Article 29
Protection et
intérêts des minorités
1)
Tout groupe de citoyens résidant sur le territoire de l'Inde ou sur
toute partie de celui-ci et ayant une langue, une écriture ou une
culture distinctes a le droit de les conserver.
2) Aucun
citoyen ne peut se voir refuser l'admission dans un établissement
scolaire tenu par l'État ou subventionné à même des fonds publics
uniquement pour des raisons de religion, de race, de caste ou de
langue. |
De toute façon, le Parlement indien n'a,
en principe,
qu'une juridiction limitée au Jammu-et-Cachemire, contrairement aux autres
États. C'est que le Jammu-et-Cachemire, par comparaison, bénéficie encore
d'une plus grande autonomie (voir
le texte de l'«Instrument d'adhésion») dans de nombreux
domaines. C'est pourquoi l'unique langue utilisée par l'État est l'ourdou,
les autres langues étant laissées pour compte. L'ourdou est la langue
des débats parlementaires, mais l'anglais sert aussi pour les textes écrits,
les lois étant adoptées à la fois en ourdou et en anglais.
Les langues autorisées dans l'administration de l'État
sont l'ourdou, l'anglais et l'hindi. Le rôle fonctionnel des autres langues
importantes, comme le kashmiri ou le dogri, dans le domaine des
communications écrites, est réduit au minimum, et uniquement pour les
lettres personnelles reçues par l'Administration. Celle-ci a d'ailleurs
tendance à répondre uniquement en ourdou ou en anglais lorsque des requêtes
sont adressées dans une langue régionale, la correspondance officielle étant
généralement limitée à l'ourdou, l'anglais ou l'hindi.
4.2 La politique générale à l'égard des langues
régionales
L'État
de Jammu-et-Cachemire a développé une politique particulière au sujet des
langues régionales minoritaires. Dans les faits, toutes les langues de
l'État sont des langues minoritaires, sauf le kashmiri parlé par 53,4 % de
la population. Même l'ourdou, la langue officielle, est une langue
numériquement minoritaire, car elle n'est parlée comme langue maternelle que
par 0,1 % de la population. Mais il s'agit d'une langue dont le statut est
celui d'une langue majoritaire.
- L'idéologie de la
suprématie supranationale musulmane
Il faut comprendre que dans cet État peuplé
majoritairement de musulmans, les élites locales ont toujours perçu l'ourdou
comme une langue «musulmane» et qu'ils ont conçu une politique de
valorisation de l'ourdou pour ses valeurs religieuses. Toutes les autres
langues, sauf l'anglais, sont associées à des langues «laïques» s'opposant à
l'identité prétendument islamique de l'ourdou. Toute la question
linguistique de la part de l'élite intellectuelle et administrative est
perçue à travers un prisme politique et religieux. Tous les mouvements
destinés à sauvegarder et à promouvoir les langues locales telles que le kashmiri,
le dogri, le gojri (gujar), le ladakhi, le shina, le balti, etc., se sont
heurtés à une ferme opposition, sinon une véritable hostilité.
La plupart des Cachemiriens instruits ont
fait leurs études à l'Université islamique d'Aligarh de l'État indien d'Uttar
Pradesh, où l'idéologie dominante considère l'ourdou comme le symbole de
l'identité culturelle musulmane. Cette idéologie provient de la stratégie de
la Ligue musulmane adoptée avec succès par Muhammad Ali Jinnah (1876-1848) —
homme politique indien musulman chiite, président permanent de la Ligue
musulmane, fondateur et premier gouverneur du Pakistan en 1947. Surnommé
Baba-e-Qaum («le Père de la Nation») au Pakistan, il a toujours milité
pour l'unité indo-musulmane. Il a poursuivi ses efforts pour mobiliser la
communauté musulmane autour des symboles de l'islam, de l'identité musulmane
et de l'ourdou associé à l'islam (contrairement à l'hindi associé à
l'hindouisme). C'est ce qui explique pourquoi les élites du
Jammu-et-Cachemire ont accordé la primauté de l'islam sur la langue,
consolidant ainsi la division religieuse entre les musulmans, les hindous et
les bouddhistes du Cachemire.
