3 Données historiques
L'État de l'Uttarakhand a fait partie de l'Uttar
Pradesh jusqu'au 9 novembre 2000. Son histoire est donc identique à celle de l'Uttar
Pradesh. Dans l'Antiquité, l'Uttar Pradesh était connu comme le
Madhya Desh. Étant situé sur la route des envahisseurs du Nord-Ouest et faisant
partie de la riche plaine fertile entre Delhi et Patna, l'Uttar Pradesh a connu
une histoire étroitement liée à celle de l'Inde du Nord. La plupart des
envahisseurs du nord de l'Inde ont passé par les plaines du Gange de ce qui est
maintenant appelé l'Uttar Pradesh. Le contrôle de cette région devint vital pour
le pouvoir et la stabilité de tous les empires majeurs de l'Inde.
3.1
L'arrivée des Indo-Aryens
La
première civilisation importante se constitua aux environs de 2500 avant notre
ère le long de la vallée de l'Indus (actuellement le Pakistan); cette
civilisation subit les invasions des Indo-Aryens, lesquels implantèrent
l'hindouisme, ainsi que leur culture et les structures sociales (dont les
castes) encore en vigueur aujourd'hui. Les Indo-Aryens sont également à
l'origine des langues parlées dans tout le nord de l'Inde (hindi, panjabi,
marathi, etc.), langues que l'on classe aujourd'hui comme les langues du
groupe indo-iranien (sous-groupe
indien ou aryen) appartenant à la famille
indo-européenne.
Au cours des siècles suivants, soit de 1500 à 200 avant
notre ère, les Indo-Aryens prirent le contrôle de tout le nord de l'Inde en
expulsant les Dravidiens plus au sud du sous-continent. On en constate
aujourd'hui les conséquences linguistiques de cette répartition territoriale:
les langues indo-aryennes (ou
indo-iraniennes) occupent le Nord, alors que les
langues dravidiennes sont confinées au
sud de l'Inde (voir la carte
linguistique). C'est durant cette période que les Vedas (écritures
sacrées hindoues) furent écrites et que le système de castes fut définitivement
établi pour assurer le statut de Brahman (prêtres issus de la 1re
civilisation). Vers 500, le bouddhisme et le jaïnisme firent leur apparition
dans le pays.
3.2 Les Moghols musulmans
À partir de 1206, c'est-à-dire
à la création du sultanat de Delhi, les musulmans accrurent leur influence qui
allait durer plusieurs siècles, et ce, sans jamais être absorbés par
l'hindouisme. De grands empires musulmans se succédèrent jusqu'en 1300. Ceux-ci
n'affectèrent pas la région de façon permanente, mais en 1336 un royaume
musulman s'établit simultanément à l'établissement d'un royaume hindou. De
nombreux petits royaumes firent leur apparition et certains disparurent jusqu'à
l'arrivée des Moghols.
À l'époque de l'Empire moghol, l'Uttar Pradesh devint le centre du vaste empire
de l'Hindoustan, nom que l'on utilise encore de nos jours pour désigner l'Inde.
Les empereurs moghols Bâbur et Humâyûn gouvernaient à partir de Delhi.
|
En 1517, la mort du sultan de Delhi modifia les rapports de force au
sein de la noblesse et fragilisa la dynastie des Lodi, une dynastie
musulmane sunnite d'origine afghane qui régnait sur le sultanat de
Delhi depuis 1451. Le prince moghol Bâbur (1483-1530), descendant de
Tamerlan et déjà maître de l'Afghanistan, profita de ce contexte
favorable pour vaincre les Lodi, en avril 1526, à la bataille de
Panipat, ce qui inaugurait la domination moghole sur le nord de
l'Inde. Lorsque Bâbur fonda son empire, il mit davantage
l'accent sur son héritage turco-mongol que sur sa religion
musulmane. Il passa le reste de sa vie à organiser son nouvel empire
et à embellir Agra, sa capitale. Il créa aussi une nouvelle monnaie
: la roupie, qui est encore utilisée en Inde, ainsi qu'au Pakistan,
au Népal, au Sri Lanka, etc. À la mort de Bâbur, son fils aîné,
Humâyûn (1508-1556), lui succéda.
