Royaume d'Espagne
|
L'État espagnol
(Reino de España)
|
Capitale:
Madrid
Population: 46,0 millions (2017)
Langue officielle: castillan (ou espagnol)
Groupe majoritaire: castillan (64,1 %)
Groupes minoritaires: catalan (8,8 %), galicien (5,0 %), basque (5,4 %),
tsigane (1,5 %), asturien (0,5 %), aragonais (0,08 %), aranais
(0,001 %), etc.
Système politique: royaume réparti en 17 Communautés autonomes
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la
Constitution de 1978
Lois linguistiques: Décret portant création de l'usage exclusif de l'espagnol
dans les services publics
(1940, abrogé);
Décret royal no 334 du 12 février
1982 sur la signalisation des routes, aéroports, gares ferroviaires, gares d'autobus,
gares maritimes et services publics d'intérêt général dans le territoire des
Communautés autonomes ayant une autre langue officielle distincte du castillan
(1982);
Ordonnance
35/1987 du 17 juin du ministère de la Défense visant la réglementation
de l'usage des langues des Communautés autonomes dans l'administration
militaire (1987);
Décret royal 489/1997 du 14 avril sur la publication des lois dans les langues
co-officielles des Communautés autonomes
(1997);
Réforme du règlement du Sénat sur l'extension de l'usage des langues
co-officielles au Sénat (2005).
Lois à portée linguistique:
Loi
30/1984 du 2 août sur les mesures de réforme de la fonction publique (1984);
Loi organique
du 1er juillet 1985 sur le pouvoir judiciaire
(1985); Décret royal 1457/1986 du 10
janvier réglementant l'activité industrielle et la prestation de services dans les
ateliers de réparation de véhicules automobiles, de leurs équipements et de leurs
pièces (1986);
Décret royal 1468/1988 du 2 décembre approuvant le Règlement sur
l'étiquetage, la présentation et la publicité des produits industriels
destinés à la vente directe auprès des consommateurs et des usagers
(1988)
;
Loi 30/1992 du 26 novembre relative aux bases du régime juridique des
administrations publiques et de la procédure administrative commune
(1992) ;
Loi 17/1994 du 8 juin sur la protection et le développement du cinéma
(1994, abrogée);
Décret royal 1732 du 29 juillet sur le pourvoi des postes de travail
réservés à des fonctionnaires de l'Administration locale possédant une
juridiction à caractère national (1994); Loi organique n° 10
du 23 novembre relative au Code pénal (1995);
Décret royal 1334/1999 du 31 juillet sur l'approbation des règles générales en
matière d'étiquetage, de présentation et de publicité sur les produits
alimentaires (1999)
;
Loi
15/2001 du 9 juillet sur le développement et la promotion du cinéma et
de l'audiovisuel
(2001, abrogée);
Loi 5/2002 du 4 avril régularisant les Bulletins officiels des provinces
(2002)
;
Décret royal 1598/2004 du 2 juillet modifiant le Règlement général sur les
conducteurs (2004)
;
Loi 12/2005 du 22 juin modifiant l'article 23 de la
loi du 8 juin 1957 relative au Registre civil (2005);
Loi 28/2005 du 26 décembre relative aux mesures sanitaires concernant le
tabagisme et à la réglementation de la vente, l'approvisionnement, la
consommation et la publicité des produits du tabac
(2005); Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation
(2006);
Loi
55/2007 du 28 décembre sur le cinéma
(2007);
Décret royal 2062/2008 du 12 décembre sur l'application de la loi
55/2007 du 28 décembre sur le cinéma
(2008);
Loi 39/2015 du 1er octobre sur la procédure administrative commune des
administrations publiques (2015). |
Plan de l'article
|
Le royaume d'Espagne est limité au nord-est par la France, à l'ouest par le
Portugal et est baigné au nord-est par l'Atlantique, au sud et à l'est par la
Méditerranée (voir la carte détaillée de
l'Espagne). L'Espagne est le second plus vaste pays d’Europe
de l'Ouest (504 748 km²)
après la France (543 965 km²), mais le quatrième pour toute l'Europe,
après la Russie, l'Ukraine et la France. Le nom de l'Espagne vient du mot carthaginois Spania qui signifie «le pays des
lapins». LEspagne occupe environ les cinq sixièmes de la péninsule Ibérique
(le reste étant constitué du Portugal, de la principauté d'Andorre et de Gibraltar qui
appartient au Royaume-Uni), ainsi que des îles Baléares dans la Méditerranée.
L'Espagne possède également sous sa souveraineté les
îles Canaries dans l'Atlantique, face
au Maroc, ainsi que les villes de Ceuta et de
Melilla dans le nord du Maroc.
|
|
Les îles
Canaries (en espagnol: Islas Canarias) forment un
archipel de l'océan Atlantique et occupent une superficie de 7447 km².
L'archipel est distante de quelque 150 km des côtes africaines (Sahara-Occidental)
et à plus de 1000 km du sud de l'Espagne.
Avec les enclaves de Ceuta (dans le nord du Maroc) et
de Melilla
(sur la côte méditerranéenne du Maroc), c'est tout ce qu'il reste de
l'ancien empire d'Espagne. Les îles Canaries sont reconnues par l'Union
africaine comme territoire «africain»
occupé par une puissance «étrangère». Le Maroc revendique les
enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla qu'il qualifie «d'anachronisme
colonial», sans oublier les îles Chafarinas à 48 km à l'est de Melilla. Pour l'Espagne,
les «villes autonomes» de Ceuta et de Melilla
ne sont pas négociables, car elles font partie intégrante du «royaume
d'Espagne»; l’Espagne dit conserver ces territoires en raison de leur
population majoritairement espagnole, ce qui ne sera plus vrai à Melilla
en 2020 et à Ceuta en 2030. |
Bref, les archipels des îles Canaries dans l'océan Atlantique
et des îles Baléares en Méditerranée, de même que les enclaves de Ceuta et
Melilla, sont des «territoires non péninsulaires» de l'Espagne.
L'Espagne n'est pas un État unitaire comme la France ou la Norvège; l'État espagnol
a délégué une partie de ses pouvoirs à des gouvernements locaux: les
Communautés
autonomes (ou Comunidades Autonomas). On pourrait dire que c'est un État «semi-fédéral»,
car il n'est pas
véritablement fédéral. Les États membres de l'Espagne ne sont pas appelées
«provinces» comme au Canada, ni «États» comme aux États-Unis, ni «cantons» comme
en Suisse, ni «Régions autonomes»
comme en Italie, mais plutôt «Communautés
autonomes». La principale différence entre un État fédéré et l'État espagnol
réside notamment dans le fait que les communautés autonomes d'Espagne ne
disposent pas de l'indépendance judiciaire, comme au Canada ou aux États-Unis.
En Espagne, on distingue trois niveaux d'administrations
publiques:
1) l'administration générale de l'État ("Administración
General del Estado"): le gouvernement central;
2) l'administration autonome ("Administración Autonómica"): les Communautés
autonomes;
3) l'administration locale ("Administración Local"): les provinces (provincias),
les municipalités (municipos et comarcas) et les communes (mancomunidades.
Chacune de ces administrations détient un certain nombre
de compétences qui lui sont exclusives ou partagées. Les compétences de l'État
central sont définies à
l'article 149 de la Constitution espagnol de 1978, alors que celles des
communautés autonomes sont décrites à
l'article 148.
Selon l'article 141 de la Constitution, la province
est une entité locale dotée d'une personnalité juridique propre, formée par le
regroupement des communes et en même temps une division territoriale pour
l'accomplissement des activités de l'État. Toute modification des limites des
provinces doit être approuvée par les Cortès generales, par une loi organique.
La direction et l'administration autonome de la province sont confiées à des
conseils de province (la «Députation provinciale» : "Diputación Provincial") ou à d'autres corps à caractère
représentatif. Les compétences des provinces varient en fonction des
communautés autonomes auxquelles elles appartiennent, et, dans la pratique,
depuis la création des Communautés autonomes, leur domaine de compétence est
minimal, à l'exception des territoires historiques du Pays basques.
Il existe aussi en Espagne une entité appelée
comarque ("comarca"), qui correspond à une regroupement de municipalités
avec un rôle administratif.
2.1 Les Communautés autonomes
L'Espagne compte 17 Communautés autonomes
réparties dans l'ensemble du pays, incluant les îles Canaries, mais non les deux villes
autonomes (ciudades autónomas) que sont Ceuta et
Melilla (carte
cliquable):
La répartition de la population dans les différentes
Communautés autonomes apparaît dans le tableau qui suit (source: Instituto
Nacional de Estadística, Espagne, 2008) :
Rang
|
Communauté
|
Population
|
Pourcentage
|
Densité
|
1º |
Andalousie |
8.202.220 |
17,77 % |
93,99 hab./km² |
2º |
Catalogne |
7.364.078 |
15,95 % |
230,63 hab./km² |
3º |
Madrid |
6.271.638 |
13,59 % |
784,45 hab./km² |
4º |
Pays valencien |
5.029.601 |
10,90 % |
215,82 hab./km² |
5º |
Galice |
2.784.169 |
6,03 % |
94,59 hab./km² |
6º |
Castille-et-Léon |
2.557.330 |
5,54 % |
27,16 hab./km² |
7º |
Pays basque |
2.157.112 |
4,67 % |
297,08 hab./km² |
8º |
Canaries |
2.075.968 |
4,50 % |
284,10 hab./km² |
9º |
Castille-
La Manche |
2.043.100 |
4,43 % |
25,79 hab./km² |
10º |
Murcie |
1.426.109 |
3,09 % |
126,01 hab./km² |
11º |
Aragon |
1.326.918 |
2,87 % |
27,84 hab./km² |
12º |
Estrémadure |
1.097.744 |
2,38 % |
26,39 hab./km² |
13º |
Asturies |
1.080.138 |
2,34 % |
102,24 hab./km² |
14º |
Baléares |
1.072.844 |
2,32 % |
213,97 hab./km² |
15º |
Navarre |
620.377 |
1,34 % |
60,58 hab./km² |
16º |
Cantabrie |
582.138 |
1,26 % |
110,07 hab./km² |
17º |
La Rioja |
317.501 |
0,69 % |
63,07 hab./km² |
Villes
autonomes |
18º |
Ceuta |
77.389 |
0,17 % |
4.073,1 hab./km² |
19º |
Melilla |
71.448 |
0,15 % |
5.808,7 hab./km² |
TOTAL |
46 157 822 |
100 % |
91,47
hab./km² |
|
On peut constater que l'Andalousie (8,2
millions), la Catalogne (7,3 millions), la Communauté de Madrid (6,2
millions) et la Communauté valencienne (5 millions) sont les régions
les plus peuplées d'Espagne.
Chacune des Communautés autonomes s'est vu accorder un statut d'autonomie propre,
c'est-à-dire une
sorte de constitution interne élaborée par une assemblée d'élus locaux (députés et
sénateurs), mais adoptée à la fois par les Cortès Generales (Parlement et Sénat
espagnols) et le Parlement autonome. Cette
constitution interne est toujours appelée en espagnol Estatuto
Autonomía de la Comunidad Autónoma ("Statut d'autonomie de la
Communauté autonome).
Les Communautés autonomes assument des compétences exclusives dans de
nombreux domaines: les institutions gouvernementales locales (parlement, gouvernement,
administration, écoles), l'aménagement du territoire et la protection de
l'environnement, les chemins de fer et les routes (qui ne traversent qu'un seul territoire
d'une Communauté autonome), l'agriculture et l'exploitation forestière, la chasse et la
pêche, le développement économique, la culture, l'enseignement et l'emploi des
langues, la santé et l'assistance sociale, le tourisme et le loisir, la
police. Les Communautés autonomes disposent ainsi de larges pouvoirs qui
leur permettent de se gouverner localement, mais les municipalités ne sont
pas assujetties aux gouvernements communautaires; elles demeurent
complètement autonomes dans leurs champs de compétence.
|
Quant à l'État espagnol, il s'est réservé des compétences exclusives, notamment le Code civil,
l'immigration, la justice, les relations internationales, la monnaie, les aéroports et
ports d'intérêt général, les Forces armées, les poids et mesures, les douanes, etc.
En somme, l'Espagne fonctionne avec ses Communautés autonomes un peu comme le Canada avec
ses provinces ou l'Allemagne avec ses Länder, mais l'Espagne n'est pas constituée en fédération, même si
elle en a tous les
traits constitutifs.
On pourrait dire que l'Espagne a créé une étrange structure qui ressemblerait à
un «État décentralisé très unitaire». Le débat qui touche la Constitution de
1978 ne fait probablement que commencer en Espagne; il faudra sans doute s'attendre à des
réformes importantes à ce sujet dans les décennies à venir.
2.2 Les provinces d'Espagne
En plus des Communautés autonomes, l'Espagne est divisée en 50 provinces:
Álava · Albacete · Alicante · Almería · Asturies*
· Ávila · Badajoz · Îles Baléares* · Barcelone · Biscaye · Burgos · Cáceres ·
Cadix · Cantabrie* · Castellón · Ciudad Real · Cordoue · La Corogne · Cuenca ·
Gérone · Grenade · Guadalajara · Guipúzcoa · Huelva · Huesca · Jaén · León ·
Lugo · Madrid* · Málaga · Murcie* · Navarre* · Orense · Palencia · Las Palmas ·
Pontevedra · La Rioja* · Salamanque · Santa Cruz de Tenerife · Saragosse ·
Ségovie · Séville · Soria · Teruel · Tolède · Valence · Valladolid · Zamora.
Le tableau suivant présente les
provinces avec leur
dénomination espagnole (en bleu) et en français (en rouge), le noir
correspondant à une appellation bilingue :
Nom de la province (espagnol/français) |
Capitale |
Communauté autonome
d'appartenance |
Álava/Arabako
(Alava) |
Vitoria/Gasteiz |
Pays basque |
Albacete |
Albacete |
Vieille-Castille |
Alicante/Alacant
(Alicante) |
Alicante/Alacant |
Pays valencien |
Almería |
Almería |
Andalousie |
Asturias
(Asturies) |
Oviedo |
Asturies |
Ávila
(Avila) |
Ávila |
Castille-et-Léon |
Badajoz |
Badajoz |
Extremadura |
Illes Balears
(Îles Baléares) |
Palma de Mallorca |
Îles Baléares |
Barcelona
(Barcelone) |
Barcelona |
Catalogne |
Burgos |
Burgos |
Castille-et-Léon |
Cáceres |
Cáceres |
Extremadura |
Cádiz
(Cadix) |
Cádiz |
Andalousie |
Cantabria
(Cantabrie) |
Santander |
Cantabrie |
Castellón/Castelló |
Castellón/Castelló de la Plana |
Pays valencien |
Ciudad Real |
Ciudad Real |
Castille-La Manche |
Córdoba |
Córdoba |
Andalousie |
A Coruña
(La Corogne) |
A Coruña |
Galice |
Cuenca |
Cuenca |
Vieille-Castille |
Girona
(Girone) |
Girona |
Catalogne |
Granada
(Grenade) |
Granada |
Andalousie |
Guadalajara |
Guadalajara |
Vieille-Castille |
Guipúzcoa/Gipuzkoa |
San Sebastián/Donostia |
Pays basque |
Huelva |
Huelva |
Andalousie |
Huesca |
Huesca |
Aragon |
Jaén |
Jaén |
Andalousie |
La Rioja |
Logroño |
La Rioja |
León
(Léon) |
León |
Castille-et-Léon |
Lleida
(Lérida) |
Lleida |
Catalogne |
Lugo |
Lugo |
Galice |
Madrid |
Madrid |
Madrid |
Málaga
(Malaga) |
Málaga |
Andalousie |
Murcia
(Murcie) |
Murcia |
Murcia |
Navarra/Nafarroa
(Navarre) |
Pamplona |
Navarre |
Ourense
(Orense) |
Ourense |
Galice |
Palencia |
Palencia |
Castille-et-Léon |
Las Palmas |
Las Palmas de Gran Canaria |
Îles Canaries |
Pontevedra |
Pontevedra |
Galice |
Salamanca
(Salamanque) |
Salamanca |
Castille-et-Léon |
Santa Cruz de Tenerife |
Santa Cruz de Tenerife |
Îles Canaries |
Segovia
(Ségovie) |
Segovia |
Castille-et-Léon |
Sevilla
(Séville) |
Seville |
Andalousie |
Soria |
Soria |
Castille-et-Léon |
Tarragona
(Tarragone) |
Tarragona |
Catalogne |
Teruel |
Teruel |
Aragon |
Toledo (Tolède) |
Toledo |
Vieille-Castille |
Valencia/València
(Valence) |
Valencia/València |
Pays valencien |
Valladolid |
Valladolid |
Castille-et-Léon |
Vizcaya/Bizkaia |
Bilbao |
Pays basque |
Zamora |
Zamora |
Castille-et-Léon |
Zaragoza
(Saragosse) |
Zaragoza |
Aragon |
Sept communautés
autonomes ne sont composées que d'une seule province : les Asturies, les îles
Baléares, la Cantabrie, La Rioja, la Communauté de Madrid, la Communauté de
Murcie et la Communauté forale de Navarre.
