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Belgique
6) La Communauté française
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Fédération Wallonie-Bruxelles
(depuis depuis le
25 mai 2011)
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Mise au point
Ce texte sur la Communauté française de
Belgique (Fédération Wallonie-Bruxelles ou FW-B) se veut le reflet des positions francophones en matière de
langue. Nous remercions M. Albert Stassen d'avoir accepté d'assurer une
relecture commentée du présent chapitre consacré à la Communauté
française. Évidemment, les faits perçus par les francophones sur la délicate question
linguistique peuvent être interprétés
différemment de la part des Flamands (et vice-versa). Il est même
possible que certains faits présentés ici soient considérés comme des
faussetés ou des contre-vérités, tant les positions linguistiques sont
polarisées en Belgique, sinon inconciliables. C'est pourquoi l'auteur a
aussi proposé certaines positions flamandes sur les problèmes perçus par
les francophones. Quoi qu'il en soit,
l'auteur de ces lignes est bien conscient que la perception francophone,
surtout au sujet des problèmes bruxellois (et périphériques), peut être mal reçue par les
Flamands, mais il estime nécessaire de présenter cette perception afin
de faire comprendre aux autres internautes le cas belge qui, à
bien des égards, offre une situation unique au monde. Pour
le point de vue flamand, il vaut mieux lire le chapitre intitulé «La
Communauté flamande de Belgique».
En même temps, l'aspect critique de cette politique
linguistique présenté ici sur la Belgique francophone résulte d'une
perception «extérieure» à ce pays, dans la mesure où elle est vue à
travers la «lunette» nord-américaine, en l'occurrence canadienne et
québécoise, ce qui ne signifie pas que la perception soit nulle et non
avenue. Il
ne faut pas oublier que le Canada et le Québec ont aussi une longue expérience du
bilinguisme qu'ils ont hérité de la Conquête britannique de 1760, bien
avant la création de la Belgique (1830). |
Capitale:
Bruxelles
Population:
3,3 millions (2000)
Langue officielle:
français
Groupe majoritaire:
français
(Wallons et francophones de Bruxelles)
Groupes minoritaires:
aucun (juridiquement parlant), sauf dans les
communes à facilités avec le néerlandais et l’allemand; parlers picards,
parlers wallons; champenois; parlers limbourgeois, les parlers
(franciques) ripuaires, parlers franciques mosellans (ou
luxembourgeois); parlers flamands; parler brabançon;
lorrain; langues immigrantes
Système politique:
gouvernement
communautaire avec base territoriale en Wallonie et à Bruxelles-Capitale
Articles constitutionnels (langue):
art. 2, 4, 30, 43, 54, 67, 68, 99, 115, 118, 121, 123, 127, 128, 129,
130, 135, 136, 137, 138, 139, 175, 176, 178, 189 de la
Constitution
coordonnée du 17 février 1994
Lois linguistiques fédérales:
Loi du 15 juin1935 sur
l'emploi des langues en matière judiciaire
(1935)
;
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963
(avec
modifications de 1982) ;
Loi sur l'emploi des langues en
matière administrative coordonnée le 18 juillet 1966
;
Loi du 30 novembre 1966 (Arrêté
royal fixant les conditions de délivrance des certificats de connaissances
linguistiques) ;
Loi du 2 juillet 1969 sur
l'emploi des langues en matière judiciaire
(1969) ;
Loi portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles
(loi du 19 juillet 2012)
;
Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le
Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de
l'ordre judiciaire (loi du 1er décembre 2013)
;
Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière
de Justice concernant l'arrondissement judiciaire de Bruxelles et
l'arrondissement du Hainaut (loi du 28 mars 2014);
Arrêté royal portant modification de diverses dispositions
réglementaires en vue de leur mise en concordance avec la réforme
des arrondissements judiciaires (arrêté
du 26 mars 2014).
Lois linguistiques communautaires:
Décret sur la défense
de la langue française ou «décret Spaak»
(1978)
;
Décret relatif à la protection de la liberté de l'emploi des langues
et de l'usage de la langue française en matière de relations sociales entre
les employeurs et leur personnel ainsi que d'actes et documents des
entreprises imposés par la loi et les règlements
(1982, annulé) ;
Décret fixant les critères
d'appartenance exclusive à la Communauté française des institutions
traitant les matières personnalisables dans la région bilingue de
Bruxelles-Capitale (1982)
;
Décret relatif au recours à
un dialecte de Wallonie dans l'enseignement primaire et secondaire
de la Communauté française
(1983)
;
Décret
modifiant le décret du 3 avril 1980 créant le Conseil interuniversitaire de
la Communauté française (1983)
;
Décret assurant la protection de l'usage de la
langue française pour les mandataires publics français
(1984, abrogé)
;
Décret relatif aux langues régionales endogènes
de la Communauté française (1990) ;
Décret créant une
Commission de surveillance de la législation sur la langue française (1990)
;
Arrêté de l’Exécutif de la Communauté française instituant un
Conseil des langues régionales endogènes de la Communauté
française (1991);
Décret du 21 juin 1993 relatif à la féminisation des noms
de métier, fonction, grade ou titre
(1993)
;
Décret portant organisation
de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la
réglementation de l'enseignement
(1998)
;
Arrêté du gouvernement de
la Communauté française portant application pour l'année scolaire
2004-2005 de l'article
12, § 1er du décret du 13 juillet 1998, portant organisation de
l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation
de l'enseignement (2004)
;
Arrêté du gouvernement
de la communauté française instituant les missions, la
composition et les aspects essentiels de fonctionnement
d'instances d’avis tombant dans le champ d’application du décret
du 10 avril 2003 relatif au fonctionnement d'instances d'avis
tombant dans le champ d'application du décret du 10 avril 2003
relatif au fonctionnement (2006)
;
Résolution relative à
l’utilisation de la dénomination «Fédération Wallonie-Bruxelles»
dans les communications de la Communauté française (2011). |
Le
champ de juridiction territoriale de la Communauté
française (représentée par le
Coq hardi) de Belgique ne s’applique qu’aux institutions
unilingues francophones et à l’administration de ces institutions
dans la mesure où celles-ci sont situées en Wallonie, c’est-à-dire
la Région wallonne (mais sans la région linguistique allemande), ainsi
que dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale. Précisons que la
Région wallonne est une collectivité
politique, c'est-à-dire une composante de l'État fédéral, alors que la
Wallonie est une «région» au sens
géographique du terme. Leur territoire coïncide, et toutes deux
comprennent la région linguistique de langue allemande et la région
linguistique de langue française. La capitale de la Communauté française
de Belgique est Bruxelles, mais la capitale de la Région wallonne est
Namur. On peut consulter un tableau représentant la structure fédérale de
la Belgique en cliquant ICI, s.v.p. |
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1.1. La région
linguistique
française
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La Région wallonne couvre 55 % de la surface du pays et rassemble 32,4 % de la
population belge, soit 3,3 millions d’habitants répartis dans 262 communes.
Elle comprend, à l'extrémité est de la
province
de Liège (853 km²), neuf communes germanophones qui comptent une bonne
partie des membres de la Communauté germanophone de Belgique (70 472 habitants).
Autrement dit, la région germanophone fait partie de la Wallonie, mais la
Communauté germanophone n'est pas sous la juridiction de la Communauté
française. Rappelons que la
Communauté française exerce ses compétences uniquement dans la région de
langue française. Ainsi, outre Bruxelles (pour les francophones), le gouvernement et le Parlement de la Communauté
française de Belgique exercent leur juridiction dans cinq provinces: la province
du Brabant wallon, la province du Hainaut, la
province
de Liège, la province
du Luxembourg et la province de Namur (voir
la carte des provinces belges avec les dénominations flamandes au nord). |
1.2 La Fédération
Wallonie-Bruxelles (2011)
Depuis 2011, la Communauté française de
Belgique est également appelée «Fédération
Wallonie-Bruxelles» afin de rendre compte des entités structurelles de
la Communauté, soit les populations francophones des deux régions: la
Wallonie et Bruxelles. L'appellation a été officialisée le 25 mai 2011 par
un vote du Parlement de la Communauté française. Toutefois, au grand dam des
Flamands, son appellation constitutionnelle n'a jamais été changée, car
c'est la Communauté française qui s'est désignée elle-même sous le nom de
Fédération Wallonie-Bruxelles (FW-B).
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En ce qui concerne la
Fédération de Wallonie-Bruxelles,
les champs de compétences s'appliquent dans la région de langue
française ainsi qu'aux institutions établies dans la région
bilingue de Bruxelles-Capitale. L'emploi des langues demeure
sous la juridiction de l'État fédéral, sauf en ce qui a trait
aux compétences dévolues aux Communautés: enseignement, culture,
la justice, la santé, etc. La
Fédération Wallonie-Bruxelles n'a aucune juridiction
pour les néerlandophones de
Bruxelles ni pour les germanophones de Wallonie.
Dans les textes et documents officiels, c'est la dénomination
«Communauté française» qui subsiste, alors que dans les propos,
les écrits, les communiqués de presse et autres opérations de
communication, c'est la dénomination «Fédération
Wallonie-Bruxelles» (ou FW-B) qui apparaît. |
On peut constater que la basse
territoriale de la Région Wallonne et celle de la Communauté française
ne coïncident pas : la Communauté française
(FW-B) est compétente à Bruxelles
chez les francophones, mais la la Région wallonne, tandis que la Région
wallonne est compétente dans les territoires germanophones de l'Est,
mais pas la Communauté. La Communauté flamande est également
compétente à Bruxelles pour les néerlandophones, alors que la Communauté
germanophone l'est dans les territoires de l'Est.
Rappelons que la région de langue française (Wallonie, moins la région de
langue allemande) comptait en 2000 quelque 3,3 millions d’habitants (et 3,4 en
2007), soit 32,4 % de la
population de la Belgique.
2.1 La Wallonie
Les habitants de la Wallonie parlent généralement le français comme langue
maternelle, mais dans la province du Hainaut certains parlent aussi le picard
ou le wallon, celui-ci étant peut-être parlé entre 15 % à 30 %
des Wallons, est encore utilisé dans les provinces de Luxembourg, de Namur et
de Liège, mais aussi à l’est du Hainaut et dans toute la province du Brabant
wallon. Il existe quelques variétés de wallon: l'est-wallon
autour de Liège (Lidje), le centre-wallon autour de Namur (Nameur), l'ouest-wallon
autour de Charleroi (Tcharlerwè). Mentionnons aussi le rouchi (ou dialecte picard) parlé à l’ouest de
la province de Hainaut; le champenois dans quelques communes
de
Namur et de Luxembourg; et le gaumais (ou dialecte lorrain) au sud
de la province de Luxembourg.
À l’instar du français, tous ces idiomes (que
les linguistes appellent «langues») sont issus
du latin. Aujourd’hui, il n’y a plus personne qui parle uniquement
ces «langues» (ou dialectes), la diglossie étant obligatoire (la langue
locale à la maison ou entre amis; le français, ailleurs).
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La Région wallonne (Wallonie) inclut
la région
linguistique française et la région linguistique allemande.
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Revenons sur la question du wallon. Pendant longtemps, le
wallon a souffert de l’absence d’une norme d’usage standardisée (wallon
liégeois, wallon namurois, wallon gemblougeois, etc.), et ce, malgré une
orthographe officielle du wallon (le système Feller). C’est Jules
Feller (1859-1940) qui a proposé une
orthographe où quiconque sachant écrire le français et connaît une variété
de wallon peut retranscrire phonétiquement son accent avec des mots
ressemblant au français (système phonético-analogique) afin que le lecteur
puisse retrouver l'accent du scripteur. À la fin des années quatre-vingt, une
orthographe wallonne normalisée a vu le jour : le rifondou
walon (wallon refondu ou unifié). Voyant toutes les impasses liées au fait que leur langue
n'avait pas d'orthographe commune, certains wallophones ont ont voulu changer
cet état de fait.
Aujourd'hui, les règles du rifondou walon sont quasiment finalisées;
il ne reste plus que la publication de listes normatives de mots. Voici un
exemple de texte en orthographe wallonne normalisée (rifondou walon):
Fwait coprinde ki l'
walon, ci n' est nén fok li lîdjwès, et-z atåvler ene ortografeye
(ki poite si no) wice ki tchaeke cåzeu ki sét scrire li francès et
ki cnoxhe bén ene sôre di walon, pout riscrire si accint, a l'
oyance, avou des mots " nén trop sibarants " ki cotinouwèt
a rshonner å francès (sistinme fonetike et analodjike), et ki l'
lijheu î pout sawè rtrover pår l' accint do scrijheu. Li sistinme
Feller va fini pa esse accepté pa tos les scrijheus do Payis Walon.
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On peut consulter aussi le Tchant dès Walons («Le
Chant des Wallons»), l'hymne de la Wallonie. Ce texte a été rédigé en 1900 en
langue wallonne (en fait, en wallon de Liège) par Théophile Bovy, et mis en
musique en 1901 par Louis Hillier. En 1998, le Parlement wallon a choisi ce
texte comme hymne identitaire. Il fut ensuite traduit en français (voir
le texte).
On parle aussi en Wallonie des idiomes
germaniques: l’allemand de la
Communauté germanophone est une langue officielle parlée en Wallonie. Mais à
côté de cette langue reconnue à ce titre, il existe aussi des langues
«endogènes» reconnues comme telles. Citons
le luxembourgeois dans la province
de Luxembourg (appelé le luxembourgeois d’Arelerland),
ainsi que le francique carolingien (un dialecte intermédiaire entre le
Limbourgeois et le francique ripuaire), le
francique ripuaire dans la province
de Liège (au nord-est et à l’est).
On
peut consulter, d'une part, la
carte des langues régionales en Wallonie où sont parlés les langues
régionales dites «endogènes» telles que le wallon, le lorrain, le picard, le
champenois, l’allemand et le luxembourgeois (Lëtzerbuergesch) et,
d'autre part, la
carte des langues régionales endogènes.
À partir de ces renseignements, on peut résumer la situation linguistique des
«langues régionales endogènes», selon la terminologie employée dans le
Décret
relatif aux langues régionales endogènes du 24 décembre
1990, de la façon suivante (sans savoir s’il s’agit de «langue» au sens
strict du terme ou simplement de «dialecte»):
Pour les parlers romans (d’est en
ouest): |
- les parlers picards au nord-ouest dans une grande partie du Hainaut;
- les parlers wallons: wallo-picard ou wallon de l’Ouest (du
nord au sud, en passant par le Brabant wallon, le Hainaut et le Namur), le wallon
namurois (tout le reste du Namur), le wallon liégois ou wallon de
l’Est (province de Liège), le wallon-lorrain ou wallon du Sud (nord
de la province du Luxembourg);
- le champenois au sud-est du Namur;
- le gaumais (ou lorrain) tout au sud de la province de Luxembourg
(région de Virton);
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Pour les parlers germaniques (du nord au
sud): |
- les parlers limbourgeois-carolingiens au nord-est dans la
province
de Liège (Aubel,
Plombières, Welkenraedt, Baelen; Kelmis, Lontzen, Eupen);
- les parlers (franciques) ripuaires au nord-est
: Raeren,
Bütgenbach et Büllingen;
-
les
parlers franciques mosellans (ou
luxembourgeois) dans les provinces de Liège (Sankt-Vikt; Burg-Reuland) et de
Luxembourg (Beho/Bocholz et la région d'Arlon);
-
les
parlers flamands: une minorité de la
population au nord de la province du
Hainaut (Comines-Warneton et Mouscron);
- le
parler brabançon : une minorité au nord
du Hainaut (Enghien).
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Seuls les germanophones de la
province
de Liège (à l’est) sont reconnus
comme une minorité linguistique, soit dans les neuf communes de la région
linguistique allemande (où ils constituent la majorité de la population, mais
une minorité au plan national) et les deux communes wallonnes de Malmédy et Waimes (où ils constituent une minorité numérique).
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Les
autres locuteurs de parlers germaniques (incluant les locuteurs du
luxembourgeois et du
limbourgeois-carolingien)
ne sont pas considérés juridiquement parlant comme faisant partie d’une minorité; selon
la législation en vigueur, ils n’existent pas. Même le fameux décret de la
Communauté française sur «les langues endogènes régionales» reste une
coquille vide, puisque rien y est mentionné et qu’on n’a pas pris de
mesures concrètes pour promouvoir ces «langues régionales».
Évidemment, les locuteurs des dialectes issus du latin se considèrent comme
des Wallons, alors que ceux du luxembourgeois, du limbourgeois et de l’allemand
n’ont guère développé une identité wallonne,
mais spécifique à leur
parler, tandis que la Communauté germanophone s'est identifiée comme
germanophone tout en gardant d’énormes différences entre la région d’Eupen
(fort proche de celle de Montzen-Welkenraedt) et celle de Saint-Vith
(surnommée par ceux d’Eupen les « Motes » (il faut prononcer le «s» final).
La carte
illustre en rouge l'emplacement de la
région de langue allemande, en bleu, les deux communes wallonnes de Malmédy et Waimes
où se trouve une minorité germanophone. Voir
aussi la carte détaillée.
Enfin, certaines sources flamandes estiment qu’on compterait près d’un
million de citoyens de Wallonie d’origine flamande, la plupart
ne disposant d’aucun droit linguistique en néerlandais, car ils n’habitent
pas dans les communes «à régime spécial» de la frontière linguistique.
Pour les francophones, ce million de Flamands en Wallonie paraît fantaisiste
et arbitrairement grossi. |
La plupart de ces «Flamands» seraient devenus de
véritables Wallons. Cependant, dans les quatre communes disposant de «facilités en néerlandais» (Comines/Komen,
Mouscron/Moeskroen, Flobecq/Vloesberg, Enghien/Edingen), il est à peu près
impossible de déterminer le nombre exact du néerlandais en raison de l’absence
des recensements linguistiques; on croit que leur
nombre se situerait autour de 15 000.
En raison de
l’importance de la ville de Mouscron, ce chiffre paraît plausible.
Beaucoup de ces Flamands sont certainement sur la voie de l'assimilation
linguistique, bien qu’il soit difficile de préciser combien sont vraiment
assimilés linguistiquement. Toutefois, plusieurs ont conservé une certaine
«culture flamande». On ne doit pas oublier que beaucoup de ces personnes
travaillent en Flandre, cette région étant presque sans chômage et toujours
en quête de personnes qualifiées et bien formées. La commune
Comines-Warneton, par exemple, est orientée économiquement vers les villes
flamandes de Wevelgem, Leper (Ypres) et Kortrijk (Courtrai); la majorité de
ses habitants travaillent en Flandre. Ainsi, on peut constater un bilinguisme
très fort qui fait que le Flamand a appris le français dont il avait besoin
dans la commune même, tandis que le francophone a appris le néerlandais dont
il se sert au travail. En général, on
peut donc dire que beaucoup de villes et villages du long de la frontière
linguistique, surtout au nord ouest dans la province de Hainaut, sont orientés
économiquement plutôt vers la Flandre, le Hainaut étant une région
économiquement sous le niveau global de
la Belgique et même sous celui de la Wallonie. Elle bénéficie d’ailleurs des
fonds européens pour aider à son redéploiement économique.
2.2 La région bilingue de Bruxelles
La Région de Bruxelles-Capitale a pour chef-lieu Bruxelles et compte 19
communes: Anderlecht, Auderghem, Berchem-Sainte-Agathe, Bruxelles, Etterbeek,
Evere, Forest, Ganshoren, Ixelles, Jette, Koekelberg, Molenbeek-Saint-Jean,
Saint-Gilles, Saint-Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Uccle, Watermael-Boitsfort,
Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierre. Ces communes forment une enclave
bilingue (français-néerlandais) en région flamande. Le Parlement régional de
Bruxelles-Capitale (composé de 75 membres élus) comprend des membres issus des
deux grandes communautés linguistiques, selon qu'ils ont été élus lors des
élections sur les listes françaises ou les listes flamandes. Le nombre des
députés francophones et néerlandophones peut varier à chacune des
élections. En général, on compte approximativement une bonne soixantaine de
francophones et environ une douzaine de néerlandophones.
Dans les 19 communes de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les
habitants parlent soit le français (env. 65 % - 70 %), soit le néerlandais
(env. 10 %), soit une langue immigrante (env. 20 % - 25 %). Selon les
statistiques officielles du gouvernement fédéral, on comptait en 1997, quelque
284 038 «étrangers» dans l’agglomération bruxelloise (950 597 habitants),
ce qui correspondrait à 29,8 % d’«étrangers», mais pas nécessairement à
la proportion des allophones.
Les sources wallonnes prétendent que 90 % des
Bruxellois sont francophones, alors que les sources flamandes affirment que les
allophones constituent 33 % de la population et les néerlandophones, 10 %, ce
qui laisserait un maigre 57 % de francophones.
Cette différence tient simplement au fait que
les allophones sont généralement bilingues entre leur langue d’origine et le
français, très rarement le néerlandais. C’est pourquoi les francophones les
comptabilisent généralement parmi les francophones.
