République irakienne |
Irak
2)
Données historiques |
1 La Mésopotamie
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LIrak actuel est situé dans la région de lancienne
Mésopotamie, lun des
berceaux de la civilisation de lAntiquité où se sont succédé les Sumériens, les
Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Parthes, les Grecs, les Romains, les Byzantins, etc.
Puis les
Arabes conquirent la Mésopotamie au
VIIe siècle et fondèrent des cités
fortifiées.
La victoire d’al-Qadisiya, en 638, fit entrer définitivement la région, rebaptisée
Iraq-al-Arabi, dans le monde
arabo-musulman. Actuellement, la plus grande partie
de la Mésopotamie se trouve en Irak. Elle comprend deux zones:
la Haute Mésopotamie et la Basse Mésopotamie. La Haute-Mésopotamie,
appelée Djézireh (en arabe : «île»), était la zone située au nord de
Babylone (env. 100 km au sud de l'actuelle Bagdad), en partie
désertique et caillouteuse, une région partagée aujourd'hui entre la
Turquie, l'Irak et la Syrie, appelée aussi l'Assyrie. La Basse-Mésopotamie,
ou Babylonie, était une vaste plaine marécageuse, drainée par les deux
fleuves formant un delta aboutissant au Chatt al-Arab et occupant un
golfe Persique. La Basse-Mésopotamie est tout entière comprise en Irak
(voir la carte).
La
Mésopotamie devint lun des centres les plus brillants de la vie
économique, politique, culturelle et religieuse de lislam. À partir de la seconde moitié du
IXe
siècle, les révoltes politico-religieuses —
celle chiites et des qarmates — se multiplièrent, tandis que les régions périphériques échappaient progressivement au contrôle de Bagdad.
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2 La domination
ottomane (1533-1918)
En 945, la dynastie
iranienne des Buyides prit le pouvoir à Bagdad. Elle en fut chassée en 1055
par les Turcs seldjoukides dont le chef, Toghrul Beg, restaura le sunnisme et l’autorité du califat abbasside. Cette période prospère
prit fin lors de la conquête mongole au XIVe siècle avant de passer sous la
domination ottomane au XVIe
siècle, ce qui laissa la Mésopotamie à l’abandon et à la merci des
razzias de la part des milices bédouines. Une grande partie du
territoire mésopotamien échappa au contrôle ottoman, car les Kurdes, les
Bédouins et les chiites demeurèrent insoumis.
2.1 La question kurde
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Au XVIe siècle la plus grande partie
du territoire de la Mésopotamie fut envahie par l'Empire
ottoman, qui s'étendait des Balkans jusqu'au nord de l'Afrique en passant
par l'Anatolie, la Mésopotamie, la Palestine et l'Égypte. Le
territoire des Kurdes devint dès lors une zone tampon entre
deux empires rivaux: l'Empire ottoman et l'Empire safavide des
Perses. D'une part, les Perses voulurent contrôler la Basse
Mésopotamie où se trouvaient des lieux saints du chiisme et
parce que Bagdad, siège de l’ancien Empire abbasside, avait une
grande valeur symbolique pour eux. D'autre part, les Ottomans
craignaient que l’islam chiite se propage vers l’Anatolie. C'est
alors que les Ottomans eurent l'idée de se servir des Kurdes
pour protéger leur frontière orientale. En revanche, tout en
demeurant sous suzeraineté ottomane, les Kurdes bénéficièrent
d'une grande autonome.
À partir de la première moitié du
XVIIe
siècle, la Basse-Mésopotamie (Irak) fut gouvernée par plusieurs dynasties kurdes.
Ce statut particulier allait assurer au Kurdistan près de trois
siècles de paix parmi les nombreuses
principautés kurdes. |
Malgré quelques ingérences de temps à autre de la
part du pouvoir central, le statut particulier des
Kurdes fonctionna sans accroc majeur jusqu'au
début du XIXe
siècle, et ce, tant à la satisfaction des Kurdes que des
Ottomans. Il faut dire que les Kurdes n'avaient pas vraiment le
choix: ou bien ils acceptaient la domination ottomane ou bien c'était
l'assujettissement à la Perse. Or, les chefs kurdes ont toujours été
conditionnés dans leurs décision par le degré d'autonomie qu'ils pouvaient se
voir accorder. Alors que la politique perse était d'envoyer leurs émissaires
pour administrer les régions kurdes, la tutelle ottomane préférait se
servir des autochtones kurdes en leur accordant une grande autonomie.
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De plus, comme les Kurdes sunnites se méfiaient davantage des
Perses chiites que des Ottomans sunnites, ils ont toujours préféré
pencher en faveur de la Sublime Porte, nom donné à
la porte d'honneur du grand vizirat à Constantinople, synonyme du
gouvernement de l'Empire ottoman. Par le fait même, au cours de ces quelques siècles,
le poids de l’administration ottomane
suscita un fort ressentiment chez les populations chiites arabophones, ce qui
allait favoriser plus tard l'émergence
du nationalisme arabe. Néanmoins,
les Arabes sunnites, les Kurdes
et les Arabes chiites réussirent à cohabiter
en bonne
intelligence avec les membres des nombreuses communautés religieuses, y compris
les minorités chrétiennes. Cette tradition de tolérance
était relativement fréquente dans le système multicommunautaire administré par les Ottomans.
Mais le XIXe siècle allait marquer
la fin des autonomies kurdes et l’amplification de leur instrumentalisation par
les grandes puissances. La centralisation des pouvoirs avait conduit l'Empire
ottoman et la Perse, les deux États rivaux depuis longtemps, à poursuivre une
politique commune de répression contre les
principautés kurdes.
Sous l'Empire ottoman, les écoles primaires et secondaires
enseignaient les sciences naturelles, les mathématiques, l'histoire et la
géographie, la religion islamique, l'alphabet et la langue arabe, et, selon
la région, le turc ou le persan. Dans leur formation générale, les élèves
apprenaient l'arabe et le turc. Au XIXe
siècle, le français et l'anglais, parfois l'allemand, furent introduits
comme langues étrangères.
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2.2 Les puissances
coloniales
C'est à cette époque que
Grande-Bretagne, la France et lAllemagne commencèrent à sintéresser à
la Mésopotamie; les trois pays entrèrent en compétition pour étendre leur zone
d’influence sur cette région sous domination ottomane. Les Britanniques étaient
déjà présents en Égypte, en Palestine et au Koweït, mais aussi au Soudan, à
Chypre, au sultanat d'Oman et au Yémen. De leur côté, les Français faisaient des affaires en
Syrie et au Liban. Quant aux Allemands, désirant eux aussi, sous l'impulsion de
Guillaume II, mener une "Weltpolitik" afin de se
faire «une place au soleil» ("Platz
an der Sonne"). Cette
expansion coloniale allemande s'est concrétisée au
Proche-Orient
par un
rapprochement entre l’Allemagne et l’Empire ottoman, dans les domaines
économique, miliaire et diplomatique, les Allemands agissant comme principal
allié à l'Empire ottoman en difficulté. Lors de la Première Guerre
mondiale, l'Empire ottoman allait se ranger aux côtés de l'Empire allemand
et de l'Empire austro-hongrois.
Le mot Irak vient du perse
Eraq
et signifie littéralement «basse terre», parfois appelé
Bilād ar-Rafidain,
littéralement «le pays des deux fleuves», en référence au
Tigre et à l'Euphrate.
Jusqu’à la
Première Guerre mondiale, le Kurdistan faisait encore partie soit de l’Empire
ottoman (à l’ouest) soit de l’Empire perse (à l’est). Les pays tels l'Irak,
le Koweït, la Jordanie, la Syrie, le Liban, Israël ou la Palestine
n'existaient pas. C'étaient alors des vilayets ou des sandjaks appartenant à
l'Empire ottoman (voir la carte de
1900).
Ce sont finalement les
Britanniques qui vont réussir en quelques années à occuper la plus grande
partie de la région avec la
Mésopotamie
et la Palestine.
