Drapeau de Trentin-Haute Adige par Pascal Gross
   Trentino-Alto Adige/Südtirol

Trentin-Haut-Adige

Regione Autonoma Trentino-Alto Adige
Autonome Region Trentino-Südtirol


 

Capitale régionale: Trento
Population: 1,0 million (2010)
Langue officielle (province du Trentin): italien
Langues officielles (province de Bolzano): italien et allemand
Groupes majoritaires: italien (Trento); allemand (Bolzano);
Groupes minoritaires: allemand, ladin, mochène, cimbre
Système politique: région autonome formée de deux provinces: Bolzano et Trento 

Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Constitution de 1947 et Statut spécial du Trentin-Haut-Adige (1972) abrogé par le Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige du 31 janvier 2001 ; Loi constitutionnelle du 31 janvier 2001

Lois linguistiques italiennes: Décret du président de la République du 31 mai 1974, n° 417 : Règlement sur le statut juridique du personnel enseignant, du personnel de gestion et d'inspection des écoles maternelles, primaires, secondaires et des écoles artistiques de l'État; Loi du 14 avril 1975, n° 103 en matière de diffusion radiophonique et télévisée ; Décret du président de la République du 26 juillet 1976, n° 752 en matière de proportionnalité dans les bureaux de l'État dans la province de Bolzano et la maîtrise des deux langues dans la fonction publique; Décret du président de la République du 19 octobre 1977, n° 846 en matière proportionnelle dans les bureaux de l'État situés dans la province de Bolzano et en matière de connaissance des deux langues dans les emplois publics ; Décret du président de la République du 6 avril 1984, n° 426 sur la création du tribunal administratif régional du Trentin et la section autonome de Bolzano ; Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574 sur l'emploi de l'allemand et du ladin dans les relations entre les citoyens et l'administration publique et dans les procédures judiciaires; Décret législatif du 16 avril 1994, n° 297, en matière d'instruction; Décret-loi n° 321 du 2 septembre 1997 en matière de protection des minorités linguistiques dans la province du Trentin; Décret législatif n° 487 du 15 décembre 1998 en matière d'initiatives pour la réception de programmes de radiotélévision en ladin; Décret législatif du 20 avril 1999, n° 161, en matière d'initiatives pour la réception de programmes de radiotélévision en ladin; Décret législatif n° 344 du 8 septembre 1999 concernant les écoles situées dans les localités ladines; Règles en matière de protection des minorités linguistiques historiques, n° 482, du 15 décembre 1999; Règles de principe en matière d'organisation du système de radiotélévision et de la RAI, n° 112 du 3 mai 2004; Décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province du Trentin; Décret du président de la République, n° 345, du 2 mai 2001, portant sur les règles de protection des minorités linguistiques historiques; Décret législatif du 4 avril 2006, n° 177: Règles d'application du Statut spécial de la région du Trentin-Haut Adige/Sudtirol, concernant des modifications au décret du président de la République du 15 Juillet 1988, n° 574, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province de Bolzano; Décret législatif du 4 avril 2006, n° 178, concernant les modifications au décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province du Trentin; Loi du 3 mai 2004, n° 112, en matière d'organisation du système de radiotélévision et de la RAI ; Décret législatif du 14 mai 2010, n° 86, sur l'équivalence des certificats d'aptitude en italien et en allemand.

Lois régionales: Loi régionale du 20 novembre 1988, n° 26, sur les mesures de compensation au bilinguisme et d'indemnité dans les transcriptions des actes et documents; Loi régionale du 21 février 1991, n° 5, sur l'amélioration du service de traduction dans l'administration régionale et les mesures d'urgence en ce qui concerne le personnel et le règlement du personnel des chambres de commerce, etc.; Loi régionale du 19 juin 2009, n° 2, sur la publication et la diffusion du Bulletin officiel de la Région autonome du Trentin-Haut-Adige.

1 La région autonome

L'Italie compte 102 provinces réparties dans 20 régions «à statut ordinaire». Cinq de celles-ci bénéficient d’un «statut spécial»: outre le Trentin-Haut-Adige (en italien: Trentino-Alto Adigo), il s’agit du Val-d’Aoste (Valle d'Aosta), du Frioul-Vénétie Julienne (Friuli Venezia Giulia), de la Sardaigne (Sardegna) et de la Sicile (Sicilia). Ces régions autonomes jouissent d’une autonomie législative et administrative assez considérable.

L'article 116.3 de la Constitution italienne reconnaît ce statut spécial au Trentin-Haut-Adige/Südtirol, de même qu'au Frioul-Vénétie Julienne, à la Sardaigne, à la Sicile et au Val d'Aoste:

Article 116

1. Des formes et des conditions particulières d'autonomie sont attribuées au Frioul-Vénétie Julienne, à la Sardaigne, à la Sicile, au Trentin-Haut Adige/Südtirol et au Val d'Aoste, selon les statuts spéciaux respectifs adoptés par loi constitutionnelle.

2. La région autonome du Trentin-Haut Adige/Südtirol se compose des provinces autonomes du Trentin et de Bolzano.

3. Des formes et des conditions particulières d'autonomie concernant les matières visées au troisième alinéa de l'article 117 et les matières visées au deuxième alinéa dudit article aux alinéas l), pour ce qui est de l'organisation de la justice de paix, n) et s), peuvent être attribuées, par la loi de l'État, à d'autres régions, à l'initiative de la région intéressée, après avoir reçu l'avis des collectivités locales, dans le respect des principes fixés par l'article 119. Ladite loi est adoptée par les chambres à la majorité absolue de leurs membres, sur la base d'une entente entre l'État et la région intéressée.
[modifié par la loi de révision n° 3 du 18 octobre 2001]

Le paragraphe 2 du même article reconnaît un statut d'autonomie aux provinces du Trentin (en italien: Provincia autonoma di Trento) et de Bolzano (en italien: Provincia Autonoma di Bolzano / Alto Adige; en allemand: Autonome Provinz Bozen / Südtirol), qui font partie de la Région autonome du Trentin-Haut-Adige.

1.1 La situation géographique

La Région autonome du Trentin-Haut-Adige porte officiellement un nom bilingue: Regione Autonoma di Trentino-Alto Adige en italien et Trentino-Südtirol en allemand. Le Trentin-Haut-Adige a une superficie de 13 607 km² et est situé au nord-est de l’Italie, c’est-à-dire juste à la frontière sud du Tyrol autrichien (en all.: Tirol). La Région est donc située entre la ville d'Innsbruck en Autriche et les villes de Brescia et Verone en Italie. Au point de vue géographique, le Trentin-Haut-Adige fait partie du Tyrol qui s'étend sur la chaîne des Alpes et comprend le Tyrol du Nord (Autriche), le Tyrol de l'Est (Italie), le Tyrol du Sud (Italie) et le Trentin (Italie).

 


Le nom de Trentin provient du nom de la capitale Trento, alors que le Haut-Adige, appelé aussi le Tyrol du Sud (par opposition au Tyrol autrichien situé au nord ou Tyrol du Nord), désigne la partie nord de la région de l'Adige, un fleuve qui prend sa source dans les Alpes, aux confins de la Suisse et de l’Autriche.

Les organismes gouvernementaux de la région du Trentin-Haut-Adige sont le Conseil régional (Consiglio regionale), le gouvernement régional ou junte régionale (Giunta regionale) et le président du gouvernement régional. Le Conseil régional (ou Parlement régional) est composé des députés des diètes provinciales (parlements provinciaux) de Bolzano et du Trentin, ce qui représente 35 membres pour chacune des provinces. Les réunions du Conseil régional se tiennent successivement dans la ville du Trentin (pour la première moitié du mandat) et à Bolzano/Bozen (pour la seconde moitié).

Le gouvernement régional (Giunta regionale) est formé en fonction des communautés linguistiques, ce qui signifie que les italophones, les germanophones et les ladinophones sont assurés d’être représentés au gouvernement et au Conseil régional. Conformément à la Constitution, le Conseil régional a la compétence législative dans les matières suivantes:

l’organisation des services régionaux et du personnel qui leur est affecté, l’organisation des services para-régionaux, l’organisation des collectivités locales et de leurs circonscriptions, l’expropriation pour cause d'utilité publique, l’établissement et la mise à jour des livres fonciers, les services de lutte contre les incendies, l’organisation des établissements de santé et hospitaliers, l’organisation des chambres de commerce, le développement de la coopération et surveillance des coopératives, l’assistance pour des ouvrages publics réalisés par d'autres organismes publics et compris dans le cadre du territoire régional.

Bref, rien au sujet de la langue qui reste l’une des prérogatives du Parlement italien.

1.2 Les deux provinces du Trentin-Haut-Adige

La Région autonome du Trentin-Haut-Adige est elle-même formée de deux provinces autonomes, Bolzano/Bozen au nord et Trento (en français Trente) au sud.

Au nord, la province de Bolzano/Bozen porte à la fois un nom italien et allemand: Provincia autonoma di Bolzano Alto Adige et Autonome Provinz Bozen Südtirol. Historiquement, la province italienne de Bolzano (Südtirol) est liée au Tyrol autrichien dont elle faisait auparavant partie jusqu’en 1919 (voir la carte). En 2009, la population du Südtirol était de 500 030 habitants. Au sud, la province du Trentin (Trento en italien) porte le nom de Provincia autonoma di Trento. En 2009, la population de cette province était de 519 800 habitants.

Il s'agit là des seules provinces italiennes dotées de véritables pouvoirs législatifs, dans la mesure où elles ne sont que fort peu soumises à la Région du Trentin-Haut-Adige. Les deux provinces sont en effet titulaires d’un pouvoir législatif similaire à celui des régions autonomes et celui de l’État italien. La quasi-totalité des compétences régionales fut transférée aux provinces. En fait, la Région, sauf pour quelques rares exceptions (organisation de la Région, sécurité civile, impôt foncier, etc.), a comme rôle principal de coordonner la politique des deux provinces. Ainsi, le Conseil régional (ital.: Consiglio regionale) est formé des deux assemblées provinciales (Consiglio provinciale, anciennement Dieta provinciale ou «Diète provinciale»), ce qui signifie qu'il n'existe pas de conseil régional distinct. Le Conseil provincial de chacune des provinces désigne une instance exécutive appelée Junte provinciale (Giunta provinciale). À la tête du Conseil provincial on trouve un «président» (Presidente) qui préside également la province et la Junte provinciale. Il désigne ses «assesseurs» (assessori) parmi les membres de la Junte et dirige les services administratifs de la province. Les membres Conseil provincial et le président de la province sont élus par les citoyens résidant dans la province. Alternativement, aux deux ans, la présidence de la Région passe du président d'une province à l'autre. La ville du Trentin est la capitale du Trentin-Haut-Adige, mais Bolzano est le siège du Conseil régional et d'une partie de l'administration régionale. 

