Capitale:
Trieste Population:
1,2 million (2005) Langue officielle: italien Groupe majoritaire: italien (53,5 %)
Groupes minoritaires: frioulan (43 %), slovène (4,7 %),
allemand (0,4 %) Système politique: région autonome formée de quatre provinces: Gorizia, Trieste,
Udine et Pordenone
Articles constitutionnels (langue): art. 6 de la
Constitution de 1947 ;
art. 3 du Statut spécial pour la Région du Frioul-Vénétie
Julienne (Statuto speciale della
Regione Friuli-Venezia Giulia) ; traité d’Osimo
de 1975.
La Région autonome du Frioul-Vénétie-Julienne (Friuli Venezia
Giulia en italien, sans trait d'union; Friûl Vignesie Julieen frioulan;
Furlanija Julijska krajina en slovène) est située à
l'extrémité nord-est de l’Italie. Le Frioul-Vénétie Julienne est l’une des cinq régions bénéficiant d’un
statut d'autonomie avec le Val-d’Aoste, le Trentin-Haut-Adige, la Sardaigne et
la Sicile. Les autres provinces
italiennes
n'ont pas de statut particulier. Le Frioul-Vénétie Julienne,
qui couvre unesuperficie de 7855 km² (Italie: 301 250 km² ;
Belgique: 32 545 km²), est bordé au nord par
l’Autriche, au nord par la Slovénie, à l’est et au sud par le golfe de Venise
et la mer Adriatique, à l'ouest par la Vénétie (provinces de Belluno, Treviso et Venezia).
La
Région autonome du Frioul-Vénétie Julienne est composée de quatre
provinces administratives:
Pordenone à l'ouest, Udine au centre, Gorizia à
l'est et Trieste au sud-est. La
capitale de la Région autonome du Frioul-Vénétie Julienne
est la ville de Trieste située dans la province de
Trieste.
Province
Population
(2015)
%
Superficie
Capitale
Communes
Pordenone
312 794
25,6 %
2273 km²
Pordenone
51
Udine
533 282
43,6 %
4904 km²
Udine
137
Gorizia
140 268
11,4 %
466 km²
Gorizia
25
Trieste
234 874
19,2 %
212 km²
Trieste
6
Total
1 221 218
100 %
7855 km²
Trieste
219
Chacune des provinces dispose d'une capitale du même
nom. On constate que la province d'Udine couvre à elle seule plus de 62 %
du territoire et compte pour 43 % de la population; la ville d'Udine
représente 18 % de la population de cette province (pour 95 300 hab.). Les
provinces de Pordenone et de Trieste présentent à peu près la même
population, mais sûrement pas la même densité: on compte 125 hab./km² à
Pordenone, mais 1163 hab./km² à Trieste.
Le nom de la Région autonome, Friuli Venezia
Giulia, provient en partie de
l'appellation latine «Forum Julli» («la marche de Jules») en hommage à la
puissante famille romaine des Giulii à laquelle appartenait Jules César. C'est
au milieu du Ier siècle de notre ère qu'est
apparue l'agglomération de Fréjus («Forum Julli») située sur la voie Aurélienne
(Via Aurélia) qui reliait le Rhône à l'Italie. Ce nom de Frioul-Vénétie-
Julienne comprend deux anciennes régions: il Friuli («le Frioul») et la
Venezia Giulia («la Vénétie-Julienne»). Ce toponyme de «Vénétie julienne»
a été créé par le linguiste italien Graziadio Isaia
Ascoli (1829-1907) parce que ce territoire avait appartenu durant
plusieurs siècles (1440–1797) à la république de Venise, sauf pour ce qui est de
la ville de Trieste, un port autrichien de 1382 à 1918.
Le Frioul est une région
historique et géographique correspondant aux provinces actuelles d'Udine et de
Pordenone et en partie aux provinces de Gorizia et de Venise. Quant à la Vénétie-Julienne, elle n'est ni une région géographique, ni une région historique, car
il s'agit d'un ensemble des territoires situés entre la frontière
austro-italienne de 1866 et la frontière italo-yougoslave de 1920. Dans ce
territoire géographiquement hétérogène, deux irrédentismes se sont
successivement développés : d'une part, un irrédentisme italien alors que
les territoires étaient sous la domination autrichienne, d'autre part, un
irrédentisme slave lorsque ces derniers ont été annexés après 1920 dans l'État
italien. Cette région est en effet une «marche» où deux groupes nationaux
s'affrontent depuis des siècles. L'expression «Marche julienne» existe en
français et en anglais (Julian March), mais pas en italien (Venezia
Giulia), ni en slovène (Julijska krajina), ni en frioulan (Vignesie
Julie), ni
en allemand (Julisch Venetien).
2 Données
démolinguistiques
Province
Population
totale (2005)
Italien
Frioulan
Slovène
Gorizia
141 088
99 184
(70,3 %)
34 707
(24,6 %)
10 440
(7,4 %)
Pordenone
299 640
161 206
(53,8 %)
110 866
(37 %)
7 491
(2,5 %)
Trieste
240 332
218 702
(91 %)
4 085
(1,7 %)
17 063
(7,1 %)
Udine
520 843
113 022
(21,7 %)
390 111
(74,9 %)
17 187
(3,3 %)
TOTAL
1 210 913
(100 %)
647 838
(53,5 %)
520 692
(43,0 %)
56 912
(4,7 %)
La région autonome du Frioul-Vénétie- Julienne comptait une population de
près de 1,2
million d'habitants en 2005. Ceux-ci se répartissent en quatre langues de la famille
indo-européenne: l’italien, le frioulan, le slovène et l'allemand. Les deux premières sont des langues
romanes, alors que le slovène est une langue
slave et l'allemand, une langue
germanique.
Comme on le remarquera dans le tableau ci-dessous, on peut constater que
43 % des habitants de la Région autonome du Frioul-Vénétie-Julienne parleraient
le frioulan comme langue maternelle et 4,7 %, le slovène; les autres parleraient l’italien
dans une proportion de 53,5 % et une très faible minorité, l’allemand (0,4 %).
On doit également remarquer que les langues sont réparties
inégalement entre les quatre provinces. Les italophones sont partout
majoritaires, sauf dans la province d’Udine où ils forment une «minorité»
(strictement numérique) représentant 21,7 % de la population. Les Frioulans,
pour leur part, sont numériquement «majoritaires» dans cette même province avec
74,9 % de la population. Les Slovènes forment partout une petite minorité,
variant entre 2,5 % (province de Pordenone), 3,3 % (province d’Udine), 7,1 % (province de
Trieste) et 7,4 % (province de Gorizia). Les germanophones sont peu nombreux et
présents uniquement au nord de la province d'Udine.
2.1 Les italophones et leurs dialectes
L'italienest parlé
dans l'ensemble des quatre provinces. Cependant, l'italien n'est pas la langue
maternelle de tous les italophones. Dans toutes les provinces, il
plusieurs «dialectes» (terme utilisé par les Italiens) sont utilisés, dont les suivants sont même reconnus dans une loi (Loi
régionale du 17 février 2010, n° 5) de la Région autonome: le triestino
(triestin), le bisiaco (bisiac), le gradese (graisan), le
maranese (maranais), le muggesano (de Muggia), le liventino (liventin),
le vénitien de l'Istrie ou istrien (veneto dell’Istria) et de la Dalmatie, ainsi que
le vénitien de Gorizia, de Pordenone et d'Udine (veneto goriziano, pordenonese
e udinese).
Dans la ville de Trieste (capitale de la
province du même nom), on parle le dialetto triestino, le dialecte
triestin (entre 200 000 et 300 000 locuteurs), comparable au vénitien, mais avec ses particularités propres. Dans les
municipalités voisines du mont Carso, de langue slovène, le triestin est utilisé
comme langue véhiculaire entre slavophones et italophones. Quant au vénitien
parlé dans la province de Gorizia, il est considéré comme un prolongement du
triestin, mais cette variété a subi des influences du frioulan, du slovène, des
dialectes allemands austro-bavarois et d'autres parlers locaux, ainsi que des
emprunts divers d'origine grecque et française.
Le dialecte vénitien est surtout parlé dans le sud-ouest de la province de
Pordenone (en particulier le long de la côte de Marano, Lagunare, Grado et
Monfalcone), ainsi que dans certaines régions de la province de Gorizia. Il existe aussi des communautés parlant le vénitien
istrien le long des côtes slovène et croate de l'Istrie et au Montenegro (Cataro et Quarnero).
2.2 Le frioulan
Si la filiation linguistique de l'italien en
tant que
langue romane et celle de l'allemand
en tant que langue germanique
sont généralement bien connues, le cas du frioulan est en
principe plus méconnu.
À l’instar
de l’italien, du français, de l’espagnol, du portugais ou du catalan, le frioulan fait partie des langues
romanes dont il constitue un sous-groupe particulier avec le ladin et le romanche. Il s'agit des langues dites rétho-romanes(voir la structure arborescente et la
carte linguistique). Le ladin est parlé dans les provinces italiennes de
Bolzano et du Trentin; le romanche,
dans le canton suisse des Grisons; le
frioulan,
dans la Région autonome du Frioul-Vénétie-Julienne (voir
la carte linguistique des langues rhéto-romanes). Le frioulan est
également appelé «ladin oriental».
Le frioulan serait parlé par quelque 600 000 locuteurs, peut-être 650 000,
notamment dans 15 des 25 municipalités de la province de Gorizia, dans 37 des 51
municipalités de la province de Pordenone, et dans 125 des 136 municipalités de
la province d'Udine (ainsi que, à l'extérieur de la Région autonome du
Frioul-Vénétie-Julienne, dans trois municipalités de la Vénétie orientale). Une enquête
sociolinguistique réalisée en 2001 révélait que 52,2 % des personnes
interviewées comprenaient et parlaient régulièrement le frioulan; 20 % le
comprenaient tout en le parlant seulement à l'occasion; 19,9 % le
comprendraient, mais ne le parleraient pas, alors que 2,6 % ne le comprenaient
pas et ne le parlaient pas du tout. De fait, les statistiques démontrent un
déclin alarmant du nombre des locuteurs du frioulan.
Évidemment, le
frioulan, comme le ladin dans le Trentin-Haut-Adige, n’est pas une langue homogène, car il est fragmenté en plusieurs
variétés dialectales: le frioulan moyen ou central, le
frioulan
oriental, le frioulan occidental, le
frioulan carnique, le
frioulan d'Agordino et le
frioulan d’Atesino.
Le frioulan moyen
est celui de la province d'Udine, appelé «friulano del medio Friuli e della fascia collinare»,
c'est-à-dire le frioulan du Moyen Frioul et de la bande des collines;
c'est la variété standard, celle qui est utilisée dans les documents
officiels.
Le frioulan oriental ou
frioulan de l'Isontino est appelé «friulano del goriziano», c'est-à-dire le
frioulan gorizien ou celui de la province de Gorizia. Le frioulan
occidental est désigné comme le «friulano del pordenonese»,
le frioulan de la province de Pordenone. Le
frioulan carnique correspond au «friulano dell'alta Carnia occidentale»,
le frioulan de la Haute Carniole occidentale (les Alpes carniques).
Le frioulan d'Agordino
n'est pas une variété frioulane du Frioul, car il est parlé dans la
région d'Agordino, une commune de la province de Belluno située dans la
région de Vénétie (Regione del Veneto). Quant au
frioulan d'Atesino, il est parlé
dans le territoire de la commune de Genesio San Atesino, située dans la
province de Bolzano (Région du Trentin-Haut-Adige), où il est appelé
ladin.
Tout comme la langue italienne, le frioulan dérive du
latin, mais les premiers écrits dans cette langue datent du XIIIe siècle. Bien qu'il n'existe pas de données officielles sur le nombre des locuteurs
des langues pour la région autonome du Frioul-Vénétie-Julienne, on estimait
en 1997 que
les italophones constituaient le groupe
majoritaire avec environ 52 % de la population. Suivaient les locuteurs du
frioulan
qui atteignaient peut-être les 600 000 (sur un total de 700 000 pour toute
l'Italie); la plupart des Frioulans vivent dans des régions rurales. Les
locuteurs du frioulan constituent, après le sarde (1,3 million de locuteurs), la seconde langue minoritaire
d'Italie. Une enquête menée en 1998 par l’Université d’Udine, et dirigée par une
commission de l’Observatoire de la langue frioulane, a estimé qu'il n'y avait pas
de locuteurs unilingues frioulans. Il y aurait quelque 800 000 Frioulans établis à l’étranger,
dont environ la moitié qui utiliserait encore le frioulan.
Dans la province d'Udine, environ 75 % de la population
parle régulièrement le frioulan. Cependant, dans la ville même d'Udine, environ
17 % des familles utiliseraient cette langue quotidiennement, comparativement à 65,5
% en banlieue. Dans les autres provinces, les Frioulans constituent des
minorités non négligeables (24 % à Gorizia, et 37 % à Pordenone), sauf à Trieste
où ils sont quasi inexistants (1,7 %).
2.3 Le slovène
Les locuteurs du slovène, appelé slovencina(ou familièrement slavo), seraient plus de 60 000,
particulièrement dans les six municipalités de la province de Trieste, dans huit
des 25 municipalités de la province de Gorizia et dans 17 des 136 municipalités
dans la province d'Udine (Tarvisio, Malborghetto-Valbruna Resia Lusevera,
Taipana, Nimis, Attimis, Faedis, Torreano, Pulfero, Savogna, San Pietro al
Natisone, San Leonardo, Grimsby, Drenchia, Streatham, Prepotto et Cividale).
À l’instar du frioulan, on distingue plusieurs variétés dialectales: le
carinthien (ou korosko), le slovène du littoral (primorsko), le
slovène de Rovte (rovstarsko), le haut-carniolien (gorenjsko), le
bas-carniolien (dolenjsko), le styrien (stajersko) et le
pannonien
(panonsko). La plupart des locuteurs du slovène sont concentrés à l'est
de la Région autonome, près de la Slovénie. Rappelons que le slovène est une
langue slave parmi la
famille indo-européenne. Le slovène de la
province d'Udine est parlé dans certaines régions avec ses variétés archaïsantes,
dont le resiano du Val Resia, perçu par ses propres locuteurs comme une
«langue distincte». La région du Val Canale au nord-est de la province d'Udine a
fait partie durant des siècles de l'Empire austro-hongrois jusqu'en 1918, alors
qu'elle fut intégrée dans le Royaume d'Italie.
2.4 L'allemand
Quant aux locuteurs de l'allemand(langue germanique),
ils parlent en réalité l’une des variétés dialectales de
type austro-bavarois: le tyrolien du Sud(ou Südbairisch)
ou bavarois du Sud.
Cette variété germanique est
fortement influencée par la langue italienne. Ces germanophones constituent de
petits îlots linguistiques dans la province d'Udine. On peut identifier cinq
communes: Sauris et Timau, dans la vallée de la Carnia, et Tarvisio,
Pontebba et Malborghetto-Valbruna, dans le Val Canale. Les
germanophones
sont donc concentrés près des frontières de l'Autriche et de la Slovénie. En
fait, on peut distinguer deux groupes: ceux qui habitent région nord de
la Carnia (au nord-ouest) et ceux qui résident dans le Val Canale
(au nord-est). S'ils parlent le tyrolien du Sud,
ces germanophones écrivent tous en allemand standard.
On dénombrerait au
total environ 2500 locuteurs
parlant le saurano, le timavese ou le
carinziano du Val Canale. La plupart des germanophones vivent parmi une
population composite où l'on parlent l'italien, le slovène et/ou le
frioulan.
- La Carnia
Dans la région avoisinante de la Carnia, la petite
municipalité de Sauris, appelée Zahre dans la langue
germanique locale (423 habitants), forme un îlot germanophone dans l'aire
linguistique du frioulan. Cette variété d'allemand a été conservée depuis
des centaines d'années grâce à l'isolement des montagnes. Ce dialecte local,
le saurano, conserve des traits archaïques avec le bavarois auquel il est
apparenté. La population germanophone est généralement trilingue: elle parle
le saurano, l'italien et le frioulan.
Un peu plus au nord, se trouve la
localité (frazione,
en italien) de Timau (env. 500 habitants), appelée Tischlbong
en timavese ou Tischelwang en allemand, qui fait partie de la
municipalité de Paluzza (2400 hab.); cette petite localité constitue un autre îlot
germanophone de type bavarois du Sud. Les locuteurs de ce dialecte, le timavese, ont conservé un certain nombre d'archaïsmes, ainsi que de nombreux
emprunts de l'italien et du frioulan, sans oublier quelques traits
phonétiques caractéristiques du bavarois des Alpes.
Actuellement, seuls les locuteurs les
plus âgés et une forte proportion de la population adulte témoignent de leur
bonne maîtrise du timavese, alors que les jeunes
tendent de plus en plus à délaisser son emploi. En plus du timavese, les
locuteurs utilisent aussi le frioulan et l'italienne, ce qui fait de Timau
une communauté trilingue.
