L'histoire de la ville de Melilla
remonte à l'établissement de
Rusaddir par des
marchands phéniciens au
VIIe
siècle avant notre ère. Profitant de la proximité du
détroit de Gibraltar et des routes commerciales de
la Méditerranée occidentale, les Phéniciens ont pu
prospérer et atteindre leur apogée au
IIe siècle
avant notre ère. Ils furent remplacés par les
Romains qui s'y établirent et désignèrent la ville
sous le nom de Flavia.
La population s'est graduellement christianisée,
puis elle subit les invasions des Vandales (429),
des Wisigoths (439) et des Byzantins (534).
3.1
L'islamisation de Melilla
À la fin du VIIIe
siècle, la ville de Melilla fut conquise par
le califat islamique omeyyade de Damas. La ville
devint musulmane sous
le nom de Melilia, et les conquérants arabes en
firent une base solide pour les troupes berbères en
partance pour l'Andalousie (Al-Andalus). La ville
fut à nouveau conquise en 791 par par
Idriss Ier,
fondateur du royaume du Maroc. La ville prospéra,
mais elle fut envahie en 859 par les Vikings qui
l'incendièrent. Le territoire fut abandonné, puis
fut récupéré en 927 par l'émirat de Cordoue, Abd
al-Rahman III (891-961), qui commandait la flotte de
Malaga. Ce rattachement au califat de Cordoue dura
peu de temps, car la ville fut à nouveau soumise aux
nouvelles dynasties maroco-musulmanes émergentes:
les Almoravides (vers 1079), les Almohades (1141),
les Mérinides (1217) et les Wattassides (vers 1465).
Ces derniers la conservèrent jusqu'en 1497, alors
qu'elle fut prise par Pedro Estopiñán, ce qui marqua
ainsi le début des expansions coloniales espagnoles
dans le nord de l'Afrique.
3.2 La
colonisation espagnole
Le 19 septembre 1774, des émissaires
du Sultan Mohammed ben Abdallah se présentèrent à
Melilla; ils exprimèrent l'intention d'expulser les
chrétiens de la ville. Le 23 octobre suivant, le roi
d'Espagne, Charles III (1716-1788), déclara la
guerre aux Maures et, le 9 décembre, les premières
troupes impériales commencèrent le siège de Melilla,
qui devait durer jusqu'au 19 mars 1775. La ville
était défendue par le maréchal de camp Juan
Sherlock. C'est à cette époque que l'Espagne songea
à restituer au Maroc les Plazas menores
qu'étaient Melilla, Ceuta, Alhucemas et Vélez de la
Gomera. Charles III estimait que la présence
espagnole en Afrique du Nord était une cause de
guerre permanente entre son pays et ses voisins du
Sud. Mais le projet ne fut jamais mené à terme, car
le successeur de Charles III, Charles IV, voulut au
contraire conquérir le Maroc. Quoi qu'il en soit,
toutes les tentatives de restituer les Plazas
menores au Maroc échouèrent, même lorsque les
troupes napoléoniennes occupèrent l'Espagne.
En 1859, ce fut la guerre d'Afrique
(ou guerre du Maroc), une guerre coloniale menée par
l’Espagne contre le Maroc qui sorti vaincu, alors
que son armée fut battue autour de Tétouan lors des
batailles de Sierra de Bullones, de Castillejos et
de Wad-Ras. Le Maroc fut alors contraint de signer
avec l’Espagne, le 26 avril 1860, le traité de Wad-Ras,
dont les conditions lui furent très défavorables.
Conformément à ce traité, l'Espagne put agrandir la
place forte de Ceuta, conserver Melilla en fixant
les limites de la ville et annexer Sidi Ifni dans le
Sahara occidental. Trois ans plus tard, l'Espagne
fit de Melilla un
«port franc» et,
en 1864, les autorités espagnoles autorisèrent la libre circulation
des personnes dans la ville. L'immigration
péninsulaire fut faible au début, mais devint plus
importante après la fin de la guerre de Margallo en
1893-1894, appelée ainsi en raison du nom du
gouverneur de Melilla, Juan García y Margallo. Ce
dernier fut tué, puis les troupes espagnoles
débarquèrent à Melilla. L'Espagne, qui comptait déjà
25 000 hommes dans l’enclave, exigea une indemnité
de guerre, mais n’obtient qu’une faible réparation
de la part du sultan. En 1882,
la
ville de Melilla fut rattachée administrativement en
tant que district à la province de Malaga
(Andalousie). À la même époque, le recensement
indiquait que la communauté musulmane représentait
0,9 % de la population totale; elle allait atteindre
1,7 % en 1906.