En 1556, Jalâluddin Muhammad Akbar succéda à
son père Humâyûn à la tête d'un royaume musulman au nord de l'Inde
que ce dernier avait regagné à la fin de sa vie, une fois revenu de
son exil de Perse. Akbar agrandit son royaume dès 1561 autour de
Delhi. À partir de ce moment, il commença à régner en maître
incontesté sur tout le nord de l'Inde. Il conquit le Gujarat en
1573, puis le Bengale en 1576, le Sind en 1590, l'Orissa en 1592, le
Baloutchistan (Pakistan) en 1594. Par la suite, il hérita du
Cachemire et du royaume de Kaboul (Afghanistan). À son décès en
1685, l'empire d'Akbar s'étendait dans tout le nord de cette grande
région, de Kaboul à Dacca, ce qui comprendrait aujourd'hui une
partie de l'Afghanistan, le Pakistan, le nord de l'Inde (y inclus le
Népal) et le Bangladesh. |
Du fait que les Moghols contrôlaient un
empire musulman, c'est le
persan
qui servit de langue administrative en employant
l'alphabet arabo-persan. C'est Akbar qui fit traduire les classiques hindous
en langue persane, qui organisa des discussions théologiques entre
chrétiens, hindous, sunnites, chiites, zoroastriens et sikhs, et qui
supprime la jizyia, une taxe prélevée sur les non-musulmans, rendant
ainsi égaux devant l'impôt tous les sujets de son empire.
C'est sous le règne de son fils, Jahângîr
(1569-1627), que l'Empire moghol devint la plus grande puissance du monde de
son temps, sans pour autant être tenté de partir à la conquête de
l'Occident. Son successeur, Aurangzeb (1618-1707) fut un musulman orthodoxe,
adepte des interprétations les plus conservatrices du Coran. Il interdit
même l'hindouisme, ce qui allait entraîner la création d'un empire rival,
l'Empire marathe, de confession hindouiste, entre la vallée du Gange et
l'Inde centrale.
3.3 Les Indes britanniques
Lors de la seconde moitié du XVIIIe siècle, une série de
batailles donna le contrôle de la province du Nord (Uttar Pradesh) à la
Compagnie britannique des Indes orientales. Après la guerre
anglo-indienne avec les guerres afghanes (1839-1842 et 1878-1880), les guerres
sikh (1845-49) et la révolte des Cipayes (1857-1858), l'Inde resta sous la
tutelle des Britanniques en 1858; le gouverneur général de l'Inde devint
vice-roi. Les Britanniques rattachèrent les terres situées entre le Gange et la
Yamuna, la région de Delhi, ainsi que des parties du Bundelkhand et du Braj à
un territoire qu'ils appelèrent «les provinces du Nord-Ouest» ("the North-Western Provinces"). La
langue anglaise fut imposée comme langue
administrative, ce qui permit aux colons britanniques de maintenir une certaine
supériorité par rapport aux peuples colonisés. Par la suite, les fonctionnaires
britanniques œuvrant dans la région (devenue le Panjab) préparèrent une
politique en éducation pour l'enseignement des langues. Comme l'ourdou était
déjà employé dans le nord-ouest de l'Inde, il a semblé préférable de perpétuer
ce système au lieu de l'anglais. Néanmoins, les «autochtones» qui étaient
employés dans l'administration durent savoir l'anglais. Le département de
l'Instruction publique, créé en 1855, a conservé le persan comme langue des
registres et de l'administration; plus tard, le persan fut remplacé par l'ourdou
qui est devenu la langue d'enseignement pour les garçons, la langue de
l'administration et celle de la justice aux niveaux inférieurs.
Mais le mécontentement dû à l'administration britannique engendra une grande
rébellion à travers la province; elle allait devenir le point de départ de la
révolte des Cipayes. Après que les Britanniques eurent maté la rébellion,
ceux-ci tentèrent de diviser les régions révolutionnaires en redécoupant les
territoires. En 1902, les Britanniques créèrent les «Provinces unies d'Agra et
d'Oudh» ("United Provinces of Agra and Oudh"); le nom officiel a été raccourci
par la Government of India Act of 1935 en «Provinces-Unies» ("United
Provinces"); cette province correspondait approximativement aux États indiens de
l'Uttar Pradesh et de l'Uttarakhand.