Chacune des deux provinces (Trento et Bolzano) dispose d’un Exécutif provincial (Junte provinciale) responsable de l'application des lois adoptées par le Parlement régional et de celles du Conseil provincial, puis administre la province. Le gouvernement provincial se compose du gouverneur de la province, d'un vice-gouverneur de langue allemande et d'un autre de langue italienne, ainsi que des conseillers provinciaux. La scission du Trentin-Haut-Adige en deux entités distinctes, la Province autonome du Trentin et la Province autonome de Bolzano, est destinée à assurer à la minorité germanophone du «Tyrol du Sud» une autonomie territoriale et garantir sa protection au sein de la Région du Trentin-Haut-Adige.

Le Trentin-Haut-Adige compte 223 communes dans la province du Trentin et 116 dans la province de Bolzano (Südtirol). On peut aussi consulter la carte des sous-régions (voir la carte). L'État italien a officiellement remplacé, depuis la modification constitutionnelle du 31 janvier 2001, le terme Trentino Alto Adige par la dénomination bilingue «Trentino Alto Aldige / Südtirol», ce qui en français se traduit par Trentin-Haut-Adige / Sud-Tyrol.

2 Données démolinguistiques

La Région du Trentin-Haut-Adige comptait en 2009 plus d'un million d'habitants (plus précisément : 1 019 830), dont 519 800 dans la province du Trentin (50,9 %) et 500 030 dans la province de Bolzano (49 %).

La Région autonome du Trentin-Haut-Adige / Sud-Tyrol comprend trois groupes linguistiques inégaux parlant l’italien (65 %), l’allemand (32 %) ou le ladin (3 %). La filiation linguistique de l'italien en tant que langue romane et de l'allemand en tant que langue germanique est généralement bien connue. Mais le cas du ladin est en principe plus méconnu. À l’instar de l’italien, du français, de l’espagnol, etc., le ladin fait partie des langues romanes dont il constitue un sous-groupe particulier avec le romanche et le frioulan. Il s'agit des langues dites rétho-romanes (voir la structure arborescente et la carte linguistique). Le romanche est parlé dans le canton suisse des Grisons, le ladin, dans les provinces italiennes de Bolzano et du Trentin et le frioulan dans le Frioul-Vénétie Julienne en Italie, à l'est des Alpes (voir la carte linguistique des langues rhéto-romanes).
Province Toponyme alternatif Population (2009) Superficie (km²) Densité (hab./km²)
Province autonome de Bolzano Haut-Adige, Tyrol du Sud 500 030 7 399,97 67,57
Province autonome du Trentin Trentin 519 800 6 206,90 83,75
Trentin-Haut-Adige Trentin-Tyrol du Sud 1 019 830 13 606,87 74,90
2.1 Les italophones du Trentin

Les italophones sont minoritaires dans la province de Bolzano (26,4 %), mais majoritaires dans la province du Trentin (98 %). Ils occupent presque tout le territoire de la province du Sud, mais au nord ils vivent principalement dans les villes de Bolzano/Bozen, Méran et Leifers, ainsi que dans les quelques centres urbains de cette province.

Dans le Trentin, les italophones parlent soit l'italien standard comme langue maternelle soit une variété dialectale appelée le trentino (le «trentin»), notamment dans la province du Trentin. Cette langue non officielle, le dialetto trentino, est assez proche du vénitien, mais conserve des influences du lombard, du ladin et de l'allemand. Ainsi, le nom de certains outils utilisés en agriculture et en artisanat proviennent souvent de l'allemand. Le dialecte trentin est encore grandement employé dans les zones rurales et les petits centres urbains. Cependant, tous les italophones écrivent en italien standard.

2.2 Les germanophones

Si les germanophones sont majoritaires dans la province de Bolzano/Bozen (69,1 %), ils sont fortement minoritaires dans la province du Trentin (0,6 %). Ils occupent pratiquement tout le territoire de la province de Bolzano/Bozen, mais uniquement quelques îlots linguistiques dans la province du Sud: ils sont concentrés dans la vallée de Mòcheni (communes de Fierozzo/Vlarötz, Frassilongo/Garait et Palù del Ferzina/Palai en Bersntol) et de Lucerne (Luserna/Lusérn).

Les germanophones du Trentin ne parlent généralement pas l'allemand standard comme langue maternelle. Ce sont, en principe, des anciens «Autrichiens du Tyrol» parlant l’une des variétés dialectales de type austro-bavarois: le tyrolien du Sud (ou Südbairisch). Cette variété austro-bavaroise, généralisée dans la province de Bolzano/Bozen, est fortement influencée par la langue italienne. Dans la province du Trentin, les germanophones parlent aussi des variétés austro-bavaroises proches du tyrolien du Sud (ou Südbairisch): il s’agit du fersentaler ou mochène (ou mòcheno) et du cimbre (ou cimbro). Tous les germanophones du Trentin-Haut-Adige font partie des minorités nationales en Italie. Ils constituent des populations autochtones au même titre que les italophones et les ladinophones.

Toutefois, si le plurilinguisme semble bien réel dans le Trentin-Haut Adige, les italophones éprouvent des difficultés dans l’emploi de l'allemand. En effet, les germanophones n'utilisent l’allemand standard (Hochsprache) que dans des circonstances formelles et dans les écoles, alors qu'ils ont recours dans les autres circonstances au tyrolien du Sud (Südbairisch). Cette diglossie de la communauté germanophone constitue un véritable obstacle à la diffusion du bilinguisme parmi les italophones, qui apprennent l’allemand, mais ne comprennent pas le tyrolien.

2.3 Les ladinophones

La Ladins forment 4,3 % de la population de la province de Bolzano/Bozen, contre 1,4 % dans la province du Trentin. Dans toute l'Italie, on compterait quelque 30 000 ladinophones, dont 21 000 dans la province du Nord, et 8000 dans la province du Sud. Les ladinophones sont répartis dans trois provinces: Bolzano/Bozen, Trento et Belluno (voir la carte linguistique).

Dans la province de Bolzano, la langue ladine s’est maintenue jusqu'à aujourd'hui dans les deux vallées des Dolomites, la vallée de Gröden et celle de Gader. Le pourcentage de la population utilisant quotidiennement le ladin s'élèverait à 98 % au Val Badia et à 60 % au Val Gardena. Dans les huit communes de ces vallées, environ 90 % de la population (1991) a déclaré appartenir au groupe linguistique ladin; les Ladins sont majoritaires dans toutes ces communes.

Dans la province du Trentin, les populations ladinophones occupent les communes septentrionales de Campitello Val di Fassa, Canazei, Mazzin, Moena, Pozza di Fassa, Soraga et Vigo di Fassa et une partie de la commune de Val Pusteria. En tant que groupe linguistique le plus petit de la Région du Trentin-Haut-Adige, et ce, dans les deux provinces, les Ladins appartiennent à la minorité linguistique la plus menacée.

Dans la situation actuelle, les Ladins d'Italie sont répartis entre deux régions autonomes (Trentin-Haut-Adige et Vénétie) et trois provinces (Bolzano, Trento et Belluno), et sont donc protégées selon trois mécanismes juridiques différents.

3 Données historiques

Le territoire de l’actuelle région autonome du Trentin-Haut-Adige fut conquis par les Romains au Ier siècle avant notre ère et la population fut entièrement latinisée. On comprend qu’avec les siècles se développèrent les langues ladines, toutes issues du latin.

3.1 La germanisation du territoire

Mais à la fin du Ve siècle, les Ostrogoths, qui se déplaçaient vers le sud, occupèrent la région du Tyrol autrichien ainsi que celle du Tyrol du Sud et y introduisirent leur langue germanique. La région fut ensuite prise par les Lombards (VIe siècle), puis par les Francs (VIIIe siècle) avant de devenir une possession du Saint Empire romain germanique. Seule une partie de la population latinisée conserva sa langue: le ladin qu’on retrouve aujourd’hui dans la région. Cependant, du point de vue linguistique, le territoire du Trentin-Haut-Adige — l'ancienne «Vénétie-Tridentine» (ou Alpes tridentines) — est considéré comme une aire linguistique germanophone, sauf pour ce qui est des vallées de langue ladine. Ainsi, ce territoire constitue un carrefour où se rencontrent les langues germaniques du Nord et les langues latines du Sud.

Dès le début du XIIe siècle, la ville de Bolzano/Bozen devint un centre de commerce et d'affaires, mais surtout un important lieu de rencontre des cultures germanique et latine. La ville commerçante atteignit son apogée au début du XVIIe siècle par la création d’une autorité municipale bilingue. La capitale de la province du Südtirol (Bolzano/Bozen) est, encore aujourd’hui, restée fidèle à sa fonction économique et culturelle, agissant comme un pont entre les aires de langue allemande et italienne. Quant à la ville de Trento (Trente en français), elle devint célèbre en raison du concile qui s'y tint de 1545 à 1563. Le concile de Trente fur l'un des plus importants de l'histoire du catholicisme. Convoqué par le pape Paul III en 1542, le concile de Trente débuta le 13 décembre 1545 pour se terminer dix-huit ans plus tard, après avoir couvert cinq pontificats  (Paul III, Jules III, Marcel II, Paul IV et Pie IV) et tenté de répondre aux demandes formulées par Martin Luther dans le cadre de la Réforme protestante.

Sous la souveraineté des Habsbourg d’Autriche, les princes-archevêques gouvernèrent la région de 1363 à 1802 (à l’exception d’une période d’occupation française de 1797 à 1801), date à laquelle la principauté fut laïcisée et intégrée politiquement au Tyrol autrichien. Les Français reprirent la région en 1809 (avec la création du département français du Haut-Adige), mais elle fut rendue à l’Autriche en 1814. Puis ce fut la Première Guerre mondiale avec comme conséquence la disparition de l’Empire austro-hongrois.

