du 29 juillet 2008 du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et du ministre de la Culture réglementant l'attribution de subventions pour que les organismes soumis au décret 123/2008 procèdent à l'adaptation de leurs obligations linguistiques prévues par ledit décret dans leurs relations avec les consommateurs et usagers (2008); Décret 152 réglementant le processus de normalisation linguistique dans l'administration de la justice dans la Communauté autonome d'Euskadi (2008);
Décret n° 53 réglementant le Sceau d’engagement linguistique Bikain et le Certificat de qualité en gestion linguistique (2009).
Lois scolaires: Loi n° 3 sur le système universitaire basque (2004); Décret 175 établissant le plan d'études de l'éducation fondamentale et son implantation dans la Communauté autonome du Pays basque (2007);
Lois à portée linguistique: Loi sur la Fonction publique du Pays basque (1989); Loi relative au statut des consommateurs et des usagers (2003); Décret 190 réglementant le service de télévision locale par ondes terrestres (2006);

1  Situation géographique

La grande région communément appelée le Pays basque (Pais Vasco, en espagnol; Euskal Herria ou Euskadi, en basque) couvre un territoire du sud-ouest de la France et du nord de l'Espagne, situé sur les deux versants des Pyrénées. Autrement dit, le Pays basque est à cheval sur la France et l'Espagne, et il est traversé d'est en ouest par la chaîne de montagnes des Pyrénées, tout en s'ouvrant au nord-ouest sur l'océan Atlantique. 

Toute la région du Pays basque couvre une superficie de 20 664 km², ce qui est très peu par rapport, d'une part, à l'État espagnol (504 748 km²), d'autre part, à l'État français (543 965 km²). Toutefois, quelque 86 % du territoire du Pays basque est en Espagne, contre 16% en France. La Navarre espagnole, à elle seule, compte une superficie de 10 421 km² (voir la carte 2).

Au plan historique, le Pays basque s'étend sur sept provinces, dont quatre sont situées en Espagne (Vizcaya [no 3], Alava [no 2], Guipúzcoa [no 1] et Navarre [no 4]) et trois en France (Labourd [no 5], Basse-Navarre  [no 6] et Soule  [no 7]). Le Pays basque correspond ainsi, d'une part, aux Provincias Vascongadas (ou provinces basques-espagnoles) et, d'autre part, à la partie ouest du département français des Pyrénées-Atlantiques (la partie est étant le Béarn).

Cependant, la Communauté autonome du Pays basque espagnol officiellement appelée Comunidad Autónoma Vasca (CAV) ou Euskal Autonomia Erkidegoa (EAE)   ne comprend que les provinces de Vizcaya (3), de Guipuzcoa (1) et d'Álava (2). Le «Pays basque» dont il est question dans cette page correspond à la Communauté autonome du Pays basque, ce qui exclut le Pays basque français et la Navarre. La capitale de la Communauté autonome du Pays basque espagnol est Vitoria; la principale ville, Bilbao.

En français, dans PAYS BASQUE, on écrit l'adjectif «basque» avec une minuscule initiale, mais le nom générique «Pays» avec une majuscule initiale comme dans le Pays basque. Littéralement, le Basque (euskaldun) est la personne qui possède la langue basque (euskara).  De même, son pays (Euskal Herria) est celui où cette langue est parlée.

Le drapeau du Pays basque espagnol, appelé l'Ikurrin, a été élaboré en 1911, afin de représenter la province de Biscaye, puis il fut adopté comme drapeau de la Communauté autonome du Pays basque en 1933; il est généralement employé au Pays basque français. Ce drapeau est constitué d'une croix blanche et d'une croix oblique verte (la croix de saint André) sur fond rouge. La croix blanche représente le catholicisme et figure aussi sur le blason de Biscaye; le fond rouge représente les Basques.  La croix de saint André verte représenterait le chêne de Guernica, un symbole des fors de Biscaye.  Le drapeau basque apparaît également au haut du drapeau de Saint-Pierre-et-Miquelon en Amérique du Nord parce que beaucoup de Saint-Pierrais et de Miquelonais sont de descendance basque.

2 Les entités politiques

L'ensemble du Pays basque (espagnol et français) compte une population de 2,9 millions d'habitants. De ce nombre, on compte environ quelque 700 000 bascophones (25 % de la population totale). Quelque 600 000 d’entre eux résident dans les quatre provinces du Sud (Espagne) et 67 267 habitent dans les trois provinces du Nord (France), ce qui représente respectivement 23 % de la population du Pays basque espagnol et 26,8 % de celle du Pays basque français. Néanmoins, 72 % des bascophones habitent dans les quatre provinces espagnoles, alors que 28 % habitent dans les trois provinces françaises.

Rappelons que les Basques sont répartis dans deux pays (Espagne-France), sept provinces historiques et, au plan géopolitique, dans trois entités politico-administratives distinctes. Ces entités politiques sont les suivantes:

1) La Communauté autonome du Pays basque comprend les provinces de Vizcaya (17 % de bascophones), d’Alava (7 % de bascophones) et de Guipúzcoa (44 % de bascophones). Pop.: 548 100 bascophones (26,1 %) sur un ensemble de 2,1 millions d’habitants.

2) La Communauté forale de Navarre, pour sa part, comprend la province de Haute-Navarre (esp.: Navarra). Pop.: 52 000 bascophones (9,8 %) sur un ensemble de 528 837 habitants.

3) Le département français des Pyrénées-Atlantiques compte deux régions: le Pays basque à l'ouest (provinces du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soule) et le Béarn à l'est. Pop.: 67 267 bascophones (26,8 %) sur un ensemble de 250 194 habitants.

La carte 3 représente ces trois entités politico-administratives. On constate que les Basques espagnols sont répartis en deux régions autonomes où ils sont minoritaires: la Communauté autonome du Pays basque (trois provinces) et la Communauté forale de Navarre (une seule province). Toutefois, bien que la Communauté forale de Navarre constitue en superficie la plus grande des provinces basques-espagnoles, elle n’est pas la plus peuplée, la province de Guipúzcoa et surtout celle de Vizcaya sont numériquement supérieures:

Navarre (10 421 km²)

528 837 hab. (10 % de bascophones)

Pays basque:

- Vizcaya (2217 km²): 1 163 671 hab. (17 % de bascophones)
- Alava (
3047 km²): 279 702 hab. (7 % de bascophones)
- Guipúzcoa (
1997 km²)
: 684 600 hab. (44 % de bascophones)

Quant aux Basques français, ils résident, répétons-le, dans un département (les Pyrénées-Atlantiques) comprenant trois provinces: le Labourd (204 598 habitants), la Basse-Navarre (29 298 habitants) et la Soule (16 298 habitants). Les Basques espagnols, quant à eux, sont divisés en deux Communautés autonomes (le Pays basque ou Communauté autonome du Pays basque et la Navarre ou Communauté forale de Navarre) dont la première compte trois provinces et la seconde, une seule (Navarre). C’est en 1979 que la Communauté autonome du Pays basque espagnol (provinces de Vizcaya, d'Alava et de Guipúzcoa) a acquis un statut d'autonomie et que le basque est alors devenu une langue co-officielle avec le castillan (espagnol). Dans la Communauté forale de Navarre, le castillan est partout la langue officielle, mais le basque a acquis le statut de co-officialité en 1982 dans la zone bascophone du Nord. En France, le basque n'a aucun statut.

À partir de cette répartition géopolitique, on comprendra que les Basques soient divisés entre trois communautés nationales: ceux qui préfèrent se dire espagnols, ceux qui se considèrent français, et ceux qui s'estiment basques. Il reste à distinguer les Basques espagnols, les Basques français, les Français basques et les Espagnols basques, sans oublier les Basques navarrais et les Navarrais basques!

Au plan démolinguistique, quelque 24 % des habitants du Pays basque espagnol sont de langue maternelle basque; ces locuteurs sont donc minoritaires dans leur région. En réalité, dans les territoires sous la juridiction de la Communauté autonome du Pays basque (voir la carte 2), seule la province administrative de Guipúzcoa (no 1) est relativement bascophone avec 44 % de la population; dans la province de Vizcaya (no 3), les bascophones forment 17 % de la population et seulement 7 % dans la province d'Alava (no 2). Quant aux bascophones de la Navarre (no 4), ils comptent pour moins de 10 % de la population de cette province (env. 528 000 habitants), mais atteignent près de 25 % dans la zone bascophone du Nord. Enfin, pour ce qui est du Pays basque français, en moyenne près de 20 % des habitants des trois provinces du Labourd [no 5] (26 %), de la Basse-Navarre [no 6] (61 %) et de la Soule [no 7] (64 %) sont bascophones, soit 40 000 locuteurs. Contrairement à l'Espagne, les bascophones français, répétons-le, ne bénéficient d'aucun statut juridique pour leur langue, même s'ils sont majoritaires dans deux provinces sur trois.