- Le Val Canale
Cette zone du Nord-Est, le Val Canale qui
comprend les communes de Tarvisio (4800 hab.), de Pontebba (1560
hab.) et de Malborghetto-Valbruna (990 hab.), représente un ensemble
linguistique unique
sur la scène culturelle européenne.
En effet, on y trouve deux
langues romanes, l'italien
et le frioulan, une langue slave, le slovène ainsi qu'une
langue germanique, l'allemand
carinthien appelé le "carinziano". Le Val Canale est situé aux confins
de l'Italie romane, de l'Autriche germanique et de la Slovénie slave.
Pendant des siècles, la région a
été un lieu de passage et de contact entre les peuples, dont on voit encore
aujourd'hui la coexistence dans ses diverses populations. Le dialecte
"carinziano" ou carinthienparlé par certains germanophones ne
compte que quelques centaines de locuteurs.
Bref, le Frioul-Vénétie-Julienne présente
une mosaïque linguistique très particulière, très différente de
l'image traditionnellement véhiculée comme unilingue italienne.
Pour résumer, on peut utiliser le tableau
suivant (d'après Wikipedia):
Nous savons que vers l'an 100 avant notre ère
la région du Frioul était
habitée par les Euganéens, un peuple pré-indo-européen d'origine
similaire à celle des Ligures. Leur territoire s'étendait alors sur toute
l'Italie du Nord ainsi que le sud de la France actuelle. À partir du
XIIe siècle avant notre ère, un autre peuple, les Vénètes (de la
racine celtique veni- signifiant «lignée», «race, «famille»),
atteignit le territoire
et refoula une
partie des Euganéens vers l'ouest et assimila les autres. Ils
régnèrent sur la région jusqu'en 400 avant notre ère. Ils parlaient
une langue italique, le
vénète, mais en fait il s'agit d'une
langue d'origine celtique.
À la même époque, les Celtes dominaient une grande partie de
l'Europe de l'Ouest (voir
la carte). Si en France ils étaient appelés «Gaulois», en
Italie ils étaient appelés «Galli» (plur. de Gallus) et dans
le Frioul des «Carni» (en français Carnes). Les Carni
étaient un peuple alpin celtisé ; ils vivaient dans les montagnes du
Frioul et des Alpes juliennes (les chaînes des Alpes orientales)
jusqu'à l'adriatique.
En réalité, les ancêtres des Vénètes sont
issus d'un mélanges de Celtes et de peuples italiques, dont les
Carni (Carnes, en français). Autrement dit, les Celtes vénètes et carnes ne
constitueraient qu'une partie des ancêtres des Frioulans. On trouve
aujourd'hui des traits communs aux Frioulans parmi les populations
d'origine celte, en Bretagne, en Écosse et au pays de Galles. De
fait, plusieurs villes et villages frioulans ont des noms d'origine
celte: par exemple, les noms en -acco dans Pagnacco,
Martignacco, Casacco,
etc., très présents dans la région d'Udine.
3.1 La domination romaine
Deux siècles avant notre ère, les Romains
exerçaient déjà leur domination sur une grande partie de la
Méditerranée ainsi que sur toute l'Italie. En -181, ils fondèrent une cité
du nom de Aquileia (Aquilée,
en français), laquelle deviendra l'une des villes les
plus importantes de l'Empire romain
en raison de son intérêt stratégique. En effet, la ville était situé
au nord-est de la mer Adriatique, aux confins de
l'Italie, près de la Dalmatie. Plus de 3000
fantassins romains s'y établirent, ainsi que des cavaliers, afin de
surveiller l'Istrie insoumise et les Gaulois transalpins. Très tôt,
la forteresse construite devint importante non seulement pour son rôle
militaire, mais aussi pour son commerce grâce à son port aménagé sur
le fleuve Natissa. De plus, la forteresse d'Aquileia allait servir comme base de
départ pour les guerres de conquête romaines.
En quelques décennies, la ville d'Aquilée
devint la seconde ville d'Italie après Rome, attirant sur son
territoire des Romains venus du Sud, mais aussi des Celtes du Nord
et des Orientaux arrivés de la Grèce, ce qui favorisa
l'établissement d'une ville
très cosmopolite. Le développement de la ville à cette époque fut tel que
sa splendeur lui valut d'être comparée à une «seconde Rome». Puis les
Romains décidèrent de construire d'autres forteresses près des cols
alpins, notamment à Forum Julii (dont dérive le nom Frioul) et
Julium Carnicum (l'actuelle Zuglio). D'autres petites villes furent
édifiées pendant l'occupation romaine : Reunia, Osopum, Glemona,
etc.
Pendant plus de trois siècles, la Pax Romana
fut maintenue dans toute la région, ce qui entraîna une grande prospérité
matérielle, ainsi qu'un développement social et culturel important.
Non seulement, les Romains latinisèrent toute la région, mais ils
christianisèrent aussi tous les habitants. La ville d'Aquilée donna
naissance au seul pape frioulan de l'Histoire en la personne de Pie
Ier
(v. 140 et v. 154), dixième
évêque de Rome, qui siégea sous le règne de l'empereur Antonin le
Pieux (entre 138 et 161). Le déclin de la ville d'Aquilée et de la
région allait venir avec les invasions barbares et la chute de
l'Empire romain d'Occident. Ce fait démontre l'importance d'Aquilée
à cette époque.
3.2 Les invasions germaniques et le Royaume
lombard
Mais il devait y avoir un déclin pour la cité
d'Aquilée. Celui-ci commença par une réduction considérable des forces militaires
romaines,
qui elle-même fut suivie d'une diminution démographique dans toute la région.
À partir de 408, Alaric Ier
(370-410), le roi des Wisigoths,
envahit l'Italie et
brûla Rome, mais la ville d'Aquilée parvint à se défendre et à empêcher
sa destruction. Mais la plupart des autres villes, dont Forum Julii, furent détruites. Quelques décennies plus tard, les troupes
d'Attila (395-453), le roi des Huns, franchirent les Alpes et atteignirent
Aquilée qu'ils mirent à feu et à sang. Les habitants qui échappèrent
à la mort durent s'enfuir dans la forêt. Ce fut la fin de la
grande ville romaine d'Aquilée qui sombra dans l'oubli. Par la
suite, la
ville de Forum Julii devint la ville la
plus importante de la région qui prit le nom de «Frioul». Les
habitants durent subir ensuite les exactions des Goths et des
Francs, avant de voir arriver au VIIIe siècle les Lombards (Langobardi
en latin puis Lombardi par déformation), un peuple germanique
venu de la Scandinavie.
Sous la conduite de leur roi Alboïn
(v. 530-v. 572), les Lombards envahirent
l'Italie en 568. Ils vécurent en communauté loin des villes, ce qui
leur permit de préserver leur cohésion nationale lombarde, ainsi que
leur langue germanique, le lombard. Pendant un siècle, les peuples romains et
lombards cohabitèrent
ainsi sans mélanger leurs langues et leurs coutumes
jusqu'à ce que, vers
670, les Lombards se convertirent massivement
au christianisme.
À partir de ce moment, le destin des anciens Romains et des Lombard
se confondit, mais ces derniers conservèrent leur caractère
belliqueux, ce qui les favorisa lorsqu'ils durent combattre les Byzantins, dont l'Empire
romain d'Orient s'étendait jusqu'à leur territoire. Les régions
conquises par les Lombards ne se limitèrent pas au nord de l'Italie,
c'est-à-dire l'actuelle Lombardie. Au contraire, les Lombards
établirent leur domination sur de vastes régions de l'Italie, du
nord au sud, y compris la Corse, la Sardaigne et le Sicile, jamais réussir à conquérir complètement la
péninsule entière. Si les villes de Rome (Roma) et de Ravenne (Ravenna) sont
restées sous contrôle des Byzantins, Milan (Milano),
Pavie (Pavia), Spolète (Spoleto) et Bénévent (Benevento)
ont été sous la domination directe des Lombards. En 775, le roi franc Charlemagne, profitant des rivalités
internes entre les duchés lombards, réussit à anéantir leur royaume.
Ainsi, à cette époque, les habitants de la
région devaient parler des
langues romanes ou
des langues
germaniques, selon leur condition sociale. Les habitants des
campagnes parlaient généralement des langues romanes, alors que
dans les villes et l'administration, le lombard (germanique)
était privilégié.
3.3 Les rois francs et le patriarcat d'Aquilée
Sous les Carolingiens, le Frioul devint un
«margraviat», une sorte de marquisat gouverné par un «margrave»,
comme dans les autres provinces situées sur la frontière orientale
de l’Empire carolingien, lequel deviendra le Saint-Empire romain
germanique. En d'autres termes, comme en Espagne, le Frioul devint
une «marche» du royaume de Charlemagne. La ville la plus importante
de la région fut Forum
Julii (l'actuelle Cividale del Friuli), dont le nom changea en Civitas Austriae, parce
qu'elle était située dans la partie la plus orientale de l'Empire
carolingien. Dotée d'une garnison, elle fut chargée
de tenir en respect les Avars, les Slaves et les Bulgares.
Après avoir conquis toute l'Italie, Charlemagne
se fit couronner empereur du Saint-Empire romain germanique à Rome par le pape
Léon III, le 25 décembre 800. Ensuite, il désigna son fils Pépin,
roi d'Italie.
À partir de 830, la ville de Civitas Austriae fut dotée d'une
école supérieure, où l'on y enseignait en latin.
En raison sans doute de la forte présence des armées
carolingiennes, le Frioul ne vécut pas de longues périodes de paix.
Sous le règne de Louis le Pieux (ou Louis le Débonnaire,
778-840), les margraves du duché de Frioul,
du marquisat de Cadolah (ou Cadalaus) et du marquisat de Balderich
(ou Balderic) connurent la défaite aux mains des Slovènes
en 819, puis des
Bulgares en 828. Le duché de Frioul fut divisé en
quatre comtés : Frioul, Istrie, Carniole et Trévise. À partir de 899, et ce, jusqu'en 942, le Frioul subit
les attaques répétées des troupes hongroises qui semèrent la ruine et
la désolation sur leur passage. Tout le Frioul sombra dans la misère
et la pauvreté, pendant que les seigneurs locaux se faisaient la
guerre et construisaient des châteaux pour se défendre. En 952, le
territoire du Frioul fut intégré au duché de Bavière du Saint-Empire
romain germanique, avec l’Istrie, la Carinthie et la Carniole; les
villes principales étaient Salzbourg (Salzburg), Triest (Trieste),
Bozen (Bolzano), Trient (Trento) et Sankt Pölten.
Toutefois,
en 976, tous ces territoires passèrent sous l'autorité du duché de
Carinthie, aujourd'hui un Land d'Autriche. Dès lors, beaucoup de riches familles allemandes
arrivèrent dans la région et construisirent à leur tour des châteaux.
La langue allemande devint une véhicule de communication
privilégié dans les affaires administratives aux dépens du frioulan.
Dans cette époque
de dévastation, c'est le patriarche d'Aquilée (568-1751) qui prit en main
le pouvoir temporel de la région appelée alors la Patria del
Friuli (la «patrie du Frioul»), en organisant la défense militaire et en réglant les
conflits entre les seigneurs de la guerre. Le patriarche d'Aquilée étendait
alors sa souveraineté sur les diocèses épiscopaux voisins et
désignait les
évêques. La cour comprenait des représentants des
différents peuples et des diverses langues du patriarcat, réunissant ainsi les
mondes latin (frioulan), germanique (allemand) et slave
(slovène), bref un carrefour de civilisations. À l'origine, les
patriarches d'Aquilée étaient tous allemands et soumis à l'empereur du
Saint-Empire romain germanique.
Le patriarcat d’Aquilée
devint au XIe siècle un fief impérial (1077-1420)
du Saint-Empire. Le duché de Frioul s'est développé comme un curieux
mélange d'un État théocratique, monarchique, pour
devenir une sorte de république autonome et un fief impérial
du Saint-Empire.
Au sommet de la pyramide du pouvoir se trouvait
le patriarche. Le patriarche étendait sa juridiction non seulement
sur le duché de Frioul, mais aussi sur le margraviat
de l'Istrie, le duché de Cadoré (les Dolomites),
le duché de Carinthie, le duché de Carniole, le
duché de Styrie, sans oublier les évêchés de Feltre,
de Cénéda, de Trévise et de Padoue. Le comté de
Gorizia, tout en étant rattaché au patriarcat d'Aquilée au plan religieux,
put jouir d'une
certaine indépendance politique.
À cette époque, les nobles et les gens instruits parlaient
la langue allemande, alors que la population locale s'exprimait soit
en frioulan soit en vénitien en raison de la
proximité de Venise qui constituait déjà une république
indépendante.
En dépit des luttes intestines et des prétentions
territoriales des États voisins, cette période
du patriarcat fut très féconde à plusieurs égards,
tant au point de vue social et religieux qu'économique. Le Frioul
vit un développement florissant des villes franches
telles
Udine, Pordenone, Sacile et Tolmezzo. Vers 1300, le Parlement de
Frioul devint l'un des plus progressistes de tout le
Saint-Empire
romain germanique.
Les liens avec le Saint-Empire romain germanique
s'affaiblirent progressivement de sorte qu'à partir de 1250 un
Italien devint pour la première fois le patriarche d'Aquilée. Mais en 1334 le pape
d'Avignon, Jean XXII, désigna un compatriote français comme
patriarche d'Aquilée, Bertrand de Saint-Geniès (1260-1350). Le
nouveau patriarche amena avec lui de nombreux collaborateurs
français. À la cour, on parlait le florentin, le français, le
frioulan, l'allemand et le vénitien. De Saint-Geniès se rendit vite compte que
son principal adversaire était le comte de Gorizia, allié des
Habsbourg. Délaissant la crosse pour l’épée, il n'hésita pas à
partir en campagne pour combattre le comte de Gorizia. Il put
ensuite se consacrer à son duché de Frioul jusqu'à ce qu'il se fasse
assassiner en 1350 par des soldats du comte de Gorizia, lors d'un guet-apens à San Odorico al Tagliamento.
Au moment des funérailles
du patriarche français, sous le prétexte de défendre l’Église d’Aquilée, le
duc d’Autriche, Albert II, réalisait le vieux rêve des Habsbourg et
entra avec ses troupes dans le patriarcat pour l’annexer. Un
siècle plus tard, le 6 juin 1440, les Vénitiens s'emparèrent de la
ville d'Udine, ce qui incita toutes les autres villes du Frioul, à
l'exception de Gorizia, de se joindre à la
Sérénissime République de Venise, fondée en 697. Cette annexion
vénitienne
entraîna la fin du patriarcat
d'Aquilée. Dès lors, le Frioul délaissa l'influence allemande pour
l'influence vénitienne.
3.4 La république de Venise
(1440–1797)
L'annexion
du duché de Frioul par la
république de Venise en 1440 n'empêcha pas le patriarcat d'Aquilée de
conserver son pouvoir spirituel sur le territoire, mais il dut
signer avec le doge de Venise un traité de paix selon lequel il
acceptait de se soumettre à la République. Quant à la noblesse
frioulane, elle perdit tous ses pouvoirs politiques qui passèrent
aux mains des Vénitiens, ce qui ne devait pas être de bon augure
pour la langue frioulane. La population vit
néanmoins d'un bon œil la mainmise de Venise
sur son territoire, car elle y voyait la possibilité d'améliorer
son sort, les Vénitiens ayant la réputation d'être de meilleurs commerçants
que de bons guerriers. De son côté, le comte de Gorizia accepta
de devenir le vassal de Venise tout en gardant le contrôle sur son
territoire. Le Frioul vécut une période de paix et de prospérité aux
plans culturel et économique. Cependant, la langue frioulane y
perdit en prestige, car elle dut laisser la place, du moins dans les
actes officiels, à la langue vénitienne. Celle-ci s'étendit dans les
régions limitrophes de la Vénétie, c'est-à-dire au Frioul, dans le
Haut-Adige, en Istrie et une partie de la Slovénie et de la
Croatie actuelles, sur la côte adriatique.
À partir de 1472, le Frioul vit arriver les Ottomans qui mirent à sac de
nombreux villages de la région. Leur œuvre de destruction se poursuivit
jusqu'à la fin du siècle, incendiant des centaines de villages frioulans. En
1509, une coalition militaire appelée la «Ligue de Cambrai», regroupant le
roi
Louis XII de France, ainsi que l'empereur du Saint-Empire romain germanique,
Maximilien Ier
de Habsbourg, et le roi Ferdinand II d'Aragon, se forma pour combattre la
république de Venise et lui prendre des territoires. Durant cinq années, le
Frioul fut le théâtre de sanglants combats entre les belligérants.