Pour
le prince Karan Singh, toujours maharaja en titre du Jammu-et-Cachemire, les
dirigeants musulmans ont complètement modifié la tradition de tolérance
religieuse dans l'État: «Malheureusement, les sunnites durs en provenance du
Pakistan et de l’Afghanistan ont changé tout cela : ils ont interdit les
cinémas, et ont forcé les femmes à porter le voile sous peine de se faire
jeter de l’acide au visage.» C'est le régime autoritaire des ayatollahs!
- La dynamique du «majoritarisme»
Ainsi, la politique du gouvernement de l'État concernant
les langues maternelles locales, y compris le kashmiri majoritaire, reflète
la dynamique du «majoritarisme» musulman, selon laquelle l'appartenance
ethnique religieuse supranationale est superposée à l'appartenance ethnique
et linguistique. Le juriste Otto Pfersmann de l'Université de Paris cite
ainsi le philosophe américain Ronald Dworkin dans La démocratie et le
droit: «Le majoritarisme, explique ce dernier, ne voit dans la
démocratie qu’un régime politique caractérisé par une règle de décision
permettant à une majorité quelconque d’imposer ses vues à une quelconque
minorité.» C'est ce qu'on appelle aussi la «dictature de la majorité» ou la
«tyrannie de la majorité», une
majorité fonctionnelle il va sans dire, à défaut d'une majorité numérique. Au
Jammu-et-Cachemire, cette idéologie consiste à modeler les politiques culturelles des musulmans du Cachemire sur des fondements
religieux plutôt que sur la base de l'appartenance ethnolinguistique et
culturelle, ce qui contribue ainsi à nier le patrimoine culturel indigène
laïc.
Le même phénomène s'est produit au
Pakistan voisin, où l'ourdou, la langue officielle du pays, a été imposée
afin d'évincer les langues maternelles locales. Si une telle pratique
est vue comme «normale» au Pakistan, elle semble plus exceptionnelle en
Inde, alors que l'Union indienne prévoit des mesures constitutionnelles
spécifiques pour la promotion des langues maternelles et la
protection des droits des minorités linguistiques et culturelles. Même les
fonctionnaires de l'État du Jammu-et-Cachemire ignorent le kashmiri, la
langue majoritaire, et il ne leur est pas toujours possible de communiquer
réciproquement avec le public. L'introduction du kashmiri, du dogri, du
panjabi, du gojri dans certaines écoles est plus ou moins réussie et aucun
effort n'a été fait pour s'assurer que la situation puisse s'améliorer. Pourtant, des
demandes incessantes ont été formulées non seulement pour le kashmiri, le dogri et le gojri, mais aussi pour le pahari, le ladhakhi, le bhadarwahi, le
kishtwari, le balti, le purigpa et le gaddi, sans succès.
Le mépris de la part de l'Administration
locale s'est même transformé en une forte hostilité à l'égard des langues
maternelles considérées comme des rivales culturelles à la langue ourdoue.
Les fonctionnaires les plus réactionnaires perçoivent les langues locales comme des
sources d'insurrection fondamentaliste. On se méfie surtout des hindous et
des bouddhistes. Il s'agirait d'une politique concertée de la part de la
direction et de la bureaucratie musulmanes pour supprimer la diversité des
identités linguistiques et ethnoculturelles, dont le patrimoine apparaît
comme une cause de conflits et de divisions. C'est pourquoi les autorités
ont privilégié une identité supranationale musulmane destinée à gommer les
langues et les cultures différentes.
Certains observateurs du gouvernement
central de Delhi s'inquiètent d'ailleurs des résultats des recensements
décennaux au Jammu-et-Cachemire, car le nombre des locuteurs des langues
régionales diminue graduellement, alors que la population augmente
sans cesse. On croit que les locuteurs de certaines langues ont été
volontairement intégrés dans le décompte des langues telles que l'hindi, le rajasthani, le panjabi, le pahari, l'ourdou, etc., de façon à restreindre le
nombre des locuteurs des «petites» langues. Il est possible aussi que les
visées assimilationnistes des autorités cachemiriennes aient enfin atteint leurs
objectifs.
