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Roumanie4)
Politique linguistique |
1 Rappel concernant les minorités
Le statut des minorités nationales en Roumanie est soigneusement «surveillé» depuis 2007, alors que la Roumanie intégrait l'Union européenne. Le 25 avril 2005, la Roumanie avait signé le Traité d'adhésion à l'Union européenne, un événement célébré à la fois par la population majoritaire et les minorités nationales.
1.1 La répartition des minorités
Parmi
les minorités non roumanophones, mentionnons les
Hongrois (5,6%), les
Ukrainiens (0,23%), les Allemands (0,16%), les
Turcs (0,12%),
les Russes lipovènes (0,10 %), les
Tatars (0,10%), les Roms/Tsiganes des Balkans (0,09%), les
Saxons transylvains (0,09%), les Tatars de Crimée (0,09%), etc.
On remarquera que la plupart des minorités (à l'exception des Roms/Tsiganes et des Turcs) habitent principalement la Transylvanie (voir la carte de gauche), une région du centre de la Roumanie, qui fut rattachée au royaume de Hongrie de 1003à 1526, puis indépendante, mais tributaire de l'Empire ottoman, puis fit partie de la monarchie des Habsbourg de 1699 à 1q918 et, au sein de celle-ci, à la moitié hongroise de l'Autriche-Hongrie de 1867 à 1918. La région fut rattachée à la Roumanie en décembre 1918, après la Première Guerre mondiale. En août 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, le nord de la Transylvanie ( 44 030 km² avec ses 2,7 millions d'habitants) fut restitué à la Hongrie par l'Italie et l'Allemagne, puis retourna à la Roumanie à la fin de la guerre. La population hongroise est majoritaire dans les départements de Harghita (84,6%) et de Covasna (73,8%), mais des proportions importantes de la population hongroise (plus de 20%) existent également dans les départements de Mureș (39,3%), de Satu Mare (35,2%), de Bihor (25,9%) et de Sălaj (23,1%). La minorité rom est installée dans presque toutes les régions du pays, mais la plupart des Roms vivent dans les départements de Mureș (8,52%), de Călărași (7,48%) et de Sălaj (6,69%.). Quant aux Ukrainiens, ils vivent principalement dans le nord du pays, dans des zones proches de la frontière avec l' Ukraine, notamment dans les départements de Maramureș et de Suceava, mais dans l'ouest du pays, dans le département de Timiș. La minorité allemande est en déclin: le plus grand pourcentage de cette communauté se trouve dans le département de Satu Mare (1,45 %). |
1.2 La non-discrimination
Plusieurs textes de lois roumaines reconnaissent les minorités nationales et tendent à les protéger contre la discrimination. L’article 6 de la Constitution de 1991 «reconnaît et garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d’exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse»:
Article 6 Le droit à l'identité 1)
L'État reconnaît et
garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales
le droit
de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique,
culturelle, linguistique et religieuse. |
1.3 La garantie des droits reconnus
Soucieuse de préserver leur identité linguistique, la Constitution garantit également aux membres des minorités nationales le droit d’apprendre leur langue maternelle et de pouvoir être instruits dans cette langue (art. 32), alors que cette même constitution déclare que le roumain est la seule langue officielle du pays (art. 13). La Constitution prévoit enfin que les citoyens appartenant aux minorités nationales peuvent s’exprimer dans leur langue maternelle devant les institutions judiciaires (art. 128). Ajoutons également que la Roumanie a signé et promulgué la Convention-cadre des langues minoritaires de 1995 (Conseil de l’Europe) et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 (Conseil de l’Europe).
De plus, la Roumanie a élaboré un grand nombre de lois pour protéger les minorités nationales. Si certaines lois (en petit nombre) sont des lois proprement «linguistiques», la plupart sont des lois non linguistiques dont une ou plusieurs dispositions concernent les langues minoritaires. La loi la plus importante demeure néanmoins la Loi n° 215 sur l'administration publique locale (2001). Il n'existe pas en Roumanie de loi linguistique globale concernant les minorités comme cela peut être le cas dans d'autres pays, dont les suivants :
- Biélorussie: Loi sur les minorités nationales (2004)
- Canada: Loi sur les langues officielles (1988)
- Colombie: Loi n° 1381 pour la protection des langues indigènes (2010)
- Croatie: Loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales (2002)
- Estonie: Loi sur l’autonomie culturelle des minorités nationales (1993)
- Italie: Règlement en matière de protection des minorités linguistiques historiques, n° 482 (1999)
- Lituanie: Loi sur les minorités ethniques (1991)
- Mexique: Loi générale sur les droits linguistiques des peuples autochtones (2002)
- Moldavie: Loi sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et sur le statut juridique de leurs organismes (2001)
- Monténégro: Loi sur les droits et libertés des minorités (2011)
- Nouvelle-Zélande: Loi sur la langue maorie (1987)
- Pologne: Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale (2005)
- République tchèque: Loi sur les droits des membres des minorités nationales (2001)
- Slovaquie: Loi sur l'emploi des langues des minorités nationales (1999)
Ainsi, il n'existe pas de loi générale qui réglementerait toutes les dispositions juridiques concernant la protection des minorités nationales, car les divers aspects des problèmes de protection linguistique sont réglés par des dizaines de lois ponctuelles; elle sont fort nombreuses. Plusieurs conventions internationales concernant les minorités nationales ont aussi été signées et ratifiées, et elles font partie du système juridique national. Leurs dispositions doivent également être appliquées dans les situations où le droit interne ne contient pas de réglementation concrète dans un domaine donné.
1.4 Des droits territoriaux
Cependant, les mesures de protection actuelles ne s'appliquent pas nécessairement à toutes les minorités du pays, dans la mesure où les membres de celles-ci sont dispersés sur le territoire. La Roumanie n'a pas accordé de droits personnels sans égard au lieu de résidence. L'État a plutôt misé sur les droits territoriaux applicables aux villes et aux municipalités ou aux villages en fonction du nombre d'une minorité. On parle de droits «personnels» lorsqu'ils sont applicables sans égard au lieu de résidence; on parle de «droits territoriaux» s'ils sont appliqués dans des zones précises, comme des villes, puisqu'il s'agit alors de frontières linguistiques délimitées de façon explicite. Dans la pratique, il s'agit alors de droits personnels territorialisés et applicables sous certaines conditions. En Roumanie, ces «frontières» linguistiques sont perméables, car elles ne sont pas étanches, les roumanophones pouvant les franchir, mais les non-roumanophones perdent leurs droits s'ils s'installent dans une localité où ils constitueraient moins de 20% de la population.
Dans ce pays, les autorités locales, tant départementales que municipales, sont tenues dans leurs politiques publiques de tenir compte des minorités nationales lorsque l’une d’elles franchit le seuil de 20% de la population d’une région ou d'une localité donnée (voir la liste). C'est dans un tel contexte juridique que s'appliquent les lois roumaines en matière de protection des minorités auxquelles il convient d'ajouter les minorités malentendantes.
Aujourd’hui, en Roumanie, on compte dix langues qui profitent d'une protection accrue (bulgare, croate, tchèque, allemand, hongrois, russe, serbe, slovaque, turc, ukrainien) et neuf autres langues minoritaires qui ne bénéficient que d'une protection générale et limitée (albanais, arménien, grec, italien, yiddish, macédonien, polonais, ruthène, tatare). La différence de traitement découle du pourcentage attribué à une minorité locale. On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
2 La législation et la représentation minoritaire
Les minorités nationales doivent être représentées dans les instances nationales et locales. Au niveau national, il s'agit du Parlement, donc de la Chambre des députés et du Sénat. Au plan local, ce sont surtout les villes et les municipalités, voire les villages.
2.1 La représentation parlementaire
Les diverses minorités nationales sont représentées à la Chambre des députés du Parlement de deux façons: ou bien les membres des minorités s’inscrivent dans un parti politique et se font élire lors des élections, ou bien ils sont représentés d’office en raison de leur trop petit nombre. C’est ainsi que les Hongrois ont droit à plusieurs députés et sénateurs, soit généralement autour de 25, qui militent au sein de l’Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), la formation politique de la minorité hongroise faisant partie de la coalition (comptant deux ou trois ministres hongrois) gouvernant la Roumanie depuis la fin de 1996. En général, l’UDMR compte environ 25 députés et une dizaine de sénateurs. Ces pratiques sont conformes aux dispositions de la Constitution de 1991 portant sur le droit d’association (article 37):
Article 37 |
Il en est ainsi dans la Loi n° 14 sur les partis politiques (2003-2015), qui contient des dispositions sur les principes généraux sur lesquels se fondent les activités des partis, leur organisation et leur financement. Le paragraphe 4 de l'article 8 est consacré aux minorités:
Article 8
4)
Les membres d'une organisation de citoyens
appartenant à des minorités
nationales qui enregistrent des candidats aux élections peuvent
également faire partie d'un parti politique, ayant le droit de se
présenter conformément à la loi. |
- Les groupes minoritaires
Généralement, 17 ou 18 groupes minoritaires ont un député ex officio, mais l’UDMR (en hongrois: "Romániai Magyar Demokrata Szövetség" ou RMDSZ; en roumain: "Uniunea Democrată Maghiară din România"), le principal parti hongrois, compte 21 sièges en tant que députés (6,19 %) et 9 sièges en tant que sénateur (6,24 %). Les communautés ethniques de Roumanie sont représentées au Parlement par les associations et les formations politiques suivantes :
Union démocratique des Magyars de Roumanie (RMDSZ); Union des Arméniens de Roumanie ; Union démocratique turque de Roumanie ; Union des Polonais de Roumanie (Dom Polski) ; Association des Italiens de Roumanie ; Union des Ukrainiens de Roumanie; Association des Macédoniens de Roumanie; Union culturelle des Ruthènes de Roumanie ; Forum démocratique des Allemands de Roumanie ; |
Union des Serbes de Roumanie ; Communauté russe lipovène de Roumanie ; Association de la Ligue roumaine des Albanais; Union démocratique des Slovaques et des Tchèques de Roumanie ; Union des Bulgares du Banat ; Association du Parti rom pro-européen ; Union des Croates de Roumanie; Fédération des communautés juives de Roumanie ; Union hellénique de Roumanie. |
Depuis 1989, les électeurs roumano-hongrois sont
représentés par la RMDSZ, celle-ci ayant même réussi à participer par
intermittence à des gouvernements de coalition roumains.
Cependant, le président de la Hongrie, Viktor Orbán, s'est ingéré dans la politique roumaine en finançant les activités de la RMDSZ, ce qui a rendu ce parti moins indépendant. Rappelons que les magyarophones de Roumanie bénéficient du droit de vote pour les élections présidentielles en Hongrie et ils votent massivement pour le parti populiste du président Viktor Orbán, le Fidesz. |
La Loi n° 208 sur l’élection du Sénat et de la Chambre des députés, ainsi que sur l’organisation et le fonctionnement de l’Autorité électorale permanente (2015) décrit l'organisation électorale des membres des minorités nationales:
Article 56 Article 62 1) Les panneaux électoraux sont établis et soumis au Bureau électoral central par chaque parti politique, alliance politique, alliance électorale ou organisation de citoyens appartenant à des minorités nationales participant aux élections en vertu de la présente loi, au moins 40 jours avant le jour du scrutin. |
L'article 8 de la
Loi n° 115 sur l'élection des autorités de l'administration publique
locale (2015) prévoit aussi des mesures particulières pour les représentants
des minorités nationales:
Article 8 1) Aux fins de la présente loi, une minorité nationale désigne un groupe ethnique représenté au Conseil des minorités nationales. 2) Les organisations des citoyens roumains appartenant aux minorités nationales représentées au Parlement peuvent soumettre des candidatures. 3) D'autres organisations de citoyens roumains appartenant à des minorités nationales légalement constituées, qui présentent une liste de membres au Bureau électoral central, peuvent également postuler. Le nombre de membres ne peut être inférieur à 15 % du nombre total de citoyens qui, lors du dernier recensement, se sont déclarés appartenir à la minorité respective. |
- La communauté hongroise
Toutefois, il n’y a guère que les Hongrois qui peuvent se prévaloir pleinement des dispositions de la loi dans la mesure où ils constituent 5,6% de la population et parfois plus de 80% dans les localités. Pour ce qui est des autres minorités, elles doivent recourir aux dispositions de l’article 62 de la Constitution, consacré à l’élection des chambres, et qui prévoit un quota minimum pour les minorités nationales:
Article 62 L'élection des chambres 1)
La Chambre des députés et le Sénat sont élus au suffrage universel,
égal, direct, secret et librement exprimé, conformément à la loi
électorale. 3) Le nombre de députés et de sénateurs est fixé par la loi électorale, en fonction de la population du pays. |
On compte plus d'une quinzaine de petites minorités nationales ayant droit d’office à un député chacune: ce sont les Ukrainiens, les Russes, les Serbes, les Croates, les Slovènes, les Turcs, les Tatars, les Slovaques, les Tchèques, les Bulgares, les Grecs, les Arméniens, les Polonais, les Lipovènes (communauté des Russes lipovènes). Il en résulte que l’ensemble des minorités nationales est représenté par une quarantaine de sièges à la Chambre des députés et plus ou moins une dizaine au Sénat, ce qui correspond à ce que les minorités représentent proportionnellement dans la population (10 %).