Au cours de cette période, la noblesse frioulane quitta les
terres et les châteaux qu'elle occupait depuis des siècles pour
s'installer dans les cités d'Udine, de Pordenone, de Gemona, de Cividale et
d'Aquilée, où
avec les notables de ces villes elle s'appropria les activités
les plus lucratives. Ainsi, nobles et bourgeois des villes purent
bénéficier de revenus importants et construire de somptueuses
résidences; ils dotèrent aussi les églises de nombreuses œuvres d'art. Cependant, le peuple
frioulan était acculé à la pauvreté en raison des lourds impôts et
des dévastations causées par les invasions turques et la guerre
contre la Ligue de Cambrai, sans oublier les années de mauvaises
récoltes. Les paysans frioulans se révoltèrent au printemps de 1511 en
attaquant les nobles et en détruisant leurs châteaux.
Les autorités vénitiennes acceptèrent que le peuple frioulan soit
plus largement représenté au sein des conseils municipaux. Les paysans
obtinrent le privilège de désigner des délégués pour chaque canton
du Frioul, afin qu'ils puissent défendre les intérêts de la population devant le représentant
de Venise, le Luogotenente. Toutefois, les lois féodales
demeuraient toujours en vigueur, ce qui entraîna la paupérisation de
la population paysanne, d'autant plus que des
épidémies de peste, fréquentes à cette époque, ravagèrent le Frioul. Ainsi, alors que la
population comptait 250 000 habitants en 1561, elle était passée à 92 000
en 1602.
Au cours du XVIe
siècle, tandis que la menace des invasions ottomanes s'estompait, la
république de Venise déclara, en 1615, la guerre à l'Autriche.
L'Espagne porta secours aux Autrichiens et entra elle aussi en
guerre en 1617, ce qui allait obliger la république de Venise à
capituler. Le 6 septembre 1617, un traité fut signé à Paris
entre la république de Venise et l'archiduc d'Autriche, Ferdinand de
Habsbourg, puis ratifié à Madrid le 26 septembre, ce qui
mit fin à la guerre de Gradisca, appelée aussi «guerre des Uscoques»
parce qu'elle fut causée par les raids des pirates uscoques de Senj en
Dalmatie, soutenus par l'Autriche. Le Frioul allait donc redevenir
autrichien, donc sous la domination de la langue allemande.
Selon les termes du traité de 1617, la
république de Venisee
conservait les villes de Latisana, de Marano,
de Monfalcone et de Pordenone, mais Aquilée, Gradisca, Gorizia et
plusieurs
villages du centre du Frioul demeureraient
sous la domination autrichienne.
Autrement dit, l'Autriche prit le contrôle du Frioul oriental
avec Trieste, alors que le Frioul occidental allait rester
vénitien jusqu’en 1797. Au point de vue linguistique, une partie du Frioul
allait être dominée par l'allemand, l'autre par le vénitien.
Par la suite, on prit l'habitude de distinguer, d'une
part, le Frioul vénitien (ou occidental) avec comme capitale Udine, associé à la république
de Venise, d'autre part, le Frioul autrichien (ou oriental), dont la capitale, Trieste,
reçut le statut de «port franc» en 1719. Pendant que l'ensemble de la
population parlait le frioulan, la noblesse et les classes cultivées
utilisaient, selon la région, le vénitien (au Frioul vénitien) ou l'allemand
(au Frioul autrichien). Entretemps, le Frioul vénitien put connaître une longue période de paix, ce qui permit un
développement social et démographique.
Le 20 avril 1792, la France déclara
la guerre à l'Autriche, un conflit qui allait durer quelque vingt-trois
ans, presque un quart de siècle, avec quelques courtes interruptions,
jusqu'à la chute définitive de Napoléon, le 22 juin 1815. En mars
1797, le général Jean-Baptiste Bernadotte entra avec son armée dans la
ville d'Udine où il fut accueilli en libérateur par les Frioulans;
suivirent les villes de Cividale, de
Gorizia, de Gradisca, de Palmanova, etc. Durant dix mois,
le Frioul entier resta sous domination française. Puis les Frioulans déchantèrent
rapidement en raison des nombreuses exactions commises par l'armée française.
Le 17 octobre 1797, Bonaparte signait avec
l'Autriche le traité de Campo-Formio. Selon les termes du traité, l'empereur d'Autriche renonçait
aux provinces belges (Pays-Bas autrichiens) et repoussait sa frontière
sur la rive gauche du Rhin au profit de la France. Revenaient
également à la France les Îles Ioniennes (Corfou, Zakynthos,
Céphalonie, etc.). La libération du général de La Fayette fut aussi
l'une des conditions du traité. De plus, suite à sa campagne
d'Italie, Bonaparte avait créé des États soumis : le Royaume du
Piémont-Sardaigne, la République ligurienne, la République cisalpine
et le duché de Parme. Comme dédommagement, l'empereur d'Autriche
recevait
Salzbourg, la Vénétie (ce qui mettait fin à la
république de Venise), le Frioul occidental, ainsi que l'Istrie et la Dalmatie
(sauf les îles qui allaient à la France). Le Frioul entier
redevenait ainsi une province autrichienne.
Mais la République cisalpine, avec Milan
comme capitale, allait disparaître au printemps de 1799, lorsque la ville
sera reprise le 29 avril par une coalition d'Autrichiens et de Russes.
3.5 L'entrée en scène de l'Italie
Dès
1802, l'Autriche perdait à nouveau le Frioul au profit de la République
italienne, créée le 26 janvier par les députés de la République cisalpine,
avec pour président Napoléon Bonaparte, premier consul de la République
française. Après le sacre de Napoléon comme empereur des Français, le 2 décembre
1804, et son couronnement comme «roi d'Italie» (le 26 mai 1805) à Milan, la
République italienne cessa d'exister et devint pour un temps le Royaume
d'Italie (1805-1814), dont faisait partie le Frioul. Les Autrichiens furent
chassés des territoires cédés en 1797. La Vénétie fut incorporée au royaume
créé au nord de la péninsule par Napoléon. La Carniole, l'Istrie et la
Dalmatie formèrent les Provinces illyriennes dépendant de l'Empire français.
Au printemps 1809, les Autrichiens envahirent à nouveau
la région, mais la défaite des troupes autrichiennes à Wagran renversa
complètement la situation. Par le traité de
Vienne signé le 14 octobre 1809 entre l'Autriche et la France, tout le Frioul,
y compris la partie orientale avec Gorizia et Gradisca, fut alors placé sous l'administration française.
L'Autriche céda un ensemble de territoires, incluant Salzburg, Trieste, la
Carniole et la Dalmatie (Croatie), qui devinrent une partie de l'Empire français sous
le nom de «Provinces illyriennes». La ville de Laybach (aujourd'hui
Ljubljana en Slovénie) était la capitale de ces provinces.
Cette période de l'histoire du Frioul entraîna de
grands bouleversements dans la vie sociale et administrative de la région.
Ainsi, les privilèges de la noblesse frioulane furent abolis; le Code civil
français fut appliqué; la conscription ou le service militaire obligatoire
fut imposé et de nombreuses terres furent à nouveau consacrées à
l'agriculture. Au plan économique, les Frioulans furent assujettis à de
lourds impôts. Les lois furent promulguées en français, en italien, en
allemand ainsi que dans une variété de slovène appelée «kranje», parlée dans
la région de la capitale Laybach.
Puis l'Autriche déclara la guerre à la France
en 1813 et envahit les Provinces illyriennes. Après la chute de
Napoléon, les frontières tracées par Napoléon furent effacées par le
Congrès de Vienne de 1815.
L'Autriche récupéra les anciens territoires vénitiens : le Royaume d'Italie
devint le Royaume de Lombardie-Vénétie, confié à l'empereur d'Autriche,
François Ier, en même
temps devenu «roi de la Lombardie-Vénétie», dont faisait partie intégrante le Frioul. En
réalité, l'Autriche réorganisait la Lombardie-Vénétie en une entité
administrative apparemment autonome, mais la véritable solution avait été de
créer un royaume unifié et deux gouvernements auxquels était donné le nom de
Royaume de Lombardie-Vénétie. La Lombardie et la Vénétie bénéficièrent de leur
propre gouvernement appelé «conseil du gouvernement» (Consiglio di Governo).
À cette époque l'italien était la langue maternelle de près de
30 % de la population de la Dalmatie. Vers 1830,
la région comptait 23 % d'italophones, soit 70 000 locuteurs sur une
population totale de plus de 300 000 habitants. La dernière ville ayant une
forte présence italienne en Dalmatie fut Zadar avec quelque 70 %
d'italophones.
En 1859, le Royaume de Lombardie-Vénétie fut amputé de presque toute la
Lombardie et cessa d'exister en 1866 lors de l'annexion de la Vénétie (avec la
province de Mantoue et la province d'Udine) au nouveau
Royaume d'Italie, gouverné depuis 1861
par la dynastie royale de la Maison de Savoie.
En 1863, un linguiste de Gorizia, Graziadio Isaia Ascoli (1829-1907), a nommé la partie orientale du Triveneto
(littéralement : «Trivénétie» ou «Trois Vénéties»: les Trois Venises), la
Venezia Giulia («Vénétie julienne» ou «Marche julienne» en français), le
terme Marche désignant le fait que la zone de confins est à la limite
entre plusieurs États (Slovénie, Croatie, Italie). Ces territoires appelés
«Trois Vénéties» regroupaient les actuelles régions du Trentin-Haut-Adige
(«Vénétie tridentine» / Venezia Tridentina), du Frioul et de la Vénétie («Vénétie euganéenne»
/ Venezia Euganea)
ainsi que la Vénétie julienne ou Venezia Giilia (Gorizia, Trieste et Istrie), lesquelles
appartenaient alors à l'Empire d'Autriche (ou Empire austro-hongrois après
1867). La Vénétie julienne est appelée en français «Marche julienne» ("Julian March"
en anglais).
Au mois d'octobre 1866, la population du Frioul fut appelée à
se prononcer sur son rattachement au Royaume d'Italie. Une proportion supérieure
à 99 % se prononça en faveur du OUI. Bien que la procédure du référendum ait été
quelque peu imposée, la preuve était faite qu'une majorité de Frioulans
préféraient devenir italiens plutôt qu'être autrichiens; il ne fut jamais proposé
que la population puisse rester frioulane et devenir un État indépendant. Par la suite, les
régions d’Udine et de Pordenone furent annexées au
Royaume d'Italie avec la Vénétie,
alors que le Frioul oriental, appelé «comté de Gorizia et de Gradisca», allait
rester autrichien jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, laquelle vit la
disparition de l'Empire
austro-hongrois. D'après les données du
recensement de 1910, quelque 480 000 Slovènes et Croates se trouvaient à
l'intérieur du Royaume d'Italie contre 15 000 Italiens devenus citoyens du
Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.
- La Première Guerre mondiale (1914-1918)
Le
28 juin 1914, l'héritier du trône d'Autriche, l'archiduc François-Ferdinand, et
son épouse furent assassinés par un nationaliste serbe-bosniaque (un musulman
serbe de Bosnie) à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine. Le gouvernement autrichien,
qui tenait la Serbie pour responsable, lui déclara la guerre et l'envahit en
août, précipitant ainsi la Première Guerre mondiale.
À ce moment-là, l'Italie était déjà liée à
l'Allemagne et à l'empire d'Autriche-Hongrie par la «Triple Alliance», un pacte
militaire signé en 1882 et régulièrement renouvelé dans le but de contrer le
système d'alliance de la «Triple Entente» (Royaume-Uni, France et Russie).
Croyant retirer davantage de compensations, l'Italie décida
de se rapprocher de la Triple Entente et de signer en secret le
pacte de
Londres du 26 avril 1915 (Patto di Londra, en
italien). L'Italie s'engageait alors à entrer en guerre
contre l'Allemagne et l'Autriche en échange d'importantes compensations
territoriales (voir la carte). Le pacte prévoyait que l'Italie recevrait, en cas de victoire, le
Trentin, le Tyrol du Sud, la Marche julienne (Vénétie julienne), l'Istrie (sans la ville de Fiume),
une partie de la Dalmatie, de nombreuses îles de l'Adriatique, ainsi que la
ville albanaise de Vlora
(Vlorë en albanais) et la petite île de Saseno (Sazan en albanais)
dans la baie de Vlorë et le bassin houiller d'Antalya dans le sud de la Turquie.
De plus, elle se voyait confirmer la souveraineté sur la Libye, l'Érythrée, la
Somalie et le Dodécanèse
(en Grèce) et attribuer une partie de l'empire colonial allemand en Asie.
- Le traité de Versailles (1919)
Le traité de
Versailles du 28 juin 1919 redessina les frontières de
l'Europe en raison du démantèlement de
l'ancien empire des Habsbourg et de son remplacement par une
demi-douzaine de nouveaux États, conformément au principe imposé par
le président américain
Woodrow Wilson, du «droit des peuples à disposer d'eux-mêmes»,
ce qui impliquait surtout les Polonais, les Hongrois, les Roumains, les
Tchèques, les Slovaques, les Slovènes, les Croates, les Serbes, etc., mais pas
nécessairement tous les autres peuples. Au cours de la
Conférence de paix, les puissances victorieuses de la
Première Guerre mondiale décidèrent d'annexer à l'Italie une partie seulement
des territoires qui avaient été promis par le
pacte de Londres (1915), les États-Unis étant fermement opposés aux
clauses du traité de Londres. Le président américain ne s'est pas senti lié par
le traité de Londres qu'il n'avait pas signé. Cette situation provoqua de violentes protestations
de la part du premier ministre italien,
Vittorio Emanuele Orlando qui, déçu, quitta la conférence de paix, ce qui
entraîna en Italie un mécontentement généralisé. On sait aussi que la
Chambre des représentants
des États-Unis n'entérina jamais le traité de Versailles signé par son
président.
C'est pourquoi le traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919 venait compléter celui de Versailles et en
faisait partie.
Toute la région orientale de l'Adriatique fut partagée
entre l'Italie et le
Royaume de Yougoslavie.
Les Italiens reçurent l'Istrie, alors que la Yougoslavie
obtint la Dalmatie située plus au sud. La ville de
Trieste et le comté de
Gorizia passèrent également à l'Italie, et
firent partie de la Vénétie
julienne. L'Italie annexa également les îles de Cherso (Cres en croate) et
de Lussino (Lošinj en croate),
tandis que la
Yougoslavie s'emparait de la petite île de Krk (Veglia
en italien).
Du jour au lendemain, quelque 200 000
Allemands du Haut-Adige devinrent italiens malgré eux. Dans la région de l'Istrie attribuée à l'Italie, les
habitants italophones étaient généralement concentrés dans les villes du
littoral, tandis que la population de l'arrière-pays était plutôt composée de
Croates ou de Slovènes. En Vénétie julienne, on parlait donc l'italien, le
frioulan, le vénitien, l'istrien (variété de vénitien), le slovène et le croate.
- Le traité de Rapallo
(1920)
Il faut ajouter aussi le traité de Rapallo, signé le 12 novembre 1920, entre la
Yougoslavie (le Royaume
des Serbes, des Croates et des Slovènes) et l'Italie (Royaume d'Italie).
Insatisfaite des clauses des traité de paix, qui ne lui accordaient pas les
territoires qu'elle revendiquait, l'Italie négocia avec la Yougoslavie un
autre traité à Rapallo, une rectification des nouvelles frontières entre les
deux États. Le traité de Rapallo Il accordait à l'Italie d'importants
territoires croates et slovènes, soit quelque 10 000 km².
En effet, l'article 1 du traité
modifiait les frontières d'avant la guerre à l'est: les villes
de Trieste, de Gorizia et de Gradisca, ainsi que toute l'Istrie
et certains districts de la Carniole (Postojna, Ilirska Bistrica,
Idria, Vipava, Ajdovšcina) étaient annexés à l'Italie. Selon
l'article 2, l'Italie recevait aussi l'enclave de Zadar (Zara en italien).
L'article 3 attribuait les îles Cres, Losinj, Pelagia et Lastovo
à l'Italie, alors que les autres îles de l'archipel, qui
appartenaient auparavant à l'Empire austro-hongrois, allaient
dorénavant à la Yougoslavie (Royaume des Serbes, des Croates et
des Slovènes). Enfin, avec l'article 4, Fiume (ou Rijeka)
devenait pour un temps une «ville libre»; ce nouvel État avait
pour territoire un corpus separatum (en latin dans le
texte) délimité par la ville et le district de Fiume, et une
partie de territoire en Istrie.
Les nouvelles
frontières placèrent sur le territoire italien une population de langue
slovène (à Trieste, à Gorizia, à Capo d'Istria/Koper) et croate (dans toute
l'Istrie,
les îles dalmates et Zara), c'est-à-dire 700 000 Slaves du Sud.