3.2 Le rattachement à l’Italie

Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, mit un terme à l’Empire austro-hongrois, mais ce fut le traité de Saint-Germain-en-Laye de 1919 qui rattacha à l’Italie le Tyrol du Sud et la province du Trentin (ainsi que la province de Trieste et le Frioul-Vénétie Julienne). Selon les termes du traité de Saint-Germain-en-Laye, le Tyrol du Sud et la province du Trentin, auparavant sous la souveraineté de l'Empire austro-hongrois, furent rattachés à l'Italie.

À cette époque, la région du Trentin-Haut-Adige ne comptait que 7000 italophones, mais plus de 220 000 germanophones. Il s’agissait pour l’Italie d’une acquisition considérable, au surplus obtenue facilement de la part des puissances alliées. La grande majorité des germanophones du Südtirol ont à l'époque considéré ce «rattachement» comme une véritable «annexion» par l'Italie. En effet, les Tyroliens du Sud croyaient que le Tyrol autrichien, qui comprenait alors le «Tyrol du Nord» (all.: Nordtirol), le «Tyrol de l'Est» (all.: Osttirol), le «Tyrol du Sud» (all.: Südtirol) et le Trentin (all. : Welschtirol signifiant «Tyrol celte» ou «latin»), serait partagé conformément à la frontière linguistique, donc entre le Tyrol du Sud et le Trentin. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé: les Italiens ont annexé le Haut-Adige (Tyrol du Sud) en ne respectant pas la frontière linguistique. Ils n'ont pas accepté le principe d’autodétermination des germanophones et des ladinophones. Ils ont plutôt consenti à des accommodements linguistiques à l'égard des germanophones de la nouvelle «province de Bolzano» (Südtirol). Mais les germanophones ne se sont jamais considérés comme des «Italiens».

Au début des années 1920, Mussolini prit le pouvoir en Italie et fit interdire l'usage officiel de la langue allemande, sous peine de sanctions graves, et réussit à supprimer des services publics la quasi-totalité des «Tyroliens du Sud» de langue allemande, c’est-à-dire les «personnes de race étrangère», comme le rappelait Mussolini dans un discours au Parlement de Rome en 1928. Les fascistes italiens entreprirent une politique d'italianisation du territoire en y introduisant des milliers de travailleurs italophones venus de toute la péninsule. Pour leur assurer des emplois, on encouragea les grandes entreprises à s'installer dans la région, grâce à une série de mesures fiscales avantageuses. La volonté de supprimer tout «élément étranger» fut telle que même l’appellation Tyrol fut interdite. 

Cette politique eut pour effet, d’une part, de forcer un nombre appréciable de germanophones à quitter le Tyrol du Sud et, d’autre part, d’imposer l'italianisation des toponymes et même des patronymes (noms des individus). Le nombre des expatriés germanophones augmenta après les accords Mussolini-Hitler (1939), lorsque de nombreux habitants du Tyrol du Sud choisirent d'émigrer en Allemagne. Lorsque les troupes alliées débarquèrent en Italie du Sud, l’armée italienne capitula sans condition, le 8 septembre 1943. Puis le nord du pays fit envahi par la Wehrmacht allemande. La région du Trentin-Haut-Adige faisait alors partie de la Zone d’opération des Préalpes (ZOP), une région que les fascistes contrôlaient difficilement. La langue allemande fut aussitôt restaurée dans les postes publics, les école, les journaux, les patronymes, les toponymes. Ce fut autour des italophones de subir la discrimination. Cette occupation nazie contribua à développer un fort sentiment nationaliste chez les Italiens de la région. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quelque 12 000 germanophones retournèrent en Italie. Néanmoins, la croissance du groupe linguistique italophone se poursuivit et favorisa l'immigration massive de cette communauté linguistique. La population italophone s'est concentrée principalement dans les villes, dans les vallées et dans la zone industrielle de Bolzano/Bozen. Malgré tout, les germanophones restèrent majoritaires dans la province de Bolzano. Aussitôt après la fin de la guerre, surgit une formation politique, le Südtiroler Volkspartei (SVP), qui réclama le droit à l’autodétermination, l’annexion à l’Autriche, sinon la création d’un État autonome, le Tyrol.

Mais les annexions des territoires germanophones furent à nouveau confirmées par le traité de Paris de 1946 et le traité de Saint-Germain-en-Laye de 1947. Selon les termes de ces accords, l'Italie s'engageait à assurer l'égalité des langues allemande et italienne dans cette région bénéficiant d’une certaine autonomie en 1948. De fait, le Trentin-Haut-Adige est devenu officiellement une région à statut autonome en 1948, après l'accord austro-italien De Gasperi-Gruber (du nom des ministres des Affaires étrangères de l’Autriche et d’Italie). Il était prévu que, par des mesures particulières et des lois à promulguer, «les citoyens de langue allemande» retrouveraient, après l'époque de la répression fasciste envers la population de langue allemande, «le droit à l'usage des langues allemande et italienne dans les services publics et les documents officiels». On peut lire les dispositions linguistiques de l'accord De Gasperi-Gruber (Annexe IV) en cliquant ICI, s.v.p.

Cependant, même si ces mesures de protection avaient été prévues pour la seule province de Bolzano et non pour celle du Trentin, l’autonomie administrative fut étendue aux deux provinces, et ce, malgré de violentes résistances de la part des représentants du Südtirol. En vertu du Statut d’autonomie de 1948, des compétences considérables furent attribuées à la Région, mais les dirigeants régionaux se les approprièrent avec comme conséquence que les provinces n’en reçurent que très peu. Pour les germanophones, ces pouvoirs provinciaux furent considérés comme insignifiants.

3.3 Les revendications germanophones

De toute façon, l’application des mesures prévues à la Région se fit tellement attendre que l'impatience et la déception des germanophones de la province de Bolzano s'en trouvèrent exacerbées. Une autonomie restreinte fut alors accordée à la région. Après le traité de Vienne du 15 mai 1955, restaurant la totale indépendance de l’Autriche, celle-ci demanda une meilleure application de l’accord et de nouvelles négociations bilatérales, toutes refusées par l’Italie entre 1958 et 1961. En 1957, les premiers attentats à la bombe survinrent; le 17 novembre de la même année, une importante manifestation fut organisée en guise de protestation au château Sigmundskron et, deux ans plus tard, en 1959, le Parti populaire du Tyrol du Sud (Südtiroler Volkspartei ou SVP), le principal parti politique fondé en 1945, quitta le gouvernement régional en signe de protestation. 

En septembre 1960, comme l'Autriche prétendait rester la «puissance garante et protectrice» des germanophones du Tyrol du Sud (en all.: Südtirol), son ministre des Affaires étrangères saisit les Nations unies de la question du Tyrol du Sud afin de forcer le dialogue avec Rome. L’Assemblée générale des Nations unies adopta deux résolutions en 1960 et 1961, et incita les deux pays à négocier, ratifiant ainsi de façon implicite le droit de l’Autriche à veiller au sort des Tyroliens du Sud, conformément aux termes du traité de Paris. Comme ces efforts ne connurent pas le succès escompté, la violence se poursuivit et aboutit à la Feuernacht (la «nuit des Feux») du 11 juin 1961, alors que 37 attentats eurent lieu en une seule nuit. La violence s’est poursuivie au cours des années suivantes avec plus de 300 attentats perpétrés par des extrémistes germanophones. De plus, le gouvernement italien fut montré du doigt par l’opinion publique internationale lorsque les représentants de la communauté germanophone allaient régulièrement manifester leurs désaccords devant le parlement de Vienne en demandant leur rattachement à l’Autriche et en dénonçant le non-respect par l’Italie des accords internationaux. 

Peu à peu, une série de mesures pour la mise en vigueur de l'administration autonome furent conclues; elles furent adoptées le 23 novembre 1969 par l'Assemblée plénière de la province de Bolzano, puis approuvées par les gouvernements autrichien et italien. En 1969, l’accord dit «paquet» ou «pacchetto» en faveur de la minorité des Tyroliens du Sud fut signé. Mais il aura fallu plus de 30 ans de patience et de laborieuses négociations pour mettre au point le nouveau Statut d'autonomie de 1972, qui donna suite à cette égalité de droits au moyen de modalités d'application et de divers décrets particuliers. Ce Statut d’autonomie conférait aux provinces de Bolzano et du Trentin une assez grande autonomie à l’égard de la Région autonome du Trentin-Haut-Adige et de l’État italien. Mais, surtout, le nouveau statut d’autonomie de 1972 affirmait deux nouveaux principes : le bilinguisme obligatoire dans l’administration publique (trilinguisme dans les vallées ladines) et la règle de proportionnalité dans la vie politique et sociale.

Les pouvoirs les plus importants sous la juridiction de la province de Bolzano concernent la dénomination des lieux, la protection des valeurs artistiques et populaires, les us et coutumes locales, l’artisanat, l'assistance publique, les écoles maternelles, la construction des bâtiments scolaires et l'assistance scolaire, l'entraînement professionnel, les transports, le tourisme et l'hôtellerie, sans oublier l'aménagement du territoire, la promotion des logements sociaux, la prévention des catastrophes, l'exploitation minière, la chasse et la pêche, etc. Les compétences considérées comme secondaires furent l'enseignement dans les écoles primaires et secondaires, l'hygiène et la santé, le sport et l'organisation des loisirs, le commerce, etc.

C’est seulement en mai 1989, après de fastidieuses négociations, que fut promulgué le Décret du président de la République n° 574/1988 pour la parité des langues italienne et allemande, et pour l'utilisation de la langue allemande dans l'administration publique, au tribunal, à la police, etc. Dans la province de Bolzano/Bozen, les services gouvernementaux régionaux et provinciaux sont tenus, lors de leurs relations avec les germanophones, d'utiliser la langue allemande. Au cours de l’été de 1992, le gouvernement autrichien annonça que le gouvernement italien avait finalement appliqué les mesures de l’accord «paquet», soit après une vingtaine d'années d'attente. La déclaration de l'Autriche mit ainsi un terme aux négociations entre les deux pays au sujet du Trentin-Haut-Adige.

En 1996, l’Autriche et l’Italie informèrent les Nations unies qu’une solution mutuellement satisfaisante avait été trouvée. Aujourd’hui, l’Autriche continue à surveiller l’application de l’accord et, compte tenu des bonnes relations qu’entretiennent maintenant entre les deux pays, l’Italie ne lui conteste plus ce droit.