Les minorités roumaines ont toujours été bien représentées au Parlement, même si dans les structures législatives elles ont promu des lois liées à la réglementation de certains domaines économiques plutôt qu'aux droits de leurs propres groupes ethniques. À l'heure actuelle, il existe 18 organisations de minorités nationales enregistrées, à l'exception de l'organisation hongroise, qui ont le droit d'envoyer au Parlement, une fois tous les quatre ans, un représentant. Ces organisations représentent les Roms, les Italiens, les Albanais, les Macédoniens, les Croates, les Bulgares, les Ukrainiens, les Serbes, les Grecs, les Turcs, les Tatars, les Turcs-musulmans, les Slovaques, les Tchèques, les Arméniens, les Ruthènes, les Allemands, les Juifs, les Polonais et les Lipovènes.
- Les communautés non représentées
Cependant, la loi électorale est considérée parfois comme discriminatoire, car elle maintient un cercle vicieux dans la procédure, étant donné que certains groupes ethniques, ne sont pas représentés au Conseil des minorités nationales, et l'accès à cette structure ne peut se faire qu'en gagnant des sièges au Parlement. Ainsi, les Sicules et les Csangos ne sont pris en compte que comme Hongrois, et les Aroumains sont considérés comme des Roumains bien que leur langue et leurs traditions soient différentes. Les organisations minoritaires qui n'obtiennent pas au moins un mandat de député ou de sénateur aux élections ont droit, selon la législation, à un mandat de député, si elles ont obtenu, sur l'ensemble du territoire, un nombre de voix égal à au moins 10 % des nombre moyen de suffrages valablement exprimés dans le pays pour l'élection d'un député.
2.2 La représentation locale
Les élections locales sont prévues à deux niveaux: les départements et les municipalités. Dans les municipalités, les maires sont élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, tandis que les conseillers, qu’ils soient municipaux ou départementaux, sont élus selon un système de représentation proportionnelle. Un seuil électoral minimal de 5% a été introduit en 2000 pour l’élection des conseillers municipaux (locaux) et départementaux. L'article 7 de la Loi n° 115 sur l'élection des autorités de l'administration publique locale (2015) .nonce que les candidats peuvent être présentés par les alliances électorales constituées dans les conditions de la présente loi, par les organisations de citoyens appartenant aux minorités nationales :
Article 7 1) Les candidatures pour les conseils locaux et les conseils départementaux, ainsi que celles pour les maires sont proposées par les partis politiques ou les alliances politiques, constitués conformément à la Loi n° 14 sur les partis politiques modifiée. Les candidats peuvent également être présentés par les alliances électorales constituées dans les conditions de la présente loi, par les organisations de citoyens appartenant aux minorités nationales prévues à l'art. 8, ainsi que des applications indépendantes. Les listes de candidats à l'élection des conseils locaux et départementaux doivent être prévues de manière à assurer la représentation des deux sexes, à l'exception de celles comportant un seul candidat. |
Les membres des minorités nationales ont donc le droit de se faire élire lors des élections locales à des postes de maires, de conseillers municipaux ou de conseillers départementaux. De nombreuses personnes minoritaires ont été élues à ces postes, en plus des Hongrois, notamment des Allemands, des Roms/Tsiganes, des Lipovènes, des Ukrainiens, des Serbes, des Slovaques, des Tchèques et des Tatars.
En général, quatre conseils départementaux (Covasna, Harghita, Mures et Satu Mare) sont présidés par des représentants de
l'Union démocratique des Magyars de
Roumanie (UDMR), et les
candidats de l'Union ont été élus maires dans plusieurs localités à
majorité roumaine, telles que
Satu Mare, Reghin et Jimbolia. La
majorité roumaine a également voté pour les minorités allemandes
lors des élections, comme cela s'est produit dans le cas du maire de
Sibiu, Klaus Iohannis, représentant le Forum démocratique des
Allemands en Roumanie. Celui-ci a remporté son troisième mandat à la
tête de la ville au premier tour avec plus de 85% des voix de la
population roumaine.
L'UDMR s'est fortement
impliquée dans les minorités nationales et la bonne
gouvernance; elle a réussi au fil du temps à présenter des
expertises (environnement, travaux publics et communications) auprès
du vice-premier ministre et des ministres. Les Hongrois peuvent
généralement fait élire un peu moins de 200 maires, près de 90 conseillers départementaux et
plus de 2000 conseillers
locaux (municipaux).
3 Les droits linguistiques en matière judiciaire
Les textes juridiques roumains concernant les droits linguistiques en matière de justice sont nombreux et très explicites. Ainsi, l'article 14 de la Loi n° 304 sur l'organisation du système judiciaire (2004) accorde aux citoyens roumains appartenant aux minorités nationales le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle devant les tribunaux, bien que, normalement, la procédure doive se dérouler en roumain:
Article
14
1)
La
procédure
judiciaire
se
déroule
en
roumain. 5) Les requêtes et les actes de procédure sont rédigés uniquement en roumain. 6)
Les
débats
tenus
par
les
parties
dans
la
langue
maternelle
sont
enregistrés
en
roumain.
Les
griefs
soulevés
par
les
intéressés
au
sujet
des
traductions
et
de
leur
consignation
sont
résolus
par
le
tribunal
jusqu’à
la
clôture
des
débats
dans
ladite
cause,
ceux-ci
étant
enregistrés
à la
clôture
de
l’audience. |
Cependant, le juge n'est pas nécessairement tenu de connaître la langue du justiciable si ce n'est pas le roumain et si la minorité n'atteint pas le seuil des 20% dans la localité. On alors recours à un interprète. De plus, les débats tenus par les parties dans une langue minoritaire doivent être enregistrés en roumain. Cela signifie qu'ils sont traduits pour que la cour puisse comprendre tous les détails du procès.
3.1 Le droit à la traduction
L'article 12 du Code de procédure pénale (2010) reprend les mêmes dispositions et impose la traduction :
Article 12 Langue officielle et droit à un interprète 1) La langue officielle dans une procédure pénale est le roumain. 2) Les citoyens roumains appartenant aux minorités nationales ont le droit d'utiliser leur langue maternelle devant les tribunaux, mais les documents de la procédure sont rédigés en roumain. 3) Les parties et les justiciables qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue roumaine ou qui ne peuvent s’exprimer ont la possibilité, gratuitement, de prendre connaissance des pièces du dossier, de parler et de tirer des conclusions devant les tribunaux par l’intermédiaire d'un interprète. Dans les cas où l’assistance juridique est obligatoire, le suspect ou l’accusé a la possibilité de communiquer gratuitement, par l’intermédiaire de l’interprète, avec l’avocat en vue de préparer l’audition, l’introduction d’un recours ou de toute autre demande relevant du règlement du procès. 4) Dans une procédure judiciaire, les interprètes doivent être employés conformément à la loi. Sont inclus dans le prix internationaux et des traducteurs autorisés par la loi. Article 83
Article 105 |
L'article 18 du Code de procédure civile (2010-2016) est beaucoup moins explicite, mais il reconnaît également aux minorités nationales le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle devant les tribunaux par l'intermédiaire d'un interprète:
Article 18 La langue de la procédure 1) La procédure civile se déroule
en roumain. |
3.2 Le quota minimal des 20%
On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p. L'article 74 du Code de procédure administrative (2012) précise que les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20 % de la population ont le droit de présenter leurs documents dans leur langue maternelle et de recevoir une réponse à la fois dans leur langue et en roumain:
Article 74
La langue de la procédure |
Par voie de conséquence, il est cohérent que les personnes détenues puissent, selon la Loi n° 218 sur l'organisation et le fonctionnement de la police roumaine (2002-2020), communiquer dans leur langue par l'intermédiaire d'un interprète:
Article 38
1) La personne détenue au commissariat a les droits suivants :
|
Selon les conditions prévues dans d'autres lois, l'article 17 de la Loi n° 35 sur l'organisation et le fonctionnement de l'institution de l'Avocat du peuple (1997) permet au justiciable de soumettre des requêtes dans sa langue maternelle et recevoir une réponse en roumain et dans sa langue:
Article 17 3) Les citoyens appartenant à des minorités nationales, domiciliés ou résidant dans des unités administratives territoriales dans lesquelles ils représentent plus de 20 % de la population, peuvent soumettre des requêtes dans leur langue maternelle et recevoir une réponse en roumain et dans leur langue maternelle. |
En général, les documents notariés doivent être en roumain, en vertu de l'article 82 de la Loi n° 36 sur les notaires en droit public et les activités notariales (1995-2018). Mais les membres des minorités nationales ont le droit de faire appel à un traducteur pour des actes notariés qui doivent être rédigés en roumain:
Article 82 1) Les documents demandés par les parties et tous les documents de procédure notariale doivent être rédigés en roumain. 2) Les citoyens appartenant à des minorités nationales et les personnes qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue roumaine ont la possibilité de se familiariser avec le contenu d'un acte par l'intermédiaire d'un traducteur ou d'un interprète. La fonction de traducteur ou d'interprète peut être exercée par le notaire, si la langue étrangère est sa langue maternelle ou s'il est autorisé en qualité d'interprète ou de traducteur, ou par une autre personne autorisée en qualité d'interprète ou de traducteur en vertu de la loi par le ministère de la Justice. Dans toutes les situations où un acte est accompli par un interprète ou un traducteur habilité, celui-ci signera la conclusion avec le notaire. |
De plus, sur demande motivée des parties, le notaire peut compléter les documents relatifs aux documents préparés par les parties dans une autre langue que le roumain, uniquement si le notaire connaît la langue dans laquelle les documents sont préparés ou après avoir pris connaissance de leur contenu par un interprète, auquel cas une copie traduite en roumain et signée par la personne qui a effectué la traduction sera jointe au dossier.
En somme, la Roumanie permet aux parties de s’exprimer dans leur langue minoritaire ou régionale dans toute procédure judiciaire, sans s’exposer en principe à des coûts supplémentaires. En pratique, un procès en hongrois est possible pour la minorité hongroise de Transylvanie si toutes les parties, y compris le juge, sont d’accord pour employer cette langue. À part les services d’un interprète si cela est nécessaire, il n’y a jamais de services prévus pour les petites minorités telles que les Bulgares, les Polonais, les Tatars, les Turcs, etc.
3.3 L'application inégale des mesures de protection
Bien qu'ils soient reconnus et protégés par la législation, les droits linguistiques ne sont pas systématiquement mis en œuvre en raison de l'insuffisance des ressources financières, du manque d'interprètes qualifiés, voire de la méconnaissance de ce droit de la part des prévenus et des justiciables. C'est particulièrement un problème en ce qui concerne les Roms/Tsiganes et les minorités linguistiques plus petites. Les efforts positifs et fructueux déployés par les États pour garantir que ces droits linguistiques soient pleinement protégés comprennent généralement les mesures suivantes:
• des brochures d'information, des affiches ou d'autres moyens visibles dans toutes les salles d'audience et des postes de police dans les langues les plus employées localement afin d'informer tout accusé ou suspect de ses droits à une traduction ou à une interprétation gratuite ;
• la mise en place d'un registre de traducteurs et d'interprètes dûment qualifiés ;
• l'usage de technologies de communication telles que la visioconférence, le téléphone ou l'Internet, tant que cela n'entraîne pas une procédure inéquitable ;
• l'obligation pour le juge ou le président du tribunal ou un autre fonctionnaire judiciaire de vérifier les capacités linguistiques d'un accusé ou d'un suspect s'il semble qu'il puisse y avoir des problèmes de compréhension ;
• le droit de contester une décision constatant que la traduction n'est pas nécessaire ou, lorsqu'une traduction a été fournie, la possibilité de se plaindre que la qualité de la traduction n'est pas suffisante pour garantir l'équité de la procédure.
Peu de ces mesures sont appliquées en Roumanie.