3.4 L'indépendance de
l'Inde et l'Uttar Pradesh
|
Le 15 août 1947, l'Inde obtint son
indépendance et Nehru devint premier ministre. Mais le
pays fut aussitôt séparé en deux entités religieuses opposées: une Inde qui se
prétendait hindoue (bien que la Constitution déclarait le pays "secular"
dans le préambule) et un Pakistan qui se voulait résolument musulman,
alors que des hindous sont restés au Pakistan et des musulmans
en Ide. Deux ans après l'indépendance, le 12 janvier 1950, la région obtint le
nom actuel de l'Uttar Pradesh et devint un État de la république de l'Inde, ce
qui incluait alors l'Uttaranchal (Uttarakhand). En fait, cet
État résultait de la fusion de la région avec
l'État princier de Tehri Garhwal et de la province de Kumaon, ce
qui correspond aujourd'hui aux «divisions» de Garhwal et de
Kumaon.
L'année suivante, l'État de l'Uttar Pradesh adoptait la
Loi sur la langue officielle qui rendait l'hindi la seule langue officielle.
L'Uttar Pradesh fut appelé le "Hindi heartland of India",
c'est-à-dire le «cœur de l'hindi indien».
En 1989,
l'Assemblée législative modifiait la
Loi sur la langue officielle (modification) pour accorder à l'ourdou le
statut de
«seconde langue
officielle» à toutes les fins de l'État. Cette
nouvelle disposition n'était pas limitée à quelques quartiers spécifiés, car elle
s'appliquait à l'ensemble de l'État de l'Uttar Pradesh.
Dès 1979, des
mouvements autonomistes firent leur apparition afin
de détacher le Garhwal et le Kumaon de l'Uttar
Pradesh. Les autonomistes faisaient valoir les
caractéristiques distinctes de leur région
en invoquant
la géographie, la culture, les langues et les
traditions, ce qui allait contribuer à créer
une nouvelle identité, alors que celle-ci allait
devenir politique en 1994 par la demande d'un État
distinct; ce sera l'Uttaranchal qui deviendra l'Uttarakhand.
|
En novembre 2000, la loi
fédérale, l'Uttar
Pradesh Reorganisation Act 2000
(Loi sur la réorganisation de l'Uttar Pradesh de 2000),
créait le nouvel État de l'Uttaranchal et l'Uttar Pradesh
dut se départir de 13 districts de cette région:
Section 3.
Formation of Uttaranchal
State.
On and from the appointed day,
there shall be formed a new State to be known as
the State of Uttaranchal comprising the
following territories of the existing State of
Uttar Pradesh, namely:
Pauri Garhwal, Tehri Garhwal,
Uttar Kashi, Chamoli, Dehradun, Nainital, Almora,
Pithoragarh, Udham Singh Nagar, Bageshwar,
Champawat, Rudraprayag and Hardwar districts,
and thereupon the said territories shall cease
to form part of the existing State of Uttar
Pradesh.
Section 4.
State of Uttar Pradesh and
territorial divisions thereof.
On and from the appointed day,
the State of Uttar Pradesh shall comprise the
territories of the existing State of Uttar
Pradesh other than those specified in Section 3.
Section 6.
Saving powers of State
Governments.
Nothing in the foregoing
provisions of this Part shall be deemed to
affect the power of the Government of Uttar
Pradesh or Uttaranchal to alter, after the
appointed day, the name, area, or
boundaries of any district or other territorial
division in the State. |
Article 3
Création
de l'État d'Uttaranchal
À la date prévue,
un nouvel État est créé et connu comme l'État
d'Uttaranchal comprenant les territoires
suivants de l'État actuel de l'Uttar Pradesh,
c'est-à-dire:
Les districts de
Pauri Garhwal, Tehri Garhwal, Uttar Kashi,
Chamoli, Dehradun, Nainital, Almora, Pithoragarh,
Udham Singh Nagar, Bageshwar, Champawat,
Rudraprayag ainsi que Hardwar et, par
conséquent, lesdits territoires cessent de faire
partie de l'État actuel de l'Uttar Pradesh.
Article
4
État de l'Uttar
Pradesh et divisions territoriales en découlant
À la date prévue,
l'État de l'Uttar Pradesh comprend les
territoires de l'État actuel de l'Uttar Pradesh
autres que ceux mentionnés à l'article 3.