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La carte illustrant le
pourcentage des francophones en périphérie de Bruxelles traduit de
simples estimations (de sources francophones) réalisées sans enquête
scientifique. Ces
chiffres se situent toutefois assez proches de la réalité; dans les communes où
aux élections communales, il n’y a qu’une liste flamande et une liste
francophone. Ces chiffres, corroborés par les cartes d’identité et les feuilles
d’impôt établies dans l’une et l’autre langue, permettent en réalité un
recensement officieux que même la partie flamande ne conteste pas.
En général, ce sont les partis politiques et les communes qui,
empiriquement,
«s'essaient» dans les recensements.
Cela dit, les relevés indiquent que les
francophones seraient majoritaires dans plusieurs communes flamandes dites «à
facilités» (à statut spécial, soit avec des «facilités» en français): Drogenbos (75 %), Linkebeek (80 %), Rhode-Saint-Genèse (56 %),
Kraainem (76 %),
Wezembeek-Oppem (75 %) et Wemmel (50 %).
Il est possible que statistiques
proprement «flamandes»
arriveraient à des résultats un peu différents et plus encourageants...
pour les Flamands. À défaut d'un recensement officiel, il faut se rabattre sur
ce type de statistiques. |
À strictement parler, l’emploi de la langue du citoyen n’est pas
réglementé. Cependant, lorsque celui-ci fait appel aux institutions d’une
région linguistique, il ne pourra le faire que dans la langue de la
Communauté dont ces institutions dépendent. Par exemple, dans les régions
linguistiques unilingues, il n’existe pas de choix, car les institutions ne
fonctionnent que dans une langue donnée.
À Bruxelles, le citoyen a le choix: il peut opter, par exemple,
pour le
français ou le néerlandais comme «langue administrative» et/ou comme
«langue de l’éducation». Autrement dit, le Bruxellois choisit librement
le français ou le néerlandais au moment où il fait appel aux services de l’Administration
fédérale, communale et régionale. De même, il choisit librement une école
selon le régime linguistique qui lui convient. Évidemment, quand il s’agit
de néerlandophones ou de francophones belges, ce choix coïncide de nos
jours, dans les plupart des cas, avec l’appartenance linguistique de l’individu
en question (sauf dans l’enseignement où un certain nombre de francophones
inscrivent leurs enfants dans les écoles flamandes). Mais un immigrant
turcophone peut choisir des services en français ou en néerlandais. La Communauté
française offre ses services uniquement en français à tous les citoyens
bruxellois — au moins 680 000 personnes — qui font appel à ses
fonctionnaires.
Précisons que les francophones de Bruxelles ne sont pas
nécessairement des Wallons. De fait, beaucoup d’entre eux sont des Flamands
ou des immigrants francisés, sinon des «eurocrates» (au moins 30 000),
souvent plus francophiles que francophones. C’est pour cette raison qu’un
francophone de Bruxelles ne se dit pas wallon, alors
que tous les néerlandophones se considèrent généralement comme des
Flamands. De façon générale, les Wallons se méfient des francophones de
Bruxelles, car ils ont toujours représenté l’État central, sauf
lorsqu’il s’agit de faire bloc contre la
composante flamande de l’État. On ne peut pas encore parler d’identité
francophone commune entre Wallons et Bruxellois francophones, ce qui est
tout à fait le contraire pour les Flamands. Néanmoins, on constate
généralement que la position linguistique des hommes politiques flamands
bruxellois est généralement beaucoup plus modérée que celle des
personnalités politiques de Flandre.
2.3 Les francophones en Flandre
De source wallonne, on estime qu’environ 300 000 francophones vivraient en
Flandre et s’exprimeraient quotidiennement en français à la maison, quelque
120 000 habitants dans la périphérie bruxelloise
(selon des sources francophones) et peut-être
45 000 autres à la frontière linguistique en territoire flamand. Comme en
Wallonie, il est actuellement impossible de déterminer exactement combien les
communes de la périphérie bruxelloise comptent de francophones, les
recensements linguistiques demeurant interdits. Au plan linguistique, tous les
francophones résidant en Flandre dans des communes «sans facilités»
dépendent du seul bon vouloir des autorités flamandes (comme les Flamands en
Wallonie). Ils ne bénéficient d'aucun droit linguistique reconnu.
De plus, il est difficile de déterminer avec précision de quelle sorte de
francophones il s’agit. Est-ce l’instructeur américain, ainsi que sa
famille, qui est venu s’installer à Kraainem (Crainhem) parce qu’il
travaille pour sa firme à Zaventem (l’aéroport national)? Est-ce que c’est
le Marocain qui a quitté Bruxelles pour trouver des maisons plus spacieuses
mais moins chères dans la commune de Ronse (Renaix) où il peut bénéficier
des facilités? Est-ce que c’est l’eurocrate qui préfère acheter une grande
villa entourée de beaucoup de verdure dans des communes rurales comme
Sint-Genesius-Rode, Hoeilaart ou Overijse, et qui croit qu’on peut se limiter
à utiliser l’anglais ou le français? De plus, il n’est pas vrai que ces
francophones de Flandre constituent en réalité un groupe très disparate, c’est-à-dire
des Wallons, des Bruxellois francophones d’origines différentes, qui ne s’identifient
pas comme des Wallons mais plutôt comme des Belges, des étrangers de
nationalités diverses, etc.
Quoi qu’il en soit, ces Flamands de Wallonie et ces Wallons de Flandre ne
disposent d’aucun droit linguistique s’ils habitent dans des communes «sans
facilités», les exceptions demeurant les dix communes de la «frontière
linguistique», dont six en Flandre avec facilités en français
(Mesen/Messines; Spiere-Helkijn/Espierres-Helchin; Ronse/Renaix; Bever/Biévène;
Herstappe; Voeren/Fourons) et quatre en Wallonie avec facilités en néerlandais
(Comines/Komen; Mouscron/Moeskroen; Flobecq/Vloesberg; Enghien/Edingen).
De toute façon, en Flandre (exception faite de Bruxelles-Capitale où le
problème est d’un autre ordre), les francophones se sont généralement
engagés dans la voie de la néerlandisation, sûrement pas par conviction,
mais par nécessité sociale afin de se conformer à la réalité environnante.
De plus, les raisons qui prévalaient dans les décennies antérieures d’utiliser
le français comme véhicule de l’élite sont disparues; une élite d’expression
néerlandaise s’est formée et tout citoyen peut aujourd’hui, en principe,
en faire partie. Bien souvent, ce sont les jeunes qui se sont
engagés dans cette voie de la néerlandisation tout en gardant le français
comme la langue parlée à la maison.
N’oublions pas que cette situation juridique a été définie par le
Parlement belge et reconnue dans la Constitution, et qu’elle découle d’un
consensus d’ordre politique entre les représentants francophones et les
représentants flamands. Ainsi, la situation actuelle est le résultat d’une
évolution au sein de la société belge qui s’est dirigée vers un
fédéralisme qui exigeait de plus en plus de réformes en profondeur.
Évidemment, les Flamands et les Wallons ont eu leur propres motifs, souvent d’origine
bien différente, d’avoir voulu se doter d’un tel État fédéral.
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Conformément à la Constitution belge, la
Communauté
française de Belgique (Fédération Wallonie-Bruxelles) constitue l’un des États fédérés disposant de
pouvoirs presque souverains. Le Conseil ou Parlement communautaire de la
Communauté française siège à Bruxelles; plus précisément, ce parlement est
l’assemblée représentative de la population de la Région wallonne, de
langue française, et des francophones de la région bilingue de
Bruxelles-Capitale; le parlement est composé des 75 membres élus en qualité
de membres du Parlement wallon et de 19 membres élus par le groupe linguistique
français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. En réalité, aucun
député au Parlement de la Communauté française n’est élu directement; les
députés sont des membres élus du Parlement
wallon (75) ou élu en qualité de député du
Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale (19), et non pas par le groupe
linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale). Ils ont
tous un double mandat. Par le décret du 13 juillet 1999, l'Exécutif de la
Communauté française est composé de huit membres dont au moins un de la
Région de Bruxelles-Capitale. |
La Communauté française dispose de six grands domaines de
compétences exclusives:
1) la culture, notamment la sauvegarde du patrimoine
culturelle, le tourisme et les médias;
2) l’usage des langues, notamment
dans
l’enseignement, l’administration et les relations entre les patrons et le
personnel dans la région de langue française, à l’exception des communes
à facilités;
3) les «matières personnalisables», notamment tout ce qui a
trait à la protection de la jeunesse, la famille et l'accueil des enfants,
les personnes handicapées et les retraités, l’égalité des chances et l’intégration
des immigrés;
4) l’enseignement, notamment presque tous les aspects de la
politique de l’enseignement; cependant, la fixation du début et de la fin
de la scolarité obligatoire, les exigences minimales pour l'attribution des
diplômes et le régime de retraite des enseignants relèvent du gouvernement
fédéral;
5) la politique scientifique;
6) les affaires extérieures et la coopération; la
Communauté française peut conclure à sa guise des traités internationaux
avec d’autres États pour toutes les matières relevant de ses compétences.
En vertu de l’article 129 de la
Constitution, la Communauté
française règle par décret l'emploi des langues pour les matières
administratives, l'enseignement dans les établissements créés, subventionnés
ou reconnus par les pouvoirs publics, et les relations sociales entre les
employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et documents des entreprises
imposés par la loi et les règlements. Cependant, les décrets de la
Communauté française NE PEUVENT PAS S'APPLIQUER aux cas suivants:
1) les communes
contiguës à une autre région linguistique (communes de la région
linguistique néerlandaise, de la région bilingue de Bruxelles-Capitale et
les communes germanophones) et où la loi permet l’emploi d’une autre
langue que celle de la région linguistique française dans laquelle ces
communes sont situés (communes wallonnes à facilités néerlandaises ou
allemandes;
2) dans la Région de
Bruxelles-Capitale, sauf pour les institutions de la Communauté
française (par exemple, les écoles francophones), du fait que la
législation linguistique de cette région demeure sous juridiction
fédérale; les communes de Bruxelles restent entièrement sous la tutelle de
la Région bruxelloise et, par conséquent, les décrets de la Communauté n’y
ont aucune force de loi;
3) dans les communes wallonnes «à
facilités» pour les néerlandophones (Comines-Warneton, Mouscron, Flobecq et
Enghien) et pour les germanophones (Malmédy et Waismes), l’autorité
fédérale demeurant entièrement responsable de la législation linguistique
dans ces communes;
4) les institutions fédérales et
internationales désignées par la loi dont l'activité est commune à plus
d'une communauté.
En ce qui concerne les
entreprises privées, les
prescriptions linguistiques sont simples. Même les entreprises commerciales de
la région bruxelloise, conformément à l'article 28 de la Loi
constitutionnelle (17 et 29 juillet 1980 et 23 janvier 1981), ne sont
pas soumises à la loi du bilinguisme institutionnel. En réalité, il existe
trois réglementations distinctes organisant l'emploi des langues en matière de
relations sociales entre les employeurs et leur personnel. Il s'agit plus
particulièrement du décret du 19 juillet 1973 du Conseil culturel de la
Communauté néerlandaise, du décret du 30 juin 1982 du Conseil culturel de la
Communauté française et les lois coordonnées sur l'emploi des langues du 18
juillet 1966. Selon l’article 19 de la
Loi du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en
matière administrative coordonnée, tout service local de la région
de langue française doit être assuré dans la langue de la commune:
Article 19 Toutefois, à une entreprise privée, établie dans une
commune sans régime spécial de la région de langue française ou de langue
néerlandaise, il est répondu dans la langue de cette commune. |
En vertu du décret du 30 juin 1982 de la Communauté
française, l'usage du français est imposé aux employeurs ayant leur siège
d'exploitation dans le région de langue française, dans le cadre de leurs
relations sociales avec leurs travailleurs (les provinces du Brabant Wallon,
de Hainaut, de Luxembourg, de Namur, de Liège, à l'exception toutefois des
communes de langue allemande et des communes de Malmédy et Waimes). Tous les
actes et documents destinés au personnel ou qui sont prescrits par la loi et
les règlements devront être établis en français. Le décret autorise
néanmoins, au choix des parties, l'usage complémentaire d'une autre langue,
mais aucune traduction obligatoire n'est cependant prévue. Comme en Région
flamande, les actes et documents établis en méconnaissance des dispositions
du décret sont nuls et doivent être remplacés. Ne sont donc pas visées par
le décret wallon les régions de langue néerlandaise, de langue allemande,
de Bruxelles-Capitale et les communes à facilités linguistiques.
L'unilinguisme français demeure obligatoire pour toute la Wallonie non
seulement pour les organismes relevant de la Communauté française, sa région,
ses provinces et ses communes, mais également pour les institutions fédérales
et les affaires judiciaires. Ainsi, le
Parlement wallon, son Exécutif, la justice, l’Administration, l’affichage public
et la toponymie ainsi que l’odonymie (rues) sont en français dans toute la
Wallonie. Rappelons que le terme
Wallonie désigne la partie francophone de la Région wallonne, alors que que
l'expression Région wallonne comprend aussi la Communauté germanophone.
Bref, la politique linguistique est
simple: imposer la langue française partout, sauf pour les exceptions prescrites
par la législation belge dans les communes à facilités (au nombre de quatre).
4.1 Les langues d'enseignement
En ce qui concerne les langues d’enseignement, il est possible (mais non
obligatoire) d’enseigner le néerlandais comme langue seconde dans les écoles
de la Wallonie. Selon l’article 9 de la
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963 :
Article 9
L'enseignement de la seconde langue peut être organisé dans
l'enseignement primaire à partir de la 5e année d'études, à
raison de trois heures par semaine au maximum [quatre heures depuis 1980].
Toutefois, dans les communes visées à l'article 3, 2o, cet
enseignement peut être organisé à partir de la première année d'études.
La seconde langue sera:
- dans la région de langue néerlandaise, le français;
- dans la région de langue française, le néerlandais; elle peut être
l'allemand dans les arrondissements de Verviers, Bastogne et Arlon;
- dans la région allemande, le français dans les écoles de langue
allemande et l'allemand dans les écoles de langue française.
|
En réalité, cette loi n’est plus appliquée en Wallonie depuis quelques
années. Les élèves (ou les parents) ont le libre choix entre le néerlandais
OU l’anglais comme «deuxième langue». S’ils choisissent l’anglais, le
néerlandais devient alors la «troisième langue», mais s’ils préfèrent le
néerlandais ce sera à l’anglais de devenir la «troisième langue». Ce
statut de «deuxième langue» ou de «troisième langue» se reflète dans le
nombre d’heures dispensées dans les cours: plus d’heures sont accordées à
la «deuxième langue» (entre quatre à six) qu’à la «troisième langue»
(entre deux à quatre).
Le 13 juillet 1998, le
Conseil de la Communauté française a adopté le
Décret portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et
modifiant la réglementation de l'enseignement. Les cours de langue
(allemand, anglais ou néerlandais, sauf dans les communes à statut linguistique
spécial) ont été généralisés dès la 5e primaire et l'immersion linguistique a
été autorisée, à certaines conditions.
Article 7
Sans préjudice de
l'article 10 de la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime
linguistique dans l'enseignement, l'apprentissage à communiquer dans une
langue moderne autre que le français comprend au moins deux périodes
hebdomadaires en cinquième et en sixième primaire.
Dans la Région de
Bruxelles-Capitale et dans les communes visées à l'article 3 de la même
loi, la langue moderne est le néerlandais.
Dans la Région
wallonne, à l'exception des communes visées à l'article 3 de la même loi,
la langue moderne peut être le néerlandais, l'anglais ou l'allemand. Le
directeur, dans l'enseignement de la Communauté française, le pouvoir
organisateur, dans l'enseignement subventionné, peut, par école, après
avoir pris l'avis du conseil de participation visé à l'article 3,
proposer l'apprentissage d'une seule langue ou le choix entre deux
langues. Il ne peut jamais être proposé le choix entre trois langues
modernes différentes.
Sauf dérogation
accordée par le ministre, l'élève ne peut pas modifier son choix de
langue entre la 5e et la 6e années primaires.
Le cours de langue
moderne est assuré par un maître de seconde langue, porteur du titre
d'agrégé de l'enseignement secondaire inférieur, Section langues
germaniques, ou de celui d'instituteur primaire complété :
1° pour le
néerlandais et l'allemand, par le certificat de connaissance
approfondie visé à l'article 8 de l'arrêté royal du 25 novembre 1970
relatif à l'organisation des examens linguistiques;
2° pour l'anglais,
par un certificat de connaissance approfondie dont le Gouvernement
organise la délivrance.
Les cours de langue
organisés en 5e et 6e font l'objet d'une évaluation externe organisée
sous le contrôle de l'Inspection de la Communauté française en
collaboration avec les représentants des différents pouvoirs
organisateurs.
Article 8
Lorsque, en
application de la loi du 30 juillet 1963 précitée, le cours de langue
moderne comprend plus de deux périodes hebdomadaires, il peut avoir pour
objet, en sus de l'apprentissage linguistique, un des objectifs visés à
l'article 16, § 3, alinéa 2, du décret du 24 juillet 1997 précité. |
Le 6 juin 2004, ce fut l'Arrêté du gouvernement de
la Communauté française portant application pour l'année scolaire
2004-2005 de l'article
12, § 1er du décret du 13 juillet 1998, portant organisation de
l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation
de l'enseignement :
Sur la proposition du
ministre de l'Enfance ayant l'enseignement fondamental dans ses
attributions, Arrête
:
Article 1er
Les écoles suivantes,
organisées ou subventionnées par la Communauté française, sont autorisées
à organiser durant l'année scolaire 2004-2005 certains cours et activités
pédagogiques de la grille-horaire dans une langue moderne autre que le
français.
Article 2
Le présent arrêté entre en
vigueur le 1er
septembre 2004.
Bruxelles, le 6 juin 2004.
Pour le gouvernement de la
Communauté française :
Le ministre de l'Enfance
chargé de l'enseignement fondamental, de l'accueil et des missions
confiées à l'ONE
J.-M. NOLLET |
De leur côté, les parents doivent opter pour une langue
moderne, soit en inscrivant leur enfant dans une école qui offre la langue qui
leur paraît préférable, soit en acceptant simplement l’offre unique de l’école
dans laquelle il se trouve déjà, soit encore en choisissant entre les deux
langues offertes par l’école.
4.2 Les quatre communes à facilités de la frontière linguistique
Les communes à facilités, qu'elles soient en Wallonie ou en Flandre,
soulèvent généralement des difficultés, chacune des communautés tentant
d'interpréter souvent à son profit les règles juridiques.
|
En Wallonie,
les quatre communes avec facilités en néerlandais sont, de
gauche à droite en vert sur
la carte, Comines / Komen
(17 564 hab.), Mouscron / Moeskroen (52 492
hab.), Flobecq / Vloesberg (3194 hab.) et
Enghien
/ Edingen (10 863 hab.); les chiffres de population s'appliquent pour l'année 2000
(voir la
carte détaillée). On compte au total quatre communes wallonnes à
facilités, six communes flamandes à Bruxelles et six communes flamandes à la
frontière linguistique |
- Les services administratifs
Bien qu’on ne puisse savoir combien il y a effectivement de
néerlandophones (forcément minoritaires) dans ces quatre communes, ceux-ci ont
le droit, conformément à la loi belge, de recevoir des services dans leur
langue. La langue officielle demeure toujours le français, mais dans ces quatre
communes wallonnes à facilités, les administrations communale, provinciale,
régionale et fédérale doivent fournir normalement un minimum de service d’ordre
administratif en néerlandais si un citoyen de ces communes le demande; ces
services sont spécifiés en détail par la loi fédérale et ils ne sont pas
les mêmes dans toutes les communes à facilités, les différences étant dues
à la législation fédérale. En général, les habitants néerlandophones des
communes à facilités ne recourent pas très souvent à leurs droits dans leurs
contacts avec l’Administration communale (malgré le fait que c’était
justement ce niveau que le législateur envisageait en particulier). Toutefois,
la législation est appliquée plus correctement aux autres administrations. Un
citoyen néerlandophone peut, par exemple, recevoir des documents de la Région
wallonne en néerlandais, recourir au néerlandais dans un tribunal (selon les
conditions prescrites) et exiger
que ses enfants reçoivent leur instruction en néerlandais.
Pour sa part, l’Administration de la Communauté française est évidemment
unilingue francophone et le régime des facilités ne la concerne nullement. Les
citoyens, même ceux des communes à facilités, qui veulent faire appel d’une
manière ou d’une autre à des services de la Communauté française, doivent
le faire en français.
- Les tribunaux
L’emploi des langues en matière judiciaire est réglementé par la
Loi fédérale du 15 juin1935. La législation concernant les communes à facilités ne s’applique
pas à ce domaine.