3.4 Le cas particulier de
la langue hongroise
L’un des
principaux problèmes auquel doivent faire face les Hongrois vient du fait que, dans les
localités habitées par
des Hongrois, les juges, les procureurs et les policiers sont
presque tous
roumanophones et que leur langue de travail se fait exclusivement en roumain.
En 2013, dans le département de Covasna, seuls
cinq juges sur sur 55 juges parlaient hongrois et, parmi les 50 procureurs, seuls deux
connaissaient le hongrois. Dans les tribunaux, la langue de la
procédure est le roumain, même si les parties concernées ne parlent
pas du tout cette langue. La traduction peut ou non être disponible
et, si tel c’est le cas, elle exige une rémunération. Tous les documents
relatifs au procès sont en roumain seulement. En fait, toutes les
informations offertes par les tribunaux et dans le système
judiciaire sont uniquement en roumain. Tout cela constitue un
sérieux obstacle à l’accès des citoyens de langue hongroise à la
justice et à l’égalité devant la loi en Roumanie.
Dans la police locale, 95 % des agents de police ne parlent généralement que le roumain. Bien que la loi énonce clairement que les minorités aient le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle dans toute procédure relative à la police et à la justice, l'unilinguisme roumain prévaut souvent.
4 L'emploi des langues minoritaires dans l'administration
La Roumanie est considérée comme un modèle européen de relations interethniques, car elle a des lois qui sanctionnent sévèrement la discrimination, permet aux minorités de devenir des politiciens professionnels, accepte l'enseignement dans les langues des différentes ethnies et des universités multiculturelles. D'ailleurs, l'article 6 de la Constitution de 1991 reconnaît et garantit aux membres appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse:
Article 6
Le droit à l'identité 1)
L'État reconnaît et
garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit
de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique,
culturelle, linguistique et religieuse. |
4.1 Le cadre général de la fonction publique
En Roumanie, l’administration publique est articulé autour d’un système à trois paliers : le palier central, le palier départemental et le palier local. Tout l'organigramme administratif du gouvernement est défini dans le Code administratif ( 2019). Le palier central est celui du gouvernement et des ministères. Le palier départemental consiste à coordonner les autorités publiques locales dans le cadre de projets d’intérêt commun ou de l’établissements de services publics. Le département est une unité territoriale de droit public, constituée de municipalités, de villes et de villages. Il dispose d’une autonomie locale et est dirigé par un conseil départemental ("consiliile județene") élu directement par la population. Le niveau local est celui dans lequel se trouvent les municipalités, les villes et les communes composées de villages. Toutes ces entités jouissent d'une autotomie administrative.
- La connaissance obligatoire du roumain
L'article 465 du Code administratif ( 2019) exige la connaissance de la langue roumaine, écrite et parlée, de la part des fonctionnaires ou de toute personne qui occupe un poste publique:
Article 465
Conditions d'exercice d'une fonction publique
|
Le Code pénal (2009) prévoit des peines ou des sanctions pour tout fonctionnaire qui restreint l'exercice d'un droit d'une personne sur la base de la race, de la nationalité, de l'origine ethnique ou de la langue:
Article 297 Abus de service 1) L’acte du fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions de service, n’accomplit pas un acte ou l’accomplit incorrectement et cause ainsi un préjudice ou un préjudice aux droits ou intérêts légitimes d’une personne morale ou d’une personne physique est passible d’une peine d’emprisonnement de deux à sept ans et l’interdiction de l’exercice du droit d’exercer une fonction publique. 2) Est passible de la même peine le fait du fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, restreint l'exercice d'un droit d'une personne ou crée pour elle une situation d'infériorité fondée sur la race, la nationalité, l'origine ethnique, la langue, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'affiliation politique, la fortune, l'âge, le handicap, la maladie chronique non transmissible ou l'infection par le VIH/SIDA. |
- L'emploi des langues dans les départements
Rappelons que le territoire de la Roumanie est partagé en 41 judeţe, excluant la ville de Bucarest (voir la carte des départements). Le terme roumain județ ou județe au pluriel aurait comme équivalents français le mot «département». Les pouvoirs d'un sont d'ordre administratif avec un palier décisionnel: le Conseil départemental qui est responsable de l’application de certaines activités telles que le développement économique et social, le patrimoine, la justice et la sécurité publique, les relations interinstitutionnelles, le développement durable, etc. De plus, les départements sont pourvus d'un préfet (en roumain: prefectul) et d'un conseil général (Consiliu județean) élu. Selon la Loi n° 215 sur l'administration publique locale (2001), dans les départements où les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20% de la population, l'ordre du jour est rendu public également dans la langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée:
Article 94 1) Le conseil départemental se réunit en session ordinaire tous les mois, sur convocation du président du conseil départemental. 8) Dans les départements où les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20% de la population, l'ordre du jour est rendu public également dans la langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée. |
De plus, selon l'article 19 de la Loi n° 340 sur le préfet et l'institution du préfet (2004-2009), il relève de la responsabilité du préfet de s'assurer que l'usage de la langue minoritaire soit effectif lorsque la minorité atteint les 20% de la population locale:
Article
19 1) En tant que représentant du gouvernement, le préfet exerce les principales attributions suivantes :
|
Bien que ces mesures de protection paraissent très généreuses, elles ne sont applicables que pour les grandes minorités, là où elles sont concentrées et, surtout, lorsqu'elles comptent pour 20% de la population (voir la carte des départements). La carte ci-contre illustre les six départements où la minorité hongroise compte pour plus de 20% de la population: (1) Statu Mare : 37,6%; (2) Bihor : 25,2%; (3) Salaj : 23,0%; (4) Mures :45,2%; (5) Harghita :85,2%; (6) Covasna :73,5%. Trois autres départements comptent des minorités hongroises importantes, mais en-dessous de 20%: (7) Maramures :7,5%; (8) Cluj : 16,4%; (9) Arad : 10,0%. Des minorités hongroises et autres habitent dans pratiquement touts les départements, mais elles sont en nombre infime par rapport à la« population roumanophone; en général, elles atteignent plu ou moins 1%, mais dépassent rarement 4% ou 5% (Brasov = 6,5%), ce qui n'est pas suffisant pour obtenir des droits linguistiques. |
On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
- L'emploi des langues dans les villes et les municipalités
Au plan local, rappelons que la loi roumaine distingue les communes (comună/comunele), les villes (oraș/oraşele), les municipalités (municipiu/municipii). Une municipalité (du latin municipium) est une unité administrative territoriale; ce statut est accordé aux grandes villes, à fort degré d' urbanisation, avec une population relativement importante et généralement supérieure à 15 000 habitants, avec un rôle économique, social, politique et culturel important. La commune n'a pas d'autres subdivisions administratives, même si officieusement les plus grandes communes sont divisées en quartiers. En fait, les localités qui ne répondent pas à un ou plusieurs de critères d'une commune sont classées comme des villes ou si elles ne sont pas urbanisées comme des communes.
Selon l'article 108 de la Loi n° 188 sur le statut des fonctionnaires (1999), la langue d'une minorité nationale donnée peut être obligatoire chez les fonctionnaires lorsque cette minorité nationale compte pour plus de 20 % de la population:
Article
108 Dans les unités administratives territoriales où les membres appartenant à une minorité nationale ont une part de plus de 20 %, certains fonctionnaires des services qui ont des contacts directs avec les citoyens doivent connaître également la langue de la minorité nationale concernée. |
En vertu de l'article 66 de la Loi n° 119 sur les actes d'état civil (1996-2013), les actes de l'état civil doivent être rédigés en roumain, mais ils doivent aussi l'être dans la langue d'une minorité selon le quota des 20% réglementaires:
Article 5 3) L'élaboration des actes d'état civil, ainsi que l'enregistrement des mentions se font en langue roumaine, en utilisant l'alphabet latin. Article 66
1) Lors de
l'établissement de l'acte de naissance, ainsi que des autres actes
d'état civil, le nom et le prénom du titulaire
doivent être écrits dans la
langue maternelle, en utilisant l'alphabet latin. |
On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
4.2 Les langues reconnues de l'administration publique locale
Bien que le roumain soit la langue officielle et que celle-ci doive être employée dans les relations entre les citoyens et les autorités de l'administration publique locale, la langue d'une minorité donnée devint co-officielle localement si les locuteurs de cette minorités représentent plus de 20 % de la population. Tel est le libellé de l'article 37 du Règlement d'organisation et de fonctionnement du Conseil local :
Article 37 Langue officielle et emploi de la langue des minorités nationales 1) La langue roumaine doit être employée dans les relations entre les citoyens et les autorités de l'administration publique locale. 2) Dans les unités administratives territoriales où les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20 % de la population, établie au dernier recensement, dans leurs relations avec les autorités de l'administration publique locale, avec les organigrammes spécialisés et leurs organismes subordonnés, ces citoyens peuvent s'adresser, oralement ou par écrit, également dans la langue de la minorité nationale concernée et recevoir la réponse à la fois en roumain et dans la langue de la minorité nationale concernée. 3) Aux fins de l'exercice du droit prévu au par. 2, les autorités de l'administration publique locale, les établissements publics qui leur sont subordonnés, ainsi que les services publics déconcentrés ont l'obligation de mettre à la disposition des citoyens appartenant à une minorité nationale les formulaires et les textes administratifs d'usage courant en format bilingue, respectivement en roumain et dans la langue de la minorité nationale. 4) La liste des formats et des types de textes administratifs d'usage courant, qui sont utilisés conformément au par. 3, est établi par décret du gouvernement, sur proposition du Département des relations interethniques élaboré en collaboration avec l'Institut d'étude des questions relatives aux minorités nationales, avec l'approbation des ministères chargés de l'administration publique, des finances publiques et des affaires intérieures. 5) Dans les conditions prévues au par. 2, les personnes qui connaissent la langue de la minorité nationale concernée sont également employées dans les postes qui ont des attributions en matière de relations publiques. 6) Les autorités de l'administration publique locale assurent l'inscription du nom des localités et des institutions publiques sous leur autorité, ainsi que l'affichage des annonces d'intérêt public à la fois en roumain et dans la langue de la minorité nationale concernée, selon les conditions prévues au par. 2. 7) Les documents officiels doivent être rédigés en roumain, sous peine de nullité. |
L'article 19 de la Loi n° 215 sur l'administration publique locale (2001) reprend ces mêmes dispositions:
Article 19 Dans les unités administratives territoriales où les citoyens appartenant aux minorités nationales représentent plus de 20 % de la population, les autorités de l'administration publique locale, les établissements publics qui leur sont subordonnés, ainsi que les services publics décentralisés assurent l’usage à leur égard de la langue maternelle dans leurs relations, conformément aux dispositions de la Constitution, de la présente loi et des traités internationaux auxquels la Roumanie est partie. |
D'après les articles 42 et 50 de la loi n° 215, les assemblées des conseils locaux et les documents destinés à la population doivent être en roumain et dans la langue de la minorité concernée si celle-ci atteint plus de 20 % de la population :
Article 42
1) Les assemblées du conseil local sont publiques. Dans les unités administratives territoriales dans lesquelles les citoyens appartenant à une minorité nationale ont un poids de plus de 20% de la population, les décisions normatives sont rendues publiques dans la langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée, et les décisions individuelles sont communiqués, lors de la demande, et dans la langue maternelle. |
Cependant, l'article 131 de la Loi n° 215 sur l'administration publique locale précise que les dispositions relatives à l'usage de la langue des minorités nationales restent applicables si, pour diverses raisons, après l'entrée en vigueur de la loi, la part des citoyens appartenant à une minorité nationale devient inférieure 20%.