Article 6
Préservation des
pouvoirs des gouvernements des États
Rien dans les
dispositions précédentes de la présente partie
ne peut porter atteinte au pouvoir du
gouvernement de l'Uttar Pradesh ou de
l'Uttaranchal pour modifier, après la date
prévue, le nom, la région ou les frontières d'un
district ou de toute autre division territoriale
de l'État. |
Le 9 novembre 2000, l'Uttaranchal est devenu le 27e
État de
la république de l'Inde. Lors de sa création, l'appellation
de «Uttaranchal» devait être provisoire de même que le choix
de la capitale à
Dehradun.
Le village de Gairsen a été évoqué comme la future capitale
en raison de sa centralité géographique, mais les
controverses et le manque de ressources ont conduit Dehradun
à demeurer la «capitale provisoire».
En 2006, la
Loi sur le
changement de nom de l'Uttaranchal changeait le nom de
l'État pour l'Uttarakhand, sur la base de la mythologie et
de l'histoire.
En 2009, l'Uttarakhand adoptait à son tour la
Loi sur la langue officielle
(2009) qui rendait l'hindi la langue officielle de l'État,
et le sanskrit, la seconde langue officielle.
4 La politique linguistique
La politique linguistique de l'État de l'Uttarakhand ne porte
que sur l'hindi, le sanskrit et l'anglais.
4.1 Le statut des langues
La
Loi sur la langue officielle
de 2009 ne mentionne que deux langues : l'hindi et le sanskrit.
L'article 2 énonce que l'hindi est la langue d'usage pour les fins
officielles de l'État, en totalité ou en partie:
Article 2
L'hindi comme langue officielle de l'État
Sans préjudice des dispositions des
articles 346 et 347 de la Constitution,
l'hindi avec l'alphabet devanagari doit être la langue d'usage
à l'égard de ce qui suit:
(a)
(1) Les ordonnances promulgués en vertu de l'article 213 de la Constitution;
(2) Les décrets, les avis, les règles, les règlements et les lois émises par
le gouvernement de l'État en vertu de la Constitution de l'Inde ou
en vertu d'une loi promulguée par le Parlement ou la Législature de
l'État; et
(b) En totalité ou en partie des fins officielles de l'État:
Sous réserve
que le gouvernement de l'État puisse, par ordonnance générale ou
spéciale à cet effet, permettre l'usage de la forme
internationale des chiffres indiens à des fins officielles de
l'État.
|
En Inde, les lois linguistiques des États témoignent
toujours d'une certaine ambiguïté au sujet de l'expression «fins
officielles de l'État» (angl.: "official purpose of the State"). On peut
toujours se demander, par exemple, si ces dites fins comprennent les
services auprès de la population, les tribunaux et les organismes
judiciaires, les établissements d'enseignement, la signalisation
routière, l'affichage public, etc. Nous savons seulement que la loi
inclut formellement les textes de loi, les règlements, les ordonnances,
les décrets, les avis, etc.
- L'hindi
L'hindi est la langue universelle dans
l'État de l'Uttarakhand. Tous les
Uttarakhandis parlent cette langue,
que ce soit comme langue maternelle ou comme langue seconde.
C'est la langue qu'utilise généralement l'état et c'est la
langue qui est enseignée dans toutes les écoles primaires
publiques.
- Le sanskrit
L'article 3 de la
Loi sur la langue officielle
de 2009 énonce que, «dans
l'intérêt des locuteurs du
sanskrit, la langue sanskrite doit être utilisée comme
seconde langue officielle»:
Article 3
Emploi du sanskrit
Dans l'intérêt des locuteurs du sanskrit, la langue sanskrite doit être
utilisée comme seconde langue officielle aux fins qui peuvent être
communiquées, le cas échéant, par le gouvernement de l'État.
|
Quand on sait qu'il n'existe qu'environ 450 locuteurs du sanskrit,
comme langue seconde, dans l'État, on ne peut que s'interroger sur la
pertinence d'accorder à cette langue un statut de «seconde langue
officielle». Cette déclaration ne peut qu'avoir une valeur hautement
symbolique. Certains membres du gouvernement croyaient que la promotion
du sanskrit allait préserver la culture des
Uttarakhandis.