3.6 Le fascisme italien
Après la Première Guerre mondiale, l'Italie constituait encore un monarchie —
le
Royaume d'Italie— avec
Victor-Emmanuel III appartenant à la dynastie de la Maison de
Savoie. Au cours de la
période s'étendant de 1922
à 1943, le Royaume d'Italie était
dirigé par le
gouvernement fasciste de
Benito Mussolini (1883-1945),
sans que le régime monarchique ne soit interrompu. En fait, le fascisme
italien est apparu à la suite de la Première Guerre mondiale en
1919, lorsque les espoirs italiens d’expansion territoriale furent
déçus par l’issue de la guerre. En effet, les conclusions du traité
de Versailles privaient l'Italie des territoires pourtant promis lors du
pacte de Londres
de 1915.
Le fait que plusieurs des territoires «perdus» comptaient une population alors
en partie italophone
(en majorité ou en minorité) bouleversa une grande partie de l'opinion publique italienne en raison de
la propagande conduite par la presse nationaliste et
mussolinienne.
La réaction fut violente en Italie, alors
qu'un
mouvement révolutionnaire se mobilisait autour de
Benito Mussolini. En
plus de cette déception morale s'ajoutaient les problèmes
économiques (industries en crise, endettement de l'État et inflation), sociaux
(chômage, grèves et baisse du pouvoir d'achat) et politiques
(agitation révolutionnaire communiste).
Canalisant les
mécontentements, Benito Mussolini prit le pouvoir en 1922. Il devint
président du Conseil du royaume d'Italie du 31 octobre 1922 au 25
juillet 1943, premier maréchal d'Empire du 30 mars 1938 au 25
juillet 1943, puis président de la République sociale italienne (RSI)
de septembre 1943 à avril 1945. Mussolini institua un régime
autoritaire, militariste et nationaliste. Il s'est fait désigné du
titre de Duce, mot italien dérivé du latin dux et
signifiant «chef» ou «guide».
- La politique linguistique
Adversaire de la démocratie, du parlementarisme, de la
société libérale, du capitalisme et de la liberté économique, Mussolini appliqua
une politique linguistique fasciste fondée sur le «tout-italien» et l'exclusion
ou l'interdiction des autres langues. En ce sens, il fit adopter plusieurs lois pour restreindre
ou plutôt pour supprimer les droits linguistiques des minorités d'Italie,
notamment au Val-d'Aoste (contre le français), dans le Trentin-Haut-Adige,
notamment dans la province de Bolzano
(contre l'allemand) et dans le Frioul-Vénétie Julienne (contre le slovène et le
croate). À Trieste, les
persécutions furent particulièrement violentes à l'égard des Slovènes lors des émeutes
du 13 avril 1920, qui furent organisées
en représailles à l'attaque contre les troupes d'occupation
italiennes par la population croate
locale.
De nombreux magasins slovène et d'édifices publics furent
détruits pendant les émeutes qui ont culminé quand un groupe de
fascistes italiens, dirigée par Francesco Giunta, brûla la "Narodni Dom" (la «Maison nationale»), la salle communautaire des
Slovènes de Trieste. Benito
Mussolini a salué cette action comme un «chef-d'œuvre du fascisme
de Trieste» ("capolavoro
del fascismo triestino").
Évidemment, la région du Frioul ainsi que l'Istrie et les
localités dalmates n'allaient pas être laissées pour compte. Dans la
région du Frioul et de l'Istrie, la répression fasciste entraîna, sur une
période de dix ans, la mort de plus de 2000 Croates et Slovènes, et conduisit à
l'emprisonnement plus de 20 000 autres personnes.
En 1920, Mussolini avait formé des commandos
de squadristi, c'est-à-dire des groupes paramilitaires issus
des "Faisceaux de combat" (en italien: Fasci di combattimento),
mieux connus sous le nom de «Chemises noires». Ces commandos
pourchassèrent, illégalement et en toute impunité, les grévistes,
les syndicalistes, les socialistes et les démocrates que Mussolini
rendait responsables de la crise du pays, mais aussi les minorités
linguistiques du nord de l'Italie. Or, ces minorités parlaient le
français, le franco-provençal et le piémontais dans la Vallée d'Aoste,
l'allemand, le tyrolien du Sud (ou Südbairisch), ainsi que le
fersentaler ou mochène (mòcheno, en italien) et du cimbre (cimbro,
en italien) au Haut-Adige, le slovène, le croate ou le
frioulan au Frioul-Vénétie-Julienne, ainsi que l'istrien, le
vénitien, l'italien, le slovène et le croate en Istrie.
Voici
un commentaire
de
Mussolinien septembre1920
concernant le slovène et le croate au
cours d'une «visite guidée»
au Frioul et en Vénétie-Julienne (y compris l'Istrie):
Di fronte ad una razza inferiore e barbara come la slava - non si deve seguire la politica che dà lo
zuccherino, ma quella del bastone. I confini dell'Italia devono
essere il Brennero, il Nevoso e le Dinariche: io credo che si
possano sacrificare 500.000 slavi barbari a 50.000 italiani.
[Devant une race
inférieureet barbarecommela slave, il ne faut
pas poursuivre une
politiquequi donnedes sucreries, maiscelle du bâton. Les
frontières de l'Italie
doivent
être
le Brenner,leNevoso etles
Dinarides:
jecrois
qu'il est possible de sacrifier500 000 Slavesbarbarescontre 50 000Italiens.]
Les mesures prises par les fascistes italiens
visaient à faire disparaître toute trace des langues minoritaires
dans le nord-est de l'Italie, Frioul, Vénétie et Istrie. Dès 1923
furent supprimées les écoles frioulanes, slovènes et croates. En
1923, le
décret-loi du 11 février 1923, n° 352, prescrivit, sous peine
d'amende, la suppression de toutes les affiches en une langue slave,
même les bilingues, et en 1926 tous les noms des rues de la ville d'Aosta/Aoste
furent changés. À partir de 1925, les actes de l'état civil durent
être rédigés exclusivement en italien. Un décret de la même année,
le
décret-loi du 22 novembre 1925, n° 2191(Disposozioni
riguardanti la lingua d'ensegnamento nelle scuole elementari),
interdit l’enseignement, même facultatif, de toute autre langue que
l'italien dans les écoles. Puis le
Décretroyal du 5février1928,n°577,
imposa l'enseignement de l'unique langue italienne, ce qui
supprimait l'enseignement des
langues minoritaires, dont le slovène et le
croate:
Article272
À partir
del'année scolaire1923-1924, dans toutes les
premières années des écoles
primaires allophones,l'enseignement doit être offert
en italien.Au cours de l'année scolaire1924-1925, même dans les
deuxièmes années de ces écoles, l'enseignement doit être en italien.
Au cours des années
scolairessuivantes, il sera
procédé de façon similaire pour lestrois annéesjusqu'à ce
que,dans le nombred'années égalà celui del'ensemble des cours,
dans toutes les classes, l'enseignement sera
donné en italien.Jusqu'à ce que le remplacement de la langue
d'enseignement soit conforme aux
dispositions des paragraphes précédents, aucuninstituteur,sauf en cas
denécessité,ne
pourra enseignerdans une autre langueque l'italien, à moins qu'il ne
soit
dûment autorisé.
À partir de 1918 et jusqu'en 1926, le Frioul fut témoin de la
fermeture du lycée classique de Pazin, de l'école
secondaire de Voloska et de la fermeture
de 488 écoles primaires slovènes et croates.
Le 1er octobre 1923, le ministre fasciste Giovanni Gentile
avait annoncé une «réforme scolaire» dans laquelle il interdisait l'usage des langues slovène et
croate dans les écoles.
1)
Dans toutes les affaires civiles et pénales qui sont traitées dans
les tribunaux du royaume, l'italien doit être exclusivement employé.
2)
La présentation des instances, des actes, des recours et des
écritures généralement rédigés dans une autre langue que l'italien
est non avenue et ne sert même pas à empêcher le
commencement du calcul des échéances des délais.
3)
Les procès-verbaux, les rapports d'experts, les actes d'accusation,
les décisions et toutes les actions et mesures en général, qui ont
un lien quelconque avec la justice civile et pénale et qui sont
rédigés dans une autre langue l'italien sont nuls.
4) Quiconque n'est pas en
mesure de comprendre l'italien ne peut pas être inscrit sur les
listes des jurés.
Cette politique linguistique d'interdiction visait non
seulement la suppression de tous les droits linguistiques des minorités, mais
aussi l'adoption systématique des mots en italien, y compris la toponymie, les
patronymes ou les noms de famille.
- La répression et l'assimilation
Un dépliantde la période d'italianisation fascisteinterdisait de chanter ou de parler«en langueslave»dans les rueset les lieux publicsdeDignano (Vodnjan
en croate).Des commandos de squadristi(«chemises noires»)
devaient par des «méthodes persuasives»
veiller à faire appliquer l'ordonnance en question venant du Parti
national fasciste (PNF):
PNF-Commando
de Chemises noires -
Dignano
(Traduction: Tina Célestin)
Attention!
II
est interdit de manière absolue de chanter ou de parler
en langue slave dans des lieux publics
et dans les rues de Dignano.
Il en est ainsi dans les magasins de tout genre où il
doit être utilisé une fois pour toute
SEULEMENT LA LANGUE ITALIENNE
Nous, les Chemises noires, nous
ferons respecter la présente ordonnance par des méthodes
persuasives.
LES
CHEMISES NOIRES
Après la Première Guerre mondiale, Benito Mussolini imposa au
Frioul une politique d'assimilation ("Regio Decreto 7 aprile 1927, n. 494"), qui eut pour
effet le remplacement des
noms de famille et des noms de lieux par des appellations italiennes. En voici
un exemple de formulaire utilisé pour tous les noms de famille à modifier:
Il Prefetto della Provincia dell’Istria
------------
Veduta la domanda per la riduzione
del cognome in forma italiana presentata dal Signor
……………………………………………………
Veduti il regio decreto 7 aprile 1927 Nr. 494 con cui sono stati
estesi a tutti i territori annessi al Regno gli art. 1 e 2 del R. D.
L. 10 gennaio 1926, Nr. 17, ed il Decreto ministeriale 5 agosto 1926
che approva le istruzioni per l’esecuzione del R. D. L. anzidetto.
Ritenuto che la predetta domanda è stata affissa per la durata di un mese all’albo pretorio del Comune di …………………………………
E all’albo di questa Prefettura, senza che siano state presentate
opposizioni:
Veduto l’art. 2 del R.D.L. precitato:
DECRETA
Al Signor …………………………………. di-fu
…………………………. e della …………………………………… nato a …………………………………………. addi
…………………………………….. residente a ………………………………………… Via …………………………………di condizione ……………..……….. è accordata la riduzione del cognome in
forma italiana da .………………………………….. in …………………………………………………………
Con la presente determinazione viene ridotto il cognome in forma
italiana alla moglie ..……………………ed ai figli ……………………………………………………..................................
Il presente decreto, a cura del Capo de Comune di attuale residenza,
sarà notificato all’interessato a termini del n. 6, comma terzo ed
avrà ogni altra esecuzione nei modi e per gli effetti di cui ai nn.
4 e 5 delle istruzioni ministeriali anzidette.
Pola, addi …………………….. 19 …. – Anno
…….
Il Prefetto :
........................
Le préfet de la province de l'Istrie
(Traduction de Tina Célestin)
------------
Compte tenu de la demande d'adaptation du nom de famille dans une forme
italienne présentée par M...................................................................
Compte tenu du décret royal
du 7
avril 1927, n° 494, avec lequel ont été étendus à tous les territoires annexée
au Royaume les articles 1 et 2 du
décret-loi royal du
10 janvier 1926, n° 17, et du décret ministériel du 5 août 1926
portant sur l'approbation des instructions pour la mise en œuvre du
décret-loi royal mentionné
auparavant.
Entendu que la demande mentionnée ci-dessus a été affichée pendant
une période d'un mois au tableau public de la municipalité de.......................
Et au tableau de cette préfecture, sans qu'il n'y ait eu
d'opposition déposée :
Compte tenu de l'article 2 du décret-loi royal ci-dessus :
DÉCRÈTE
À monsieur ........................................ de feu
............................... et
de la
............................................. né à
..................................................... à ce jour ..............................................
résidant
à ................................. rue................................................................................................
de condition..............................
est accordée la modification du nom de famille dans une forme italienne
............................................. en.................... ........................................................................................................
Avec la présente décision le nom de famille de l'épouse est modifié
dans la forme italienne ...................................... et des
enfants....................... ...........................................................................................................
Le présent décret, par les soins du chef la municipalité de la
résidence actuelle, sera communiqué à l'intéressé selon les termes
du n°
6, troisième paragraphe, et sera exécuté de toute autre manière
suivant les modalités et aux fins visées des nos 4 et 5 des instructions ministérielles mentionnées
auparavant.
Pola, le ............
jour de ..................... 19 .... - Année .......
Le Préfet: ..................
Ce type de formulaire fut rempli des dizaines de milliers
de fois. Ceux qui s'opposèrent à ces «modifications» de nom furent tout simplement
emprisonnés. Cette politique d'italianisation des noms de famille commença en
1926; elle toucha particulièrement les noms allemands, slovènes et croates. Les
noms ladins et frioulans furent considérés comme des noms italiens. Dans la
seule province de Trieste, plus de 3000 noms furent complètement changés
et 60 000 personnes ont vu
leur nom modifié pour se rapprocher d'une consonance italienne. Souvent le
prénom fut également italianisé.
En 1927, le gouvernement italien décida de créer la
province de Gorizia, mais il ne tint pas compte des
réalités historiques et ethniques de la région, avec le résultat que
s'affrontèrent les
Frioulans de la rive droite du fleuve Isonzo et
les slavophones du Carso. L'objectif de Mussolini était
d'italianiser toutes les populations qui vivaient
à l'intérieur des nouvelles frontières
de l'Italie. Toutes les autres langues que l'italien furent
dévalorisées, y compris le frioulan, car tous les habitants furent fortement
«incités» à parler italien. Beaucoup de Frioulans, surtout dans les milieux
urbains, furent convaincus qu'il valait mieux abandonner leur frioulan ancestral au
profit de l'italien «moderne».
La politique linguistique de Mussolini peut se résumer par
les mesures qui suivent :
1) suppression de 108 écoles de hameaux
(1923);
2) dépouillement des droits des eaux (1924);
3) usage exclusif de la langue italienne dans les bureaux judiciaires (Décret-loi
royal du 15 octobre 1925, n° 1796);
4) suppression de l'enseignement du français dans les écoles (Décret-loi
royal du 22 novembre 1925, n° 2191);
5) création de la «Province d'Aoste» (décret-loi royal du 2 janvier 1927, n° 1);
6) italianisation des toponymes (Décret
royal du 22 juillet 1939, n° 1442);
7) italianisation (non exécutée) de 20 000 noms de famille;
8) suppression des journaux Le Duché d'Aoste, Le Pays d'Aoste, La Patrie
valdôtaine et de l'usage du français dans la presse, etc.
Évidemment,
plusieurs milliers de Slovènes de Trieste, en particulier parmi les
intellectuels, ont émigré dans le Royaume de Yougoslavie et en Amérique
du Sud, où certains sont devenus célèbres dans leur discipline.
Parmi les émigrés slovènes de
Trieste, citons les écrivains de réputation internationale Vladimir Bartol
(1909-1967) et Josip Ribičič (1886-1969), ainsi que le
théoricien du droit Boris Furlan (1894-1954) et l'architecte Viktor Sulčič
(1895-1973).
- Les excès de
l'occupation italienne
Le traité de Rapallo de 1920 entre
l'Italie et la Yougoslavie ne fut pas très longtemps respecté. Dès 1924, Mussolini allait annexer
la ville libre de Fiume à la suite du pacte de Rome conclu avec Belgrade qui
reconnaissait l'italianité de la ville, annexée le 16 février, ce qui remettait
en cause le traité de Rapallo. La ville n'allait
redevenir croate qu'en mai 1945, au sein de la Yougoslavie titiste.
Au cours de la Seconde Guerre
mondiale, l'Italie occupa militairement la quasi-totalité de la Dalmatie.
En Slovénie,le nombre total devillages détruits parles troupes italiennesen juillet1942 fut de 104 pour un total de 60 000personnes;
quelque
18 %des habitantsde la province deLjubljanafurent déportésvers les campsde concentration.
Le gouvernement italien fit alors des
efforts rigoureux pour italianiser toute la région. Pour résoudre le problèmede l'italianisation, le lieutenant-généralMarioRobotti (1882-1955) entreprit de
«relocaliser» tous les Slovènes pour
les remplacer par desItaliens. C'est pourquoi les
forces d'occupation italiennes ont été accusées d'avoir commis des «crimes de
guerre» parce qu'elles avaient entrepris de transformer délibérément les terres
occupées en territoires ethniquement italiens. Il y eut même des dizaines de
camps de concentration destinés aux Slaves récalcitrants.