On peut consulter la
carte des
provinces espagnoles
en cliquant
ICI,
s.v.p.
2.3 La structure gouvernementale et
administrative
La structure gouvernementale et administrative est
relativement complexe en Espagne et diffère des structures connues dans
d'autres pays fédérés. Ainsi, en Floride (États-Unis), le chef de l'Exécutif est le
gouverneur ("Governor"), assisté d'un lieutenant-gouverneur ("Lieutenant
Governor") et de «secrétaires» d'État ("secretaries") à la tête des différents
«départements» ("Departments"). Au Québec (Canada), le chef de
l'Exécutif est le premier ministre assisté des ministres responsables d'un
ministère particulier. En Catalogne, le chef de l'Exécutif est le
«président» ("President" ou "Presidenta") assisté d'un
Conseller Primer
del Govern
(fr. «premier conseiller du Gouvernement»)
ou, depuis 2006, d'un vice-président ("Vicepresident"
ou "Vicepresidenta") et de plusieurs «conseillers» ("conseller" ou "consellera")
à la tête des différents «départements» ("departaments"). C'est plus
ou moins ce système qui existe dans les autres communautés autonomes.
Les termes Departament et
conseller / consellera
servent à désigner
l'équivalent des «ministères» (ou «Departments» aux États-Unis) et
des «ministres» (ou «secrétaires» aux
États-Unis) du gouvernement catalan. En français, on peut employer
l'expression «ministre-conseiller» (ou
«ministre-conseillère») pour rendre
compte adéquatement du terme catalan
conseller / consellera.
En Espagne, les termes
ministerio (fr. «ministère») et
ministro / ministra (fr.
«ministre») désignent les
ministères et les ministres du gouvernement central,
et non ceux des Communautés autonomes. Jusqu'à récemment, seul le
premier ministre du gouvernement
espagnol était désigné comme le
Primer Ministro (fr. «premier
ministre»), le chef du gouvernement des
Communautés autonomes étant alors désigné par le titre de Conseller Primer
(en catalan) ou de Consejero Primero (en espagnol).
Aujourd'hui, on emploie dans tous les cas le terme «président» (esp. "presidente"),
plus précisément «président du gouvernement» (esp. "Presidente del
Gobierno"). Bref, il n'y a plus de premier
ministre en Espagne. En français, on emploie aussi les
expressions «chef du gouvernement» ou «premier ministre».
L'Espagne comptait en 2017 quelque 46 millions d'habitants. Le castillan
(nom officiel de l'espagnol
castellano) est la langue
officielle de l'État et la langue habituelle de la majeure partie des habitants de ce
pays; c'est la langue maternelle de 64,1 % de la population.
3.1 Le castillan
Il existe en
Espagne une certaine
controverse au sujet de l'emploi des termes
castillan/espagnol (castellano/español) qui sont à la fois distinctifs et synonymes.
En Espagne, on utilise le mot castillan quand
on fait allusion à la «langue commune de l'État» par rapport aux autres
langues co-officielles dans leur territoire autonome respectif, comme le
catalan, le galicien ou l'euskera (basque).
|
Le
castillan est le terme qui renvoie à une variété régionale de
l'espagnol en Espagne même, alors que le mot
espagnol désigne généralement la langue standard utilisée par
toutes les populations hispaniques du monde (USA, Amérique du Sud, etc.).
Cliquer ICI, s.v.p.
pour connaître davantage de distinctions entre les termes castillan (castellano) et
espagnol (español) employés comme synonymes ou non.
On distingue
deux variantes du castillan: le castillan du Nord (ou septentrional) et
le castillan du Sud (ou méridional).
Le castillan du Nord
(castellano septentrional) est parlé dans la moitié nord de l'Espagne et
correspond à la variété la plus traditionnelle, celle qui sert de modèle ou de
norme pour
l'usage écrit de la langue espagnole.
Le castillan du Sud (castellano meridional)
est parlé dans la moitié sud du pays, ainsi qu'aux îles Canaries et dans une
grande partie de l'Amérique du Sud (espagnol méridional ou espagnol atlantique). C'est celui qui
compte le plus grand nombre de locuteurs et le plus grand nombre de variantes.
Par exemple, en Espagne, l'andalou (en Andalousie),
l'extrémadurien (en Extrémadure), le murcien (en Murcie) et le
canarien (aux îles Canaries) sont considérés, à tort ou à raison, comme des
«variante du castillan méridional». Toutes ces variantes sont
aisément compréhensibles, sans problèmes majeurs pour la
communication interpersonnelle. |
3.2 Les autres langues nationales
Toutefois, d'autres langues —
peu importe qu'on les appelle «dialecte», «parler», «modalité» ou «variété
linguistique» —, sont aussi utilisées par une proportion importante de
la population espagnole: le catalan ou
valencien/valenciano (10 millions, dont 4,1 millions comme L1
et 5,1 millions comme L2), le
galicien ou galego (3,8 millions), le basque
ou euskara (580 000),
le tsigane ou
caló
(600 000), l'asturien ou
bable (200 000),
l'aragonais ou fabla (30 000), l'aranais
(3814) ou gascon en France. Il existe aussi plusieurs «idiomes»
sans aucun statut tels que l'andalou ou
andaluz (en Andalousie), le
cantabre ou cántabro (en Cantabrie), le léonais
ou leonés
(province de Léon), le murcien ou
murciano (en Murcie), l'estrémadurien
ou
extremeño (en Estrémadure), le
canarien ou canario (aux
Canaries), le riojan ou
riojano
(La Rioja), le madrilénien ou
madrileño
(Communauté de Madrid) et le manchego (Castille-La Manche). À tort
ou à raison, on a l'habitude d'identifier en Espagne onze «dialectes» ("dialectos") :
- andaluz (andalou);
- aragonés (aragonais);
- asturiano (asturien);
- canario (canarien); |
- cántabro (cantabre);
- extremeño (estrémadurien);
- leonés (léonais);
- madrileño (madrilénien); |
- murciano (murcien);
- manchego (castillan de La Manche);
- riojano (riojan). |
Langue
régionale |
Locuteurs
(langue maternelle |
Pourcentage
(Espagne) |
Castillan
(espagnol) |
29 580
700 |
64,2 % |
Catalan |
4 080 000 |
8,8 % |
Basque |
2 501 000 |
5,4 % |
Galicien |
2 328 000 |
5,0 % |
Aragonais |
2 278 000 |
4,9 % |
Estrémadurien |
1 253 000 |
2,7 % |
Tsigane |
737 000 |
1,5 % |
Asturien |
569 000 |
1,2 % |
Mirandais |
15 000 |
0,03 % |
Total
2017 |
46 070 000 |
100 % |
|
À part le
basque
qui constitue un isolat linguistique (famille basque)
et le tsigane ou romani (groupe indo-iranien),
ce sont toutes des
langues romanes d'origine indo-européenne.
Si les locuteurs du catalan, du galicien et du basque sont réparties dans
quelques Communautés autonomes, seuls les locuteurs du castillan et du tsigane
(env. 737 000) sont réparties dans l'ensemble
du pays. Mais les locuteurs du tsigane, de l'asturien, de l'aragonais et de l'estrémadurien ne sont
pas bien protégés. En tout, près de 14 millions de personnes parlant une langue
régionale sont réparties dans les différentes
communautés autonomes de l'Espagne.
|
De plus, au moins huit millions de personnes
parlent une langue étrangère dans ce pays: arabe, berbère, roumain,
anglais, italien, chinois, allemand, bulgare, portugais, français,
etc.
3.3 La langue tsigane
(romani)
L'Espagne compte sur son territoire un grand nombre de
Tsiganes, appelés plus souvent «Gitans» ("Gitanos"). On emploie aussi les
expressions Pueblo Gitano («peuple gitan») et
comunidad gitana («communauté gitane») pour désigner les Tsiganes
espagnols. La langue parlée ("el idioma gitano") par les Tsiganes est appelée le
romaní
en espagnol («tsigane» en français).
Localisation |
Population |
Andalousie |
270 000 |
Catalogne |
80 000 |
Valence |
65 000 |
Madrid |
60 000 |
Castille-et-Léon |
29 000 |
Murcie |
20 000 |
Castille-La Manche |
20 000 |
Aragon |
18 000 |
Estrémadure |
15 000 |
Pays
basque |
13 000 |
Asturies |
10 000 |
Galice |
9 000 |
La
Rioja |
7 000 |
Baléares |
6 500 |
Navarre |
6 000 |
Cantabrie |
5 000 |
Espagne (total) |
600 000 |
|
|
La langue romani ou tsigane reste l’unique représentante européenne du
groupe
indo-iranien appartenant à la famille indo-européenne. Le romani
a préservé en grande partie l'héritage des langues de l'Inde du
Nord, plus particulièrement le hindi et le rajasthani dont il a en
commun 60 % du vocabulaire de base. On
compte au moins quelque 600 000 Tsiganes ou Gitans dans toute
l'Espagne; les estimations les plus probables situerait ce nombre à
plus de 700 000.
Au sein des Communautés autonomes,
l'Andalousie dispose de la plus grande population de Gitans
(Tsiganes) avec environ 300 000 membres, ce qui représente environ 5
% du total de la population de cette région. Ensuite, ce sont la
Catalogne (80 000), la Communauté valencienne (65 000), et la
Communauté de Madrid (60 000) où l'on trouve le plus de Gitans.
Depuis toujours, l'Espagne éprouve des
difficultés à intégrer sa communauté gitane, mais c'est aussi le cas
en France et dans la plupart des autres pays. Depuis la Constitution
espagnole de 1978, tous les gouvernements démocratiques successifs
ont adopté diverses mesures d'intégration avec plus ou moins de
succès, notamment dans les services sociaux, l'éducation et la
santé. Ainsi, depuis 1983, le gouvernement espagnol a mis en marche
un programme pour favoriser le droit à l'éducation, lequel
comprenait les communautés gitanes. L'analphabétisme est encore très
répandu chez les Gitans. |
Les Gitans ont fondé l'Union Romaní, une fédération
d'associations consacrée à la défense des communautés gitanes. Cette
fédération a comme objectif de faire reconnaître la culture et la
société gitane. Parmi les Gitans, certains parlent le
calo, une forme
hispanisée du tsigane.
3.4 L'importance des immigrants
en Espagne
L'Espagne est devenue un pays d'immigration important. Pour l'ensemble de la période couvrant l'année 1960 jusqu'en 2010, la moyenne
annuelle enregistrée a été de 1,5 million d'immigrants. C'est en 2010 qu'on a
enregistré le plus haut niveau (6,3 millions) et c'est en 1960 qu'on a vu le
plus bas niveau (210 897). Le changement enregistré entre la première
(1960) et la
dernière année (2010) est de 2924 %. Entre 2001 et 2006, l'Espagne a
accueilli une moyenne annuelle de 600 000 étrangers. En janvier 2008, quelque
5,2 millions de personnes, soit 11,5 % de la population espagnole, étaient de
nationalité étrangère. Depuis les années 2000,
l'arrivée de
ressortissants
étrangers a été
cruciale pour
la croissance
de la population espagnole,
car non seulement elle
a contribué à augmenter
le nombre
d'individus, mais aussi
à hausser
le
taux de natalité.
- La provenance
Continents
d'origine |
Immigrants
2005 |
|
Immigrants 2008 |
|
Immigrants
2009 |
|
Total |
% |
Total |
% |
Total |
% |
Europe |
247 112 |
36,1 % |
183 385 |
26,4 % |
134 956 |
28,7 % |
Union européenne |
222 261 |
32,5 % |
161 414 |
23,3 % |
118 586 |
25,2 % |
Reste de l'Europe |
24 851 |
3,6 % |
21 971 |
3,1 % |
16 370 |
3,4 % |
Afrique |
101 295 |
14,8 % |
104 186 |
15,0 % |
62 973 |
13,4 % |
Amériques |
198 091 |
29,0 % |
218 255 |
31,5 % |
117 362 |
25,0 % |
Asie |
31 725 |
4,6 % |
43 925 |
6,3 % |
29 431 |
6,2 % |
Océanie |
513 |
0,0 % |
509 |
0,0 % |
428 |
0,0 % |
Pays
inconnu |
103 975 |
15,2 % |
141 968 |
20,5 % |
124 192 |
26,4 % |
Total (INE) |
682 711 |
100,0 % |
692 228 |
100,0 % |
469 342 |
100,0 % |
|
D'après l'Instituto
Nacional de Estadística (INE), en 2009, la plupart des
immigrants étaient originaires de l'Union européenne (25,2 %) et de
l'Amérique (25 %), puis de «pays inconnus» (26,4 %) et de l'Afrique
(13,4 %).
De l'Europe, les ressortissants les plus nombreux viennent de
Roumanie, du Royaume-Uni, de la Bulgarie, de l'Allemagne, du
Portugal, de la France, de l'Italie, de la Pologne, de la Russie, de
l'Ukraine, des Pays-Bas, de la Belgique, de la Moldavie, de
l'Irlande, de la Lituanie, de la Norvège, etc. |
De l'Amérique latine: la Bolivie, l'Argentine, le Brésil, la
Colombie, le Pérou, l'Équateur, le Paraguay, le Venezuela, la République
Dominicaine, l'Uruguay et Cuba. De l'Amérique du Nord, ce sont les États-Unis et le Mexique.
Pour l'Afrique, il faut mentionner d'abord le Maroc, puis bien loin le
Sénégal, le Nigeria, le Mali, le Ghana, la Guinée équatoriale, la
Mauritanie, etc. En Asie, les ressortissants les plus nombreux sont
originaires de la Chine, du Pakistan, de l'Inde, du Bangladesh, etc.
- La distribution des immigrants en
Espagne
|
D'après l'Instituto
Nacional de Estadística (INE), les immigrants se distribuent
inégalement sur le territoire espagnol.
La Communauté autonome
qui reçoit le plus d'immigrants est sans contredit la Catalogne
avec 20,6 %
du total (voir la carte de gauche).
Les autres régions
importantes sont le Pays valencien, la Communauté de Murcie et les
îles Baléares. Entre 8 % et 12 %, suivent la
Communauté de
Madrid,
La Rioja, la Navarre
et les îles Canaries. Les régions qui attirent peu d'immigrants sont
la Galice, les Asturies, la Cantabrie, le Pays basque et
l'Estrémadure. Les villes qui reçoivent le plus d'immigrants, soit
entre 16 % et 20 %), sont Barcelone,
Valence, Madrid,
Valence,
Malaga,
Alicante,
Lleida,
Gerone,
Castellón,
Almeria (Andalousie),
Guadalajara et Palma
de Majorque.