3 La langue basque (euskara)

La langue basque (appelée euskara en basque) est parlée par environ 40 % des habitants du Pays basque espagnol. Contrairement aux autres langues de toute l'Europe de l'Ouest, le basque ou euskara ne constitue pas une langue indo-européenne. En réalité, le basque reste l'une des rares langues de l'Europe, avec le finnois en Finlande, le Hongrois en Hongrie et l'estonien en Estonie, à ne pas faire partie des langues indo-européennes. Dans le cas du basque, on peut même parler d'un isolat linguistique (la famille basque), car aucun lien de parenté n'a pu être établi de façon convaincante avec d'autres groupes linguistiques, pas même avec le finnois, le hongrois ou l'estonien.

Par ailleurs, l'hypothèse souvent évoquée d'une parenté avec les langues caucasiennes (géorgien, avar, abkhaze, circassien, dargwa, lesghien, mingrélien, kabarde, ingouche, dorgin, oubikh, zvane, etc.) n'emporte pas davantage l'adhésion, aucune preuve formelle n'ayant pu être apportée. Ainsi, le basque constitue une famille isolée ne comprenant qu'une seule langue. En guise d'exemple, voici un petit texte illustrant la spécificité de la langue basque par rapport aux langues romanes (d’origine indo-européenne) que sont le français et l'espagnol:

Français:

Nous voulons démontrer la détermination de toute la société en faveur d'un grand accord qui rende possible le plein développement de l'euskara et parvenir, par ailleurs, à ce que tous les agents sociaux se retrouvent impliqués dans cet engagement.

Basque:

Euskarak behar duen indartze garai berriaren aldeko akordioaren eta konpromisoaren premia zabaltzea eta horren alde herriko eragile nagusien atxekimendua biltzea.

Espagnol:

Queremos demostrar la determinación de toda la sociedad en favor del gran acuerdo que posibilite le desarrollo pleno del euskara, y conseguir, así mismo, la implicación de los principales agentes sociales en este compromiso.

Comme on le constate, le basque écrit utilise l'alphabet latin et est fondé à la fois sur les orthographes française et espagnole. Par ailleurs, la langue basque se compose de plusieurs variétés dialectales :

En Espagne:

- biscayen
- guipuzcoan
- haut-navarrais : haut-navarrais méridional et haut-navarrais septentrional
- roncalais (éteint en 1991)

En France:

- souletin

Dans les deux pays:

- labourdin
- bas-navarrais : bas-navarrais oriental et bas-navarrais occidental

Bien que l’intercompréhension reste possible entre les différentes variétés linguistiques, la communication peut néanmoins en être gênée considérablement. Depuis le XVIIe siècle, l'aire bascophone a été progressivement réduit vers le sud.

Depuis une trentaine d'années, à l'initiative de l'Euskaltzaindia (Académie de la langue basque), un basque normalisé — appelée le batua (esp. batúa) ou eukara batua a été adopté, essentiellement à l'écrit, et pour remplir certaines fonctions sociales, particulièrement en Espagne de la part de la Communauté autonome basque et de la Communauté forale de Navarre. C'est le batua qu'on utilise dans l'Administration publique, dans les médias (y compris la télévision) et dans l'enseignement. Cette langue unifiée est basée sur les variétés centrales du basque, notamment le guipúzcoan (Guipúzcoa) et le haut-navarrais (Navarre), tout en puisant également dans le labourdin (province du Labourd, département français des Pyrénées-Atlantiques) classique du XVIIe siècle.  Le basque est réputé comme étant l’une des langues les plus complexes au monde. Au cours de son histoire, le basque a puisé une partie de son lexique dans plusieurs langues voisines telles que le celte, le latin, le gascon, l'aragonais, le castillan et le français.

Malgré les avancées spectaculaires du basque au sein de la Communauté autonome du pays basque, on constate que l’érosion de la langue basque face au rouleau compresseur du castillan (et du français en France) se poursuit encore. En effet, à peine le quart des adultes le parle plus ou moins, et peu de personnes peuvent l'écrire correctement. Même si le basque est enseigné dans les écoles, il n'en demeure pas moins que le castillan en Espagne continue généralement d'être la langue commune du plus grand nombre. Pourtant, des milliers de nouveaux locuteurs parlent cette langue, alors que son usage social a considérablement augmenté, notamment dans l'Administration autonome et les écoles. Cependant, la progression du basque (euskara) n'a guère augmenté dans le monde du travail et le domaine socio-économique. Aujourd'hui encore, la présence du basque (euskara) dans un grand nombre d'entreprises et d'établissements publics laisse à désirer, et beaucoup de citoyens ne peuvent recevoir d'information sur les biens et services dans la langue officielle de leur choix (castillan ou euskara).

4 Données historiques

Les premiers vestiges humains dans la région du Pays basque dateraient de quelque 70 000 ans avant notre ère. Les ancêtres de la communauté basque actuelle, les Vascons, auraient occupé les deux versants des Pyrénées atlantiques quelque 5000 ans avant notre ère, soit avant les colonisations indo-européennes. 

Une science récente, l'hémotypologie (analyse du sang), révèle qu'on rencontrerait dans le groupe sanguin des Basques une proportion nettement plus forte qu'ailleurs de Rhésus négatif. C’est en 1954, à Londres, qu’Arthur Mourant réalisa l'une des premières études de la géographie des gènes en proposant que les Basques étaient les plus anciens habitants d'Europe et qu’ils auraient conservé une partie de leur constitution génétique primitive, et ce, malgré leurs contacts avec les immigrants ultérieurs. Cette hypothèse se fondait sur les analyses du gène Rhésus négatif, qui paraît beaucoup plus fréquent chez les Basques que chez toute autre population dans le monde. Cette théorie fut confirmée par des analyses d'autres gènes et par des études linguistiques: la langue basque diffère donc considérablement des langues des peuples voisins. Cela différencierait les Basques des envahisseurs indo-européens dont les premiers ont été les Celtes.

Cela dit, les Basques, ou plutôt les Vascons, firent officiellement leur apparition dans l'histoire à la fin du Ier siècle (avant notre ère), alors qu'ils repoussaient victorieusement les envahisseurs romains venus d'Espagne; ils surent ainsi préserver leur indépendance, mais durent se réfugier dans les montagnes du pays. Les Vascons se convertirent néanmoins au christianisme entre le IIIe et le Ve siècle, et ils ont conservé leur langue ancestrale.

En 410, les Suèves s'installèrent en Galice; en 412, les Wisigoths, devenus alliés des Romains, refoulèrent les Vandales en Bétique et dans les Baléares, les Alains en Lusitanie. Seuls les Basques conservèrent leur identité en raison de leur isolement dans les montagnes; ils réussiront à fonder un royaume distinct avec comme capitale Pampelune.

4.1 Le royaume de Navarre

Au VIe siècle, les Vascons combattirent les Wisigoths et les vainquirent. À la fin du VIe siècle, des groupes de Vascons espagnols émigrèrent vers le nord en traversant les Pyrénées jusqu'en Aquitaine (France), qui fut alors connue sous le nom de Gascogne (par altération du mot espagnol Vascones ou du français Vascons, et désignant les ancêtres des Basques). Les Vascons restés en Espagne mais réfugiés dans leurs montagnes réussirent à résister aux Arabes qui dominèrent la plus grande partie de la péninsule ibérique (du VIIIe au XIe siècle). 

Le Royaume basque de Pampelune fut fondé en tant qu’entité politique indépendante vers 830. À la fin du Xe siècle, il devint le royaume de Navarre. Ceux qui étaient devenus des Basques réussirent non seulement à préserver leur autonomie, mais aussi à étendre leur royaume jusqu’au-delà des Pyrénées: la Navarre comprenait alors la Haute-Navarre (la Navarre espagnole actuelle) et la Basse-Navarre (la Navarre française). Sous le règne du roi Sancho III (999-1035), la plupart des Basques vivaient sous une même autorité politique.