C'est comme si la France déclarait que le latin serait la
seconde langue officielle de la République française! La
France deviendrait, dans le monde occidental, la risée
générale. Le mouvement qui a réussi à faire du sanskrit la
seconde langue officielle est perçu ailleurs en Inde comme
anachronique, car il s'agit davantage d'une tentative de
fétichisation régressive. D'ailleurs, l'Uttarakhand est le
seul État indien à avoir agi ainsi.
- L'anglais
|
Contrairement à la plupart des États indiens, on
ne trouve pas de mention concernant la langue
anglaise dans la législation de l'Uttarakhand.
En principe, l'anglais ne devrait pas servir aux
fins officielles de l'État, car il n'a aucun
statut reconnu (de jure), mais dans la pratique
(de facto) l'anglais est très
présent en Uttarakhand. Les lois et les
règlements ne sont pas tous traduits en anglais,
mais c'est la langue de la Haute Cour de justice
de l'État et celle de nombreux ministères,
départements ou services, dont celui de la
police. L'anglais est également une langue
d'enseignement obligatoire au primaire, sans
oublier son omniprésence dans la publicité
commerciale. |
4.2 Le changement
de nom
En 2006, l'État a adopté la
Loi sur le changement de nom
de l'Uttaranchal (2006):
Article 3
Modification du nom de l'État de Uttaranchal
À partir du jour fixé,
l'État d'Uttaranchal doit être désigné comme l'État de l'Uttarakhand. |
On a invoqué des raisons historiques. Le mot
Uttarakhand serait un dérivé du sanskrit uttara
signifiant «nord» et khanda signifiant «terre»,
c'est-à-dire «terre du Nord. Cette appellation trouve son
origine dans les écritures anciennes hindoues avec une
combinaison de «Kedarkhand» (aujourd'hui le Garhwal) et «Manaskhand»
(aujourd'hui le Kumaon). La région de lUttarakhand a
toujours été un endroit où s'est nourrie la langue sanskrite
; elle a évolué dans les villes religieuses comme Haridwar
et Rishikesh. Voilà pourquoi le gouvernement a donné au
sanskrit le statut de seconde langue officielle de l'État.
En fait, l'Uttarakhand demeure le seul État indien à avoir
accordé ce statut au sanskrit.
4.3 Les langues de l'État
|
L'hindi demeure la seule langue
de l'État avec l'anglais. Les lois, règlements
et autres actes normatifs sont conçus en hindi
et parfois traduits en anglais mais pas
toujours; ils ne sont jamais traduits dans des
langues minoritaires. En matière de justice,
l'hindi est la seule langue employée, sauf à la
Haute Cour de l'État où l'anglais est de mise.
Dans les tribunaux de première instance, les membres des minorités peuvent s'exprimer
dans leur langue maternelle par le biais de la
traduction, comme on le ferait pour un
ressortissant étranger parlant une langue
étrangère.
L'hindi demeure aussi la seule
langue employée dans l'administration de l'État
avec l'anglais. Il ne semble pas y avoir de
procédure pour les membres des minorités de
s'exprimer dans leur langue, y compris dans les
districts ou les municipalités où ils forment au
moins 15 % de la population.
Bien que de nombreuses affiches
publiques soient en hindi, beaucoup d'autres ont
des inscriptions uniquement en anglais,
notamment en matière d'éducation. Le logo
officiel du gouvernement de l'Uttarakhand (cf.
en haut au centre) apparaît normalement
seulement en hindi, mais certaines affiches ont
comme inscription "Gvt. of Uttarakhand" au lieu
de la formule équivalente en hindi.