Article 131 Les dispositions de l'art. 19, de l'art. 39 par. 7 et de l'art. 76 par. 2 -4 sont également applicables si, pour diverses raisons, après l'entrée en vigueur de la présente loi, la part des citoyens appartenant à une minorité nationale devient inférieure au pourcentage prévu à l'art. 19. |
Cela signifie que les services publics décentralisés sont tenus de veiller à ce que l'usage de la langue d'une minorité peut être maintenue, mais les représentants doivent en principe en faire la demande. On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
- L'usage du bilinguisme
L'article 138 du Code administratif ( 2019) autorise l'emploi d'une langue minoritaire dans les conseils locaux:
Article 138 Procédure des assemblées du conseil local 3) Les débats des assemblées se déroulent en roumain. Dans les conseils locaux où les conseillers locaux appartenant à une minorité nationale représentent au moins 20 % du nombre total, la langue de cette minorité nationale peut également être employée lors des assemblées du conseil local. Dans ces cas, la traduction en roumain est assurée sous la responsabilité du maire. Dans tous les cas, les documents des assemblées du conseil local sont rédigés et portés à la connaissance du public en roumain. |
Cet article 76 de la Loi n° 215 sur l'administration publique locale prescrit bien un certain bilinguisme si le quota des 20% est atteint:
Article 76
1) La langue roumaine est
employée dans les relations entre les
citoyens et les autorités locales de l'administration publique. |
L'article 195 du Code administratif ( 2019) résume bien le contexte juridique des droits linguistiques accordés aux membres des minorités nationales par rapport aux prescriptions concernant la langue officielle:
Article 195
Langue officielle et usage de la langue
des minorités nationales 3) Aux fins de l'exercice du droit
prévu au par. 2, les pouvoirs publics et les entités prévues à
l'art. 94 ont l'obligation de mettre à la disposition des citoyens
appartenant à une minorité nationale des formulaires et des textes
administratifs d'usage courant en format bilingue,
respectivement en roumain et dans la langue de la minorité
nationale. 5) Selon les conditions prévues au
par. 2, dans les postes qui ont des attributions concernant les
relations avec le public sont également incluses
des personnes qui connaissent la langue de la
minorité nationale concernée. |
Le Décret n° 1.206 sur l'approbation des Règles pour l'application des dispositions concernant le droit des citoyens appartenant à une minorité nationale d'employer leur langue maternelle dans l'administration publique locale (2001) prescrit le bilinguisme dans les conseils locaux et départementaux:
Article 2 1) Dans les relations avec les autorités de l'administration publique locale, les citoyens appartenant à une minorité nationale des unités administratives territoriales dans lesquelles ils représentent plus de 20% de la population ont le droit d'être informés, dans leur langue maternelle, l'ordre du jour des réunions du conseil local ou départemental, ainsi que les décisions adoptées par ceux-ci. 2) Dans les conditions prévues au par. 1, les citoyens appartenant à une minorité nationale ont le droit de s'adresser aux autorités de l'administration publique locale et à l'appareil propre des conseils locaux et départementaux, oralement ou par écrit, dans leur langue maternelle, ainsi que de recevoir une réponse à la fois en roumain et dans leur langue maternelle.
Article 3 |
L'article 104 du Code administratif ( 2019) réitère le droit des citoyens appartenant à une minorité nationale d'utiliser leur langue maternelle avec l'administration publique locale et les services publics décentralisés:
Article 104 Statut de l'unité administrative territoriale 1) Le conseil local, notamment le conseil départemental, approuve le statut de l'unité administrative territoriale par arrêt qui peut être modifié et complété, en fonction des modifications apparues au niveau de leurs éléments spécifiques. Il contient des données et des éléments spécifiques permettant de distinguer l'unité administrative territoriale par rapport à d'autres unités similaires, ainsi que des dispositions concernant :
|
Il faut tout de même admettre que les minorités établies depuis longtemps en Roumanie et qui ont déjà bénéficié de mesures de protection parce qu'elles atteignaient 20% de la population locale peuvent conserver leurs droits si elles le demandent. On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
- La double dénomination des localités
L'article 4 du Décret n° 1.206 sur l'approbation des Règles pour l'application des dispositions concernant le droit des citoyens appartenant à une minorité nationale d'employer leur langue maternelle dans l'administration publique locale (2001) prescrit le nom des localités dans la langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée:
Article 4 1) Dans les localités où les citoyens appartenant à une minorité nationale ont un poids supérieur à 20% du nombre d'habitants, l'inscription du nom de la localité et dans la langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée est assurée. 2) Dans les unités administratives territoriales où les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20 % de la population, les autorités de l'administration publique locale assureront l'inscription du nom des établissements publics sous leur autorité, ainsi que la affichage d'annonces d'intérêt public dans leur langue maternelle des citoyens appartenant à la minorité concernée, conformément à la loi. |
L'illustration ci-dessous présente quelques inscriptions en au moins deux langues sur des panneaux à l'entrée des localités ou habitent au moins 20% des membres d'une minorité. Évidemment, les Hongrois sont les plus aptes à bénéficier de cet avantage, mais les Allemands peuvent aussi employer cette forme de bilinguisme dans les villages où ils ont déjà constitué 20% de la population.
Căianu Mic
(roumain) -
Kiskaján (hongrois,
vandalisé) Carei (roumain) - Nagykároly (hongrois), Großkarol (allemand) Târgușor (roumain) - Asszonyvasara (hongrois) Biertan (roumain) - Birthälm (allemand) + anglais + français Sighisoara (roumain) - Schässburg (allemand) - Segesvár (hongrois) Sibiu (roumain) - Hermannstadt (allemand) Adămuș (roumain) - Ádámos (hongrois) - Adämuś (csango) Șaroșu pe Târnave (roumain ancien) - Scharosch an der Kokel (allemand) Carpați (roumain) - Kárpátok (hongrois) - 4M (alphabet sicule) Ciumani (roumain) - Gyergyócsomafalva (hongrois) - 4M (alphabet sicule) Târnava (roumain) - Tîrnava (hongrois) - Großprobsdorf (allemand) Il y a ici trois inscriptions uniquement en roumain : "Atenție! Zonă cu risc ridicat de accidente" («Attention! Zone à risque élevé d'accidents!»); "5 Km/h, viteza maxima admisa" («5 km/h, vitesse maxinale admise») et "Intrarea interzisă" («Entrée interdite»). |
L'article 11 du Décret n° 1.206 décrit la façon d'employer le bilinguisme sur une même plaque indicatrice:
Article 11 1) L'inscription dans la langue maternelle du nom de certaines localités dans lesquelles les citoyens appartenant à une minorité ont un poids de plus de 20% de la population est faite sur la même plaque indicatrice, sous le nom en roumain, en utilisant les mêmes caractères, tailles et couleurs des lettres, selon annexe n° 2. L'inscription est faite à la fois sur les panneaux d'entrée et de sortie. 2) La fabrication des plaques indicatrices est assurée par les maires, leur coût étant pris en charge par les budgets locaux. |
Bien qu'en général cette mesure égalitaire soit respectée, il arrive que l'inscription en roumain soit plus grande, par exemple, que celle en hongrois ou en allemand. L'usage des plaques bilingues est appliqué à de nombreuses municipalités et à une trentaine de villes. Il arrive que des panneaux soient vandalisés par des Roumains, mais les contrevenants sont passibles de deux ans de prisons. Depuis 25 ans, la minorité hongroise réclame l’instauration d’une signalétique bilingue à Cluj, la capitale de la Transylvanie; en 2014, une décision de justice a obligé la mairie à placer des plaques bilingues, en roumain et en hongrois, à l’entrée de la ville. Cependant, la Cour d'appel a décidé d'annuler cette décision en 2015.
Par ailleurs,
là où l'Union démocratique des Magyars de Roumanie
(UDMR) est majoritaire, des
plaques ont été installées aux entrées des localités suivantes, sans
tenir compte du nombre des Hongrois prévu par la loi : Cluj-Napoca,
Huedin, Câmpia Turzii, Aghireșu, Gârbău, Căpușu Mare, Tureni, Călărași,
Bonțida, Buza, Călăţele, Mănăstrieni et Floresti. Selon la loi, des
plaques bilingues doivent être installées dans les localités où les
minorités représentent plus de 20 % de la population.
|
Le tableau ci-contre indique, d'une part, le nombre
de municipalités à majorité hongroise (18), d'autre
part, le nombre de municipalités avec plus de 20% de
représentation hongroise (14), ce qui signifie que 32
municipalités assurent en principe une protection
adéquate à cette minorité nationale. Il reste 53
municipalités (sur un total de 85 en Transylvanie) où la
proportion des magyarophones est moindre que les 20%
exigés par la loi.
Les Ukrainiens habitent principalement dans les départements de Suceava et de Maramureș au nord et dans les départements de Timis et de Caras-Severin au sud-ouest; ils sont majoritaires dans une douzaine de localités. Les Allemands sont protégés dans quelques localités des départements de Statu Mare, de Caras-Severin et d'Arad. Il existe des communautés turcophones dans le département de Constanta au sud-est: les localités les plus importantes avec des minorités turques sont Independența (12,5%), Băneasa(21,0%) et Dobromir (57,7%). Les Croates forment la majorité de la population dans deux localités de Caras-Severin: Carașova / Karaševo (76,5%) et Lupac / Lupak (86,5%). Les Lipovènes russophones vivent principalement dans le département de Tulcea au sud-est, mais de petits groupes résident également dans les départements voisins de Brăila, de Constanța et d'Ialomița; aucune des localités n'abrite plus de 20% de Lipovènes. |
- Les pratiques réelles
Bref, seules les importantes minorités hongroises, ukrainiennes, allemandes et turques font l'objet d'une protection lorsqu'elles atteignent au moins 20% de la population d'une localité. On peut consulter la liste des localités comptant plus de 20% de la population minoritaire en cliquant ICI s.v.p.
Toutefois, rappelons que les minorités établies depuis longtemps en Roumanie et qui ont déjà bénéficié de mesures de protection parce qu'elles atteignaient 20% de la population locale peuvent conserver leurs droits si elles le demandent, même si elles se trouvent aujourd'hui en deçà de 20%. Cette pratique est basée sur le principe juridique "uti possidetis juris" («vous posséderez ce que vous possédez déjà») qui a inspiré beaucoup la législation des anciens pays communistes. Il ne s'agissait moins de droits culturels ou linguistiques que de propriétés, mais le principe est demeuré dans bien des cas.
Dans les faits, il existe un certain bilinguisme (non officiel) dans les municipalités à majorité magyarophone. Les droits linguistiques que la loi roumaine garantit en principe appartiennent à cette catégorie de localités, sans jamais atteindre un niveau qui pourrait être considéré comme une pratique de bilinguisme officiel. De plus, selon les représentant des minorités, l'application des lois demeure largement restreintes dans leur efficacité de toutes sortes de façons. Parmi les principales raisons, il faut citer l'ignorance des lois et le pouvoir de nuisance des autorités locales qui tardent ou refusent d'appliquer les lois. Finalement, on peut estimer que les lois de protection servent à créer une impression favorable au plan international, alors que la réalité peut être en-deçà des attentes.
- Les soins de santé
Dans le milieu des soins de santé, les patients ont le droit de recevoir des renseignements sur leur état dans une langue qu’ils comprennent. Les établissements de soins de santé et de protection sociale sont tenus d’embaucher du personnel qui parle la langue de la minorité dans les unités administratives où le pourcentage de la minorité dépasse 20 % ou où leur nombre est supérieur à 5000 personnes. Cependant, cette loi n’est pas appliquée dans les cliniques et les hôpitaux, sauf de façon exceptionnelle.
Ainsi, les médicaments vendus aux patients hongrois n’ont pas d’inscriptions hongroises. Les inscriptions pharmaceutiques peuvent mettre la vie d’une personne en danger si elles apparaissent uniquement en roumain. Les conseils médicaux, les consultations médicales et la procédure de sécurité médicale en hongrois ne sont disponibles que s’il y a du personnel médical de langue hongroise. S'il est difficile pour les patients de communiquer avec les médecins roumains et le personnel médical qui ne parlent pas hongrois, mais la situation des autres minorités beaucoup moins nombreuses demeure plus aléatoire! Pour la Roumanie, puisque le roumain est la langue officielle, il ne faut pas s'attendre à ce que les autres langues bénéficient du même traitement.
4.3 Le Département de la protection des minorités nationales
Le Département de la protection des minorités nationales ("Departamentului pentru Protecţia Minorităţilor Naţionale") a été créé en 1997 en vertu du Décret n° 17 du gouvernement sur la création, l'organisation et le fonctionnement du Département pour la protection des minorités nationales. L'article 1er situe ce département dans un cadre administratif relié au premier ministre:
Article 1er
1) Le Département pour la protection des minorités nationales est créé dans le cadre de l'appareil gouvernemental de Roumanie et est subordonné au premier ministre. 2) Le Département est coordonné par le ministre délégué par le premier ministre à l'intention des minorités nationales, qui a le statut d'un membre du gouvernement. |
De façon générale, le ministre chargé des minorités nationales auprès du premier ministre est un Hongrois qui doit gérer ce département. Les principales attributions de ce département (ministère) sont les suivantes:
- Rédiger des projets de loi et d'autres instruments juridiques se rapportant à son domaine d'activité;
- Approuver les projets de loi et les instruments juridiques se rapportant aux minorités nationales que le Conseil des minorités nationales lui recommande d'adopter;
- Surveiller l'application des instruments nationaux et internationaux relatifs à la protection des minorités nationales;
- Veiller à ce que les dispositions juridiques relatives à la protection des minorités nationales soient appliquées de manière uniforme par les pouvoirs publics;
- Recevoir et examiner des plaintes émanant d'institutions, d'organisations et d'entités touchant des décisions prises par l'administration locale qui lèsent les droits des minorités nationales et rendre un avis juridique;
- Établir et développer les contacts avec des organisations gouvernementales ou non gouvernementales du pays ou de l'étranger ainsi qu'avec les organisations internationales qui s'occupent des minorités nationales;
Le Département des minorités nationales collabore avec le ministère des Affaires étrangères, le Département des relations interethniques, les directions et institutions subordonnées au ministère de la Culture afin de rédiger des rapports par pays, pour la mise en œuvre de l'article 12 (Activités et équipements culturels) de la loi n° 282/2007 du 24/10/2007 pour la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992 , un acte normatif dont les dispositions favorisent la préservation et l'usage des langues régionales et minoritaires, la promotion de la patrimoine linguistique et culturel des minorités nationales en Roumanie, ainsi que pour la réalisation du rapport national dans le domaine de la culture concernant la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ratifiée par la loi n° 33/1995, qui est le premier instrument multilatéral juridiquement contraignant consacré à la protection des minorités nationales.