Pendant le dernier tiers du
XIXe
siècle et début du XXe
siècle, Melilla fut le théâtre de combats
intermittents avec le Maroc. Après la
guerre
hispano-américaine de 1898, le gouvernement espagnol
cherchait à redorer son blason. Il décida alors
d'exercer au Maroc une influence qui redonnerait au
pays le prestige perdu. Mais ce fut la défaite de
Barranco del Lobo en 1909, suivie de celle d'Annual
en 1921. Ces défaites sanglantes forcèrent
l'alliance militaire entre l'Espagne et la France,
ce qui conduisit à la création du Protectorat
espagnol du Maroc. Déjà le traité de Fès de 1912
accordait le protectorat du Maroc à la France. Mais
la France céda une partie du nord du Maroc, soit de
Tanger à la frontière algérienne en passant par le
Rif, à l'Espagne, ce qui constituait le Protectorat
espagnol du Maroc.
La création du protectorat eut des
effets très positifs dans l'économie de la ville de
Melilla, qui devint la capitale économique de la
partie orientale du territoire sous domination
espagnole. L'exploitation des mines du Rif favorisa
le développement de produits dérivés, le trafic de
fret et la pêche, sans oublier l'approvisionnement
de l'importante armée espagnole. Après la guerre
civile de 1936-1939, Franco prit le pouvoir en
Espagne et réussit à maintenir de bonnes relations
avec les pays arabes en ne reconnaissant pas l'État
d'Israël et en aidant la cause de l'indépendance
arabe dans la partie française du Maroc. La ville de
Melilla servit de base pour la diffusion de messages
radiophoniques et du trafic d'armes. Sous le régime
de Franco, Melilla fut toujours administrée par un
militaire. Au début des années 1950, quelque 80 000
Espagnols vivaient au Maroc espagnol, dont 20 000 à
Tanger, mais ce qu'on oublie c'est qu'il y en avait plus de 130 000
uniquement dans les deux enclaves de Ceuta et de
Melilla.
Toutefois, lorsque la France
reconnut en 1956 l'indépendance du Maroc, du moins
la zone française, l'Espagne n'eut plus le choix de
céder la zone espagnole. L'Espagne reconnut à son
tour l'indépendance du Maroc, 7 avril 1956, avant de
restituer le protectorat de Tétouan. Mais cette
reconnaissance officielle excluait les enclaves de
Ceuta et de Melilla, en vertu de
leur appartenance antérieure à l’Espagne. Toutefois,
très tôt, la politique extérieure de Rabat s’est
donné pour objectif de récupérer tous les
territoires qui forment l’espace géographique
marocain.
L'indépendance du Maroc eut un impact énorme sur
l'économie de Melilla, désormais coupée de son
approvisionnement dans les mines. Comme à Ceuta,
Melilla
fut aux prises avec le rationnement,
la suspension des lignes de
transport régulières (chemin de fer,
autocars, etc.) et la
démilitarisation. Par la suite,
Melilla connut une certaine prospérité grâce aux
avantages fiscaux et au système de
franchise dont bénéficiait la ville. Attirée
par de meilleures conditions de vie à Melilla, la
population musulmane de Melilla augmenta à 8,2 % en
1950, puis à 9,6 % en 1960 et à 17,8 % en 1965.
3.3
L'autonomie
Les
Mélilliens développèrent un fort
sentiment autonomiste de sorte que le
gouvernement espagnol décida
d'accorder à Melilla par la loi
organique du 13 mars 1995 un statut
d'autonomie à la ville sous le nom
de Ciudad Autónoma de Melilla.
La Ville bénéficie depuis d'une
décentralisation progressive,
accompagnée d'un transfert de
compétences et de personnel, de la
part de l'administration nationale à
l'administration autonome. Melilla est dotée d'une plus grande
représentativité institutionnelle.
Par ailleurs, l'entrée de l'Espagne
dans l'Union européenne entraîna
d'importants investissements
structurels qui ont stimulé
l'économie locale. En 1995, à la
suite des accords de Schengen
(Allemagne, Belgique, Espagne,
France, Luxembourg, Pays-Bas,
Portugal), une nouvelle politique
d'immigration fut adoptée avec comme
résultat l'entrée massive
d'immigrants marocains et algériens.
Aujourd'hui, le
Maroc revendique cette enclave
espagnole qu'est Melilla, tout comme
Ceuta. Pour le Maroc, Melilla
demeure un
vestige du colonialisme, voire un
anachronisme. De plus, dans une
dizaine d'années, Melilla deviendra
une ville à majorité musulmane. Les
Mélilliens se sentent délaissés par
Madrid. Pour le moment, la ville reste espagnole,
mais probablement pas pour très
longtemps, surtout si les Espagnols
persistent à ne pas reconnaître les
droits des berbérophones. Néanmoins,
bine que la revendication marocaine
puisse demeurer toujours
d’actualité, les habitants de
Melilla, tant chez les Européens que
les musulmans, affichent leur choix
de «l’hispanité».