On peut constater
aussi que les Roumains, les
Marocains et les
Portugais sont les ressortissants qui se répartissent davantage sur
l'ensemble du territoire espagnol.
Le
Pays basque et la Catalogne tentent des efforts afin d'intégrer les
immigrants en basque ou en catalan (selon le cas), mais les
résultats semblent jusqu'ici peu concluants. |
Le statut des langues en Espagne diffèrent juridiquement
selon les constitutions internes des Communautés autonomes et selon le lieu de
résidence. Le castillan est la langue espagnole officielle
de l'État («la lengua española
oficial del Estado»), mais trois
langues — le catalan, le galicien et le basque — bénéficient d'un statut
de co-officialité — terme inventé par l'Espagne :
cooficialidad ou
lenguas cooficiales — dans certaines Communautés autonomes, alors que d'autres
langues ne bénéficient que d'une protection fort limitée (aragonais et asturien). L'expression statutaire
utilisée pour désigner les langues co-officielles («lenguas cooficiales») autres que le castillan est
«langue
propre» («lengua propria» ou «lenguas proprias») ou encore en meilleur français
«langue distinctive», «langue particulière», «langue spécifique» ou «langue
singulière». En principe, il est reconnu au citoyen le droit d'utiliser la
langue «propre» ou distinctive et à ne pas subir de discrimination parce qu'il
aurait utilisé l'une ou l'autre langue, mais ce droit ne vaut que dans ses
relations avec un gouvernement autonome, non avec le gouvernement de l'État
espagnol.
4.1 Le castillan comme langue officielle
dans toute l'Espagne
Conformément à l'article 3 (trois paragraphes) de la
Constitution espagnole, le
catalan, le basque et le galicien sont reconnus comme langues co-officielles avec le
castillan dans les régions où ces langues sont parlées, mais le castillan
est la langue espagnole officielle de l'État :
Artículo 3
1) El castellano es la lengua
española oficial del Estado. Todos los españoles tienen el deber de
conocerla y el derecho a usarla.
2) Las demás lenguas españolas serán también oficiales en las
respectivas Comunidades Autónomas de acuerdo con sus Estatutos.
3) La riqueza de las distintas modalidades lingüísticas de España
es un patrimonio cultural que será objeto de especial respeto y protección. |
Article 3 1)
Le castillan est la langue espagnole
officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le connaître et le droit de
l'utiliser.
2) Les autres langues espagnoles sont également officielles dans les
différentes Communautés autonomes en accord avec leurs Statuts.
3)
La richesse des particularités linguistiques
distinctives de l'Espagne est
un patrimoine culturel qui doit faire l'objet d'une protection et d'un respect
particuliers.
|
Le paragraphe 1 de l'article 3 est très explicite et ne
laisse aucun doute: tous les Espagnols ont le devoir de connaître le
castillan. Une telle prescription constitutionnelle demeure
relativement rare dans les États contemporains. Ailleurs dans le monde, la langue officielle
devient graduellement obligatoire sans qu'il ne soit nécessaire d'en faire une
obligation constitutionnelle pour les individus. Par exemple, la réalité suffit
généralement pour contraindre les individus à adopter la langue officielle du
pays parce que c'est
la langue de l'école ou celle du monde du travail. En Espagne, connaître la
langue officielle de l'État est une obligation constitutionnelle.
En effet, selon la Constitution espagnole, aucun
Espagnol, même lorsqu'il est autorisé à utiliser une autre langue dans une
Communauté autonome, ne peut ignorer le castillan.
- La transition démocratique
La Constitution espagnole de 1978 a été adoptée dans un
contexte particulier, celui d'une période de transition vers un système
démocratique après une dictature qui avait duré quarante ans. Cette «transition
démocratique» a porté le nom en espagnol de "Transición democrática española".
D'un point de vue institutionnel, nous pouvons considérer que cette transition
s'est étendue de la mort du général Franco en 1975, jusqu'à la première
alternance politique en 1982, c'est-à-dire avec l'arrivée au pouvoir du Parti
socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista Obrero Español ou PSOE)
de Felipe González, président du gouvernement espagnol de 1982 à 1996.
Au moment de la rédaction du texte constitutionnel, la
plupart des des élites espagnoles et des politiciens avaient été formés par le
franquisme, une époque où l'autoritarisme politique avait atteint un haut degré.
Conséquemment, il s'était produit une homogénéisation culturelle de la part du
régime qui avait placé toute culture locale dans une position de faiblesse par
rapport à la culture nationale. Les acteurs politiques n'avaient développé
aucune culture démocratique, car personne n'en avait une expérience concrète,
non seulement de la démocratie, mais aussi des négociations politiques. De plus,
l'Espagne vivait encore sous la menace constante d'un coup d'État militaire,
lequel d'ailleurs eut lieu le 23 février 1981. Le refus du roi Juan
Carlos de soutenir le coup d'État l'a fait avorter dans la nuit.
Celui-ci avait été perpétré par des officiers de l'armée en prenant d'assaut le
Congrès des députés.
L'idéologie qui primait à cette époque parmi les décideurs
était de ne pas reconnaître un État espagnol multiculturel ou multilingue.
Néanmoins, il fallait bien trouver un modèle territorial permettant d'accommoder
la pluralisme national réclamé par la Catalogne et le Pays basque avec la vision
traditionnelle unitariste et unilingue de l'État espagnol, accentuée par des
décennies de dictature centralisatrice. C'est pourquoi la Constitution de 1978
ne reconnaissait aucunement le pluralisme national pour l'État espagnol. Elle
permettait seulement le pluralisme au niveau régional, comme en Catalogne et au
Pays basque, et non pas pour toute l'Espagne. Paradoxalement, elle diluait la
régionalisation catalane et basque en l'étendant uniformément à toutes les
régions de l'Espagne. La logique aurait été de n'accorder une autonomie qu'aux
groupes nationaux tels les Catalans, les Basques, les Galiciens, etc. Au final,
toutes les régions d'Espagne ont obtenu une autonomie politique, même celles qui
n'avaient rien demandé. L'Espagne s'est trouvée aux prises avec 17 communautés
autonomes, dont aucune n'est spécifiquement définie ni désignée dans la
Constitution: «L'État distribue son territoire entre les communes, les
provinces et les communautés autonomes qui se constituent. Toutes ces entités
jouissent de l'autonomie pour gérer leurs intérêts propres» (art. 137). Voici
l'article 143 qui traite formellement de la formation des communautés autonomes:
Article 143
1)
Dans l'exercice du droit à l'autonomie reconnu à l'article 2 de la
Constitution, les provinces limitrophes présentant des
caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes,
les territoires insulaires et les provinces constituant une entité
régionale historique pourront accéder à l'autogouvernement et se
constituer en communautés autonomes conformément aux dispositions du
présent titre et de leurs statuts respectifs.
2)
L'initiative du processus d'autonomie incombe à tous les conseils de
province intéressés ou à l'organe interinsulaire correspondant et
aux deux tiers des communes dont la population représente au moins
la majorité du corps électoral de chaque province ou île. Ces
conditions doivent être accomplies dans un délai de six mois après
le premier accord adopté à ce propos par l'une des collectivités
locales intéressées.
3)
L'initiative, en cas d'échec, ne pourra être reprise
qu'après un délai de cinq ans. |
Ce sont des tractations politiques qui en sont arrivées à
proposer la formation pour toute l'Espagne de 17 communautés autonomes, alors
qu'au départ cette autonomie n'était demandée que par les régions suivantes: la
Catalogne, le Pays basque, la Galice, l'Andalousie, la Navarre, le Pays
valencien et les îles Canaries. Ces ententes ont eu lieu en 1992 entre les
partis politiques : le Parti socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista
Obrero Español ou PSOE) et le Parti populaire (Partido Popular ou PP). Il fallut
adopter des «lois de transfert» et la réforme des statuts d'autonomie.
Aujourd'hui, la généralisation des autonomies est devenue
un handicap pour l'Espagne et suscite des frustrations dans les communautés
autonomes telles la Catalogne et le Pays basque. Toute demande de nouvelles
compétences de la part d'une communauté autonome, généralement la Catalogne et
le Pays basque, déclenche automatiquement une avalanche de procédures et de
critiques de la part des autres communautés qui finissent toutes par obtenir les
mêmes compétences, non sans avoir montré du doigt la Catalogne et le Pays
basque. À l'heure actuelle, la Communauté de Madrid bénéficie autant de
compétences que la Catalogne. Il faudrait aujourd'hui un véritable État fédéral
plutôt qu'une décentralisation régionale, alors que la culture du centralisme
espagnol est encore bien vivante.
- L'arrêt du Tribunal constitutionnel
de 1986
En Espagne, le Tribunal constitutionnel demeure la plus
haute instance judiciaire du pays. C'est l'instance suprême chargée de
veiller au respect de la Constitution de 1978. Le Tribunal est composé de douze
membres choisis parmi la magistrature.
Dans son
arrêt 82/1986
(Sentencia del
Tribunal Constitucional
82/198),
le Tribunal constitutionnel de l'Espagne a
reconnu que le castillan, comme «langue de l’État», est utilisable sur tout le
territoire espagnol. Le tribunal a aussi précisé ce qu'il entend par le mot
«État»: ce n'est pas seulement «l’ensemble des institutions générales et
centrales ainsi que leurs organismes périphériques», mais aussi
«l’ensemble des pouvoirs publics espagnols, les
autonomes et les locaux inclus». Autrement dit, les Communautés autonomes et les
organismes autonomes font aussi partie de l'État espagnol. C'est pourquoi
«le castillan est la langue officielle de tous
les pouvoirs publics et dans tout le territoire espagnol». Par le fait même,
puisque le castillan est officiel dans toute l’Espagne, il continue d’avoir les
effets juridiques liés à son caractère lorsqu’une autre langue bénéficie du
statut de co-officialité reconnu dans une communauté autonome.
Cette obligation concernant la connaissance d'une langue
(le castillan) ne s'applique pas au catalan, au basque, au galicien ou à toute
autre langue locale en Espagne. L'utilisation des
langues minoritaires en Espagne ne constitue pas une obligation, mais simplement un
droit.
Les langues ne sont donc pas officielles ou co-officielles au même degré: la langue officielle dans toute
l'Espagne demeure le castillan, ce qui lui assure une préséance certaine.
- La préséance du castillan
Il faut bien comprendre que, en termes de droits linguistiques, la Constitution
espagnole reconnaît deux catégories de citoyens et deux catégories de territoires.
Ainsi, la Constitution prévoit un État espagnol
unilingue
composé de territoires officiellement unilingues (les castillanophones) et de
territoires officiellement bilingues, c'est-à-dire les les Catalans et les
Valenciens, les Basques et les Navarrais bascophones, les Galiciens, ainsi que
les Aranais de la Catalogne.
L'État espagnol aurait pu choisir une autre option:
reconnaître constitutionnellement un État multilingue ou plurinational (l'Espagne) constitué
de territoires unilingues (Catalogne, Baléares, Pays valencien, Pays basque,
Galice, etc.). Mais ce n'est manifestement pas ce modèle qui a été
reconnu. Au contraire, la
reconnaissance des diverses langues de l'Espagne ne doit pas nuire à l'utilisation ou à
la présence de la langue officielle de l'État espagnol: le castillan. Bref,
le statut de co-officialité dans une Communauté autonome ne saurait remettre en
cause le statut privilégié du castillan. Nul au sein de l'État ne peut délaisser
le castillan au profit d'une autre langue, fusse-t-elle co-officielle! En
Espagne, le bilinguisme n'incombe pas au gouvernement central, mais aux
individus et aux Communautés autonomes. C'est un concept de bilinguisme tout à fait opposé, par exemple, à
celui du Canada, alors que le bilinguisme anglais-français incombe au
gouvernement fédéral, pas aux citoyens canadiens eux-mêmes. Cela étant dit, l'obligation
de connaître le castillan ne peut priver les citoyens espagnols, qui ne
comprennent pas ou ne parlent pas le castillan, du droit d’être assisté d'un
interprète. De plus, comme ce n'est pas un crime d'ignorer le castillan, aucun
citoyen n'ira en prison pour méconnaissance de la langue officielle de l'État
espagnol. Selon le Tribunal constitutionnel, la connaissance du castillan est
«présumée».
Sólo del castellano se establece constitucionalmente un deber
individualizado de conocimiento, y con él la presunción de que todos
los españoles lo conocen. (SSTC 82/86 y 84/86). |
Seul le castillan est reconnu constitutionnellement comme une
obligation individuelle de connaître, et avec lui la présomption que
tous les Espagnols le connaissent. (SSTC 82/86 et 84/86). |
L'obligation des Espagnols de connaître le castillan
laisse croire que cette connaissance existe forcément dans la réalité, mais il s'agit
d'une «présomption» ("presunción" en espagnol) ou d'une hypothèse qui peut être contredite lorsque, par
exemple, un accusé ou un détenu invoque son ignorance du castillan ou encore sa
mauvaise connaissance ; ce genre de situation est courante lors d'une
enquête policière ou devant un juge. Quoi qu'il en soit, quiconque est d'origine
espagnole (ou non) et affirme ignorer le castillan a le droit constitutionnel de
recourir aux services d'un interprète dans ses déclarations ou témoignages
devant la police ou le tribunal.
Bref, l'État
dans son ensemble, y compris les Communautés autonomes, a l'obligation
constitutionnelle d'assurer l'emploi et la connaissance du castillan comme
langue officielle dans la cadre d'une Communauté autonome, ce qui suppose que chacune des
langues co-officielles doit être utilisée par les pouvoirs publics et enseignée
dans les établissements d'enseignement. Cette obligation découle de l'article
3 de la Constitution espagnole. Selon le
Tribunal constitutionnel,
l'utilisation par les pouvoirs publics d’une seule des langues co-officielles
peut se faire indifféremment, mais uniquement si les droits linguistiques du
citoyen ne sont pas lésés. La seule obligation que la Constitution espagnole
impose, c'est la connaissance du castillan (espagnol) dans l'ensemble du
territoire nationale, alors que le statut des autres langues o-officielles
relève uniquement des communautés autonomes.
4.2 Les langues co-officielles locales
En Espagne, les langues bénéficiant du statut de
co-officialité — «lenguas cooficiales» ou
langues co-officielles — à côté du castillan ne sont que trois: le
catalan
en Catalogne, au Pays valencien (Communauté forale de Navarre, appelé
«valencien») et aux îles Baléares, le
galicien
en Galice et le basque au Pays basque et en
Navarre (zones bascophone et mixte). Des 17 Communautés autonomes, seuls la Catalogne, la
Communauté
valencienne,
les îles Baléares, la Galice, le Pays basque et la Navarre se distinguent
juridiquement au plan linguistique. La
législation prévoit par conséquent l'existence de deux langues officielles, dont
l'une seule est particulière à un territoire, ce qui donne à cette langue des
droits historiques particuliers. Autrement dit, la langue co-officielle locale
revêt une valeur identitaire.