Article 1
Devant les juridictions
civiles et commerciales de première instance, et les tribunaux du
travail dont le siège est établi dans les provinces de Hainaut, de
Luxembourg, de Namur et dans les arrondissements de Nivelles, Liège,
Huy et Verviers, toute la procédure en matière contentieuse est
faite en français. |
Cependant, d'après la même
Loi fédérale du 15 juin1935, dans les communes de la
périphérie de Bruxelles (communes à facilités), il est possible demander un
procès en français si les résidants demeurent dans les communes à facilités
(Drogenbos, Krasinem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, Wezambeek-Oppem):
Article 4
1) Sauf dans les cas prévus à l'article 3, l'emploi des langues
pour la procédure en matière contentieuse devant les juridictions de
première instance dont le siège est établi dans l'arrondissement de
Bruxelles est réglé comme suit:]
L'acte introductif d'instance est rédigé en français si le défendeur
est domicilié dans [[la région de langue française]]; en
néerlandais, si le défenseur est domicilié dans [[la région de
langue néerlandaise]]; en français ou en néerlandais, au choix du
demandeur, si le défenseur est domicilié dans une commune de
l'agglomération bruxelloise ou n'a aucun domicile connu en Belgique.
La procédure est
poursuivie dans la langue employée pour la rédaction de l'acte
introductif d'instance, à moins que le défendeur, avant toute
défense et toute exception même d'incompétence, ne demande que la
procédure soit poursuivie dans l'autre langue.
2) La demande prévue à l'alinéa précédent est faite oralement
par le défendeur comparaissant en personne; elle est introduite par
écrit lorsque le défendeur comparaît par mandataire. L'écrit doit
être tracé et signé par le défendeur lui-même; il [...] reste annexé
au jugement.
[...]
3) La même
demande de changement de langue peut être formulée sous les mêmes
conditions par les défendeurs domiciliés dans une des communes de
Drogenbos, Krasinem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel,
Wezambeek-Oppem. |
Chaque accusé ou accusateur, peu importe où il habite et
peu importe sa nationalité, peut demander un interprète ou être traduit
devant une cour qui parle sa langue (en matière pénale) ou solliciter la
poursuite de la procédure dans la langue voulue (en matière civile et
commerciale). Il ne s’agit pas d’un droit pour les résidants des communes
à facilités, mais d’un droit pour tout non-francophone habitant la région
linguistique française (et pour tout non-néerlandophone habitant dans la
région linguistique néerlandophone).
- L'enseignement
Par ailleurs, la loi prévoit la possibilité d’organiser un enseignement
pour les enfants flamands dans les communes wallonnes. C’est exactement la
même réglementation (fédérale) en vigueur dans les communes à facilités en
Flandre. Le législateur a bien défini les règles qui doivent être
respectées. La loi de 30 juillet 1963 limite ces facilités à l’enseignement
préscolaire (maternelle) et primaire (les articles 3 et 6). Pour l’enseignement
secondaire, supérieur et universitaire, prévaut le principe langue de la
région comme langue d’enseignement obligatoire. L’article 6 de la
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963, l’article 3 de l’arrêté royal du 14 mars 1960 et l’article 3 de l’arrêté
royal du 20/11/79 précisent que cet enseignement ne peut être demandé que par
les chefs de familles qui résident dans les communes à facilités; ces
demandes minimales doivent être au nombre de 16. Les enfants concernés
doivent, comme leurs parents, habiter dans la commune à facilités et la langue
maternelle ou usuelle de ces enfants doit correspondre avec la langue d’enseignement.
- Les éléments d'appréciation
néerlandophone
Selon certains Flamands, les autorités wallonnes appliqueraient
ces «facilités» à contrecœur et elles pratiqueraient du racolage
auprès des communes flamandes situées près de la frontière linguistique afin
d’augmenter leur effectif scolaire, ce qui est illégal. Les Flamands disent
avoir constaté des irrégularités de la part des autorités francophones qui
auraient refusé d’admettre les contrôles fédéraux tout en acceptant l’argent
de la Communauté flamande; elles auraient inscrit illégalement des enfants non
belges et non francophones dans leurs écoles et auraient parfois enregistré en
double des élèves wallons de façon à gonfler l’effectif dans les écoles
françaises. Les Flamands, de même que l’ALAS (l’Association culturelle
pour la sauvegarde de la langue et de la culture luxembourgeoise dans le pays
d'Arlon), accusent aussi les autorités wallonnes d’assimiler leurs
minorités, non seulement les néerlandophones, mais aussi les locuteurs du
luxembourgeois (au sud-est) et de l’allemand (région d’Altbelgien).
La «langue» parlée dans la
région dite d’Altbelgien est, d’une part, le luxembourgeois (Arelerland et la
commune de Bocholz), d’autre part, le limbourgeois-carolingien (région de
Montzen-Welkenraedt).
Dans la région d’Arlon, la langue écrite,
scolaire et celle de la chaire était l’allemand avant la première guerre
mondiale; elle est passée ensuite au français. De même, dans la région de
Montzen-Welkenraedt où, par ailleurs les recensements linguistiques variaient du
néerlandais à l’allemand d’un recensement à l’autre, car les habitants ne
parlaient que le dialecte taxé, par les uns, d’allemand et, par les autres, de
néerlandais, alors qu’il n’est ni l’un ni l’autre, mais un parler germanique
vraiment intermédiaire.
Pour les Flamands, la plupart des documents administratifs des communes de
Comines / Komen, Mouscron / Moeskroen et de Flobecq / Vloesberg ne seraient envoyés
qu'avec beaucoup de retard en néerlandais, que les fonctionnaires
manifesteraient peu de coopération — alors que, pour les Wallons, les
Flamands s'autoriseraient eux-mêmes de telles pratiques — et que les Wallons
ne paieraient pas pour la gestion et le salaire des enseignants dans les écoles
flamandes. Seule la commune de Comines / Komen dispose d’une école en
néerlandais en raison des demandes répétées des citoyens flamands et,
surtout, parce que le gouvernement flamand a décidé de payer pour l’école
(ce qu’il n’était pas obligé de faire).
Dans les autres communes, les Flamands auraient abandonné, d’une part,
parce qu’ils connaissent le français, d’autre part, parce qu’ils seraient
vaincus par la bureaucratie wallonne, pointilleuse et extrêmement lente. Les
Flamands soutiennent que, pour leur part, ils ont toujours respecté les accords
entre les deux communautés et ils ont toujours payé, en raison de 80 millions,
pour les écoles françaises des communes à facilités situées en Flandre; en
fait, la somme totale serait de 263 240 262 FB (6,5
millions d'euros ou 8,7 millions de dollars
US). Les politiciens wallons auraient même investi dans des associations
francophones en Flandre (une violation des accords pour laquelle le gouvernement
wallon a été condamné plusieurs fois par le Conseil d’État (ou Raad van
State). En réalité, la minorité
flamande dans les quatre communes «à facilités» en Wallonie est une petite
minorité qui fait très peu parler d’elle, tandis que la «minorité» francophone
dans les communes «à facilités» en Flandre est presque partout majoritaire (et
quand elle a perdu sa majorité comme à Fourons, c’est en raison de
l’«immigration» néerlandaise).
Il n’est pas surprenant que la plupart des Flamands habitant dans des
communes wallonnes à facilités soient souvent francisés et assimilés.
Néanmoins, dans la commune de Mouscron, la minorité flamande, bien que
fortement francisée, a su conserver des liens culturels et économiques très
forts avec la Flandre; en général, les habitants de Mouscron ne se disent pas wallons,
mais mouscronais. Il en est de même pour les habitants d’Enghien.
Dans la commune de Mouscron / Moeskroen, la correspondance entre les autorités
locales et les entreprises privées (majoritairement d’origine flamande) est
faite majoritairement en néerlandais. Les autorités communales ont réussi à
attirer des entreprises flamandes et, pour favoriser un climat prospère, elles
préfèrent rédiger leur correspondance en néerlandais. En somme, les Flamands semblent indignés non pas du fait
que les facilités soient
appliquées d'une manière parcimonieuse ou pas du tout, mais bien, et surtout,
en raison de l'«attitude hypocrite» des autorités wallonnes. Cependant, ces dernières
accusent les Flamands d'être des «racistes» qui pratiqueraient l'«épuration
ethnique» dans leurs communes à facilités (depuis le circulaire de Peeters en
1997), tandis qu'elles appliqueraient elles-mêmes, depuis fort longtemps et en
camouflant leurs véritables intentions, les facilités de façon à les abolir
à plus long terme.
Finalement, le1er décembre 1999, un accord a été conclu entre
les principaux partis politiques (les accords de la Saint-Éloi) en vue de
mettre fin notamment au racolage entre les communautés. Dorénavant, la Cour
des comptes sera compétente pour vérifier le comptage des élèves. Une école
appartenant à une communauté ne pourra plus effectuer de ramassage scolaire
sur le territoire de l'autre communauté. Il fallait en effet limiter le nombre
d'élèves résidant sur le territoire d'une communauté et étudiant dans le
territoire de «l'autre». Pour l'instant, 24 000 jeunes habitant la Flandre
étudient sur le territoire de la Communauté française par rapport à 7995
(pour l’année scolaire 1997-1988) jeunes francophones étudiant en
néerlandais. On comptait aussi 17 884 jeunes de nationalité néerlandaise, 176
de nationalité française et 116 de nationalité allemande inscrits dans les
écoles flamandes.
4.3 La région bilingue de Bruxelles-Capitale
La région
bilingue de Bruxelles-Capitale (voir
la liste des communes) constitue un cas à part dans les
politiques linguistiques belges. La ville elle-même forme au centre du
pays une enclave dans la province du Brabant flamand avec, en 2000,
quelque 964 000 habitants, dont 65 % à 70 % de francophones,
10 % de néerlandophones et de 20 % à 25 % d'allophones
(Maghrébins, Turcs, Italiens, Espagnols, etc.). |
|
- La statut juridique à parité
Même si les Flamands y sont très minoritaires, ils ont acquis un statut
juridique à parité avec les francophones. Le rapport Harmel de 1958 avait
prévu que, même si la Wallonie et la Flandre devaient restées unilingues de
façon à respecter le caractère homogène des deux principales communautés
linguistiques du pays, Wallons et Flamands devaient au contraire cohabiter à
Bruxelles et pouvoir conserver leurs caractères propres:
1) La communauté
wallonne et la communauté flamande doivent être homogènes. Les
Flamands qui s’établissent en Wallonie et les Wallons qui
s’établissent en Flandre doivent être résorbés par le milieu.
L’élément personnel et ainsi sacrifié au profit de l’élément
territorial;
2) Par voie de conséquence, tout l’appareil culturel doit
être français en Wallonie et néerlandais en Flandre;
3) La communauté wallonne et la communauté flamande doivent
conserver les enfants nés respectivement en Wallonie et en Flandre
et émigrés à Bruxelles, de même que ceux qui sont nés à Bruxelles de
parents originaires de Wallonie et de Flandre. Dans la capitale,
l’élément personnel doit l’emporter sur l’élément territorial.
(Chapitre I, p. 309) |
Aujourd’hui, le bilinguisme institutionnel est obligatoire et s'applique à
tous les organismes du gouvernement fédéral et celui de la Région de
Bruxelles-Capitale, mais non à ceux relevant de la Communauté française (FW-B) ou de
la Communauté flamande (nécessairement unilingues): l'administration, les
tribunaux, l'enseignement, l'affichage institutionnel, les noms de rues (odonymie),
les moyens de transport public, etc. Bref, les Bruxellois choisissent leur
«langue administrative», leur «langue de l’éducation», etc. Par exemple,
un Bruxellois peut déclarer le turc comme langue maternelle, le français comme
«langue administrative», le néerlandais comme «langue de l'instruction», et
à nouveau le français comme «langue utilisée pour les élections» (il y a
des listes francophones et des listes néerlandophones) et l’anglais pour les
affaires commerciales. Bref, le bilinguisme institutionnel à Bruxelles demeure
obligatoire dans quatre domaines :
1) les organismes de l'administration fédérale;
2) les organismes de l'administration de la Région de Bruxelles-Capitale;
3) les organismes des 19 administrations communales;
4) les organismes des institutions et associations bicommunautaires.
|
Ainsi, à l’intérieur des limites de Bruxelles-Capitale, les organismes de
la Communauté française
(FW-B) ne sont pas tenus d’offrir des services dans
les deux langues officielles. Ils demeurent unilingues français, car ils ne s’adressent
qu’aux quelque 680 000 francophones. Les décrets de la Communauté française
n’ont force de loi dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qu’à l’égard
des institutions qui dépendent de la Communauté française et de la Commission
française de la Région (cette dernière est un organisme régional auquel la
Communauté française a transféré pas mal de ses compétences
communautaires). La loi belge ne laisse aucune doute sur ce point: le pouvoir
des gouvernements communautaires à Bruxelles n'est pas personnel, mais lié aux
institutions de ces communautés. Ainsi, la Communauté française (dans la pratique, c'est la Commission
française de la Région Bruxelles-Capitale) règle l'emploie des langues dans
l'enseignement francophone, l'administration communautaire, des associations
culturelles, etc. Comprenons bien que les citoyens bruxellois ne sont pas tenus
de déclarer leur langue maternelle, mais que l’Administration, tant
fédérale que régionale et communale, demande à ceux qui font appel à ses
services de déclarer dans quelle langue ils veulent être servis.
|
Dans les faits, les Bruxellois, qu’ils soient francophones ou
néerlandophones, reçoivent des services dans leur langue maternelle chaque
fois qu’ils s’adressent à un organisme relevant de la juridiction du
gouvernement fédéral ou du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale,
ou encore des communes et des institutions bicommunautaires de l’agglomération
bruxelloise. Il en est ainsi de la plupart des entreprises privées.
- Les critiques du système
Du côté des critiques du système, des francophones disent se
plaindre des services unilingues néerlandais de la part de certains
professionnels (médecins, vétérinaires, dentistes, etc.) pratiquant en bureau
privé, qui utiliseraient ouvertement l’anglais afin d’éviter de parler
français. Ces pratiques semblent cependant constituer des cas marginaux,
puisque tous les médecins belges doivent faire partie de l’Ordre des
médecins, dont l’une des règles consiste à servir le patient dans sa langue.
De toute façon, un médecin flamand qui refuserait de soigner ses patients en
français se condamnerait au chômage. En réalité, il est plus vraisemblable
que des médecins francophones ne puissent offrir leurs services en
néerlandais, car presque tous les hôpitaux bruxellois sont massivement
francophones, sans oublier l’Hôpital universitaire, qui relève de l’Université
francophone de Bruxelles (ULB). Bien sûr, certaines entreprises francophones
peuvent également se faire tirer l’oreille pour offrir des services en
néerlandais.
On doit donc retenir que si le régime de la territorialité s’applique
partout en Wallonie, c’est le régime de la personnalité fondé sur les
droits personnels qui prime dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Tout
citoyen habitant la région bilingue de Bruxelles-Capitale opte librement, et au
cas par cas, pour le régime linguistique de son choix, quelle que soit son
origine ou sa commune de domicile et quel que soit le service administratif
auquel il s’adresse.
- Éducation et écoles bruxelloises
En vertu de la Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963 relative au régime linguistique de l’enseignement
(art. 5, § 1), la langue de l'enseignement dans l'agglomération de Bruxelles-Capitale est le néerlandais ou le français, selon la langue
maternelle ou usuelle de l'enfant (c'est-à-dire langue familiale). Ceci se
faisait sur la base d’une déclaration linguistique du père ou du tuteur, ce
qui éventuellement pouvait faire l'objet d'un contrôle de la part d’une
commission linguistique. Désormais, les parents francophones devraient envoyer
leurs enfants dans les écoles francophones, tandis que les enfants des parents
flamands devraient fréquenter les écoles flamandes.
Article 5
1) Dans l'arrondissement de Bruxelles-Capitale, la langue de
l'enseignement est le français ou le néerlandais selon le choix du chef de
famille lorsque celui-ci réside dans cet arrondissement.
2) Les sections dans lesquelles la langue de l'enseignement est le
français et les sections dans lesquelles la langue d'enseignement est le
néerlandais, ainsi que les sections de régime linguistique différent des
crèches, pouponnières et sections prégardiennes, ne peuvent être placées
sous une même direction et relèvent de l'inspection de leur régime
linguistique.
3) Dans le même arrondissement, l'État organise et subventionne aux
conditions fixées par le roi, les crèches, pouponnières et sections prégardiennes, ainsi que l'enseignement gardien et primaire, nécessaires
pour que les chefs de famille puissent exercer leur droit d'envoyer leurs
enfants, à une distance raisonnable, dans un établissement de leur choix,
où selon le cas, la langue véhiculaire ou la langue de l'enseignement est
le français ou le néerlandais.
|
L'article 17 (§ 4) de la
loi du 30 juillet 1963 prescrivait, pour sa part,
que les enfants habitant en dehors de l'agglomération bruxelloise pourraient
fréquenter les écoles de Bruxelles ou suivre les cours dans la langue de la
région de résidence. Ainsi, selon la loi, les enfants habitant en Région
wallonne ont l’obligation de s’inscrire dans les écoles francophones, les
enfants habitant en Flandre, dans les écoles flamandes de Bruxelles. Mais ce
même article 17 mentionne aussi qu'on peut déroger à cette prescription par
une «déclaration linguistique spéciale du père de famille ou tuteur»
(déclaration qui devrait être contrôlée et approuvée par une commission
linguistique). Ainsi, un enfant francophone de Flandre pouvait suivre des cours
dans une école francophone à Bruxelles ou en Wallonie; la même chose pour un
enfant flamand de Wallonie qui peut être inscrit à une école flamande à
Bruxelles ou en Flandre.
Article 17
1) Chaque chef d'école est responsable de l'inscription d'un
élève dans un régime linguistique déterminé, conformément aux dispositions
des articles 6 et 7 et du présent article.
2) Dans tous les cas où la langue maternelle ou usuelle de l'enfant
détermine le régime linguistique de son enseignement, le chef d'école ne
peut procéder à son inscription dans un régime déterminé que sur
production :
a) soit d'un certificat du chef de l'école que l'élève vient de
quitter, attestant qu'il a fait ses études antérieures dans la langue de
ce régime;
b) soit d'une déclaration linguistique du chef de famille, visée par
l'inspection linguistique dans tous les cas où celle-ci ne met pas en
doute l'exactitude de cette déclaration;
c) soit d'une décision de la commission ou du jury mentionné à l'article
18.
3) Toutefois, lorsque l'enfant est inscrit pour la première fois
dans une école gardienne, le chef d'école peut inscrire l'enfant sur
production de la déclaration linguistique qui sera envoyée dans le mois à
l'inspection linguistique pour vérification.
4) Pour les élèves qui s'inscrivent dans une école de l'arrondissement de Bruxelles-Capitale et dont les parents résident en dehors de cet
arrondissement, la langue de l'enseignement sera la langue de la région de
la résidence des parents, sauf déclaration contraire du chef de famille et
approuvée par l'inspection linguistique.
|
Toutefois, par la loi du 26 juillet 1971 (Loi sur l'organisation des
agglomérations et fédérations communales), la prescription de l'article 5
(§1) a été abrogée. Elle n'est donc plus en vigueur, ainsi que l'obligation
de la déclaration linguistique. L'article 88 (§ 1) de la loi du 26 juillet
1971 donne désormais la liberté aux parents résidant dans l'agglomération
bruxelloise d'envoyer leurs enfants dans les écoles de leur choix.
Article 88 § 1. L'article 5 de
la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans
l'enseignement est remplacé par le texte suivant :
"Article 5. Dans l'arrondissement de
Bruxelles-Capitale, la langue de l'enseignement est le français
ou le néerlandais selon le choix du chef de famille lorsque
celui-ci réside dans cet arrondissement.
Les sections dans lesquelles la langue de
l'enseignement est le français et les sections dans lesquelles
la langue d'enseignement est le néerlandais, ainsi que les
sections de régime linguistique différent des crèches,
pouponnières et sections prégardiennes, ne peuvent être placées
sous une même direction et relèvent de l'inspection de leur
régime linguistique.
Dans le même arrondissement l'État organise et
subventionne aux conditions fixées par le Roi, les crèches,
pouponnières et sections prégardiennes, ainsi que l'enseignement
gardien et primaire, nécessaire pour que les chefs de famille
puissent exercer leur droit d'envoyer leurs enfants, à une
distance raisonnable, dans un établissement de leur choix où,
selon le cas, la langue véhiculaire ou la langue de
l'enseignement est le français ou le néerlandais."
§ 2. Dans l'article
17, alinéa 1, de la même loi, les mots " des articles 5, 6 et 7 "
sont remplacés par les mots " des articles 6 et 7 ". |
L’article
17 (§ 4) de la loi de 1963 (Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963) demeure en vigueur selon les termes utilisés par la
loi, tout en respectant la possibilité de déroger au principe.
Article 17
4) Pour les élèves qui s'inscrivent dans une école de l'arrondissement de Bruxelles-Capitale et dont les parents résident en dehors de cet
arrondissement, la langue de l'enseignement sera la langue de la région de
la résidence des parents, sauf déclaration contraire du chef de famille et
approuvée par l'inspection linguistique.
|
Donc, les
parents francophones habitant dans des communes «sans facilités» peuvent, d’une
part, envoyer leurs enfants dans les écoles francophones de Bruxelles à la
condition de respecter les démarches administratives prévues par la loi, d’autre,
part, de leur faire fréquenter une école de Wallonie. Les mêmes règles
s'appliquent aux enfants néerlandophones de Wallonie.