3.4 Les mesures de protection

Finalement, les germanophones de la province de Bolzano/Bozen ont obtenu la séparation des écoles en fonction de la langue (enfants germanophones et enfants italophones) et jouent maintenant un rôle central dans la formation des gouvernements régionaux et provinciaux, comme dans la plupart des municipalités de la province de Bolzano. Enfin, Rome finit par adopter, le 31 janvier 2001, une troisième réforme du Statut d'autonomie : le Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige (italien: Statuto speciale per il Trentino-Alto Adige; all.: Sonderstatut für Trentino-Südtirol), dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 16 février 2001. Depuis lors, le Südtirol, la province de Bolzano/Bozen, peut maintenant décider librement la forme de gouvernement qu’il désire (par exemple, l’élection directe du gouverneur de la province). De plus, un représentant du groupe ladin peut être désigné au sein de la Junte provinciale (Giunta provinciale), indépendamment de la représentation proportionnelle des Ladins. C'est à ce prix que le calme est revenu et qu'ont disparu l'irrédentisme et les tensions politiques avec Rome.

Mais, contrairement à d’autres minorités non italophones d’Italie, les germanophones de Bolzano/Bozen ont bénéficié de certains facteurs historiques qui ont favorisé le respect de leurs droits linguistiques. Ainsi, le fait que la langue allemande soit considérée comme une grande langue de communication «porteuse de culture» n’est pas négligeable.

Le fait également que l'annexion du Tyrol du Sud s’est réalisée contre la volonté de la population constitue un autre facteur d’une certaine importance, sans oublier la répression et l'interdiction de la langue allemande durant la période fasciste. Il fallait trouver des mesures destinées à faire oublier ces malheureux événements. Les années 1980 ont néanmoins été marquées par des conflits entourant la déclaration des groupes linguistiques, la résolution sur la représentation proportionnelle dans la fonction publique, les tests sur le bilinguisme, l'utilisation de la langue devant les tribunaux, l’apprentissage de la «langue seconde» — l'italien pour les écoles allemandes, l'allemand pour les écoles italiennes — à l'école maternelle, l'inscription dans les écoles de langue allemande ou italienne, le choix des toponymes ou les modèles d'immersion à l'école, etc.

Entre 1993-1998, l'autonomie fut élargie, notamment dans le domaine scolaire et les compétences sur l’enseignement universitaire avec la fondation en 1997 de l'Université libre de Bolzano/Bozen (ital.: Libera Università di Bolzano; all.: Freie Universität Bozen; angl.: Free University of Bozen/Bolzano), la juridiction administrative, l’engagement de l’État italien envers les droits des Ladins (loi constitutionnelle), la prise en charge des routes nationales, etc. L'entrée en vigueur du troisième Statut d'autonomie du 31 janvier 2001 amena une réorganisation des structures de la Région et des provinces du Trentin et de Bolzano (ou Südtirol). Le nouveau statut réformé implique une attribution plus grande des pouvoirs pour les provinces aux dépens de ceux la Région. Ce sont maintenant les provinces, non la Région, qui décident des véritables politiques linguistiques et qui les appliquent.

Rappelons que les modifications constitutionnelles du 12 mars 2001 ont reconnu pour la première fois le nom du Südtirol pour désigner dorénavant la province de Bolzano. Dans ce pays, quand on parle de «fédéralisme à l’italienne», on réfère à une minime décentralisation administrative. Le 7 octobre 2002, les Italiens ont été appelés à se prononcer par référendum pour renforcer «considérablement» les pouvoirs des régions autonomes; le mot «dévolution» a été employé pour désigner cette redistribution des pouvoirs dans les régions. Près de 80 % des Italiens (34 % des ayants droit) ont approuvé cette mesure. La question était celle-ci:

Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle concernant les modifications au titre V, de la seconde partie de la Constitution, approuvé par le Parlement et publié dans le Journal officiell n° 59, du 12 mars 2001?

En fait, il n’y a rien dans les nouvelles dispositions constitutionnelles (articles 114 à 132) qui concernent directement la langue. Pour les «régionalistes» italiens, il s’agit là d’une simple décentralisation administrative qui accorde dans les faits un bilinguisme dans la dénomination officielle de deux des cinq régions. En effet, l’ancien article 116 utilisait les termes de Sicilia (Sicile), Sardegna (Sardaigne), Friuli Venezia Giulia (Frioul-Vénétie Julienne), Trentino-Alto Adige (Trentin-Haut-Adige) et Valle d’Aosta (Val-d’Aoste), alors que le nouveau texte mentionne maintenant Sardegna, Sicilia, Friuli Venezia Giulia, Trentino-Alto Adige/Südtirol et Valle d’Aosta/Vallée d’Aoste. Bref, seules les deux dernières régions autonomes sont maintenant affublées d’une dénomination officiellement bilingue.

3.5 La province du Trentin

Jusqu'à la réforme du Statut d'autonomie de 2001, la province du Trentin ne s'était que fort peu préoccupée de ses minorités ladinophones et germanophones. Contrairement à la province de Bolzano/Bozen, qui a choisi un système de protection basé sur la déclaration d'appartenance ethnique en fonction d'une approche dite «personnelle» ou «individuelle», la Province autonome du Trentin a introduit un critère territorial pour assurer la protection et la valorisation des minorités linguistiques. Cela signifie que les minorités linguistique ne sont protégées que dans les aires reconnues et non dans toute la province, alors que dans la province du Nord toutes les minorités ont les mêmes droits, peu importe leur lieu de résidence. Ainsi, dans la province du Trentin, les minorités ladines résidant dans les communes du Val di Fassa et les minorités germanophones du Val dei Môcheni (le groupe mochène) et de la commune de Luserna/Lusèrn (le groupe cimbre) bénéficient d'une protection efficace. Tous les germanophones ou ladinophones résidant à l'extérieur des communes protégées ne bénéficient d'aucun droit linguistique.

À la suite aussi de l'adoption par le Parlement national de la loi n° 482 du 15 décembre 1999 (Règles en matière de protection des minorités linguistiques historiques), de la Loi provinciale n° 4 du 30 août 1999, de la Loi provinciale n° 5 du 7 août 2006 (Système d'éducation et formation du Trentin) et surtout de la Loi provinciale du 19 juin 2008, n° 6 (Règles de protection et de promotion des minorités linguistiques locales), les minorités linguistiques sont maintenant protégées au plan juridique. La mise en œuvre des mesures de protection prévues par la législation a entraîné la création du Service de promotion des minorités linguistiques locales (Servizio per la promozione delle minoranze linguistiche locali). Dans ce cadre, la réglementation nationale en matière de minorités linguistiques (cf. la loi n° 482 du 15 décembre 1999 portant dispositions en matière de protection des minorités linguistiques historiques) prévoit d'autres mesures ainsi que la possibilité pour les administrations publiques d'accéder à des allocations financières de l'État italien. Enfin, par la Loi provinciale du 7 août 2006, n° 5 (Système d'éducation et de formation du Trentin), la Province a affirmé le principe de la protection des minorités linguistiques dans les établissements d'enseignement situés dans les communes ladines, mochènes et cimbre (Luserna).

4 La protection juridique des langues minoritaires

Le statut juridique des langues pour la Région du Trentin-Haut-Adige est défini à différents niveaux administratifs: le niveau national (Parlement de Rome), le niveau régional (Conseil régional) et le niveau provincial (Conseils provinciaux de Bolzano et du Trentin), voire le niveau municipal (les communes). Cela signifie qu'une loi nationale prévaut sur une loi régionale, laquelle a préséance sur une loi provinciale. En principe, l'État italien définit le cadre juridique.  Dans la présente analyse, seules les dispositions juridiques s'appliquant à la région seront tenues en compte. Cela signifie que, les dispositions juridiques concernant les provinces elles-mêmes seront présentées dans des articles distincts dans chacune des provinces: la Province autonome de Bolzano et la Province autonome du Trentin.

Rappelons que, au point de vue juridique, les provinces de Bolzano et du Trentin disposent depuis 2001, davantage de pouvoirs que n'en possède la Région. Par exemple, toute modification du Statut d’autonomie doit provenir des provinces et non pas de la Région. Alors qu'avant 2001, la Région pouvait s’attribuer des pouvoirs, sans tenir compte des provinces, maintenant ce sont les provinces qui ont le droit d’intervenir auprès de la Région. De plus, les Ladins sont assurés d’être représentés tant au Conseil régional qu’au gouvernement régional, indépendamment de leur représentation proportionnelle.

4.1 La protection nationale

La protection accordée par la législation nationale, le Parlement de Rome, est assez considérable. Mentionnons d'abord la Constitution italienne de 1947 (articles 3 et 6), ainsi que l'accord De Gasperi-Gruber (1947), lequel équivaut à un texte constitutionnel. De plus, l'Italie a adopté un statut juridique particulier pour la Région du Trentin-Haut-Adige: le Statut spécial du 31 janvier 2001. Il existe aussi de nombreuses lois et plusieurs décrets concernant strictement le Trentin-Haut-Adige ou l'une ou l'autre des deux provinces constituantes (Bolzano et Trento). Voici une liste non exhaustive de la législation nationale au sujet de la Région du Trentin-Haut-Adige:

- Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige du 31 janvier 2001
- Décret du président de la République du 31 mai 1974, n° 417 : Règlement sur le statut juridique du personnel enseignant, du personnel de gestion et d'inspection des écoles maternelles, primaires, secondaires et des écoles artistiques de l'État;
- Loi du 14 avril 1975, n° 103 en matière de diffusion radiophonique et télévisée ;
- Décret du président de la République du 26 juillet 1976, n° 752 en matière de proportionnalité dans les bureaux de l'État dans la province de Bolzano et la maîtrise des deux langues dans la fonction publique ;
- Décret du président de la République du 19 octobre 1977, n° 846 en matière proportionnelle dans les bureaux de l'État situés dans la province de Bolzano et en matière de connaissance des deux langues dans les emplois publics
;
- Décret du président de la République du 6 avril 1984, n° 426 sur la création du tribunal administratif régional du Trentin et la section autonome de Bolzano
;
- Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574 sur l'emploi de l'allemand et du ladin dans les relations entre les citoyens et l'administration publique et dans les procédures judiciaires;
- Décret législatif du 16 avril 1994, n° 297, en matière d'instruction ;
- Décret-loi n° 321 du 2 septembre 1997 en matière de protection des minorités linguistiques dans la province du Trentin ;
- Décret-loi n° 487 du 15 décembre 1998 en matière d'initiatives pour la réception de programmes de radiotélévision en ladin ;
- Décret législatif du 20 avril 1999, n° 161, en matière d'initiatives pour la réception de programmes de radiotélévision en ladin; 
- Décret législatif n° 344 du 8 septembre 1999 concernant les écoles situées dans les localités ladines ;
- Règles en matière de protection des minorités linguistiques historiques, n° 482, du 15 décembre 1999 ;
- Règles de principe en matière d'organisation du système de radiotélévision et de la RAI, n° 112 du 3 mai 2004 ;
- Décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province du Trentin ;
- Décret du président de la République, n° 345, du 2 mai 2001, portant sur les règles de protection des minorités linguistiques historiques ;
- Décret législatif du 4 avril 2006, n° 177: Règles d'application du Statut spécial de la région du Trentin-Haut Adige/Südtirol, concernant des modifications au décret du président de la République du 15 Juillet 1988, n° 574, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province de Bolzano ;
- Décret législatif du 4 avril 2006, n° 178 : Règlement d'application du Statut spécial de la région du Trentin-Haut-Adige/Südtirol concernant les modifications au décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, en matière de protection de la population de langue ladine dans la province du Trentin ;
- Décret législatif du 14 mai 2010, n° 86, sur l'équivalence des certificats d'aptitude en italien et en allemand ;

4.2 La protection régionale

Il faut compter également sur la législation régionale, celle adoptée par le Conseil régional (ou Parlement régional) composé des députés des diètes provinciales (parlements provinciaux) de Bolzano et du Trentin, ce qui représente 35 membres pour chacune des provinces. Les lois régionales en matière de langue ne sont pas nombreuses. En voici quelques-unes:

- Loi régionale du 20 novembre 1988, n° 26, sur les mesures de compensation au bilinguisme et d'indemnité dans les transcriptions des actes et documents;
-
Loi régionale du 21 février 1991, n° 5, sur l'amélioration du service de traduction dans l'administration régionale et les mesures d'urgence en ce qui concerne le personnel et le règlement du personnel des chambres de commerce, etc. ;
- Loi régionale du 19 juin 2009, n° 2, sur la publication et la diffusion du Bulletin officiel de la Région autonome du Trentin-Haut-Adige ;

À cette législation il conviendrait d'ajouter les lois provinciales, qui sont fort nombreuses, tant pour Bolzano/Bozen que Trento. Cependant, il convient de rappeler que toutes ces lois linguistiques (ou à incidence linguistique) ne s’appliquent pas nécessairement à toute la région autonome, mais à une seule province, parfois en conformité avec les résolutions adoptées par les conseils municipaux. Chacune des communes dispose de sa propre autonomie administrative, dont les compétences comprennent tous les domaines qui concernent la population et le territoire communal, notamment les services sociaux, les écoles et la langue, la planification et l'utilisation du territoire, ainsi que le développement économique. Autrement dit, des droits linguistiques reconnus par le gouvernement italien en faveur des minorités nationales peuvent n’avoir aucun effet dans la réalité si les élus locaux n’en veulent pas. Or, lorsqu’on connaît les légendaires magouilles des politiciens de ce pays, il faut comprendre que même les lois ne suffisent pas à faire appliquer les mesures de protection. Dans le cas des deux provinces du Trentin, les loi linguistiques sont généralement efficaces, car elles ont été entérinées par les provinces et les communes concernées.

5 Les mesures réelles de protection

Les lois nationales peuvent donc laisser libres certaines entités locales d'appliquer les dispositions juridiques en matière linguistique. Ces lois correspondent souvent à des principes généraux dont la portée réelle n'est pas évidente, car ce sont les régions, les provinces, voire les conseils municipaux, qui décident de l'application des droits linguistiques. Autrement dit, ce n'est pas l'État italien qui peut dicter ce qu'il faut faire. Néanmoins, dans le cas du Trentin-Haut-Adige, certaines lois nationales demeurent contraignantes en matière de droits linguistiques pour la Région et, surtout pour la Province autonome de Bolzano/Bozen. 

5.1 Le statut des langues dans la Région du Trentin-Haut-Adige

L'article 99 du Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige du 31 janvier 2001 ne proclame pas formellement que l'italien et l'allemand sont les langues officielles de la Région. Il énonce que «la langue allemande est à parité avec l’italien qui est la langue officielle de l'État». D'ailleurs, il est stipulé que «la langue italienne prévaut dans les actes ayant caractère législatif et dans les cas où le présent Statut prévoit une rédaction bilingue»: 

Article 99

Dans la Région, la langue allemande est à parité avec l’italien qui est la langue officielle de l'État. La langue italienne prévaut dans les actes ayant caractère législatif et dans les cas où le présent Statut prévoit une rédaction bilingue.

C'est en ce sens qu'on peut considérer que l'italien et l'allemand sont les langues officielles de la Région du Trentin-Haut-Adige. De la même façon, on peut estimer que le ladin est aussi co-officiel dans les localités ladines des provinces de Bolzano et du Trentin. Si l'allemand est considéré comme officiel dans toute la province de Bolzano, ce statut n'est attribué dans la province du Trentin que dans les localités ou vivent les minorités germanophones mochèmes et cimbres. En fait, l'article 102 du Statut d'autonomie de 2001 (ainsi que celui de 1972, aujourd'hui abrogé) reconnaît aux minorités ladines et germanophones de la province du Trentin un statut de minorité:

Article 102

1. Les populations ladines et celles du mochène et du cimbre des communes de Fierozzo, de Frassilongo, de Palu de la Fersina et Luserna ont droit à la valorisation de leurs initiatives et de leurs activités culturelles, récréatives et celles concernant la presse, ainsi qu’au respect de leur toponymie et de leurs traditions.

Bref, l'allemand est une langue co-officielle avec l'italien pour la Région, mais uniquement pour la province de Bolzano et dans les localités germanophones de la province du Trentin. Quant au ladin, il est co-officiel, avec l'italien, dans les localités ladines des deux provinces.

5.2 L'application des droits linguistique dans les lois et règlements

En vertu de l'article 57 du Statut spécial d'autonomie, au niveau de la Région, les lois et règlements doivent être au moins bilingues (italien-allemand): 

Article 57

1. Les lois régionales et provinciales et les règlements régionaux et provinciaux sont publiés au Bulletin officiel de la Région en italien et en allemand. Ils entrent en vigueur quinze jours après leur publication, à moins que la loi n'en dispose autrement.

2. En cas de doute, l'interprétation de leurs dispositions se fonde sur le texte italien.

3. Un exemplaire du Bulletin officiel est envoyé au commissaire du gouvernement.

Mais, en vertu de l'article 58 du Statut spécial d'autonomie, la Région doit publier en allemand les lois et règlements de la République italienne, qui concernent la Région, mais pas nécessairement chacune des provinces:
 

Article 58

1. Les lois et les décrets de la République qui intéressent la Région sont également publiés en langue allemande au Bulletin officiel de la Région sans préjudice de leur entrée en vigueur.

D'ailleurs, l'article 5 du Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574 précise bien que la publication bilingue des lois concerne la province de Bolzano/Bozen:
 

Article 5

Les actes et les dispositions, pour lesquels il est prescrit la publication dans le Journal officiel de la République italienne en provenance des organismes, bureaux et fournisseurs de services conformément à l'art. 1, ainsi que les personnes physiques ou morales, sociétés, associations, fondations, comités et autres du genre, résidant ou ayant leur siège dans la province de Bolzano, doivent être publiés dans les deux langues dans le Bulletin officiel de la Région du Trentin-Haut Adige.

La Loi régionale du 19 juin 2009, n° 2, énonce, pour sa part, à l'article 9, que les actes sont publiés simultanément en italien et en allemand, à l'exception de ceux de la Province autonome du Trentin, de ceux de la Région destinés à s'appliquer seulement sur le territoire de la Province autonome du Trentin:

Article 9

Emploi des langues allemande et ladine

1.
En vertu des deux premières parties relatives aux actes visés par les articles 4 et 5, ceux-ci doivent être publiés simultanément en italien et en allemand, à l'exception de ceux de la Province autonome du Trentin, de ceux de la Région destinés à s'appliquer seulement sur le territoire de la Province autonome du Trentin, ainsi que ceux de l'État et de l'Union européenne, et qui ne concernent que la Province autonome du Trentin.

2. Afin de promouvoir une meilleure compréhension de la part des citoyens germanophones, dans la législation de l'État, sont également publiés en vertu de la deuxième partie, conjointement avec l'italien et l'allemand, les lois et décrets nationaux autres que ceux énumérées à l'article 5, s'ils concernent la Région ou la Province autonome de Bolzano, en fonction des critères énoncés au paragraphe 3.

3. Sont considérés d'intérêt régional ou de provincial, aux sens du paragraphe 2, les lois et les décrets de l'État, qui se réfèrent au territoire de la Province autonome de Bolzano.

Dans le même article de la Loi régionale du 19 juin 2009, n° 2, il en est ainsi pour les actes du Trentin-Haut-Adige qui doivent être publiés en ladin, ainsi que ceux des provinces autonomes du Trentin et Bolzano, s'ils se rapportent en particulier aux populations ou localités ladines:  

Article 9

4. Afin de promouvoir une meilleure compréhension de la part des citoyens ladinophones, dans la législation régionale et provinciale, sont également publiés en ladin les lois et règlements du Trentin-Haut Adige et ceux des provinces autonomes du Trentin et Bolzano, s'ils se rapportent en particulier aux populations ou localités ladines.

5. Sont aussi publiés en ladin les actes émanant des administrations aux sens de l'article 32 du Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574, et du Décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, là où la publication est exigée par une disposition d'une règle de loi ou si ces actes concernent l'ensemble des citoyens.

6. Le texte en ladin est commandé par les administrations qui en demandent la publication.

5.3 La procédure judiciaire

Rappelons les dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile :

Article 122

Emploi de la langue italienne - Désignation de l'interprète

1. Durant tout la procédure, l'emploi de la langue italienne est prescrit.

2. Lorsque quelqu'un qui ne connaît pas l'italien doit comparaître, le juge peut désigner un interprète.

3. Tout interprète, avant d'exercer ses fonctions, doit prêter serment devant le juge qu'il s'acquittera fidèlement de ses obligations.