- La
normalisation linguistique
Le problème en Espagne, c'est le le castillan a exercé depuis quelques siècles une forte
concurrence à ces langues particulières au point de les éclipser presque
totalement dans la vie publique C'est pourquoi les Catalans et les Basques, par
exemple, parlent de «normalisation» au sujet du catalan et du basque. En
Espagne, la «normalisation» ("normalización") revêt un sens différent du
français, car le mot signifie davantage que «rendre normal ce qui ne l'était
pas». Ainsi, la normalisation renvoie à un processus de standardisation,
comme ce fut le cas au XXe siècle pour le
finnois, le norvégien, l'hébreu, le hongrois, le tchèque, etc. Ces langues ont
connu une standardisation dans leur pays respectif, ce qui a eu pour effet de
les implanter officiellement parce qu'elles n'avaient été employées auparavant
dans des situations formelles de communication. En Espagne la
normalisation linguistique ("normalización
lingüística")
réfère au
rétablissement d'une situation dans son état antérieur, ce
qui signifie que l'on veut rendre aussi normal l'usage du catalan que celui du
castillan. La normalisation correspond en fait à un programme politique: il
s'agit de faire exercer par la «langue propre» les mêmes fonctions que celles
jusque là occupées par la langue officielle de l'État espagnol. Selon Louis-Jean
Calvet: «Les sociolinguistes catalans se situent dans un système de remplacement
d'un pouvoir par un autre.» Ce qui vaut pour le catalan (Catalogne, Valence et îles Baléares)
s'applique aussi au basque et au galicien.
De fait, le castillan, le basque et
le galicien ont déjà été de grandes langues de communication, mais elles ont été
reléguées à l'arrière-plan par la castillan. Aujourd'hui, la normalisation
a comme objectif de rendre à ces langues le rôle social normal perdu, ce qui
correspond à un processus de récupération et de valorisation ("proceso de
recuperación y dignificación") aux plans social, éducatif et politique. Dans les
faits, une politique de normalisation linguistique consiste à remplacer l'usage
exclusif du castillan par un bilinguisme concurrentiel au moyen de mesures
juridiques destinées à contrebalancer le poids inégal des langues.
- Le bilinguisme institutionnel
En Espagne, nul ne peut prétendre avoir le droit de
s’exprimer dans une langue co-officielle d’une Communauté autonome à l'extérieur
du territoire sous sa juridiction. De même, nul ne peut
se voir imposer l’enseignement de cette langue en dehors de ce territoire.
Autrement dit, un catalanophone de la Catalogne ne peut invoquer le caractère co-officiel
du catalan pour obtenir un service gouvernemental en Andalousie ou utiliser le
catalan dans un procès en Navarre. La langue co-officielle n'est valide qu'à
l'intérieur d'une Communauté autonome donnée. Il faut aussi comprendre que les
Communautés autonomes (Andalousie, Aragon, Asturies, Canaries, Cantabrie,
Vieille-Castille, etc.), qui ne possèdent pas de langue co-officielle,
n'ont nécessairement qu'une seule langue officielle par défaut : le castillan.
Les langues dotées du statut de co-officialité sont enseignées de
manière obligatoire dans les établissements d'enseignement et sont employées
légalement par les individus, ainsi que par l'Administration locale. Le
Tribunal constitutionnel espagnol a reconnu les dispositions de la Constitution
espagnole et
a précisé qu'«une langue est officielle, indépendamment de sa
réalité et de son poids comme phénomène social, lorsqu'elle est reconnue par
les pouvoirs publics comme un moyen normal de communication entre
eux et dans leurs relations avec les particuliers, et quand elle jouit d'une légalité et
d'effets juridiques complets» (JTC 82/1996).
Selon l'article 5 de la
Loi 5/2002 du 4 avril régularisant les Bulletins officiels des provinces ("Boletines Oficiales de las Provincias")
faisant partie d'une Communauté autonome doivent aussi employer et publier leurs
documents en castillan et dans la langue co-officielle:
Article 5
Langue des publications
Le Bulletin officiel de la province doit être publié en castillan et, le
cas échéant, dans la langue qui est co-officielle dans le territoire,
conformément aux dispositions prévues dans la législation particulière des
Communautés autonomes. |
Ajoutons aussi que l'obligation de connaître la langue co-officielle
locale ne s'impose qu'à l'Administration locale elle-même, pas à chacun des
fonctionnaires (STC 214/1989, 21 décembre 1989), ni à l'administration centrale
du gouvernement espagnol, ni aux ciotyens.
- Des restrictions au bilinguisme
Pour combler les postes de
fonctionnaires, les gouvernements autonomes sont autorisés à prévoir des examens
pour vérifier la connaissance de leur langue co-officielle, mais uniquement pour les postes
qui obligent l'employé à communiquer avec le public, sinon le castillan suffit.
Le Tribunal constitutionnel affirme qu'il n'est pas légal, par exemple, d'exiger
un niveau quelconque de connaissance du catalan (du basque ou du galicien), si ce n'est pas nécessaire. Si
la connaissance du catalan demeure sans relation aucune avec la fonction, elle
ne peut être exigée, car ce serait contraire au droit à l'égalité des chances
pour accéder à la fonction publique (STC 46/1991, 28 février 1991).
Enfin, en vertu de l'article
145 de la Constitution espagnole, les Communautés autonomes n'ont pas le droit de former
des fédérations.
Artículo 145.
1) En ningún caso se admitirá la
federación de Comunidades Autónomas.
2) Los Estatutos podrán prever los supuestos, requisitos y
términos en que las Comunidades Autónomas podrán celebrar convenios
entre sí para la gestión y prestación de servicios propios de las
mismas, así como el carácter y efectos de la correspondiente
comunicación a las Cortes Generales. En los demás supuestos, los
acuerdos de cooperación entre las Comunidades Autónomas necesitarán
la autorización de las Cortes Generales. |
Article 145
1) En aucun cas,
il ne sera admis la fédération de Communautés autonomes.
2) Les statuts peuvent prévoir les cas, les conditions et les
termes dans lesquels les Communautés autonomes peuvent conclure des
accords entre elles pour la gestion et la prestation des services
qui leur sont propres, ainsi que le caractère et les effets de la
communication correspondante aux Cortès Generales. Dans les autres
cas, les accords de coopération entre les Communautés autonomes
nécessitent l'autorisation des Cortès Generales. |
Comme il est énoncé au paragraphe 2, tout accord de coopération non prévu dans les statuts
d'autonomie doit exiger l'autorisation du Parlement espagnol ("Cortes
Generales"). Rappelons que
les langues co-officielles font l'objet d'un processus de normalisation et
bénéficient de mesures de protection législatives.
4.3 Les «langues propres»
(particulières)
En Espagne, on utilise l'expression
statutaire de langues propres («lenguas proprias») pour désigner
les langues particulières à un territoire, qu'elles soient co-officielles comme
le catalan en Catalogne ou non officielles comme le catalan en Aragon.
C'est un terme
particulier qui fut introduit en Espagne au début du XIXe
siècle. Le Dictionnaire
de l'Académie
royale espagnole (Diccionario
de la Real Academia Española), dans son entrée "Lengua mueta" («Langue
morte»), emploie cette expression dans son édition de 1803 en déclarant "no se
habla ya como lengua propia y natural de un país o nación", ce qui signifie «qui
ne se parle plus comme
langue
propre
et naturelle
dans un pays
ou une nation».
Cette expression fut
insérée pour la première fois dans un texte juridique du 25 mai 1933 concernant
le Estatuto de Régimen Interior de Cataluña (Statut du régime intérieur
de la Catalogne) : «La lengua propia de Cataluña es la catalana» (art. 3), ce
qui correspond à «la langue propre de la Catalogne est le catalan».
Cette expression a été ensuite utilisée en 1996 dans la
Déclaration universelle des droits linguistiques de Barcelone :
Artículo 1
1) Esta Declaración entiende como comunidad lingüística toda
sociedad humana que, asentada históricamente en un espacio
territorial determinado, reconocido o no, se autoidentifica como
pueblo y ha desarrollado una lengua común como medio de comunicación
natural y de cohesión cultural entre sus miembros. La
denominación
lengua propia
de
un territorio
hace referencia al idioma de la comunidad históricamente establecida
en este espacio. |
Article 1er
1) La présente
Déclaration entend par communauté linguistique toute société humaine
qui, installée historiquement dans un espace territorial déterminé,
reconnu ou non, s'identifie en tant que peuple et a développé une
langue commune comme moyen de communication naturel et de cohésion
culturelle entre ses membres. L'expression
langue propre
à un territoire
désigne l'idiome de la
communauté historiquement établie sur ce même territoire. |
Lors de l'adoption de la Déclaration de 1996, le
gouvernement espagnol et le Parlement (députés et sénateurs) ont adhéré de façon
unanime aux dispositions de la
Déclaration universelle des droits linguistiques, un texte qui qui reconnaît
que «l'appellation de la langue propre d'un territoire fait
référence à la langue de la communauté historiquement établie sur ce
territoire». Cette expression apparaît non seulement à l'article 1er
de ladite Déclaration, mais également aux articles 13, 18, 20, 21, 22, 29, 32,
45, 47, 50, 51 et 52, et toujours de la façon suivante: «langue propre au
territoire» (ou «à un territoire»). En français, une langue «propre» ne veut
rien dire si elle n'est pas associée à un territoire particulier. Affirmer, par
exemple, que l'aragonais est une langue «propre» est forcément ambigu en
français, à moins de mentionner qu'il s'agit d'une langue propre à un territoire
donné.
- Des langues nationales
En Espagne, l'expression "lenguas proprias" (en catalan: "llengua
propia") désigne les langues
historiquement implantées en Espagne et qui bénéficient, en principe, d'une
certaine protection. Celle-ci peut varier énormément d'une communauté autonome à
une autre. En Catalogne, la «langue propre», le catalan, est aussi une
«langue-co-officielle», mais en Aragon les deux «langues propres», l'aragonais
et le catalan, n'ont pas obtenu de statut, ni comme langues officielles ni comme
langues co-officielles; ce sont seulement des «langues propres». Plusieurs
communautés autonomes ont ensuite utilisé l'expression «langues propres»:
l'Aragon, la Galice, Valence, les îles Baléares, la Navarre, le Pays basque, les
Asturies et même la principauté d'Andorre. Dans d'autres pays, on dirait que les
langues non officielles, mais implantées historiquement sur le territoire
national, sont des «langues nationales» ou des «langues des minorités
nationales», voire des «langues vernaculaires», mais certainement pas des
«langues propres», une terminologie impropre et vide de sens juridiquement.
D'ailleurs, cette notion de «langues propres» n'existe qu'en Espagne. On peut se
demander également s'il existe des "lenguas impropias" («langues impropres») par
opposition à des
"lenguas proprias"
(«langues propres»). Dès lors, la «langue impropre» ne saurait être que le
castillan.
- Des langues minoritaires ou
patrimoniales
En Espagne, la notion de «langues
propres» est parfois remplacée par celle de «langues minoritaires»
(«lenguas minoritarias»). Cette dernière expression est utilisée
généralement pour désigner les langues qui ne font pas l'objet d'une politique
de normalisation, mais seulement d'une «politique d'encouragement» au moyen de
mesures de «préservation» ou de «conservation», sans intervention législative
coercitive à ce sujet. Tout au plus, ces langues font partie du «patrimoine
linguistique» et elles peuvent être enseignées à tous les niveaux
d'enseignement, mais sur une base strictement volontaire ou facultative. Bref,
ce statut de "lenguas proprias" correspond bel et bien en Espagne à des langues
«patrimoniales», sans plus. Par exemple, l'article 64 de la
Loi
12/2002 du 11 juillet sur le patrimoine culturel de la Castille-et-Léon
définit ainsi le patrimoine linguistique:
Article 64
Définition
Font partie du patrimoine linguistique de Castille-et-Léon les
divers parlers et différentes langues, variétés dialectales et modalités
linguistiques qui ont été utilisés traditionnellement dans le
territoire de la Communauté de Castille-et-Léon.
|
Font partie du patrimoine linguistique
les différentes langues ("diferentes lenguas"), les parlers ("hablas")
les variétés dialectales ("variedades dialectales")
et les «modalités linguistiques» ("modalidades lingüísticas"),
qui ont été utilisés traditionnellement dans le territoire de la
Communauté de Castille-et-Léon. Tous ces termes et ces expressions ne
signifient pas grand-chose au plan juridique.
4.4 Les «modalités linguistiques»
(variétés)
Les textes juridiques espagnols (Constitution, statuts
d'autonomie, lois, décrets, etc.) emploient aussi l'expression "modalidades lingüísticas",
souvent traduite en français par «modalités linguistiques», ce qui renvoie en
fait à des «variétés linguistiques» ou à
des «particularités linguistiques», une terminologie plus précise en français que «modalité»
lorsqu'on parle de langue. Ailleurs dans le monde, ce terme de «modalité» est
inexistant parce qu'il demeure sans fondement scientifique. C'est un terme
fourre-tout qui désigne des langues que l'on ne veut pas identifier. Cette
expression exclusivement espagnole est vague et volontairement imprécise, car
elle constitue une façon pratique de ne pas classer les langues ni les désigner
par des termes tels «dialectes» ou «patois», comme en France. Certains
observateurs parlent d'une bataille idéologique entre l'espagnolisme
("españolismo") et le particularisme ("particularismo").
En réalité, ce que les Espagnols appellent des "modalidades
lingüísticas", ce sont des variétés régionales du castillan ("variedades
territoriales del castellano"). Les parlers régionaux utilisés dans
l'aire castillane sont caractérisés par des
variations d'ordre phonétique, grammatical ou lexical, comme peuvent l'être, par
exemple, le castillan aragonais, le castillan andalou, le castillan murcien,
le navarro-aragonais, l'asturo-léonais, etc. Quant aux locuteurs de ces variétés linguistiques, ils cherchent à se
conformer au modèle prestigieux de la langue castillane standard considérée par
tous comme un idéal linguistique, surtout dans l'écriture.
4.5 Une terminologie hiérarchisée
En Espagne, on a coutume de recourir à plusieurs mots pour
distinguer les «langues» : langue («lengua»),
dialecte
(«dialecto»), idiome («idioma»)
ou
parler («habla»).
Terminologie |
Définition en espagnol |
Définition en français |
Sens étendu |
Lenguaje
(«langage»)
|
"Facultad humana para
comunicarse" |
Faculté
humaine de communiquer |
En usage par
tous les humains |
Lengua
(«langue»)
|
"Sistema determinado de signos
(código)" |
Système
déterminé de signes linguistiques (code) |
En usage par
la nation (peuple) |
Dialecto («dialecte»)
|
"Modalidades
regionales" |
Modalités ou
particularités régionales |
En usage
comme variété locale |
Habla
(«parler»)
|
"Empleo concreto de una lengua" |
Emploi
concret de la langue |
Usage
individuel |
Idioma
(«idiome»)
|
"Modo particular de hablar de algunos o en
algunas ocasiones." |
Manière
particulière de parler de la part d'une communauté donnée |
Usage propre
à une région |
Évidemment, ces différents termes ne sont pas
employés de façon neutre par la population, car le mot lengua
(«langue») est amplement valorisé par rapport à
dialecto «dialecte» ou à habla
(«parler»); les appellations sont hiérarchisées. Si le
castillan, le catalan, le basque et le galicien ont droit au statut de «langue»,
ce n'est pas le cas de l'asturien, de l'aragonais, de l'andalou, du murcien,
etc., considérés par une grande partie de la population espagnole comme des
dialectos ou des
hablas («parlers»). Depuis plusieurs décennies, certaines langues locales
ont subi une dévalorisation sociale qui a entraîné leur déclin.
C'est pourquoi
on désigne ces langues comme des «dialectes de l'espagnol», voire comme du «mauvais
espagnol» ou au mieux un «parler local» ou une «langue du village». Pourtant,
toutes ces langues ou parlers locaux proviennent du latin, comme c'est le cas du castillan,
du français ou l'italien. Le célèbre écrivain florentin Dante Alighieri (1265-1321)
considérait que tous les Espagnols (les «Yspani») parlaient la «langue d'oc».