La loi prescrit explicitement que l’accès des écoles est limité aux
enfants francophones dont les parents ont leur domicile dans les communes à
facilités. Ainsi, des parents francophones résidant dans une commune sans
facilités ne peuvent pas envoyer leurs enfants à ces écoles, mais ils peuvent
les inscrire selon la loi dans les écoles de Wallonie; cette réglementation s’applique
aussi pour les néerlandophones. De même, les Flamands habitant dans des
communes wallonnes sans facilités n’ont pas le droit d’envoyer leurs
enfants à l’école flamande de Comines, mais ceux-ci peuvent suivre leurs
cours dans des écoles de Flandre. Si un francophone habite une commune
flamande «sans facilités», il ne pourra envoyer ses enfants à l'école en
français, mais il peut avoir recours aux écoles privées. Celles-ci peuvent
choisir leur langue d’enseignement: si elles ne sont pas supervisées par l’État
(ou les communautés), les programmes et diplômes ne sont pas reconnus, sauf
dans le cas des écoles qui accueillent les enfants des fonctionnaires
européens (en anglais, en allemand, en suédois, etc.). Il n’y a pas d’écoles
privées dans les communes à facilités.
Les diplômes des écoles étrangères établies en territoire belge ne sont
pas automatiquement validés et reconnus par l’État belge, car ils
sont reconnus sur demande, et ce, cas par cas (jamais collectivement).
Ces écoles étrangères sont toutes des écoles organisées par un État
étranger. Ainsi, la Deutsche Schule (école allemande) et le Goethe
Institut de Bruxelles sont organisés et contrôlés par la République
fédérale d’Allemagne, le Lycée français Jean-Monnet par la
France, la Scandinavian School Queen Astridde Waterloo par la Norvège et
la Suède, la British Junior Academy of Brussels par le Royaume-Uni, etc.
Ces écoles respectent les programmes scolaires de leur pays d’origine, les
cours y sont donnés dans la langue officielle et les diplômes sont reconnus
par chacun de ces États. En vertu des règles établies par l’Union
européenne, l’État belge peut reconnaître de tels diplômes.
Au sujet de l’enseignement des langues secondes, dans toutes les
écoles de Bruxelles, l’enseignement du néerlandais est obligatoire
pour les francophones (art. 10-11-12 de la
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963), alors que
le français est obligatoire pour les néerlandophones:
Article 10
L'enseignement de la seconde langue est obligatoire dans les écoles
primaires de l'arrondissement Bruxelles-Capitale et des communes visées à
l'article 3, à raison de trois heures par semaine au deuxième degré et de
cinq heures par semaine aux troisième et quatrième degrés. Toutefois, dans
les écoles primaires créées par application de l'article 6 dans les
communes visées à l'article 3, 1o, le nombre d'heures est porté
respectivement à quatre et à huit.
La seconde langue sera le français ou le néerlandais. Elle peut être
l'allemand dans les arrondissements de Verviers, Bastogne et Arlon.
Cet enseignement peut comprendre des exercices de récapitulation
des autres matières du programme.
Dans les communes visées à l'article 3, par. 1o, un
certain nombre de matières peuvent être enseignées dans la seconde langue,
dans l'enseignement secondaire. Le roi fixe ces matières ainsi que leur
nombre par chacune de ces communes.
Article 11
Dans les établissements d'enseignement secondaire de
l'arrondissement de Bruxelles-Capitale où une seconde langue figure au
programme, cette seconde langue sera le français ou le néerlandais.
Article 12
À la requête du chef de famille, sont dispensés de l'étude de la
seconde langue les enfants de nationalité étrangère, lorsque le chef de
famille fait partie d'une organisation de droit des gens, d'une ambassade,
d'une légation ou d'un consulat ou lorsque le chef de famille ne réside pas
en Belgique.
|
On peut affirmer que la politique linguistique de la Communauté française
est à la fois limitée et étendue. Compte tenu du fait que toutes les lois
linguistiques importantes ont été élaborées alors que la Belgique
constituait encore un État unitaire, la Communauté française (comme la
Communauté flamande) est limitée dans une sorte de carcan législatif dont
elle ne peut sortir. On dirait qu’en Belgique les lois ne sont pas faites pour
être modifiées et semblent parfois coulées dans le béton pour l’éternité.
Pour un observateur
étranger, le fait que la Communauté française (et la Communauté flamande) ne
puisse intervenir auprès des francophones des communes à facilités apparaît
comme une anomalie dans la mesure où cette même Communauté peut le faire dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale. Ce serait toutefois oublier que les
communes à facilités n’ont pas acquis le statut bilingue de Bruxelles et ce
serait interpréter les communes à facilités comme des communes «bilingues», ce
qui, selon la loi, n’est pas le cas. D’ailleurs, cette interprétation plus large
de la loi est fréquemment évoquée dans les milieux francophones de Bruxelles. Le
gouvernement wallon et la Communauté française introduisent régulièrement des
requêtes auprès du Cour d’arbitrage et du Conseil d’État avec le (peu de) succès
que l’on sait.
Dans les communes à facilités, ce sont les conseils unilingues
flamands du Conseil d’État qui sont compétents. La jurisprudence de ces
conseils est considérée comme
«flamingante» par beaucoup de francophones.
4.4 Les «langues régionales endogènes»
Dans le cadre de ce document, il s’agit des locuteurs des «langues
régionales endogènes», pour employer la terminologie du Conseil des langues
régionales: wallon, champenois, gaumais, luxembourgeois, limbourgeois, etc.
Quant aux germanophones des communes de Malmédy et Waimes, ils ne font pas
partie des langues régionales endogènes dans la mesure où ils constituent une
minorité reconnue avec des droits linguistiques prévus aux communes à
facilités; ils échappent à la juridiction de la Communauté française, car c’est
le gouvernement fédéral qui demeure le responsable de cette petite
communauté.
La Communauté française de Belgique, c’est-à-dire l'autorité
compétente en matière culturelle pour la Wallonie, a adopté en 1990 un
décret reconnaissant officiellement les langues régionales issues du latin et
du germanique: c’est le
Décret
relatif aux langues régionales endogènes
du 24 décembre 1990. Selon les dispositions du décret (art.
1):
Article 1er La Communauté française de Belgique reconnaît en son sein la
spécificité linguistique et culturelle de ceux qui usent à la fois d'une
langue régionale endogène et du français, langue officielle de la
Communauté. |
Ces langues «régionales endogènes» font partie du «patrimoine culturel
de la Communauté», celle-ci ayant le «devoir de les préserver, d'en
favoriser l'étude scientifique et l'usage, soit comme outil de communication,
soit comme moyen d'expression». Cependant, aucune de ces langues n’est
expressément nommée dans le décret, mais il s’agit vraisemblablement du
wallon, du picard, du lorrain (ou gaumais), du champenois ainsi que du
francique luxembourgeois et du francique limbourgeois, comme l’illustre d’ailleurs la
carte fournie par le
Conseil des langues régionales endogènes de la Communauté. Ces langues
bénéficieraient à ce titre des politiques menées par le Bureau des langues
régionales endogènes du ministère de la Communauté française de Belgique.
En fait, il s’agit d’une coquille vide, aucune mesure concrète n’ayant
été mise en œuvre.
En vertu de l’Arrêté
de l’Exécutif de la Communauté française instituant un Conseil des langues
régionales endogènes de la Communauté française
(1991), un Conseil des langues régionales endogènes a été institué
afin de donner son avis au ministre de la Communauté française chargé de la
Culture sur les «mesures aptes à protéger et à promouvoir l'usage des
langues régionales endogènes» de ladite Communauté et de «donner son avis
au ministre sur les travaux de tous ordres» concernant ces langues:
Article 2
Le
Conseil est chargé :
1°de
donner son avis au ministre de la Communauté française chargé de la
Culture, ci-après dénommé le Ministre, sur les mesures aptes à
protéger et à promouvoir l’usage des langues régionales endogènes de
ladite Communauté ;
2°de
donner son avis au ministre sur les travaux de tous ordres – études
scientifiques, œuvres littéraires – concernant ces langues.
|
Ce n’est
pas ce qu’on peut appeler une législation favorable à une protection des
langues régionales.
De toute façon, une reconnaissance explicite du luxembourgeois pourrait
amener la nécessité d'une révision du statut linguistique des communes de
cette région. Or, ce genre de dispositions législatives devraient se faire au
sein du Parlement fédéral et risquaient de déstabiliser le pays tout entier.
En effet, on pourrait prévoir que les politiciens en profiteraient pour
remettre en question tous les problèmes restés en suspens ou non réglé par
l’actuelle législation.
Dans l'Arrêté du
gouvernement de la communauté française du 23 juin 2006, il est institué un
Conseil des langues régionales endogènes, dont la mission est notamment de
proposer des mesures visant à protéger et à promouvoir les langues régionales
endogènes de la Communauté française:
Article 28
Le Conseil a pour mission de :
1° proposer toutes mesures visant à protéger et à promouvoir les
langues régionales endogènes de la Communauté française; 2° donner avis sur toutes mesures visant à protéger et à promouvoir
les langues régionales endogènes de la Communauté française; 3° donner avis sur les demandes de subventions et aides financières
en matière d'édition de travaux relatifs aux langues régionales
endogènes de la Communauté française et, le cas échéant, d'assurer
une assistance scientifique préalable à l'édition de ces travaux; 4° proposer les membres des jurys des prix annuels de la Communauté
française destinés à récompenser des travaux en matière de langues
régionales endogènes de cette Communauté.
|
L’appellation comprend tous les parlers
minoritaires développés parallèlement au français, que ce soit des langues
romanes (champenois, lorrain, picard, wallon) ou germaniques (brabançon
bruxellois, thiois ou francique carolingien, luxembourgeois ou francique
mosellan). Jusqu'à présent, ce statut de «langues régionales endogènes» ne
s'est pas matérialisé dans une politique linguistique concrète. Ainsi, il
n'existe aucune structure scolaire permettant l'apprentissage de ces langues
ou favorisant l'emploi de ces langues dans les médias.
- Le wallon
En ce qui a trait au wallon, même si la Communauté française a même
adopté, le 24 janvier 1983, le Décret
relatif au recours à un dialecte de Wallonie dans l'enseignement primaire et
secondaire approuvant l'introduction du wallon à l'école.
Article 1er
Dans l'enseignement primaire et secondaire le recours à un des dialectes de
Wallonie est autorisé chaque fois que les enseignants pourront tirer profit
pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française.
Article 2
Dans l'enseignement primaire, l'autorisation de la Direction générale est
requise pour inscrire cette activité dans la limite d'une heure par semaine. Si
l'enseignement subventionné officiel ou libre tient à inscrire cette activité
dans la limite d'une heure par semaine, le pouvoir organisateur doit demander
l'autorisation requise à l'alinéa 1er du présent article, via l'inspection
cantonale. Pour l'enseignement de l'État, cette autorisation sera demandée par
le chef d'établissement, via l'inspection. Le pouvoir organisateur ou le chef
d'établissement désireux de le faire doit fournir un contenu structuré de cet
enseignement. Dans l'enseignement secondaire, l'enseignement d'un dialecte ainsi
que de la littérature et des arts populaires locaux, peut prendre place dans le
cadre des activités complémentaires et des activités para- et extrascolaires.
|
Comme il fallait s’y attendre, le décret est
resté lettre morte, donc inappliqué, car inapplicable en raison notamment de
l’absence d’une norme d’usage standardisée (wallon liégeois, wallon namurois,
wallon gemblougeois, etc.), et ce, malgré une orthographe normalisée (rfondu
walon). Il semble que, juridiquement parlant, il n'y ait pas de véritables
obstacles à l'enseignement du wallon dans les écoles de la Wallonie, mais le
système éducatif est généralement sous la coupe de forces hostiles à cet
enseignement. En effet, les milieux enseignants sont, depuis 1918, généralement
réfractaires aux dialectes ou aux langues endogènes, et ce, tant en Flandre
qu’en Wallonie. Depuis cette époque, on a assisté à une néerlandisation forcée
en Flandre et une francisation forcée en Wallonie au détriment des dialectes,
devenus depuis 1992 des «langues endogènes», un statut plus symbolique que
réel.
À la radio, un certain nombre d’heures pour le wallon seulement sont
accordées sur les ondes de la RTBF. Une bonne douzaine de revues sont
publiées en wallon, et une seule en luxembourgeois. Jusqu’ici, l’adoption
du décret concernant la promotion des langues régionales endogènes n’a
produit aucun effet visible dans les écoles. C’est donc par manque de
connaissance que les locuteurs du wallon utilisent parfois une orthographe qui
diffère de l’orthographe standard. Rappelons que les locuteurs du
wallon ne sont pas considérés comme une minorité linguistiques puisqu’ils
sont des Wallons.
- Le luxembourgeois
|
En Wallonie, le luxembourgeois est d’abord parlé dans l'arrondissement
d'Arlon/Arel (appelé Arelerland) depuis que la région fût séparée du
grand-duché en 1831 par un traité, bien que celui-ci ne fut ratifié qu’en
1839. Il est également parlé dans la région de
Saint-Vith/Sankt Vith. Rappelons que la plupart des locuteurs du
luxembourgeois vivent dans le grand-duché de Luxembourg (environ 290 000
locuteurs) et qu’il existe de petites minorités parlant le luxembourgeois en
Allemagne (dans la région de Trèves) ainsi qu’en France, plus
particulièrement en Lorraine dans la région de Thionville/Diddenuewen (de 30
000 à 40 000 locuteurs environ). Seul le luxembourgeois du grand-duché a
acquis le statut de «langue» (en fait: «langue nationale du Luxembourg»). |
Les locuteurs du luxembourgeois en Belgique ne sont pas
reconnus comme faisant partie d’une minorité linguistique parlant un
parler germanique. Il n'existe pas de statistiques officielles
concernant le nombre des locuteurs de cette «langue», mais certaines
estimations fixent ce nombre dans la région d’Arlon à quelque 24 000
individus. Les communes de la région arlonoise comptaient en 2013
quelque 60 000
habitants, alors que la seule commune d’Arlon en avait 28 300.
C’est dans cette ville que résident la majorité des unilingues
francophones; dans toutes les autres communes de la région, c’est le
luxembourgeois qui demeure la langue d’usage informelle, les habitants étant
tous bilingues (luxembourgeois-français); on constate cependant que la jeune
génération devient de plus en plus unilingue francophone. En général, les
locuteurs du luxembourgeois ne s’identifient pas comme des Wallons, mais
plutôt comme des Belges (national) ou des Luxembourgeois (régional).Les locuteurs du luxembourgeois habitant le sud de la Wallonie demeurent
sous la juridiction de la Communauté française de Belgique. Non seulement le
législateur belge ne leur a pas reconnu de droits linguistiques, mais ils ne
bénéficient pas de «facilités». Le problème, c’est que si le
luxembourgeois est reconnu officiellement comme une «langue nationale» dans
le grand-duché, il n’est considéré socialement que comme un dialecte
en Wallonie.
Le mouvement ALAS (Areler Land a Sprooch : Association culturelle
pour la sauvegarde de la langue et de la culture luxembourgeoise dans le pays
d'Arlon) s'est mobilisé en faveur de la langue luxembourgeoise, mais jusqu’ici
ses revendications n’ont pas donné les résultats escomptés. C’est
pourquoi les Flamands accusent les autorités wallonnes d’assimiler cette
minorité. En fait, le mouvement ALAS milite pour la promotion du trilinguisme
allemand \ français \ luxembourgeois, mais en mettant l’accent sur le
luxembourgeois. Dans la région d’Arlon, seul le français jouit du statut de
langue officielle. C’est pourquoi seule cette langue est reconnue dans l’administration,
les écoles et les tribunaux.
Les seules mesures consenties par les autorités wallonnes consistent à
accorder, depuis 1988, deux heures d’enseignement par semaine en
luxembourgeois et à placer quelques panneaux bilingues
(français-luxembourgeois) dans quelques localités. Selon l’article 10 de la
loi belge du 30 juillet 1963, dans l'arrondissement d'Arlon, ainsi que les deux
arrondissements wallons de Bastogne (arrondissement voisinant à la frontière
luxembourgeoise) et de Verviers (arrondissement voisinant les cantons
germanophones), il est possible de laisser la liberté aux écoles d'enseigner
l'allemand comme la première langue étrangère au lieu du néerlandais. Dans
ce cas, le néerlandais n'est pas enseigné au primaire, mais uniquement
l'allemand. Tout éventuel cours supplémentaire de luxembourgeois ne change en
rien la réglementation. Une seule école maternelle utiliserait la langue
comme moyen d'enseignement dans le cadre d'une expérience pilote.
Par ailleurs, une revue est publiée en luxembourgeois. Les habitants peuvent
capter les émissions de la BRF (Radiotélévision belge de langue allemande).
Les stations privées de Radio Beho et Radio Arlon diffusent des émissions en
luxembourgeois. Si, un jour, la Belgique signe et ratifie la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires, les promoteurs du luxembourgeois
espèrent que cette langue sera reconnue par les autorités. Il faut admettre
que les locuteurs de cette langue témoignent une certaine désaffection à l’égard
de leur langue et plusieurs désirent qu’on introduise l’anglais à la
place de l’allemand dans l’éducation plurilingue de la région.
- Le limbourgeois
|
Au sein d’une
population aujourd’hui majoritairement francophone, les locuteurs du
limbourgeois habitent dans la région de Montzen (en néerlandais: Montzenerland)
ou région dite bas-thioise (en néerlandais: Platdietse streek) au
nord-est de la province
de Liège (et au sud-est du Limbourg flamand),
dont font partie en Wallonie les communes de Plombières (9361 habitants
en 2000), Welkenraedt (8801) et Baelen (3852); la commune d’Aubel y est
parfois incluse, alors que Montzen fait partie de Plombières depuis la
fusion des communes (voir la carte
de la province). Juste au sud de ces
communes «limbourgeoises», se trouvent la commune d’Eupen qui fait partie,
elle, de la région de langue allemande. Les Flamands parlent aussi de la
région de Montzen en l’appelant «Land van Overmaas», c’est-à-dire
le Pays d’outre-Meuse, une appellation plus géographique que
linguistique, alors que l’appellation française «région de Welkenraedt»
reste plus géographique. On peut
consulter une carte de la région germanophone en cliquant
ICI. Le terme de limbourgeois (Limburgs en limbourgeois) désigne un
dialecte du thiois ou bas-francique parlé d’abord dans la province du Limbourg aux
Pays-Bas, mais également dans la région de la Meuse et du Rhin en Belgique et
en Allemagne; de façon plus technique, on parle «dialectes parlés entre la
ligne d’Uerdinger et la ligne de Benrather». Dans le Limbourg flamand et le
Limbourg des Pays-Bas, les locuteurs de ce dialecte le dénomme volontiers Limburgs.
Dans la région bas-thioise de Belgique et la région dialectale correspondante
en Allemagne, les locuteurs du limbourgeois parlent en général de Platt,
par analogie Platt-düüsch, Platduutsch, Platduytsch,
Platdeutsch et Platdietsch. Quant aux mots Dietsch, Duutsch
et Duytsch, ils désignaient la «langue du peuple» (l’élément
diet signifiait «peuple» en vieux-néerlandais et en bas-allemand); le néerlandais était connu par ce nom jusqu’au
XVIIe
siècle (par exemple, l’appellation anglaise Dutch). |
On ignore avec
précision combien le limbourgeois comptent de locuteurs, mais la Commission de
l'Union européenne pour les langues minoritaires estimait dans un rapport de
1987 qu'il y avait entre 20 000 et 25 000 locuteurs qui parleraient couramment
le limbourgeois. Un rapport lu au Parlement national au cours de l’an 2000
publiait d’autres chiffres: soit entre 16 000 et 19 000 locuteurs.
Comme ailleurs, les locuteurs du limbourgeois ne disposent d’aucun droit
linguistique, que ce soit dans l’Administration, les écoles ou les
tribunaux. Néanmoins, les radios locales peuvent faire entendre des émissions
en cette «langue». Ajoutons que les habitants des communes de Plombières,
Aubel, Welkenraedt et Baelen pourraient éventuellement recourir à un décret
royal dit «potentiel» leur permettant de modifier leur statut d’uniliguisme
en un statut de bilinguisme ou de trilinguisme. Mais sa mise en application
exigerait l’adoption d’une loi par le Parlement belge. Jusqu’à ce jour,
cette potentialité n’a jamais été matérialisée.
En ce qui a trait au code linguistique (la langue elle-même), le Service de la langue française
de la Communauté française de Belgique a établi huit grandes actions pour
une politique de la langue française:
- la recherche et la publication de données objectives sur la situation du
français;
- l'enrichissement de la langue française : néologie et terminologie;
- la féminisation des noms de métier, de fonction, de grade ou de titre;
- l'amélioration de la lisibilité des textes administratifs;
- la promotion du français dans les sciences;
- la promotion du plurilinguisme et du français dans les institutions de
l'Union européenne;
- la sensibilisation du public à sa langue;
- la coopération avec les autres organismes de promotion de la langue française.