4.4 Le Département des relations ethniques
Il existe en Roumanie un Département des relations ethniques (en roumain: "Departamentului pentru Relații Interetnice"). Selon l'article 2 du Décret n° 111 sur l'organisation et le fonctionnement du Département des relations interethniques (2005), le département
Article 2 1) Dans l'exercice de son objet d'activités, le Département des relations interethniques exerce les tâches principales suivantes :
|
Jusqu’à présent, le ministre chargé des minorités nationales auprès du premier ministre est toujours un Hongrois; il dirige le Département des relations ethniques.
4.5 Le Conseil des minorités nationales
Le Conseil des minorités nationales (en roumain: "Consiliului pentru Minoritatile Nationale") est créé comme un organisme consultatif du gouvernement roumain et présidé par le secrétaire général du gouvernement. Le Conseil des minorités nationales doit établir des relations par rapport à la législation avec les organismes des membres appartenant à des minorités nationales, lesquels ont la compétence sur les questions à caractère normatif, les décisions administratives et financières liées à l'exercice des droits des membres des minorités quant à la préservation, au développement et à l'expression leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.
L'article 3 du Décret n° 137 sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil des minorités nationales (1993) décrit les fonctions du Conseil; on constate que celui-ci dispose de fonctions qui vont bien au-delà des droits linguistiques:
Article 3 Le Conseil des minorités nationales exerce les fonctions suivantes:
|
Le Règlement d'organisation et de fonctionnement du Conseil local
(2021) autorise, par son article 27, que les délibérations des
assemblées du Conseil puissent également se dérouler dans la langue
de la minorité concernée:
Article 27 Conduite des assemblées du conseil municipal (4) Les délibérations des assemblées doivent se dérouler en roumain. Dans les conseils locaux où les conseillers locaux appartenant à une minorité nationale représentent au moins 20 % du nombre total, la langue de cette minorité nationale peut également être employée lors des assemblées du conseil local. Dans ces cas, la traduction en roumain est assurée par les soins du maire. Dans tous les cas, les documents des assemblées du conseil local sont rédigés et portés à la connaissance du public en roumain. Article 32 Décrets du conseil local à caractère normatif 1) Les décrets normatifs deviennent obligatoires à compter de la date de leur portée à la connaissance du public. 2) La portée à la connaissance du public des décrets normatifs est faite dans les cinq jours à compter de la date de la communication officielle au préfet. 3) Dans les unités administratives territoriales dans lesquelles les citoyens appartenant à une minorité nationale représentent plus de 20% de la population, établies lors du dernier recensement, les arrêtés normatifs sont portées à la connaissance du public à la fois en roumain et dans la langue de la minorité concernée. |
Pour que la langue d'une minorité puisse être employée, il faut que celle-ci soit parlée par au 20% de la population, pourcentage établie lors du dernier recensement.
Certaines précisions s'imposent. Lorsqu'une langue minoritaire est protégée en Roumanie au niveau d'une municipalité, celle-ci ne devient pas officiellement bilingue. Le statut de «langue minoritaire protégée» ("limbă minoritară protejată") signifie concrètement que quiconque demande à l'employer peut le faire dans les institutions publiques civiles (administration, enseignement, santé, police, justice, vie culturelle) et dans l'espace civil public (inscriptions, panneaux). Cette mesure ne rend pas pour autant la municipalité bilingue, car selon l'article 13 de la Constitution la seule langue officielle en Roumanie est le roumain. C'est également la seule langue des forces armées ou paramilitaires (gendarmerie, pompiers, protection civile). Si personne ne demande l'emploi d'une langue minoritaire, celle-ci ne sera pas utilisée. En outre, tous les actes officiels sont émis en roumain et c'est au requérant de rémunérer les traducteurs assermentés.
Évidemment, les Hongrois sont mieux organisés : ils demandent systématiquement l'usage de leur langue dans les municipalités; ils se cotisent pour payer les avocats et les sociétés de mutualité, tandis que leurs députés essaient de rendre ce coût gratuit pour le requérant (donc à la charge de l'État). Les autres minorités n'ont d'autre choix que de renoncer à ce genre d'intervention. On peut comprendre que les Hongrois soient les seuls à obtenir un ensemble de droits fort acceptables, mais cette situation ne vaut qu'en Transylvanie et avant tout dans le «Pays sicule». C'est pourquoi les Hongrois transylvains hésitent à s'établir en ailleurs, en Valachie ou en Moldavie, et ceux qui s'y installent finissent par devenir roumanophones ainsi que leurs enfants. Dans la conscience collective des Hongrois, il est très important de se maintenir en Transylvanie où ils sont présents depuis un millénaire. Ils cherchent alors à créer un «Pays sicule» autonome et officiellement magyarophone dans les départements de Mures, de Harghita et de Covasna.
4.6 Le projet de loi avorté sur l'autonomie des Sicules
Nous savons que la question hongroise revient régulièrement sur la scène publique roumaine. De façon générale, l'autonomie des Sicules signifierait l'officialisation de plusieurs droits pour les magyarophones des départements de Harghita, de Covasna et de certaines municipalités de Mureş.
En 2019, un Projet de loi sur le Statut d'autonomie du Pays sicule a été présenté dans la controverse. Il fut «tacitement» adopté par la Chambre des députés. Une adoption dite «tacite» signifie que le projet de loi n'a pas été soumis à l'ordre du jour, de sorte qu'il peut être adopté ou rejeté; il passe alors la première chambre du Parlement sans être formellement voté par les députés. Finalement, le Sénat a rejeté le projet de loi avec une forte majorité, puisque seuls les sénateurs de l'UDMR (Union démocratique magyare de Roumanie) ont voté en faveur de l'autonomie du "Szeklerland" («Pays sicule»). Trois partis politiques représentent les intérêts de la minorité hongroise, qui compte 30 élus au Parlement roumain. Ces députés prônent l'autonomie comme moyen de «préserver l'identité nationale et garantir des droits égaux» aux membres de cette communauté.
L'article 10 du Projet de loi sur le Statut d'autonomie du Pays sicule présentait ainsi les dispositions linguistiques:
Article 10
[non
adopté] 1) Dans le Pays sicule, la langue hongroise a le même statut que la langue officielle de l'État. 2) Les autorités de la région autonome, des députés sicules appartenant aux autorités de l'administration publique locale assurent l'usage officiel et naturel des deux langues, en adoptant les règlements nécessaires à leur connaissance, en créant toutes les conditions qui garantissent leur pleine égalité. 3) Dans les localités de la région autonome où les citoyens appartenant à d'autres communautés nationales, ethniques, linguistiques ayant leur résidence permanente dans ces localités sont en minorité numérique, mais dépassent la centaine dans la commune, le millier dans la municipalité, cinq mille dans la municipalité, dix mille au niveau du département, la langue de ces communautés jouit du même statut que la langue officielle de l'État. |
On peut comprendre que dans un pays où il existe une langue officielle parlée par 90% de la population, une langue minoritaire qui aurait le même statut puisse froisser ou même choquer la majorité. Pour les roumanophones, la seule langue officielle en Roumanie est le roumain: il leur paraît impensable qu'une autre langue soit co-officielle, ne serait-ce que très localement. Le bilinguisme officiel n'est populaire en Roumanie que chez les Hongrois du «Pays sicule».
4.7 La langue des signes
Au chapitre de la protection des minorités, la
Roumanie va assez loin dans le groupe des
malentendants, c'est-à-dire les personnes sourdes et/ou muettes. La
Loi n° 27 sur la langue des
signes roumaine a été publiée dans le Journal officiel le 30
mars 2020; elle reconnaît la langue des signes roumaine comme langue
maternelle spécifique aux personnes sourdes et/ou muettes.
L'article 1er
reconnaît la langue des signes roumaine, ci-après
dénommée LSR, comme la langue maternelle spécifique aux personnes
sourdes et/ou muettes:
Article 1er La présente loi reconnaît la langue des signes roumains, ci-après dénommée LSR, la langue maternelle spécifique aux personnes sourdes et/ou hypo-acoustiques. |
L'article 2 présente la LSR comme une langue égale et autonome, exigeant une éducation bilingue:
Article 2 Aux fins de la présente loi, les expressions qui suivent ont la signification suivante:
|
Les autorités et institutions centrales et locales,
publiques ou privées, ont l'obligation de mettre gratuitement à
disposition des personnes sourdes et/ou sourdes des interprètes
habilités en LSR:
Article 5 1) Les personnes sourdes et/ou hypo-acoustiques ont le droit d’utiliser la LSR dans leurs relations avec les autorités et institutions centrales et locales, publiques ou privées, pour exercer leurs droits de citoyenneté. 2) Les autorités et institutions centrales et locales, publiques ou privées, sont tenues de mettre gratuitement à la disposition des personnes sourdes et/ou hypo-acoustiques des interprètes autorisés dans la LSR, conformément à la législation en vigueur. 3) L’accès à l’interprète agréé dans la LSR est accordé sur demande ou d’office. |
Article 10 1) Le non-respect des dispositions de la présente loi constitue une infraction et est passible d’une amende de 10 000 à 20 000 lei. 2) L’Agence nationale des paiements et de l’inspection sociale, par l’intermédiaire des agences territoriales, vérifie le respect des dispositions de la présente loi et applique les sanctions infractionnelles prévues au paragraphe 1. |
L'amende en question équivaut à 2023 euros (ou 2366 $US) à 4046 euros (ou 4733 $US).
4.8 Les conseils nationaux de type territorial
Les minorités de Roumanie n'ont pas d'institutions territoriales autonomes par rapport au gouvernement; leurs partis politiques ethniques ne sont pas territoriaux. Les conseils locaux ne concernent que les municipalités et villages. Par contre, il existe deux «conseils nationaux» qui sont territoriaux et ont des présidents élus en leur sein. Ces conseils ont un rôle différent des partis politiques ethniques : il ne légifèrent pas, mais participent à la gestion des judets, soutiennent les initiatives locales, tissent des liens avec des pays amis (Hongrie, Turquie) et militent (jusqu'ici sans résultat) pour la «fédéralisation de la Roumanie».
Il existe donc un Conseil national sicule (Székely Nemzeti Tanács, en roumain Consiliul national Secuiesc) et un Conseil turco-tatar de Roumanie (Romanya Tatar-Türklerinin Birliği, en roumain; Consiliul Turco-Tătarilor din România).
Le Conseil national sicule regroupe trois départements: Mures, Harghita et Covasna. ll revendique également les droits des Sicules (Székelys) à l'autodétermination, tels que garantis par le traité de Trianon de 1920. Officiellement, le traité se voulait une confirmation du concept du droit à l'autodétermination des nations. Le SZNC espère obtenir l'autodétermination du «Pays sicule» sur le modèle catalan. Le Conseil turco-tatar de Roumanie regroupe les départements de Tulcea et de Constanta; il rêve d'une certaine autonomie dans la région de la Dobrogée.