- La nouvelle
répartition des territoires annexés
Après la mort de Mussolini, le 28 avril
1945, la
Yougoslavie titiste (RFSY) décida de remettre en cause l'appartenance de la Vénétie
julienne et
de l'Istrie à l'Italie. En mai 1945, les partisans communistes de Tito, la
IVe
armée yougoslave, entrèrent dans Trieste aux cris de «Trieste est à nous». Au cours
du mois de juillet 1945, le territoire contesté fut divisé en deux zones
administrées par les militaires, d'une part,
par l'armée yougoslave (zone B) avec 54 000 habitants, d'autre part, par une force
américano-britannique (zone A) avec 311 000
habitants. Cette seconde zone
comprenait les villes de
Pula,
de
Gorizia,
de
Trieste, la vallée de l'Isonzo
et le Carso.
En 1947,
le traité de Paris créa le «Territoire libre de Trieste» sous contrôle des
Nations unies, mais divisé en deux zones: la zone A, anglo-américaine
comprenant la ville de Trieste, la zone B, yougoslave incluant la ville de
Capodistria (Koper). En raison des tensions continuelles, le territoire fut
finalement scindé: le 26 octobre 1954, la ville de
Trieste et ses environs devint italienne,
alors que le reste du territoire alla à la Yougoslavie. Les Italiens de la zone sous occupation yougoslave
commencèrent à fuir le territoire. Entre
1945 et
1954, environ 250 000
italiens auraient quitté cette région, une
épisode appelée «exode des Istriens» ("esodo istriano" en italien).
En juin 1946, un référendum avait mis fin
à la monarchie en Italie. Les résultats définitifs en date du 18 juin 1946
ont donné 12,7 millions de voix à la République et 10,7 millions de voix à
la Monarchie. Il y eut 1,4 million de votes blancs ou nuls. La République
italienne fut proclamée et la famille royale dut s'exiler. Depuis le
1er
janvier 1948, il est interdit au roi, Victor-Emmanuel III, à son successeur
Humbert II, et au fils de ce dernier, Victor-Emmanuel de Savoie, de revenir
en Italie en vertu du deuxième paragraphe de la XIIIe
disposition transitoire de la Constitution de la République italienne,
entrée en vigueur ce jour-là : «Il est interdit aux anciens rois de
la Maison de Savoie, à leurs épouses et à leurs descendants mâles d'entrer
et de séjourner sur le territoire national.»
DISPOSITIONS
TRANSITOIRES ET FINALES
XIII
1) Les membres et les descendants de la Maison de Savoie
ne sont pas électeurs et ne peuvent remplir ni offices publics
ni charges électives.
2)
L’entrée et le séjour sur le territoire national sont interdits
aux anciens Rois de la Maison de Savoie, à leurs épouses et à
leurs descendants
mâles.
3) Les
biens, existant sur le territoire national, des anciens rois de
la Maison de Savoie, de leurs épouses et de leurs descendants
mâles sont
transférés à l’État. Les transferts et les constitutions de
droits réels sur ces biens qui sont advenus après le 2 juin 1946
sont nuls.
Cependant, l'article unique de la Loi
constitutionnelle, n° 1, du 23 octobre 2002, entrée en vigueur le 10
novembre 2002, énonce que «les paragraphes premier et deux de la
XIIIe disposition
transitoire et finale de la Constitution cessent leurs effets à partir
de la date d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle», ce
qui abroge les deux premiers paragraphes. Les membres de l'ancienne
famille royale de Savoie sont donc autorisés à entrer en Italie.
Le 1er
mai 1945, les troupes
anglo-américaines avaient atteint la ville d'Udine et
sa région: elles furent reçues par toute
une population en liesse, car une nouvelle
ère allait commencer. C'est alors que des
mouvements autonomistes virent le jour
au Frioul afin de réclamer une autonomie régionale,
laquelle fut accordée en 1947. En 1948, après la guerre,
quatre régions autonomes furent créées: la Sardaigne, la Sicile, le
Trentin-Haut-Adige et le Val-d'Aoste. L'autonomie réclamée au Frioul ne put être
mise en application qu'en 1963,
après qu'aient été réglées les revendications
territoriales de la Yougoslavie sur le
Frioul.
Toutefois,
le Statut d'autonomie adopté ("Legge costituzionale del 31 gennaio 1963, n. 1") ne contenait
qu'une seule disposition linguistique, avec une protection très
vague:
Articolo 3
Nella Regione è riconosciuta parità di diritti e di trattamento a tutti i
cittadini, qualunque sia il gruppo linguistico al quale appartengono, con
la salvaguardia delle rispettive caratteristiche etniche e culturali.
Article 3
(traduction)
Dans la région, il est reconnu à tous les citoyens la
parité de droit et de traitement, quel que soit le groupe
linguistique auquel ils appartiennent, avec la sauvegarde de leurs
caractéristiques ethniques et culturelles respectives
Pourtant, il existait au Frioul-Vénétie Julienne (en
italien Friuli-Venezia Giulia ) une importante présence des minorités
linguistiques, dont la langue était le frioulan, le slovène et l'allemand. Aujourd'hui, l'ancienne
«zone B» de l'ancienne Yougoslavie au sud de Trieste fait partie de la
Slovénie, mais l'Istrie appartient désormais à la
Croatie.
4
Les droits linguistiques définis juridiquement
Les minorités linguistiques bénéficient d'un ensemble de protection
juridique assez important de la part du gouvernement central:
Les lois les plus pertinentes sont sans contredit la
Loi nationale du 23 février 2001, n° 38
(Règles en matière de protection de la minorité linguistique slovène de la
Région du Frioul-Vénétie Julienne) et la
Loi régionale du 16 novembre
2007, n° 26 (Règles régionales pour la protection de la minorité
linguistique slovène), sans oublier la Loi régionale du 17 février
2010, n° 5 (Valorisation des dialectes parlés dans la Région du
Frioul-Vénétie Julienne). Cependant, la Loi du 23 février 2001, n° 38,
a connu de nombreuses ratés dans son application, parce
que le Comité institutionnel paritaire prévu à l'article 3 s'est révélé généralement
inopérant, ce qui a empêché l'élaboration de la liste des communes dans lesquelles
la minorité slovène est traditionnellement présente et de transmettre cette même
liste à la Présidence de la République pour confirmation. Heureusement, la
Loi régionale du 16 novembre
2007, n° 26, est venue combler certaines lacunes. Retenons d'abord les trois documents à valeur
constitutionnelle.
L'article 6 de la Constitution italienne de 1947 précise que la
République protège les minorités linguistiques «par des mesures appropriées»:
Articolo 6
La Repubblica tutela
con apposite norme le minoranze linguistiche.
Article 6
La
République protège par des mesures appropriées les minorités
linguistiques.
Les minorités dont il est question ici fait allusion avant
tout allusion aux «minorités nationales», celles qui pouvaient être reliées à
des pays voisins, comme l'Autriche et l'Allemagne (germanophones),
l'ex-Yougoslavie et la Slovénie (slavophones), puis la France (Valdôtains). Il
n'est pas certain que cet article 6 incluait les communautés linguistiques
ladine (Trentin-Haut-Adige), frioulane (Fioul), sarde (Sardaigne),
franco-provençale (Piémont) ou albanaise, grecque, etc. D'ailleurs, les faits
ont démontré que, durant plusieurs décennies, certaines «minorités nationales»
ont bénéficié d'un statut particulier, par exemple les Slovènes, alors que
d'autres, par exemple les Frioulans, ont dû attendre longtemps avant de se voir
reconnaître une protection officielle.
Le Statut spécial pour la Région du Frioul-Vénétie
Julienne (Statuto speciale della
Regione Friuli-Venezia Giulia), défini à l’article 3 de la Loi
constitutionnelle du 31 janvier 1963 (Legge costituzionale del 31 gennaio
1963), ne compte qu'un seul article à «portée linguistique» et il spécifie que tous les citoyens de la
région doivent bénéficier d'un traitement égal, quel que soit le groupe
linguistique auquel ils appartiennent, et que leurs caractéristiques ethniques
et culturelles respectives doivent être sauvegardées:
Articolo 3
Nella Regione è riconosciuta parità di diritti e di trattamento a tutti i
cittadini, qualunque sia il gruppo linguistico al quale appartengono, con
la salvaguardia delle rispettive caratteristiche etniche e culturali.
Article 3
Dans la région, il est reconnu à tous les citoyens la
parité de droit et de traitement, quel que soit le groupe
linguistique auquel ils appartiennent, avec la sauvegarde de leurs
caractéristiques ethniques et culturelles respectives
L'article 8 du traité d'Osimo de 1975 prescrit une certaine protection pour
les Slovènes d'Italie et les Italiens de Slovénie:
Article 8
Chaque Partie déclare que, lorsque cessera d'avoir effet le Statut
spécial annexé au Mémorandum d'entente de Londres du 5 octobre 1954,
elle maintiendra en vigueur les mesures nationales déjà adoptées sur la
base dudit Mémorandum et qu'elle assurera, dans le cadre de son droit
national, le maintien
du niveau de protection des membres des deux groupes ethniques,
tel qu'il est prévu par les dispositions du Statut spécial qui n'est
plus applicable.
Mais il faudra attendre en 1999 pour que
la Loi du 15 décembre, n° 482, (Règles en matière de
protection des minorités linguistiques historiques), pour que les minorités
implantées dans la Région autonome du Frioul-Vénétie Julienne soient
reconnues juridiquement. Le premier paragraphe
de l’article 1 rappelle que «la langue officielle de la République est l’italien».
Toutefois, le second paragraphe énonce que «la République, qui valorise le
patrimoine linguistique et culturel de la langue italienne, fait la
promotion et la valorisation des langues et des cultures protégées par la
présente loi»:
Article 1er
1) La langue officielle de la République est l'italien.
2)
La République, qui valorise le patrimoine linguistique et culturel de la
langue italienne, fait la promotion et la valorisation des langues et des
cultures protégées par la présente loi.
L’article 2 de la Loi du 15 décembre,
n° 482, est plus explicite, car il énumère les minorités concernées
par la loi, dont les populations germaniques, slovènes et frioulanes:
Article 2
En vertu de l'article 6 de la Constitution et en harmonie avec les
principes généraux établis par les organisations européennes et
internationales, la République protège la langue et la culture des
populations albanaise, catalane, germanique, grecque,
slovène et
croate, et de celles qui parlent le français, le franco-provençal, le
frioulan,
le ladin, l'occitan et le sarde.
Un fait semble clair: le slovène et le frioulan, sans
oublier l'allemand, sont expressément nommés
parmi la liste des «langues protégées». La loi prévoit les mêmes règles d’application
minimale que le Décret du président de la
République du 20 novembre 1991 (aujourd'hui abrogé par la
loi n° 482 du 15 décembre
1999 (Norme in materia di
tutela delle minoranze linguistiche storiche).en matière de
protection linguistique. Il faut, d’une part, qu’une minorité forme au moins 15
% de la population d’une municipalité, d’autre part, que le Conseil provincial
et le tiers au moins conseillers municipaux aient approuvé majoritairement la
procédure d’adoption prévue par la loi.
En 1996, le Parlement régional adoptait laLoi
régionale n° 15 du 22 mars 1996 relative aux règles pour la protection et la
promotion de la langue et de la culture frioulanes, ainsi que la création des
services pour la langue régionale minoritaire. Cette loi poursuivait comme objectif la promotion de la
culture et de la langue frioulanes considérées comme une question fondamentale
pour le développement de leur autonomie particulière. Ainsi, l’article 3
stipule que la protection et la promotion de cette langue minoritaire constituent
un apport important dans la reconstruction d’une nouvelle Europe fondée sur les
principes de la démocratie et du respect des diversités culturelles. Des mots... qui se transposent difficilement dans la réalité.
Comme il s'agit d'une loi régionale, et non d'une loi nationale, elle bénéficiait
de moins de force et risquait d'être abrogée en totalité ou en partie. Les
trois premiers articles méritent d'être cités in extenso:
Article 1
But
Afin de pratiquer une politique active de
conservation et de développement de la langue et de la culture frioulanes
qui sont des
composantes essentielles de l'identité ethnique et historique de la
communauté régionale, la Région, édicte par la présente loi les principes
fondamentaux de l'intervention concernant la réalisation d'une telle politique.
Article 2
Protection du frioulan
Le frioulan est l'une des
langues de la communauté régionale. La Région du Frioul-Vénétie Julienne
considère la protection de la langue et de la culture frioulanes comme une question
centrale pour le développement de l'autonomie particulière.
Article 3
Contexte européen
1) La Région du Frioul-Vénétie Julienne, tout en
reconnaissant que la protection et la promotion des diverses langues
locales ou minoritaires représentent une contribution importante à la
construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et du
respect des diversités culturelles, maintient et développe les
traditions présentes sur son territoire.
2) Dans les limites de ses compétences juridiques, la Région considère la
protection et la promotion des langues parlées traditionnellement
sur son territoire comme une obligation particulière à l'égard de la famille des
peuples européens, en réservant une attention particulière à la langue frioulane,
laquelle est parlée presque exclusivement sur son territoire.
Les articles 1 et 2 reconnaissaient le frioulan comme
l'une des langues faisant partie «des composantes essentielles de l'identité
ethnique et historique de la communauté régionale». L'article 11
de Loi
régionale n° 15 du 22 mars 1996 prévoyait l'usage du frioulan au sein
de l'Administration régionale, des organismes locaux et leurs entités
instrumentales respectives fonctionnant dans les communes:
Article 11
[abrogé]
Emploi de la langue frioulane
1) Sans préjudice au caractère
officiel de la langue italienne, l'Administration régionale, les
organismes locaux et leurs entités instrumentales respectives fonctionnant
dans les communes dans lesquelles le frioulan est historiquement enracinée peuvent employer le frioulan, dans les limites dans lesquelles
le permettent les lois de l'État et ses Statuts respectifs.
2) Les modalités pour l'emploi du frioulan de la part des
bureaux, services et organismes instrumentaux de l'Administration
régionale, ayant leur siège dans les communes prévues au paragraphe 1 sont
réglementées par un règlement approprié édicté avant le 31 décembre
1998 par le Comité scientifique de l'Observatoire prévu à l'article 21.
Par la suite, de nombreux articles de cette loi ont été
abrogés: 4, 11, 12, 14, 15. 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28.
Autrement dit, avec les années, la loi avait perdu une grande partie de son
intérêt et de son efficacité. Cependant, en 2007, la Région a adopté la
Loi régionale du 18 décembre 2007,
n° 29,
appelée Règles pour la protection,
la valorisation
et la promotion de la langue frioulane. C'est la loi la plus importante
du genre à l'égard de la minorité frioulane. La Région ne rend pas officielle la
langue frioulane, mais permet son usage dans les instances administratives du
gouvernement régional ainsi que dans le système d'éducation. Citons l'article 1er
de la loi:
Article 1er
But
1) En conformité avec l'article 6 de la Constitution et
de l'article 3 de la Loi constitutionnelle du 31 janvier 1963, n° 1
(Statut spécial de la Région du Frioul-Vénétie Julienne, la Région
protège, valorise et promeut l'emploi de la langue frioulane dans
ses différentes expressions, comme langue propre des Frioulans et
partie du patrimoine historique, culturel et humain de la communauté
régionale. La Région promeut la recherche historique et exerce une
politique active de préservation et de développement de la culture
et des traditions, lesquelles sont des composantes essentiels de
l'identité de la communauté frioulane.
2) Par la présente loi la Région promeut et soutient
les initiatives publiques et privées destinées à maintenir et à
développer l'emploi de la langue frioulane dans le territoire de
référence.
3) La présente loi est destinée à augmenter l'emploi de la
langue frioulane dans le territoire de référence, dans le respect du
libre choix de chaque citadin. Les services en frioulan que les
organismes publics et les fournisseurs de services publics assurent
sont des occasions pour les citoyens qui y adhèrent sur la base du
libre choix.
4) La Région, dans le domaine de ses compétences statutaires,
promeut et encourage aussi la connaissance et l'emploi de la
langue frioulane auprès des communautés co-régionales en Italie et dans
le monde.
5) La présente loi, en conformité
avec les dispositions prévues sur la protection des
minorités linguistiques slovène et germanophone, actualise les
politiques de la Région en faveur de la diversité linguistique et
culturelle.
Ces dispositions et les suivantes portent surtout sur
l'emploi du frioulan dans l'administration régionale, le système d'éducation,
l'affichage, les moyens de communication, le monde de l'édition, la
toponymie, etc. Le gouvernement régional prévoit aussi une politique
linguistique reliée à la langue frioulane. Ces nouvelles mesures mises en place
pour défendre le frioulan s'expliquent non seulement par le nombre élevé de
locuteurs du frioulan, mais aussi par les pressions politiques exercées depuis
les dernières décennies par les divers groupes voués à la défense du frioulan.