Le gouvernement de la Communauté française a adopté plusieurs décrets à
caractère linguistique dont certains ont été annulés par la Cour
d'arbitrage. Les décrets réglementent l'emploi de la langue française dans
les domaines de la radiotélévision et des relations sociales entre les
employeurs et leur personnel. Mais le Décret sur la défense de la langue française
du 12 juillet 1978 reste l'un des principaux textes juridiques. L'article 1er
interdit, dans un texte français, tout recours à un vocable d'une autre langue
lorsqu'il existe une expression ou un terme correspondant:
Article 1er
2) Dans un texte français, est prohibé tout recours à un vocable d'une autre
langue lorsqu'il existe une expression ou un terme correspondant figurant sur
l'une des listes I homologuées par le Conseil international de la langue
française que le Conseil culturel a approuvées en tout ou en partie.
Il n'est fait exception que lorsqu'il s'agit de produits typiques ou de
spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public.
Dans le cas visé au 6°, l'emploi qui fait l'objet du contrat ou de l'offre peut
être désigné également par une expression empruntée à une autre langue. En toute
hypothèse, cet emploi, s'il ne peut être désigné que par un terme emprunté à une
autre langue, doit être expliqué en français.
3) L'usage des termes et expressions repris sur les listes II du Conseil
international de la langue française et que le Conseil culturel a approuvées en
tout ou en partie est recommandé. |
L'article 3 impose l'emploi exclusif d'une
langue autre que le français dans les contrats, actes, documents ou
inscriptions relevant de la juridiction de la Communauté française:
Article 3
L'emploi exclusif d'une langue autre que le français est interdit dans:
1° Les marchés et contrats auxquels l'État ou les organismes d'intérêt public,
ainsi que toute autre autorité administrative, sont parties;
2° Les actes et documents des entreprises imposés par la loi et les règlements;
3° Les inscriptions apposées dans des bâtiments, sur des terrains ou des
véhicules de transport en commun, par des personnes utilisant, à quelques titre
que ce soit, un bien appartenant à un pouvoir public ou à une entreprise
concessionnaire d'un service public ou une institution subventionnée par les
pouvoirs publics.
Lorsqu'un contrat est rédigé en français et dans une autre langue, la rédaction
en texte français fait seule foi.
|
Ce décret appelé ««décret Spaak-Lagasse»
visait notamment à combattre les anglicismes. Cependant, le décret ne fut
guère appliqué, car aucune sanction n'était prévue.
Lorsque le gouvernement de la Communauté française adopte des décrets pour
protéger la langue française, il arrive que le Conseil flamand réplique —
ou c’est l’inverse qui se produit — en adoptant des décrets similaires
pour promouvoir la langue néerlandaise. Dans certains cas, la Cour d'arbitrage
annule simplement les deux décrets.
Si l'on fait exception de quelques petits problèmes, on peut affirmer que,
abstraction faite des communes à facilités pour les Flamands, la séparation
territoriale a réglé de manière satisfaisante la question de la langue en
Wallonie. Cependant, les locuteurs du luxembourgeois ne sont guère satisfaits de
leur situation, car ils estiment qu’on tente de les assimiler par la langue
française.
Il ne semble pas facile d'être bruxellois, car la capitale
de la Belgique est restée le
théâtre des affrontements entre francophones et néerlandophones. La ville de
Bruxelles, officiellement bilingue mais majoritairement francophone, est
enclavée dans le territoire flamand. Dans ces conditions, les représentants
des deux communautés ont parfois tendance à simplifier les choses en fonction
de leurs propres intérêts. On peut citer quelques exemples et, comme on le
verra, les interprétations peuvent considérablement varier d'une communauté
à l'autre, ce qui permet de caricaturer la réalité. De plus, une autre
difficulté s'ajoute: le dichotomie entre francophones
bruxellois et Wallons bruxellois.
N'oublions pas que les Bruxellois francophones ne sont pas nécessairement des
Wallons et que ces derniers n'ont pas nécessairement la même culture
politique que les non-Wallons (francophones) de Bruxelles. Certes, les deux
groupes sont des locuteurs francophones, mais les Wallons ont toujours
historiquement habité la Wallonie, alors que les autres sont des descendants
de Français établis à Bruxelles aux XVIIIe et
XIXe
siècles.
6.1 La promotion appréhendée du néerlandais
D’après les francophones de Bruxelles, le Parlement flamand ferait tout pour
promouvoir le néerlandais — le contraire serait, il est vrai, surprenant —,
mais la démographie, l'immigration, l'implantation de l’Union européenne
(30 000 fonctionnaires européens — les eurocrates — favorables au
français) joueraient en faveur de la francisation de Bruxelles. Beaucoup de
francophones se plaignent de ne pas être administrés par des ministres
francophones et, surtout, par des administrations francophones. Pour ces
francophones, le bilinguisme français-néerlandais ne serait qu'une
«supercherie conçue par des politiciens sans scrupules» qui
privilégieraient «les gaffes en matière d'aménagement linguistique», alors
que la prédominance numérique francophone est incontestable (90 % de la
population, selon eux).
Pour les Flamands, le bilinguisme de Bruxelles aurait été instauré après
la Première Guerre mondiale en vue de protéger les francophones qui ne
voulaient pas être incorporés à la Flandre! Aujourd’hui, la même loi
servirait à protéger la minorité flamande de Bruxelles. Les Flamands ne
comprennent pas pourquoi les francophones se plaignent de la place du français
à Bruxelles. Au gouvernement fédéral, la moitié des fonctionnaires et des
ministres sont francophones, alors qu’au gouvernement bruxellois cinq
ministres sont francophones (sur sept) et deux, néerlandophones; la
fonction publique bruxelloise est occupée massivement par des francophones n’ayant
qu’une connaissance parfois rudimentaire du néerlandais.
6.2 Le bilinguisme dans l’enseignement
Dans les écoles, beaucoup de parents francophones se disent
«troublés» de
voir leur enfant consacrer plus de temps à la langue seconde (le néerlandais)
qu'à la langue maternelle. Le phénomène de rejet serait si fort chez les
francophones que les élèves apprendraient mieux l'anglais en 250 heures que
le néerlandais en 1000 heures; certains francophones estiment que c'est une «perte de temps» que d'apprendre une langue dépourvue de débouchés
internationaux. Quant aux élèves flamands, ils apprennent, eux, sans
difficulté le français qui leur sert dans tous les emplois, dans tous les
médias, dans les relations extérieures avec la France, le Luxembourg, la
Suisse et l'Italie. Il est vrai que l'enseignement du français est davantage
valorisé chez les Flamands en Flandre, puisque plus de 92 % d'entre eux le
choisissent comme «première langue» seconde; le peu des élèves qui n’apprennent
pas le français (soit 7,1 %) ne suivent aucun autre cours de langue
étrangère, car il s’agit d’élèves de certains filières techniques.
On constate toutefois, depuis quelques
années, une montée de l’anglais en lieu et place du français comme langue
seconde de l’enseignement.
Les problèmes liés au bilinguisme dans l'enseignement à Bruxelles
s'étendraient aussi à la qualité de l’enseignement. Beaucoup de
francophones dénoncent le fait que l'enseignement du français serait donné par des
professeurs flamands bilingues qui enseigneraient «un français flamandisé».
D’autres accusent l'Administration de favoriser les classes flamandes aux
dépens des classes françaises. Par exemple, le nombre des élèves par classe
serait plus élevé chez les francophones, les locaux, plus grands et plus
modernes chez les Flamands, etc. Les immigrants subiraient d'énormes pressions
de la part des Flamands pour peupler les écoles de leur communauté. Le
problème, c’est qu’on se demande bien comment l’Administration
(laquelle?) pourrait privilégier l’enseignement du néerlandais, alors que
cette question relève des communautés, en l'occurrence de la juridiction de
la Communauté française. Pour ce qui est des enseignants, il
est peu probable qu’un néerlandophone muni d’un diplôme pédagogique de
Flandre puisse exercer sa profession en français, car les maîtres ne
peuvent qu’enseigner dans des écoles du régime linguistique de leur
diplôme pédagogique. Dans le cas où un néerlandophone obtiendrait un
diplôme pédagogique d’une école supérieure francophone, on peut supposer
que sa connaissance
de la langue française ne saurait être qu’excellente!
De plus, chacune des communautés peut en principe faire du «racolage»,
chacune reste le maître d’œuvre de son enseignement, de la formation des
enseignants, des conditions de travail, des budgets, de la qualité de ses
édifices publics, etc. De toute façon, on peut se demander comment, dans une
société démocratique, une population minoritaire, représentant 10 % de
l’ensemble, pourrait bien avoir les moyens d’être plus forte qu’une
autre représentant 70 %. Il est vrai que l’afflux d’élèves
allophones dans les écoles françaises peut entraîner une baisse de la
qualité de l’enseignement, mais ce n’est sûrement pas la faute des
Flamands, qui préféreraient sans doute bien vivre les mêmes problèmes. De toute façon,
lorsqu'une école néerlandaise reçoit exceptionnellement «trop» d'élèves
francophones, la direction se plaint que ceux-ci font baisser la moyenne!
Quant aux 20 % ou aux 25 % d'immigrants à Bruxelles, qui sont
majoritairement d'origine maghrébine et turque, ils préféreraient
s'intégrer majoritairement aux francophones en raison des débouchés
internationaux qui, bien souvent, sont offerts maintenant à ceux qui parlent l’anglais.
Selon les Flamands, de nombreux immigrants choisiraient le français parce que
c’était la langue seconde de leur pays d’origine (le Maroc?). Finalement,
le problème des immigrants favorables au français ne vient qu'alimenter
l'éternelle querelle linguistique en Belgique.
6.3 Les mythes journalistiques
Enfin, il arrive que les journaux racontent parfois des histoires
plus ou moins invraisemblables, notamment les journaux français alimentés par les
francophones bruxellois. Par exemple, dans son édition de novembre 1983, Le Monde diplomatique
(Paris) rapportait que, lorsqu’un chauffeur d'autobus oublie d'indiquer un
nom de rue à la fois en français et en néerlandais, le «scandale» éclate
au Parlement fédéral le jour même. Or, les chauffeurs d’autobus n’annoncent
jamais les noms de rues, cette pratique étant limitée au métro, et toujours
dans les deux langues. De toute façon, les violations relatives au bilinguisme
officiel dans les services publics demeurent relativement rares.
Il existe de nombreuses autres «histoires» à raconter au sujet du
bilinguisme vécu à Bruxelles par les Bruxellois. Si elles sont parfois
savoureuses, elles ne sont pas toujours conformes à la réalité, chacun des
protagonistes ayant la nette tendance à interpréter les faits à sa façon,
à s’en nourrir et à alimenter ensuite la «querelle linguistique».
Pour les deux communautés, il s’agit là de véritables «sornettes» destinées à vendre «sa salade».
En revanche, les francophones de Bruxelles semblent en
proie à une certaine discrimination qui ressemble à du racisme de la part des
Flamands. Par exemple, le fait de parler
le néerlandais plutôt que le français peut entraîner des tarifs préférentiels ou
des avantages dans l'immobilier, pour les enfants dans les garderies, les
écoles, etc. Ainsi, un francophone qui désire acheter un bien immobilier à
Bruxelles serait désavantagé comparativement à un néerlandophone qui pourrait
bénéficier de réductions et de primes. Un francophone doit s'inscrire sur une
liste d'attente pour placer son enfant dans une garderie, ce qui ne serait pas le cas
pour un néerlandophone. Sur certains panneaux d’autoroute bilingues, les
graffitis peuvent supprimer complètement le texte français. Et sur d’autres
panneaux, on peut lire «Brussel, waar Vlamingen thuis zijn», ce qui signifie
«Bruxelles, où les Flamands sont chez eux». Les francophones croient que
les Flamands veulent «prendre» Bruxelles et ils leur feraient bien comprendre! Bien des
francophones ne comprennent pas ce qu'ils ont pu faire de si terrible pour
que les Flamands soient si en colère contre eux!
Enfin, les francophones de Bruxelles semblent accepter difficilement qu'on leur «impose»
un bilinguisme de résignation, alors que les Flamands bénéficieraient
d'un bilinguisme de promotion qui donne accès à une «grande langue
internationale», le français qui, ne l’oublions pas, est largement dépassée par l’anglais.
Cependant, si certains francophones remettent en question l’enseignement du
néerlandais comme langue seconde, ils pourraient s’en prendre à leurs
propres dirigeants politiques qui, dans un «pacte de courtoisie» signé en 1959
par les responsables politiques, ont bel et
bien accepté l’enseignement réciproque des deux langues officielles dans
les écoles de Bruxelles-Capitale. Quoi qu’il en soit, cette attitude
vis-à-vis du néerlandais est perçue par les Flamands comme un refus évident
pour les francophones d’apprendre l’autre langue officielle.
6.4 L'arrondissement de Hal-Vivorde (Brabant flamand)
C'est lors de l'adoption de la Loi sur
l'organisation judiciaire du 18 juin 1869 que fut formé l'arrondissement judiciaire de Bruxelles,
ce qui incluait à cette époque les communes suivantes: Assche, Bruxelles 1er
canton, Bruxelles 2e canton, Hal, Ixelles,
Lennick-Saint-Quentin, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Josse-ten-Noode, Vilvorde et
Wolverthem. L'arrondissement fut ensuite désigné comme l'«arrondissement judiciaire de
Bruxelles-Hal-Vilvorde» (en néerlandais:
Brussel-Halle-Vilvoorde).
C'était le seul
arrondissement judiciaire de
la Belgique, qui se prolongeait sur deux
régions : d'une part, la
Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part, la
Région flamande dans la
province du Brabant.
|
En 1989, les partis politiques flamands
ont exigé la scission de la province du Brabant, laquelle existait
depuis 1815. En 1995, l'ancienne
province du Brabant disparut pour faire place à deux nouvelles provinces: le
Brabant flamand au nord et le
Brabant wallon au sud.
Pour les francophones, il s'agissait
d'un autre «plan flamand» destiné à encercler Bruxelles et à étouffer
les francophones de la périphérie. Pour les Flamands, il fallait
éviter la fameuse «tache d'encre» francophone qui s'étend à Bruxelles.
|
Cette scission de l'ancienne province du
Brabant franchissait une étape qui allait permettre de préparer la suivante:
celle de scinder l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (appelé
simplement BHV) situé dans
le sud de la Flandre, dans la province du Brabant flamand, et englobant presque entièrement
la Région de Bruxelles-Capitale.
|
Le Brabant flamand comptait deux arrondissements
administratifs: l'arrondissement de Hal-Vivorde (ou Halle-Vilvoorde) et l'arrondissement de
Louvain (en néerlandais: Leuven). L'arrondissement de Hal-Vivorde
comptait 35 communes, dont sept étaient des communes «à facilités
linguistiques» pour les francophones. Il y a six communes dans la
périphérie bruxelloise (Drogenbos, Kraainem, Linkebeek,
Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem) et une commune à
l'extérieur de Bruxelles, au sud-ouest de la province du Brabant
flamand, Biévène. Quant à
l'arrondissement de Louvain, situé à l'est de la Région de
Bruxelles-Capitale, il est composé de 35 communes.
L'arrondissement de Hal-Vivorde (BHV) se
trouve à cheval sur la Région de Bruxelles-Capitale, qui est bilingue, et la Région
flamande, qui est unilingue. De plus, l'arrondissement BHV comprend
les six communes périphériques néerlandophones
dites «à
facilités» pour les francophones. Par le
fait même, la Région de Bruxelles-Capitale se retrouve entièrement
enclavée dans la province du Brabant flamand et dans
l'arrondissement BHV, ce qui implique l’absence de toute continuité
territoriale entre Bruxelles et la Wallonie.
|
Depuis au moins 1869, des conseillers provinciaux francophones du Brabant
flamand sont élus. Un conseil provincial prend les décisions d'ordre général,
vote les règlements provinciaux et établit le budget provincial. Les conseillers
provinciaux francophones ont occupé six sièges sur les 84 du Conseil
provincial du Brabant flamand. Leur tâche ne devait sûrement pas être aisée, car seul le néerlandais
est autorisé en ce cas. Ces mêmes conseillers ont dû subir les railleries de
certains Flamands qui se croyaient dans l'obligation de défendre le Vlaams
karakter («caractère flamand») de la province.
En Belgique,
Bruxelles/Hal-Vilvorde était à la fois un «canton judiciaire» et une
«circonscription électorale», réunissant les
19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale et
les 35 communes flamandes autour des villes de Hal (en néerlandais: Halle)
au nord et de Vilvorde
(en néerlandais: Vilvoorde) au sud. Dans un premier temps, les partis politiques
francophones n'ont pas semblé avoir compris ce qui allait se produire.
- La scission de Hal-Vivorde et de
Bruxelles-Capitale
En octobre 2007, les parlementaires flamands
ont déposé un projet de loi au Parlement, qui avait pour effet de
faire de la
Région de Bruxelles-Capitale une circonscription distincte de
l'arrondissement de Hal-Vilvorde. Puis toutes les communes, y compris les
communes à facilités, seraient rattachés à l'arrondissement de Louvain.
Seules des listes néerlandophones seraient alors soumises à
l’électeur. Agacés par les tergiversations francophones, les
députés flamands ont voulu avancer plus rapidement et ont demandé le vote
sur cette question.
Évidemment, pour les 120 000 francophones de
Bruxelles/Hal-Vilvorde (BHV), la scission de la circonscription
électorale et de l'arrondissement judiciaire pouvait mettre fin à leurs droits, ce
qui signifiait qu'ils ne pourraient plus voter
pour des candidats bruxellois aux élections législatives et européennes. Ils
ne pourraient plus
se faire entendre en français devant les tribunaux. Cela reviendrait à
supprimer les droits pour les francophones de la périphérie
bruxelloise d’avoir
accès à un procès dans leur langue.
C'est pourquoi les partis politiques francophones
se sont opposés à tout projet de scission du BHV. Ils ne pouvaient
admettre cette scission, tant en matière électorale qu’en matière
judiciaire, sans un élargissement simultané de la Région bruxelloise, ce à quoi
se sont objectés les Flamands. Dans les faits, la scission de l'arrondissement électoral
de BHV apparaît comme une vieille revendication du mouvement flamand. Celle-ci
devait mettre fin à un problème communautaire qui empoisonnait la vie de la
Belgique politique depuis la mise en place de la frontière linguistique lors de
la loi
du 8 novembre 1962.
En ce qui a trait à l'arrondissement BHV, l’article 15 de la
Loi du 15
juin1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire précisait ce qui suit:
Article 15
§ 1)
Devant les tribunaux de police de l’arrondissement de Bruxelles dont
le ressort est composé exclusivement de communes de la région de
langue néerlandaise, toute la procédure est faite en néerlandais.
§ 2)
II
est dérogé à cette règle lorsque l’inculpé demeurant dans une des
communes de Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse,
Wemmel, Wezembeek-Oppem, en fait la demande dans les formes prévues
à l’article 16, §2.
|
Dans ce cas, le juge transmettait la cause à un juge nommé au
tribunal de police de Bruxelles et également à son tribunal. Cette disposition
signifie qu’un inculpé francophone domicilié dans l'une des six communes à
facilités avait le droit de demander le changement de langue qui est d’ailleurs
automatique en vertu de la
loi du 15 juin1935 sur l'emploi des langues
à l'article 16, §2:
Article 16
§ 2) Il est
dérogé à cette règle lorsque l'inculpé en fait la demande dans les
formes ci-après:
Si l'affaire fait
l'objet d'une information du parquet, l'inculpé fait sa demande
à l'officier du ministère public.
Si l'affaire est en instruction, l'inculpé fait sa demande au
magistrat instructeur qui lui en donnera acte.
Si l'affaire est déjà instruite ou portée directement à
l'audience, l'inculpé fait sa demande au tribunal et mention en
est faite au plumitif.
Dans le cas où
l'inculpé ne comprend pas la langue dont il demande l'emploi pour la
procédure, le fait est constaté au procès-verbal du magistrat
instructeur ou au plumitif de l'audience et la procédure a lieu dans
l'autre langue. |
Les juges ne disposaient pas de pouvoir d’appréciation en
la matière. À la fin de février 2008, les
principaux partis flamands et francophones s'entendirent sur
une réforme de l'État belge, mais celle-ci ne réglait pas
le contentieux reporté à un «second
paquet» de mesures à négocier avant la mi-juillet. En
octobre 2009, la Communauté germanophone finit par
enclencher à son tour une procédure en conflit d'intérêts
pour geler la proposition flamande scindant le BHV.
- La proposition de loi
Devant le danger potentiel, les francophones ont actionné ce
qu'on appelle en Belgique la «sonnette d'alarme», laquelle permet à un
groupe linguistique de demander une suspension des procédures de vote, soit le
délai entre le
vote en commission et le vote en séance plénière. La proposition de loi fut
ainsi renvoyée au gouvernement fédéral, le Conseil des ministres
disposant de 60 jours pour trouver un compromis avec l'accord
des ministres francophones.
Après de
multiples démissions du gouvernement belge, le
roi Albert II
a chargé un médiateur, l'ancien premier ministre Jean-Luc
Dehaene, de proposer des pistes de solution. En avril 2010, Jean-Luc Dehaene avait achevé
sa mission en en reconnaissant avoir échoué à rallier une
majorité de partis flamands et francophones aux propositions
qu'il préparait depuis plusieurs mois.