5 Les langues minoritaires en éducation
En Roumanie, le gouvernement communiste restait plutôt indifférent à l’égard des minorités, jusqu'à ce que, face à l'afflux des réfugiés lors de l'hiver 1987-1988 et à la dégradation du climat social, il se proclame «responsable» du sort de «ses» minorités. C’est pourquoi la Constitution de 1991 était axée sur deux volets: d’une part, la langue officielle — le roumain —, d’autre part, les langues des minorités et ce qui a trait à leur emploi en Roumanie. Comme le proclame l’article 13, le roumain est la langue officielle en Roumanie:
Article 13 La langue officielle En Roumanie, la langue officielle est le roumain. |
5.1 Le droit d'employer la langue maternelle
Cependant, les articles 6 et 32 de la Constitution de 1991 reconnaissent aux minorités d'une autre langue que le roumain le droit d'employer librement leur langue:
Article 6
Le droit à l'identité 1) L'État reconnaît et garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales l e droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.2) Les mesures de protection prises par l'État pour la conservation, le développement et l'expression de l'identité des membres appartenant aux minorités nationales, doivent être conformes aux principes d'égalité et de non-discrimination par rapport aux autres citoyens roumains. Article 32 Le droit à l'éducation 3) Le droit des personnes appartenant aux minorités nationales d'apprendre leur langue maternelle et le droit de pouvoir être instruites dans cette langue sont garantis; les modalités de l'exercice de ces droits sont déterminées par la loi. [...] |
Ce que le texte ne précise pas, c’est que ces droits sont établis sur une base territoriale (plus de 20% de la population locale) et concernent surtout le domaine de l'enseignement ainsi que les services administratifs et la justice.
L’article 148 de la Constitution prévoit que les questions concernant la langue officielle ne peuvent faire l’objet de révision constitutionnelle, ce qui a fait craindre à certains représentants des minorités une éventuelle réduction de leurs droits:
Article 148 Limites de le révision 1) Les dispositions de la présente Constitution concernant le caractère national, indépendant, unitaire et indivisible de l'État roumain, la forme républicaine de gouvernement, l'intégrité du territoire, l'indépendance de la justice, le pluralisme politique et la langue officielle ne peuvent faire l'objet de révision. 2) De même, aucune révision ne peut être effectuée si elle aboutit à la suppression des libertés et droits fondamentaux des citoyens ou de leurs garanties. |
Cependant, le paragraphe 2 du même article précise qu’aucune révision n’aurait pour résultat la suppression des droits fondamentaux et des libertés fondamentaux des citoyens ou de leurs garanties.
5.2 Les droits scolaires
C'est la Loi n° 1 sur l'éducation nationale (2011) qui permet de se faire une idée précise des droits scolaires et linguistiques des minorités nationales.
Article 10 1) En Roumanie, l'enseignement est un service d'intérêt public et se déroule, dans les conditions de la présente loi, en roumain, ainsi que dans les langues des minorités nationales et les langues de circulation internationale. 2) Dans chaque localité, des établissements scolaires ou des formations d'études sont organisées et utilisent le roumain comme langue d'enseignement et/ou, selon le cas, les langues des minorités nationales comme langue d'enseignement ou bien la scolarisation de chaque élève dans sa langue maternelle est assurée dans la localité la plus proche possible. 3) L'apprentissage de la langue roumaine à l'école, en tant que langue officielle de l'État, est obligatoire pour tous les citoyens roumains. Les programmes doivent inclure le nombre d'heures nécessaires et suffisants pour l'apprentissage de la langue roumaine. Les autorités de l'administration publique doivent assurer les conditions matérielles et les ressources humaines qui permettront l'acquisition de la langue roumaine. 4) Dans le système d'éducation nationale, les documents scolaires et universitaires officiels, désignés par arrêté du ministre de l'Éducation et de la Recherche, sont rédigés uniquement en roumain. D'autres documents scolaires et universitaires peuvent être rédigés dans la langue d'enseignement. 5) Les institutions et les établissements scolaires peuvent faire et émettre, sur demande contre rémunération, des traductions officielles de documents et autres documents scolaires et universitaires particuliers dans le respect des dispositions désignées par la loi. |
On peut constater que certaines
restrictions s'imposent. Par exemple,
les documents scolaires et
universitaires officiels, désignés par arrêté du ministre de
l'Éducation et de la Recherche, sont rédigés uniquement en roumain,
mais il est possible, sur demande contre rémunération, d'obtenir des
traductions dans une langue minoritaire. L'article 45 de la
Loi
sur l'éducation nationale précise
certaines modalités, notamment pour les élèves qui, dans leur
localité de résidence, n'ont pas la possibilité d'étudier dans leur
langue maternelle; ils sont alors pris en charge pour la facture de
transport à l'école la plus proche avec un enseignement de la langue
maternelle ou ils reçoivent un hébergement et des repas gratuits
dans l'internat de l'établissement d'enseignement de la langue
maternelle (par. 7):
Article 45 1) Les membres appartenant à des minorités nationales ont le droit d'étudier et de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle, à tous les niveaux, types et formes d'enseignement pré-universitaire, conformément à la loi. 2) En fonction des besoins locaux, à la demande des parents ou des tuteurs légaux et conformément à la loi, des groupes, des classes ou des unités d'enseignement pré-universitaire avec enseignement dans les langues des minorités nationales sont organisés. 3) Pour toutes les formes d'enseignement en roumain, dans les langues des minorités nationales ou dans les langues de circulation internationale, tout citoyen roumain ou citoyen des pays de l'Union européenne et de la Confédération suisse peut s'inscrire et se recevoir une formation, indépendamment de sa langue maternelle et de la langue dans laquelle il a étudié auparavant. 4) Au sein des établissements ou sections ayant un enseignement dans les langues des minorités nationales distinctives dans une localité, des classes de lycée et des classes professionnelles peuvent être organisées avec des groupes d'étudiants de profils différents, conformément à la loi. 5) Au sein d'une unité administrative territoriale, avec plusieurs établissements scolaires enseignant dans les langues des minorités nationales, il doit exister au moins un établissement scolaire dotée de la personnalité juridique, pour chaque langue maternelle, quel que soit le nombre d'élèves. 6) Dans le cas des unités de niveau gymnase ou de lycée avec un enseignement dans les langues des minorités nationales distinctives dans une municipalité, une ville ou une commune, la personnalité juridique doit être accordée, quel que soit le nombre d'élèves. 7) Les élèves qui, dans la localité de résidence, n'ont pas la possibilité d'étudier dans leur langue maternelle sont pris en charge pour la facture de transport à l'école la plus proche avec un enseignement de la langue maternelle ou ils reçoivent un hébergement et des repas gratuits dans l'internat de l'établissement d'enseignement de la langue maternelle. 14) La langue d'enseignement peut également être utilisée dans l'enseignement dans les langues des minorités nationales, dans la communication interne et dans la communication avec les parents d'élèves et d'enfants d'âge préscolaire. 15) Dans l'enseignement primaire avec un enseignement dans les langues des minorités nationales, les notes sont communiquées par écrit et oralement et dans cette langue d'enseignement. |
Selon la
DÎLM, la "Direcţia pentru Învăţământ în Limbile Minorităţilor"
(Direction de l'enseignement des langues minoritaires), les
attributions suivantes lui sont conférées:
1) Elle est responsable du développement, de l'organisation et du contenu de l'enseignement, comme suit :
2) Dans le cadre des options stratégiques du gouvernement roumain, pour le domaine de l'éducation, la Direction de l'enseignement des langues minoritaires vise à atteindre les objectifs prioritaires suivants dans l'éducation actuelle :
|
5.3 Les types de langues minoritaires enseignées
En Roumanie, il existe trois types d'enseignement pour les enfants des minorités ethniques :
1) Les établissements d'enseignement entièrement dans la langue maternelle pour les minorités suivantes: allemande, croate, hongroise, serbe, slovaque, tchèque et ukrainienne. Ces établissements comprennent 2732 établissements scolaires dans lesquelles étudient 209 842 enfants et/ou élèves.
2) Les établissements scolaires avec un enseignement partiel dans la langue maternelle dans seulement cinq écoles pour 560 enfants/élèves. Cette forme d'enseignement caractérise les minorités croate, tatare et turque pour lesquelles certaines matières professionnelles sont également enseignées dans la langue maternelle.
3) Les établissements scolaires en langue roumaine dans lesquels les langues maternelles sont également enseignées en plus du roumain, s'il y a des demandes suffisantes pour cet enseignement. On compte quelque 390 écoles pour 31 000 enfants/élèves. Ce type d'enseignement est organisé pour la langue maternelle des minorités suivantes dans certaines localités:
allemande, arménienne, bulgare, croate, grecque, hongroise, italienne, polonaise, romani, russe, serbe, slovaque, tchèque, turco-tartare et ukrainienne.
Bien sûr, le premier type d'enseignement est le seul à assurer la préservation et le maintien des langues minoritaires, car tous les autres types d'enseignement contribuent au processus de changement des langues dans lequel les groupes minoritaires sont impliqués depuis des décennies. En pratique, un tel changement des langues signifie que la langue maternelle peut se perdre à plus ou moins long terme en faveur de la langue officielle.
L’enseignement du roumain demeure, dans tous ces cas, obligatoire pour les élèves, tant au primaire qu’au secondaire. Il faut bien comprendre que l’enseignement en langue minoritaire n’est pas offert dans l’ensemble du pays et que, dans les faits, fort peu d’écoles en offrent à l’extérieur de la Transylvanie. Selon le gouvernement roumain, plus de 200 000 enfants hongrois bénéficieraient d’un enseignement en hongrois (primaire, secondaire, professionnel et post-secondaire réunis), contre quelque 20 000 en allemand, 1300 en slovaque, 800 en ukrainien, 900 en serbe, 270 en tatar, 190 en tchèque, 120 en bulgare, 110 en croate.
De façon générale, les représentants des minorités estiment que la Roumanie est un «État unitaire» qui pratique un «nettoyage ethnique», même s’il n’y a pas d’effusion de sang. C'est un jugement un peu sévère, d'autant plus que la plupart des minorités ont maintenu leur proportion démographique depuis une vingtaine d'années et, lorsque cette proportion a diminué, c'est en raison du départ de leurs membres, pas de leur décès en masse.
- Les écoles hongroises
Selon les localités données, une langue minoritaire comme le hongrois peut se trouver dans la première catégorie ou la troisième. En Transylvanie, la plupart des enfants hongrois vont se retrouver dans les écoles de langue maternelle hongroise, mais s'ils résident dans une localité (en Valachie et en Moldavie) où ils sont largement minoritaires, ils fréquenteront une école roumaine avec un enseignement partiel en hongrois.
Il est vrai que la communauté hongroise bénéficie de nombreux établissements scolaires pré-universitaires et universitaires dans sa langue maternelle, ainsi que de nombreux programmes dédiés à la minorité hongroise, sur les radios et télévisions publiques. Cependant, les partis et les organismes hongrois signalent régulièrement à la Commission européenne et à tous les forums de l'Union européenne que leurs droits linguistiques ne sont pas respectés en Roumanie. C'est évidemment de bonne guerre pour obtenir plus de droits, alors que leurs revendications sont grandement soutenues par la Hongrie qui ne ménage aucun effort à ce sujet.
- Les écoles ukrainiennes
Troisième groupe ethnique de Roumanie (après les Roumains et les Hongrois), les Ukrainiens vivent principalement dans le nord du pays, dans les zones proches de la frontière ukrainienne. En tant que minorité officiellement reconnue, les Ukrainiens ont le droit de recevoir un enseignement dans leur langue. Actuellement, les enfants appartenant à la minorité ukrainienne ont la possibilité d'étudier dans leur langue maternelle dans les 64 établissements scolaires des localités où les Ukrainiens représentent une part importante de la population totale de cette localité, notamment dans les départements suivants: Maramureş, Suceava, Timiş, Caraş-Severin, Arad, Botoşani, Satu Mare et Tulcea.
Au cours de l'année scolaire 2019-2020, les statistiques suivantes sont enregistrées dans les écoles publiques en Roumanie : un certain nombre de 1519 élèves étudient en ukrainien et un certain nombre de 5897 élèves étudient la Langue et la littérature ukrainiennes en tant que matière d'étude. Ce sont les localités dans les départements de Maramureș (3145 élèves) et de Suceava (1937 élèves) qui peuvent recevoir un enseignement entièrement dans leur langue; les autres fréquentent des écoles roumaines afin de recevoir des cours sur la Langue et la littérature ukrainiennes. En général, ces écoles assurent un enseignement en roumain, mais l'ukrainien est offert comme matière d'étude trous ou quatre heures/semaine en classes préparatoires. On y enseigne aussi, environ une heure par semaine l'Histoire et les traditions de la minorité ukrainienne (en sixième et septième année). Cette forme d'instruction (préscolaire, primaire et secondaire) semble répondre aux besoins des communautés locales et respecte la législation en vigueur de la Roumanie.
- Les école pour les Roms
Après 1989, il y a eu en Roumanie une véritable explosion du mouvement rom. Si peu de Roms/Tsiganes parlaient le roumain à ce moment-là, l'enseignement de la langue officielle été depuis «normalisé» ainsi que celui du romani. Ainsi, les enfants roms, environ 60 000, étudient leur langue ancestrale dans les écoles roumaines avec de 420 à 460 enseignants roms qui assurent l’enseignement du romani dans les écoles primaires.