Quoi qu'il en soit, les droits ne sont reconnus, d'après
la Loi régionale n° 15 du 22 mars
1996, que dans des limites territoriales établies sur la base des
attestations fournies par résolution de la part des administrations communales:
Article 5
Limites territoriales dans l'application de la loi
1) En
conformité avec les principes prévus à l'article 4, paragraphe 1, alinéa c),
les dispositions de la présente loi s'appliquent uniquement pour la partie du
territoire régional dans laquelle le frioulan est traditionnellement et
significativement parlé, ainsi que sur la base des attestations
fournies par résolution de la part des administrations communales. Ce territoire est
déterminé par décret du président de la Junte régionale en conformité avec
les
délibérations de la Junte elle-même.
D'ailleurs, la Loi
régionale du 18 décembre 2007, n° 29,
reprend la même dispositions dans son article 3: «Les dispositions de la présente
loi s'appliquent dans le territoire d'implantation du groupe
linguistique frioulan délimité aux sens de l'article 5 de la loi
régionale n° 15/1996».
5
Les droits linguistiques en matière de législation et de réglementation
Il s'agit ici d'énumérer les doits linguistiques des
citoyens de la Région autonome du Frioul-Vénétie Julienne dans le domaine de la
rédaction des lois, de leur promulgation et des débats qui ont donné lieu aux
lois ou aux règlements.
Il n'y a guère de texte traitant de cette question au plan régional, sauf
la Révision organique des règles
de procédure du Conseil régional du 6 octobre 2005. Dans cet texte,
il est dit à l'article 61 qu'il est possible s'exprimer au Conseil régional,
tant à l'oral qu'à l'écrit, dans l'une des langues parlées dans l'ensemble du
territoire et pouvant bénéficier d'une protection en vertu de l'article 2 de la
loi du
15 décembre 1999, n° 482.
Article 61
Emploi des langues autres que l'italien
1.
En ce qui concerne les activités
de l'Assemblée, les conseillers peuvent s'exprimer,
tant à l'oral qu'à l'écrit, dans l'une des langues parlées dans l'ensemble
du territoire
régional pouvant bénéficier d'une protection en vertu de l'article 2
de la loi du 15 décembre 1999, n° 482.
2. Pour les conseillers qui ne connaissent pas ces langues,
il est garanti une traduction simultanée en italien des
interventions produites, à la fois à l'oral et à l'écrit, dans les
langues reconnues comme protégées.
3. Si les actes destinés à un usage public sont rédigées, en
plus de l'italien, également dans les langues parlées et protégées
sur le territoire régional, seuls les actes et les délibérations
rédigés en italien ont des effets juridiques.
Il est bien clair que l'italien demeure la langue prépondérante, celle qui fait
foi, les autres étant uniquement des langues traduites, sans aucune valeur
légale. La traduction simultanée est autorisée à partir des langues locales, non
à partir de l'italien. Les seules langues reconnues possibles en vertu de la
loi du 15
décembre 1999, n° 482,
sont les suivantes:
Article 2
En vertu de l'article 6 de la Constitution et en harmonie avec les
principes généraux établis par les organisations européennes et
internationales, la République protège la langue et la culture des populations
albanaise, catalane, germanique, grecque, slovène et croate, et de celles qui
parlent le français, le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et
le sarde.
Dans le cas du Frioul-Vénétie Julienne, il s'agit des dialectes germaniques et
de l'allemand, ainsi que du frioulan et du slovène. Cela signifie qu'il est
aussi possible de recourir à ces langues dans les conseils provinciaux
(Pordenone, Udine, Gorizia et Trieste), ainsi que dans les communes ou
municipalités.
6
Les langues dans les tribunaux
Il n'est pas facile d'avoir
recours à sa langue maternelle minoritaire (autre que l'italien)
dans un tribunal d'Italie. Pourtant, l'article 122 du
Code de procédure civile autorise le
recours à un interprète lorsqu'un justiciable ignore l'italien:
Article 122
Emploi de la
langue italienne - Désignation de l'interprète
1. Durant tout
la procédure, l'emploi de la langue italienne est prescrit.
2. Lorsque
quelqu'un qui ne connaît pas l'italien doit comparaître, le juge
peut désigner un interprète.
3. Tout
interprète, avant d'exercer ses fonctions, doit prêter serment
devant le juge qu'il s'acquittera fidèlement de ses obligations.
Cette disposition du Code de procédure
civile n'autorise pas en principe l'usage d'une autre langue que
l'italien, sauf que, en cas de force majeure, le juge peut recourir à un
interprète. Cependant, il existe en Italie, notamment au Frioul-Vénétie
Julienne, des langues «reconnues». L'article 109 du
Code de procédure pénale autorise
l'emploi des langues reconnues, dont l'allemand, le slovène et le frioulan:
Article 109
1. Les actes de la procédure pénale doivent être faits en
langue italienne.
2. Devant l'autorité judiciaire ayant juridiction en
première instance ou en appel dans un territoire où est
installée une minorité linguistique reconnue, le citoyen italien
qui appartient à cette minorité est, à sa demande, questionné ou
examiné dans la langue maternelle et le procès-verbal applicable
est rédigé dans cette même langue. Dans cette langue sont
traduits les actes de la procédure qui la concernent à sa
demande. Le tout sans préjudice des autres droits prévus par des
lois spéciales et les conventions internationales.
3. Les
dispositions du présent article doivent être respectées sous
peine de nullité.
Dans les faits, les langues minoritaires ne
sont employées dans les cours de justice que dans les cas de force
majeure, c'est-à-dire lorsque les Slovènes ou les Frioulans ignorent l'italien, ce qui demeure
très rare chez des adultes. Comme partout en Italie, la langue des jugements et la langue des
cours d'appel demeurent uniquement l'italien. Il n'est pas possible d'utiliser le slovène,
d'après la
Loi nationale du 23 février 2001, n° 38 (Règles pour la protection de la
minorité linguistique slovène dans la région du Frioul-Vénétie Julienne).
Celle-ci reste plus ou moins muette sur les droits linguistiques dans les
tribunaux. Néanmoins, l'article 8 mentionne l'expression «le droit
d'employer le slovène dans ses relations avec les autorités administratives et
judiciaires locales», ce qui suppose un certain emploi du slovène devant
un juge:
Article 8
Emploi de la langue slovène dans l'administration publique
1) Conformément au caractère officiel de la langue italienne,
il est reconnu à la minorité slovène présente dans le territoire mentionné
à l'article 1 le droit d'employer le slovène dans ses relations avec les autorités
administratives et judiciaires locales, aussi bien
qu'avec les fournisseurs concernés de services d'intérêt public installés
dans le territoire
mentionné à l'article 1 et les compétences des autorités et municipales mentionnées
à
l'article 4, selon les modalités prévues à l'alinéa 4 du présent article. Il est
également reconnu le droit d'obtenir une réponse en slovène:
a) dans les communications verbales, directement ou bien au moyen d'un
interprète;
b) dans la correspondance, avec au moins une traduction annexée et rédigée en
italien.
On doit comprendre que l'usage du slovène n'impose pas le
bilinguisme à la Cour, le juge n'étant nullement obligé de connaître le slovène;
un interprète suffit à rendre effectif le droit au slovène. L'usage du slovène
dans ces conditions s'étend maintenant dans les provinces de Trieste, Gorizia et
Udine. Précisons que le slovène ne peut devenir nullement la «langue du procès»,
mais seulement une langue traduite pour le juge et le personnel judiciaire. En
ce qui concerne le frioulan, cette langue n'est pas interdite, mais les
audiences se tiennent exclusivement en italien, les juges italiens ne parlant
généralement pas du tout le frioulan. Théoriquement, toute personne impliquée
dans un procès peut demander à être entendue en frioulan si elle n’en connaît
pas d’autre, ce qui n’arrive jamais, les Frioulans adultes étant tous bilingues.
De plus, aucune loi ne précise un emploi quelconque d'une langue minoritaire
dans une cour de justice.
7
Les langues admises dans l'Administration
Certaines lois régionales autorisent l'emploi des langues
minoritaires dans l'Administration: la
Loi régionale du 22 mars 1996, n° 15
(Règles pour la sauvegarde et la promotion de la langue et de la culture
frioulanes, et l'institutionnalisation de services pour les langues régionales
et minoritaires); la Loi régionale du 16 novembre
2007, n° 26 (Règles régionales pour la protection de la minorité
linguistique slovène); la
Loi régionale du 18 décembre 2007,
n° 29 (Règles pour la protection, la valorisation
et la promotion de la langue frioulane); la
Loi régionale du 20 novembre
2009, n° 20 (Règles de protection et de promotion des minorités de
langue allemande dans le Frioul-Vénétie Julienne).
7.1 L'emploi du frioulan
L’article 11 de la
Loi régionale n° 15 du 22 mars 1996 précisait que,
malgré le caractère officiel de la langue italienne, l’administration
régionale du Frioul-Vénétie Julienne, les entités provinciales (Gorizia,
Pordenone, Trieste et Udine et les conseils communaux pouvaient utiliser le
frioulan dans les limites permises par les lois de l’État italien.
Article 11 [abrogé]
Usage du frioulan
1) Sans préjudice au caractère
officiel de la langue italienne, l'Administration régionale, les
organismes locaux et leurs entités instrumentales respectives fonctionnant
dans les communes dans lesquelles le frioulan est historiquement enracinée peuvent employer le frioulan, dans les limites dans lesquelles
le permettent les lois de l'État et ses Statuts respectifs.
2) Les modalités pour l'emploi du frioulan de la part des
bureaux, services et organismes instrumentaux de l'Administration
régionale, ayant leur siège dans les communes prévues au paragraphe l sont
réglementées par un règlement approprié édicté avant le 31 décembre
1998 par le Comité scientifique de l'Observatoire prévu à l'article 21.
Ces dispositions se sont
traduites par des communications orales (fréquentes) avec l’administration
provinciale dans les localités où les Frioulans sont majoritaires, mais toute
la documentation restait unilingue italienne.
Néanmoins, quelques conseils locaux ont installé de leur
propre initiative quelques panneaux indicateurs dans les deux langues (italien
et frioulan); c’est en pratique la seule présence publique du frioulan dans la
région autonome. Pourtant, l'article 11 bis de la loi régionale 15/96 autorisait
l'emploi du frioulan:
Article 11 bis
Statut des organismes
locaux
1) Ausens et en vertu des
limites du paragraphe 2 de l'article 13 du décret législatif du 2 janvier 1997,
n° 9, les statuts des communes, de la province, et des autres organismes
locaux doués d'une autonomie statutaire peuvent se prévaloir des dispositions de la
présente loi.
2)
[abrogé]
En particulier, dans les limites du paragraphe
1, le statut peut prévoir
:
a) l'emploi écrit et oral du frioulan dans les différents conseils; b) l'emploi, dans les toponymes officiels, des termes correspondants
en frioulan dans toutes les situations dans lesquelles ils sont reconnues
opportuns; c) l'emploi du frioulan dans les autres
situations, y compris les rapports de l'Administration avec les citoyens.
Mais le long article 6 de la
Loi régionale du 18 décembre 2007, n° 29,
précise bien que l'emploi du frioulan est permis dans
les relations avec les bureaux des organismes locaux et de ceux
placés sous leur juridiction et installés dans le territoire prévu à cet effet:
Article 6
Emploi public du frioulan
1) L'emploi du frioulan est permis dans
les communications avec les bureaux des organismes locaux et de ceux
placés sous leur juridiction et installés dans le territoire prévu,
conformément à l'article 3.
2) Dans les communications avec la Région et les organismes sous
sa juridiction,
le droit d'employer le frioulan peut être exercé à compter du
territoire dans lequel les bureaux concernés sont installés.
3) Lorsqu'une requête est commencée en frioulan, la réponse
est donnée par les organismes prévus aux paragraphe 1 et 2 dans
cette même
langue.
4) Les dispositions prévues aux paragraphes 1 et 3 s'appliquent
aussi aux fournisseurs de services publics pour les organismes,
mentionnés aux paragraphes 1 et 2, installés dans le territoire délimité au sens de
l'article 3.
5) Les organismes prévus au paragraphe 1 assurent, même sous
une forme
associée, l'exercice des droits prévus aux paragraphes 1 et 3.
6) Dans aucun cas, l'emploi du frioulan dans les
procédures administratives ne peut occasionner une augmentation ou
un ralentissement de celles-ci.
7) Les organismes concernés pourvoient à l'application progressive
des dispositions du présent article, selon l'objectif des
projets annuels, dans le domaine des programmes de la politique linguistique,
tel qu'il est prévu à l'article 27.
L'article 8 de la mêmeLoi
régionale du 18 décembre 2007, n° 29
énonce que les documents officiels doivent être rédigés aussi en
frioulan en plus de l'italien, et ce, pour la région entière. De plus,
tout texte en frioulan doit avoir la même taille, y compris
typographique, que celui en italien:
Article 8
Documents et informations à caractère général
1) Les documents
communiqués en général aux citoyens de la part du personnel, selon
les dispositions prévues à l'article 6, sont rédigés aussi en
frioulan en plus de l'italien.
2) Le personnel, selon les dispositions prévues à l'article 6, effectue les communications
institutionnelles et la publication des documents destinés au territoire
délimité au sens de l'article 3, en italien et en frioulan.
3) La présence du frioulan est de toute façon garantie
également dans les communications institutionnelles et dans la
publication des documents destinés à la région entière.
4) Le texte et la communication en frioulan doivent
avoir la même taille, y compris typographique, que celui ou celle en italien.
5) Les organismes concernés veillent à appliquer progressivement
les dispositions du présent article, selon les l'objectif des
projets annuels, dans le domaine des programmes de la politique linguistique
de l'article 27.
En vertu de l'article 9 de la
Loi régionale du 18 décembre 2007,
ces dispositions s'appliquent aussi aux conseillers
régionaux, aux membres des conseils des associations intercommunales et des unions de
communes, des communes de montagne et des
provinces qui comprennent des communes dans lesquelles le frioulan est
reconnu. L'article 10 de la loi régionale inclut également les panneaux, enseignes,
supports visuels et toute autre indication d'utilité publique exposée au public dans les immeubles
à bureaux et
dans les structures opérationnelles du personnel, le tout devant
être
accompagné de la traduction en frioulan avec une égale taille
graphique à l'italien. L'article 11 prévoit aussi le bilinguisme
italien-frioulan dans les toponymes et hydronymes (rivières, lacs, etc.)
pour les communes, hameaux et localités établis
dans la Région. Dans la plupart des cas, l'ARLE, l'Agjenzie
regjonâl pe lenghe furlane (Agence régionale pour la langue frioulane)
joue un rôle essentiel de consultation et de recommandation auprès des
autorités régionales.
L'article 7 de la
Loi régionale du 18 décembre 2007, n° 29,
prévoit une certification linguistique pour attester la compétence du locuteurs
en matière de langue frioulane.
Article 7
Certification linguistique
1) La connaissance du frioulan est attestée au moyen d'une
certification linguistique émise par un personnel qualifié, public et
privé.
2) La certification linguistique est offerte à tous ceux qui
répondent aux qualités prévues au sens du paragraphe 3.
3) Les modalités, les critères et les qualités pour obtenir
une certification linguistique sont définis en tenant compte des propositions
de l'ARLF avec un règlement régional qui sera émis dans les six mois
avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
La Région encourage la formation du personnel pour
acquérir leur certification linguistique. Pour ce faire, la Région compile la liste du personnel public et privé qualifié pour
l'émission de la certification linguistique et encourage l'organisation de
cours de formation et de recyclage.
S'il est possible de bénéficier de services bilingues
dans la province d'Udine, c'est beaucoup plus difficile d'en obtenir dans
les autres provinces, alors que les Frioulans sont minoritaires, surtout
dans la province de Trieste. Par ailleurs, la visibilité de la langue frioulane
demeure encore très rudimentaire. Les affiches sont rarement en frioulan,
sauf dans certaines communes de la province d'Udine. Environ 40 % des
communes de cette province présentent une signalisation routière bilingue
(italien-frioulan). D'ailleurs, dans ces communes, 90 % de celles-ci
prévoient des règles spéciales pour la sauvegarde de la langue et de la culture frioulanes.
7.2 L'emploi du slovène
L'article 8 de la
Loi nationale du 23 février 2001,
n° 38
(Règlesen matière de protection de la minorité linguistique slovène de
la Région du Frioul-Vénétie Julienne) prévoit que «la minorité
slovène présente dans le territoire» ( provinces de Trieste, Gorizia et Udine)
«a le droit d'employer le slovène dans ses relations avec les autorités
administratives et judiciaires locales, aussi bien qu'avec les fournisseurs
concernés de services d'intérêt public»:
Article 8
Emploi de la langue slovène dans l'administration publique
1) Conformément au caractère officiel de la langue italienne,
il est reconnu à la minorité slovène présente dans le territoire mentionné
à l'article 1 le droit d'employer le slovène dans ses relations avec les autorités
administratives et judiciaires locales, aussi bien
qu'avec les fournisseurs concernés de services d'intérêt public installés
dans le territoire
mentionné à l'article 1 et les compétences des autorités et municipales mentionnées
à
l'article 4, selon les modalités prévues à l'alinéa 4 du présent article. Il est
également reconnu le droit d'obtenir une réponse en slovène:
a) dans les communications verbales, directement ou bien au moyen d'un
interprète; b) dans la correspondance, avec au moins une traduction annexée et rédigée en
italien.