En Mésopotamie, les Britanniques s'étaient déjà installés au Koweït
et ne tardèrent pas à monter vers le nord en raison des richesses
pétrolières du Kurdistan. Ils promirent aux populations arabes qu'elles obtiendraient
l'indépendance si elles se soulevaient contre les Ottomans.
2.3 Le dépeçage de l'Empire ottoman
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Le
16 mai
1916, la Grande-Bretagne et la France conclurent des accords secrets, les
accords Sykes-Picot, par lesquels elles se partageaient
une partie de l'Empire ottoman, notamment la «Grande Syrie» et la
Mésopotamie (Kurdistan, Irak et Koweït). Cet accord, alors que
le premier conflit mondial n’était pas encore terminé, résultait d'un long échange
préalable de lettres entre Paul
Cambon, ambassadeur de France à Londres, et sir Edward Grey, secrétaire d'État
au Foreign Office. Par la suite, le lieutenant-colonel, sir Mark Sykes, pour la Grande-Bretagne, et le
consul à Beyrouth, François Georges-Picot, pour la France,
poursuivirent les pourparlers à Londres et arrivèrent à une
entente. On raconte que Mark Sykes, contemplant une carte de la
région, décrivit ainsi au premier ministre britannique, alors
Herbert Henry Asquith (de 1908 à 1916), sa conception de la
frontière séparant les zones française et britannique : «Je
tirerais une ligne, partant de la lettre "E" dans Acre [la ville
de Saint-Jean-d'Acre, aujourd'hui en Israël] et le deuxième "K"
dans Kirkouk [aujourd'hui dans le nord de l'Irak].» Bref, il
s'agissait d'un trait totalement arbitraire qui ne prenait en
considération ni la géographie, ni la répartition ethnique,
religieuse ou culturelle, ni tout simplement le gros bon sens.
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Cet accord équivalait à un véritable dépeçage des
territoires compris entre la mer Noire, la Méditerranée, la mer Rouge
et le golfe Persique. La Mésopotamie ottomane fut découpée en
plusieurs
zones, dont trois dans le futur Irak:
1) Une
zone rouge anglaise
d'administration directe (Koweït et Mésopotamie;
2) Une zone rouge
d'influence anglaise (est de Bagdad, Jordanie et Palestine);
3) Une zone bleue
d'influence française, à la fois arabe et kurde (Syrie et
vilayet de Mossoul);
4) Une zone bleue
d'administration française (Syrie du Nord, Liban et Cicilie);
Voir aussi la
carte de toute la région
entre la Méditerranée et la Perse. Les États qui ont été créés après
l'effondrement de l'Empire ottoman correspondent encore aux zones
fixées par MM. Sykes et Georges-Picot. Le bord de la Méditerranée
est devenu le Liban et la Syrie coïncide avec la zone d'influence
française, tandis que les zones britanniques sont devenues la
Jordanie et l'Irak. Mais cette grande région entre la Méditerranée et la Perse comprenait aussi une zone d'occupation de la part de la
communauté internationale (incluant les
villes d'Haïfa et de Jérusalem), la Palestine, ainsi qu'un territoire contrôlé par les
Russes au nord du vilayet de Mossoul
(autour de la ville d'Erzurum). Ce découpage territorial n'a jamais
été bien perçu dans le monde arabe; il a fait l'objet de convoitises
et reste encore aujourd'hui une terre déchirée.
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De plus, l'issue de la
Première Guerre mondiale allait encore changer la
donne, car l'Empire ottoman, l'Empire austro-hongrois et l'Allemagne se
retrouvèrent dans le camp des vaincus. Durant toute la guerre, le sud de la
Mésopotamie resta sous mandat
britannique, et le nord, sous mandat français, en vertu des
accords Sykes-Picot. Lorsque la Grande-Bretagne se rendit compte qu'il y avait du
pétrole au nord, elle dénonça ces mêmes accords, car elle avait besoin des
nappes pétrolières que l’on commençait à découvrir en Mésopotamie afin d’assurer
le ravitaillement de ses navires et de son armée, sans trop de frais. L’armée
britannique s’était emparé du vilayet de Bassorah dès novembre 1914; au
printemps 1917, le vilayet de Bagdad allait être pris; ce sera au tour du
vilayet de Mossoul de tomber en novembre 1918. Au point de vue géographique, le
vilayet de Mossoul constituait une région de transition entre la zone alpine
représentée par les hautes chaînes du Kurdistan et la plaine désertique qui
commence au sud de Mossoul pour s'étendre jusqu'au au golfe Persique.
2.4 Le tracé des frontières
En novembre 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Arthur
James Balfour (1848-1930) promit aux sionistes l’établissement d’un foyer
national juif en Palestine, ce qui suscita aussitôt le mécontentement des
Arabes. Les Britanniques croyaient qu'un État-tampon juif pouvait à la fois
limiter l’influence française dans la région et faire obstacle à l'expansionnisme arabe.
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Le tracé des frontières arrêté en 1916, tel qu’il figurait
dans lesdits accords fut modifié, car le vilayet de Mossoul
suscitait la controverse entre la Grande-Bretagne, la France et la
Turquie. Finalement, la France céda aux
Britanniques la zone bleue de la Haute Mésopotamie, car elle n'avait pas les
moyens de s'opposer aux Britanniques qui purent alors étendre leur zone
rouge vers le nord dans l'espoir d'y contrôler les régions
pétrolières autour de Kirkouk et de Mossoul. Auparavant, les
Britanniques avaient pris le contrôle des vilayets de la Basse
Mésopotamie, c'est-à-dire les vilayets de Bagdad, de Bassorah et de
Koweït. Les troupes britanniques dominaient alors largement la
région de l'ancienne
Mésopotamie
avant même que la guerre ne soit
terminée.
Or, le vilayet de Mossoul aurait dû revenir à
la France, en vertu des
accords Sykes-Picot
(zone bleue), mais il fut occupé par les Britanniques au cours de
diverses opérations militaires. La France finit par y renoncer en
décembre 1918 et l'officialisa lors de la conférence de San Remo de
1920 (Italie). Un comité avait été formé de représentants
britanniques, français, italiens, grecs, japonais et belges, afin de
fixer le sort des vilayets (provinces) arabes de l’Empire ottoman.
Le 24 avril 1920, le comité plaça la Palestine et la
Mésopotamie sous Mandat britannique. Finalement, l'accord de
San Remo entérina et légalisa les accords Sykes-Picot avec un mandat
en bonne et due forme de la Société des Nations. La France reçut le
Mandat du Liban et de la Syrie, la Grande-Bretagne, le Mandat de
l'Irak (agrandi de Kirkouk cédé par les Français en échange d'une
participation aux bénéfices pétroliers de la région), de la
Transjordanie et de la Palestine. |
L'accord de San Remo de 1920 scellait le destin des
vilayets (provinces) arabes de l'ancienne
Mésopotamie. Ainsi, s'est dessinée pour un
siècle la carte du Proche-Orient,
sans tenir compte des
revendications des populations qui y vivaient et en faisant fi des promesses
d’indépendance faites aux Kurdes et aux Arabes pendant la guerre.
Pendant que les Kurdes, qui
constituaient la
grande majorité
de la population du vilayet de
Mossoul, réclamaient
l'indépendance, les Turcs
considéraient ce
territoire
comme le leur et
ne reconnaissaient pas
le mandat
britannique sur
la région; les Turcs voulaient
récupérer «leur» vilayet en entier.
En fait, les Britanniques
tenaient à ce que le vilayet
fasse partie
du pays
en raison de ses
ressources naturelles (pétrole
et blé),
de ses frontières
montagneuses assurant
la sécurité
et afin de
faire contrepoids à la
population chiite
du Sud.