De plus, les Flamands considéraient que certaines des idées
avancées par l'ancien premier ministre étaient «trop
favorables» aux partis francophones, car «certains droits
limités» seraient «gravés dans le marbre».
- Les nouvelles lois de 2012-2014
|
Finalement, la
Loi portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles
(loi du 19 juillet 2012) redécoupait la défunte province du Brabant en trois arrondissements
électoraux: l'arrondissement du Brabant wallon et l'arrondissent du Brabant flamand, dans
leurs
limites territoriales conformes à celles des deux provinces, ainsi que
l'arrondissement de
Bruxelles, limité au territoire des 19 communes qui en font partie.
Dans
l'arrondissement du Brabant flamand, les électeurs des six communes à facilités
linguistiques (Drogenbos, Kraainem ou Crainhem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse,
Wemmel et Wezembeek-Oppem) sont désormais réunis dans un même «canton électoral»;
ces électeurs
pourront voter soit pour une liste de la circonscription de Bruxelles, soit pour
une liste du Brabant flamand. |
La loi du 1er
décembre 2013 (Loi
portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire
en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire), en
particulier les articles 109 à 118, faisait disparaître les 27 arrondissements
judiciaires pour n'en compter plus que douze; tous les tribunaux
de première instance et les tribunaux de police sont incorporés dans l'un de ces
douze arrondissements (voir la
carte de l'arrondissement judiciaire). Les arrondissements judiciaires coïncident désormais avec les
frontières des provinces, avec des arrondissements distincts pour Bruxelles et
Eupen, ainsi que Louvain et Nivelles (devenu «Brabant wallon».
1. Flandre occidentale (Bruges
- Courtrai - Furnes - Ypres)
2. Flandre orientale (Gand - Termonde - Audenarde)
3. Anvers (Anvers - Turnhout - Malines)
4. Limbourg (Hasselt - Tongres)
5. Brabant wallon
6. Hainaut (Mons - Tournai - Charleroi) |
7. Namur (Namur - Dinant)
8. Luxembourg (Marche – Neufchâteau – Arlon)
9. Bruxelles
10. Louvain
11. Liège (Liège - Verviers - Huy)
12. Eupen |
Toutefois, à l'intérieur de l'arrondissement de Bruxelles,
appelé aussi «arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde», il faut
distinguer le «parquet bilingue» à Bruxelles et le «parquet de BHV».
Le parquet bilingue est dirigé par un procureur
francophone bilingue, assisté d'un adjoint néerlandophone, alors que le parquet
de Hal-Vilvorde, également bilingue, est dirigé par un procureur néerlandophone,
assisté d'un adjoint francophone. Les justiciables francophones de Hal-Vilvorde
peuvent s'y défendre dans leur langue auprès de magistrats francophones
bilingues détachés du «parquet de Bruxelles». L’usage du français en justice,
lié à l’appréciation du juge, est garanti.
Dans les communes à facilités, les droits
électoraux sont reconnus pour l’élection de la Chambre des représentants et du
Parlement européen; il est possible de voter pour des listes de Bruxelles ou du
Brabant flamand (Hal-Vilvorde et Louvain) où des francophones peuvent continuer
à se présenter. Les Bruxellois ne pourront plus voter pour les listes de
Hal-Vilvorde. L'ensemble des droits linguistiques ne pourront être remis
en cause que par un vote à majorité spéciale du Parlement fédéral.
Si d'aventure la Flandre devait devenir
indépendante, la frontière de l'État flamand serait
dorénavant «bétonnée» et plus difficilement contestable.
C'est là l'objectif des nationalistes flamands qui, de toute
façon, veulent «l'euthanasie de la Belgique».On peut
consulter à ce sujet les lois suivantes:
- 2012 :
Loi portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles;
- 2013 :
Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code
judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire
;
- 2014:
Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de
Justice concernant l'arrondissement judiciaire de Bruxelles et
l'arrondissement du Hainaut (loi du 28 mars 2014);
- 2014:
Arrêté royal portant modification de diverses dispositions réglementaires en
vue de leur mise en concordance avec la réforme des arrondissements
judiciaires (arrêté du
26 mars 2014).
|
Mais rien n'est comparable en terme de conflit en Belgique
que la
question des fameuses «communes à facilités». Les communes qu'on appelle
officiellement dans les textes juridiques communes «à régime linguistique spécial»
ou familièrement
«communes à
facilités» constituent aujourd’hui l’une des plus importantes pommes de
discorde entre, d'une part, Wallons et Flamands (pour la Wallonie) et, d'autre
part, entre francophones de Bruxelles et Flamands (pour les communes de la
périphérie).
On sait que, dans chacune des régions
unilingues, des communes dont le territoire est le plus souvent contigu à une
autre région linguistique sont appelées communes à facilités
(voir la
carte détaillée de la frontière linguistique). Dans
celles-ci, la
Loi sur 8 novembre 1962 fixant la
frontière linguistique prescrit ou permet l'emploi d'une autre langue que
celle de la région linguistique dans laquelle ces communes sont situées.
Ainsi, dans les «communes à régime linguistique spécial», la législation
belge a également instauré des exceptions partielles au régime de la
territorialité.
Les problèmes liés aux communes à facilités viennent du fait que les
interprétations divergent quant au caractère intangible des frontières
linguistiques, ainsi qu’à leur statut provisoire ou définitif, sans oublier
l’implication des politiciens francophones dans les administrations communales
flamandes et la façon dont les responsables politiques comprennent les lois
adoptées il y a trente, quarante ou cinquante ans. |
7.1 La fixation des frontières linguistiques
Les francophones contestent la façon dont s’est effectuée la fixation des
frontières linguistiques. Ils estiment que ces dernières ont été établies
arbitrairement en 1963, à partir des limites administratives héritées du
recensement de 1947 (en fait, il s'agit du rapport Harmel!), sans tenir compte des minorités (francophones) existant en
dehors de ces communes. Évidemment, les Flamands réfutent cette perception des
Wallons parce qu’à ce moment-là c’étaient ces derniers qui
dominaient fortement la scène politique et que la fixation de la frontière
linguistique a été le résultat des travaux du Centre Harmel, et non pas des
limites administratives héritées du recensement de 1947.
Les francophones déplorent aussi que les
communes à facilités de la frontière linguistique
aient été couplées à la fixation, pour Bruxelles, d’une «frontière
serrée de 19 communes», sans tenir compte, là aussi, des populations mixtes
avoisinantes. Les Flamands rétorquent que les communes à facilités ont été
fixées à partir des recommandations du «rapport Harmel»,
du nom de son président Pierre Harmel, homme politique wallon. Ce Centre Harmel
était, bien entendu, composé paritairement de francophones et de Flamand. Pour ce qui est des résultats du recensement de 1947, ils ne concerneraient que
les seules communes d’Evere, de Ganshoren et de Sint-Agatha-Berchem, celles-ci
ayant été incorporées dans l’agglomération bruxelloise à la suite à la
publication en 1954 des résultats du recensement de 1947. En réalité, les
Wallons ont paru assez indifférents face à ce conflit bruxellois, car ce
sont les francophones de Bruxelles qui sont montés aux barricades.
Enfin, les francophones de Bruxelles soulignent le fait qu’un parlement central
(fédéral aujourd’hui) dominé majoritairement par les Flamands a adopté des
frontières linguistiques fixes à la majorité simple des voix, alors que,
depuis la révision constitutionnelle de 1988, seul le Parlement fédéral peut
maintenant modifier ces mêmes frontières ou les supprimer, mais avec la
majorité des deux tiers des deux groupes linguistiques membres de chacune des
chambres fédérales. Ainsi, les Flamands auraient imposé des frontières
linguistiques inamovibles avec une majorité simple des voix pour ensuite
obliger l’État fédéral à ne jamais les modifier à moins de recueillir l’adhésion
improbable des deux tiers de chacune des communautés linguistiques.
Les
frontières linguistiques seraient maintenant «bétonnées» contre toute
modification éventuelle. Bref, les Flamands auraient imposé leur volonté au
reste du pays comme ils l’entendaient par le simple fait d’un parlement
circonstanciel qui n’existe plus aujourd’hui, et par un vote quasi unanime
des parlementaires flamands, lesquels à eux seuls constituaient la majorité
absolue. Précisons qu'il y avait à ce moment-là
212 députés au Parlement belge (la Chambre des représentants), dont 107 députés
flamands (50,4 %)! Ce n'est que quelques années après ce vote historique qu'on a décidé
de réformer le nombre des députés, qui devait désormais être en conformité
avec leur représentation dans la population belge. Il
est toutefois exact que le vote des lois linguistiques s’est fait avec une
majorité de Flamands et une minorité de francophones dans les cas litigieux
(essentiellement les Fourons)
Il importerait néanmoins de
distinguer la «frontière linguistique»
et la «division administrative». Le tracé final de la frontière linguistique fut le
résultat des spécialistes œuvrant au Centre Harmel et fut l’objet d’un
accord unanime des députés. La division administrative était bien autre chose, et c’est
surtout dans ce domaine que la discussion aurait porté entre francophones et
néerlandophones.
7.2 Un statut provisoire ou définitif?
Un second problème touche la durée accordée
au statut des frontières linguistiques et à celui des «communes à régime spécial» (dites
«à facilités»). À l’origine, selon les francophones et les néerlandophones, les
frontières linguistiques devaient être définitives,
alors que les communes à facilités étaient définies comme
temporaires par les Flamands. Les
francophones considèrent que rien dans les lois ne précise le caractère
temporaire ou définitif des frontières et des communes à facilités. C'est
pourquoi les Flamands accusent les francophones de vouloir maintenant tout
modifier en recourant à des recensements linguistiques. Des francophones
demandent aussi de passer du statut de «communes à facilités» à celui de
«communes bilingues» ou de «communes sans facilités» à «communes à facilités».
Pourtant, à l’époque, tous les politiciens, wallons comme flamands, avaient été
d’accord sur cette question.
Aujourd’hui, les francophones continuent de
soutenir que la
Loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière
administrative (aujourd'hui abrogée) ne fixait pas définitivement la frontière
linguistique, mais maintenait une «soupape» permettant d'adapter les droits à
l’évolution démolinguistique. En fait, la
loi prévoyait de fixer ces régions, tous les dix ans, sur la base
du recensement linguistique. Si une minorité constituait 30 % de la
population locale, la commune entrait, selon l’interprétation wallonne, dans
le régime du «bilinguisme externe» et devenait de fait une «commune à
facilités linguistiques». Voici les articles en question:
Article 3 [abrogé par la
loi du 8 novembre 1962]
§ 1er. Sous réserve de ce qui est stipulé à l'article 2 pour les
communes de l'agglomération bruxelloise, les communes dont la
majorité des habitants parlent le plus fréquemment, d'après le
dernier recensement décennal, une langue différente de celle du
groupe linguistique auquel l'article 1er les rattache, adopteront
pour leurs services intérieurs et pour la correspondance la langue
de cette majorité.
§ 2. Toutes les administrations et autorités publiques supérieures
soumises à la présente loi se conforment à cette situation quant au
régime linguistique de leurs services locaux et pour la
correspondance administrative.
Article 6 § 1er.
Il est répondu aux particuliers par les services et
administrations visés à l'article 4 dans celle des deux langues
nationales dont ils ont fait usage ou demandé l'emploi.
§ 2. Les avis et communications à faire au public par ces mêmes
services et administrations, les circulaires, ainsi que les
imprimés et formulaires qu'ils distribuent aux autorités et aux
administrations Subordonnées ou qui sont prescrits par les
règlements généraux, sont rédigés dans les deux langues, à
l'exception des imprimés et formulaires dont l'usage est limité à
une seule et même région linguistique.
§ 3. Les avis et communications adressés au public par les services
locaux de l'État, des province ou des autorités administratives et
autorités publiques qui leur sont subordonnées, ainsi que par les
communes et par les administrations et autorités publiques qui leur
sont subordonnées, sont rédigés dans la langue de la commune.
§ 4. [modifié par la loi du
2 juillet 1954] Ils doivent être rédigés dans les deux langues nationales dans
les communes où, d'après le dernier recensement décennal, 30 % des
habitants ont déclaré parler le plus fréquemment la langue de
l'autre région linguistique. |
De plus, si la majorité des habitants déclarait,
lors du recensement, parler une autre langue que celle de la région, la commune
devait changer de régime linguistique, ce qui revenait à déplacer la fameuse
frontière linguistique, d'où l'expression «tache d'huile». Pour les francophones, la législation de 1932 n’a fait
qu’interdire le recensement linguistique associé au recensement général décennal
organisé par l’Institut national de la statistique ou INS (en néerlandais:
Nationaal Instituut voor de Statistiek), mais aucune loi n’interdit des
recensements d’un autre type ou dans un autre contexte. De plus, la loi du 28
juin 1932 ne prévoyait aucun moyen de contrôle, ni de sanctions en cas de
non-respect des dispositions de la loi.
Or, pour les Flamands, cette interprétation
des frontières provisoires de la part des francophones paraît tout à fait erronée et, étant donné les
résultats des recensements de 1930 et de 1947, les Flamands ont considéré qu’il n’était pas
question de «grignoter le territoire flamand». Il est possible que des
recensements périodiques, par exemple décennaux, aient eu pour résultat de
favoriser les francophones aux dépens des néerlandophones, mais, selon les
Flamands, l’inverse pourrait également se produire. Pour les francophones, les
Flamands refuseraient ces recensements (aujourd’hui «interdits») parce qu’ils
auraient pour effet de remettre en cause les frontières linguistiques en raison
de leurs conséquences sur le statut des communes limitrophes. Pour les Flamands,
le principe de la territorialité prime sur la liberté des langues.
Les francophones parlent à leur tour de «diktat
flamand», et ce, toujours en termes très négatifs du «droit du
sol». Ce n’est pas par hasard s’ils préfèrent citer des termes allemands:
Diktat et Blut und Boden. Les Flamands estiment, pour leur part,
que ces mêmes francophones, qui
prétendent appartenir à la «grande civilisation française», ne semblent pas
voir que le jus soli est toujours en vigueur en France (et en Allemagne)
où il est considéré comme une valeur positive. L’ancien président
François Mitterrand écrivait dans sa Lettre à tous les Français (Le
Monde, le 9 avril 1988) concernant
ce fameux droit du sol:
«Depuis des siècles, les enfants qui naissent en France
de parents étrangers sont français. C’est ce qu’on nomme le "droit du sol". Je
crois que seul, le régime de Vichy sous l’occupation allemande, a manqué à ce
droit.» |
Il est
possible que, pour un certain nombre de francophones, le rejet du «droit du sol» se limite au seul
territoire flamand! Dans le passé, les classes dirigeantes francophones ont
toujours essayé de l’appliquer en Wallonie et à Bruxelles, mais ils ont
généralement exigé qu’on
applique le droit au choix individuel en Flandre… Pour les Flamands,
cet appel au choix personnel serait plutôt un «verbalisme» qui ne servirait qu’à
cacher une «attitude impérialiste». Décidément, il apparaît pour le moins difficile de
concilier ces différents points de vue.
Aujourd'hui, les francophones qui vivent dans les
communes flamandes à facilités de la périphérie bruxelloise demandent un
élargissement des frontières de Bruxelles afin d'inclure comme «bilingues» les
communes flamandes à facilités. Pour les francophones, c'est une question de
simple démocratie, mais pour les Flamands ce serait «grignoter le territoire
flamand» à leurs seuls dépens. Bref, les francophones ont tout à y gagner, les
néerlandophones, tout à y perdre. Le seul fait de préconiser l'élargissement de
Bruxelles ne fait qu'exacerber le nationalisme flamand! Autrement dit, d'après
les Flamands, les communes à facilités
ont été conçues comme une mesure transitoire destinée à intégrer progressivement
les francophones. Cependant, pour les francophones des communes de la
périphérie, les «facilités» constituent un «premier pas» vers un «élargissement
de la région bilingue de Bruxelles-Capitale». Puisque la proportion des
francophones n'a fait qu'augmenter, le «caractère flamand» de ces communes devrait
être remis en question en vertu des principes démocratiques.
7.3 L’implication des politiciens francophones
Devant le caractère intangible des frontières linguistiques et devant l’attitude
des Flamands jugés trop «nationalistes», des francophones d’origine
flamande, wallonne ou étrangère n’aimant pas être identifiés comme des
Wallons et habitant des communes flamandes à facilités, ont commencé, au
cours des années soixante-dix, à s’impliquer activement dans la politique
communale. Des conseillers communaux de langue française ont été élus grâce
à l’appui de la population francophone en vue de protester contre un statut
qui, selon eux, leur avait été «imposé». Dans certaines communes, il y eut des
échevins et des bourgmestres francophones élus avec des majorités absolues. En
réaction aux Flamands qui militaient en faveur de la néerlandisation de leur
localité, les élus francophones se radicalisèrent et se mirent à œuvrer
ouvertement en faveur de la francisation. Le problème, c’est
qu’on ne sait plus qui, de l’un, se radicalise à cause de l’autre!
Pour les Flamands, la stratégie des francophones serait toujours de présenter
les faits de telle sorte que ces derniers doivent être présentés dans les
médias comme des victimes, les Flamands, comme des «intransigeants» qui ne
veulent rien comprendre à l’évolution de la société. Pour les Wallons, la
stratégie des Flamands serait de présenter la communauté francophone comme «impérialiste».
- Les Fourons / Voeren
|
Les Fourons (en néerlandais: Voeren) constituent une commune belge de
quelque 4300 habitants située au nord-est de la
province
de Liège (en
vert sur la carte) jouxtant les Pays-Bas, mais rattachée
administrativement à la province flamande de Limbourg. Ce petit territoire de 50 km²
(voir la carte plus détaillée des Fourons) demeure donc sous la
juridiction du gouvernement flamand, bien qu'il soit apparemment «en terre
wallonne» et séparé du reste du
territoire flamand. Les Wallons affirment qu’au moment de la fixation de la frontière
linguistique les habitants néerlandophones parlaient majoritairement le Oost-Limburgs
ou limbourgeois de l’Est, non pas le néerlandais, alors que les
Wallons (et étrangers) parlaient français. Ce serait en raison de l’utilisation
d’un «dialecte» que ces localités des Fourons auraient été placées en territoire
flamand. Beaucoup de Wallons contestent
aujourd’hui, comme en 1962, cette décision à partir du critère
linguistique, sous prétexte qu’il ne s’agissait pas du néerlandais.
|
Or, le limbourgeois de l’Est, qui
est parlé à Fouron-le-Comte (ainsi que dans le Limbourg néerlandais,
Valkenburg, et en Allemagne) est un parler bas-francique comme tous les
dialectes du nord de l’Allemagne. Ce n’est pas du néerlandais ni de l’allemand,
mais du bas-francique. Le néerlandais est issu, lui, du hollandais, lui-même un
dialecte bas-francique à l'origine, mais le limbourgeois de l’Est n’est en rien
du néerlandais, car il n'existe aucune filiation.
Les idiomes parlés dans les
villages fouronnais sont presque les mêmes que ceux parlés dans les communes
néerlandaises avoisinantes (Mesch, Noorbeek, Mheer, etc.). Dans le langage
courant, on qualifie ce parler de «Veurs» (ou «Voures» en français), ce qui signifie
«fouronnais». Aujourd’hui, la langue informelle de la majorité des habitants
(environ 90 % pour les Flamands et 40 % pour les Wallons) continue d’être ce «Voures»,
bine que les locuteurs soient des partisans des «Fourons au Limbourg» (Voerbelangen») pour les Flamands ou du «Retour à Liège»
pour les Wallons.
- Le
cas de José Happart
Le cas le plus célèbre de l'histoire des Fourons reste celui de José Happart,
qui a symbolisé presque à lui tout seul le «mal belge». En 1982, celui-ci
s'était fait plébisciter par la population des Fourons pour devenir conseiller
municipal. En tant que
citoyen francophone des Fourons résidant dans une commune à facilités, José Happart croyait
qu’il pouvait utiliser le français dans ses fonctions de bourgmestre. Se basant
sur l’article 129 de la Constitution, qui énonce que la langue des communes à
statut spécial est celle de la région, les juristes flamands du Conseil d’État
auraient fait valoir que les élus communaux relevant de la juridiction du
gouvernement flamand devaient, en tant que fonctionnaires de l’État flamand,
employer obligatoirement le néerlandais dans le cadre de leurs fonctions.
Or, José Happart a toujours refusé de recourir à une autre langue que le
français (à moins que les Fourons reviennent à la Wallonie), estimant par
ailleurs qu’il avait le choix de la «langue administrative», que la loi n’interdisait
pas à un «mandataire politique» élu — il ne se considérait donc pas comme
faisant partie du «personnel administratif» — de choisir sa langue et que le
territoire de sa commune avait été «arbitrairement annexé» au Limbourg,
alors qu’il faisait partie de la province de Liège. Chaque fois que le
gouverneur de la province de Limbourg le démettait de ses fonctions, le
Parlement central (fédéral) était secoué par une véritable «guerre civile
linguistique», allant jusqu’à provoquer, le 19 octobre 1987, la démission
du gouvernement belge.