4.2 L’effritement des Basques

L’unité basque s’effrita et, entre 1200 et 1370, toutes les provinces basques espagnoles (Guipúzcoa en 1200, Alava en 1331 et Vizcaya en 1370) finirent par être intégrées au royaume de Castille. Cependant, après la mort de Sancho III en 1035, les nouveaux souverains de Castille et d’Aragon, frères de l'héritier de la couronne navarraise, rejetèrent la souveraineté du royaume de Navarre. Dès le début du XIe siècle, le royaume de Navarre entra dans une période d'isolement et de démembrement territorial. L’unité basque s’effrita et, entre 1200 et 1370, toutes les provinces basques espagnoles (Guipúzcoa en 1200, Alava en 1331 et Vizcaya en 1370) finirent par être intégrées au royaume de Castille. 

De l’autre côté des Pyrénées, les Basques français furent même soumis à la colonisation anglaise jusqu’au XIVe siècle. Au XVe siècle, la Haute-Navarre fut annexée par Ferdinand d’Aragon au royaume de Castille. Quant à la Basse-Navarre, elle réintégra définitivement la France; Henri IV (1572-1610) fut à la fois roi de France et de Navarre (celle du Nord).

4.3 Les «fueros»

Malgré leur intégration au royaume de Castille, les Basques purent jouir de privilèges spéciaux et adopter leurs propres lois grâce aux fueros. Les fueros proviennent des coutumes de l'Ancien Régime appliquées par les assemblées locales que le roi de Castille devait jurer de respecter afin d’obtenir l'allégeance des provinces basques. Les fueros reconnaissaient aux Basques des droits particuliers, notamment des franchises, des exemptions d'impôts, une certaine autonomie locale et certains privilèges en principe réservés à la noblesse. Le fonctionnement de l'administration basque et le respect des lois étaient contrôlés par des assemblées locales démocratiquement élues. 

La Navarre, comme toutes les provinces basques espagnoles (Guipúzcoa, Alava en et Vizcaya), resta très attachée à ses franchises (fueros). Cependant, au XIXe siècle, l'État espagnol devint de plus en plus centralisateur et retira aux provinces basques (dont la Navarre) leurs privilèges, car elles s'étaient dressées contre Madrid et avaient pris position pour le «carlisme».

Rappelons que les partisans du carlisme (< don Carlos de Bourbon, prétendant au trône d’Espagne) invoquaient le respect de la «loi salique» (qui excluait les femmes du droit à la succession à la terre) abrogée par Ferdinand VII (1833). Lors de la guerre civile (ou première guerre carliste) de 1833 à 1839, la plupart des Basques et des Navarrais se rangèrent du côté des carlistes, partisans d'une monarchie absolue, mais qui soutenaient les Basques dans leurs revendications autonomistes. À l'issue de la dernière insurrection carliste (1874-1876), sévèrement réprimée par le roi Alphonse XII, les fueros furent officiellement abolis en 1876. Les gouvernements espagnols successifs imposèrent des administrateurs unilingues castillans ainsi que l'usage de la seule langue castillane, ce qui provoqua un ressentiment profond de la part des Basques à l’égard de Madrid. Aujourd’hui encore, plusieurs nationalistes basques justifient leurs revendications en fonction des droits historiques hérités des fueros, droits qu’ils prétendent ne jamais avoir consenti à perdre.

De ce point de vue, le mouvement nationaliste basque se veut un combat pour retrouver la souveraineté perdue. Pour la plupart des Espagnols cependant, cette obstination à vouloir recouvrer un statut d'Ancien Régime est difficile à concevoir, les fueros étant à leurs yeux d'anciennes coutumes locales dénuées aujourd’hui de tout sens politique. En 1898, fut fondé par Sabino Arana Goiri (1865-1903) le Parti nationaliste basque (en espagnol : Partido Nacionalista Vasco ou PNV; en basque : Euzko Alderdi Jeltzalea ou EAJ). Le rôle de Sabino Arana fut très important dans l'émergence du nationalisme basque. C'est lui qui fut le créateur du mot Euzkadi («Patrie basque»), du drapeau basque et d'une bonne partie du vocabulaire politique en langue basque, ainsi que de nombreux prénoms basques (Ageda, Alabato, Bitxilore, Dominixe, Frantzisko, Gentza, etc.).

4.4 La politique répressive du général Franco (1936-1975)

Au cours de la guerre civile de 1936-1939, un État basque autonome fut reconnu par le gouvernement républicain espagnol. Toutefois, cette autonomie fut de courte durée et elle fut supprimée dès 1937 avec la victoire des nationalistes menés par le général Francisco Franco. Les Navarrais, quant à eux, se rallièrent au général Franco.

Par la suite, le régime autoritaire de Franco interdit l'usage du basque en Espagne, brûla publiquement les livres écrits en cette langue et supprima les noms basques de la toponymie et des registres d’état civil. Cette politique répressive amena les bascophones à croire qu’ils constituaient toujours une nation occupée par l'Espagne.

4.5 L’émergence des mouvements autonomistes

Puis les mouvements autonomistes se développèrent rapidement dans tout le Pays basque et aboutirent, en 1959, à la fondation de l’ETA (Euzkadi Ta Azkatasuna, c’est-à-dire «Pays basque et liberté» en basque), une branche militaire de l’organisation séparatiste qui revendique l'autonomie des provinces basques par la violence et le terrorisme. Un parti politique, le Herri Batasubna, fut fondé en 1978 pour devenir la «vitrine légale» et le porte-parole de l’ETA dans les conseils municipaux, puis plus tard dans les gouvernements locaux et le Parlement basque. 

Entre 1979 et 1983, sous la monarchie de Juan Carlos, le gouvernement espagnol accorda enfin aux provinces basques un statut d'autonomie. En 1979, le ministère espagnol de l'Éducation accepta de mettre en place, à tous les niveaux d'étude, des programmes scolaires en basque. En 1980, fut élu le premier Parlement basque et l'euskara (basque) fut reconnu avec l’espagnol comme langue co-officielle dans trois provinces basques (Vizcaya, Alava et Guipúzcoa); en Navarre, le basque est co-officiel dans la zone bascophone. 

- La faction extrémiste de l'ETA

Malgré le statut d’autonomie et malgré les concessions du gouvernement espagnol, la faction extrémiste de l'ETA poursuivit ses attentats qui firent, entre 1968 et 1996, plus de 800 morts, dont 118 pour la seule année 1980, l’année de la formation du Parlement basque. On assista à une certaine accalmie en 1998, mais l’année 2000 fut relativement violente avec 400 actes de sabotage et 23 personnes assassinées dont des politiciens et un journaliste basque, ainsi que des militaires et policiers espagnols. Depuis le 11 septembre 2001 aux États-Unis et, surtout, depuis le 11 mars 2004 à Madrid, alors que 192 personnes ont été tuées par les bombes du réseau Al-Qaeda, le rejet de la violence est tel en Espagne que l'ETA n'osera plus commettre d'attentat grave.

Après 36 ans de violence pour l'indépendance du Pays basque, l'ETA était sur le point de se saborder, mais l'organisation se cherchait un prétexte pour sortir du conflit la tête haute. Toutefois, les observateurs optimistes annoncent depuis vingt ans la fin de l'ETA qui renaît toujours de ses cendres. Il demeure quand même vrai que, lorsque Al-Qaeda frappe dans un pays, l'organisation terroriste locale en prend pour son rhume!

Le 20 octobre 2011, décimée par les arrestations de ses chefs en France et rejetée par la population, l'organisation indépendantiste basque annonçait «la fin définitive de son action armée». Le 16 avril 2018, l'organisation écrivit une lettre annonçant sa dissolution, et sa publication dans la presse Internet espagnole le 2 mai 2018 signalait la dissolution du groupe, ce qui mettait fin à la dernière insurrection armée en Europe occidentale.

- Un projet de libre association

En septembre 2002, le chef du gouvernement basque proposait au Parlement régional basque «un nouveau projet» politique basé «sur la libre association et la souveraineté partagée» dans «un véritable État plurinational». Autrement dit, le gouvernement basque estimait qu'il ne fallait plus accepter une «vision imposée» par l'État espagnol «en marge de la volonté du peuple basque». Évidemment, cette proposition visant à renforcer davantage l'autonomie basque fut vivement critiquée par le gouvernement de Madrid et les principaux partis politiques espagnols. Pour le gouvernement espagnol, la priorité était de mettre fin au terrorisme. De son côté, le chef du gouvernement basque s'était engagé à soumettre au Parlement régional, d'ici environ une année, un projet de pacte de libre association avec l'État espagnol, qui serait ultérieurement soumis à un référendum.