En réalité, les Britanniques commençaient à avoir de graves problèmes avec
les chiites, surtout leurs chefs religieux et leurs notables. Au final, nous pouvons affirmer que l’occupation militaire britannique a
sans nul doute favorisé la création du nouvel État en Mésopotamie, l'Irak. L’occupant
britannique a tracé les
frontières du nouveau pays, lesquelles n’ont d’ailleurs jamais été modifiées depuis.
3 Le mandat britannique (1920-1932)
Au cours de la Première Guerre mondiale, le droit international public
élabora une institution nouvelle: le mandat. Dans le cas présent, il s'agissait
d’établir dans les territoires non turcophones de la partie asiatique de
l’ex-Empire ottoman, une tutelle provisoire exercée par un «mandataire» au nom
de la communauté internationale. Un mandat de la Société des Nations était un
territoire prévu par l'article 22 du Pacte de la Société des Nations du
28 juin 1919:
Article 22
1) Les principes suivants
s'appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la
guerre, ont cessé d'être sous la souveraineté des États qui les
gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non
encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions
particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien être et le
développement de ces peuples forment une
mission sacrée de civilisation,
et il convient d'incorporer dans le présent pacte des garanties pour
l'accomplissement de cette mission.
2) La meilleure méthode de
réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces
peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources,
de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux â
même d'assumer cette responsabilité et qui consentent à l'accepter :
elles exerceraient cette tutelle en qualité de mandataires et au nom
de la Société.
[...]
4) Certaines communautés
qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint un degré
de développement tel que leur existence comme nations indépendantes
peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils
et l'aide d'un mandataire guident leur administration jusqu'au
moment où elles seront capables de se conduire seules. Les vœux
de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour
le choix du mandataire.
[...] |
Ces territoires étaient en fait des colonies allemandes ou
des possessions de l'Empire ottoman. Des «mandats» furent confiés à
certaines puissances coloniales «victorieuses», notamment le Royaume-Uni et
la France en ce qui concerne l'Empire ottoman. Au lieu de procéder à cette
«mission sacrée de civilisation», le partage de l'Empire ottoman du
Proche-Orient entre les mandats britanniques (Palestine et Irak) et français
(Liban et Syrie) s'est effectué entre puissances impérialistes opposées et
en l'absence de toute participation tant arabe que kurde, que ce soit lors
de la conférence de San Remo (1920), le traité de Sèvres (1920) ou le traité
de Lausanne (1923).
3.1 Le traité de Sèvres
La France et la Grande-Bretagne se sont ainsi établies progressivement dans
les anciennes provinces ottomanes entre 1920 et 1922.
À la suite du
traité de Sèvres (1920),
la Société des Nations entérina
les mandats britannique et français (voir
accord Sykes-Picot de 1916) sur les territoires arabes de l'ancien Empire ottoman (Liban, Syrie, Palestine,
Mésopotamie, etc.). De plus, l'article 62 du
traité de Sèvres prévoyait la création d'une
commission pour préparer une autonomie locale pour les régions où domine
l'élément kurde:
Article 62
Une commission [...] préparera dans
les six mois à dater de la mise en vigueur du présent traité,
l’autonomie locale pour les
régions où domine l’élément kurde, situées à l’est de l’Euphrate, au
sud de la frontière méridionale de l’Arménie, telle qu’elle pourra
être déterminée ultérieurement ; et au nord de la frontière de la
Turquie, avec la Syrie et la Mésopotamie [...]. |
Il était très clair à l'article 64 du
traité de Sèvres, signé par la Turquie et les puissances
alliées, le 10 août 1920, promettait aux Kurdes qui vivaient dans
l’ancien Empire ottoman de leur accorder l’autonomie et, plus tard, leur
pleine indépendance:
Article
64 Si dans le délai
d'un an à dater de la mise en vigueur du présent traité, la
population kurde dans les régions visées à l’article 62,
s’adresse au Conseil de la Société des Nations en démontrant
qu’une majorité de la population de ces régions désire être
indépendante de la Turquie, et si le Conseil estime alors que
cette population est capable de cette indépendance, et s’il
recommande de la lui accorder, la Turquie s’engage, dès à
présent, à se conformer à cette recommandation et à renoncer à
tous droits et titres sur ces régions. |
Les signataires du traité avaient même prévu un territoire
au sud de l'Arménie pour la création du Kurdistan (voir
la carte). Mais le traité de Sèvres ne fut jamais appliqué. Les années qui
suivirent allaient être marquées par un différend entre la Grande-Bretagne
et une Turquie fortement nationaliste (sous la poigne de Mustapha Kemal)
concernant la légalité de la décision britannique par laquelle le vilayet de
Mossoul — dont la population était majoritairement d'origine kurde — était
rattaché au vilayet de Bagdad et au vilayet de Bassorah, de manière à former
le nouvel État d’Irak.
Durant tout le mandat britannique,
l'enseignement de l'arabe fut privilégié dans les écoles primaires. Par voie
de conséquence, le turc, le persan, le syriaque et le kurde furent
délaissés. L'anglais et le français furent enseignés comme langues
étrangères. De peur d'alimenter le nationalisme kurde, les Britanniques ont
préféré arabiser l'enseignement.
3.2 La monarchie irakienne
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Le 23 août 1921, les Britanniques placèrent
l'émir Fayçal
ben Hussein (de 1921 à1933)
sur le trône de l'Irak, mais le
nouveau roi était sunnite, alors que ses sujets étaient
majoritairement chiites et l'acceptaient mal. Qui plus est, les
Britanniques avaient préféré favoriser les Arabes sunnites dans
l'administration gouvernementale plutôt que les chiites. Or, ces
sunnites venaient en grande partie du Hedjaz (Arabie
Saoudite) et de la Syrie. Soutenus par les Britanniques, ces
étrangers devinrent rapidement impopulaires auprès des Arabes
chiites et des Kurdes. Dans ces conditions, le
nouveau royaume dut péniblement affronter des révoltes religieuses
et ethniques. Non seulement les Kurdes se soulevèrent en 1921 pour
réclamer leur autonomie promise, mais les chiites du Sud se
rebellèrent également. Ces révoltes furent vite mâtées par
les forces britanniques, mais elles exprimaient, entre autres, le
refus des Kurdes de retourner sous la domination turque ou d'être
inclus dans un État arabe. |
Le roi Fayçal Ier s'employa constamment à obtenir l'indépendance de
l'Irak. Le 10 octobre 1922, un traité anglo-iranien ("Anglo-Iraqi
Treaty") supprimait théoriquement
le régime du mandat britannique, sans pour autant reconnaître la
pleine souveraineté de l'Irak.
Article I
At the request of His Majesty the King of Iraq, His Britannic
Majesty undertakes subject to the provisions of this Treaty to
provide the State of Iraq with such advice and assistance as may be
required during the period of the present Treaty, without prejudice
to her national sovereignty. His Britannic Majesty shall be
represented in Iraq by a High Commissioner and Consul-General
assisted by the necessary staff.
Article
II
His Majesty the King of Iraq undertakes that for
the period of the present Treaty no gazette official of other than
Iraq nationality shall be appointed in Iraq without the concurrence
of His Britannic Majesty. A separate agreement shall regulate the
numbers and conditions of employment of British officials so
appointed in the Iraq Government.
Article IV
Without prejudice to the provisions of Articles
XVII and XVIII of this Treaty, His Majesty the King of Iraq agrees
to be guided by the advice of His Britannic Majesty tendered through
the High Commissioner on all important matters affecting the
international and financial obligations and interests of His
Britannic Majesty for the whole period of this Treaty. His Majesty
the King of Iraq will fully consult the High Commissioner on what is
conducive to a sound financial and fiscal policy and will ensure the
stability and good organisation of the finances of the Iraq
Government so long as that Government is under financial obligations
to the Government of His Britannic Majesty. |
Article 1er
[traduction]
À la demande de Sa Majesté le roi
d'Irak, Sa Majesté britannique s'engage sous réserve des
dispositions du présent traité à fournir à l'État irakien des
conseils et une assistance, qui peuvent être nécessaires pendant la
période du présent traité, sans préjudice de sa souveraineté
nationale. Sa Majesté britannique doit être représentée en Irak par
un haut commissaire et un consul-général assisté du personnel
nécessaire.