L'emploi du slovène dans l'administration régionale et
provinciale ne peut se transposer dans la réalité que dans les provinces de
Gorizia et de Trieste, là où les Slovènes sont plus nombreux. C'est la
Loi régionale du 16 novembre
2007, n° 26 (Règles régionales pour la protection de la minorité
linguistique slovène), qui régit l'emploi du slovène dans les
services publics. En fait, la loi ne prévoit un personnel bilingue que dans les
villes de Trieste (province de Trieste), de Gorizia (province de Gorizia) et de Cividale
(province d'Udine):
Article 11
Relations entre
la Région et les citoyens appartenant à la minorité linguistique
slovène
1. Dans
l'exercice des droits reconnus à
l'article 8 de la loi 38/2001, les citoyens appartenant à la
minorité linguistique slovène peuvent contacter l'administration
régionale en slovène, oralement ou par écrit, et recevoir une
réponse, dans les délais fixés par la législation en vigueur et
dans la même langue, ou une copie en italien du texte en
slovène.
2. Pour garantir l'efficacité des droits visés au
paragraphe 1, l'Administration régionale doit assurer la
présence d'un personnel ayant une connaissance du slovène dans
les bureaux du Conseil régional, ainsi que dans ses propres
bureaux et ceux des organismes qui en dépendent, et d'établir,
dans les zones centrales des villes de Trieste, de Gorizia et de Cividale, en coopération avec d'autres administrations
publiques, des services compétents pour la gestion de la
communication institutionnelle avec le public, également en
slovène.
3. Afin de diffuser les connaissances parmi le personnel
de la connaissance du slovène, l'Administration régionale doit
encourager l'organisation de stages de formation et de
perfectionnement professionnel et en soutenir la fréquence.
4. Les
bureaux du Conseil régional, de l'Administration régionale et
des organismes qui en dépendant doivent communiquer aussi en
slovène les informations au public, ainsi que celles d'intérêt
particulier pour la minorité et veiller à ce que les
informations institutionnelles et publicitaires diffusées sur le
territoire régional soient publiées, ainsi que dans la presse
périodique, en slovène.
5. Les
formulaires et les formes d'accès aux allocations prévues par la
présente loi sont mises en place dans les bureaux sous format
bilingue, en italien et en slovène.
6. Dans le territoire d'implantation de la minorité
linguistique slovène, conformément au paragraphe 2 de l'article
2, les enseignes et les indications exposées au public dans les
immeubles des bureaux et structures opérationnelles de la Région
doivent être accompagnées d'une traduction en slovène.
L'article 12 de la même loi prévoit l'emploi
des noms en slovène, ainsi que l'alphabet particulier:
Article 12
Noms, prénoms et
dénominations slovènes
1.
Conformément à l'article 7
de la loi 38/2001, dans les actes de la Région est garantie
aux citoyens appartenant à la minorité linguistique slovène
l'écriture correcte de leurs noms et prénoms, y compris les signes
diacritiques de l'alphabet slovène.
2. Dans les textes de loi et de la réglementation
régionale, ainsi que dans les autres actes et documents soumis à
la publication dans le Bulletin officiel de la Région, à partir
de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les
noms slovènes des provinces, municipalités et localités doivent
être présents dans des formes proches de la dénomination
italienne, en conformité avec le texte prévu par les statuts
respectifs des provinces et des communes, y compris les signes
diacritiques de l'alphabet slovène.
Le slovène est admis sans restriction dans l’Administration provinciale de
Trieste, ce qui n’est pas le cas dans les
trois autres provinces (Gorizia, Pordenone et Udine). Cette «reconnaissance»
ne concerne que les pouvoirs locaux assurés par l’Administration provinciale,
non ceux de l’Administration régionale (Frioul-Vénétie Julienne) ou de l’Administration
italienne (l’État). Au sein de ces deux dernières instances, l’utilisation
du slovène est simplement inexistant et s’est toujours heurtée à une fin de
non-recevoir. Même dans les administrations provinciales de Trieste, le
slovène reste possible seulement dans les établissements publics où les
slovénophones sont concentrés (environ six communes). Les Slovènes ont en
principe le droit d'apposer des inscriptions toponymiques bilingues, mais les
enseignes de tous les établissements publics restent en italien. En principe, la
loi du 23 février 2001 (n° 38) étend ce droit d'utiliser le slovène dans les
trois provinces reconnues (Gorizia, Trieste et Udine).
Dans la province de Gorizia, les quelques
communes dont le conseil municipal est aux mains de la minorité admettent le
slovène dans leurs missives officielles et apposent parfois des écriteaux
bilingues. Dans toutes les provinces, seul l’italien est employé dans les
débats du Parlement régional et aux Conseils provinciaux, ainsi que la
rédaction et la promulgation des lois ou des règlements.
8
Les langues dans l'enseignement
Historiquement, l’italien est la langue de l’éducation à tous
les niveaux depuis la loi Casati de 1859, présentée comme la première loi
scolaire dans l'ensemble de l'Italie (Royaume d'Italie). Contrairement au
Val-d'Aoste, mais comme dans la province de Bolzano, le Frioul-Vénétie Julienne
a adopté la séparation des langues dans les écoles. Ainsi, les parents sont
tenus de faire un choix lors de l'inscription de leur enfant, en déclarant leur
langue maternelle. Dès lors, l'enfant sera dirigé dans une école où la
principale langue d'enseignement sera l'italien, le slovène ou l'allemand. Pour
le frioulan, la situation est différente.
8.1 Le frioulan
La première loi qui officialisait le frioulan fut la
Loi régionale du 22 mars 1996, n° 15 (Règles pour la sauvegarde et la promotion de la langue et de la culture
frioulanes, et l'institutionnalisation de services pour les langues régionales
et minoritaires),
qui le définissait comme «l’une des langues de la communauté régionale». La loi
15 établit l’utilisation de la langue dans les établissements d'enseignement
locaux, ainsi que le soutien des activités pédagogiques et des activités
culturelles.
Article 27 [abrogé]
Enseignement
scolaire du frioulan
1) L'Administration régionale est autorisée à financer les dépenses
encourues par les écoles obligatoires et les écoles maternelles, ayant
leur siège dans le
territoire régional, au sujet des projets résultant des objectifs de
la présente loi, pour le déroulement des cours complémentaires sur la langue et
la culture frioulanes, dans les limites prévues dans les programmes
d'intervention triennaux. Parmi les dépenses admissibles, il est reconnu
celles concernant les allocations versées au personnel enseignant.
De toute façon, la loi ne fut pas appliquée. L'un des éléments
importants de la loi n° 15 reposait sur l’Osservatorio (Observatoire), qui
devait mettre en œuvre la planification de la politique linguistique et sa
réalisation. Cet Observatoire devait répartir les divers financements.
Cependant, cet organisme dut faire face à de nombreux obstacles, dont la
résistance de la part des fonctionnaires italiens. Ceux-ci se montrèrent peu
coopératifs et n'acceptèrent pas l'autonomie accordée aux Frioulans dont ils
enviaient les prérogatives. Les fonctionnaires régionaux voulurent ensuite
abolir l'Observatoire sous prétexte qu'il ne servait plus à rien. Quoi qu'il en
soit, l'Organisme n'a jamais été remplacé officiellement par un autre.
Néanmoins, une partie des activités de l’Osservatoire fut reprise par le
Centri Friûl Lenghe 2000, un consortium qui réunit une association de
médias, des associations culturelles et l’Université d’Udine.
L'enseignement de la langue frioulane fut, du moins en principe,
officiellement accepté comme matière facultative dans les écoles de la région autonome avec
l'adoption de laLoi
du 15 décembre 1999, n° 482 (Règles en matière de protection des minorités
linguistiques historiques). Près de 60 % des parents auraient demandé que leurs
enfants reçoivent un enseignement dans cette langue; un millier
d'enseignants auraient soumis leur candidature pour pouvoir enseigner le
frioulan. Il fallu adopter la Loi
régionale n° 29 du 18 décembre 2007 (Règles pour la
protection, la valorisation
et la promotion de la langue frioulane). L'article 12 porte sur
l'enseignement du frioulan:
Article 12
Langue frioulane et éducation plurilingue
1) L'apprentissage et
l'enseignement du frioulan sont insérés à l'intérieur
d'une parcours éducatif plurilingue qui prévoit, après la
langue italienne, la compréhension des langues minoritaires
historiques et des langues étrangères. Le parcours éducatif plurilingue
constitue une partie intégrante de la formation à une citoyenneté
européenne active et à la valorisation de la spécificité de la Région.
2) Selon les paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l'article 4 de la loi
n° 482/1999, dans les écoles maternelles, primaires et
secondaires du premier cycle situées dans les communes
délimitées au sens de l'article 3, la langue frioulane est insérée
dans la parcours éducatif d'après des modalités spécifiques
correspondant aux niveaux et degrés scolaires, en tenant compte du
paragraphe 2 de
l'article 1 du décret législatif 223/2002.
3) Dans le respect de l'autonomie des établissements
scolaires, au moment de l'inscription, les parents ou ceux qui en
tiennent lieu, après une information adéquate et sur demande écrite de l'établissement
scolaire, communiquent à ce dernier leur volonté de ne pas recourir à
l'enseignement en frioulan. Le choix exprimé est valable
pour la durée respective de l'école maternelle, du
primaire et du secondaire du premier cycle et ce choix peut être
modifié, sur demande des parents ou de ceux qui en tiennent lieu,
au début de chaque année scolaire.
Le frioulan n'est pas officiellement intégré dans
le système scolaire. Il fait partie d'un enseignement facultatif à
raison d'une heure/semaine dans quelques écoles primaires et secondaires
de la province d’Udine; cet enseignement dépend de la volonté des
établissements d'enseignement et des professeurs de frioulan
disponibles (moins de 50 % des enseignants parlent le frioulan). De plus, il est possible de faire une demande explicite de
dispense. C’est pourquoi l’enseignement en frioulan est généralement
limité aux écoles de la province d'Udine.
Dans les provinces de Gorizia et de Trieste, le frioulan n'est accepté dans
les écoles maternelles que sur demande formelle. Au primaire et au secondaire,
seules quelques rares écoles (10 % au primaire et 8 % au secondaire)
enseignent, sur une base volontaire, le frioulan comme matière d'enseignement
à titre expérimental (une heure par semaine) en plus de l’italien. Il s'agit
d'un programme bilingue frioulan-italien d'immersion partielle qui s'en tient au
modèle «une personne-une langue».
L'article 12 de laLoi
régionale du 18 décembre 2007, n° 29,
énonce maintenant que l'enseignement du frioulan est inséré à l'intérieur d'une parcours
éducatif plurilingue qui prévoit, après la langue italienne, la compréhension
des langues minoritaires historiques et des langues étrangères. Pour les
autorités régionales, le parcours éducatif plurilingue constitue une partie
intégrante de la formation à une citoyenneté européenne active et à la
valorisation de la spécificité de la Région.
Article 12
Langue frioulane et éducation plurilingue
1) L'apprentissage et
l'enseignement du frioulan sont insérés à l'intérieur
d'une parcours éducatif plurilingue qui prévoit, après la
langue italienne, la compréhension des langues minoritaires
historiques et des langues étrangères. La parcours éducatif plurilingue
constitue une partie intégrante de la formation à une citoyenneté
européenne active et à la valorisation de la spécificité de la Région.
Il n'existe pas d'écoles où l'on enseigne
seulement le frioulan.
Ainsi, en raison du respect de l'autonomie des établissements
scolaires, la parents ou les tuteurs des élèves doivent communiquer
leur refus d'envoyer leurs enfants dans une classe de frioulan au moment de l'inscription.
Ce choix exprimé est valable
pour la durée respective de l'école maternelle, du
primaire et du secondaire du premier cycle et il peut être
modifié, sur demande des parents,
au début de chaque année scolaire.
L'article 19 de la
Loi régionale du 18 décembre
2007, n° 29, précise bien le caractère facultatif et volontaire de l'enseignement du
frioulan. Même les enseignants sont embauchés sur la base du
volontariat:
Article 19
Enseignement volontaire du frioulan
1) Afin de
favoriser l'apprentissage et l'emploi du frioulan de la
part des citoyens, la Région promeut les activités de volontariat pour
l'enseignement du frioulan.
2) Pour les fins du paragraphe 1, il est institué auprès de l'ARLF,
un registre des volontaires pour l'enseignement du frioulan.
3) Peuvent être reconnues comme volontaires les personnes
majeures de langue maternelle frioulane, qui déclarent leur disponibilité à
titre gratuit, selon des modèles d'organisation et les modalités
opérationnelles définies par l'ARLF, pour diriger les activités afin
de répandre les
connaissances et l'emploi de la langue frioulane.
Dans ces conditions, l'enseignement du frioulan ne
peut que demeurer accessoire. De plus, selon l'article 14 de la loi,
l'enseignement du frioulan est garanti pour au moins une heure par
semaine pour la durée de l'année scolaire, dans le cadre de la portion
concernant l'autonomie scolaire. L'un des problèmes, c’est que
l'enseignement du frioulan à l'école est tributaire des
variantes dialectales et de l’absence d’une grammaire normative ou
standardisée.
L'Université des études
d'Udine et l’Observatoire régional de la langue frioulane organisent des
stages de formation pour lexicologues, traducteurs, journalistes et enseignants.
8.2 Le slovène
La situation est différente pour l'enseignement du slovène. En effet, la Loi du 23 février 2001,
n° 38
(Règlesen matière de protection de la minorité linguistique slovène de la
Région du Frioul-Vénétie Julienne), une loi nationale, reconnaît aux Slovènes des provinces de Trieste, de
Gorizia et d'Udine
le droit d'utiliser le slovène notamment dans les noms de lieu (toponymes),
l'administration publique et les écoles. C'est la première fois que l'État
italien accorde des droits à tous les minorités linguistiques slovènes dans
trois provinces (sauf celle de Pordenone) du Frioul-Vénétie Julienne. L'article
11.4 de la Loi du 23 février 2001, n° 38,
reconnaît les écoles dont le slovène est la langue d'enseignement:
Article 11
Écoles publiques avec
le slovène comme langue d'enseignement
4) Dans le système
des écoles avec le slovène comme langue d'enseignement, il est permis
d'employer le slovène dans les rapports avec l'administration scolaire,
dans les actes et les communications, les lettres officielles et les
enseignes publiques.
L'article 12 se la même loi précise certaines modalités
concernant l'enseignement du slovène.
Article 12
Dispositions pour la
province d'Udine
1) Dans les écoles
maternelles situées dans les communes de la province d'Udine comme il
est indiqué dans le tableau de l'article 4, les programmes éducatifs
comprendront également des sujets relatifs aux traditions locales et la
culture, à être développés aussi en slovène et sans nouveaux frais ou
frais majeurs pour le budget de l'État.
2) Dans les
établissements d'enseignement obligatoires situés dans les municipalités
mentionnées au paragraphe 1, l'enseignement de la langue slovène, de
l'histoire et des traditions culturelles et linguistiques locales est
compris dans le programme relatif au curriculum obligatoire déterminé
par les mêmes établissements dans l'exercice de l'autonomie
d'organisation et didactique prévue à l'article 21.8 et 21.9 de la loi
du 15 mars 1997, n° 59. Au moment de la pré-inscription, les parents
communiquent à l'établissement d'enseignement concerné s'ils ont
l'intention de donner à leur enfant l'instruction dans la langue de la
minorité.
3) Les écoles
secondaires des provinces de Trieste, de Gorizia et d'Udine, fréquentés
par des élèves des communes mentionnées au paragraphe 1, peuvent
instituer des cours facultatifs de slovène, même en dérogation au nombre
minimal d'élèves prévu selon le règlement scolaire.
4) Le ministre de
l'Instruction publique, après consultation auprès de la Commission
mentionnée à l'article 13.3, fixe par décret, quant à aux activités
relatives au curriculum mentionnées dans le deuxième paragraphe, les
objectifs généraux et spécifiques du processus d'apprentissage et les
standards relatifs à la qualité du service, en définissant les qualités
requises pour la nomination des enseignants.