Pour la Wallonie, José Happart est même devenu le symbole de
la «résistance contre l’impérialisme flamand», tandis qu’en Flandre il
était présenté comme un «terroriste» et un «chef de bande» à abattre, et
le symbole de l’«arrogance francophone».
Aux dires de ses adversaires francophones qui l’appelaient «le gadget» (il rapportait
beaucoup de votes), il connaissait très mal le néerlandais et ne pouvait
diriger honnêtement un conseil communal puisque, selon la Constitution, toutes
les délibérations doivent se tenir en néerlandais «en pays flamand». Pour les
francophones, les travaux préparatoires des lois de 1962 et 1963 étaient
pourtant précis: aucune disposition n’interdisait l’usage du français par les
élus dans les communes à facilités. De fait, durant plusieurs années après 1963, des
débats ont eu régulièrement lieu en français ou en néerlandais, les élus
utilisant leur langue maternelle ou celle de leur choix.
Puis, progressivement
le Conseil d’État flamand imposa la réduction et l’élimination du français, car
en tant qu'élus les membres des conseils communaux devenaient des
«fonctionnaires»! Saisie de la question par le Conseil d’État flamand, la Cour
d’arbitrage trancha, dans son arrêt du 10 mars 1998, que l’obligation de parler
le néerlandais au conseil communal ne valait que pour les bourgmestres et les
échevins, pas pour les conseillers communaux. On comprendra que les conseillers
communaux francophones puissent continuer de faire valoir leur droit de parler le
français, en s’appuyant sur l’arrêt de la Cour d’arbitrage.
José Happart a fini par démissionner en 1988
et il est devenu en juillet 1999 ministre de
l'Agriculture et de la Ruralité dans le gouvernement wallon. Le 15 octobre 2005, à
l'occasion des vingt-cinq ans du Parlement wallon, Happart s'est fait huer par le public
en assimilant tous les Wallons à des «tricheurs» (cf. les achats de cigarettes
ou le plein d'essence au Luxembourg), ce qui ne l'a pas empêché de
devenir en 2006 président du Parlement wallon jusqu'en 2009. La même année, en
pleine crise financière, les médias révélèrent que José Happart devait toucher
une indemnité de départ («parachute doré» évalué à 530 000 euros),
ce qui correspondait au nombre de ses années en fonction auquel s'ajoutait une
autre indemnité «pour fonction spéciale». Mais
la somme était importante... et suscitait la controverse sur les pratiques
parlementaires. L'ex-président du Parlement wallon s'est défendu en déclarant que,
compte tenu du travail accompli pour la Région wallonne, il méritait cette
indemnité qu'il a qualifié «d'acquis social». Happart a ensuite été conseiller
communal (Parti socialiste) à la Ville de Liège.
Depuis les
années 1980, les politiciens wallons et flamands ont continué les
hostilités, et d’autres francophones ont juré de poursuivre le combat. En
réalité, les Wallons considèrent qu’ils n’ont jamais donné leur accord
pour rattacher la commune des Fourons à la province de Limbourg et que ce fut
un «coup de force parlementaire» dirigé par les «nationalistes flamands»,
appelés souvent négativement les flamingants, voire parfois Flamin
ou flamind (par opposition sans doute aux Kaaskoppen ou «têtes
de fromage»: les Hollandais des Pays-Bas). Finalement, toute cette histoire a
mené le pays au bord du gouffre parce que, pour les Wallons, les Flamands ne
respecteraient pas la démocratie, alors que, pour ces derniers, les partis
francophones voulaient (et veulent toujours) maintenir leur influence dans un
territoire que la Constitution reconnaît comme flamand. Depuis que les
Fouronnais ne font plus parler d'eux, la vie quotidienne des francophones
fouronnais se poursuit à travers une succession de frustrations dans
l'application de leurs droits linguistiques, notamment pour les services de
police, la santé, les véhicules d'urgence, le logement, l'emploi,
l’enseignement, la culture, le sport, la justice, l’Église etc.
Soulignons que le Conseil d'État avait prévu cette interprétation que les
francophones attribuent aux «juristes flamands» dans ses arrêts du 4 juillet
1967 et du 17 août 1973 (donc bien avant le cas Happart), ainsi que du 6 avril
1982 et du 23 décembre 1983. En plus de son arrêt du 30 septembre 1986 – le
seul arrêt qui traite de l'affaire Happart –, le Conseil d'État a déclaré
ce qui suit:
- la connaissance de la langue de la région n'est pas en principe
nécessaire pour se présenter comme candidat aux élections ni pour être
élu comme conseiller municipal;
- un mandataire élu (conseiller municipal) doit utiliser néanmoins la
langue de la région pour toutes ces interventions (écrites ou orales)
pendant les séances du collège d'échevins, du conseil communal et du
conseil du CPAS (Centres publics d’aide sociale);
- le bourgmestre, comme mandataire nommé et non élu, doit posséder la
langue de la région au moment de son élection comme conseiller municipal
et il doit l'utiliser dans l'exercice de toutes ces fonctions et
interventions;
- le choix de langue est un droit pour les particuliers des communes à
facilités, non pour le bourgmestre, ni pour les échevins, ni pour les
conseillers municipaux, ni pour les membres du CPAS.
Le Conseil d'État exigeait par la suite une application très stricte de la
législation linguistique fédérale. Dans son arrêt no 59.101 du 17 avril
1996, il précisait, en interprétant l'article 58, § 1 de l'arrêté
royal du 18 juillet 1966 et de l'article 75bis de la loi communale, que la moindre
intervention d'un mandataire dans une autre langue que la langue de la région
entraîne la nullité de la décision prise par le conseil municipal. En plus,
précisait l'arrêt, des interventions similaires constituent une perturbation du
conseil contre lesquelles le bourgmestre, en tant que président du conseil,
doit immédiatement prendre des mesures. La Cour d'arbitrage a confirmé cette
interprétation de la législation. Dans son arrêt du 10 mars 1988, la Cour
confirmait l'obligation du bourgmestre et des échevins d’utiliser la langue
de la région sous peine de nullité des décisions prises.
En somme, il faut comprendre que la
connaissance du néerlandais n'est pas nécessaire pour être élu conseiller
municipal, mais les conseillers doivent recourir obligatoirement à la «langue de
la région» dans leurs interventions écrites et orales. Quant au bourgmestre, il
doit au moins avoir une «connaissance rudimentaire» du néerlandais et doit
l'utiliser dans l'exercice de toutes ses fonctions et dans toutes ses
interventions. Comme José Happart connaissait très mal le néerlandais, il ne
pouvait pas diriger un conseil communal, selon les Chambres flamandes du Conseil
d’État. José Happart fut donc démis de ses fonctions et redésigné par le conseil
communal comme bourgmestre faisant fonction plusieurs fois dans ce qui fut
appelé le «carrousel fouronnais».
- La fusion des communes
Devant l’intrusion d’élus francophones,
surtout dans les Fourons, le Parlement flamand aurait, dès 1975, décrété —
d’après certaines sources wallonnes — la fusion de communes afin de «noyer» de
fortes minorités de francophones dans des ensembles plus vastes à forte majorité
néerlandophone. Les Wallons parlèrent alors d’«épuration ethnique». C’est dans
la périphérie sans facilités autour de Bruxelles que ce phénomène s’est produit.
Chaque commune flamande limitrophe de l’agglomération de Bruxelles ou de
communes à facilités francisées s’est retrouvée fusionnée avec plusieurs autres
communes très distantes de Bruxelles de façon à noyer la commune «gangrenée» par
la francisation aux portes de Bruxelles dans un ensemble plus homogène. La forme
des communes autour de Bruxelles fait effectivement penser à des rayons de vélo.
Ainsi, par exemple, la commune de Zellik aux portes de Bruxelles s’est retrouvée
dans le Grand «Asse», une commune pénétrant en profondeur dans le Brabant
flamand. Il y avait près de 40 % de francophones à Zellik, moins de 10 % dans le
Grand Asse.
Pourtant, la fusion des communes fut une opération fédérale.
Toutes les communes belges, en Flandre comme en Wallonie, ont connu des fusions,
car il y avait trop de petites communes et celle des Fourons constituait
certainement un cas typique. Par exemple, on ne comptait qu'un seul secrétaire
pour plusieurs communes, parce que chaque commune ne pouvait pas payer un
salaire entier; il n'y avait pas toujours de pompiers, car c'était prohibitif
pour ces petites communes.
Les petites communes du canton de Comines/Komen,
soit Ploegsteert, Houthem/Houtem, Bas-Warneton/Nederwaasten, Warneton/Waasten et
Comines/Komen furent fusionnées en une seule commune appelée désormais Comines/Komen.
Si l'agglomération de Ploegsteert était très francisée, celle de Comines/Komen l’était beaucoup moins. On sait que, en 1830, la Belgique comptait 2498
communes; à la suite de
la «fusion
des communes» de 1975, le nombre de celles-ci a été réduit à
589. Si l’on fait exception de la province du Brabant scindée en deux, 881
communes flamandes ont été touchées contre 957 en Wallonie. Voici un schéma des
différents étapes de fusion des
communes:
Communes |
1963* |
1964 |
1970 |
1975 |
1977 |
BILAN |
Néerlandophones |
1124 |
1094 |
906 |
315 |
308 |
-816 |
Francophones |
1425 |
1448 |
1409 |
253 |
253 |
-1242 |
Bilingues (Bruxelles) |
19 |
19 |
19 |
19 |
19 |
0 |
Germanophones |
25 |
25 |
25 |
9 |
9 |
-16 |
TOTAL |
2663 |
2586 |
2359 |
596 |
589 |
-2074 |
* = après la fixation de la frontière linguistique.
7.4 L'interprétation et la contestation des lois linguistiques
En réalité, les lois linguistiques belges adoptées il y a plusieurs
décennies laissent place aujourd’hui à de nombreuses interprétations d'ordre
juridique et ont donné lieu à de fréquentes contestations, et ce, tant de la
part des francophones que des néerlandophones. Les lacunes et imprécisions
relevées dans la législation ont entraîné dans l’application des lois une
gigantesque jurisprudence. La confusion semble s’être aggravée du fait que,
au cours des dernières années, de nouvelles dispositions juridiques ont été
introduites, qui s’appliquent pour certaines communes à facilités, mais pas
pour d’autres.
Nous avons déjà mentionné les problèmes reliés à la fixation
définitive des frontières linguistiques (voir la
carte détaillée) et à la durée du statut linguistique
décidée à partir des recommandations du Centre Harmel. Les frontières
linguistiques sont devenues aujourd’hui de véritables frontières d’État
avec ce qu’elles impliquent au plan de l’identité nationale et de l’appartenance
étatique. En voici quelques exemples.
- L'affaire Peeters (1997)
La tension linguistique s’est envenimée à nouveau dans les années
1990
lors de l’affaire de la «circulaire Peeters»
(en néerlandais : Omzendbrief Peeters),
officiellement désignée comme la «circulaire BA 97/22» . À la fin de 1997, le
ministre régional flamand de l’Intérieur, Leo Peeters, avait décidé que les
citoyens francophones des communes à facilités (incluant la périphérie
bruxelloise) devaient exprimer, pour chaque document, leur souhait de le
recevoir en français, et non plus en une seule demande (comme depuis 1963). La
circulaire du ministre Peeters, intitulée Taalgebruik in gemeentebesturen («Emploi des langues dans les administrations communales»), a été envoyée à
tous les gouverneurs et à tous les bourgmestres et échevins dans les communes
concernées. Selon la «circulaire Peeters», il faut retenir trois principes:
1) Que tous les documents provenant des
administrations soient envoyés en néerlandais aux citoyens, y compris aux
francophones, habitant dans les «communes à facilités». Si un administré de
ces communes (et uniquement de ces communes) le désire en français, il doit
en faire la demande pour chacun des documents qu'il reçoit. Les autorités
régionales flamandes considèrent comme fautifs les pouvoirs locaux qui
envoient directement des documents en français aux francophones et en
néerlandais aux néerlandophones.
2) Que les services communaux utilisent en
interne uniquement le néerlandais.
3) Que la langue utilisée au conseil communal
est obligatoirement le néerlandais. Il est donc interdit au bourgmestre ou
aux échevins d'une des communes en Région flamande d'introduire ou de
commenter dans une autre langue que le néerlandais un point de l'ordre du
jour de la séance du conseil communal ou de répondre dans cette langue à des
interventions de conseillers communaux.
Or, le ministre Leon Peeters n'aurait fait qu'appliquer les
règles prescrites.
Les francophones ont parlé d’«épuration ethnique», alors que,
dans plusieurs communes à facilités, les citoyens seraient majoritairement de
langue française. Ils n’acceptaient pas que le critère du lieu de
résidence, dont les frontières ont été décidées sur la base des
recommandations du Centre Harmel, prime sur celui du libre choix des individus.
Quoi qu'il en soit, les circulaires linguistiques de la
Communauté flamande ont été nombreuses:
1. la «circulaire
Van den Brande» (7 octobre 1997), qui consacre, à l'égard des autorités
régionales, l'unilinguisme néerlandais au sein des communes
de la Région flamande;
2. la «circulaire
Peeters» (16 décembre 1997), sur l'emploi des langues au
sein des communes de la Région flamande;
3. la «circulaire
Martens» (3 février 1998), sur l'emploi des langues au
sein des CPAS (Centres publics d'action sociale) de la Région flamande;
4. la «circulaire
Keulen» (8 juillet 2005), sur l'emploi des langues dans les
administrations communales et les CPAS;
5. la «circulaire
Bourgeois» (7 mai 2010), sur l'interdiction stricte
d'enregistrer une éventuelle préférence linguistique des
habitants.
Toutes ces circulaires linguistiques
énoncent le principe selon lequel les administrations locales et
régionales ne sont pas autorisées à émettre des actes
administratifs et autres documents en français, sans que
l’administré concerné n’ait sollicité spécialement une
traduction au cas par cas.
En d’autres termes, les circulaires interdisent aux
administrations concernées d’enregistrer de manière définitive
l’appartenance linguistique de leurs administrés.
Évidemment, il existe d'importantes divergences d’opinion
existant entre les néerlandophones et les francophones du pays.
Pour la Commission permanente de
contrôle linguistique, une instance composée paritairement de
membres francophones et néerlandophones, les bénéficiaires des facilités
linguistiques ne sont pas obligés de rappeler leur appartenance
à l’occasion de chaque communication avec l’administration. Pour
les membres néerlandophones du Conseil d'État, chaque fois qu'un
citoyen francophone traite avec l'administration flamande, il
doit formellement demander que ce document soit émis en
français.
Auparavant, certains documents administratifs rédigés en néerlandais
étaient accompagnés d’un avertissement du genre: «Vous pouvez, sur simple
demande, obtenir le document en français.» Depuis la «circulaire Van den
Brande», il est désormais précisé que dans les comptes à recevoir «les
délais de payement courent depuis l’envoi du document en néerlandais». Par
conséquent, les délais sont plus courts pour les francophones puisqu’il leur
faut du temps supplémentaire pour demander chaque fois la version française du
document en question. Les médias francophones révèlent que des citoyens qui
avaient sollicité des documents en français, mais ne les avaient pas encore
obtenus, avaient ensuite reçu, au terme du délai de paiement prévu sur le
document en néerlandais, une lettre les sommant en néerlandais de payer
la taxe initiale et, bien entendu, les frais inhérents à la sommation. Il ne
s'agit plus ici d'une question de droit, mais de tracasseries purement
administratives.
C’est pourquoi beaucoup de francophones, craignant de payer en retard,
ont acquitté, sur la base du document en néerlandais, leurs comptes sans attendre
le document en français, et ce, d’autant plus qu’aucune information n’est
fournie en cas de demande, si ce n’est que le document en français n’est
pas nécessairement disponible. Pour les Flamands, la loi ne prescrit pas le
bilinguisme, et seuls les documents rédigés en néerlandais ont force de loi,
car la langue de l’Administration en Flandre est le néerlandais; le
gouvernement flamand ne ferait qu’appliquer les lois belges. La loi
fédérale limite effectivement le nombre de services dans une autre langue que
la langue de la région en question.
Du côté francophone, on estime que ces mesures flamandes correspondraient
à un excès de compétence
et qu’elles iraient à l'encontre de la
loi, car seul le Parlement fédéral reste compétent en ce qui concerne ces
communes «à statut spécial». D’ailleurs, les avis de la Commission
permanente de contrôle linguistique (CPCL) semblent confirmer cette interprétation.
Selon la CPCL, la présomption que la langue du particulier est celle de la
région ne vaut que si l'organisme ignore l'appartenance linguistique du
particulier. Ce dernier ne doit pas renouveler pour chaque document sa
demande de le recevoir dans sa langue. Sinon il faudrait en déduire qu'à
Bruxelles les particuliers, tant francophones que néerlandophones, devraient
exprimer «pour chaque acte la langue» dans laquelle ils souhaitent qu'il soit
rédigé. En outre, le ministre de la Communauté flamande ne disposerait
d'aucune compétence pour interpréter les lois linguistiques. La Commission
permanente de contrôle linguistique n’est cependant que consultative et il
revient au Conseil d’État de suivre ou non les recommandations de la CPCL.
En dernier lieu, c’est la Cour d’arbitrage qui doit trancher, et sa
décision est irrévocable.
Il restait au gouvernement flamand de présenter ses
arguments juridiques devant les instances compétentes. Le gouvernement flamand a exposé ses argument juridiques le 30 janvier 1998
devant le Conseil d'État. On peut lire dans l'arrêt du Conseil d'État du 7
juillet 1998:
En adoptant le point de vue selon lequel les francophones en région de
langue néerlandaise, dans les communes dotées d'un régime linguistique
spécial – dans les cas où la législation leur offre la possibilité de
faire usage du français – ne peuvent faire usage de cette facilité que
pour autant qu'ils en fassent chaque fois la demande expresse, la circulaire
n'ajoute aucune règle à la loi, mais se limite à une interprétation
(nécessairement stricte) de la loi, fondée sur les travaux préparatoires et
inspirée du principe constitutionnel de la priorité de la langue de chaque
région unilingue. La critique du gouvernement de la Communauté française,
selon laquelle la circulaire serait d'ordre réglementaire, en ce qu'elle
ajouterait «manifestement» des règles à la loi, est donc «manifestement
dénuée de fondement». |
Et le Conseil d’État d’ajouter ce qui suit:
La circulaire attaquée n'est pas un
«acte ou règlement»
préjudiciable susceptible d'annulation, au sens de l'article 14 des lois
coordonnées sur le Conseil d'État, dès lors qu'il s'agit d'une circulaire
interprétative, qui n'a d'autre objet et d'autre portée que de rappeler
et/ou d'expliquer la législation et la réglementation existantes, et d'y
associer éventuellement des recommandations [...] et qui émane d'une
autorité qui n'est n'est investie d'aucun pouvoir réglementaire et se borne
uniquement à inviter les gouverneurs à veiller au respect strict de la
législation concernant l'emploi des langues en matière administrative.
|
Pour un temps, la circulaire a pu continuer de s’appliquer. Du côté
francophone, l'avis du Conseil d'État ouvrit la voie à de nouveaux recours
juridiques, d'une part, des suspensions et des annulations devant les chambres de
la section administration du Conseil d'État, d'autre part, une demande d'avis
à la Commission permanente de contrôle linguistique. La demande de la
Communauté française et de la Région wallonne a été rejetée à trois
reprises par le Conseil d’État (section d’administration, Ve
Chambre). Il semble toutefois que les parties soient d’accord sur le fait
que c'est à un juge indépendant — Conseil d’État ou Cour d’arbitrage
— que reviendra la lourde tâche de départager les thèses en présence. Le
gouvernement de la Communauté française et celui de la Région wallonne ont
introduit un recours en annulation auprès du Conseil d'État. Mais celui-ci n'a jamais suspendu la circulaire Peeters
restreignant l'usage des facilités linguistiques en Région flamande; il a
toutefois dispensé les communes d'appliquer le texte litigieux. En principe,
la circulaire est demeurée en vigueur.
- Les tracasseries
administratives
Signalons encore que le ministre Frank
Vandenbroucke, chargé de
la «préservation du caractère flamand de la périphérie bruxelloise» a fait
approuver par le gouvernement flamand, le 24 octobre 2004, une note de politique
générale 2004/2009, qui actualisait et renforçait la «circulaire Van den Brande» de
1997, en rappelant la «nécessité de garantir l’identité flamande de la Région».
Ce nouveau programme (Wooncode ou
Code flamand du logement) contient certaines dispositions concernant l’emploi des
langues en ce qui a trait à l'accès au logement social. Pour bénéficier de ce type de
logement, il faut dorénavant faire preuve d’une «bonne intégration flamande» ou
s'engager «à apprendre le néerlandais». Il faut aussi réussir ces examens,
sinon le bien immobilier sera vendu malgré les titres de propriété, et ce, aux
frais de l'ex-propriétaire.