Article
2
Sa
Majesté le roi
d'Irak
s'engage
pour la période
du présent traité
à n'embaucher que des
fonctionnaires autres que de
nationalité irakienne qui ne
pourront être
désignés sans
l'assentiment
de Sa Majesté britannique.
Un
accord séparé
doit réglementer
le nombre et
les conditions
d'emploi des
fonctionnaires
britanniques
ainsi nommés
dans le
gouvernement
de
l'Irak.
Article 4
Sans
préjudice des
dispositions
des articles 17
et
18 du présent
traité,
Sa Majesté le roi
de l'Irak
accepte d'être
guidée
par les conseils
de Sa Majesté
britannique
présentés par
le haut
commissaire sur
toutes les questions
importantes qui
touchent les
obligations et les
intérêts
internationaux et financiers de
Sa
Majesté britannique
pour toute la période
du présent
traité.
Sa Majesté le roi
de l'Irak
consultera
entièrement le
haut commissaire pour
ce qui est
favorable à
une politique
financière et
budgétaire saine
et assurera la
stabilité et la bonne
organisation des
finances
du gouvernement
de l'Irak
aussi longtemps que
ce gouvernement
aura des obligations
financières envers
le gouvernement
de Sa Majesté
britannique. |
En réalité, ce
traité
entre la Grande-Bretagne et
l'Irak permettait
l'autonomie locale
tout en donnant
le contrôle
britannique
des affaires étrangères,
financières et militaires.
Le roi d'Irak demeurait entièrement sous le contrôle d'un haut commissaire
britannique (art. 4). Londres pouvait en tout temps s’opposer aux décisions du
gouvernement irakien. En même temps, la Grande-Bretagne pouvait imposer
certaines politiques «occidentales» telles la non-discrimination pour des
motifs de race, de langue ou de religion :
Article III
His Majesty the King of Iraq agrees to
frame an Organic Law for presentation to the Constituent Assembly of
Iraq and to give effect to the said law ; which shall contain
nothing contrary to the provisions of the present Treaty and shall
take account of the rights, wishes and interests of all populations
inhabiting Iraq. This Organic Law shall ensure to all complete
freedom of conscience and the free exercise of all forms of worship,
subject only to the maintenance of public order and morals. It shall
provide that no discrimination of any kind shall be made between the
inhabitants of Iraq on the ground of race, religion or language, and
shall secure that the right of each community to maintain its own
schools for the education of its own members in its own language,
while conforming to such educational requirements of a general
nature as the Government of Iraq may impose, shall not be denied or
impaired. It shall prescribe the constitutional procedure, whether
legislative or executive, by which decisions will be taken on all
matters of importance, including those involving questions of fiscal
and military policy. |
Article 3
[traduction]
Sa Majesté le Roi
de l'Irak
s'engage à
adopter
une loi organique
pour la présenter
à l'Assemblée
constituante de
l'Irak et pour
donner effet à
ladite loi, laquelle
ne doit contenir
rien qui soit
contraire aux
dispositions du
présent traité
et doit tenir compte
des droits, des
souhaits et des
intérêts de
toutes les populations
qui habitent
Irak. Cette
loi organique
doit assurer
à tous
une entière liberté
de conscience et
le libre exercice de
toutes les formes de
cultes,
sous la seule réserve
du maintien
de l'ordre public
et de la morale.
Elle ne doit permettre
aucune
discrimination
de quelque nature que ce soit
entre
les
habitants
de l'Irak
pour des motifs de
race,
de religion ou
de langue, et
elle doit garantir
le droit
de chaque communauté
de conserver ses
propres
écoles pour
l'instruction
de ses membres
dans leur
langue maternelle,
tout en se conformant
à des
exigences pédagogiques
de nature
générale que le
gouvernement
de l'Irak
peut imposer,
mais qu'il ne doit pas
nier
ni empêcher.
La loi devra
prescrire la
procédure
constitutionnelle,
législative ou
exécutive,
par laquelle les
décisions
seront prises
sur toutes les questions
d'importance,
y compris celles
portant sur des
questions de
politique fiscale
et militaire. |
Le mandataire britannique savait que le nouveau pays était
aux prises avec des antagonismes ethno-religieux, notamment entre Kurdes sunnites,
Arabes sunnites et Arabes chiites, sans oublier les minorités chrétiennes
persécutées par les chiites.
3.3 Les textes juridiques
Après la guerre gréco-turque de
1919-1922 gagnée par Mustafa Kemal, la Turquie avait les moyens de
refuser la ratification du
traité de Sèvres et de contracter
un traité de paix plus
avantageux, le
traité de Lausanne
du 24 juillet 1923, ce qui allait mettre fin à la partition du territoire de la
Turquie et faire oublier l'idée d'un Kurdistan indépendant. Mustafa Kemal ne
voulait absolument plus céder un centimètre du territoire
anatolien. Pour lui, toutes les minorités représentaient un
grave danger politique; c'est pourquoi il fallait les assimiler de gré ou de
force. Quiconque n'était pas de «race turque» était dorénavant suspect.
Le
traité de Lausanne
de 1923,
qui rendait caduc le
traité de Sèvres, se trouvait à annexer la plus grande partie du
Kurdistan au nouvel État turc et n'apportait plus de garantie
en ce qui a trait au droit des Kurdes de s'autodéterminer. Le traité de Lausanne
ignorait les droits
des Kurdes, car il renvoyait tout différend entre la Grande-Bretagne et la
Turquie devant une commission d’enquête de la Société des Nations. La
Turquie tirait avantage du traité de
Lausanne, car elle réalisait d’importants gains
territoriaux au détriment de la France, mais surtout aux dépens de l’Arménie qui
voyait réduire son territoire à ses limites actuelles (voir
la carte spécifique). Le grand perdant fut sans
contredit le Kurdistan qui ne vit jamais le jour (voir
les cartes du traité de Sèvres et du traité de Lausanne).
De plus, le traité de Lausanne reconnaissait l'abolition du sultanat ottoman
de 1922 et prévoyait la disparition du califat pour 1924. La Turquie actuelle
accédait à son indépendance, pendant que le dernier souverain, Mehmed VI Vehid-el-Ddin
(1861-1926), était déposé et la république de Turquie, proclamée le 29 octobre
1923, avec Mustafa Kemal comme président. Désormais, l’Empire ottoman n’existait
plus et le nom de «Turc» allait remplacer officiellement celui d'«Ottoman».
3.4 Les frontières contestées
de Mossoul
|
Mais
les
frontières du nouveau royaume d'Irak furent rapidement contestées par l’Arabie
Saoudite et surtout la Turquie qui revendiquait le
vilayet de Mossoul
(voir la carte détaillée).
Pour la délégation turque, les Turcs et les
Kurdes, deux peuples musulmans, étaient alors considérés «de même race et de même
origine», ce qui signifiait qu'ils devaient faire partie de la Turquie.