- Les pratiques
anticonstitutionnelles
Il n'est
pas inutile de rappeler que la Constitution indienne prévoit la protection
des langues minoritaires dans toute l'Union indienne. Manifestement, les
dispositions constitutionnelles de l'Union ne s'appliquent pas au
Jammu-et-Cachemire. Les autorités cachemiriennes se permettent même de ne
jamais répondre aux questionnaires envoyés officiellement de la part du
commissaire aux minorités linguistiques
(«Commissioner Linguistic
Minorities» ou CLM), qui propose des
recommandations aux différents gouvernements des États.
L'ourdou utilise l'alphabet arabo-persan. Or, les
autorités gouvernementales cherchent à imposer cet alphabet aux langues des
minorités linguistiques. Par exemple, le kashmiri employait depuis des
générations l'alphabet sharda (ou charada), un alphabet typiquement
cachemirien né au VIIIe siècle. Toutefois, cet alphabet est
aujourd'hui totalement ignoré dans l'écriture de la langue kashmiri, puisque c'est
l'alphabet arabo-persan qui a été imposé. De plus, le gouvernement de l'État a adopté l'alphabet
arabo-persan comme alphabet additionnel pour le dogri et le panjabi, ainsi
qu'au balti et au ladakhi (qui employaient l'alphabet tibétain) et à
plusieurs autres langues, afin de donner une allure plus
«musulmane» à ces langues. Il en résulte que certaines minorités importantes
du Cachemire n'ont pas seulement été privées de l'accès à leur riche
littérature ancienne, mais leur droit de préserver et de promouvoir leur
patrimoine culturel a aussi été dénié. Dans la foulée de cette politique
d'islamisation linguistique, le gouvernement a changé les dénominations de centaines de
villes et de villages du Cachemire de façon à supprimer les appellations
d'origine sanskrite pour les remplacer par des appellations islamiques.
La Films Division of India, fondée en
1948, qui relève du ministère de l'Information et de la Radiodiffusion, a
adopté comme politique de doubler les films étrangers en 13 langues, y
compris en kashmiri, mais ces films ne sont pas disponibles au Cachemire
dans cette langue, parce que le gouvernement local a demandé au gouvernement
central de les acheminer en ourdou seulement. Pourtant, la Loi fédérale sur
le droit à l'information de 2005 autorise l'usage des langues locales:
The Right to
Information Act, 2005 No. 22 of 2005
Section 4
4) All materials shall be disseminated taking into
consideration the cost effectiveness, local language and the
most effective method of communication in that local area [...].
Section 6.
1) A person, who desires to obtain any information under
this Act, shall make a request in writing or through electronic
means in English or Hindi or in the official language of the
area in which the application is being made, accompanying such
fee as may be prescribed [...]. |
Loi sur le droit à
l'information de 2005, no 22
Article 4
4) Tout l'équipement doit être diffusé en tenant compte de
la rentabilité, de la langue locale et de la méthode la plus
efficace pour communiquer dans un secteur; [...]
Article 6
1) Quiconque désire obtenir une information en vertu de la
présente loi doit faire une demande par écrit ou par des moyens
électroniques en anglais, en hindi ou en la langue officielle du
district d'où provient la demande, avec les frais qui peuvent
être exigés [...]. |
Par ailleurs, les subventions du
gouvernement central accordées au ministère local de l'Éducation et destinées
au développement de la langue et de la littérature kashmiri ont été dépensées à
d'autres fins, notamment à la promotion de l'ourdou. De même, toute l'aide financière fournie par le Centre de traduction
(Centre for translation) de l'Inde au Cachemire n'a jamais été utilisée. En
lieu et place, ces fonds ont été attribuées à la promotion
de l'ourdou parce que ces fond auraient été «détournées par
erreur» pour la langue régionale.
Dans tous les cas, il s'agit d'infractions
évidentes aux articles 29, 30 et 350 de Constitution indienne.