Mais les Basques ont toujours été ambivalents. Selon les sondages, si 32 % étaient en faveur du statu quo, 31 % soutenaient l'idée d'un modèle fédéral conférant à la région une plus grande autonomie et 31 % appuyaient le projet d'indépendance. Arrivé en tête dans toutes les élections depuis 25 ans, le Parti nationaliste basque s'est maintenu au pouvoir dans les institutions basques, que ce soit au plan des municipalités, des conseils généraux, du Parlement autonome et du gouvernement autonome.

Le rêve des indépendantistes basques était de réunir un jour les sept provinces historiques basques en un seul État souverain, l’Euskadi. Certains Basques, comme l’ETA, croyaient que la seule façon de parvenir à leur fin, c’était de forcer la main à Madrid et à Paris. D’autres, comme les partis politiques plus modérés, estimaient y parvenir démocratiquement avec l’élargissement d’une Europe plus fédéralisée. Avec la Catalogne, le Pays basque est toujours resté un foyer d'opposition au gouvernement de Madrid.

Bien que la Navarre fasse partie historiquement du Pays basque, la plupart des Navarrais défendent encore l'idée que leur région est une entité absolument distincte du Pays basque. D’ailleurs, lors d’un référendum tenu avant 1980, la Navarre a majoritairement refusé d’être incorporée au Pays basque et a obtenu de se constituer en communauté distincte: la Comunidad Foral de Navarra, ce qui se traduirait en français par Communauté forale de Navarre.

 

5  La législation linguistique basque

Afin de décrire la politique linguistique du Pays basque espagnol, nous utiliserons désormais l'appellation officielle de Communauté autonome d'Euskadi, c'est-à-dire en castillan Comunidad Autónoma de Euskadi et en euskara Euskal Autonomi Elkartean, de même que le mot «euskara» pour désigner la langue basque. L'appellation de Communauté autonome d'Euskadi est celle qu'utilise officiellement le gouvernement basque dans ses lois; le terme euskara (en fait»: euskera) désigne toujours la langue basque. Le Parlement basque a énormément légiféré dans el domaine de la langue, ce qui témoigne des difficultés au Pays basque de tenir tête au castillan, la langue dominante même au Pays basque. 

En voici une liste (non exhaustive) des instruments juridiques dont s'est doté le Pays basque pour promouvoir et conserver l'euskara:

- Décret 573 reconnaissant l'Académie de langue basque sous la dénomination de Académie royale de la langue basque (1976);
- Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara (1982); 
- Loi sur la Fonction publique du Pays basque
(1989);
- Décret 86 réglementant le processus de normalisation de l'usage de l'euskera dans les administrations publiques de la Communauté autonome d'Euskadi
(1997);
- Décret 38 réglementant le Service officiel des traducteurs
(2000);
- Loi relative au statut des consommateurs et des usagers
(2003);
- Loi 3 sur le système universitaire basque
(2004);
- Décret royal 750 modifiant les Statuts de l'Académie royale de la langue basque
(2006);
- Décret 190 réglementant le service de télévision locale par ondes terrestres
(2006);
- Décret 175 établissant le plan d'études de l'éducation fondamentale et son implantation dans la Communauté autonome du Pays basque (2007);
- Loi 3 sur la création et et le Règlement de l'Institut basque Etxepare Euskal Institutua / Basque Institute (2007);
- Ordonnance du 22 mai 2008 du ministre de la Culture réglementant et assignant l'attribution de subventions pour les initiatives destinées à favoriser les premières productions audiovisuelles doublées et/ou sous-titrées en euskara
(2008);
- Décret 123 sur les droits linguistiques des consommateurs et usagers (2008);
- Ordonnance du 29 juillet 2008 du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et du ministre de la Culture réglementant l'attribution de subventions pour que les organismes soumis au décret 123/2008 procèdent à l'adaptation de leurs obligations linguistiques prévues par ledit décret dans leurs relations avec les consommateurs et usagers (2008);
- Décret 152 réglementant le processus de normalisation linguistique dans l'administration de la justice dans la Communauté autonome d'Euskadi (2008).

À cette liste, il convient d'ajouter le Statut d'autonomie de 1979, dont les articles 6 et 35 portent sur la langue. Ainsi, le paragraphe 1 de l'article 6 du Statut d'autonomie établit le caractère officiel de l'euskara (basque) en Euskadi, au même titre que le castillan que tous les citoyens ont le droit de connaître et d'utiliser:
 

Article 6

1) L'euskara, langue propre du peuple basque, a, comme le castillan, le caractère de langue officielle en Euskadi, et tous les habitants ont le droit de connaître et d'employer les deux langues.

Autrement dit, les bascophones ont le devoir de connaître le castillan, mais pas le basque (euskara); ils ont seulement le droit d'utiliser cette langue. En novembre 1982, le Parlement basque a adopté sa loi linguistique la plus importante: la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara. Plusieurs articles de la loi basque furent toutefois jugés inconstitutionnels par Madrid en 1983 parce qu'ils obligeaient l'administration centrale de l'État espagnol à comprendre la langue basque lorsqu'elle était employée par un citoyen. La politique linguistique effective ne couvre que trois secteurs: l'administration, les médias et l'enseignement.

La loi proclame le caractère co-officiel du castillan et du basque: «Les langues officielles dans la Communauté autonome du Pays basque sont l'euskara et le castillan» (art. 3). Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que nul ne soit discriminé en raison de la langue dans la Communauté autonome du Pays basque; pour ce faire, ils adopteront les mesures adéquates pour s'en assurer (art. 4).

Article 2

La langue propre au Pays basque est l'euskara.

Article 3

Les langues officielles dans la Communauté autonome du Pays basque sont l'euskara et le castillan.

Article 4

Les pouvoirs publics veillent à ce que personne ne soit discriminé en raison de la langue dans la Communauté autonome du Pays basque et ils adopteront les mesures adéquates pour s'en assurer.

6 L'administration publique

Selon les termes de l'article 6 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara (1982), tous les citoyens ont le droit d'utiliser tant l'euskara que le castillan dans leurs relations avec l'administration publique de la Communauté autonome, ainsi que le droit d'être servis dans la langue officielle de leur choix.

Article 6

1)
Il est reconnu à tous les citoyens le droit d'utiliser autant l'euskara que le castillan dans leurs communications avec l'Administration publique sur le territoire national de la Communauté autonome, ainsi que le droit d'être servis dans la langue officielle de leur choix.

À cette fin, des mesures adéquates sont adoptées et des moyens nécessaires sont pris pour garantir progressivement l'exercice de ce droit.

2)
Dans les dossiers ou procédures dans lesquels interviennent plus d'une personne, les pouvoirs publics utilisent la langue choisie d'un commun accord par les parties en présence. En cas de non-accord, la langue utilisée est celle que la personne qui aura présenté le dossier ou entamé la procédure aura choisie, sans préjudice au droit des parties d'être informées dans la langue de leur choix.

Afin d'assurer des services administratifs en basque, l'Institut basque de l'administration forme des fonctionnaires bilingues; les services en basque demeurent encore peu étendus, mais les communications officielles écrites de l'administration basque se font presque toujours dans les deux langues.

On a trouvé une solution qui consiste à assurer, selon les régions, un taux de 10 % à 25 % de fonctionnaires pouvant s'exprimer en basque. En ce qui concerne l'administration du gouvernement central, les services en langue basque sont inexistants. Étant donné que dans le système espagnol le recrutement pour des fonctions administratives se fait par concours d'État, les candidats venant de différentes régions du pays ne connaissent généralement pas le basque. Dans les municipalités, seules les zones bascophones (au nombre de 23) assurent des services dans cette langue.

Le gouvernement basque a éprouvé des difficultés à appliquer sa politique linguistique. C’est pourquoi les autorités ont commencé à pratiquer une une politique plus radicale à l’encontre des castillanophones. D'ailleurs, la Loi sur la Fonction publique du Pays basque (Ley 6/1989, de 6 de julio, de la Función Pública Vasca) de 1989 impose l'usage obligatoire du basque:

Article 97

1)
L'euskara et le castillan sont les langues officielles dans l'Administration publique basque et celle-ci est dans l'obligation de garantir dans ses communications, tant internes qu'externes, l'usage des deux langues.

La loi prévoit la création de «profils linguistiques» déterminant l'ensemble des niveaux de connaissances linguistiques nécessaires en basque pour la contribution et l'application des postes de travail dans la Fonction publique basque. L'article 98 de la Loi sur la Fonction publique du Pays basque prévoit que le contenu des convocations pour les examens de sélection en vue de l'accès au service de l'Administration publique basque doit être adapté aux profils linguistiques assignés aux postes de travail.