Il s'agirait encore une fois de mesures
destinées à réduire les «facilités» aux francophones qui ne sont pas traités en
citoyens égaux. Partout, l'accès au logement social est organisé de façon à
réduire au maximum la présence francophone. Les Flamands estiment qu'ils offrent
à tout candidat à l'obtention d'un logement social, qui ne parle pas le
néerlandais, de le diriger vers un centre où il sera invité à passer des tests
et, le cas échéant, à suivre jusqu'à 240 heures de cours gratuits de
néerlandais. Il s'agit là d'une mesure sociale destinée à faciliter
l'intégration des francophones. Néanmoins, dans la foulée, des municipalités
flamandes ont ensuite interdit la vente de terrains à bâtir à des non-néerlandophones ainsi que l'affichage en français dans les marchés publics.
Dans la Région flamande, il existe depuis 1989 un
organisme gouvernemental appelé le VDAB: le Vlaamse Dienst voor
Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding, c'est-à-dire l'«Office flamand de
l'emploi et de la formation professionnelle». Cet organisme est sous la
juridiction du ministre flamand de l'Emploi et de l'Éducation.
Cependant, toutes les demandes d'emploi ne sont acceptées que si elles sont
transmises en néerlandais. Pour les francophones des communes à facilités, il
leur faut au préalable suivre des cours intensifs de néerlandais. Dans un
contexte de territorialité linguistique exclusive, ce genre de mesure peut se comprendre,
mais il ne faudrait pas autoriser en ce cas la présence de francophones dans les
communes à facilités. Évidemment, les communes à facilités ne bénéficient
d'aucune subvention pour des activités culturelles ou sportives francophones;
jamais une subvention n'est octroyée à des projets francophones. Pour les
Flamands, il ne s'agit nullement de «droits», mais simplement de sauvegarder le
«caractère flamand» des institutions locales. Pourtant, les francophones, des
citoyens belges, paient des taxes municipales! En toute justice, il leur
faudrait payer moins puisqu'ils bénéficient de moins de services.
Lors des élections communales d’octobre 2006,
le gouvernement flamand a tenté d'imposer aux autorités des communes à facilités
de respecter la circulaire Peeters dans l’envoi des convocations électorales en
néerlandais. Aux élections législatives du 10 juin 2007, c’est le gouverneur de
la province du Brabant flamand, qui a voulu répéter le même scénario aux
autorités communales, avec des menaces de
sanctions administratives. Mentionnons encore que des bourgmestres francophones
dans les communes à facilités (Linkebeek, Wezembeek-Oppem et Kraainem) doivent
parfois attendre indéfiniment avant de
pouvoir exercer leur fonction. Le gouvernement flamand refuse de reconnaître ces
élections parce que lesdits bourgmestres ont envoyé des convocations officielles
dans la langue de leurs électeurs, soit en français aux francophones et en
néerlandais aux Flamands; il aurait fallu employer uniquement le néerlandais.
Autrement dit, on leur reproche d'être francophones en pays flamand. Pour les
francophones, c'est un déni de la démocratie!
Il est effectivement rare
que, dans un pays de droit, une autorité administrative puisse remettre en cause
le suffrage universel, sans s’appuyer sur une loi ou une décision judiciaire!
Selon les francophones, la Flandre possèderait des
«brigades de chocs» dans toutes les villes et tous les villages et ils seraient
capables de tout pour promouvoir leur cause. Ces brigades font généralement
partie du Vlaams Belang («Intérêt flamand»), l'ex-Vlaams Blok
(«Bloc flamand») avant le 15 novembre 2004, un parti nationaliste flamand d'extrême-droite,
connu pour ses idées conservatrices, nationalistes et indépendantistes. Ce sont
ces brigades qui détruisent les affiches en français ou qui dénoncent les
citoyens parlant français dans les marchés publics ou les enfants qui ne parlent
pas flamand dans les parcs publics («plaines de jeux»). Par contre, ce sont des
inspecteurs du gouvernement qui vérifient régulièrement si les élus francophones
des communes à facilités utilisent le néerlandais, la seule langue autorisée,
lors des séances du conseil communal.
Pour les francophones des communes à facilités, les véritables
intentions du gouvernement flamand apparaissent clairement. Celui-ci planifie la
réduction progressive de ces «facilités», obligeant les
francophones à demander formellement l'usage du français lors de toute
communication avec l'administration flamande qui, de son côté, est obligée
d'utiliser en premier lieu le néerlandais, sans tenir compte des demandes contraires
exprimés par les francophones. L'Administration flamande espérerait ainsi forcer
les citoyens francophones à renoncer volontairement, par simple découragement, aux
démarches à accomplir devant les innombrables tracasseries administratives.
- Une bibliothèque publique de la
périphérie
Une autre source de conflits proviendrait d’une
bibliothèque
publique
de la périphérie bruxelloise. Ainsi, en vertu d'un décret du Parlement
flamand, chaque commune dont le nombre d'habitants dépasse un certain seuil
doit se doter d'une bibliothèque publique. Pour être reconnue et
subventionnée, celle-ci doit posséder au moins 75 % de livres en néerlandais,
les 25 % restants étant partagés entre toutes les autres langues. En juillet
1998, le ministre régional flamand de l’Intérieur aurait, selon les
francophones, «menacé de fermer
la bibliothèque publique» de Wezembeek-Oppem (75 % de francophones), car elle ne comportait que 57 % de
livres en néerlandais. Le même jour, le ministre flamand de la Culture aurait
donné instruction à son administration de retirer, dès le 1er
janvier 1999, son agrément à cette bibliothèque pour le même motif. Par la
suite, des bibliothèques privées détenant plus de 25 % de livres en français
se sont créées dans certaines de ces communes, dont Linkebeek (80 % de
francophones) et
Rhode-Saint-Genèse (56 % de francophones). Des communes dont les dirigeants sont francophones ont
alors accordé de modestes subventions à ces bibliothèques privées, ce qui a
immédiatement soulevé une tempête de protestations de la part des politiciens
flamands.
En réalité, le fait de fonder ou de fermer une bibliothèque relève, selon
la Loi sur les bibliothèques publiques, du domaine exclusif des communes. Cela
étant dit, la gestion est payée à la fois par la commune et, pour la plus
grande partie, par la Communauté. C'est ce qui s'est passé avec la
bibliothèque de Wezembeek-Oppem: le
ministre flamand a menacé de cesser le paiement des frais de gestion. En vertu
du décret flamand, il n'y a pas de possibilité d'adapter l'offre des livres à la
«réalité sociologique», par exemple lorsque les francophones forment la majorité
de la population.
- La Francophonie politisée
Un autre exemple mérite d’être relevé. En octobre 1996, la Cour d’arbitrage
a annulé un décret de la Communauté française du 22 décembre 1994
autorisant des crédits au profit des associations francophones dans
certaines communes à facilités de la périphérie bruxelloise et dans les
Fourons. Le gouvernement flamand a protesté contre ce qu’il considérait
comme une intrusion dans ses compétences. La Communauté française, forte de
ses prérogatives en vue du rayonnement de la langue française au sein des
affaires internationales, croyait pouvoir aider officiellement les francophones
du pays. Mais il fallait que la Communauté française de Belgique verse les
subventions qu’elle destine aux francophones en région flamande à une
institution internationale de la Francophonie, afin que celle-ci les retourne à
son tour à ces mêmes associations. Pourquoi faire simple quand on peut faire
compliqué!
La Cour d’arbitrage a confirmé le point de vue du gouvernement flamand.
Ainsi, il s’agissait bien d’une intrusion dans les «compétences flamandes».
Pourtant, la
Communauté française ne semble pas s'être pliée de bonne grâce à l'arrêt de la
Cour d'arbitrage, car quelques années
plus tard le gouvernement flamand a dû recourir à nouveau à la même Cour d’arbitrage.
Une fois de plus, la Cour a déclaré illégale les subventions
par la Communauté française aux associations francophones dans la périphérie
flamande et aux Fourons (arrêt du 17 mai 2000).
En réalité, tout ce
grenouillage n’a rien à voir avec «le rayonnement de la langue française»,
mais constitue un enjeu politique dont semblent raffoler les politiciens belges. Pour les francophones, cet arrêt décevant et lourd de conséquences
pour le maintien de la culture française en périphérie bruxelloise et en Flandre
est révélateur du caractère absurde et intolérant de la législation belge sur
les questions linguistiques. De ce point de vue, on ne peut que leur donner
raison.
- Les écoles francophones
En vertu de l'article 3 de la
Loi concernant le régime linguistique dans
l'enseignement du 30 juillet 1963 (avec modifications de 1982), un
enseignement en français est prévu dans les communes à facilités de la
périphérie bruxelloise: six écoles communales et deux écoles libres. À la suite
de la communautarisation de l’enseignement en 1970, l’inspection pédagogique des
classes primaires et gardiennes du régime linguistique français, situées dans la
région de langue néerlandaise, est assurée par les membres de l’inspection de la
Communauté française, sur base d'ententes conclues entre les deux Communautés
(novembre 1970, mai 1973 et août 1977). De plus, l’article 5 de la loi du 21
juillet 1971 relative à la compétence et au fonctionnement des Conseils
culturels précise que cette compétence exercée par la Communauté française ne
peut être modifiée que par le consentement des deux Communautés.
Cependant, la
portion administrative et financière relève de la Communauté flamande. Quant au
financement, il relève d'une dotation spécifique de la part de l'État fédéral à
la Communauté flamande. Mais il y a un problème! Depuis quelques années, le
gouvernement flamand tenterait de supprimer ou du moins de réduire cet
enseignement en français dans le territoire de la Région flamande. Par exemple,
il a annulé depuis 2000 la nomination des enseignants qui ne disposent pas d’un
diplôme de connaissance approfondie du néerlandais et réclame le transfert de
l’inspection pédagogique et l’affiliation de ces écoles à des centres psycho-médicaux-sociaux (PMS) relevant de la communauté flamande.
La Communauté
française considère que la Communauté flamande a agi unilatéralement et que les
enseignants n'ont pas à savoir le néerlandais, puisqu'ils enseignement le
français à des francophones. Le gouvernement flamand prétend que le personnel
enseignant doit être considéré comme du «personnel communal de ces communes» et
qu'il leur faut connaître le néerlandais. Par ailleurs, le gouvernement flamand
prétend (sans le prouver) que la Communauté française agit de la même façon dans
les communes à facilités pour les néerlandophones. La Communauté française crie
à l'injustice.
- Comment rendre la vie
insupportable aux francophones
Il est vrai que ces tracasseries administratives sont
planifiées par la Communauté flamande qui se montre délibérément tatillonne dans
l'espoir de faire partir le plus de francophones, sans doute exaspérés de vivre dans les communes
«à
facilités» de la région périphérique de Bruxelles. Il s'agirait de rendre la
vie quasi impossible aux francophones! Les autorités flamandes ferment les yeux
sur les panneaux en français qui sont systématiquement peints, détruits ou
brûlés. Elles ferment les yeux aussi sur les mesures que prennent des communes flamandes
lorsqu'elles refusent la présence des enfants francophones dans leurs terrains de jeux.
Bref, les autorités flamandes n'interviennent publiquement que lorsque certains
Flamands ultranationalistes dépassent les bornes.
Malgré tout, les francophones sont de plus en plus nombreux
à s'installer en région flamande au grand dam des Flamands. L'agglomération bruxelloise connaît un mouvement migratoire propre aux grandes
villes, sans égard aux frontières linguistiques. Le coût de plus en plus élevé
du logement à Bruxelles a pour effet d'entraîner une partie de la population
francophone et allophone en
banlieue, dans les communes flamandes où c'est moins cher. Les francophones
savent qu'ils sont parfois majoritaires et réclament un bilinguisme (comme à Bruxelles) que les Flamands ne sont
pas prêts à accorder, car ce sera à leurs dépens, c'est-à-dire à sens unique. Ce
qu'on appelle «l'élargissement de Bruxelles» entraînerait le rétrécissement de la Flandre! Il semble que les francophones
aient beaucoup de difficultés à comprendre un tel danger appréhendé pour les
Flamands! Depuis vingt-cinq ans, la proportion des francophones n'a fait
qu'augmenter dans les communes flamandes périphériques, ce qui a eu pour effet
de réduire sérieusement le caractère flamand de ces communes. En général, les francophones traitent avec mépris
cette «insécurité» des
Flamands. Ils l'ignorent et réclament contre vents et marées le bilinguisme dans
les communes flamandes «à facilités». De leur côté, les Flamands ne
comprennent pas que des francophones tiennent à tout prix à demeurer en Flandre,
souvent sans connaître le néerlandais, quitte à subir autant de tracasseries,
sinon des exactions. Si la
situation était si insupportable qu'ils le prétendent, les francophones partiraient... De toute façon, la
situation semble assez similaire en Wallonie: les Wallons n'acceptent pas davantage les Flamands qui refusent de parler
le français.
Partout en Wallonie, les francophones dévalorisent systématiquement le
néerlandais
dans les écoles. Pourtant, les Flamands de la Wallonie ne réclament pas le bilinguisme; ils se
sont résignés.
Cela étant dit, les francophones du Sud craignent les
Flamands même en Wallonie. Ils estiment que la bande FM wallonne est envahie par
les «Vlaamse Radio». Le rail, l'armée, la poste, la justice et la police sont
aux mains des Flamands en Wallonie; l'aéroport de Charleroi serait soumis aux
pressions flamandes. Puis toute l'image de la Belgique est flamande: le
premier ministre, les ambassades, le ministre de la Défense, des Affaires
extérieures, etc. Dans de nombreuses entreprises, les Wallons sont considérés
comme des employés de second ordre pour les cadres flamands.
Personne ne fait dans la dentelle en Belgique, sauf
peut-être les dentellières de Bruges... ou plutôt Brugge. Les représentants des deux
Communautés pourraient au moins conclure des accords de réciprocité dans les
communes à facilités. Les droits que les Flamands accorderaient aux francophones
dans les communes néerlandaises à facilités seraient consentis par les Wallons
aux Flamands dans les communes françaises à facilités. Mais ce serait demander
des compromis aux deux communautés et un peu de confiance... On commencerait
sans doute à comptabiliser méticuleusement les «bénéficiaires» dans les communes
wallonnes et les communes flamandes, et exiger ensuite des compensations
financières de la part de l'Autre Partie fautive. Les tractations aboutiraient à des
injustices pour les «laissés-pour-compte» dans les communes sans poids
politique. Il suffirait que les Wallons entament des pourparlers pour que les
Flamands se doutent d'un piège machiavélique et s'y opposent. L'inverse est tout
aussi plausible.
En simplifiant, on peut dire que c’est souvent «la faute
aux Flamands» si ça va mal en Belgique! On peut penser que ce sont après tout
les Flamands qui ont été à l’origine de presque toutes les modifications
constitutionnelles des vingt dernières années, qui ont «bétonné» les frontières
linguistiques devenues des frontières d’État, qui ont fait du régime de la
territorialité le critère absolu de la reconnaissance des droits linguistiques,
qui interdiraient aujourd’hui les émissions de télévisions francophones sur le
câble flamand (régi par des entreprises privées) — mais les chaînes commerciales
flamandes ne sont pas davantage diffusées en Wallonie — et la diffusion de la
revue francophone Carrefour,
etc. Mais les Wallons ont également joué un grand rôle dans la
fédéralisation de la Belgique, notamment en ce qui a trait à la constitution
des trois régions. Ce sont les Wallons qui ont dû se battre contre les
francophones bruxellois pour obtenir la fédéralisation en trois régions. Du
côté wallon, on considérait même que les francophones de Bruxelles voulaient
contrôler toute la Wallonie.
Mais ce sont les francophones de Bruxelles, pas les
Wallons, qui accusent «la Flandre politisée à outrance» de recourir à
tous les moyens pour «purifier» son territoire et sa population:
intimidations, discriminations et assimilation forcée, obligation d'utiliser le
néerlandais pour les caisses de retraite, le chômage, les impôts, les mariages,
les décès, les baptêmes, le culte, l'accès aux logements sociaux, etc. Les accusations d'intolérance et de mépris
envers les francophones belges et envers les ressortissants européens seraient,
depuis plusieurs années, monnaie courante. Aujourd'hui, les francophones
de la périphérie de Bruxelles se disent excédés des revendications interminables des Flamands
dont le militantisme s'avère «trop» efficace.
Dans le passé, on a souvent parlé du fameux «compromis» belge. Or,
aujourd'hui, lorsqu’on
examine les politiques linguistiques des deux grandes communautés, nous devons
admettre que ces politiques sont devenues d’inspiration
très «nationaliste» et très «protectionniste». Elles correspondent avant tout à
des «politiques défensives» qui ne s’accommodent guère de la liberté, de
la tolérance et des droits à l'égard des minorités. Pendant que les politiciens se chicanent
depuis quarante ans sur l’interprétation à donner aux lois linguistiques adoptées
dans un autre contexte, l’État belge se rapetisse au profit des intérêts
régionaux et communautaires.
Quand on observe, par exemple, les droits accordés aux minorités en
Hongrie, on ne peut que rester songeur devant la Belgique, un État
démocratique, qui interdit à la moitié de la population l’usage de sa
langue dans l’autre moitié du territoire. Toutes les politiques linguistiques
de ce pays — celles du gouvernement fédéral, des Flamands, des francophones et des
germanophones — sont entièrement
axées sur le régime de la territorialité et ne laissent que fort peu à de place
(un euphémisme) aux
droits des minorités, chaque groupe constituant en principe une majorité.
Mais, dans les faits,
des dizaines de milliers de citoyens ont perdu leurs droits fondamentaux en
matière à de langue, qu'il s'agisse d'immigrants flamands venus travailler en
Wallonie à l’époque de l’essor industriel au
XIXe
siècle et au début du XXe
siècle ou de
«fransquillons» en Flandre, qui peuplaient toutes les villes flamandes et qui
ont du s’adapter. Par comparaison
aux autres pays d’Europe, la Belgique commence à tirer de l’arrière,
toute empêtrée qu'elle est dans le carcan d'un régime territorial à tout crin. La
Belgique n’a jamais pratiqué de déportations massives ni de
génocide, mais le principe qui sous-tend le régime de la territorialité
appliqué de façon rigide dans ce pays pourrait presque s’apparenter à une forme d’«épuration
ethnique» hautement plus subtile. Des deux côtés, on s'accuse
de racisme et de fascisme!
Dans la situation actuelle, les francophones
de Bruxelles ont plus davantage intérêt à perpétuer le système en place — la
Belgique fédérale — que les Flamands et les Wallons, qui croient toujours y
perdre au change. En tout cas, loin de pratiquer un
fédéralisme de collaboration, la
Belgique semble avoir établi plutôt un
fédéralisme de confrontation où ce qui est acquis par
l’une des parties est perçu comme devant se faire au détriment de l’autre.
Aussi, pendant que les Flamands songent sérieusement à former leur République
flamande, certains Wallons pensent se rattacher à la France (c'est le mouvement
des «rattachistes»). Une petite minorité de
Wallons commence à croire qu'il vaudrait mieux devenir des Français afin
d'être protégés dans leur propre pays, car d'ici peu ils seront moins que rien.
Le
«modèle belge» montre que le fédéralisme, loin d’apaiser les revendications
nationalistes, pourrait aussi bien les exacerber. Ça s'est déjà vu ailleurs!
Il n'en demeure pas moins que la Belgique reste un foyer de tensions
linguistiques dont on n'a aucune idée dans d'autres pays comme la France, le
Canada ou l'Afrique du Sud avec ses onze langues officielles. À comparer le mur qui sépare les francophones
et néerlandophones de Belgique, les rapports entre francophones et anglophones au Canada semblent un véritable
jardin de roses.
Les francophones de Belgique oublient qu'ils ont aussi
leurs torts, car le tango se danse à deux. Tant qu'ils resteront condescendants envers les Flamands et qu'ils ne
comprendront pas ce sentiment d'insécurité linguistique qui ronge ces derniers,
les francophones n'obtiendront jamais la moindre parcelle de leurs revendications pourtant
légitimes. Alors que les Flamands ont développé un sentiment d'identité
collective très fort, les francophones pratiquent le «chacun pour soi». Les
Wallons, bien à l'abri derrière leurs frontières linguistiques sécurisantes, ne
se préoccupent guère du sort des francophones qui se débattent «sur le front» de
la périphérie bruxelloise. C'est l'indifférence quasi totale! De plus, les
Wallons de Wallonie se méfient des francophones bruxellois, qui exercent un
contrôle considérable sur la Belgique. Ils reprochent même aux fonctionnaires de
la Communauté française d'avoir une vision «belge» (fédérale) et d'ignorer
l'existence des composantes bruxelloise et surtout wallonne.
Bref, la situation linguistique
apparaît éminemment complexe dans ce pays qui, par ailleurs, a trouvé des
solutions à nulle autre pareilles. Rappelons ici aussi cette boutade qui
caractérise assez bien les «querelles communautaires» en Belgique, qui ne
dorment jamais que d’un œil, même si elles ont pris un tour plus aigu depuis la
création de l'État belge en 1830: «En Belgique, la situation est désespérée,
mais pas grave.» Aujourd'hui, il y a beaucoup de Belges francophones qui croient
que la situation actuelle n’est pas aussi désespérée que l’accumulation récente
de conflits communautaires peut le laisser croire, car tout va s’arranger comme
d’habitude par un compromis «à la Belge», jusqu’à la prochaine crise!
Dernière révision:
16 févr. 2024
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