4.3 La politique
linguistique en éducation
Dans cette perspective, il serait pour le
moins surprenant que la politique appliquée en éducation soit permissive à
l'égard des communautés minoritaires. Elle ne l'est pas, bien au contraire! Au Jammu-et-Cachemire, l'enseignement
est généralement dispensé en ourdou, à tous les niveaux, du primaire à
l'université. Aucune des langues régionales parlées dans l'État n'est
enseignée dans les écoles. Tout au plus, il est possible pour les Kashmiris,
les Dogris, les Panjabis, les Ladakhis, les Baltis, etc., de recourir à
l'hindi ou à l'anglais en lieu et place de leur langue maternelle. Dans les
montagnes du Ladakh, la plupart des habitants ne parlent que le ladakhi, pas
beaucoup l'ourdou ou l'hindi, sauf à Leh, la capitale. Rappelons que
certaines langues parlées dans le Jammu-et-Cachemire ont le statut de
langues
constitutionnelles en Inde: le kashmiri, le dogri, le panjabi, l'hindi,
l'ourdou, le malayalam, le népali, etc. Or seuls l'ourdou, l'anglais et, à
des degrés moindres, l'hindi sont enseignées dans les écoles. En général,
les Jammuvis plaident, outre l'anglais, pour l'enseignement du dogri, les Kashmiris pour
celui du kashmiri et les Ladakhis pour celui du ladakhi, mais
fort peu sont prêts à préconiser l'ourdou. L'introduction du kashmiri et du dogri comme langues
officielles
complémentaires dans leurs districts respectifs a été
envisagée par le gouvernement, mais aucun effort réel n'a été
entrepris à cette fin, même à titre expérimental.
- Le kashmiri
La langue kashmiri, langue majoritaire à
80 % dans la vallée du Cachemire, exerce un rôle très limité en éducation dans l'État de Jammu-et-Cachemire. Immédiatement après l'indépendance de
l'Inde, le kashmiri fut introduit comme discipline d'études dans les écoles
primaires de la vallée du Cachemire. Puis cet
enseignement fut supprimé en 1955 sous prétexte de réduire «charge de
travail» des enfants dans les écoles. En effet, l'enfant devait apprendre quatre langue : sa langue maternelle, l'ourdou, l'hindi et l'anglais.
Le fardeau parut trop lourd pour ces enfants. C'est pourquoi l'ourdou a
continué d'exercer son rôle dominant dans l'enseignement. En
plus de l'anglais, et l'hindi au secondaire, c'est la seule discipline
obligatoire dans tout le cursus scolaire. Dans certains cas, l'hindi sert de
langue alternative aux langues régionales, notamment dans la région du
Jammu. Pourtant, des experts indiens avaient préparé des manuels, mais aucun
ne fut disponible pour l'enseignement de la langue maternelle.
De plus, des enquêtes de la part
d'organisations non gouvernementales avaient effectuées dans les années
soixante-dix auprès de la population de la vallée du Cachemire. Ces enquêtes
ont révélé que les Kashmiris désiraient que leurs enfants reçoivent leur
instruction en kashmiri dans une proportion de 83 % au premier cycle du
primaire, 48 % dans le second cycle et 49 % préféraient l'anglais au
secondaire. Finalement, le kashmiri a été introduit comme une matière
d'étude dans quelques établissements d'enseignement et comme un matière
facultative dans certaines écoles secondaires.
À la suite de plusieurs mouvements de
contestation en faveur du kashmiri et des efforts
entrepris par des enseignants de haut niveau, un
département de kashmiri a été créé à l'Université du Cachemire.
Au début des années soixante-dix, le kashmiri a été introduit comme un
matière pour les étudiants du troisième cycle à cette université. En 1971,
le kashmiri fut autorisé à être enseigné comme langue seconde aux
enseignants stagiaires en cours d'emploi au Centre linguistique régional du
Nord (Northern Regional Language Centre) du Central Institute of Indian Languages
(Institut central des langues indiennes). Un nombre limité de ces stagiaires
a reçu une formation en kashmiri afin de l'enseigner dans
les écoles. Le CIIL a préparé des documents pédagogiques destinés à
l'enseignement, puis l'expérience s'est arrêtée là.