5) L'école maternelle privée et l'école primaire
avec un enseignement bilingue slovène-italien, administrées par l'Institut pour
l'enseignement slovène de Natisone San Pietro al Natisone dans la
province d'Udine, sont reconnues comme des écoles d'État. À ces écoles
annoncées, les dispositions des loi et règlements en vigueur pour les
écoles d'État correspondantes s'appliquent. Pour les fins du présent
paragraphe, la dépense la plus grande autorisée est annuellement de 1.436 million
de lires à partir de
l'an 2001.
6) Dans les communes de la
province d'Udine, tel qu'indiqué au tableau mentionné à l'article 4, est
prévu,après la consultation auprès du Comité, et conformément aux
modalités en vigueur établies à l'article 11.2, l'établissement d'écoles d'État bilingues ou
des sections de celles-ci,
avec l'enseignement dans les langues italienne et slovène, sans frais
nouveaux ou majeurs pour le budget de l'État. Les mesures adoptées pour le
fonctionnement de ces écoles sont prévues par la Commission à l'article
13.3.
[...]
Les Slovènes de la province de Trieste
(21 571) et ceux de la province de Gorizia
(10 197) disposent d'un réseau d'enseignement complet au primaire (109 écoles
au total). Ces écoles sont appelées Drzavna sola slovenskim ucnim jezikon
en slovène ou Scuola elementare statale con lingua d’isegnamento slovena
en italien («école primaire d’État dont la langue d’enseignement est le slovène).
En principe, toutes les matières sont enseignées en slovène, sauf
pour les cours d’italien obligatoire. Des manuels de classe rédigés en
slovène sont disponibles dans ces écoles. Dans la province de
Gorizia,
on ne compte qu’une quinzaine d'écoles slovènes pour moins de 1000 élèves.
Dans la province d'Udine et celle de
Pordenone,
l'État italien et la Région se refusent à considérer les Slovènes comme une minorité. Cela
signifie que l'école reste entièrement unilingue italienne.
D'après la Loi
nationale du 23
février 2001, n° 38 (Règles en matière de protection de la minorité
linguistique slovène de la Région du Frioul-Vénétie Julienne),
les dispositions des lois
du 19 juillet 1961, n° 1012, et du 22 décembre 1973, n° 932, continuent d'être
appliquées. À l'article 2, les alinéas 1 et 2, de la loi du 22 décembre
1973, n° 932, après que les mots «de langue maternelle
slovène» sont insérés les suivants «ou avec pleine connaissance de
la langue slovène». Dans les faits, la nouvelle loi ne change pas
beaucoup la situation scolaire des Slovènes.
8.3 L'allemand
Les germanophones bénéficient également d'écoles dans leur
langue, c'est-à-dire en allemand. Ce système ne vaut que pour la province
d'Udine dans les localités où résident les germanophones. On trouve de ces
écoles dans la Carnia (à Timau et à Sauris), ainsi que dans le Val Canale (à
Pontebba, à Malborghetto-Valbrun et à Tarvisio). Les germanophone sont
ainsi protégés par l'article 5 de la Loi
nationale du 23
février 2001, n° 38:
Article 5
Protection de la population germanophone du Val Canale
Dans le cadre des dispositions de la
loi
du 15 décembre 1999, n° 482, et des principes de la présente loi, des
formes spéciales de protection sont garanties aux populations de
germanophones du Val Canale, en tenant compte de la situation quadrilingue
de la zone, et sans nouveaux frais ni frais majeurs pour le budget de l'État.
Bien que la loi 38 de 2001 ne mentionne pas la région
de la Carnia, l'article 2 de la
Loi
nationale du 15 décembre 1999, n° 482,
traite de tous les germanophones, où qu'ils soient en Italie. On sait qu'ils
sont concentrés surtout dans la province de Bolzano (Trentin-Haut-Adige),
mais il en existe aussi dans la province du Trentin (Trentin-Haut-Adige),
dans la province de Belluno (Vénétie) et dans la province d'Udine
(Frioul-Vénétie Julienne). Tous ces germanophones sont protégés par la
législation nationale, la législation régionale, voire provinciale, et par
les règlements des communes. L'article 11 de la Loi
régionale du 20 novembre 2009, n° 20 (Règles de protection et de
promotion des minorités de langue allemande dans le Frioul-Vénétie Julienne)
en est un bon exemple, car il traite particulièrement des germanophones du
Frioul-Vénétie Julienne :
Article 11
Apprentissage de la langue allemande
1. L'administration régionale, dans
le cadre des actions visant à accroître la diversification des
établissements d'ensegnement et de formation, ainsi que la diffusion
des activités culturelles de la Région, doit favoriser
l'apprentissage et la connaissance de la langue et de la culture
allemandes et prendre en charge, même en vertu des dispositions
visées à l'article 4 de la loi 482/1999, la mise en œuvre des
initiatives visant à encourager l'enseignement de l'allemand dans
les écoles à tous les niveaux sur l'ensemble du territoire, là où
les minorités sont présentes des minorités germanophones.
2. Par résolution de la Junte
régionale sont établies les modalités des interventions visées au
paragraphe 1, en accord avec les autorités scolaires régionales.
3. La Région encourage les
initiatives de collaboration entre les universités du Frioul-Vénétie
Julienne, les universités des autres pays européens, les Régions et
les autorités locales où il sont présentes des minorités de langue
allemande; cette collaboration doit être obtenue sur la base
d'accords et de protocoles d'entente pour améliorer la formation et
la spécialisation en allemande et dans la variété locale des
citoyens appartenant aux minorités de langue allemandes présente sur
le territoire régional, en particulier dans le domaine de
l'enseignement universitaire et post-universitaire, ainsi que la
reconnaissance des diplômes universitaires et des examens d'État,
qui permettent l'exercice des professions.
4. La Région fait également la
promotion des efforts de collaboration entre les entités visées aux
paragraphes 1 et 3, et leurs associations, avec des bureaux situés
dans la région, lesquels ont pour but la diffusion de la langue et
la culture allemandes.
9
Les droits linguistiques et les médias
La situation des droits linguistiques concernant les
minorités historiques de la Région du Frioul-Vénétie Julienne semble
relativement convenable, tant dans les médias électroniques que dans les médias
écrits. Prenons comme point de départ que les médias en italien ont toute la
place qu'ils méritent pour nous en tenir à ceux destinés aux minorités. On
compte plusieurs quotidiens en italien dans les quatre provinces: Il
Gazzettino, Il Messaggero Veneto, Il Friuli, Il Nuovo et Il Piccolo.
Pour les stations de radio, mentionnons, outre la RAI Friuli-Venezia
Giulia, les stations Radio Fragola
(Trieste), Radio Metro (Cervignano del Friuli), Radio Punto Zero Tre
Venezie (Trieste), Radio Spazio 103 (Udine), Radio Studio Nord
(Caneva Tolmezzo), TPN Hit Energy (Pordenone). La Région autonome possède
sa propre station de télé avec FVG.TV. En ce qui a trait à la télévision
publique, les chaînes RAI 1, RAI 2 et RAI 3 diffusent uniquement en italien.
De plus, l'article 6 de la Loi
régionale du 17 février 2010, n° 5 (Valorisation des dialectes parlés
dans la Région du Frioul-Vénétie Julienne) encourage la diffusion de
programmes radiophoniques et télévisées produits par des radiodiffuseurs
publics et privées pour la valorisation des dialectes de la Région:
Article 6
Mesures dans le domaine des communications
1) Dans le domaine des communications, la Région encourage la
diffusion de programmes radiophoniques et télévisées
produits par des radiodiffuseurs publics et privées pour la valorisation des dialectes,
conformément à l'article 2.
2) La Région soutient la rédaction et
l'impression de journaux et de périodiques en dialectes,
conformément à l'article 2.
En dépit de ces mesures, aucun journal ne paraît dans
les dialectes.
9.1 Le frioulan
L’article 29 (en vigueur) de la
Loi régionale du 22 mars 1996,
n° 15 (Règles pour la sauvegarde et la promotion de la langue et de la
culture frioulanes, et l'institutionnalisation de services pour les langues
régionales et minoritaires), autorise l’administration
régionale à signer une convention avec la RAI (la Radiotélévision
italienne) en vue de permettre une programmation en frioulan.
Article 29
Programmes télévisés en
frioulan
1) L'Administration régionale
est
autorisée à prévoir un accord avec la Radiotélévision italienne (RAI) pour la réalisation de programmes télévisés en frioulan à insérer
dans la programmation d'un réseau régional.
2) L'Administration régionale
est aussi autorisée à prévoir des
conventions avec des stations émettrices de radio ou de télévision privées
pour la réalisation de programmes radiophoniques ou télévisés en
frioulan.
Dans la
Loi régionale du 18 décembre
2007, n° 29 (Règles pour la protection,
la valorisation et la promotion de la langue frioulane),
l'article 20 prévoit que la Région soutient la production et
l'émission de programmes en frioulan dans ses différentes expressions et
soutient également les émetteurs radiophoniques qui transmettent des
programmes en frioulan. Le soutien est en proportion du pourcentage des
émissions transmises en frioulan et celles produites en propre:
Article 20
Radio et télévision
1) La Région soutient la production
du matériel audiovisuel en frioulan pour en donner une
plus grande diffusion.
2) Dans le domaine de la télévision, la Région soutient la production et
l'émission de programmes en frioulan dans ses différentes
expressions. Le soutien est en proportion de la couverture territoriale et
des modalités d'insertion dans le palimpseste. Les fonds sont engagés
pour au moins 75 % dans la production, dont au moins 60 % sont réalisés
par des producteurs indépendants.
3) La Région soutient les émetteurs radiophoniques qui
transmettent des programmes en frioulan. Le soutien est en
proportion du pourcentage des émissions transmises en frioulan et
celles
produites en propre.
La région compte deux
stations de radio en frioulan: Radio Onde Furlane (complètement en
frioulan) et Radio Spazio 103 (seulement quelques heures). De plus, trois
stations privées présentent des émissions de télévision en frioulan. Il s'agit
surtout d'émissions subventionnées d'informations («Lis Gnivis» - les
nouvelles). La chaîne de télévision Tele Friuli diffuse des bulletins de nouvelles en frioulan durant
trois minutes une fois par jour, ainsi que certaines émissions d'une durée d'une
heure par jour; ces émissions sont financées par le
gouvernement provincial d'Udine. Telepordenone diffuse des programmes en
frioulan quinze minutes quotidiennement. Comme on le constate, la
situation linguistique dans cette région à majorité frioulane est le reflet
d'une population dont les droits ne sont que fort peu reconnus.
Les
quelque cinq stations de radio locales émettent des émissions en frioulan, qui
ne dépassent pas 10 h/semaine (à l'exception d'une seule à 45h/semaine).
Mentionnons Radio-Spazio 103 (six heures par jour) et Radio-Mortegliano
(quatre heures par jour). Une station de radio privée émet quelque 40 heures
par semaine en frioulan: la Radio onde furlane, diffusée presque
entièrement en frioulan; elle joue de temps en temps un rôle de point de
contact pour différentes initiatives en faveur du frioulan . Aucune station de
télévision n'émet exclusivement en frioulan, mais la chaîne de télé Tele
Friuli diffuse des émission en frioulan en raison d’un après-midi par
semaine, alors que TelePordenone émet quinze minutes par jour.
Aucun quotidien ni hebdomadaire n'est publié entièrement en frioulan, mais
plusieurs périodiques sont édités soit en italien soit dans les deux langues
(frioulan et italien). On compte trois mensuels (La Patrie dal Friûl, Sot
la nape, La Comugne) diffusés uniquement en frioulan ainsi que cinq
magazines. Le quotidien italien le Messagero Veneto contient chaque jour
une brève colonne en frioulan. Un autre quotidien italien, Il Gazzettino,
publie un article en frioulan une fois par semaine et l'hebdomadaire La Vita
Cattolica comprend aussi une page en frioulan chaque semaine. On compte
aussi différentes publications (périodiques, bulletins, etc.) publiées par
des associations. La Società Filologica Friulana est la plus importante
association frioulane; elle édite principalement des manuels scolaires et des
publications et dispose d'une bibliothèque conséquente. Les médias entièrement
en frioulan sont donc essentiellement des magazines et des publications
éditées par des associations culturelles. Ces magazines sont
généralement distribués gratuitement ou achetés par des membres des
associations concernées.
9.2 Le slovène
La Loi
régionale du 16 novembre 2007, n° 26 (Règles régionales pour la
protection de la minorité linguistique slovène) assure la réception des
émissions radiophoniques et télévisées en slovène sur le territoire
d'implantation de la minorité linguistique slovène.
Article 17
Mesures pour le service de radiotélévision en slovène
1. Afin
d'assurer la réception des émissions radiophoniques et télévisées en
slovène sur le territoire d'implantation de la minorité linguistique
slovène, conformément au paragraphe 2 de l'article 2,
l'Administration régionale est autorisée à financer la construction
et l'achèvement de travaux pour l'activation et le renforcement des
systèmes de diffusion de la société du fournisseur de service public
de radiotélévision, au moyen de subventions en capital aux
organismes locaux de ce territoire, selon les modalités prévues par
la loi régionale du 10 octobre 1981, n° 71 (Mesures régionales pour
le renforcement et la diffusion la plus large possible de la
diffusion du service public de radiotélévision dans le
Frioul-Vénétie Julienne).
2. Pour encourager le développement de l'information et de la
communication radiotélévisée en slovène, conformément au paragraphe
2 de l'article 12 de la loi 482/1999, l'Administration régionale est
également autorisée à conclure, sur l'avis du Comité régional de la
communication (Co.Re.Com.) des accords appropriés avec la société
concessionnaire de service public de radiotélévision et avec les
émetteurs de radiotélévision privés locaux, pour la mise en œuvre
des programmes et de services en slovène.
La RAI-Trieste A
et Radio Opcine (station privée), qui émettent aussi en Slovénie,
diffusent tous deux un programme complet en slovène (en version originale ou
doublée). Du côté de la télévision, les stations TV Koper et RAI 3 (la
troisième chaîne de la radiotélévision italienne) diffusent quelques
émissions en slovène chaque semaine.
Dans les médias écrits, les Slovènes disposent d’un quotidien, Primorski Dnevnik, de
trois habdomadaires (Gospodarstvo: L’Écomonie; Katoliski
glas: La Voix catholique; Novi list: Le Nouveau Journal)
et de huit magazines.
Le montage des illustrations présentées à
gauche montre des panneaux routiers unilingues italiens (publicité:
"Chi mangi oggi"), bilingues italien- frioulan (S.
Floriano/Steverjan, Comons/Krmin) ou bilingues
italien-slovène (Postregna/Podsriednje).
Pour le reste, l'unilinguisme italien est la
règle, sauf exception (Best Western Plus).
L'emploi du frioulan est généralement un peu utilisé
dans la province d'Udine (Tapogliano/Tapoian, Gorizia/Gurize), alors que le slovène l'est dans la
province de Trieste.
La question des droits linguistiques dans la Région du Frioul-Vénétie Julienne illustre cette inégalité
dans le traitement des langues minoritaires. En effet, selon les provinces de
résidences, les membres des minorités nationales ont des droits différents.
Ceux-ci sont relativement étendus dans les écoles slovènes dans les provinces de Trieste et de Gorizia,
mais ils sont limités dans la province d’Udine et encore plus réduits dans la
province de Pordenone. Or, les italophones sont même minoritaires dans la
province d’Udine. Le fait que la Loi
nationale du 23 février 2001, n° 38 (Règles en matière de
protection de la minorité linguistique slovène de la Région du
Frioul-Vénétie Julienne) connaisse de nombreuses ratés dans son
application est tout aussi inacceptable: le Comité institutionnel paritaire
prévu à l'article 3 est généralement inopérant (surtout pour des raisons
administratives et politiques), ce qui empêche l'élaboration de la liste des
communes dans lesquelles la minorité slovène est traditionnellement présente et
de transmettre cette même liste à la Présidence de la République pour
confirmation. La loi régionale du 18 décembre 2007
constitue certainement une amélioration des droits linguistiques de
Frioulans, mais illustre aussi les limites législatives de la part de la
Région.
Ajoutons encore que toutes les minorités du Frioul-Vénétie
Julienne sont soumises à
de fortes doses de bilinguisme social, surtout dans l’enseignement, les
services publics et les médias, ce qui réduit considérablement le droit des
locuteurs de
ces langues. N'oublions pas que les droits linguistiques de plus de 46 % de la
population (les Frioulans) sont pratiquement ignorés, ce qui, en ce début du XXIe
siècle, semble presque anachronique pour un pays d'Europe occidentale.
De plus, l'État italien semble en complète contradiction avec la protection
des minorités inscrite à l'article 6 de la Constitution du 27 décembre 1947
qui proclame que «la République protège par des mesures
appropriées les
minorités linguistiques.» Il est vrai que le gouvernement de Rome a la
mauvaise réputation d'être l'un des gouvernements occidentaux les plus
inefficaces qui soient.