Même la Commission d'enquête reconnaissait que le territoire litigieux
appartenait juridiquement à la Turquie, tant qu’elle n’avait pas
renoncé à ses droits. Pour les Britanniques, le vilayet de Mossoul
était absolument nécessaire à la survie économique du nouvel État
irakien qu’ils avaient créé, en raison des puits de pétrole. Ils
croyaient aussi être les seuls à pouvoir faire régner la paix entre
les divers groupes ethniques, notamment entre les Kurdes, les Arabes
sunnites et chiites, et les chrétiens. |
La Société des Nations s'est vue dans
l'obligation de créer une commission d'enquête sur le vilayet de Mossoul. La
Commission comptait trois commissaires : l'attaché militaire Einar
af Wirsén (Suède) en poste à Constantinople, le comte Pál
de Teleki (Hongrie) et le colonel Albert Paulis (Belgique). Au
moment de l'enquête de la Commission, le vilayet de Mossoul comptait près de 800
000 habitants répartis sur 87 890 km². Ladite Commission ajoutait
dans son rapport que la population était
d'appartenance kurde et non turque ou irakienne; la Commission poursuivait ses propos en ces
termes (1925):
Ce territoire
[…] n’a jamais fait partie de l’Irak. Les Kurdes forment la majorité
de la population. Ils ne sont ni turcs, ni arabes et parlent une
langue assyrienne […] Il n’existe pas de sentiment national irakien
et, parmi les Kurdes, on trouve une conscience nationale croissante
qui est nettement kurde et non irakienne […] S'il fallait tirer une
conclusion de l'argument ethnique isolément, elle conduirait, à
préconiser la création d'un État kurde indépendant, les Kurdes formant les cinq huitièmes de la
population. Si une telle solution était envisagée, il conviendrait
de joindre au chiffre précédent les Yézidis, Kurdes de religion
zoroastrienne, et les Turcs dont l'assimilation par l'élément Kurde
serait aisée. Dans une évaluation ainsi faite, les Kurdes
formeraient alors les sept huitièmes de la population. Les
statistiques et les cartes présentées par les deux Hautes Parties
sont inexactes. |
La Commission d’enquête fit savoir
dans ses conclusions que la grande majorité des habitants du vilayet de
Mossoul était en faveur du rattachement à l’Irak plutôt qu'au retour à la
Turquie. Entre deux maux, c'est-à-dire les Turcs ou les Arabes d'Irak, il
fallait choisir le moindre : mieux valait les Arabes sous
le contrôle des Anglais que les Turcs sans aucun contrôle!
Mais les
Arabes les plus nationalistes disaient préférer la Turquie à un Irak
placé sous tutelle
anglaise. Le rapport de la
Commission s'est penché aussi longuement sur la répartition géographique,
linguistique et religieuse des différents groupes ethniques tels les Kurdes,
les Turcs, les Turkmènes (appelés Turcomanes), les Yézidis, les Arabes, les
Assyriens, etc.). La Commission a même dressé des cartes précises —
fabriquées par le géographe hongrois, le comte Pál
de Teleki (1879-1941) —,
pour
démontrer le caractère mixte de la population dans les villes et
l'importance des liens et des intérêts traditionnels dans les communications et
le
commerce. Le Conseil de la Société des Nations est arrivé à la
conclusion que la Grande Bretagne, comme puissance mandataire, devait
protéger la population de la région concernée pendant vingt-cinq ans, sauf
si l'Irak accédait à l'indépendance avant l’expiration du délai du mandat
Quoi qu'il en soit, le rapport de la
Commission d'enquête de la Société des Nations n'a pas semblé peser très lourd face
à la détermination des Britanniques qui ambitionnaient de conserver
absolument cette région dans l’espace du nouvel État irakien qu’ils avaient
créé. Finalement, le Conseil de la Société des Nations, au
cours de sa session du 16 décembre 1925, décidait que le vilayet
de Mossoul serait rattaché à l'Irak en suivant la
ligne de Bruxelles
(ligne provisoire fixée à Bruxelles). Le Conseil a adopté la résolution à
l'unanimité, alors que le vote de la délégation britannique et l'absence de
la Turquie n'étaient pas prises en considération en vertu de la règle
établie par la CPJI (Cour permanente de Justice internationale). Le rapport
de la Commission concluait ainsi dans le Journal officiel de la Société des
Nations du mois d'avril 1926 (p. 502):
The Council,
Having regard to Articles 3 and 16 of the Treaty
of Peace signed at Lausanne on July 24th, 1923;
In view of the conclusions of the report of the
Commission of Enquiry: Adopting the reasons and proposals
contained in the report of the Committee of the Council:
Decides:
1. (description of the proposed frontier which
coincides with the provisional line fixed at Brussels;
2. The British Government is invited to submit to
the Council a new Treaty with Iraq, ensuring the continuance for
25 years of the mandatory regime defined by the Treaty of
Alliance between Great Britain and Iraq and by the British
Government's undertaking approved by the Council on September
27th, 1924, unless Iraq is, in conformity with Article 1 [of]
the Covenant, admitted as a Member of the League before the
expiration of this period. As soon, as within a period of six
months from the present date, the execution of this stipulation
has been brought to the knowledge of the Council, the Council
shall declare that the present decision has become definitive
and shall indicate the measure required to insure the
delimitation on the ground of the frontier line.
3. The British Government, as mandatory Power, is
invited to lay before the Council the administrative measures
which will be taken with a view to securing for the Kurdish
populations mentioned in the report of the Commission of Enquiry
the guarantees regarding local administration recommended by the
Commission in its final conclusions.
4. The British Government, as mandatory Power, is
invited to act, as far as possible, in accordance with the other
suggestions of the Commission of Enquiry as regards measures
likely to ensure pacification and to afford equal protection to
all the elements of the population, and also as regards the
commercial measures indicated in the special recommendations of
the Commissions's report." |
Le Conseil,
[traduction]
Vu les articles 3 et
16 du Traité de paix signé à Lausanne le 24 juillet 1923;
Compte tenu des
conclusions du rapport de la Commission d'enquête : adoptant les
motifs et les propositions contenues dans le rapport du Comité
du Conseil :
Décide :
1. (Description
de la frontière proposée qui coïncide avec la
ligne provisoire
fixée à Bruxelles);
2.
Le gouvernement britannique est invité à soumettre au Conseil un
nouveau traité avec l'Irak, qui assurera la continuation, pendant
vingt-cinq ans, du régime de mandat défini par le Traité
d'alliance entre la Grande-Bretagne et l'Irak, et par l'acte
d'engagement du gouvernement britannique approuvé par le
Conseil, en date du 27 septembre 1924, sous réserve de
l'admission, avant l'expiration de cette période, de l'Irak dans
la Société des Nations, conformément à l'article 1er du Pacte.
Aussitôt que, dans un délai de six mois à compter de ce jour,
l'exécution de cette disposition aura été portée à la
connaissance du Conseil, celui-ci constatera que la présente
décision est devenue définitive et avisera aux mesures propres à
assurer la délimitation sur le terrain de la ligne-frontière.
3. Le
gouvernement britannique, en tant que Puissance mandataire, est
invité à soumettre au Conseil les mesures administratives qui
seront arrêtés pour accorder aux populations kurdes visées par
le rapport de la Commission d'enquête les garanties
d'administration locales recommandées par cette Commission dans
les conclusions finales.
4. Le
gouvernement britannique, en tant que Puissance mandataire, est
invité à s'inspirer aussi fidèlement que possible des autres
suggestions de la Commission d'enquête en ce qui concerne les
mesures propres à assurer l'apaisement, à protéger également
tous les éléments de la population, en ce qui concerne les
mesures commerciales visées dans les recommandations spéciales
du rapport de cette Commission." |
Le rapport de la Société des Nations
(voir des extraits du rapport)
donnait les raisons pour lesquelles le vilayet
de Mossoul devait être annexé au nouvel État irakien. Les rapporteurs de
la SDN soulevèrent que l’Irak «a cependant le droit moral d’exiger que,
puisqu’on l’a créé, on lui donne des frontières lui permettant de vivre,
tant au point de vue politique qu’au point de vue économique». Par ailleurs,
le roi Fayçal avait déclaré à la commission qu'il quitterait l'Irak et
choisirait une autre voie pour refaire l'unité arabe s'il n'obtient pas Mossoul,
car la perte de ce territoire priverait l'Irak d'une assise économique
importante et provoquerait le chaos; c'en serait fini de l'Irak. C’est sur
cette croyance que l’Irak s’est vu octroyer en 1925 la souveraineté sur le
vilayet de Mossoul, devenu le Kurdistan irakien.