Article 98

1)
Le contenu des convocations pour les examens de sélection en vue de l'accès au service de l'Administration publique basque doit être adapté aux profils linguistiques assignés aux postes de travail, lesquels doivent être fournis avec le personnel pour les nouveaux examens.

De façon parfaitement officielle et tout à fait légale, il est donc obligatoire pour tous les fonctionnaires, policiers et enseignants travaillant sous la juridiction du Pays basque de parler couramment le basque.

L'article 99 de la Loi sur la Fonction publique du Pays basque prévoit que c'est l'Institut basque d'administration publique qui détermine le contenu et la forme des examens destinés à l'évaluation de la connaissance de l'euskera nécessaire dans chaque cas:

Article 99

1)
Pour l'accréditation de l'application des différents profils linguistiques, l'Institut basque d'administration publique détermine le contenu et la forme des examens destinés à l'évaluation de la connaissance de l'euskera nécessaire dans chaque cas; ces examens seront communs et appliqués obligatoirement en totalité dans l'Administration publique basque.

Ces mesures de bilinguisation de la Fonction publique ont pu paraître discriminatoire aux unilingues castillanophones, car elles ont pour résultat d'interdire l’accès à ces postes à tous les unilingues, toujours des castillanophones. On a aussi accusé le gouvernement basque d'avoir contribué à élargir encore davantage le fossé entre bascophones et castillanophones.

7 Les organismes linguistiques

IL existe deux principaux organismes basques: l'Académie royale de la langue basque ou Euskaltzaindia et l'Institut basque Etxepare Euskal Institutua / Basque Institute.

L'Académie royale de la langue basque ou Euskaltzaindia est l'institution officielle consacrée à la défense de l'euskara (le basque). Cette institution, fondée en 1919, est reconnue formellement en Espagne depuis 1976, c'est-à-dire un an après la fin de la dictature de Franco, en obtenant le statut de Real Academia (en français: «Académie royale»); la France l'a reconnue comme organisme «d'utilité publique» en 1995. Le siège officiel de l'Académie est situé à Bilbao (Biscaye) et possède des «délégations» (succursales) pour la Navarre à Pampelune, pour le Guipuzcoa à Saint-Sébastien, pour l'Alava à Vitoria/Gasteiz et pour le Pays basque français à Bayonne (voir la carte des Pays basques). L'Académie a pour emblème le chêne, et pour devise "Ekin eta jarrai" («Commencer et poursuivre»).

L'Académie est régie par le Décret 573/1976 du 26 février reconnaissant l'Académie de langue basque sous la dénomination de Académie royale de la langue basque et le Décret royal 750/2006 du 16 juin modifiant les Statuts de l'Académie royale de la langue basque.

L'Académie royale de la langue basque a pour objectifs, entre autres, d'effectuer des recherches et de formuler les bases grammaticales de la langue basque; de donner des orientations et des normes pour la culture littéraire de cette langue; d'élaborer, par la formation d'un langage littéraire unifié, un lexique, une grammaire et une graphie; de promouvoir l'usage du basque (euskara); de rendre cette langue apte à devenir le moyen d’expression de toute la communauté bascophone; de promouvoir les études philologiques et linguistiques en favorisant la création de chaires de langue et de littérature basques.

L'Académie royale de la langue basque est composée de 24 académiciens en titre, d'académiciens émérites, d'académiciens correspondants et d'académiciens honorifiques. Pour les académiciens correspondants et les académiciens honorifiques, il n'existe pas de nombre établi. La plupart des académiciens ont le basque comme langue maternelle. Au sein de cette Académie, des commissions de travail sont responsables de différentes tâches dans le cadre de l'étude de la langue basque, notamment en matière de lexicographie, de grammaire, de phonétique et de phonologie, d'atlas linguistique, de toponymie, de langue orale et de littérature.

Le travail de l'Académie royale de la langue basque a longtemps porté à la création d'une langue unifiée, en dépit des opposants qui la considéraient comme artificielle. Malgré tout, cette nouvelle norme fut rapidement adoptée dans l'administration lors de l'établissement de la Communauté autonome d'Euskadi (1979) et de la Communauté forale de Navarre (1982), ainsi que dans l'enseignement et les médias.

Quant à l'Institut basque Etxepare Euskal Institutua / Basque Institute, il est régi par la Loi 3/2007 du 20 avril sur la création et et le Règlement de l'Institut basque Etxepare Euskal Institutua / Basque Institute. Cet institut a pour mission la promotion, la diffusion et l'expansion à l'extérieur de la Communauté autonome basque de l'euskera et de la culture basque dans chacune de ses langues officielles, dans ses manifestations, ses soutiens, ses moyens et ses modes d'expression. Ce n'est qu'en juillet 2008 que l'Institut basque Etxepare a commencé à fonctionner, soit après la constitution du conseil de gérance présidé par le président de la Communauté autonome basque (Juan José Ibarretxe).

8  Le Parlement et la justice

La loi ne prévoit pas de dispositions spécifiques à l'égard des langues utilisées au Parlement basque, mais les deux langues officielles y sont employées au choix des députés. Cependant, l'emploi du basque reste peu fréquent, et ce, même si un système de traduction simultanée existe. Le journal des débats ne présente les textes basques que s'ils ont été prononcés en basque; un service traduit des résumés dans cette langue pour les communications présentées en castillan. Les langues de la législature basque sont conformes aux dispositions de l’article 8 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara:

Article 8

1)
Toute disposition normative ou résolution officielle qui émane des pouvoirs publics sis dans la Communauté autonome du Pays basque doit être rédigée dans les deux langues officielles quand il s'agit de publicité officielle.

2)
Tout acte dans lequel les pouvoirs publics sis dans la Communauté autonome du Pays basque interviendront, de même que les notifications et communications administratives, doivent être rédigés dans les deux langues, à moins que les personnes privées intéressées n'exigent expressément l'utilisation de l'une des langues officielles de la Communauté autonome.

3)
Nonobstant ce qui a été établi antérieurement, les pouvoirs publics pourront utiliser exclusivement l'euskara dans une administration locale, lorsque, en raison du milieu sociolinguistique de la municipalité, cela ne porte pas préjudice aux droits des citoyens.

Dans l'administration de la justice, l'article 9 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara est très précis à ce sujet (par. 1), puisque l'Administration locale doit répondre dans la langue utilisée par le citoyen:

Article 9

1)
Dans ses communications avec l'administration de la justice, tout citoyen peut employer la langue officielle de son choix sans qu'il ne puisse être exigé quelque traduction que ce soit.

2)
Les écrits et documents présentés en euskara, de même que les actes judiciaires, sont totalement valides et effectifs.

3)
Le gouvernement basque promeut, en accord avec les organismes correspondants, la normalisation de l'emploi de l'euskara dans l'administration de la justice au Pays basque.

Dans les faits, l'usage de l'euskara est pratiquement inexistant dans les tribunaux, sauf sur demande expresse d'un citoyen et uniquement dans les procès-verbaux.

Le Décret 38/2000 du 29 février réglementant le Service officiel des traducteurs prévoit une réglementation sur les compétences et les fonctions du Service officiel des traducteurs. Ce service est responsable notamment de la collecte, du catalogage, du classement et de l'étude de la terminologie juridico-administrative en euskara, ainsi que de l'élaboration et la publication de glossaires, dictionnaires terminologiques, etc. Il revient aussi au Service officiel des traducteurs la traduction du castillan à l'euskara, et vice versa, des projets de loi du gouvernement basque, avant leur renvoi au Parlement basque, et des documents judiciaires dont la traduction est demandée par les organismes judiciaires de la Communauté autonome d'Euskadi, au moyen du ministère de la Justice, du Travail et de la Sécurité sociale. En matière de justice, le Service officiel des traducteurs assure l'interprétation simultanée en euskara et de l'euskara au castillan dans les activités judiciaires de nature orale, les confrontations et déclarations des témoins ou d'autres personnes, lorsque le demandent les organismes judiciaires au moyen du ministère de la Justice, du Travail et de la Sécurité sociale. Le Service officiel des traducteurs est à la disposition des citoyens et des organismes publics de la Communauté autonome d'Euskadi pour la certification de l'exactitude et l'équivalence juridique des traductions en euskara et de l'euskara au castillan. Enfin, ce service est responsable des consultations concernant le langage et la terminologie des employés de bureau en euskara; et il offre des instruments et des outils de travail, comme la connexion à des banques terminologiques, glossaires et autres, au personnel affecté à des travaux de traduction dans les administrations publiques établies dans la Communauté autonome d'Euskadi.