Cette disposition du Code de procédure civile n'autorise pas en principe l'usage d'une autre langue que l'italien, sauf que, en cas de force majeure, le juge peut recourir à un interprète. Cependant, il existe en Italie, particulièrement au Trentin-Haut-Adige, des langues «reconnues». L'article 109 du Code de procédure pénale autorise l'emploi des langues reconnues:

Article 109

1.
Les actes de la procédure pénale doivent être faits en langue italienne.

2. Devant l'autorité judiciaire ayant juridiction en première instance ou en appel dans un territoire où est installée une minorité linguistique reconnue, le citoyen italien qui appartient à cette minorité est, à sa demande, questionné ou examiné dans la langue maternelle et le procès-verbal applicable est rédigé dans cette même langue. Dans cette langue sont traduits les actes de la procédure qui la concernent à sa demande. Le tout sans préjudice des autres droits prévus par des lois spéciales et les conventions internationales.

3. Les dispositions du présent article doivent être respectées sous peine de nullité.

Le chapitre IV du Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574, est consacré à l'emploi des langues dans les procédures judiciaires.  Il est mentionné à l'article 13 que les bureaux et les organismes judiciaires doivent se servir, dans leurs relations avec les citoyens de la province de Bolzano et dans les actes qui les concernent, de la langue employée par le requérant:
 

Article 13

Les bureaux et les organismes judiciaires mentionnés à l'article 1 doivent se servir, dans leurs relations avec les citoyens de la province de Bolzano et dans les actes qui les concernent, de la langue employée par le requérant, sauf pour les dispositions prévues dans les articles qui suivent.

Dans les tribunaux du territoire, la langue des parties constitue la langue de procédure. Dans un procès civil, l'administration publique est tenue d'employer la langue présumée du défendeur. L'allemand est utilisé lorsque quiconque s'adresse au tribunal et ne peut s'exprimer correctement en italien. D'après l'article 18 du DPR n° 574, les témoins et l'accusé sont entendus dans leur langue maternelle, les actes du procès sont traduits dans l'autre langue, les déclarations et les requêtes orales sont traduites immédiatement après avoir été formulées dans l'une ou l'autre langue, les procès-verbaux sont rédigés simultanément dans les deux langues et les décisions du juge, y compris les sentences, sont prononcées et toutes rédigées dans les deux langues. Mais il n'y aura pas de traduction si la procédure doit se dérouler dans en seule langue, l'italien ou l'allemand. Dans un procès unilingue, les sentences et les autres décisions du juge sont rédigées dans la langue du procès. Dans un procès bilingue, elles sont rédigées simultanément dans les deux langues (art. 20 du DPR n° 574). Quant à la Loi régionale du 19 juin 2009, n° 2, l'article 5 prévoit l'emploi de l'allemand et du ladin dans les relations entre les citoyens et l'administration publique de la procédure judiciaire:

Article 5

Seconde partie : les actes officiels et communautaires

2.
Sont également publiés les actes et dispositions visés à l'article 5 du Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574, contenant les règles pour la mise en œuvre du Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige concernant l'emploi de l'allemand et du ladin dans les relations entre les citoyens et l'administration publique de la procédure judiciaire.

Lorsque des parties parlent des langues différentes et qu'elles exigent que la cour utilise leur langue, la procédure est menée dans les deux langues, avec au besoin le recours à la traduction. Ce n'est pas la langue des juges ni celle des avocats, qui autorise l'emploi d'une autre langue que l'italien, mais celle du justiciable, le droit de l'accusé d'utiliser sa langue étant garanti. Les documents et les témoignages peuvent être produits en allemand, au besoin avec l'aide d'interprètes et de traducteurs sans frais supplémentaires pour la personne concernée. Si les témoignages ne sont pas formulés dans la langue choisie au début du procès, ceux-ci ne sont pas admis.

Il faut comprendre que le juge n'est pas nécessairement tenu de comprendre le ladin ou l'allemand, et qu'il lui faut procéder à l'aide d'un interprète assermenté. Précisons que peu de juges peuvent parler l'allemand.

5.4 L'administration publique

Comme dans toute l'Italie, l'italien est la langue de l'administration en Italie, mais tout citoyen du Trentin-Haut-Adige a le droit de communiquer avec celle-ci dans sa langue. Au niveau de la Région, l'allemand est co-officiel avec l'italien. D'ailleurs, l'administration de la Région est totalement bilingue, ainsi que celle la Province autonome de Bolzano/Bozen. L'État italien a fait des efforts considérables pour améliorer son offre de services bilingues, surtout dans les bureaux situés dans la province de Bolzano. Cela signifie que non seulement l'italien est utilisé par l'administration centrale, mais également l'allemand et le ladin dans la mesure où ces services sont demandés dans les limites du territoire du Trentin-Haut-Adige. Dans la province du Trentin, le bilinguisme administratif n'est assuré que dans les localités germanophones et ladinophones.

Le Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige du 31 janvier 2001 compte quelques articles portant sur l'emploi des langues dans l'administration publique de la Région: les articles 99, 100, 101 et 102. Ce sont des dispositions qui prévoient cependant l'emploi de l'allemand uniquement dans la province de Bolzano:

Article 100

1. Les citoyens de langue allemande de la province de Bolzano ont la faculté d'employer leur langue dans les rapports avec les organismes judiciaires et les services et bureaux de l’Administration publique situés dans la province ou ayant compétence régionale, ainsi qu’avec les fournisseurs de services d'intérêt public offerts dans ladite province.

Il en est ainsi du Décret du président de la République du 15 juillet 1988, n° 574, sur l'emploi de l'allemand et du ladin dans les communications entre les citoyens et l'administration publique. L'article 4 précise qu'il est obligatoire d'utiliser conjointement les langues italienne et allemande de la part des organismes, bureaux et fournisseurs de service public ainsi que pour les actes destinés à l'ensemble des citoyens, les actes individuels destinés à l'usage public et ceux destinés à la majorité des bureaux:

Article 4

Conformément au dernier paragraphe de l'article 100 du Décret du président de la République du 31 août 1972, n. 670, l'emploi conjoint des langues italienne et allemande de la part des organismes, bureaux et fournisseurs, prévu à l'article 1, est obligatoire pour les actes destinés à l'ensemble des citoyens, les actes individuels destinés à l'usage public et ceux destinés à la majorité des bureaux.

Article 7

Les organismes, bureaux et fournisseurs de services prévus à l'article 1, qui reçoivent des requêtes, questions, dénonciations ou déclarations, sont tenus de formuler les actes et dispositions, et d'effectuer les communications ou notifications prescrites dans la langue employée par le requérant, celui qui fait la dénonciation ou fait la déclaration là où se trouve le destinataire.

Si la requête, la question, la plainte ou la déclaration est formulée oralement et n'est pas enregistrée, la langue utilisée par le requérant doit être employée, sauf si la réponse est immédiate.

Ces dispositions ne valent que pour les germanophones et les italophones de la province de Bolzano. Cependant, l'article 32 du même DPR n° 574 offre cette possibilité aux ladinophones de la province, à la condition que ce soit dans les localités ladines:

Article 32

Les citoyens de langue ladine de la province de Bolzano ont la possibilité d'employer leur langue dans les communications orales et écrites avec les services de l'administration publique, à l'exclusion des Forces armées et des forces policières ainsi que des sites situés dans les localités ladines de la même province, avec les organismes locaux et les établissements scolaires desdites localité, avec les bureaux de la province qui exercent des fonctions exclusivement ou principalement auprès des populations ladinophones, même si les sites sont à l'extérieur des localités susdites, ainsi qu'avec les fournisseurs de services, conformément à l'article 2, qui œuvrent exclusivement dans les localités ladinophones.

Les administrations et les fournisseurs de services prévus au paragraphe précédent sont tenus de répondre par oral en ladin ou par écrit en italien et en allemand, puis par un texte en ladin.

Les actes publics provenant des administrations mentionnés au premier paragraphe sont rédigés en italien et en allemand, puis du texte en ladin.

Évidemment, dans les communications avec les bureaux de l'administration publique situés dans la province de Bolzano, le citoyen ladinophone peut employer l'italien ou l'allemand.

Conformément au Décret du président de la République du 26 juillet 1976, n° 752, les employés de l'Administration nationale, régionale et provinciale sont tenus de maîtriser l'italien et l'allemand, mais de façon limitée à certains contingents dans la province du Trentin:

Article 1er

La maîtrise de l'italien et de l'allemand, adaptée aux besoins de la bonne marche du service, constitue une qualification pour le recrutement structuré de toute façon et désigné pour des postes dans l'administration de l'État, y compris ceux faisant partie du système d'autonomie, et dans les organismes publics dans la province de Bolzano. [...]

Les mêmes qualifications s'appliquent au personnel des tribunaux, des organismes et des bureaux auprès du gouvernement régional établis dans la province du Trentin, de façon limitée à certains contingents, en accord avec les présidents du gouvernement régional du Trentin-Haut-Adige et de la Junte provinciale de Bolzano, selon la modalité nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du service également en allemand;

En vertu de l'article 17 du DPR n° 752, des mesures sont prévues aussi pour les Ladins habitant dans la province de Bolzano:

Article 17

[...]

Les membres du groupe ethnique ladin doivent être éventuellement employés dans des bureaux ou des services des localités ladines ou ayant juridiction pour ces localités.

Selon la législation en vigueur dans le Trentin-Haut-Adige, notamment l'article 32 ter du DPR du 26 juillet 1976, n° 752, c'est la représentation proportionnelle («ripartizione proporzionale» ) qui régit la répartition des employés dans la fonction publique dans la province de Bolzano. La maîtrise de l'italien et de l'allemand, adaptée aux besoins de la bonne marche du service constitue, une qualification incontournable pour le recrutement à des emplois dans l'administration de l'État, y compris ceux faisant partie du système d'autonomie, ainsi que dans les organismes publics de la Province autonome de Bolzano. De plus, selon le Décret du président de la République du 19 octobre 1977, n° 846, en matière de proportionnalité dans les bureaux de l'État situés dans la province de Bolzano, des examens sont prévus pour vérifier et attester la maîtrise de l'italien et de l'allemand dans les emplois publics; la réussite de l'examen sur la connaissance de l'italien et de l'allemand est une condition nécessaire pour accéder à des postes publics. Les membres du groupe ladin doivent être éventuellement employés dans des bureaux ou des services des localités ladines ou ayant juridiction pour ces localités. Par ailleurs, la Loi régionale du 20 novembre 1988, n° 26, prévoit des mesures de compensation au bilinguisme, c'est-à-dire des indemnités dans les transcriptions des actes et documents administratifs. Quant à la Loi régionale du 21 février 1991, n° 5, elle prévoit des mesures pour améliorer le service de traduction dans l'administration régionale et des dispositions en ce qui concerne le personnel des chambres de commerce, de l'industrie, de l'artisanat et de l'agriculture des provinces du Trentin et de Bolzano, ainsi que des règles pour l'usage du ladin de la part des employés dans les communes ladines de la province de Bolzano. Ajoutons aussi que certains décrets législatifs (Décret législatif du 16 décembre 1993, n° 592, Décret législatif du 4 avril 2006, n° 17, Décret législatif du 4 avril 2006, n° 177) imposent des mesures concernant les papiers d'identité dans les liocalités ladines des deux provinces.