|
4.4 Les minorités
linguistiques
Dans l'État de l'Uttarakhand, les minorités
linguistiques forment à peine plus de 12 % de la population,
les plus importantes étant celles parlant l'ourdou, le
panjabi, le bengali et le népalais, si l'on exclut les
locuteurs du garhwali et du kumaoni, pourtant majoritaires
dans l'État. Ce n'est peut-être pas sans raison que l'État a
adopté en 2002 la
Loi sur la Commission des
minorités, dont les fonctions de ladite commission sont les
suivantes:
Article 9
Fonctions de la Commission
1) La Commission exerce en
totalité ou en partie
des fonctions suivantes, c'est-à-dire:
(a) évaluer les progrès dans
l'évolution des minorités dans l'Uttaranchal;
(b) surveiller le fonctionnement des
garanties à l'égard des minorités prévues dans la Constitution
et dans les lois adoptées par la Législature de l'État;
(c) faire recommandations pour la
mise en œuvre effective par le gouvernement des garanties
concernant la protection des
intérêts des minorités;
(d) examiner les plaintes
spécifiques concernant la privation de ses droits et
garanties des minorités et de retenir ces questions avec les
autorités compétentes;
(e) entreprendre des études au
sujet des problèmes découlant de toute discrimination à
l'égard des minorités et recommander des mesures pour les
éliminer;
(f) entreprendre des études, des
recherches et des analyses sur les questions relatives au
développement socio-économique et éducatif des minorités;
(g) proposer des mesures appropriées
qui doivent être prises par le gouvernement à
l'égard d'une minorité;
(h)
rédiger des rapports périodiques ou particuliers au gouvernement
sur toute question relative aux minorités et, entre autres, sur
les
difficultés qu'elles éprouvent; et
(i) toute autre question qui peut être
soumises par le gouvernement.
2) Le gouvernement doit veiller à ce que les
recommandations visées à l'alinéa c) du paragraphe 1) soient
déposées devant la Législature de l'État ainsi qu'une note de
service expliquant les mesures prises ou proposées concernant
ces recommandations et le motif de leur refus de l'une de
celles-ci.
3) La Commission doit, tout
en exerçant l'une des fonctions mentionnées aux alinéas a), b)
et d) du paragraphe 1, possède tous les pouvoirs d'un tribunal
civil et en particulier en ce qui concerne les questions
suivantes, c'est-à-dire:
(a) convoquer et imposer la
présence d'une personne et l'interroger sous serment;
(b) exiger la recherche et la
production de documents;
(c) recevoir les témoignages des
déclarations sous serment;
(d) réquisitionner des documents publics
ou en faire des exemplaires en provenance d'un bureau;
(e)
produire des mandats ou examiner des témoins et des
documents; et,
(f) toute autre question
pouvant être prescrite.
|
Il semble bien que cette loi soit demeurée
sans effet, car peu ne semble avoir été fait à l'égard des
minorités qui ne sont guère protégées.
Dans son
rapport de 2013, le commissaire pour les minorités
linguistiques affirmait (p. 44) qu'on ne
pouvait pas savoir
si l'État de l'Uttarakhand respecte
les garanties prescrites par la Constitution, car le
gouvernement n'a jamais fourni de réponses aux
questionnaires des représentants du commissaire.
The
Government of Uttarakhand is urged to take note
of the points mentioned above and initiate
necessary remedial measures to ensure that the
Scheme of Safeguards for the linguistic
minorities is implemented effectively in the
State. |
Le gouvernement de l'Uttarakhand est invité à prendre note des
points
mentionnés ci-dessus et de prendre des mesures correctives nécessaires afin de
garantir que
le régime des garanties pour les minorités linguistiques est mis en œuvre
de façon efficace dans l'État. |
Pour le gouvernement, les droits des
minorités reposent sur les épaules des représentants des
minorités. Voici ce qu'affirmait en décembre 2013 le
ministre en chef (Chief Minister) Vijay Bahuguna:
The minorities should be
conscious of their rights. Part of the
responsibility to ensure that they got their due
as per Constitutional provisions rests on
shoulders of the intellectuals belonging to
these communities. |
Les minorités
doivent être conscientes de leurs droits. Une
partie de leur responsabilité à veiller à ce
qu'elles obtiennent leur dû selon les
dispositions constitutionnelles repose sur les
épaules des intellectuels appartenant à ces
communautés. |
C'est clair: les minorités doivent se
battre pour faire respecter leurs droits
constitutionnels, ce n'est pas à l'État de le faire. Pourtant,
l'Uttarakhand
se veut un État modèle de protection pour les minorités;
il affirme fièrement financer les écoles et les associations à leur
intention, il a créé un ministère distinct et des
services bancaires spéciaux.
4.5 Les langues en
éducation
En Inde, le système
scolaire compte quatre niveaux
d'enseignement :
1) le
«pré-primaire» (maternelle) appelé
"pre-primary school", non
obligatoire;
2) le primaire ("primary"),
obligatoire; le primaire du second
cycle ("upper primary"),
obligatoire;
3) le secondaire ("secondary"),
obligatoire au premier cycle; non
obligatoire au second cycle "higher
secondary");
4) l'enseignement supérieur.