En Roumanie, il y a deux types d'instruction pour les Roms:
1. Un enseignement en roumain ou en hongrois, avec la possibilité d'étudier trois ou quatre cours hebdomadaires de Langue et de littérature romanie ou d'Histoire et de traditions roms. Dans les écoles maternelles ou secondaires ou dans les lycées, l'enseignement de la Langue et de la littérature romanie sont organisés de différentes manières: un enseignement de trois ou quatre heures par semaine avec un cours de langue maternelle romani.
2. Un enseignement à temps plein en romani, suivi d'un enseignement obligatoire de quatre cours hebdomadaires de langue roumaine. Il n'existe qu'une seule école qui offre un enseignement entièrement en romani; elle est située dans un village du département de Timis, Măguri, où les Roms constituent 80% de la population.
Environ 80 % des enfants roms en Roumanie n'ont aucune possibilité de s'inscrire dans une école maternelle, car les jardins d'enfants ne sont que partiellement financés localement et doivent être payés par parents. Étant donné que la priorité des places limitées est donnée aux enfants dont les parents ont un emploi, les enfants roms sont disqualifiés.
Le taux de scolarisation de la population rom est nettement inférieur à celui des non-Roms. Selon une étude menée par l'Institut de recherche sur la qualité de vie, plus de 30% des enfants quittent l'école avant le secondaire, le pourcentage étant encore plus élevé pour les filles qui doivent se marier. Au moins 25% des Roms/Tsiganes adultes sont analphabètes. Une bonne proportion des enfants n'a pas accès à l'école faute de papiers d'identité, ce qui les empêche de s'inscrire à l'école. La grande pauvreté des Roms, disproportionnellement élevée par rapport à la population majoritaire, limite la possibilité pour de nombreux Roms d'assumer les coûts directs de la scolarité (vêtements, transport, manuels scolaires, etc.).
- Les écoles allemandes
En Transylvanie et au Banat, la langue allemande est relativement répandus. Beaucoup de roumanophones parlent cette langue qu'ils apprennent dans les écoles roumaines. La langue allemande est parlée comme langue maternelle par 0,16 % des citoyens roumains, soit 32 000 locuteurs. Néanmoins, bien que le nombre d'Allemands en Roumanie soit faible, la langue allemande bénéficie d'un grand prestige et son enseignement a l'avantage d'une longue tradition, car plus de 10% des écoles en Roumanie enseignent l'allemand comme langue seconde.
Dans tout le pays, environ 20 000 jeunes étudient dans 61 écoles ou sections allemandes. Dans la plupart de ces écoles roumanophones, seulement 5 % environ des élèves sont issus de la minorité germanophone, le reste appartenant en grande partie à la population majoritaire. Dans ces écoles, non seulement les élèves apprennent la langue allemande, mais ils se familiarisent également avec les traditions et les coutumes propres à la culture allemande. La proportion des compétences en langue allemande au plan conversationnel chez les Hongrois est de 20%, mais de 6% chez les roumanophones. Dans la pratique, la plupart des germanophones doivent fréquenter des écoles roumanophones dans lesquelles l'allemand est enseigné en tant que discipline scolaire, car ces minorités n'atteignent que très rarement les 5% de la population locale.
Les écoles
de langue allemande sont parmi les plus prestigieuses du pays, même
si les élèves d'origine allemande ne sont pas majoritaires,
notamment le
Goethe-Institut Bucurest (Bucarest), le Collège national Johannes
Honterus (Brașov), le lycée Samuel Brukenthal (Sibiu), le lycée
Teoretic Nikolaus Lenau (Timișoara). Les politiques de l'État
roumain concernant les minorités sont particulièrement appréciées par
l'Allemagne, et la collaboration bilatérale sur les questions liées
à la protection des droits des membres appartenant à la minorité
allemande en Roumanie semble un modèle d'approche très apprécié
selon les normes européennes. L'adoption par le gouvernement roumain,
vers la fin de 2016,
de la législation sur l'enseignement en alternance, dans le cadre de
l'enseignement professionnel et technique, permettant la formation
professionnelle de jeunes Roumains avec le soutien de
l'environnement économique allemand présent en Roumanie, reflète
pleinement la pertinence de cette coopération.
- Les écoles turcophones
La plupart des Turcs roumains, ainsi que les Tatars, vivent dans la région historique de la Dobrogée, en particulier dans le département de Constanta, où vivent moins de 24 000 Turcs, soit 3,4% de la population du département, mais de petites communautés existent aussi dans le département de Tulcea. L'enseignement en turc est donné dans une quinzaine de municipalités pour une soixantaine d'écoles regroupant quelque 3400 élèves au primaire et au secondaire. Cet enseignement en turc est offert dans des écoles roumaines, avec la langue maternelle comme discipline. L’enseignement universitaire du turc est assuré dans deux universités: l’Université Ovidius de Constanta et l’Université de Bucarest (en tant que langue moderne).
- Les écoles pour les Russes lipovènes
Il faut se souvenir que la langue maternelle des quelque 21 000 Russes est le russo-lipovène, lequel est enseigné en Roumanie dans les départements de Tulcea, de Constanţa, de Suceava, de Iaşi, de Brăila et de Botoşani. Il existe une soixantaine d’écoles en Roumanie où le russe maternel est enseigné en tant que discipline scolaire.
- Les Csangos magyarophones
Les autorités locales du
département de Bacau en Moldavie (occidentale) affirment vouloir
respecter les normes européennes à l'égard des Csangos magyarophones.
Elles font cependant valoir que le csango, qui ne s’écrit plus, n’est
pas une langue, mais un «dialecte». C'est pourquoi on enseigne le
hongrois littéraire aux enfants csangos qui ne comprennent même pas
cette variété de hongrois. De plus, ces mêmes autorités
n’auraient pas les capacités de financer l’enseignement en hongrois; par ailleurs, les enfants dont les parents veulent cet
enseignement comptent parmi les moins bons élèves et ne seraient pas
en mesure d’étudier une discipline supplémentaire. Cependant, tous
ces arguments ne justifient pas de ne pas appliquer la législation
scolaire.
Des parents réclament des cours de csango pour leurs enfants depuis
quelques décennies; il existe une demande pour l’enseignement du
hongrois dans certains villages csangos. En dépit des dispositions très claires
de la législation roumaine et des demandes répétées des parents au cours des
dernières années, cette discipline n’est enseignée dans aucune des
écoles concernées.
6 Les langues minoritaires dans les médias
La liberté d'accès à l'information est garantie par la Constitution et par une loi particulière (Loi n° 544 sur l'accès aux informations d'intérêt public (2001). Les organismes publics sont tenus de divulguer les informations au public; les journalistes bénéficient de privilèges spéciaux pour les obtenir plus rapidement. La législation a aussi prévu des dispositions pour les minorités nationales.
6.1 La législation roumaine
L'article 23 de la
Loi n° 544 sur l'accès à l'information d'intérêt public (2001)
oblige que les informations soit communiquées d'officie dans la
langue d'une minorité qui détient une part d'au moins 20 % de la
population locale:
Article
23 Dans les unités administratives territoriales dans lesquelles une minorité nationale détient une part d'au moins 20 % de la population, les informations communiquées d'office doivent être diffusées dans la langue de la minorité concernée. |
Si l'on fait exception d'une vieille loi de 1974
adoptée par la République socialiste de Roumanie, il
n'y a pas de loi sur la presse en Roumanie concernant les minorités: Lege presei nr. 3 din 28
martie 1974 din Republica Socialistă Romania Articolul 4 În deplina concordanta cu politica
partidului şi statului de asigurare a unei reale egalitati
între toţi cetăţenii tarii, oamenilor muncii din rindul
naţionalitatilor conlocuitoare le sînt create condiţii de
informare şi exprimare a opiniilor şi prin organe de presa
în limba maternă.
Loi sur
la presse n° 3 du 28 mars 1974 de la République socialiste
de Roumanie
Article 4 En pleine conformité avec
la politique du Parti et de l'État visant à assurer une
réelle égalité entre tous les citoyens du pays, des
conditions d'information et d'expression des opinions au
moyen des organismes de presse sont créées pour les
travailleurs des nationalités cohabitantes dans leur langue
maternelle. Cette loi de 1974 est encore en vigueur, mais elle n'est plus
appliquée en raison de la situation actuelle de la presse qui
fonctionne sur le principe de l’autorégulation, c’est-à-dire sur un code de
conduite édicté par les organismes journalistiques, notamment le Centrul de
Resurse pentru Diversitate Etnoculturală, c'est-à-dire le Centre sur les
ressources pour la diversité ethnoculturelle. La mission du CRDE est de
contribuer à la construction démocratique en Roumanie en améliorant le climat
interethnique et en promouvant les principes d'équité ethnoculturelle; pour ce
faire, le Centre doit, entre autres, soutenir les minorités ethniques dans
l'affirmation de leur identité culturelle et promouvoir des programmes
pédagogiques dans l'esprit du multiculturalisme. Les activités du Centre
semblent pertinentes pour les efforts de la Roumanie afin de s'aligner sur les
valeurs européennes, en particulier dans le contexte de l'Union européenne.
L'Arrêté n° 14 sur la traduction en roumain des émissions
diffusées en d'autres langues (1999) ne laisse que peu de
latitude pour les langues des minorités nationales lorsqu'on lit cet
article 1er
qui exige des sous-titres en roumain dans des émissions produites en
d'autres langues: Cependant, la
Loi n° 41 sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés
de radiodiffusion roumaines et des sociétés de télévision
roumaines (1994-2017) prévoit des
émissions dans les langues des minorités de la part de la Société roumaine de radiodiffusion et de la Société roumaine de
télévision :
Article 1er
Les émissions diffusées sur le territoire de la Roumanie
en d'autres
langues que le roumain, au moyen des ondes hertziennes ou par satellite, sur
la base d'un permis octroyé par le Conseil national pour la radiodiffusion
audiovisuelle et les émissions diffusées en d'autres langues que le
roumain dans le cadre des services mentionnés à l'article 21-b)
et 21-c) de la loi n° 48/1992, doivent être sous-titrées ou traduites en roumain.
Article 15 La Société roumaine de radiodiffusion et la Société roumaine de télévision ont, chacune selon son profil, comme objet d'activité :
Article 16 1) La Société roumaine de radiodiffusion et la Société roumaine de
télévision élaborent et transmettent pour
la diffusion des émissions en roumain et dans d'autres langues
destinées aux auditeurs et aux téléspectateurs du monde entier, afin
de promouvoir l’image de la Roumanie et sa politique interne et
externe. |
Article 10
1)
Le Conseil national de l'audiovisuel, ci-après
dénommé «le Conseil», est une autorité publique autonome
sous contrôle parlementaire et garante de l'intérêt
général dans le domaine de la communication
audiovisuelle.
Article 17
|
De plus, l'article 82 rappelle que les distributeurs fourniront également des services de transmission des émissions dans la langue de la minorité concernée lorsqu'elle forme plus de 20% de la population locale:
Article 82 |
En somme, la protection des langues régionales ou minoritaires dans les médias est assurée par deux lois en vigueur : la Loi n° 41 sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés de radiodiffusion roumaines et des sociétés de télévision roumaines (version de 2017), ainsi que la Loi n° 504 sur l'audiovisuel (2002). Ces lois obligent donc le Conseil national de l’audiovisuel à assurer la protection des cultures et des langues minoritaires par la diffusion d’émissions dans les langues minoritaires ; les journalistes doivent s’exprimer correctement, et le temps d’émission est calculé sur la base du pourcentage de la population minoritaire. De la même manière, il est prévu que dans les régions ou localités où le pourcentage d’une minorité nationale dépasse 20 %, les distributeurs doivent assurer la retransmission de certaines émissions dans la langue de la minorité. La loi réglemente également la diffusion de certaines productions spécifiques concernant les minorités.
6.2 La presse écrite
La presse est en principe libre en Roumanie, mais la politisation excessive des informations, les mécanismes de financement corrompus ainsi que l'asservissement des politiques éditoriales aux intérêts des grands propriétaires de médias limite passablement cette liberté. En 2007, l'Institut national de la statistique (INS) comptait jusqu'à 300 éditeurs de journaux, dont 159 quotidiens, et plus de 350 éditeurs de magazines.