9  L'éducation

Le gouvernement basque a tout compétence pour réglementer l'emploi des langues dans le domaine de l'enseignement. L'article 15 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara (1982) établit que tout élève a «le droit de recevoir un enseignement tant en euskara qu'en castillan aux différents niveaux du régime éducatif»:

Article 15

1)
Il est reconnu à tout élève le droit de recevoir un enseignement tant en euskara qu'en castillan dans les différents niveaux du système d'éducation.

2) À cette fin, le Parlement et le gouvernement adoptent les mesures adéquates en tendant à la généralisation progressive du bilinguisme dans le système d'éducation de la Communauté autonome du Pays basque.

À la fin de ses études secondaires, tout élève doit être capable de s'exprimer aussi bien en castillan qu'en basque. C'est dans le domaine de l'enseignement que l'on utilise le plus le basque. L'article 17 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet:

Article 17

Le gouvernement adopte les mesures qui tendent à garantir à l'élève la réelle possibilité, dans des conditions égales, de posséder une connaissance pratique suffisante des deux langues officielles une fois terminées les études obligatoires et assure l'usage de l'euskara sur le territoire, en faisant de cette langue un véhicule normal d'expression, tant dans les activités internes et externes que dans les actes et documents administratifs.

À l'exception des écoles privées, il n'existe pas d'enseignement unilingue en euskara. Au primaire, la plupart des élèves peuvent suivre jusqu'à  seize heures d'enseignement en euskara par semaine; au secondaire, le nombre peut s'élever jusqu'à 25 h/semaine. Le reste des heures de cours se déroule en langue castillane.

Le Décret 175/2007 du 16 octobre établissant le plan d'études de l'éducation fondamentale et son implantation dans la Communauté autonome du Pays basque décrit une partie du programme de base dans l'enseignement:

Article 8

3) Apprendre à communiquer

a) Comprendre et exprimer avec correction, justesse, autonomie et créativité des messages oraux et écrits, en euskara et en castillan, en les utilisant pour  communiquer, organiser sa pensée, interpréter la réalité et indiquer le processus impliqué dans l'usage du langage, ainsi que commencer par la lecture la connaissance et l'étude de la littérature. Le niveau B2 du
Cadre européen commun de référence pour les langues est utilisé comme référence.

Toutefois, l'enseignement de la langue co-officielle (l'euskara ou basque) reste plus difficile que dans les autres Communautés autonomes de l'Espagne. N'oublions pas que le catalan et le galicien sont des langues romanes, assez proches du castillan. Le basque, au contraire, est une langue totalement distincte (non indo-européenne) et son acquisition s'avère difficile à partir du castillan (ou de l'espagnol).

Par ailleurs, l’immigration est un phénomène qui a considérablement augmenté ces dernières années, et elle continuera à augmenter encore. En recourant à des mesures jugées nécessaires, ce phénomène peut favoriser l’euskaldunisation, mais il peut aussi agir de façon négative dans le processus si rien n'est fait. L’euskaldunisation est considérée comme le meilleur moyen d’arriver à l’intégration des immigrants. Lorsque la première langue des élèves n’est pas l’euskara, c’est l’évolution de leur langue maternelle qui sera prise en compte puisque c’est là un facteur décisif dans le développement de l’identité culturelle des individus. Pour le moment, la troisième langue (après le castillan et l'euskara) que choisirait l’élève devrait être le français ou l’arabe. Certains bascophones du milieu de l'éducation croient qu'en raison d'un système d'éducation inadéquat, la plupart des élèves, après avoir terminé leurs études, n’ont pas réussi à apprendre l’euskara.

Il existe aussi des Euskaltegis, des établissements d'enseignement où l’on dispense un enseignement en euskara à l'intention des adultes. Ces établissement peuvent être de deux types : des établissements publics (sous la juridiction de l'Administration et des mairies) et des établissements privés (sous la direction de particuliers). Les Euskaltegis ont leurs propres offres de cours et leurs méthodes pédagogiques particulières.

Dans le domaine universitaire, en vertu de la Loi 3/2004 du 25 février sur le système universitaire basque, les universités doivent adopter les mesures nécessaires dans leur réglementation et leurs programmes spécifiques afin de garantir dans son intégralité le droit d'étudier en euskera et de vivre dans cette langue.

Article 11

Emploi des langues

1)
L'euskara, langue propre du Pays basque, et le castillan ont le statut de langues officielles dans le système universitaire basque.

2) Il revient aux pouvoirs publics de garantir la normalisation linguistique, en établissant à cet effet les bases d'une politique linguistique d'affirmation positive pour l'euskara.

3) Les universités adoptent les mesures nécessaires conformément à ce qui est prévu dans leur réglementation et leurs programmes spécifiques, en garantissant dans son intégralité le droit d'étudier en euskera et de vivre dans cette langue.

Le gouvernement basque et l'université, en conformité avec la réglementation en vigueur, doivent garantir que les processus de sélection, d'accès et d'évaluation sont conformes à ces règles.

De plus, le ministère compétent en matière universitaire et les universités doivent favoriser la connaissance des autres langues dans lesquelles se développe la science et inclure leur usage dans les activités scolaires de l'université. L'Université d'État du Pays basque offre certains cours (philosophie, géographie, histoire, grammaire, éducation) en euskara et tous les départements préparent des candidats à l'enseignement fondamental.

10 Les médias

En vertu des articles 22, 23 et 25 de la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara, le gouvernement basque est obligé de promouvoir l'emploi préférentiel de l'euskara dans les médias de la Communauté autonome.

Article 22

1)
Il est reconnu à tous les citoyens le droit d'être informés tant en euskara qu'en castillan dans les moyens de communication sociale.

2) À cette fin, le gouvernement adopte les mesures conduisant à l'augmentation de la présence de l'euskara dans les moyens de communication sociale, afin de tendre à un équilibre progressif de l'usage des deux langues officielles.

Article 23

Le gouvernement favorise l'emploi préférentiel de l'euskara dans les médias de communication de la Communauté autonome afin de garantir la recherche de l'équilibre dans l'usage des deux langues officielles tel qu'il est prévu à l'article précédent.

Article 24

Le gouvernement incite à la normalisation linguistique dans les centres émetteurs de la RTVE (radiotélévision euskarienne) afin d'assurer une présence adéquate de l'euskara comme langue propre du Pays basque.

Il doit inciter à la normalisation linguistique dans les centres émetteurs de la RTVE (radiotélévision euskarienne) afin d'assurer une présence adéquate de l'euskara comme langue propre du Pays basque. Six stations de radio transmettent une programmation en langue basque: une seule émet en basque seulement (16 h/jour). Les autres sont bilingues en raison de 8 h/jour, 13 h/jour, 1 h/jour, 8 h/jour et 7 h/jour. Depuis 1984, une station de télévision, la E.T.B. (Eukal Telebista Bizkaia), émet des émissions unilingues basques (6 h/jour): ce sont surtout des émissions informatives, culturelles ou enfantines. 

L'article 2.3-c du Décret 190/2006 du 3 octobre réglementant le service de télévision locale par ondes terrestres impose aux prestataires des services de télévision la promotion de la culture basque en général et de l'euskara en particulier:

Article 2

3) c) La promotion de la culture basque en général et de l'euskara en particulier, ainsi que leurs particularités culturelles et linguistiques des divers secteurs de prestation de service, contribuant ainsi à la normalisation linguistique et culturelle du pays.

La télévision basque est écoutée par environ 20 % des bascophones adultes (51 % des enfants) et près de 50 % de la population préférerait plutôt une programmation bilingue. En ce qui a trait aux journaux, il existe deux quotidiens, deux hebdomadaires et une douzaine de magazines.

Le gouvernement basque veut également promouvoir l'utilisation de l'euskara dans les salles de cinéma. En fait foi l'Ordonnance du 22 mai 2008 du ministre de la Culture réglementant et assignant l'attribution de subventions pour les initiatives destinées à favoriser les premières productions audiovisuelles doublées et/ou sous-titrées en euskara. Cette ordonnance encourage l'emploi de l'euskara au moyen de subventions destinées à payer les coûts suivants:

a) Les coûts de doublage en euskara et les frais de laboratoire des longs métrages sur support cinématographique.
b) Les coûts de sous-titrage en euskara de longs métrages sur support cinématographique.
c) Les coûts de copiage : jusqu'à quatre copies en euskara de 35 mm.
d) Les coûts de promotion des versions doublées et/ou sous-titrées en euskara.