En 2011, le taux
d'alphabétisation des adultes de l'Uttarakhand
était de 79,6 %, dont 88,3 % pour les
hommes et 70,0 % pour les femmes. Dans
le domaine de l'enseignement, l'article
350A de la
Constitution indienne oblige tout
État à assurer, au primaire,
l'enseignement de la langue maternelle
aux enfants appartenant à des groupes
minoritaires:
Article 350A
Chaque État et chaque
autorité locale de cet État
devra faire en sorte de
fournir aux enfants
appartenant à des groupes
linguistiques minoritaires
des installations adéquates
pour l'enseignement dans
leur langue maternelle au
niveau primaire; et le
président, s'il juge
nécessaire ou approprié que
ces installations soient
fournies, pourra donner des
directives à cet effet à
tout État.
|
Pour ces langues
minoritaires, il suffit en principe
d'une demande de 10 élèves sur 40 pour
que l'État, par exemple l'Uttarakhand,
soit tenu de fournir un enseignement
dans une langue donnée. L'Uttarakhand
compte plus de 15 700 écoles primaires,
dont environ 450 pour les autres
langues. Puisque 300 de ces écoles
utilisent l'anglais comme langue
d'enseignement, il reste tout au plus
150 écoles pour les minorités (surtout
en ourdou et en panjabi, mais aussi en
bengali et en népalais).
L'hindi est la langue d'enseignement au
niveau de l'école primaire, bien qu'il
existe plusieurs écoles privées où la
langue d'enseignement est l'anglais.
L'hindi et l'anglais font partie des cours obligatoires pour les élèves du
secondaire, et l'anglais est
généralement la seule langue
d'enseignement au niveau universitaire.
La loi
scolaire de 2006 (Uttaranchal
School Education Act) ne contient
aucune disposition d'ordre linguistique.
Le
Règlement sur le droit des enfants à une instruction gratuite et
obligatoire (2011) ne semble guère mieux, car seul l'article 31
mentionne la langue en terme de
non-discrimination:
Article
31
Tâches à effectuer par les enseignants
8) L'enseignant ne doit faire de la discrimination
à un enfant
sur la base de la caste, du sexe, de la région, de
la religion et
de la langue, etc. |
Comme c'est fréquent en Inde, le
Règlement sur le droit des enfants à une instruction gratuite et
obligatoire prévoit qu'une école
primaire
doit être établie à une distance de marche d'un
kilomètre de la zone desservie ayant une population minimale de 200
personnes. Dans
les zones rurales, il devrait y avoir un minimum de 25
enfants et, dans
les zones urbaines, il
devrait y avoir un minimum de 40 enfants dans le groupe des 6-11 ans disponibles
et admissibles pour l'inscription à cette école:
Article 4
Région ou frontières de quartier
1)
La région ou les frontières de quartier dans lesquelles une école doit être établie
par le gouvernement de l'État ou l'autorité locale
doit être:
(a) En ce qui concerne les enfants dans les classes
de I à V, une école primaire doit être établie à une
distance de marche d'un kilomètre de la zone
desservie ayant une population minimale de 200
personnes. Dans
les zones rurales, il devrait y avoir un minimum de 25
enfants et, dans
les zones urbaines, il
devrait y avoir un minimum de 40 enfants dans le groupe des 6-11 ans disponibles
et admissibles pour l'inscription à cette école;
(b) En ce qui concerne les enfants des classes de VI à VIII, une école
primaire de second cycle est établie à une distance de
marche de trois kilomètres
de la région desservie ayant une population minimale de 400 personnes. Pour
les zones rurales, il devrait y avoir un
minimum de 25 enfants et, pour les zones urbaines, il devrait y avoir un minimum de 40 enfants dans la classe V de
l'école primaire approvisionnée, acceptés ensembles,
disponible et admissibles pour l'inscription dans cette école.
(c) À tous les trois ans, l'État doit examiner l'état de la situation de
toutes les écoles primaires du premier et du second
cycle et il
peut envisager de
déplacer les écoles qui ne répondent pas aux normes mentionnées dans les règles
1 (a) et (b) de l'article 4. |
En plus des 15 790 écoles primaires de premier cycle, l'Uttarakhand
compte aussi 923 écoles de second cycles et 3587 écoles
secondaires pour un effectif total de 1,74 millions
d'élèves.