On peut consulter aussi le texte «Les
domaines d’oc, si et oïl, selon Dante» de MM. J. Lafitte et G. Pépin,
en cliquant ICI, s.v.p.
Beaucoup
d'Espagnols, au demeurant bien intentionnés, croient que certaines minorités
excentriques sont menées par des «radicaux illuminés» et veulent réinventer des
«prétendues langues» (andalou, asturien, aragonais, canarien, murcien, etc.) pour faire valoir des
intérêts strictement politiques. Ces Espagnols très pro-castillans ne veulent rien
entendre à propos du statut de «langue» à ce qu'ils considèrent comme de «l'espagnol mal parlé»
("español mal hablado")
ou du «castillan vulgaire» ("castellano vulgar") ou des
«dialectes». On dira, par exemple, que l'andalou est un «castillan mal parlé» ("un castellano
mal hablado"). Ce que les pro-castillans appellent la manía particularista (la «manie particulariste»)
leur donne manifestement des crises d'urticaire! Mais cela se soigne, bien sûr.
Au pire, il faudra
attendre que ces «dinosaures» d'une autre époque, qui jusqu'ici ont empêché
toute
«promotion» de ces «vulgaires dialectes», ne puissent plus utiliser leur rapport de forces
au sein de leur société. Évidemment, ce genre de propos
est considéré par les pro-castillans comme une hérésie choquante, qui relève
de la folie furieuse, mais pour les défenseurs des langues en danger, généralement plus «nationalistes»
ou plus «particularistes», il s'agit d'une
évolution tout à fait normale, car ce sont là des «langues authentiques» ("lenguas auténticas").
4.6 Le point de vue des
linguistes
Il faut bien comprendre que la distinction entre «langue» et
«dialecte» relève davantage de considérations politiques et
sociales que de motifs linguistiques pour la simple raison qu'il n'existe pas,
d'un point de vue strictement linguistique, de différences réelles entre une
«langue» et un «dialecte». À l'origine, toutes les langues et tous les parlers
ibériques, sauf le basque, sont issus du latin, la langue mère. Au Moyen Âge,
ces langues diverses ont toutes
été égales au point de vue social, culturel et littéraire. Elles ont été
efficaces socialement comme véhicule de communication; elles ont servi de support
de transmission de la culture de leurs locuteurs; elles ont été utilisées pour
transcrire la littérature, les transactions commerciales, les contrats, etc.
Toutes sont des langues au sens strict de véhicule de communication, ce qui ne
signifie pas que toutes soient égales au point de vue social et culturel.
- Des facteurs politiques
En effet, au cours des siècles, les idiomes ibériques se sont différenciés
socialement et économiquement, et
ils ont presque tous été réduits au statut de «dialecte», celui d'une langue
socialement infériorisée. Au IXe
siècle, l'aire linguistique du castillan demeurait encore limitée autour de la
seule ville de Burgos; le castillan n'était pas plus important que, par exemple,
le galaïco-portugais,
l'asturo-léonais (ou asturien), le basque, le navarro-aragonais ou le catalan.
Durant tout le Moyen Âge, le castillan a subi la concurrence du catalan, mais
aussi de l'aragonais, du léonais, de l'asturien, du galaïco-portugais. Avec
l'union des royaumes d'Aragon et de Castille en 1469, s'amorça une longue
castillanisation qui s'accentua au fur et à mesure de l'expansion du royaume. Après la proclamation de la Constitution de 1978, le catalan, le basque
et le galicien se sont vu attribuer un statut de co-officialité; il sont
devenus des «langues co-officielles» avec le castillan.
Ce sont donc des événements non linguistiques qui ont transformé les
usages de tous ces idiomes. Au strict point de vue linguistique, les
caractéristiques d'une langue sont les mêmes que pour les dialectes: une
structure d'éléments fonctionnels et un système de relations entre des éléments
articulés. Le galicien et le portugais sont considérés comme deux langues
distinctes, alors qu'ils sont très semblables, mais ce sont aussi deux langues
officielles distinctes, l'une en Galice, l'autre au Portugal. Le catalan de la
Catalogne et le catalan de Valence portent deux noms distincts: le catalan et le
valencien. Politiquement, ce sont deux langues distinctes, mais linguistiquement
il s'agit de la même langue. Il en est ainsi du serbe en Serbie, du croate en
Croatie, du monténégrin au Monténégro et du bosniaque en Bosnie-Herzégovine.
- Considérations
linguistiques
Les linguistes espagnols utilisent aussi une
autre terminologie ou accordent un sens différent à des mots tels dialecto
ou habla. Reprenons d'abord le point de vue du José Mondéjar, l'un
des linguistes les plus prestigieux d'Espagne. Il a exposé ses théories dans
plusieurs revues espagnoles, notamment dans Dialectología andaluza. Estudios
(Granada). José Mondéjar distingue deux catégories: d'une part, les parlers ("hablas")
ou les modalités ou variétés régionales ("modalidades regionales"), d'autre part, les
dialectes ("dialectos").
Pour le linguiste José Mondéjar, les «parlers» et les «variétés
régionales» présentent des particularités phonétiques et éventuellement
lexicales, sans que ne soient affectées les structures morphosyntaxiques. Mais
les dialectes et variantes dialectales possèdent non seulement des différences
phonétiques et lexicales, mais également des traits morphosyntaxiques
particuliers. Compte tenu de ces considérations, José Mondéjar distingue
seulement deux
grands ensembles dialectaux dans la péninsule Ibérique: les
dialectes asturo-léonais (asturien, léonais,
mirandais, cantabre et estrémadurien) et les dialectes
aragonais (central, méridional, occidental et oriental). Voici un
extrait de ses propos:
Ni
las hablas del sur y del oeste de la Península, ni las
hablas de Canarias, ni el español de América pueden ni deben ser
consideradas como dialectos, sino simplemente como modalidades
regionales del español, modalidades con fuerte personalidad, eso sí,
pero no con la personalidad suficiente para alcanzar el rango de
dialecto, sobre todo porque las particularidades que presentan son
de orden casi exclusivamente fónico y no tienen, por tanto,
personalidad morfosintáctica, conditio sine qua non para que un
habla ostente la categoría de dialecto. |
[Ni
les parlers du sud et de l'ouest de la Péninsule, ni les parlers des
îles Canaries, ni l'espagnol de l'Amérique ne peuvent ni ne doivent
être considérés comme des dialectes, mais simplement comme des
variétés régionales de l'espagnol, variétés avec une forte
personnalité, cela oui, mais pas avec une personnalité suffisante
pour atteindre le statut de dialecte, surtout parce que les
particularités qui se présentent sont d'ordre presque exclusivement
phonétique et qu'elles n'ont pas par conséquent une personnalité morphosyntaxique,
condition sine qua non pour qu'un parler atteigne le statut de
dialecte.] |
Le linguiste Mondéjar distingue le sens familier de «dialecte», interprété comme
une «manière de parler» au sens technique; il insiste sur le
fait que, pour qu'une variété acquière le statut de «dialecte», il
est nécessaire que ne soient pas altérées les structures
phonologiques, morphosyntaxiques et lexico-sémantiques. Ainsi, l'andalou peut être considéré
comme un
«dialecte de l'espagnol», c'est-à-dire une façon particulière de prononcer
le castillan, mais techniquement il semble préférable d'utiliser
l'expression «parlers andalous», puisque dans ces derniers il ne
s'est pas produit de différenciations morphosyntaxiques.
Quoi qu'il
en soit, une langue, un dialecte ou un parler correspondent
tous à un système de communication articulé entre humains. Pour un linguiste, ces
termes sont synonymes ou possèdent un sens strictement historique. Ainsi, le castillan
est historiquement un dialecte du latin. Mais le castillan parlé à Madrid
diffère de celui parlé en Cantabrie; ce sont là deux «parlers» castillans,
puisque le «parler» correspond à l'usage particulier et individuel de la langue
par un locuteur. En Espagne, les divers termes pour parler des langues locales
sont souvent entachés de préjugés et de dévalorisations sociales au bénéfice du
castillan et, à un moindre degré, du catalan du fait qu'il a acquis un statut
d'officialité (ou de co-officialité) en Catalogne, au Pays valencien, aux îles
Baléares et dans la principauté d'Andorre.
Selon l'article 3 de la Constitution de l'Espagne (1978):
«Le castillan est la
langue espagnole officielle de l'État» que «tous les Espagnols ont le devoir de
connaître et le droit d'utiliser» (par. 1). La paragraphe 2 énonce: «Les autres langues espagnoles
seront également officielles dans les différentes Communautés autonomes et en accord
avec leur Statut.» Le paragraphe 3 stipule que «la richesse des
diverses modalités linguistiques d'Espagne est un patrimoine culturel qui doit être
l'objet d'une protection et d'un respect particuliers».
5.1 La langue de l'État
Le castillan est donc la seule langue reconnue par l'État espagnol pour l'ensemble du
pays. D'ailleurs, la présence et la reconnaissance des langues
co-officielles (non castillanes) sont pratiquement nulles sur le territoire
national. Cela signifie que seul le castillan est utilisé aux Cortès Generales
(Madrid) composés du Parlement (Congrès de députés et Sénat), dans
l'administration et les services, la justice, la signalisation routière,
l'affichage public, les médias, etc. Toutefois, de façon exceptionnelle, un
certain plurilinguisme est pratiqué au Sénat, et ce, après de longues
discussions politiques et de débats parlementaires houleux. Finalement, le 4 juillet 2005,
le Sénat a adopté la
Réforme du règlement du Sénat sur l'extension de
l'usage des langues co-officielles au Sénat (Reforma del Reglamento del Senado sobre la ampliación
del uso de las lenguas cooficiales en el Senado). On peut lire ces
trois articles :
Article 2
L'article 56-9 bis (nouveau) est ajouté avec le texte suivant: «Les
interventions qui se produisent lors des sessions de la Commission
générale des Communautés autonomes pourront être effectuées dans chacune
des langues qui, avec le castillan, ont le caractère d'officialité dans une certaine Communauté
autonome, en accord avec la
Constitution et le Statut d'autonomie correspondant. Dans le Journal des
sessions, les interventions seront entièrement reproduites dans la langue dans laquelle
elles ont été effectuées ainsi qu'en castillan.»
Article 3
Le paragraphe 2 (nouveau) est ajouté à l'article 191 avec le texte
suivant: «Si l'auteur d'une motion, d'une interpellation ou d'une demande
la
présente en castillan et dans une langue qui a le caractère d'officialité dans une certaine Communauté
autonome, en accord avec la
Constitution et le Statut d'autonomie correspondant, l'intervention sera en
outre publiée aussi dans cette langue.»
Disposition finale
La présente réforme entre en vigueur le 1er septembre 2005. |
Dans le Règlement du Sénat (Reglamento), on lit
aussi ce qui suit:
Artículo 11 bis
En su primera intervención ante el Pleno de la Cámara, el Presidente
podrá utilizar el castellano y las demás lenguas que tengan el
carácter de oficiales en alguna Comunidad Autónoma, de acuerdo con
la Constitución y el correspondiente Estatuto de Autonomía. En este
supuesto, el contenido de dicha intervención será idéntico en las
diferentes lenguas. |
Article 11 bis
Dans sa première allocution à la plénière de la Chambre, le
président peut utiliser le castillan et les autres langues ont un
statut officiel dans certaines communautés autonomes, conformément à
la Constitution et la loi pertinente de l'autonomie. Dans ce cas, le
contenu de l'intervention sera identique dans les différentes
langues. |
Le 19 janvier 2011, le Sénat a tenu sa première séance
plénière de l'année, une séance très spéciale, car, pour la première fois de son
histoire, les langues co-officielles du pays ont pu y être parlées. Soulignons
que le nouveau règlement du Sénat espagnol ne prévoit l'usage des langues co-officielles
qu'au cours du débat des motions et pour celles déposées suite à la formulation
d'interpellations, mais non au cours des séances de contrôle du gouvernement, ni
au cours du débat tenu sur les initiatives législatives. Le Sénat dispose de
sept traducteurs par séance de travail pour assurer la traduction simultanée en
espagnol des interventions des sénateurs. En pratique, deux interprètes sont
chargés du basque; trois, du catalan; deux, du galicien. Ces mêmes interprètes
devront traduire les interventions de chaque sénateur, dont le compte rendu
intégral sera ensuite publié dans le Journal officiel, dans la langue
d'intervention au Sénat.
Au Congrès des députés, le président de la Chambre a fini
par accepter en 2004 que les députés s'expriment dans une langue autre que le
castillan, à la condition qu'ils s'en tiennent à des interventions très brèves
et qu'ils les traduisent ensuite en castillan, sinon ils sont expulsés de
l'enceinte!
L'usage public d'une langue autre que le castillan n'existe
qu'avec le catalan, le galicien et le basque, c'est-à-dire dans les Communautés
autonomes de la Catalogne (catalan), du Pays valencien (catalan), des îles Baléares
(catalan), de la Galice (galicien), du Pays basque (basque) et de la Navarre
(basque). Le statut de co-officialité n'engage pas juridiquement l'État
espagnol, mais uniquement les administrations locales. Si l'on fait exception de
ces dernières, l'Espagne se présente donc comme un pays unilingue où la seule langue castillane a droit de
cité dans les différentes fonctions de la vie sociale, économique, culturelle,
politique, militaire, etc.
Les faits démontrent que l'Espagne a été marquée
par le centralisme et une «allergie» à la diversité. Ainsi, la Catalogne et le
Pays basque, doivent être des Communautés autonomes «comme les
autres». Dans ces conditions, il aurait été surprenant que le gouvernement espagnol
dirigé par Mariano Rajoy fasse la moindre concession à une communauté automne, telle
la Catalogne, qui demande
toujours plus de pouvoirs, mais l’Espagne pourrait
éventuellement élire
un parti plus ouvert à la dévolution des pouvoirs. Pour le moment, les chances
que Madrid se mette à l'écoute des Catalans ou des Basques sont proches du zéro. Il faut
plutôt s'attendre à un durcissement du gouvernement espagnol à l'égard des
dévolutions de pouvoirs.
Quoi qu'il en soit, le 1er
juin 2018, Mariano Rajoy, coulé par un scandale de corruption, a été renversé
par une motion de censure par le Parlement, après plus de six ans au pouvoir en
Espagne. Il a été remplacé par le socialiste
Pedro Sanchez. Un chapitre de
l'histoire politique espagnole s'est donc refermé à Madrid. Il reste à savoir
combien de temps M. Sanchez sera en mesure de gouverner avec une majorité qui
apparaît encore instable. Pour faire adopter n'importe quelle loi au Parlement,
il faudra au chef du gouvernement convaincre un grand nombre de partis aux
intérêts divergents et souvent opposés. Pedro Sanchez veut faire adopter des
mesures sociales et a promis de convoquer par la suite des élections générales.
En réalité, le seul programme exposé assez clairement semble être la stabilité
et la «normalisation» de la situation politique en Catalogne. Pour réussir à
faire adopter la motion de censure, les socialistes ont dû faire coalition avec
les indépendantistes catalans. Si Pedro Sanchez a déjà défendu le concept de
l’Espagne comme «une nation de nations», il a abandonné ce discours durant la
crise catalane ; il s'est même montré un fervent défenseur de la Constitution et
de l’unité de l’Espagne.
5.2 Les usages linguistiques dans les
institutions espagnoles
Bien que le castillan soit l'unique langue officielle de
l'État espagnol, il est possible de décrire les principaux usages
linguistiques pratiqués par l'Espagne. De façon générale, le chef de l'État
(le roi) s'adresse en castillan à l'ensemble des citoyens du pays. Cependant,
il utilise par principe le catalan lorsqu'il prend officiellement la parole en
Catalogne. Les assemblée parlementaires (Cortès Generales) ne font usage
que du castillan, l'emploi de toute autre langue étant interdit. Mais, depuis
1998, le Journal officiel (Diario Oficial) de l'État est publié
également en d'autres langues, une fois que la publication en castillan est
diffusée. De son côté, le gouvernement espagnol ne fonctionne qu'en
castillan.