Les versions doublées et/ou sous-titrées en euskara doivent être distribuées dans un minimum de trois écrans appartenant à des municipalités de plus de 100 000 habitants de la Communauté autonome basque, ou dans des cinémas multisalles disposant de trois salles ou plus. Cette condition ne doit pas être exigée dans le cas des versions sous-titrées.

11 L'affichage et la toponymie

D'après la Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara, la signalisation routière doit être bilingue (art. 10, par. 2), tout en respectant les normes internationales et les exigences d'intelligibilité et de sécurité pour les usagers:

Article 10

2)
Les signaux et indications de circulation installés sur la voie publique seront rédigés dans les deux langues, respectant dans tous les cas les normes internationales et les exigences d'intelligibilité et de sécurité des usagers.

3)
Dans le cas où ces nomenclatures sont sensiblement distinctes, les deux sont considérées officielles, entre autres, en ce qui a trait à la signalisation routière.

De plus, les pouvoirs publics doivent favoriser l'utilisation du basque dans l'affichage des activités commerciales, récréatives, sportives, culturelles et associatives à caractère non officiel (art. 27, par. 2):

Article 27

1)
Les pouvoirs publics basques doivent promouvoir l'utilisation de l'euskara dans la publicité.

2)
De la même façon, ils inciteront à l'utilisation de l'euskara dans le milieu et son emploi dans l'identification de tout genre d'entités commerciales, récréatives, culturelles et associatives à caractère non officiel.

Il y a encore loin de la coupe aux lèvres, car le bilinguisme basque-castillan n'est pas d'usage courant au Pays basque, excepté sur les écriteaux des édifices gouvernementaux basques, dans la publicité conçue par les partis politiques basques et dans les affiches à revendications idéologiques ou sociales. Les toponymes figurent le plus souvent selon la graphie castillane, mais le travail de bilinguisation se poursuit; il en est de même pour les panneaux de signalisation routière dont la plupart sont maintenant rédigés en castillan et en basque.

12 La protection du consommateur

En 2003, le gouvernement basque a fait adopter la Loi relative au statut des consommateurs et des usagers (Ley 6/2003, de 22 de diciembre, de Estatuto de las Personas Consumidoras y Usuarias). En vertu de l'article 37, cette loi accorde aux citoyens, consommateurs et usagers, les droits linguistiques suivants:

a) le droit de recevoir en basque et en castillan toute information sur les biens et services;  

b) le droit d'utiliser chacune des langues officielles dans leurs relations avec des entreprises ou des établissements qui opèrent dans le cadre territorial de la Communauté autonome, quelle que soit la langue officielle utilisée par le citoyen. 

Voici l'article 37 de la Loi relative au statut des consommateurs et des usagers sur cette question:

Article 37 (traduction)

Droits linguistiques des consommateurs et des usagers

Conformément aux dispositions prévues dans le présent chapitre et conformément aux objectifs de progressivité qui y sont contenus, les consommateurs et usagers bénéficient des droits linguistiques suivants:

a) Le droit de recevoir en euskara et en castillan l'information sur les biens et services selon les dispositions prévues à l'article 14 de la présente loi.

b) Le droit d'utiliser chacune des langues officielles dans leurs relations avec des entreprises ou des établissements qui opèrent dans le cadre territorial de la Communauté autonome, ces derniers étant dans des conditions pour servir les consommateurs et usagers, quelle que soit la langue officielle dans laquelle ils s'expriment.

Sauf sur choix explicite de la part du consommateur et de l'usager pour l'emploi de l'une des deux langues officielles, les contrats d'adhésion, les contrats avec des clauses type, les contrats normalisés, les conditions générales et la documentation qui se réfèrent à ces derniers ou qui résultent de la réalisation de ces contrats doivent avoir une version bilingue (art. 38).

En Espagne, il paraît plus difficile d'implanter le basque que le catalan, et cela, autant en raison du nombre moins important des locuteurs basques que des traits internes de la langue elle-même; en effet, celle-ci présente des difficultés redoutables d'apprentissage pour un hispanophone (ou tout non-bascophone), ce qui n'est pas le cas pour le catalan.

- Le décret n° 123 sur les droits linguistiques des consommateurs

En juillet 2008, le gouvernement basque a adopté le Décret 123 sur les droits linguistiques des consommateurs et usagers. Ce décret de juillet 2008 a suscité une certaine controverse au Pays basque espagnol, car l'application de ce décret touche quelque 2000 commerces et grandes entreprises qui devront, en principe, répondre au public en basque (euskara) et en castillan. L'objectif principal du décret est l'euskaldunisation («bascanisation») des résidants de la Communauté autonome, particulièrement les immigrants. Cela étant dit, la persistance du gouvernement basque d'imposer le basque au moyen de décrets, cette fois dans le secteur des services, a suscité une avalanche de critiques. L'Association des chefs d'entreprises basques (Asociación de los Jefes de empresa vascos) a perçu ce décret sur «les droits linguistiques des consommateurs» comme une déclaration de guerre, car il suppose que quelque 2000 commerces (sur un total de 31 000) et les grandes entreprises du Pays basque devront assurer des services en euskara; concrètement, il concerne les établissements de plus de 15 employés et les grandes entreprises ayant un personnel supérieur à 250 employés, une facture estimée à plus de 50 millions d'euros annuellement.

Par la voix de son président, l'association considère que le basque est une langue parlée par peu de personnes. L'un des aspects contesté du décret est celui de la «vignette de compromis linguistique» (Sello de Compromiso Lingüístico) que le gouvernement basque accorda aux établissements et institutions répondant aux objectifs du décret. Voici le libellé (en français) de l'article 19 du Décret 123 sur les droits linguistiques des consommateurs et usagers à ce sujet:
 

Article 19 (traduction)

Vignette de compromis linguistique

1) Il est institué la vignette de compromis linguistique, laquelle identifie les établissements ouverts au public et les entreprises qui assument volontairement un engagement de service écrit et oral avec le consommateur et usager en faisant usage de la langue que choisit ce dernier.

La vignette, qui fera partie du système de certification de qualité dans la gestion linguistique (Euskararen Kalitate Ziurtagiria) doit être exposée de manière visible au public à l'extérieur et à l'intérieur de l'établissement ou de l'entreprise.

2) La vignette de compromis linguistique oblige les établissements et les entreprises qui y adhèrent à formuler, au moins en euskera :

a) Tout type de signalisation, y compris la toponymie.

b) Toute information à caractère fixe et variable contenue dans les affiches ou les étiquettes présentées au public; et

c) Les imprimés ou catalogues que les entreprises ou établissements élaborent afin de les mettre à la disposition du public et qui fournissent de l'information sur un ou plusieurs produits ou services.

d) L'offre, la promotion et la publicité de produits et services destinés aux consommateurs et usagers, quel que soit le support utilisé.

3) Les établissements ouverts au public et les entreprises adhérentes prennent l'engagement de répondre au public et de formuler, dans la langue choisie par le consommateur et usager, les communiqués, avis, documents contractuels, factures, documents attestant les opérations effectuées, les devis, les garanties de dépôt et tous les documents similaires.

4) Les entreprises et établissements adhérents ont le droit d'inclure la vignette de compromis linguistique dans leur publicité, les pages Web leur appartenant et dans toute communication destinée aux consommateurs et usagers, et aux clients potentiels, ainsi que dans les communications de l'entreprise.

5) Les entreprises et établissements adhérents prennent l'engagement d'utiliser dans leurs informations fournies aux consommateurs et usagers un euskera de qualité qui garantit la communication en utilisant à cet effet un code adéquat et proche de l'usager et adapté à la norme linguistique en vigueur reconnue par l'Académie royale de la langue basque - Euskaltzaindia.

La nouvelle réglementation est obligatoire dans les trois capitales basques ainsi que dans les municipalités comptant plus de 33 % de bascophones. À Vitoria, le nombre des bascophones ne dépasse pas les 15 %. En cas d'infraction, le gouvernement affirme que les amendes ne seraient pas supérieures à 500 euros.

Les «obligations linguistiques» impliquent que les établissements doivent rédiger en euskara et en castillan tout type de signalisation, d'étiquettes, d'affiches, d'imprimés, de catalogues, en plus des contrats et autres avis tels que factures, devis ou certificats de garantie. Cette «vignette d'accommodement linguistique» sera à la disposition des entreprises qui respectent la réglementation en la matière; elle doit servir de moyen pour les consommateurs de reconnaître les établissements et les commerces qui offrent des services dans les deux langues officielles.

Des commerçants craignent que cette fameuse vignette de compromis linguistique constitue une discrimination pour ceux qui ne la possèderaient pas. Certains estiment aussi que le délai de quatre ans pour que les commerces s'adaptent à la nouvelle réglementation est insuffisant. D'autres prédisaient un ralentissement économique.