À la fin des années quatre-vingt-dix, une
enquête sociolinguistique sur l'usage de la langue karshmiri révélait
notamment que l'emploi du kashmiri chez les enfants était limitée principalement
aux communications orales à la maison avec les aînés; son usage ne
dépasserait pas les 50 % dans la
communication entre les aînés et les enfants au Jammu.
En général, les enfants préféraient employer l'hindi ou l'anglais à la maison
avec leurs parents. Dans les écoles, les enfants n'employaient pas le kashmiri, même avec
d'autres enfants ou des enseignants de langue kashmiri.
De plus, les enfants ne lisent généralement pas ou n'écrivent pas en
kashmiri, sauf pour environ 10 % d'entre eux, et ils emploient alors
l'alphabet devanagari. Enfin, la plupart des parents préfèrent envoyer leurs
enfants dans des écoles où l'on apprend l'anglais ou l'hindi, car, quoi
qu'il en soit, l'ourdou doit être enseigné dans tous les établissements
d'enseignement. En somme, le kashmiri, la langue de la très grande majorité
de la population de la vallée du Cachemire, n'est absolument pas valorisée
dans l'enseignement, même parmi les Kashmiris.
Récemment, une pétition a circulé afin
d'inciter le gouvernement de l'État à introduire le kashmiri dans les écoles
primaires. Voici un court extrait de cette pétition:
To: The Government of Jammu and Kashmir State
A Petition imploring the Government of Jammu and Kashmir to
implement the decision made by the previous government in
November 2000 to introduce the native languages of the State as
compulsory subjects in both government and private schools.
We,
The People and the Civil Society of the State of Jammu and
Kashmir,
In presenting this Petition to the Government of that State,
Urge and Call Upon the Government to afford our concerns the
highest consideration, and to implement the decision of November
2000 introducing our native languages in schools.
1. In the November of 2000, the Jammu and Kashmir Government
adopted a decision to introduce Kashmiri and other native
languages in all the schools of the state, whether state-run or
privately run. This decision was a historic and momentous one
for these languages. The Kashmiri language has been the vehicle
through which Kashmiris have expressed their culture and their
values from times immemorial. It was through Kashmiri that the
great saints of Kashmir - Lalla Ded and Nundrishi - communicated
their message to the great masses of Kashmir. When the Kashmiri
people were suffering under tyrannical rule before 1947, it was
the Kashmiri language that provided the channel through which
the voices of progress and communal harmony found expression. It
is of the utmost importance to preserve the cultural heritage of
which Kashmiri language is the bearer. The decision to introduce
Kashmiri in schools would go a long way towards promoting the
Kashmiri language. Unfortunately, it appears that this decision
has not been implemented, particularly in relation to private
schools.
2. For a language to survive and flourish, it is essential that
it be taught in schools. By teaching our native languages in
schools, we will guarantee the emergence of an educated
community that is literate in Kashmiri and other native
languages. By keeping Kashmiri out of schools we are unwittingly
implementing a process of language loss and language shift, with
the result that Kashmir is slowly but steadily disappearing,
especially among the elites in Srinagar. Among these people,
children are no longer being taught Kashmiri at home but only
Urdu/Hindi. These parents cannot be blamed - they are, after
all, looking after the interests of their children. However,
what is to be blamed is the educational policy that relegates
the mother tongues to the undignified status of spoken slangs by
keeping them out of schools. Had our native languages been
taught in schools (and thereby opened up vistas of employment)
our parents would have an incentive to teach their children to
speak Kashmiri and other native languages such as Pahari, Gojri,
Shina, Ladakhi or Dogri.
[...] |
Destinataire: le gouvernement de l'État du
Jammu-et-Cachemire
Objet: Pétition implorant le gouvernement du
Jammu-et-Cachemire de mettre en œuvre
la décision prise par le gouvernement précédent en
novembre 2000 afin de proposer les langues maternelles de l'État
comme des disciplines obligatoires dans les écoles publiques et
privées.