Pour la promotion de l'ourdou et du
panjabi, le gouvernement organiserait une formation
gratuite aux enseignants.
Dans les langues
secondes, l'État de l'Uttarakhand a
prévu un régime fondé sur la «formule
des trois langues» ou régime trilingue:
- Classes
du primaire de premier cycle: l'hindi,
l'ourdou ou le sanskrit;
- Classes du primaire de second cycle:
l'hindi, l'ourdou ou l'anglais;
- Classes du secondaire: l'hindi,
l'ourdou ou l'anglais.
Certains des meilleurs instituts d'enseignement de
l'Inde sont situés dans l'Uttarakhand. Les villes de
Dehradun, de Nainital et de Mussoorie sont toujours le
choix préféré en ce qui concerne l'enseignement
scolaire.
Ces trois villes abritent des différentes écoles
anciennes et patrimoniales du pays.
L'Uttarakhand
bénéficie d'une université fédérale, de dix universités
d'État, de dix universités privées et de quatre
instituts autonomes d'importance nationale.
La langue d'enseignement est généralement l'anglais.
4.6
Les médias
|
Dans l'État de l'Uttarkhand, les consommateurs
bénéficient de onze
quotidiens et de 84 journaux hebdomadaires publiés à partir de
différentes régions, notamment dans les villes de Dehradun, de
Haridwar, de Tehri, de Pauri Garhwal, de
Nainital et d'Udhamsinghnagar.
Près de 122 magazines hebdomadaires sont également publiés de l'État.
La plupart de ces journaux sont publiés en
hindi, mais plusieurs sont en anglais, parfois
en ourdou, rarement en panjabi ou en bengali.
Bien que la plupart des stations de radio diffusent en hindi,
sinon en anglais, des émissions communautaires sont offertes à la population
locale en garhwali et en kumaonien. En général, ces émissions portent sur
l'environnement, l'agriculture, la culture, la météo et l'instruction dans les
langues locales et avec la participation active des communautés.
ETV Uttarakhand exploite une dizaine de canaux en langue
régionale. Le canal Doordarshan Uttarakhand, le réseau national appliqué à une
région, diffuse en hindi, en anglais et en ourdou.
De plus, le gouvernement de l'Uttarakhand a donné son accord
pour une chaîne de télévision en sanskrit sous la responsabilité de l'Uttarakhand
Sanskrit Academy, un
organisme relevant de la compétence du gouvernement de l'État.
La chaîne serait basée à
Haridwar. La chaîne est prévue pour diffuser une série de
programmes concernant la littérature sanskrite en plus nouvelles en sanskrit. |
La politique linguistique de l'État de l'Uttarkhand semble
très simple: elle consiste à ne tenir compte juridiquement
que de l'hindi et, dans les faits de l'anglais. De façon
symbolique, l'État se fait le grand défenseur du sanskrit,
une langue morte, contre tout bon sens pratique. En ce qui a
trait aux langues minoritaires, l'État se contente de
respecter au minimum les prescriptions constitutionnelles en
matière d'éducation, notamment
l'article 350A de la Constitution. En ce qui concerne
les langues autochtones de l'Uttarakhand, le garhwali et le kumaoni,
elles sont totalement ignorées, y compris à l'école, pour ne
pas dire pourchassées avec un certain... succès. Cette
attitude va à l'encontre de
l'article 29 de la Constitution de l'Inde, qui énonce
que tout groupe de citoyens résidant sur le territoire de l'Inde ou sur toute
partie de celui-ci et ayant une langue, une écriture ou une culture distinctes
a le droit de les conserver. Pour l'État de l'Uttarakhand, ces langues
ancestrales ne constitueraient que des dialectes de l'hindi,
d'où leur éviction. Il paraît préférable d'accorder au
sanskrit un statut symbolique de «seconde langue officielle»
dont il n'a guère besoin. Quant à l'anglais, c'est la
politique de la non-intervention et du libre choix dans les
établissements d'enseignement, l'affichage public ou
commercial, les entreprises, etc. Dans les faits, l'hindi
règnerait sans partage dans toute la vie sociale des
Uttarakhandis, si ce n'était de la
présence importante de l'anglais dans l'affichage.