- Les journaux hongrois
La part des journaux dans les langues des minorités est forcément réduite par rapport au roumain, mais il en existe plusieurs, notamment en hongrois. Les médias hongrois de Transylvanie n'ont jamais été entièrement indépendants puisqu'ils s'appuyaient toujours sur le financement de la RMDSZ (Romániai Magyar Demokrata Szövetség), l'Union démocratique des Magyars de Roumanie, elle-même subventionnée par le gouvernement de la Hongrie. Bien qu'il a longtemps été entendu que la Hongrie n'imposerait aucune idéologie aux partis et aux publications qu'il finançait, la situation a graduellement changé depuis que le président de la Hongrie, Viktor Orbán est parvenu à une «entente» avec la RMDSZ.
Cette ingérence du gouvernement hongrois dans les affaires d'un pays étranger est certainement inquiétante, car le gouvernement roumain soutient également les publications hongroises; il pourrait être troublant pour Bucarest que les publications hongroises en Roumanie soient éditées, censurées, voire interdites, par Budapest quand on sait que le président Orbán a beaucoup de réticences à tolérer la moindre idée libérale dans son pays. C'est aussi pour cette raison qu'il appuie les Roumano-Hongrois dans la mesure où ils sont fidèles au Fidesz-Union civique hongroise (en hongrois : Fidesz-Magyar Polgári Szövetség), un parti politique de Hongrie de droite ou d'extrême droite. Le pouvoir nationaliste hongrois mène un vigoureux lobbying politico-culturel pour favoriser les minorités hongroises des provinces détachées de la «mère patrie» par le traité de Trianon de 1920, un traité qui avait consacré le démembrement de l’Autriche-Hongrie. L'objectif de la Hongrie serait de contrôler la diaspora hongroise à l'étranger, le tout fondé sur une stratégie de réunification de la nation hongroise dans le bassin des Carpates, incluant le territoire roumain de la Transylvanie, une procédure dont les médias constituent un outil extrêmement important pour que les Hongrois deviennent des consommateurs de médias en langue hongroise. La Hongrie crée ainsi des «médias hongrois» en Roumanie à l'image et à la ressemblance des médias de Hongrie et contrôlés par le parti populiste Fidesz.
Les journaux en langue hongroise proviennent de la Transylvanie: Erdélyi Riport («Rapport transylvain»), Krónika («Chronique»), des journaux disponibles dans tout le pays. Les autres sont des journaux locaux: Szabadság («Liberté»), Bihari Napló («Journal de Bihari»), Csíki Hírlap («Journal de Csíki»), Erdélyi Napló («Journal de Transylvanie»), Gutinmelléki Friss Újság («Journal de Gutinmelléki Friss»), Hargita Népe («Peuple de Harghita»), Szatmári Magyar Hírlap («Journal hongrois de Satu Mare»), Háromszék, Korunk, Népújság, Nyugati Jelen, Polgári Élet, Udvarhelyi Hiradó, etc. La communauté hongroise dispose aussi d'un réseau de maisons d'édition en hongrois; on trouve des livres dans cette langue dans toutes les librairies et dans toutes les bibliothèques des départements habitées par les Hongrois.
- Les autres journaux ethniques
Sous les auspices de l'Union des Ukrainiens de Roumanie, six journaux et magazines paraissent mensuellement : Вільне слово / Vilʹne slovo (en ukrainien), Curierul ucrainean (en roumain), Український вісник / Ukrayinsʹkyy visnyk (en ukrainien), Наш голос / Nash golos (en ukrainien ), Ecouri ucrainene (en roumain) et Дзвоник / Dzvony (en ukrainien). Tout au long de l'année, 35 000 exemplaires des publications susmentionnées sont imprimés.
Les publications en allemand sont nombreuses en Roumanie. Le journal le plus prestigieux est l'Allgemeine Deutsche Zeitung für Rumänien. Citons également les journaux suivants: Banater Tagblatt, Neue Banater Zeitung, Neuer Weg, Temesvarer Zeitung et Bukarester Deutsche Zeitung. Les germanophones disposent aussi de plusieurs magasines: Banater Deutsche Kulturhefte, Banater Monatshefte, Die Karpathen, Hermannstädter Zeitung, Karpatenrundschau, Klingsor, Neue Literatur, Romänische Revue, Rumänische Rundschau, Siebenbürgisch-Deutsches Tageblatt, Siebenbürgischer Volksfreund et Volk und Kultur.
Plusieurs petites minorités ont leurs propres publications comme les Turcs (Hakses), les Serbes, les Roms, etc., mais certains périodiques peuvent être publiés en roumain.
6.3 La radio et la télévision minoritaire
Pour ce qui est des médias électroniques, la Société roumaine de radiodiffusion produit et diffuse des émissions dans la langue maternelle des membres appartenant aux minorités nationales, tant dans les studios centraux que dans les studios locaux. C’est ainsi que la rédaction des émissions pour les personnes appartenant aux minorités nationales transmet, par exemple, 25 heures et 20 minutes chaque semaine en hongrois et 24 heures et 40 minutes en allemand. Il existe aussi des émissions de radio qui s’adressent également à des membres appartenant à d’autres minorités. Les studios de Cluj-Napoca, Targu Mures, Timisoara et Constanta transmettent des émissions dans la langue maternelle des personnes appartenant à quelque 10 minorités nationales. Ainsi, on émet sur une base hebdomadaire 71 heures en hongrois (magyar), 14 en allemand, 7 en serbe, 30 minutes pour chacune des langues slovaque, thèque, bulgare, grecque, turque, tatare et russe. À l’intention des Roms/Tsiganes, la Société nationale de radiodiffusion émet, pour sa part, à Targu Mures, une émission hebdomadaire de 60 minutes et à Craiova une émission hebdomadaire de 15 minutes. Les organisations des personnes appartenant aux minorités nationales qui ont des représentants au Parlement disposent également de temps d’émission distinct mis à leur disposition conformément à la loi, gratuitement et sans aucune ingérence de l’extérieur.
La télévision publique hongroise Duna TV et le privé RTL Klub ont un taux d'écoute de plus de 30% (76,3) par rapport à la première chaîne de télévision roumaine Pro TV (42,3%) et la première chaîne de télévision roumaine la plus regardée a un taux de seulement 23%.
La Roumanie ne finance directement que les outils médiatiques en langue hongroise suivants : les émissions de télévision publique en langue hongroise, les studios de télévision publique en langue hongroise à Târgu Mureș et Cluj Napoca, les studios de radio en langue hongroise à Târgu Mureș et à Cluj Napoca Târgu Mureș, à Cluj Napoca et à Bucarest. Il peut paraître préoccupant de constater les taux de confiance des Hongrois dans les informations transmises par les stations roumaines. En effet, les pourcentages étant la moitié de ceux de confiance dans les stations hongroises : 63% de confiance dans la télévision hongroise et seulement 36% en Roumanie. On comprend que le financement des radiotélévisions magyarophones par le Fidesz hongrois peut finir par influencer les membres de cette importante minorité en Roumanie. Dans un tel contexte, la Hongrie obtient un contrôle direct ou indirect sur la politique éditoriale des médias de langue hongroise en Roumanie.; elle réussit à influencer, à former les mentalité et la perception des Hongrois de Roumanie.
Pendant ce temps, l'État roumain économise et renonce à financer et à soutenir la presse de langue hongroise, mais il a également perdu un instrument de dialogue et d'influence bénéfique sur la communauté hongroise.
Il semble que, depuis la chute (1) du régime communiste, les conflits ethniques ne se soient pas encore complètement éteints. En 1990, des provocateurs issus du FSN (Front de salut national, nouvelle dénomination de l'ex-parti communiste) s'en sont pris à des Hongrois qui manifestaient pour leurs libertés linguistiques et religieuses à Tîrgu-Mures, et les bagarres ont fait quelques morts et de nombreux blessés. Les Roms/Tsiganes, pour leur part, ont été placés de force sur les terres des kolhozes par les directeurs de ces structures destinées à être privatisées, pour empêcher, conformément aux lois de l'époque, les paysans qui les revendiquaient de les obtenir : ces derniers ont chassé les Roms qui ont fui en grand nombre vers les pays d'Europe occidentale ; beaucoup d'entre eux ont été violemment refoulés vers la Roumanie. Cette situation reflète, d'une part, le mécontentement des minorités nationales de Roumanie, d'autre part, la crainte de la majorité roumaine de voir les minorités instrumentalisées par des forces politiques adverses : la chute du régime communiste n'est pas la chute des bureaucrates ni des oligarques, et n'a pas été suivie d’un véritable tournant libéral de la politique linguistique roumaine. Résultat : le pays apparaît à l'étranger comme peu tolérant, en dépit de l'alignement progressif, mais lent, de la législation sur les normes internationales.
En effet, sur le plan des textes de loi, la Roumanie a déployé des efforts considérables au plan juridique à l’égard des minorités nationales. L’intégration des minorités nationales au sein de l’État roumain a connu des progrès notables, bien qu'il y ait eu des mesures ratées générées par l’idéologie centralisatrice des élites, les manipulations politiques et économiques des oligarques et les craintes des uns et des autres. Ce pays a toujours milité pour la préservation de la paix et du statu quo territorial. Les autorités gouvernementales ont néanmoins été préoccupées de créer le cadre juridique qui pourrait assurer l’égalité de tous les citoyens de la Roumanie. Dans la pratique, les droits linguistiques paraissent presque embryonnaires en ce qui a trait aux tribunaux et dans l’administration publique. La Roumanie a encore du travail à faire, surtout avec l’importante minorité hongroise, mais le pays est parti tellement de loin que les efforts paraissent énormes.
C'est pourquoi il reste encore du chemin à parcourir avant que les mesures juridiques puissent se transposer entièrement dans la réalité. Selon les représentants de diverses communautés minoritaires en Roumanie, les autorités compétentes de l’État déploieraient des «efforts extraordinaires pour tromper le peuple roumain» en brandissant le «spectre du sécessionnisme hongrois», pour dévaloriser, en les qualifiant de préjugés, les droits élémentaires des minorités, pour berner le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Il y a dans ces critiques un évident parti pris, mais le fond du problème est que la majorité des habitants de la Roumanie (et des pays voisins) ne raisonnent pas en termes de droit international et de droit du sol (qui définissent une identité par la nation à laquelle on appartient et par le sol du pays que l'on habite), mais en termes de droit ancestral et de droit du sang (qui définissent une identité par la communauté linguistique et religieuse à laquelle on appartient et par les ancêtres que l'on a). Ainsi, les minorités, quelles qu'elles soient, ne sont pas perçues et ne se perçoivent pas comme des membres de la nation, mais plutôt comme des étrangers, même si elles sont citoyennes du pays. Comme on le constate, la Constitution et la loi n’offrent pas nécessairement une protection assurée en matière de droits linguistiques, il faut aussi une volonté politique et un changement de mentalités. Dans l’état actuel des choses, la question des minorités risque, en effet, de constituer en Roumanie un facteur permanent de crispation de la vie politique.
Même si l'antagonisme est ancien (avant 1918, les Hongrois formaient une classe dominante et les Roumains une classe dominée, dissidente et séparatiste), il faudra bien un jour que la majorité roumaine et la minorité hongroise apprennent à se défaire de leurs vieux réflexes de méfiance réciproque. En effet, les Hongrois de Roumanie conservent certes leurs écoles et leur presse, mais ils se heurtent trop souvent à l’hostilité sourde de la population majoritairement non hongroise. Ajoutons aussi que les Roumano-Hongrois (familles mixtes bilingues) sont parfois mal vues des deux côtés et que les Hongrois de Roumanie ne font toujours pas confiance au gouvernement roumain, n'hésitant pas à s'appuyer sur le soutien du président hongrois nationaliste Viktor Orbán et de son parti, le Fidesz. Néanmoins, la Roumanie est sur la bonne voie, car il ne lui reste que certaines concessions à faire pour rendre sa politique beaucoup plus acceptable à l'égard de ses minorités nationales. Bien qu'il y ait encore des irrégularités par rapport aux lois en vigueur, la Roumanie a créé un cadre juridique modèle pour garantir et assurer les droits linguistiques des minorités ethniques. Dans d'autres pays, par exemple en France, la langue officielle et les langues des minorités constituent deux principes contradictoires et inconciliables. En Roumanie, ce n'est pas nécessairement le cas, du moins sur papier. Les roumanophones et les minorités nationales de la Roumanie ont réussi à mettre en marche des politiques linguistiques qui rendent possible la cohabitation des langues, bien que ce ne soit pas toujours aisé dans un État unitaire. La Roumanie en est un exemple éloquent, et le cadre juridique actuel peut rendre possible cette cohabitation.
1) Situation générale |
2) Données historiques |
3) Politique de la langue roumaine |
4) Politique des minorités nationales |
5) Bibliographie |