Dans les faits, la plupart des grandes entreprises installées dans la Communauté autonome du Pays basque sont très avancées dans l'usage d'affiches, de brochures, de catalogues ou de publicité; la plupart utilisent des versions bilingues depuis des années. La plus grande lacune réside dans le mangue de personnel bilingue, notamment auprès des entreprises qui disposent d'un nombre important d'employés travaillant à l'extérieur du Pays basque. Cependant, des sources provenant des entreprises assurent qu'elles respecteront «évidemment» la nouvelle réglementation dans tous ses aspects.  Tous les systèmes informatisés devront être modifiés afin de tenir compte de l'euskara; il faut, par exemple, traduire les étiquettes de plus de 300 000 produits; ce ne sera pas simple, mais les entreprises y arriveront.

Le gouvernement estimait que les subventions s'élèveraient à un montant global de quelque 600 000 euros annuellement. En cas de non-respect des mesures adoptées, une amende d'un maximum de 500 euros était prévue. L'Exécutif basque prévoyait une période d'adaptation de quatre ans pour l'application de la réglementation, bien que le décret fixe des «délais différents» pour la mise en œuvre des obligations linguistiques.

Comme l'expliquait un représentant du gouvernement, la réglementation avait un caractère «progressif et flexible», puisqu'elle tenait compte de la «réalité sociolinguistique» de la zone où étaient situées les entreprises; les mesures devaient être appliquées de façon différente «en fonction du type d'entreprise et de l'obligation définie». Les établissements ou organismes qui remplissent les conditions définies dans le décret devaient recevoir evront une vignette d'engagement linguistique.

- La vignette d'engagement linguistique

La réglementation comprend aussi l'Ordonnance du 29 juillet 2008 du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et du ministre de la Culture réglementant l'attribution de subventions pour que les organismes soumis au décret 123/2008 procèdent à l'adaptation de leurs obligations linguistiques prévues par ledit décret dans leurs relations avec les consommateurs et usagers. L'article 4 de ladite ordonnance décrit les activités devant faire l'objet de subventions:

Article 4

Activités faisant l'objet de subventions

1) L'organisme bénéficiaire doit destiner les subventions prévues dans cette assignation pour financer les activités attribuées au respect des obligations linguistiques instaurées dans le décret 123/2008 (spécifiés dans l'annexe VIII de la présente assignation) et, en particulier, leur formulation en euskara et en castillan de :

a) Tout type de signalisation, y compris le toponymie obéissant aux dispositions prévues à l'article 10 de la loi fondamentale 10/1982 sur la normalisation de l'usage de l'euskara.

b) Toute information à caractère fixe et variable contenue dans les affiches ou les étiquettes exposées au public,

c) Des imprimés ou catalogues qui, publiées directement ou indirectement par l'entreprise elle-même ou l'établissement commercial, se trouvent à la disposition du public et qui fournissent de l'information sur un ou plusieurs produits ou services.

d) Des imprimés destinés à leur interprétation par les consommateurs et usagers.

e) Des contrats d'adhésion, les contrats avec des clauses type, les contrats normalisés, les conditions générales et la documentation qui réfèrent à ces derniers ou qui résultent desdits contrats.

f) Des communications ou avis destinés aux consommateurs, ainsi que les factures ou documents attestant les opérations effectuées, budgets, récépissés d'entrepôt et tous les documents analogues.

La qualité de l'euskara doit être respectée dans toutes ces expressions, en garantissant non seulement que les textes sont corrects, mais qu'ils soient aussi efficaces dans la communication. De même, le langage sexiste ne doit pas être utilisé.

Évidemment, toute cette importante réglementation témoigne que l'euskara a peine à s'imposer dans le monde du travail et les entreprises commerciales, même au sein de la Communauté autonome du Pays basque; on peut imaginer les difficultés dans la Communauté forale de Navarre et au Pays basque français.

Cette situation n'est pas sans rappeler le cas du Québec aux prises avec la concurrence de l'anglais. Ainsi, en décembre 2008, une nouvelle campagne visant à sensibiliser les commerçants ainsi que les consommateurs à l’utilisation du français comme langue de service au Québec a été lancée. Cette campagne a été développée autour du thème «Ici», principalement dans la région de Montréal, mais aussi en Outaouais et en Estrie. Les consommateurs furent appelés à rechercher le logo aux couleurs de la campagne chez les détaillants avec lesquels ils traitent. Les commerçants qui souhaitaient s’engager à offrir aux consommateurs un service en français pouvaient se procurer le logo à apposer dans leur vitrine. C'est l’Office québécois de la langue française qui invitait les commerçants à s’engager à offrir aux consommateurs un service en français à se procurer le logo Ici, on commerce en français. Contrairement au Pays basque, le Québec ne prévoyait ni réprimandes ni d'amendes, car il s'agissait d'une campagne de sensibilisation, assez peu efficace dans la mesure où elle ne durait que quelques semaines, soit du 16 décembre 2008 jusqu'au 2 janvier 2009.

L’État espagnol a créé les régions autonomes dans le but de calmer les revendications basques et catalanes. Toutefois, dans le but évident de dédramatiser les communautés autonomes catalane et basque, l’État espagnol a étendu la régionalisation à toute l’Espagne en octroyant le statut d’autonomie à 17 communautés autonomes, ce qui a eu pour effet de diluer Catalans et Basques dans un ensemble disparate quelque peu artificiel. En effet, si les Galiciens, les Catalans et les Basques ont une certaine légitimité historique et une identité spécifique, il n’en est pas de même pour la plupart des autres communautés d’Espagne qui paraissent totalement artificielles. Alors que Basques et Catalans réclament davantage de pouvoirs politiques, la plupart des communautés se contentent de fort peu de pouvoirs.

Non seulement les Basques ne sont pas satisfaits de la situation actuelle, mais ils accusent l’Espagne de les avoir dilués au sein des 17 communautés autonomes et de les avoir partagés en deux communautés autonomes, le Pays basque et la Navarre, avec comme résultat qu’ils sont minoritaires dans les deux communautés. Loin d’avoir apaisé le nationalisme basque, le système des communautés autonomes l’a presque stimulé. La violence qui se vit au Pays basque depuis deux décennies n’est certes pas étrangère à cette situation jugée inacceptable pour les Basques. De plus, il aurait fallu que l’État espagnol fasse coïncider les frontières linguistiques avec les frontières politiques qui, aujourd’hui, paraissent anachroniques, car elles sont fondées sur les vieilles frontières politiques héritées du Moyen Âge. Il faudra repenser bientôt ces frontières qui divisent la partie basque de la Navarre au Pays basque lui-même. Ce n’est pas pour rien que bien des Basques croient que l’autonomie accordée à trois des cinq provinces basques n’est qu’un moyen de pression pour maintenir le Pays basque «dans la soumission».

À l’heure actuelle, le gouvernement central espagnol n’est pas encore arrivé pas à résoudre la question basque. Pire, des membres du parti au pouvoir se sont fait assassiner. La violence prônée et pratiquée par l’ETA (l’organisation terroriste basque) a soulevé l’indignation des Espagnols, voire les Basques eux-mêmes. Beaucoup d’entre eux estiment que les terroristes sont des gens tout à fait «déconnectés» de la réalité et se conduisent comme s’ils étaient encore sous la dictature de Franco. De son côté, l’Espagne a nourri elle-même la violence en recourant à des assassinats pour combattre l’ETA, en refusant tout dialogue avec les indépendantistes et en empêchant le peuple basque de se prononcer librement sur son avenir. Puis, entre les années 2001 et 2005, les années du gouvernement de droite de J. M. Aznar ont plutôt été marquées par une lutte financière et juridique contre l'ETA et ses ramifications et différentes organisations. Le gouvernement socialiste socialiste de J. L. Zapatero prônait, quand à lui, un dialogue avec l'ETA par l'intermédiaire de différents acteurs de la vie politique nationaliste basque. Cela dit, beaucoup d’observateurs espagnols croient que le gouvernement de Madrid n’est plus vraiment pressé de résoudre la «question basque» et préfère la laisser pourrir en espérant sous doute qu’elle se solutionnera d’elle-même. Quant à la France, la question basque n’est pas perçue comme problématique et elle semble avoir bien d’autres chats à fouetter avec la Corse, sans oublier la Nouvelle-Calédonie et le nationalisme breton revenu périodiquement dans l’actualité.

Dernière mise à jour: le 24 février, 2024
   

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