En 1926, la Turquie a fini par accepter la
délimitation de la frontière qui la séparait de l’Irak le long d’une ligne
qui coupait en deux les «régions où domine l’élément kurde», préalablement
définies dans le traité de Sèvres jamais appliqué. Le vilayet de Mossoul fut
donc définitivement rattaché à l'Irak. Le Royaume-Uni, l'Irak et la
Turquie signèrent, le 5 juin 1926, un traité (Treaty of Angora, between the
United Kingdom, Iraq, and Turkey, signé à Angora (Ankara), le 5 juin 1926)
qui entérinait la plupart de la décision rendue par le comité de la Société des
Nations.
Ainsi, le tracé des frontières a été
créé de telle sorte que le
Kurdistan se trouvait désormais écartelé entre la Turquie, la Syrie, l'Irak
et l'Iran. C'était là, sans nul doute, la conséquence la plus
négative du tracé de ces frontières, ainsi que la création d’un foyer
supplémentaire de tensions et de conflits au
Proche-Orient. Pendant ce
temps, la Perse est devenue l'Iran, mais ce n'est que le 21 mars 1935 que,
par décret royal, la Perse changera officiellement de nom.
3.5 La Constitution de 1925
Le 10 juillet 1924, un projet de Constitution fut approuvé
par l'Assemblée constituante irakienne. Cette constitution entra en vigueur le
21 mars 1925, mais fut modifiée dès le 29 juillet 1925. Elle ne fut publiée au
Journal officiel que le 12 août 1928. Depuis lors, elle a subi plusieurs
modifications jusqu'à son abrogation à la suite du coup d'État du 14 juillet
1958 et de l'abolition de la monarchie. Cette constitution énonçait que l'arabe
était la langue officielle. Les seuls articles concernant la langue sont les
suivants et reconnaissaient certains droits linguistiques aux différentes
communautés minoritaires:
Constitution de 1925
Article 6
Les Irakiens sont égaux
en droits devant la loi, quelles que soient les différences de
langue, de race ou de croyances.
Article 16
Les différentes
communautés ont le droit d'établir et d'entretenir des écoles pour
l'instruction de leurs membres dans leur propre langue, à condition
que cet enseignement soit effectué en conformité avec les programmes
généraux qui peuvent être prescrits par la loi.
Article 17
L'arabe est la langue
officielle, sous réserve de ce qui peut être prescrit par une loi
spéciale. |
À cette époque, des minorités importantes peuplaient
Bagdad et Mossoul au nord, dont les Assyriens chrétiens, les Turkmènes sunnites
et chiites, ainsi que les Kurdes
chiites; la capitale (Bagdad) comptait également une importante minorité juive.
L'Irak ne réussit pas à s'unifier comme un État-nation dans lequel les
différents groupes de population auraient pu s'identifier. Le pouvoir politique
fut aussitôt accaparé par les Arabes sunnites constamment soutenus par les
Britanniques. Les sunnites réussirent à se maintenir à
la tête du pays grâce à un appareil d'État utilisant la violence
généralisée et la répression. C'est pourquoi les dirigeants sunnites virent
l'intégrité de l'État qu'ils contrôlaient
menacée de l’intérieur par les aspirations sécessionnistes
des chiites au sud et des Kurdes au nord. Tous les rouages administratifs du
nouvel État furent investis par des élites arabes sunnites, ce qui entraîna la
mise à l'écart des chiites (majoritaires) et des Kurdes des sphères du pouvoir.
3.6 Le Traité anglo-irakien de 1930
En principe, le Traité anglo-irakien du 30 juin 1930 (ou "Anglo-Iraqi Treaty"),
qui abrogeait le traité de 1922, reconnut l’indépendance de l’Irak, tout en
raffermissant l’alliance politique et militaire entre les deux pays.
Article 5
It is understood between the High Contracting Parties
that responsibility for the maintenance of internal order in 'Iraq
and, subject to the provisions of Article 4 above, for the defence
of 'Iraq from external aggression rests with His Majesty the King of
'Iraq. Nevertheless His Majesty the King of 'Iraq recognises that
the permanent maintenance and protection in all circumstances of the
essential communications of His Britannic Majesty is in the common
interest of the High Contracting Parties.
For this purpose and in order to facilitate the discharge of the
obligations of His Britanic Majesty under Article 4 above His
Majesty the King of 'Iraq undertakes to grant to His Britannic
Majesty for the duration of the Alliance sites for air bases to be
selected by His Britannic Majesty at or in the vicinity of Basra and
for an air base to be selected by His Britannic Majesty to the west
of the Euphrates. His Majesty the King of 'Iraq further authorises
His Britannic Majesty to maintain forces upon 'Iraq territory at the
above localities in accordance with the provisions of the Annexure
of this Treaty on the understanding that the presence of those
forces shall not constitute in any manner an occupation and will in
no way prejudice the sovereign rights of 'Iraq. |
Article 5
[traduction]
Il est entendu entre les Hautes
Parties contractantes que la responsabilité du maintien de l'ordre
interne de l'Irak, sous réserve des dispositions de l'article 4
ci-dessus, pour la défense de l'Irak contre les agressions
extérieures, incombe à Sa Majesté le roi d'Irak. Néanmoins, Sa
Majesté le roi de l'Irak reconnaît que l'entretien permanent et la
protection en toutes circonstances des communications essentielles
de Sa Majesté britannique sont dans l'intérêt commun des Hautes
Parties contractantes.
Pour ce faire et afin de faciliter la réalisation des obligations de
Sa Majesté britannique en vertu de l'article 4 ci-dessus, Sa Majesté
le roi d'Irak s'engage à accorder à Sa Majesté britannique, pour la
durée de l'Alliance, des lieux pour les bases aériennes qui seront
choisis par Sa Majesté britannique à ou à proximité de Bassorah et
d'une base aérienne devant être choisie par Sa Majesté britannique à
l'ouest de l'Euphrate. Sa Majesté le roi de l'Irak autorise de plus
Sa Majesté britannique à maintenir des forces sur le territoire
d'Irak dans les localités ci-dessus, conformément aux dispositions
de l'annexe du présent traité, étant entendu que la présence de ces
forces ne constitue en aucune manière une occupation et ne sera en
aucun cas porter atteinte aux droits souverains de l'Irak. |
Ce traité rédigé en un langage diplomatique ne rendait pas l'Irak
réellement souverain. D'une part, la Grande-Bretagne remplaçait son
haut commissaire par un simple ambassadeur. D'autre part, la tutelle britannique
demeurait encore omniprésente.
Dans les faits, la Grande-Bretagne se libérait de
certaines charges du mandat tout en conservant certains bénéfices. Les
Britanniques s'étaient rendus compte
que l'Irak serait un pays ingouvernable et que le «mandat» allait devenir
pour eux source d'incessants ennuis. Il valait mieux pour leurs intérêts
politiques, économiques et militaires, se débarrasser de cette charge en
signant avec l'Irak un traité qui leur donnerait des avantages importants avec
peu d'inconvénients. Évidemment, le traité ne contenait aucune disposition
concernant les minorités. Il est même probable que le haut commissaire
britannique n'en avait jamais entendu parler. Pourtant, à Genève, la Société des
Nations avait reçu une abondante série de pétitions, de plaintes et de craintes
qui provenaient de toutes les régions de l'Irak. Cette
situation allait créer un climat explosif favorisant l’extension du nationalisme
et la mobilisation des masses contre la domination britannique.
3.7 La Déclaration de 1932
Devant le Conseil de la Société des nations, l'Irak s'est
engagé unilatéralement en mai 1932 à protéger ses minorités dans une
«Déclaration» officielle. En réalité, la déclaration irakienne sur les minorités
a été élaborée par un comité spécial prévu
lors de la Résolution du 28 janvier 1932 du
Conseil de la Société des Nations. Le 5 mai 1932,
l'Assemblée des représentants a adopté cette déclaration à l'égard des Kurdes et
des autres minorités. Bien que l'arabe soit déclaré la langue officielle,
l'article 4 de la Déclaration reconnaissait l'égalité de tous les ressortissants irakiens sans
distinction de race, de langue ou de religion:
Article 4
1) Tous les ressortissants irakiens seront égaux devant
la loi et jouiront des mêmes droits civils et politiques sans
distinction de race, de langue ou de religion.