Afin de favoriser la pleine maîtrise de l'italien, de l'allemand et du ladin, des cours de formation linguistique sont prévus pour les employés de l'administration de l'État et des organismes publics en service dans la province de Bolzano.

Dans le domaine de l'affichage public, l'italien et l'allemand  sont les deux langues employées sur les panneaux identifiant les édifices administratifs de la Région du Trentin-Haut-Adige, de même que ceux de la Province autonome de Bolzano. Dans la plupart des municipalités de cette province, le bilinguisme allemand-italien est de rigueur dans les bureaux des conseils municipaux, ainsi que sur les panneaux routiers identifiant le nom des villes et des divers lieux (toponymes). Dans les localités ladines, le trilinguisme est généralement pratiqué pour l'affichage public. En ce qui concerne l'affichage commercial dans la province de Bolzano, il se fait généralement dans l'une ou l'autre langue, rarement dans les deux à la fois, mais il est plus fréquent dans la ville de Bolzano/Bozen. Cette pratique est conforme à l'article 10 de la loi nationale du 15 décembre 1999, n° 482 :

Article 10

Dans les municipalités mentionnées à l'article 3, en plus des toponymes officiels, les conseils municipaux peuvent délibérer sur l'adoption de toponymes conformes aux traditions et aux usages locaux.

Il en est ainsi de l'article 9 du Décret du président de la République du 2 mai 2001, n° 345, portant sur les règles de protection des minorités linguistiques historiques:

Article 9

Toponymie

1)
L'application de l'article 10 de la loi est réglementée par les statuts et règlements des organismes locaux concernés.

2) Dans les cas prévus pour les signaux des affiches des localités dans la langue déclarée sous protection, les règlements du code de la route sont appliqués, avec la parité graphique dans les deux langues.

Le paragraphe 1 du même article précise bien que ce sont les administrations locales qui décident du bilinguisme dans l'affichage des panneaux routiers.

5.5 L'éducation et l'enseignement des langues

L'article 19 du Statut spécial pour le Trentin-Haut-Adige du 31 janvier 2001 prévoit que, dans la province de Bolzano, l'enseignement dans les écoles maternelles, primaires et secondaires est dispensé dans la langue maternelle italienne ou allemande des élèves par des enseignants pour lesquels cette langue est aussi la langue maternelle. Il en est ainsi pour l'enseignement du ladin dans les  localités ladines:

Article 19

1. Dans la province de Bolzano, l'enseignement dans les écoles maternelles, primaires et secondaires est dispensé dans la langue maternelle italienne ou allemande des élèves par des enseignants pour lesquels cette langue est aussi la langue maternelle. Dans les écoles primaires, à partir de la deuxième ou de la troisième classe, selon ce qui sera fixé par une loi provinciale à la suite d’une proposition qui engage le groupe linguistique intéressé, et dans les écoles secondaires, l'enseignement de la langue seconde est obligatoire et il est dispensé par des professeurs dont cette langue est la langue maternelle.

2. La langue ladine est employée dans les écoles maternelles et est enseignée dans les écoles primaires des localités ladines. Cette langue est aussi utilisée comme matière d'enseignement dans les écoles de tout ordre et degré de ces mêmes localités. Dans ces écoles l'enseignement est dispensé en italien et en allemand sur une base de parité d'horaires et d'examens.

Pour la province du Trentin, l'article 102.2 du Statut d'autonomie garantit l'enseignement de la langue et de la culture ladines ou allemandes dans les communes de la province du Trentin, là où est parlé le ladin, le mochène ou le cimbre

Article 102

2. Dans les écoles des communes de la province du Trentin, là où est parlé le ladin, le mochène ou le cimbre, l'enseignement de la langue et de la culture ladines ou allemandes est garanti.

Le cadre juridique qui régit les langues d'enseignement dans le Trentin-Haut-Adige prescrit que les trois groupes linguistiques ont le droit de posséder leur propre système d'enseignement. Il existe donc un système en italien, un en allemand et un autre en ladin, puisque les enfants ont le droit à l'enseignement dans leur langue maternelle. Dans les écoles germanophones, l'allemand sert de langue d'enseignement, alors que l'italien est introduit comme langue seconde langue à partir de la 2e année du primaire. Ce n'est donc pas le tyrolien du Sud, ni le mochène ni le cimbre qui sont enseignés, mais l'allemand standard. Dans les écoles italophones, la langue d'enseignement est l'italien, et l'allemand sert de langue seconde à partir de la 2e année du primaire. Dans les écoles ladinophones, l'enseignement est dispensé dans trois langues: en ladin, en italien et en allemand. Bien que la législation accorde le libre choix de la langue d'enseignement aux parents des enfants, ceux-ci fréquentent généralement des écoles dans la langue propre de leur groupe ethnique. L'allemand constitue aussi la principale langue d'enseignement dans les écoles techniques et professionnelles.

Le gouvernement italien a pris des mesures pour que les manuels des écoles germanophones, tant au primaire qu'au secondaire, soient conformes aux normes exigées en Autriche; d'ailleurs, les manuels sont produits soit au Trentin-Haut-Adige soit en Autriche.  La totalité des manuels de classe dans les écoles germanophones sont disponibles en allemand, mais au secondaire certains manuels ne peuvent être offerts qu'en italien.

Pour ce qui est des enseignants, ceux-ci sont recrutés parmi les locuteurs des trois langues reconnues dans la Région, afin d'assurer un niveau de bilinguisme adéquat. Des examens sont prévus à cet égard afin de vérifier et attester la connaissance d'au moins deux langues, dont celle constituant la langue d'enseignement. Pour l'allemand, plusieurs cours de formation de base supplémentaire sont offerts par le Pädagogisches Landesinstitut für die Schule mit deutscher Unterrichtssprache (Institut pédagogique national pour les écoles de langue allemande). Dans les postes de direction et les postes administratifs dans les écoles du Trentin-Haut-Adige, des quotas sont réservés pour les représentants des trois groupes linguistiques. L'article 47 du Décret du président de la République du 31 mai 1974, n° 417, prescrit les concours pour  accéder à des postes du personnel enseignant dans les écoles primaires, les instituts et les écoles secondaires, les instituts et lycées artistiques avec l'allemand comme langue d'enseignement dans les écoles primaires, secondaires et artistiques des localités ladines de la province de Bolzano

Article 47

Recrutement du personnel enseignant

Pour accéder à des postes du personnel enseignant dans les écoles primaires, les instituts et les écoles secondaires, les instituts et lycées artistiques avec l'allemand comme langue d'enseignement dans les écoles primaires, secondaires et artistiques des localités ladines de la province de Bolzano, des concours spéciaux sont organisés pour les qualifications et les examens en conformité avec le présent décret.

À ces concours sont autorisés les citoyens italiens dont la langue maternelle est l'allemand et, de façon limitée aux écoles des localités ladines, les citoyens des groupes linguistiques prévus au Décret du président de la République du 20 janvier 1973, n° 116.

Dans l'enseignement supérieur, il existe un seul établissement de niveau universitaire : la Theologisch-Philosophische Hochschule (Université de théologie et de philosophie) située à Brixen/Bressanone, dans la province de Bolzano, juste au nord de la ville de Bolzano. Dans cet établissement bilingue, les cours sont dispensés en allemand et en italien, en plus des cours de langue et de culture ladines offerts comme matières supplémentaires. Les diplômes qui y sont décernés sont reconnus aussi bien en Autriche qu'en Italie (cf. Décret législatif du 14 mai 2010, n° 86, sur l'équivalence des certificats d'aptitude en italien et en allemand). 

5.6 Les médias

La législation italienne autorise l'emploi des langues des minorités nationales dans les médias électroniques, la législation demeurant muette sur la presse écrite. L'article 8.4 du Statut d'autonomie mentionne que la province a compétence législative pour «les manifestations et activités artistiques, culturelles et éducatives locales, et aussi, pour la province de Bolzano, avec les moyens de la radiotélévision». 

- La protection juridique

L'article 19 de la Loi du 14 avril 1975, n° 103 (modifiée en 2000), en matière de diffusion radiophonique et télévisée, énonce que la société de diffusion est tenue de préparer des émissions de radio et de télévision en allemand et en ladin dans la province de Bolzano, en français pour la région autonome du Val-d'Aoste et en slovène pour la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne:

Article 19

La société de diffusion, en plus de la gestion des services de la concession, est tenue par les services suivants:

c) préparer des émissions de radio et de télévision en allemand et en ladin dans la province de Bolzano, en français pour la région autonome du Val-d'Aoste et en slovène pour la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne.

La Loi du 3 mai 2004, n° 112, en matière d'organisation du système de radiotélévision et de la RAI, énonce les principes généraux en matière de diffusion radiotélévisée en encourageant les cultures régionales ou locales dans le cadre de l'unité politique, culturelle et linguistique de l'État italien :
 

Article 7

Principes généraux en matière de diffusion radiotélévisée dans le secteur local

1) La diffusion radiotélévisée dans le secteur local valorise et encourage les cultures régionales ou locales dans le cadre de l'unité politique, culturelle et linguistique de l'État. Les règles concernant la protection des minorités linguistiques reconnues par la présente loi s'appliquent.