Les tribunaux ne reconnaissent que le castillan, sauf dans
les Communautés autonomes qui disposent d'une autre langue co-officielle. La
Constitution espagnole de traite pas de la langue des tribunaux, mais l'article
24 de la Constitution espagnole énonce que personne ne peut être privé de défense. Lorsqu'un accusé ou un
témoin, d'origine espagnole ou étrangère, affirme ne pouvoir s'exprimer en
castillan, il a le droit de recourir aux services d'un interprète. L'article 24
ne traite pas de la langue, mais de la garantie d'obtenir la protection des
juges et des tribunaux dans l’exercice des droits individuels et des intérêts
légitimes, ce qui peut inclure le droit à la langue:
Article 24
1)
Toute personne a le droit d'obtenir la protection effective des
juges et des tribunaux dans l’exercice de ses droits et intérêts
légitimes, sans que, en aucun cas, elle ne puisse être privée de
défense.
2)
De la même manière, chacun a le droit de recourir à un juge
ordinaire déterminé par la loi, à la défense et à l’assistance d’un
avocat, d’être informé sur les accusations portée contre lui, à un
procès public, sans retard excessif et avec toutes les garanties, à
les moyens de preuve pertinents pour sa défense, à ne pas témoigner
contre lui-même, à ne
pas s'avouer coupable et à la présomption d'innocence.
La loi régit les cas
où, pour des motifs de parenté ou de secret professionnel, nul n'est
tenu de faire des déclarations sur des faits présumés criminels.
|
Pour sa part, le Tribunal constitutionnel n'emploie que le castillan et
n'accepte pas les procédures d'appel en catalan, ni d'ailleurs en aucune autre
langue co-officielle. Le Tribunal estime même que, pour être admissible ou
recevable devant la cour, les documents écrits dans la langue co-officielle
d'une Communauté autonome doivent être «traduits d'office». En général,
les tribunaux de l'État qui siègent sur le territoire d'une Communauté
autonome admettent les écrits en catalan s'ils sont accompagnés d'une
traduction, c'est-à-dire lorsqu'ils émanent des tribunaux où a été entamée
la procédure.
Cependant, l'article 231 de la
Loi organique sur le pouvoir judiciaire (LOPJ) énonce que, dans tous les
actes judiciaires, les juges, les procureurs, les greffiers et les autres
fonctionnaires de l’administration judiciaire doivent obligatoirement utiliser
le castillan, langue officielle de l’État:
Article 231
1) Dans toutes les procédures judiciaires, les juges,
magistrats, procureurs, secrétaires et autres fonctionnaires des cours et
des tribunaux utiliseront le castillan, langue officielle de l'État.
2) Les juges, magistrats, procureurs, secrétaires et
autres fonctionnaires des cours et des tribunaux pourront aussi utiliser
la langue officielle propre à la Communauté autonome si aucune des parties
ne s'y oppose en alléguant une méconnaissance de la langue susceptible de
produire un manque de défense.
3) Les parties, leurs représentants et ceux qui les
dirigent de même que les témoins et les experts pourront utiliser, tant
sous forme orale que sous forme écrite, la langue qui est aussi officielle
dans la Communauté autonome où ont lieu les procédures judiciaires.
4) Les procédures judiciaires effectuées et les
documents présentés dans la langue officielle d'une Communauté autonome
auront, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une traduction
castillane, pleine valeur et efficacité. On procédera d'office à leur
traduction quand devront s'ensuivre des effets à l'extérieur de la
juridiction des organismes judiciaires installés dans la Communauté autonome (sauf
si, dans ce dernier cas, il s'agit de Communautés autonomes dont la langue
officielle est la même), ou lorsqu'il y a ordre du juge ou encore à la
requête d'une partie qui allègue le manque de défense.
5) Dans les procédures orales, le juge ou la cour pourra
habiliter comme interprète quiconque connaît la langue utilisée, moyennant
son serment ou sa promesse.
|
Ce même article prévoit également que les juges, les
magistrats, les procureurs et les autres fonctionnaires des tribunaux peuvent
aussi utiliser les langues co-officielles particulières des communautés
autonomes. En réalité, les tribunaux espagnols devraient normalement disposer
d’un nombre suffisant de juges maîtrisant la langue régionale co-officielle afin
de garantir que la procédure puisse être menée de façon adéquate dans cette
langue. La priorité accordée à la langue co-officielle peut être justifiée par
la volonté de compenser le statut subordonné de cette langue par rapport à la
langue officielle, le castillan, de l’État. C'est pourquoi le recours à un
interprète et la traduction des documents ne sauraient constituer la procédure
normale de garantir le droit à utiliser la langue régionale co-officielle. Après
une trentaine d'années de régime de co-officialité des langues régionales, si
les organismes judiciaires ne sont pas toujours en mesure d'utiliser ces langues
sans interprète comme langue de la procédure, il y a manifestement un signe
important de dysfonctionnement du système. En ce cas,
l'Espagne devrait réformer la législation sur cette
question afin d'assurer que les procédures judiciaires se déroulent normalement
dans la langue régionale co-officielle.
5.3 L'Administration décentralisée
Dans un arrêt du 26 juin 1986, le Tribunal constitutionnel
ou Tribunal Constitucional (l'équivalent de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle dans d'autres
pays) a statué que «l'Administration périphérique»
(décentralisée) de l'État espagnol ainsi que tous les «tribunaux de justice»
dont l'action s'inscrit dans une Communauté autonome ayant un régime linguistique de
«co-officialité» sont obligés de respecter ce régime. Cela signifie que, dans
toutes les Communautés autonomes possédant plus d'une langue officielle, les citoyens
ont le droit reconnu constitutionnellement d'employer l'une ou l'autre langue avec les services décentralisés
de l'État espagnol, ainsi que dans toutes les cours de justice. Précisons que ce
«droit» n'est pas formellement encore reconnu dans la Constitution espagnole,
mais simplement imposé par la plus haute cour du pays.
Cest pourquoi lÉtat
espagnol a dû adopter la
Loi relative au régime juridique des
administrations publiques et de la procédure administrative commune (loi no 30 du
26 novembre 1992: Ley 30/1992, de 26 de noviembre, de Régimen Jurídico de las
Administraciones Públicas y del Procedimiento Administrativo Común). Selon
l’article 36, la langue utilisée par l’administration de l’État est le
castillan, mais dans les Communautés autonomes où il existe une autre langue
co-officielle, cette dernière est aussi reconnue.
LOI 30/1992 du 26 novembre relative au régime juridique des administrations publiques et de la procédure
administrative commune
Article 35
Droits des citoyens
Les citoyens, dans leurs relations avec les administrations publiques, ont
les droits suivants : [...]
d) utiliser les langues officielles dans le territoire de leur
Communauté autonome, en accord avec les dispositions prévues dans la
présente loi et dans le reste du régime juridique.
Article 36
Langue des procédures
(voir l'arrêt 50/1999)
1) La langue des procédures traitées par l'Administration générale
de l'État est le castillan. Nonobstant ce qui précède, les personnes
intéressées qui s'adressent aux organismes de l'Administration générale de
l'État ayant un bureau dans le territoire d'une Communauté autonome
pourront aussi utiliser la langue co-officielle avec l'Administration.
Dans ce cas, la procédure est traitée dans la langue choisie par la
personne intéressée. Si plusieurs personnes participent à la procédure et
qu'il existe une divergence quant à la langue employée, la procédure doit
se dérouler en castillan, bien que les documents ou les témoignages que
requièrent les intéressés soient envoyés dans la langue choisie par ces
derniers.
2) Dans les procédures traitées par les administrations des
Communautés autonomes et des organismes locaux, l'usage de la langue est
adaptée au dispositions prévues dans la législation autonome
correspondante.
3) L'Administration publique émettrice doit traduire en
castillan les documents, dossiers ou parties de ces derniers produisant
des effets hors du territoire de la Communauté autonome ainsi que les
documents adressés aux personnes intéressées qui les sollicitent ainsi
intentionnellement. Si ces documents devaient produire des effets sur le
territoire d'une Communauté autonome où cette même langue distincte du
castillan est co-officielle, sa traduction n'est pas nécessaire. (Article
rédigé selon la loi 4/1999 du 13 janvier). |
Dans une loi plus récente, les articles 13 et 15 de la
Loi 39/2015 du 1er octobre sur la procédure administrative commune des
administrations publiques (2015) autorisent l'emploi de la langue co-officielle
à certaines conditions:
Article
13
Droits
des personnes dans leurs relations avec les administrations publiques
Ceux
qui, conformément à l'article 3, ont la capacité d'agir devant les
administrations publiques, sont titulaires, dans leurs relations avec
elles, des droits suivants:
c)
Utiliser les langues officielles sur le territoire de sa communauté
autonome, conformément aux dispositions de la présente loi et du
reste du système juridique.
Article 15
Langue des procédures
1) La langue des
procédures traitées par
l'administration générale de
l'État est le castillan.
Toutefois, les parties
intéressées qui s'adressent aux
organismes de l'administration
générale de l'État basés sur le
territoire d'une communauté
autonome peuvent également
utiliser la langue qui est co-officielle.
Dans ce cas, la procédure doit
être traitée dans la langue
choisie par l'intéressé. Si
plusieurs personnes sont
intéressées par la procédure et
qu'il existe une divergence
quant à la langue, la procédure
doit être traitée en castillan,
bien que les documents ou les
témoignages requis par les
parties intéressées soient
obligatoirement émis dans la
langue de leur choix.
2) Dans les procédures
gérées par les administrations
des communautés autonomes et des
entités locales, l'utilisation
de la langue doit être conforme
aux dispositions de la
législation autonome
correspondante.
3) L'administration
publique doit traduire en
castillan les documents, les
dossiers ou des parties de
ceux-ci, qui doivent prendre
effet en dehors du territoire de
la communauté autonome, ainsi
que les documents adressés aux
intéressés qui en font
expressément la demande. S'ils
doivent avoir des effets sur le
territoire d'une communauté
autonome dans laquelle la langue
co-officielle est différente du
castillan, il n'est pas
nécessaire de les traduire.
|
Pour ce faire, on devra répondre dans la langue dans
laquelle s’est adressé le citoyen et fournir la documentation en conséquence. Le
principe qui prévaut est que les droits linguistiques des citoyens doivent
primer sur ceux des fonctionnaires des différentes administrations. D'ailleurs,
l'article 19 de la loi 30/1984 prescrit que les fonctionnaires tenus de
travailler dans les territoires où deux langues sont déclarées officielles
doivent posséder les compétences linguistiques nécessaires.
De façon générale, les pratiques de l'État espagnol sont
demeurées plus ou moins inchangées depuis trois décennies. Les convocations des candidats
aux postes offerts reprennent le libellé de cet article 19, mais n'incluent
aucune preuve obligatoire ni volontaire pour évaluer effectivement les
connaissances linguistiques des candidats qui aspirent à ces mêmes postes. Il reste
encore rare que les
fonctionnaires de l'État espagnol aient recours au bilinguisme. Par exemple en
Catalogne, jusqu'en 1998, moins de 10 % des postes exigeaient la
connaissance du catalan; même si ce taux a beaucoup augmenté, il est loin
d'atteindre les 100 % requis par la loi. C'est pourquoi toute personne
qui utilise une autre langue que le castillan au sein de l'Administration
centrale dans les territoires des Communautés autonomes se trouve nettement
désavantagée et discriminée.
Ce principe vaut aussi pour l'administration militaire et
les Forces armées espagnoles, bien que certains aménagements ont été acceptés.
Ainsi, l'Ordonnance 35/1987 du 17 juin du ministère
de la Défense visant la réglementation de l'usage des langues
des communautés autonomes dans l'administration militaire
prévoit qu'une langue co-officielle d'une Communauté autonome a «pleine validité
et pleine force» sur le territoire de cette communauté.
Article 2
Les écrits rédigés dans la langue officielle et propre à une Communauté autonome, qui sont
adressés à l'Administration
militaire, à des particuliers, à des sociétés publiques ou à des
institutions indépendantes appartenant à ces dernières ont pleine validité et pleine force. |
Mais il ne faut pas se méprendre, l'armée espagnole n'est
pas devenue polyglotte, il s'agit seulement des relations des Forces armées avec
le public dans une région autonome ayant une langue co-officielle.
Article 4
Dans le cas de relations verbales entre des particuliers et des
établissements ou dépendances de l'Administration militaire ayant un
siège dans une Communauté autonome qui a une langue propre, les
premiers doivent être servis, selon leur choix, en castillan ou dans la
langue de la Communauté. |
Selon l'article 5, le castillan demeure la langue des Forces armées en temps
normal:
Article 5
Dans tous les actes et relations de service au sein des Forces
armées, l'usage du castillan est toujours utilisé, quel que soit
le destinataire qui reçoit les ordres, les communications ou les
avis, et quelle que soit la Communauté autonome dans laquelle
ceux-ci sont donnés. |
Les principaux domaines administratifs qui dépendent directement
de l'État espagnol sont l'administration des impôts (sauf au Pays basque et en
Navarre), la sécurité sociale (mais non les services de santé) et la police
(sauf majoritairement au Pays basque, en Navarre et en Catalogne). Autrement
dit, les services destinés aux citoyens demeurent confinés à un petit nombre de
secteurs administratifs. Il en résulte que la plupart des administrations
publiques avec lesquelles les citoyens sont en contact quotidien relèvent des
Communautés autonomes, non de l'État. Dans les administrations centrales
«périphériques» ou décentralisées, il est rare que l'État assure des services
dans les langues co-officielles.
5.4 L'éducation
Ce sont les administrations des Communautés autonomes qui
sont responsables de l'éducation sur leur territoire. Cependant, l'État espagnol
a prévu certaines dispositions de base dans la
loi 1/1990 du 3 octobre relative
à l'éducation. D'après les articles 13 et 14 de cette loi, il apparaît
clairement que toutes les écoles primaires publiques doivent enseigner «la
langue castillane» et, selon le cas, «la langue officielle propre de la
Communauté autonome»:
Article 13
L'éducation primaire contribuera à développer chez les enfants les
capacités suivantes :
a) Utiliser de manière
appropriée la langue castillane et la langue officielle propre de la
Communauté autonome.
b) Comprendre et exprimer des messages simples dans une langue
étrangère.
Article 14
1) L'éducation primaire comprendra trois cycles
de deux cours académiques chacun et il sera organisé dans des unités qui
seront obligatoires et auront un caractère global et intégrateur.
2) Les unités de ce niveau éducatif seront les suivants :
a) La connaissance de
l'environnement naturel, social et culturel.
b) L'éducation artistique.
c) L'éducation physique.
d) La langue castillane, la langue officielle propre de la
Communauté autonome correspondante et la littérature.
e) Les langues étrangères.
|
Mais, en 2006, la
Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation
remplaçait ces dispositions par les suivantes au sujet des l'objectifs de
l'enseignement primaire:
Article 17
Objectifs de l'éducation primaire
L'éducation primaire
doit contribuer à développer chez les files et les garçons des
habiletés qui leur permettent :
e.
De connaître et d'utiliser de manière appropriée la langue castillane
et, s'il y a lieu, la langue co-officielle de la Communauté autonome et
de développer des habitudes de lecture.
f. D'acquérir dans au moins une langue étrangère la
compétence de base en communication, qui leur permette d'exprimer et de comprendre
des messages simples et de fonctionner dans des situations
quotidiennes.
|
D'après l'article 18 de la même loi, les domaines de cette étape
en éducation
sont les suivants :
La connaissance du milieu normal, social et culturel.