Nous,
Peuple et citoyens de la société civile de l'État de
Jammu-et-Cachemire,
En présentant cette pétition au gouvernement de cet État,
Nous
exhortons et demandons au gouvernement de recevoir nos
intérêts en haute considération et mettre en œuvre la décision de novembre 2000
en introduisant nos
langues maternelles dans les écoles.
1. En novembre de 2000, le gouvernement du Jammu-et-Cachemire
a pris la décision d'introduire le kashmiri et d'autres langues
maternelles dans toutes les écoles de l'État, autant publiques
que privées. Cette décision était
historique et importante pour ces langues. La langue kashmiri a
été le véhicule par lequel les Kashmiris ont exprimé leur culture et
leurs valeurs depuis des temps immémoriaux. C'était par les Kashmiris que les
grands saints du Cachemire - Lalla Ded et Nundrishi - ont
communiqué leur message aux grandes masses du Cachemire. Lorsque
que le peuple kashmiri souffraient du régime tyrannique
avant 1947, c'était le kashmiri qui a fourni le canal par
lequel les voix du progrès et l'harmonie commune ont trouvée
leur expression. Il est de la plus haute importance de préserver
le patrimoine culturel dont la langue kashmiri est porteuse. La
décision
d'introduire le kashmiri dans les écoles serait un long chemin
vers la promotion de cette langue. Malheureusement, il semble
que cette décision n'a pas été mis en œuvre, particulièrement en
ce qui concerne les écoles privées.
2. Pour qu'une langue puisse survivre et prospérer, il
est essentiel qu'elle soit enseignée dans les écoles. En
apprenant nos langues maternelles dans les écoles, nous allons
garantir l'émergence d'une communauté instruite qui sache lire
et écrire en kashmiri et en d'autres d'autres langues
maternelles. En maintenant le kashmiri
à l'extérieur des écoles, nous mettons inconsciemment en œuvre un processus de
disparition et de transfert linguistique, avec comme résultat
que le kashmiri disparaît lentement mais sûrement, particulièrement
parmi les élites de Srinagar. Chez ces élites, le kashmiri n'est
plus appris aux enfants à la maison, mais seulement
l'hindi/ourdou. Les parents de ces enfants ne peuvent pas être blâmés,
car après tout ils veillent sur l'intérêt de leurs enfants. Cependant,
la politique d'éducation , qui relègue les langues au statut
indigne d'argots parlés gardés hors de l'école, doit être
blâmée. Si nos langues maternelles étaient enseignées dans
les écoles (et par conséquent propices aux emplois), nos parents
auraient une motivation à apprendre à leurs enfants à parler le
kashmiri et d'autres langues
maternelles comme le pahari, le gojri, le shina, le ladakhi ou
le dogri.
[...] |
Jusqu'ici, le gouvernement a toujours
prétendu que la langue kashmiri n'est pas apte à l'enseignement en raison
des problèmes de standardisation et de normalisation. Le problème, c'est que
la normalisation et
la modernisation de cette langue ne peuvent être résolues
qu'une fois que le kashmiri
soit pourvu de fonctions appropriées en l'éducation, dans
l'administration et les médias. C'est seulement après ces fonctions auront
été précisées que les mesures à prendre pour la valorisation de cette langue
seront significatives. Alors, en attendant, on tourne en rond.
- Le ladakhi
Dans le Ladakh où plus de 80 % des
Ladakhis utilisent le ladakhi dans la vie de tous les jours, l'ourdou a été imposé comme
unique langue d'enseignement. les enfants apprennent l'ourdou à l'école,
mais ils continuent à employer le ladakhi une fois sortis de l'école. Pour
les Ladakhis, l'ourdou reste uniquement une langue seconde. Lorsqu'ils ont à
choisir, ils préfèrent de loin l'anglais ou l'hindi, rarement l'ourdou qui
demeure néanmoins la langue officielle de l'État.