L'article 17 de la même loi (n° 112) garantit la diffusion de transmissions radiophoniques et télévisées en allemand et en ladin pour la province autonome de Bolzano, en ladin dans le cas de la province autonome du Trentin, en français pour la région autonome de la Vallée d'Aoste et en slovène pour la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne:

Article 17

2) Le service public général de radiotélévision, conformément au paragraphe 4 de l'article 6, garantit de toute façon:

f) La diffusion de transmissions radiophoniques et télévisées en allemand et en ladin pour la Province autonome de Bolzano, en ladin dans le cas de la Province autonome du Trentin, en français pour la région autonome du Val-d'Aoste et en slovène pour la région autonome du Frioul-Vénétie Julienne;

- La radio

Dans la presse électronique, il existe des stations locales de la RAI («Radio Audiovisione Italiana»): la RAI-Sede di Bolzano, la Rai-Sender Bozen et la RAI-Radio TV Ladina. La RAI-Sede di Bolzano transmet en italien les nouvelles de l'actualité sur la fréquence de Radio 1 et des émissions récréatives et culturelles sur celle de Radio 2. Les programmes régionaux, entre 6 h et 22 h, sont transmis alternativement un jour à partir de Bolzano, le jour suivant à partir du Trentin. Quant à la Rai-Sender Bozen, elle émet en allemand sur tout le territoire du Trentin-Haut-Adige à partir de Bolzano, entre 6 h et 22 h.  Mais la station Sender Bozen diffuse également en italien des bulletins de nouvelles (14 h 05 et 15 h 30), ainsi que des émissions d'information en ladin (13 h 30 à 14h05 et 19 h à 19 h 30).  Pour ce qui est de la RAI-Radio TV Ladina, il s'agit d'une station publique de radio et de télévision, qui émet en ladin, entre 13 h 30 et 19 h, dans les deux provinces du Trentin-Haut-Adige (Bolzano et Trento), ainsi que dans les localités ladines de la province voisine de Belluno (Vénétie). Tous les jours, les stations de radio autrichiennes ORF 1 et ORF 2 (Österreichischer Rundfunk) diffusent entièrement en allemand. La radio nationale italienne, la RAI, diffuse entièrement en italien. Mentionnons aussi la Radiotelevisione Azienda Speciale per la Provincia autonoma di Bolzano (fr.: Agence spéciale de radiotélévision pour la Province autonome de Bolzano; all.: Rundfunkanstalt Südtirol;  ladin: Radiotelevijion-Azienda per Südtirol), une société de radiodiffusion de service public, qui a la responsabilité de la diffusion de programmes de radio et de télévision en  allemand et en ladin sur le territoire de la province de Bolzano. Pour le ladin, il faut aussi souligner la présence de Radio Rumantsch, captée uniquement dans la province de Bolzano, qui provient du canton des Grisons (Suisse) et diffuse en romanche, une variété rhéto-romane  (voir la structure arborescente et la carte linguistique) aisément compréhensible par les Ladins d'Italie.

Du côté des radios privées, il existe une grande quantités d'émetteurs tant en italien qu'en allemand. La plupart des stations privées germanophones proviennent d'Autriche: Radio Wien, Radio Niederösterreich, Radio Oberösterreich, Radio Burgenland, Radio Salzburg, Radio Steiermark, Radio Tirol, Radio Vorarlberg, Radio Kärnten, etc. Il y en a aussi plusieurs en ladin, dont la plus connue, Radio Gherdëina, émet quatre heures/semaine en ladin. Le taux de transmission de la station atteint plus de 70% des Ladins, ce qui en fait le diffuseur le plus populaire auprès de ces derniers.

- La télé

En ce qui a trait à la télévision publique, les chaînes RAI 1, RAI 2 et RAI 3 diffusent uniquement en italien. Mais la RAI Sender Bozen diffuse des émissions en allemand dans trois éditions quotidiennes d'informations: 14 h, 19 h 30 et 22 h 45. La télévision privée, telle RETE 4 et CANALE 5, diffusent en italien. Cependant, il est possible de recevoir des chaînes germanophones par satellite et il existe aujourd'hui une station d'émission officielle pour les programmes de télévision ORF 1, ORF 2, ZDF et SRG. La chaîne italienne RAI-TV Ladina émet en ladin quatre minutes et demie par jour à 19 h 55 et trente minutes toutes les trois semaines, le reste des émissions étant en italien et en allemand. La chaîne suisse SRG émet aussi en romanche des Grisons. En somme, les services de télévision pour les minorités du Trentin-Haut-Adige sont relativement limitées.

- La presse écrite

L'Alto Adige est le plus grand quotidien en langue italienne du Haut-Adige. Il compte des nouvelles locales, nationales et internationales. Les villes de Bolzano, Trento et Belluno bénéficient d'éditions distinctes pour les nouvelles locales. Pour la minorité ladine,  l'Alto Adige publie chaque semaine une page en ladin, principalement en ladin des Dolomites, mais aussi en romanche et en frioulan (les langues rhéto-romanes). Depuis quelque temps, les minorités mochènes et cimbres de la province du Trentin ont obtenu une page deux fois par mois dans l'édition du vendredi. Cette page est publiée dans trois éditions, dont celle de la minorité ladine: celle de la minorité mochène s'appelle « Liaba lait» («Cher Peuple»), celle de la minorité cimbre, «Lusern Saito» («La page de Luserna»).  Les germanophones bénéficient d'un quotidien tiré à 40 000 exemplaires, le Dolomiten (sous-titré en Tagblatt der Südtirol: «Journal des Tyroliens du Sud»), ainsi que de plusieurs hebdomadaires et magazines: Südtirol Profil, Südtirol Tageszeitung, Zett, Katholische Sonnagsblatt («Journal catholique du dimanche»), Südtiroler Wirtschafttszeitung («Journal économique du Tyrol du Sud»), etc.

Les italophones disposent d’un hebdomadaire (Il Segno), d’un bimensuel (Do Puschtra) et d’un mensuel (Pustrissa). Quant aux Ladins, ils possèdent leur propre hebdomadaire (La Usc di Ladins). Il existe aussi des périodiques bilingues allemands-italiens (Erker, Brixner, Vinschger, etc.).

Pour l'ensemble des germanophones du Trentin-Haut-Adige, un quotidien, le Dolomiten, tiré à 40 000 exemplaires, paraît entièrement en allemand. En outre, plusieurs journaux des pays germanophones voisins (Autriche, Suisse et Allemagne) sont disponibles dans la région et bénéficient comme les autres journaux produits en Italie d'une aide financière.

Le cas des minorités linguistiques du Trentin-Haut-Adige est particulier: les germanophones de la Province autonome de Bolzano sont majoritaires, mais ils sont minoritaires dans la Province autonome du Trentin. Si le statut des langues est nettement avantageux pour les germanophones de Bolzano, il l'est moins pour la province du Trentin. Cependant, les lois nationales ont permis l'élargissement des droits linguistiques des trois principales communautés: les italophones, les germanophones et les ladinophones. Toutes ces communautés peuvent bénéficier de droits à peu près équivalents dans les services publics nationaux, régionaux, provinciaux et municipaux, la justice et les écoles. Mais ce sont les provinces, et non la Région, qui ont en fait sorte que les minorités nationales ont pu obtenir des droits relativement égaux.

Puisque cette page était consacrée à la Région du Trentin-Haut-Adige, elle ne contenait que peu d'informations sur la législation des provinces. En Italie, la législation nationale prévaut sur toutes les autres législations.  En matière de langue, elle se contente de proposer les principes et les objectifs, mais ce sont les autorités locales, régionales, provinciales et municipales, qui doivent appliquer ou non cette législation. Dans le Trentin-Haut-Adige, le Conseil régional a délégué ses pouvoirs aux provinces, avec le résultat que ce sont elles qui décident des droits à accorder. C'est pourquoi seule la province de Bolzano a, dans un premier temps, adopter des mesures pour protéger ses minorités germanophones et ladines, puis, plus tard, la province du Trentin a fait de même. Durant quelques décennies, les germanophones et les Ladins de la province du Trentin n'ont bénéficié que de droits linguistiques très réduits pour ne pas dire nuls, alors que les Ladins de la province de Bolzano recevaient une protection presque acceptable et que les germanophones détenaient une protection presque remarquable, parce qu'elle avait été imposés par un traité international. Pour plus de précision, il faut consulter les pages portant spécifiquement sur la Province autonome de Bolzano et la Province autonome du Trentin.

Quoi qu’il en soit, pour les germanophones du Trentin-Haut-Adige, l’autonomie obtenue restera toujours fragile, un retour en arrière demeurant encore possible, et ce, malgré toutes les dispositions constitutionnelles et législatives de la République italienne. Ils savent que le pouvoir centralisateur de Rome peut toujours mettre en péril leur statut chèrement acquis, surtout si l’extrême-droite politique effectuait une remontée.... Pour les groupes minoritaires en Italie, rien n’est définitif, il leur faut rester vigilants. Par ailleurs, des tensions perdurent entre les communautés linguistiques. Périodiquement, des groupes germanophones relancent la question de l’autodétermination. Quant aux Ladins, ils demandent la création d’une «nouvelle province autonome», dans laquelle seraient regroupés les 36 000 Ladins qui vivent actuellement dans les provinces de Bolzano, du Trentin et de Belluno (Vénétie). Le mouvement Autonomia Ladina Dolomites réclame que la Ladina devienne la troisième province de la Région du Trentin Haut-Adige.

Dernière mise à jour: 18 févr. 2024

Bibliographie

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CARROZZA, Paolo. «Situation juridique des minorités en Italie» dans Les minorités en Europe, Paris, Éditions Kimé, 1992, p. 215-232. 

EUROMOSAÏC. Le ladin en Italie, Barcelone, Research Centre of Multilingualism , sans date, 
[http://www.uoc.es/euromosaic/web/document/ladin/fr/i1/i1.html]

HÉRAUD, Guy. «Le statut des langues dans les différents États et en particulier en Europe» dans International Journal of the Sociology of Language, n° 43, Mouton Publishers, Amsterdam (Pays-Bas), 1980, p. 195-223. 

LECLERC, Jacques. Langue et société, Laval, Mondia Éditeur, coll. "Synthèse", 1992, 708 p. 

LECLERC, Jacques. Recueil des législations linguistiques dans le monde, tome IV: «La principauté d'Andorre, l'Espagne et l'Italie», Québec, Les Presses de l'Université Laval, CIRAL, 1994, 182 p. 

PIZZORUSSO, Alessandro. «The Protection of Linguistic Minorities in Italy» dans Langue et droit / Language and Law, Actes du Premier Congrès de l'Institut international de droit linguistique appliqué, 27-28 avril 1988, Montréal, Wilson & Lafleur, 1989, p. 387-398.



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