2) Le système électoral assurera une représentation
équitable aux minorités de race, de religion ou de langue en Irak.
3) La différence de race, de langue ou de religion ne
devra nuire à aucun ressortissant irakien en ce qui concerne la
jouissance des droits civils et politiques, notamment pour
l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs, et pour
l'exercice des différentes professions et industries.
4) Il ne sera édicté aucune restriction au libre usage
pour tous les ressortissants irakiens d'une langue quelconque, soit
dans les relations privées ou de commerce, soit en matière de
religion, de presse ou de publications de toute nature, soit dans
les réunions publiques.
5) Nonobstant l'établissement par le Gouvernement irakien
de la langue arabe comme langue officielle, et nonobstant les
dispositions spéciales que le Gouvernement irakien prendra en ce
qui concerne l'emploi des langues kurde et turque, dispositions
prévues à l'article 9 de la présente Déclaration, des facilités
appropriées seront données à tous les ressortissants iraquiens de
langue autre que la langue officielle, pour l'usage de leur langue,
soit oralement, soit par écrit, devant les tribunaux.
|
Pour un pays arabe, c'était là à l'époque une avancée
considérable dans les droits accordés aux minorités. L'article 5 de
la Déclaration énonçait les
mêmes principes :
Article 5
Les ressortissants irakiens appartenant à des minorités de race,
de religion ou de langue jouiront du même traitement et des mêmes
garanties en droit et en fait que les autres ressortissants
irakiens. Ils auront notamment un droit égal à maintenir, diriger
et contrôler à leurs frais ou à créer à l'avenir des institutions
charitables, religieuses ou sociales, des écoles et autres
établissements d'éducation, avec le droit d'y faire librement usage
de leur propre langue et d'y exercer librement leur religion.
|
Quant à l'article 8 de la
Déclaration, il prévoyait une protection réelle dans le système
d'enseignement public, puisqu'il garantissait aux
ressortissants irakiens dont la langue maternelle
n'est pas la langue officielle de recevoir une instruction dans leur
langue maternelle tout en recevant un enseignement obligatoire en
arabe:
Article 8
1) Dans le système d'enseignement
public dans les villes et les districts dans lesquels réside une
proportion considérable de ressortissants irakiens dont la langue
maternelle n'est pas la langue officielle, le Gouvernement irakien
prendra des dispositions pour des installations adéquates afin de
s'assurer que, dans les écoles primaires, l'instruction soit donnée
aux enfants de ces ressortissants dans leur propre langue ; il est
entendu que la présente disposition ne doive pas empêcher le
gouvernement irakien de rendre obligatoire l'enseignement de la
langue arabe dans lesdites écoles.
2)
Dans les villes et
les districts
dans lesquels il
existe une
proportion considérable de ressortissants
irakiens
appartenant à des
minorités
raciales, religieuses ou
linguistiques,
ces
minorités
se
verront assurer une
part équitable
dans le bénéfice
et l'application des
sommes qui
pourraient être
attribuées par
les fonds publics de
l'État,
les budgets
municipaux ou autres
à des fins éducatives,
religieuses
ou charitables.
|
Enfin, selon l'article 9 de la
Déclaration, le gouvernement irakien
s'engageait à ce que le kurde soit une langue officielle dans les régions où les
Kurdes étaient présents, au même titre que la langue arabe:
Article 9
1) L'Iraq s'engage, en ce qui concerne les livas de
Mossoul, d'Arbil, de Kirkouk et de
Souleimaniyeh, à ce que la langue
officielle, à côté de l'arabe, soit le kurde dans les kazas où la
population prédominante est de race kurde.
Toutefois, dans les kazas de Kifri et de Kirkouk du liva de
Kirkouk, où une partie considérable de la population est de race
turcomane, la langue officielle sera, à côté de l'arabe, soit le
kurde, soit le turc.
2) L'Iraq prend l'engagement que dans lesdits
kazas, les
fonctionnaires devront, sauf exception justifiée, posséder la langue
kurde ou, le cas échéant, la langue turque.
3) Bien que dans lesdits
kazas, le critère pour le choix
des fonctionnaires soit, comme dans le reste de l'Iraq, la capacité
et la connaissance de la langue plutôt que la race, l'Iraq s'engage
à ce que les fonctionnaires soient choisis, comme jusqu'à présent,
autant que possible parmi les ressortissants iraquiens originaires
de ces kazas.
|
Les mots «livas» et «kazas» indiquaient des divisions
administratives (voir les termes
administratifs). La
Déclaration reflétait les règles traditionnelles du régime de la
protection des minorités de la Société des Nations: la non-discrimination, la
liberté de religion, l'utilisation des langues minoritaires, etc., mais pas du
tout l'idéologie du pan-arabisme. L'autonomie locale des Kurdes n'a jamais été
proclamée dans cette déclaration, bien que la Grande- Bretagne l'ait garantie
devant le Conseil.
4 L'indépendance de l'Irak (1932)
L’indépendance de l’Irak ne fut reconnue que
le 3 octobre 1932, lorsque le pays fut admis à la
Société des Nations. Cette admission resta formelle, car le
Traité anglo-irakien du 30 juin 1930 (ou "Anglo-Iraqi Treaty")
était prévu pour une durée de vingt-cinq ans :
Article 11
This Treaty shall be ratified and ratifications shall
be exchanged as soon as possible. Thereafter it shall come into
force as soon as 'Iraq has been admitted to membership of the League
of Nations. The present Treaty shall remain in force for a period of
twenty-five years from the date of its coming into force. At any
time after twenty years from the date of the coming into force of
this Treaty, the High Contracting Parties will, at the request of
either of them, conclude a new Treaty which shall provide for the
continued maintenance and protection in all circumstances of the
essential communications of His Britannic Majesty. In case of
disagreement in this matter the difference will be submitted to the
Council of the League of Nations. In faith whereof the respective
Plenipotentiaries have signed the present Treaty and have affixed
thereto their seals.[...] |
Article 11
[traduction]
Le présent traité sera ratifié et les
ratifications seront échangées dès que possible. Par la suite, il
entrera en vigueur dès que l'Irak aura été admis comme membre de la
Société des Nations. Le présent traité restera en vigueur pour une
période de vingt-cinq ans à compter de la date de son entrée en
vigueur. À tout moment, après vingt ans à compter de la date
d'entrée en vigueur du présent traité, les Hautes Parties
contractantes devront, à la demande de l'une d'elles, conclure un
nouveau traité prévoyant le maintien et la protection en toutes
circonstances des communications essentielles de Sa Majesté
britannique. En cas de désaccord à ce sujet, le différend sera
soumis au Conseil de la Société des Nations. En foi de quoi les
plénipotentiaires respectifs ont signé le présent traité et ont
apposé leurs sceaux. [...] |
De plus, l'article 5 de l'Annexe au Traité d'alliance
supposait le libre déplacement des troupes britanniques sur le territoire irakien, où étaient établies deux bases de la Royal Air Force
:
Annexure To Treaty of
Alliance
Clause 5.
His Britannic Majesty undertakes to grant whenever they may be
required by His Majesty the King of 'Iraq all possible facilities in
the following matters, the cost of which will be met by His Majesty
the King of 'Iraq.
1. Naval, military and aeronautical instruction of 'Iraqi officers
in the United Kingdom.2. The provision of
arms, ammunition, equipment, ships and aeroplanes of the latest
available pattern for the forces of His Majesty the King of 'Iraq.
3. The provision of British naval, military and
air force officers to serve in an advisory capacity with the forces
of His Majesty the King of 'Iraq. |
Annexe
au Traité
d'alliance
[traduction]
Article
5
Sa Majesté
britannique
s'engage à accorder,
à chaque fois
qu'elles
peuvent être exigées par
Sa Majesté le roi
d'Irak,
toutes les facilités
possibles dans
les matières
suivantes,
dont le coût
sera
pris en charge par
Sa Majesté le roi
d'Irak.