Cette situation dans l'enseignement dure
depuis fort longtemps au Ladakh. Déjà en 1935, sous le régime britannique,
un rapport de l'organisme
bouddhiste Kashmir Raj Bodhi Mahasabha, était publié à Srinagar au sujet de
l'imposition de l'ourdou. Voici un petit extrait de ce rapport, car il
permet une certaine compréhension de la pratique des
langues dans l'enseignement:
"The infliction of Urdu - to them a completely foreign tongue - on
the Ladakh Buddhists as a medium of instruction in the primary
stage is a pedagogical atrocity which accounts, in large measure
for their aversion to going to school. Nowhere in the world are
boys in the primary stage taught through the medium of a foreign
tongue. And so, the Buddhist boy whose mother tongue is Tibetan
must struggle with the complicacies of the Urdu script and
acquire a knowledge of this alien tongue in order to learn the
rudiments of Arithmetic, Geography, and what not.... This
deplorable and irrational practice is being upheld in face of
the fact that printed text books for all Primary school subjects
do exist in Tibetan and have been utilized with good results by
the Moravian Mission at Leh". |
L'imposition de
l'ourdou, pour eux une langue complètement étrangère, aux
bouddhistes du Ladakh comme langue d'instruction dans
l'enseignement primaire est une atrocité comme approche
pédagogique, qui explique, dans une large mesure, leur aversion
pour fréquenter à l'école. Nulle part au monde il n'existe des
garçons pour lesquels l'enseignement primaire est dispensé par
l'intermédiaire d'une langue étrangère. Ainsi, les garçons
bouddhistes, dont la langue maternelle est le tibétain, doivent
combattre la complexité de l'alphabet ourdou et acquérir une
connaissance de cette langue étrangère afin d'apprendre les
rudiments de l'arithmétique, de la géographie, etc. Cette
pratique déplorable et irrationnelle est maintenue dépit du fait
que les manuels imprimés pour toutes les matières dans les
écoles primaires existent en tibétain et qu'ils ont été
utilisées avec de bons résultats par la mission des Moraviens à
Leh". |
Pour beaucoup de
Ladakhis, l'année 1947, celle de l'indépendance de l'Inde, est perçue comme
celle de leur asservissement aux dirigeants musulmans du Jammu-et-Cachemire.
- Le dogri
Le dogri est une langue majoritaire au
Jammu. Il est parlé par 67 % des habitants de cette région. Pourtant, cette
langue ne bénéficie d'aucun statut dans l'État de Jammu-et-Cachemire. Le
dogri est doté de sa propre grammaire, de son dictionnaire, et il existe de
nombreux volumes dans cette langue. Malgré cela, le dogri n'est pas enseigné
dans les écoles primaires. Il n'est enseigné qu'au niveau secondaire comme
matière facultative et à l'université comme discipline spécialisée.
En somme, la situation des langues
régionales est catastrophique dans le domaine de l'éducation. Malgré les
requêtes incessantes pour l'enseignement des langues régionales, tant de la
part des organisations bénévoles que de la part des fonctionnaires du
gouvernement central, aucun effort n'a été consenti de la part du
gouvernement de l'État. Certains parlent d'ailleurs de génocide. Les
autorités semblent avoir oublié que, une fois que les
enfants sont capables de lire dans leur langue maternelle,
ils deviennent plus aptes à apprendre
une autre langue sans confusion phonétique ou grammaticale.
4.4 Les médias
Compte tenu de tout ce qui précède, il faut s'attendre à
ce que les médias privilégient l'ourdou et, dans une moindre mesure,
l'anglais. De fait, malgré la publication de centaines de journaux et de périodiques en
ourdou et certains en anglais, pratiquement aucun journal ou périodique
n'est publié dans une langue locale du Jammu-et-Cachemrie. Le journal Sheeraza,
qui est publié par l'Académie culturelle du Jammu-et-Cachemire en kashmiri,
en dogri, en gojri (gujari) et en bodhi, n'a qu'un tirage limité dans les
cercles littéraires. La population locale s'en remet exclusivement aux
journaux et périodiques ourdous et anglais, sauf s'ils
proviennent des États voisins et paraissent alors en panjabi (Panjab) ou en
hindi (Himachal Pradesh et Delhi).