L'éducation artistique.
L'éducation physique.
Langue et
littérature castillanes et, s'il y a lieu, langue et littérature co-officielles.
Une langue étrangère.
Les mathématiques.
Dans les écoles secondaires, les mêmes dispositions sont en vigueur
(art. 19 de la
loi 1/1990 du 3 octobre):
Article 19
L'éducation secondaire obligatoire contribuera à développer chez les
élèves les capacités suivantes :
a) Comprendre et
s'exprimer correctement en castillan et dans la langue officielle propre
de la Communauté autonome, avec des textes et messages complexes, à
l'oral et à l'écrit.
b) Comprendre une langue étrangère et s'exprimer par cette langue
de manière appropriée.
|
Quant à l'article 23 sur l'enseignement secondaire, la
Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation,
il précise ainsi les objectifs de l'enseignement secondaire:
Article 23
Objectifs
L'éducation secondaire obligatoire doit contribuer à développer chez
les élèves les habiletés qui leur permettent :
h. De
comprendre et d'exprimer correctement, à l'oral et à l'écrit,
dans la langue castillane et, s'il y a lieu, dans la langue co-officielle
de la Communauté autonome, des textes et des messages complexes, et
débuter leurs connaissances par la lecture et l'étude de la
littérature.
i. De comprendre et
de s'exprimer dans une ou plusieurs langues étrangères
de manière appropriée.
|
L'article 24 de cette loi précise le contenu des
première, deuxième et troisième années :
Les sciences de la nature.
L'éducation physique.
Les sciences sociales, la géographie et l'histoire.
Langue et littérature castillanes et, s'il y a lieu, langue et
littérature co-officielles.
Une langue étrangère.
Les mathématiques.
L'éducation plastique et visuelle.
La musique.
Les technologies.
En outre, dans chacune des années, tous les élèves
doivent étudier les matières suivantes :
Les sciences de la nature.
L'éducation physique.
Les sciences sociales, la géographie et l'histoire.
Langue et littérature castillanes et, s'il y a lieu, langue et
littérature co-officielles.
Une langue étrangère.
Les mathématiques.
De même, dans l'ensemble des trois années, les
élèves peuvent suivre certaines matières facultatives. L'offre des
matières dans ce cadre facultatif doit comprendre une seconde langue
étrangère et une culture classique.
Pour ce qui est de la quatrième année (art. 25), les
élèves sont tenus de suivre les matières suivantes :
L'éducation physique.
L'éducation morale et civique.
Les sciences sociales, la géographie et l'histoire.
Langue et littérature castillanes et, s'il y a lieu, langue et
littérature co-officielles.
Les mathématiques.
Une première langue étrangère.
Outre ces matières énumérées, les élèves doivent
suivre trois matières parmi les suivantes :
La biologie et la géologie.
L'éducation plastique et visuelle.
La physique et la chimique.
L'informatique.
Le latin.
la musique.
Une seconde langue étrangère.
La technologie.
De plus, l'article 4 de la
Loi
1/1990 du 3 octobre sur la réglementation générale du système d'éducation précisait que les
contenus de base des enseignements minimaux ne doivent pas exiger plus de le 55
% de l'horaire scolaire pour les Communautés autonomes qui ont une langue
officielle différente du castillan, et de 65 % pour celles qui n'en ont pas:
Article 4
1) Conformément aux dispositions de la présente
loi, les programmes d'études comprennent l'ensemble des objectifs, des
contenus, des méthodes pédagogiques et des critères d'évaluation de chacun
des niveaux, étapes, cycles, degrés et modalités du système d'éducation,
qui régissent la pratique enseignante.
2)
Le gouvernement fixera, en rapport aux objectifs exprimés en termes de
capacités, de contenus et de critères d'évaluation des plans d'études, les
aspects de base de ceux qui constitueront les enseignements minimaux, afin
de garantir une formation commune à tous les élèves et la validité des
diplômes correspondants. Les contenus de base des enseignements minimaux
ne requerront dans aucun cas plus de le 55 % de l'horaire scolaire pour
les Communautés autonomes qui ont une langue officielle différente du
castillan, et de 65 % pour celles qui n'en ont pas.
|
L'article 6 de la
Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation
reprend les mêmes principes concernant la répartition de 55 % de l'horaire:
Article 6
Programme d'études
3)
Les contenus fondamentaux de l'enseignement minimal requièrent 55
% de l'horaire scolaire pour les Communautés autonomes qui
ont une langue co-officielle et 65 % pour celles qui n'en ont pas.
|
En Espagne, le droit à l'instruction ne garantit
pas aux enfants ou aux élèves, ni à leurs parents, le droit de choisir
la langue dans laquelle l'enseignement sera dispensé. Étant donné que
l'État espagnol n'est soumis qu'au droit des parents à «ce que leurs
enfants reçoivent la formation religieuse ou morale conformes à leurs
propres convictions», que la connaissance du castillan est obligatoire,
que le gouvernement autonome peut obliger l'enseignement de la langue co-officielle,
tous les citoyens résidant dans un territoire de co-officialité peuvent
éventuellement recevoir leur instruction dans les deux langues. Par
exemple, le Pays basque accorde la liberté de choix, mais la Catalogne
impose l'apprentissage du catalan et du castillan à tous (bilinguisme
intégral)
Cependant, lorsqu'une Communauté autonome applique un
bilinguisme intégral, elle a aussi l'obligation de prendre les mesures adéquates
pour éviter que des élèves venant d'une autre région soit victime de
discrimination parce qu'il n'a pu auparavant apprendre la langue co-officielle.
Ces élèves ont donc le droit de recevoir leur instruction dans une langue qui
leur permet de comprendre le contenu des matières enseignées. Dans ce cas, les
autorités locales sont tenues de prévoir des mesures flexibles afin de tenir
compte ces cas particuliers.
Il faut mentionner également l'enseignement au
niveau du baccalauréat. L'article 33 de la
Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation
précise également des objectifs similaires en ce qui concerne
l'enseignement des langues:
Article 33
Objectifs
Le baccalauréat doit contribuer à développer chez les élèves les
habiletés qui leur permettent :
e. De
maîtriser, tant dans on expression orale qu'écrite, la langue castillane et, le cas échéant, la langue co-officielle de sa Communauté
autonome.
f. De s'exprimer avec fluidité et
correctement dans une ou plusieurs
langues étrangères.
g. D'utiliser avec profit et responsabilité les technologies de
l'information et de la communication.
|
Enfin, l'article 34 traitent des matières communes du baccalauréat,
qui sont les suivantes :
Les sciences pour le monde contemporain.
L'éducation physique.
La philosophie et la citoyenneté.
Histoire de la philosophie.
Histoire de l'Espagne.
Langue
et littérature castillanes et, s'il y a lieu, langue et
littérature co-officielles.
Langue étrangère.
Dans les faits, le régime actuel a produit des
résultats différents. Ainsi, dans certaines Communautés autonomes,
la transformation du système d'éducation a été adéquat au point de
renverser la tendance à la castillanisation, comme c'est le cas en
Catalogne, au Pays basque et en Navarre dans les zones bascophones.
Cependant, le système demeure déficient dans la Communauté
valencienne, aux îles Baléares et en Galice. Dans ces trois
Communautés, la langue co-officielle (catalan ou galicien) a été
intégrée au système d'éducation, mais l’enseignement obligatoire n’y
est pas encore entièrement dispensé dans la langue régionale. Bien
que la Communauté valencienne, les îles Baléares et la Galice aient
opté pour un système de bilinguisme généralisé dans le cadre de la
scolarité obligatoire, l'enseignement de la langue co-officielle
n'est pas garanti à tous les niveaux de la scolarité.
5.5 Les droits fondamentaux
Par
ailleurs, la Constitution espagnole a prévu des «délits» commis à
l’occasion de l’exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux garantis par la Constitution. Ceux-ci sont liés indirectement à la
non-discrimination en matière ethnique. Voici comment est libellé l'article 14
de la Constitution:
Artículo 14
Los españoles son iguales
ante la ley, sin que pueda prevalecer discriminación alguna por razón de
nacimiento, raza, sexo, religión, opinión o cualquier otra condición o
circunstancia personal o social. |
Article
14
Les Espagnols sont égaux devant la
loi, sans qu’il puisse prévaloir de
discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de
religion, d’opinion ou tout autre condition ou circonstance
personnelle ou sociale.
|
Il
en est ainsi des articles 510, 511- 512 et 515 de la
Loi organique no 10
du 23 novembre 1995 :
Loi organique 10/1995 du 23 novembre relative au Code pénal
Article 510
1) Ceux qui
susciteront la discrimination, la haine ou la violence contre des
groupes ou des associations, pour des raisons racistes, antisémites ou
autres ayant trait à l’idéologie, la religion ou les croyances, la
situation familiale, l’appartenance de leurs membres à une ethnie ou
race, leur pays d’origine, leur sexe ou orientation sexuelle, une
maladie ou handicap, seront passibles d'une peine de prison de un à trois ans ou
d'une amende de six à douze mois de salaire.
2) Seront passibles de la même peine, ceux qui, en connaissance de leurs faussetés ou au mépris de la vérité, diffusent des informations injurieuses sur des groupes ou associations, concernant leur idéologie, religion ou croyances, l’appartenance de leurs membres à une ethnie ou race, leur pays d’origine, leur sexe ou orientation sexuelle, leur maladie ou handicap.
Article 511
1) La personne responsable d’un service public qui nierait à une personne une prestation à laquelle elle a droit, en raison de son idéologie, religion, croyances, son appartenance à une ethnie ou race, son pays d’origine, son sexe ou orientation sexuelle, sa situation familiale, une maladie ou handicap, sera passible d’une peine de prison de six mois à deux ans et d’une amende de douze à vingt-quatre mois de salaire et l’interdiction spéciale d’assumer des emplois ou fonctions publics pour une durée de un à trois ans.
2) Les mêmes peines seront applicables lorsque les faits seront commis contre une association, fondation, société, corporation ou contre leurs membres, pour des raisons d’idéologie,
de religion ou de croyances, la propriété de leurs membres ou de
certains d'entre eux, l’appartenance de leurs membres ou l’un d'entre à une ethnie
ou une race,
son origine nationale, son sexe, son
orientation sexuelle, sa
situation familiale, sa maladie ou son handicap.
[...]
Article 512
Ceux qui, dans l’exercice de leurs activités professionnelles nieraient à une personne une prestation à laquelle elle a droit, en raison de son idéologie, religion ou croyances, son appartenance à une ethnie, race ou nation,
[...] seront passibles d’une peine d’interdiction spéciale de pratiquer une profession,
un métier, un industrie ou un commerce, pour une période de un à quatre ans.
Article 515
Sont passibles d'une condamnation les associations illicites, étant considérées comme telles :
[...]
5º Celles qui suscitent la discrimination, la haine ou la violence contre des personnes, des groupes ou des associations, en raison de leur idéologie, religion ou croyances, l’appartenance de leurs membres ou de l’un de ceux-ci à une ethnie,
une race ou une origine nationale, leur sexe ou orientation sexuelle, leur situation familiale,
leur maladie ou leur handicap, ou incitent à cela.
|
Les droits fondamentaux sont certes nécessaires dans un
État démocratique, mais il est parfois plus difficile de les faire appliquer
à la lettre.
Après de longs conflits judiciaires, l'État espagnol a dû finir par reconnaître la possibilité
d'utiliser le castillan et l'une des langues co-officielles dans
certaines Communautés autonomes. L'un des exemples les plus pertinents concerne
la loi 28 du 26 décembre 2005:
Ley 28/2005, de 26 de diciembre, de medidas sanitarias frente al tabaquismo y
reguladora de la venta, el suministro, el consumo y la publicidad de los
productos del tabaco. En français: Loi relative aux mesures sanitaires
concernant le tabagisme et à la réglementation de la vente, l'approvisionnement,
la consommation et la publicité des produits du tabac. L'article 7 de cette
loi énumère une liste considérable d'établissements où il est interdit de fumer
dans toute l'Espagne : les lieux de travail, les administrations et organismes
de droit public, les établissements de santé, les établissements d'enseignement,
les centres commerciaux, les bars, restaurants, établissements d'hôtellerie,
salles de spectacles, installations sportives, ascenseurs, véhicules de
transport terrestres (incluant les taxis et les ambulances), maritimes et
ferroviaires, les stations-service, etc. Il reste un certain nombre d'endroits
où il est permis de fumer. Mais le paragraphe 3 de l'article 3 de la
loi 28/2005 précise que les établissements sans lesquels on vend des produits du tabac
doivent apposer des affiches, à la fois en
castillan et dans les langues co-officielles des Communautés autonomes
concernées, afin d'informer le public de l'interdiction (ou de l'autorisation)
de fumer ou de vendre du tabac aux mineurs et de signaler les dommages éventuels
pour la santé:
Article 3
Vente et approvisionnement des produits du tabac
3) Dans tous les établissements dans lesquels
la vente et l'approvisionnement des produits du tabac sont autorisés, des
affiches doivent être installées dans un lieu visible qui, conformément
aux caractéristiques précisant les règles des Communautés autonomes dans leur cadre territorial respectif, informent
en
castillan et dans les langues co-officielles de l'interdiction de la vente de
tabac aux mineurs moins de dix-huit ans et signalent les dommages pour la
santé des produits dérivés de l'usage du tabac. Dans ces établissements, il
doit être
exigé de la part de tous les clients, à moins qu'il ne soit évident qu'ils
sont plus âgés, de prouver leur âge au moyen d'un document dont la
validité est
officielle.
|
En somme, ce genre de disposition sur le bilinguisme de la
part de l'État central risque de devenir de plus en plus fréquent à l'avenir.
Le cinéma fait parler de lui en Espagne pour plusieurs
raisons. L’Espagne souffre des politiques d’austérité, qui se font sentir dans
toute l'industrie du cinéma. D'abord, depuis plusieurs années, le monde du
cinéma est sur le pied de guerre en Catalogne... pour des motifs à la fois
linguistiques et économiques. En effet, les autorités de Barcelone tentent
depuis au moins depuis 1998 de promouvoir le catalan dans les salles de cinéma,
mais la législation espagnole fait autorité sur la législation catalane.
De plus, le cinéma traverse une crise importante dans le
pays tout entier. Les Espagnols préfèrent dorénavant louer des films plutôt que
de fréquenter les salles de cinéma. Les chaînes de télévision, surtout
publiques, ne soutiennent plus le cinéma espagnol et encore moins le cinéma
d’auteur. Par ailleurs, le cinéma vit une grave crise liée à
l'augmentation de la piraterie, ce qui a fait chuter la fréquentation des salles
de 32 % depuis 2004. Par exemple, entre le 1er
janvier et le 31 décembre 2012, les cinémas espagnols ont enregistré près de
quatre millions d'entrées en moins, lesquelles s'ajoutent aux 40 millions de
spectateurs qui ont délaissé les salles de cinéma entre 2004 et 2011; cette
chute libre semble se poursuivre. Aucun film depuis 2010 n'a dépassé les 25
millions d'euros de recettes. Comme si ce n'était pas suffisant, le gouvernement
a décidé de faire passer la TVA sur la place du cinéma de 8 % à 21%, afin de
réduire les déficits et d'augmenter les recettes.
|
Pour sa part, l'Institut du cinéma et des arts audiovisuels ("Instituto
de Cinematografía y de las Artes Audiovisuales" ou ICAA), qui relève du
ministère de la Culture, élabore les politiques de soutien à la
planification de l'industrie concernant la production cinématographique
et audiovisuelle en Espagne. Les principales fonctions de l'ICAA sont de
promouvoir le cinéma espagnol et les activités audiovisuelles dans ses
trois aspects de production, de distribution et d'exploitation; de
préserver et de diffuser le patrimoine cinématographique espagnol; de
promouvoir la communication culturelle entre les régions en termes de
film d'arts et de médias. |
Depuis 1994, le gouvernement espagnol a fait adopter
plusieurs lois pour tenter de reprendre en main l'industrie du cinéma espagnol.