Quelques journaux hebdomadaires continuent de paraître
périodiquement, mais ils disparaissent après un courte période,
alors que le
gouvernement de l'État ne fait jamais d'effort pour apporter un
soutien à ces publications. Le Jammu-et-Cachemire est probablement le
seul État de l'Inde où la presse locale n'est jamais publiée dans une langue
régionale. Pourtant, les enquêtes du gouvernement central révèlent que 47 %
des personnes interrogées préféreraient que leurs journaux soient dans les
langues locales.
Après l'indépendance de l'Inde, le
kashmiri, le dogri et le panjabi dans les radios d'état ont pu jouer un rôle
non négligeable. Il existait alors des émissions de nouvelles dans ces
langues et de nombreux auteurs ont écrit des programmes à l'intention des
locuteurs de ces langues. Aujourd'hui, l'usage des langues locales demeure
très limité à la radio et surtout à la télévision. De façon générale, les
programmes des médias électroniques sont diffusés massivement en ourdou, en
hindi et en anglais. De plus, les peu nombreuses émissions diffusées en
kashmiri ou en dogri, par exemple, ne sont jamais écoutées par les jeunes
qui préfèrent les émissions en anglais.
Dans les faits, seuls Radio-Kashmir,
une division de All India Radio, et Doordarshan (une télévision
indienne) diffusent des émissions dans quelques langues locales, dont le
kashmiri et le dogri. C'est que ces deux médias sont disponibles par câble
et par satellite dans toute l'Inde, ce qui les rend forcément accessibles au
Jammu-et-Cachemire.
En absence d'une politique favorisant les
langues locales de la part de l'État du Jammu-et-Cachemire, les problèmes
liés à la valorisation de ces langues vont se poursuivre.
L'État du Jammu-et-Cachemire pratique une
politique de valorisation de la langue officielle, tout en déniant les droit
des minorités linguistiques, ce qui constitue une violation manifeste de la
Constitution de l'Union indienne. C'est le seul État de l'Inde à agir de la
sorte. Cette situation s'explique par le fait que le Jammu-et-Cachemire
bénéficie d'un statut particulier au sein de l'Union indienne. Le
gouvernement central n'a pas autant de pouvoir dans cet État que dans les
autres États de l'Union. Il en résulte que les dispositions
constitutionnelles concernant les minorités linguistiques ne sont pas
respectées. Les autorités du Jammu-et-Cachemire ne fait même aucun effort en ce
sens.
Malgré les demandes incessantes des
citoyens et des représentants des principales communautés, les Kashmiris,
les Dogris, les Ladakhis, les Panjabis, etc., le gouvernement de l'État
reste sourd à toute revendication en matière de langue. En vain, depuis des
décennies, les Kashmiris réclament-ils le kashmiri dans les écoles; les
Dogris, le dogri; les Ladakhis, le ladak. Ils se heurtent tous à un mur de
béton inébranlable. Les élites
politiques au pouvoir sont des fondamentalistes musulmans (sunnites) qui considèrent
l'ourdou comme une langue musulmane. Dans ces conditions, tous les
mouvements destinés à sauvegarder et à promouvoir les langues locales sont
perçus comme des revendications antimusulmanes, parce que, si elles
aboutissaient, ces revendications contribueraient à affaiblir les positions
privilégiées de l'ourdou et, présume-t-on, de l'islam.
Au Jammu-et-Cachemire, l'État n'est pas là pour
servir ses citoyens, il est là pour maintenir une élite politico-religieuse disposant de
pouvoirs exorbitants. Cet ancien État princier était tolérant en matière de
religion, mais néanmoins autoritaire en politique. Aujourd'hui, le
Jammu-et-Cachemire est totalitaire sur les questions religieuses,
culturelles, éducatives et politiques. Ce n'est donc pas un État
démocratique, contrairement au reste de l'Inde. L'État du Jammu-et-Cachemire est
même l'État indien le plus
réactionnaire de tout le pays. C'est, dans ce pays, l'antimodèle, celui
qu'il ne faut pas suivre. Il
faut dire que, pour avoir la paix et ne pas attiser davantage les tisons, l'État central se montre quelque peu
complice de cette situation déplorable.
Dernière mise à jour:
21 févr. 2024