Ainsi, la
Loi
17/1994 du 8 juin sur la protection et le développement du
cinéma a été abrogée par la
Loi 15/2001 du 9 juillet sur le développement et la promotion du cinéma et de
l'audiovisuel; cette même loi fut abrogée à son tour par la
Loi 55/2007 du 28 décembre sur le cinéma. En vertu de la
loi 55/2007, les langues officielles espagnoles (castillan, catalan,
galicien et basque) bénéficieront d'un fond spécifique pour le cinéma, somme qui
sera apportée par le budget de l'État ainsi que par chaque communauté autonome
pour sa propre langue.
Article
5
Nationalité des œuvres cinématographiques et
audiovisuelles
1) Détiennent la nationalité espagnole les œuvres
réalisées par une entreprise de production espagnole ou d'un autre
État membre de l'Union européenne établi en Espagne, auquel un
certificat de nationalité espagnole est émis par une autorité
compétente, après avoir été reconnu pour répondre aux conditions
suivantes :
d) Que l' œuvre
cinématographique ou audiovisuelle soit réalisée de préférence
dans sa
version originale dans l'une des langues officielles
de l'État espagnol.
|
L'aspect le plus controversé de la loi prévoit que, pour être admissible à des
subventions, une production cinématographique doit être «espagnole»,
c'est-à-dire que la distribution doit être à 75 % espagnole ou provenir d'un
autre État membre de l'Union européenne, indépendamment de la nationalité du
réalisateur. L'article 24 de la
Loi 55/2007 du 28 décembre sur le cinéma précise les critères généraux dans
l'octroi des subventions, dont l'emploi, dans sa version originale, de l'une des
langues officielles espagnoles (castillan, catalan, galicien ou basque).
Article 24
Critères
généraux
1) Dans l'octroi des subventions à la production et
indépendamment du fait qu'elles fassent partie des coûts de
production des films dans d'autres pays, conformément aux accords de
coproduction et des directives d'application, pour être admissible à
la totalité des subventions, les films
qui ne sont pas réalisés en coproduction hispano-étrangère doivent
répondre aux exigences suivantes selon les conditions fixées par la
réglementation :
a) Employer,
dans sa version
originale, l'une des langues officielles espagnoles.
b) Utiliser dans ses tournages le territoire espagnol de façon
prédominante.
c) Réaliser la post-production en studio et les travaux de
laboratoire principalement sur le territoire espagnol.
Cette exigence sera également nécessaire dans les processus de
production des œuvres d'animation.
|
L'article 6 du
Décret royal 2062/2008 du 12 décembre sur l'application de la loi 55/2007 du
28 décembre sur le cinéma privilégie les œuvres dont les dialogues sont
en castillan ou dans
l'une des autres langues co-officielles dans les
Communautés autonomes:
Article 6
Procédure de qualification pour l'Institut
du cinéma et des arts audiovisuels (ICAA)
1) La qualification doit être sollicitée par l'entreprise
de producteur ou de distribution du film ou d'une autre œuvre
audiovisuelle en écrivant à l'ICAA dans un document devant être
accompagné :
a) Lorsque la demande est sollicitée par
l'entreprise, la production et ou la distribution du film ou
d'une autre
œuvre
audiovisuelle, ou une déclaration doit être rédigée dans un
document public qui prouve suffisamment son statut
d'entreprise de distribution.
Si
la
langue originale de ces documents n'est pas le castillan ou
l'une des autres langues co-officielles
dans les Communautés autonomes, ils doivent
être présentés et
également traduits en castillan.
d) Si
la
langue originale n'est pas le castillan ou l'une des autres
langues co-officielles dans les Communautés
autonomes, le texte intégral des dialogues doit être traduit en
castillan.
|
La législation espagnole ne mentionne jamais quelles
sont les langues co-officielles dans les Communautés autonomes,
mais nous savons qu'il s'agit du catalan, du galicien et du basque.
Toutefois, l'industrie cinématographique en Espagne fonctionne presque
exclusivement en espagnol, bien que ces dernières années certains films
ont été tournés en catalan, en galicien ou en basque. En raison d'un
manque de coordination entre les différents paliers de gouvernements,
que ce soit avec le gouvernement central ou entre les gouvernements
régionaux, l'immense majorité des films projetés dans les salles de
cinéma sont présentés en castillan. Les films doublés ou sous-titrés
dans les langues co-officielles sont généralement présentés dans les
stations des télévisions locales, rarement dans les salles de cinéma.
Les intentions inspirant les lois linguistiques destinées à promouvoir les langues
locales d'Espagne ne se transposent pas nécessairement dans les faits, notamment dans le
cas du basque et du galicien, sans compter le catalan du Pays valencien et des Baléares.
Le caractère incitatif des lois locales ne réussit pas vraiment à faire progresser la
cause du basque, du galicien et du catalan. Par contre, les chances sont meilleures pour
le catalan en Catalogne qui peut compter sur une population relativement importante dont
le statut économique est le plus élevé d'Espagne.
8.1 Les résultats positifs
Il faut reconnaître que l'effort consenti
par l'Espagne pour faire coexister la langue officielle et les «langues propres»
ou particulières ou co-officielles demeure l'une des tentatives les plus ambitieuses du monde contemporain
occidental, compte tenu de
l'importance de la population concernée (près de 16 millions de personnes dans les
Communautés autonomes) et de la relative harmonie entre les groupes
linguistiques, si l'on fait exception du Pays basque.
La Constitution de 1978 a été bénéfique pour
tourner la page sur une dictature de quarante ans et sur quelques-uns des
aspects les plus rétrogrades de la culture politique espagnole, surtout si l'on
tient compte que cette réforme a été entreprise par une élite imbibée du
franquisme. Ainsi, l'Espagne a pu se moderniser et intégrer sans problème
l'Union européenne.
Ajoutons que l'Espagne a, le 5 novembre 1992, signé la
Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires,
puis l'a ratifiée le 9 avril 2001. Rappelons que la Charte veut favoriser l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans
la vie publique, notamment l'enseignement, la justice, les services
administratifs et les services publics, les médias, les activités et équipements
culturels, la vie économique et sociale et les échanges transfrontaliers.
L'entrée en vigueur de la Charte était prévue pour le 1er août 2001.
On peut consulter le texte intégral de la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires.
8.2 Les inévitables lacunes
Malheureusement, il y a toujours des lacunes dans une
politique linguistique. L'un des problèmes naît du fait que les politiques linguistiques institutionnelles
favorisant le catalan ne sont pas identiques dans les Communautés autonomes de la
Catalogne, du Pays valencien et des Baléares; les préoccupations et les intérêts de
chacune peuvent diverger. De plus, la Constitution espagnole interdit à peu près toute
collaboration visant une politique linguistique commune. Pourtant, les dispositions
constitutionnelles sont les mêmes pour toutes les Communautés autonomes. Mais les
statuts d'autonomie imposent formellement le maintien d'une politique linguistique de
bilinguisme obligatoire et les langues co-officielles ne doivent pas nuire à la
présence du castillan, seule langue officielle de l'État espagnol.
En ce sens,
l'expression bien connue et très fréquente en Espagne de
«au
moins en castillan» («al menos en castellano» ou encore
«au moins en castillan, langue espagnole officielle de
l'État» («al menos
en castellano, lengua española oficial del Estado») semble en contradiction
avec un système voulant que deux langues soient officielles. Ou une langue est
officielle ou elle ne l'est pas! Dans l'état actuel des choses, les langues
officielles ne le sont pas au même degré, puisque le castillan l'est plus que
les autres! En principe, s'il existe un droit d'usage des langues officielles («lenguas oficiales»),
ce droit devrait valoir pour toutes les langues officielles et non seulement
d'abord pour le castillan, mais ensuite pour les autres. Sinon on en arrive à des
droits linguistiques qui varient en fonction de la langue officielle utilisée,
ce qui est forcément discriminatoire pour les usagers.
De plus, les langues
régionales n'ayant pas toute la même résistance ni la même force, les résultats sont
forcément différents. Le bilinguisme régional semble l'une des faiblesses du système
espagnol où l'égalité est asymétrique à l'avantage du castillan.
Les «langues propres» («lenguas propias») ou particulières des Communautés autonomes demeurent encore dans une
situation précaire exception faite de la Catalogne et plusieurs réclament
des politiques linguistiques plus énergiques pour faire cesser ou réduire l'unilinguisme
castillan de l'État central.
Il est vrai que la Constitution espagnole de 1978 comporte certaines lacunes graves. Le
fait que l'État espagnol n'ait consenti aucune reconnaissance juridique aux «autres
langues espagnoles» telles que le catalan, galicien ou le basque, au sein de ses
institutions et organes centraux ou nationaux représente un véritable
handicap pour ces langues. Il leur est difficile d'être sur un pied d'égalité par
rapport au castillan, alors que les Statuts d'autonomie (pourtant adoptés par Madrid)
reconnaissent formellement ce principe d'égalité entre les «langues propres»
aux Communautés autonomes et le castillan. Pour de nombreux citoyens, l'unilinguisme
castillan de l'État espagnol doit cesser, du moins dans les territoires des
Communautés autonomes qui ont une langue co-officielle.
On se serait attendu aussi que la Constitution désigne formellement les
minorités linguistiques du pays et s'engage à les protéger juridiquement au même
titre que les Communautés autonomes. Bref, la
Constitution de 1978 n'est pas un bon accord pour accommoder une démocratie
multiculturelle et multilingue. L'Espagne centrale est un État qui ne
reconnaît pas ses minorités nationales, ce qui paraît un non-sens dans l'Union
européenne d'aujourd'hui. L'opinion publique, les partis politiques nationaux et les médias
rejettent encore massivement le concept d'un État espagnol multiculturel et
multilingue. En vertu de cette conception majoritaire dans le pays, la Catalogne,
pour ne prendre que ce seule exemple, doit être
une communauté autonome «comme les autres» et ne bénéficier d'aucun privilège en
raison de sa langue co-officielle. Toute demande de nouvelles compétences doit
être refusée, sauf si toutes les communautés autonomes les obtiennent (grâce à
la Catalogne).
De plus, le fait que les «régions historiques» (Catalogne,
Pays basque, Pays
valencien,
etc.) ne coïncident pas avec les frontières linguistiques est une source continuelle de
conflits. Bascophones (au Pays basque et en Navarre) et catalanophones (en Catalogne, aux
Baléares et au Pays valencien) sont encore divisés par des frontières politiques
anachroniques qui proviennent de l'organisation médiévale de l'Espagne. Le débat qui
touche la Constitution de 1978 ne fait que commencer en Espagne; il faudra sans doute
s'attendre à des réformes importantes à ce sujet dans les années à venir. On parle
déjà d'État fédéral et d'État plurinational... Les enjeux et les tensions sont donc
indéniables.
8.3 Les voies de solution
Afin de remédier aux lacunes
de sa constitution, l'Espagne devra se redéfinir en profondeur. Il lui faudra
concilier la structure de l'État avec des autonomies convenables en tenant
compte des réalités nationales spécifiques liées à certaines langues
minoritaires. De par sa constitution de 1978, l'Espagne a créé une structure étrange qu'on pourrait appeler
un «État décentralisé très unitaire», ce qui n'a pas permis de résoudre les
disparités culturelles et linguistiques. Outre le statu quo, les
scénarios qui se présentent aux Espagnols sont les suivants:
- Une fédéralisation uninationale
Sur la base du fédéralisme classique, c'est-à-dire une
décentralisation complète, les communautés autonomes obtiendraient plus de
compétences dans tous les domaines, y compris en matière de justice, tandis
que l'État central demeurerait toujours unilingue, avec peu de pouvoirs. Il
n'y aurait pas de «minorités nationales», mais uniquement des «minorités
régionales» protégées obligatoirement par leur communauté respective.
- Une fédéralisation plurinationale
Dans ce cas, l'État espagnol devrait reconnaître son
caractère plurinational avec des gouvernements autonomes distincts pour les
communautés abritant des minorités nationales. L'État central reconnaîtrait
lui-même ces minorités en les protégeant au besoin contre les décisions
injustifiées des majorités locales.
- Une confédération de type suisse
Dans ce scénario, les communautés autonomes seraient des États souverains
qui concluraient des ententes confédérales sur certaines questions communes
telles la défense, les passeports, la politique extérieure, la protection
des minorités, etc.
- La sécession
C'est le niveau d'autonomie politique complète et totale, c'est-à-dire le
rupture avec l'État espagnol.
Cependant, dans l'état actuel des choses, l'absence totale de culture
politique fédérale et surtout l'absence de culture politique plurinationale
rendent improbable toute réalisation des scénarios fondés sur une fédéralisation
d'ouverture à l'endroit des minorités nationales. Il ne resterait que le
statu quo, la fédéralisation uninationale et la sécession (Catalogne et Pays
basque). Entre plusieurs maux, les Espagnols pourraient au moins choisir le
moindre de tous à leurs yeux, soit la fédéralisation uninationale. Sinon les
positions indépendantistes de la Catalogne et du Pays basque pourraient
apparaître comme plus légitimes tout en étant illégales.
Il est évident qu'un jour l'Espagne devra rouvrir sa
constitution pour la moderniser et l'adapter aux réalités actuelles. L'Espagne reste encore accrochée au concept
d'un «grand pays» qui n'accorde qu'une place restreinte à la différence,
résultat du centralisme hérité des royaumes d'Aragon et de Castille en 1469,
poursuivi par les Bourbons d'Espagne sous Philippe V (1700-1746) et accentué par
quarante années de franquisme.
L'État espagnol ne peut plus demeurer unilingue et ne reconnaître aucune autre langue co-officielle, ni au
Parlement de Madrid, ni dans les cours de justice, ni dans
l'administration publique. Il faut bien admettre que la résurgence des langues
régionales dans ce pays peut contribuer à l'affaiblissement du castillan.
De fait, contrairement à ce qui se passe partout dans le monde, le castillan se
sent menacé à l'intérieur même de ses frontières d'origine. Toutefois, le
castillan, c'est-à-dire l'espagnol, va conserver ses positions de force dans le
monde grâce à l'expansion de
l'Amérique hispanique.
C'est pourquoi il est à souhaiter que l'état actuel du régime linguistique de l'Espagne, même
sil sest révélé positif jusqu'à tout récemment, ne soit qu'une période
de transition destinée à consolider une société encore plus démocratique et culturellement
plus ouverte. Malgré ses lacunes, l'Espagne apparaît comme
lun des modèles les plus représentatifs de cette nouvelle politique des États-nations faisant droit aux revendications identitaires et régionales, sans que
ne soit
mis en cause le caractère unitaire de l'ensemble national. La France, pour ne
nommer que ce pays,
mériterait de s'en inspirer, elle qui semble coincée entre le caractère
officiel du français proclamé dans la Constitution et la diversité de ses
parlers régionaux. On pourrait dire que ni la France ni l'Espagne n'a
encore réussi à trouver la solution appropriée, mais l'Espagne semble
davantage sur la bonne voie pour peu qu'elle délaisse sa conception
centralisatrice traditionnelle héritée d'un passé rétrograde. Mais les
dinosaures qui sévissent encore en Espagne sont nombreux et ils ne baisseront pas pavillon
facilement.
Dernière mise à jour: le
18 février, 2024
Lois linguistiques diverses de l'État espagnol
Histoire linguistique de l'Espagne et de ses régions