1.
La formation navale,
militaire et
aéronautique
des
officiers irakiens
au Royaume-Uni.
2. La fourniture
d'armes, de
munitions,
d'équipements,
de navires et
d'avions des
derniers modèles
disponibles pour
les
forces
de
Sa Majesté le roi
d'Irak.
3.
La fourniture d'officiers
britanniques de la marine,
de l'armée et de
l'aviation afin de servir à
titre consultatif
pour les forces de
Sa Majesté le roi
d'Irak. |
L’agitation contre le mandat britannique
perdura malgré l'indépendance de l'Irak. Non seulement les Kurdes
réclamèrent leur indépendance, mais les chiites se soulevèrent afin de protester
contre leur éviction du pouvoir par les sunnites. Le poids de la
Grande-Bretagne continua de se faire sentir, notamment dans les affaires
pétrolières, ce qui suscita la grogne et les sentiments antibritanniques chez
les nationalistes arabes, surtout que le gouvernement colonial promettait une
implantation juive en Palestine.
En 1945 et 1946, les Kurdes, qui ne se retrouvaient pas dans un
État se définissant comme «arabe», se soulevèrent
tout en recevant le soutien de l’Union soviétique. Les Britanniques, craignant que les Soviétiques ne prennent le contrôle des champs pétrolifères du Nord, intervinrent militairement.
|
En avril
1947, les royaumes hachémites d’Irak et de Transjordanie signèrent
un traité d’amitié et d’alliance prévoyant un soutien militaire et
diplomatique mutuel. Aussitôt après la création d’Israël en mai
1948, les armées des deux pays attaquèrent le nouvel État. Défaits,
l’Irak et la Transjordanie se résolurent à signer un armistice début
1949. Le 24 février 1955, la signature du pacte de Bagdad conclu avec la Grande-Bretagne, la Turquie, le Pakistan et
l’Iran constitua un système de défense contre le bloc soviétique. Après la crise de Suez, l’influence britannique en Irak s’estompa au profit des États-Unis. Le 14 février 1958, en réaction à la création de la République arabe unie (RAU) liant l’Égypte et la Syrie, l’Irak et la Jordanie se fédérèrent en une
union arabe appelée «Fédération arabe d'Irak et de
Jordanie» dont le roi Fayçal II devint le dirigeant. Mais le 21 août
1958, la fédération fut dissoute après seulement cinq mois
d'existence, lorsque l'Irak s'en est retiré après le coup d'État qui
mit fin à la monarchie. |
4.1 La république d'Irak (1958)
En effet, le 14 juillet 1958, le général Abdul Karim Qasim (ou général Kasem), soutenu par les
nassériens (Égypte) et les communistes (URSS), renversa la monarchie
irakienne. Le roi Fayçal et le prince héritier furent
massacrés au cours du soulèvement, alors que le premier ministre
Nuri al-Saïd (pro-britannique) fut pourchassé et lynché par la
foule. Le lendemain, le nouveau gouvernement, qui avait proclamé la
République, annonça la dissolution de l’Union arabe et le
rapprochement avec la République arabe unie. En mars 1959, l’Irak se retira du pacte de Bagdad. La
même année, alors qu'il est étudiant en droit, Saddam Hussein participa à un
attentat manqué contre le général Kassem; condamné à mort par contumace, Saddam
Hussein
s'exila en Égypte.
|
Le général Kasem occupa le poste de
premier ministre et de ministre de la Défense. Il fit adopter un
nouveau drapeau en 1959. Les couleurs de ce drapeau, le noir, le
blanc et le vert, représentaient le panarabisme, mais le soleil
jaune évoquait la minorité kurde, alors que l'étoile rouge autour du
soleil symbolisait la minorité assyrienne. Ce fut le seul drapeau de
l'histoire irakienne à porter un symbole représentant la minorité
kurde. Néanmoins, le général Kasem persécuta et massacra la
population kurde: 4500 villages furent détruits
sous ses ordres. |
4.2 La dictature d'un général
Le général
Kasem exerça un pouvoir si dictatorial qu'il finit par être renversé par un
groupe d’officiers du Parti Bass et exécuté le 8 février 1963,
soit neuf jours après un nouveau coup d'État. Le Parti Baas
prit le pouvoir et interdit le Parti communiste irakien, pourchassa et
emprisonna ses membres et sympathisants. C'est le maréchal Abdel Salam Aref qui
devint président de l'Irak, le 20 novembre 1963.
Le maréchal s'installa au pouvoir et fit arrêter et éliminer plusieurs
têtes dirigeantes du Parti Baas soupçonnées de comploter contre lui; Saddam Hussein fut arrêté
et emprisonné. Pendant ces années de détention, il sera torturé et interrogé
par la police du régime en place.
Abdel Salam Aref
mourut en 1966 dans un accident d'hélicoptère dans le sud de l'Irak; son frère,
Abdul Rahman Aref, le remplaça à la tête de l'État.
Durant les années qui suivirent, diverses dictatures se succédèrent les unes aux
autres, avec comme trame de fond une politique de panarabisme, qui ne pouvait
que déplaire aux Kurdes.
|
Après le renversement du régime de Kasem, un
autre drapeau fut adopté en juillet 1963. Les étoiles vertes
désignaient la proposition d'alliance avec l'Égypte et la Syrie, qui
avaient toutes deux un drapeau comportant ces étoiles. Puis les
trois étoiles devinrent le symbole du Parti Baath : unité, liberté
et socialisme. En 1966, Saddam Hussein s'évada de prison et devint
sous-secrétaire du commandement régional du Parti Baas. Après avoir passé un
an à préparer le renversement du gouvernement d'Abdul Rahman Aref, Hussein, à la
tête d'une armée de révolutionnaires, passa à l'action. |
4.3 L'arrivée de Saddam Hussein et la
question kurde
Le 17 juillet 1968, Saddam Hussein
prit place sur le premier char d'une colonne qui montait à l'assaut du palais
présidentiel, où le régime d'Abdul Rahman Aref vivait ses dernières heures. Quelques jours plus
tard, Saddam Hussein limogea le premier ministre et le ministre de la Défense, puis prit la tête des services de sécurité. Il occupa la fonction de
vice-président du Bureau révolutionnaire.
En 1970, le
nouveau régime irakien, croyant régler la question kurde, accorda une autonomie
politique aux Kurdes. Ce furent les accords du
11 mars 1970, alors que les Arabes et les
Kurdes parvinrent à s’entendre sur une autonomie accordée, dans un délai
fixé à quatre ans, aux gouvernorats peuplés majoritairement de Kurdes.
L'article 14 des accords prévoyait «l'autonomie du peuple kurde dans la région
formée par l'unification des gouvernorats et unités administratives habités par
une majorité kurde, conformément au recensement officiel qui aura lieu».
Les autres articles précisaient que le kurde serait la langue officielle et la
langue d'enseignement dans les régions peuplées en majorité par les Kurdes, et
que le recrutement de Kurdes dans l'administration et l'armée constituerait une
part «équitable» des budgets de développement pour les régions kurdes, la
nomination d'un vice-président kurde, et leur participation au pouvoir
législatif en fonction du pourcentage de la population en Irak. Enfin, le PDK
pouvait reprendre ses activités et publier son journal Al-Taakki.
En réalité, si Saddam Hussein a lui-même
négocié et signé ces
accords, c'est parce qu'il n'avait pas l'intention de les appliquer: il voulait
simplement gagner du temps avec les Kurdes
afin de «régler» le problème à sa façon. De fait, tout traîna en longueur à un
point tel que les Kurdes finirent par se soulever contre le gouvernement. Mais les révoltes kurdes furent finalement réprimées dans le sang en 1975 par les
Forces armées irakiennes. Les populations kurdes furent déplacées hors des zones
les plus sensibles du Kurdistan irakien. Le silence des États-Unis
fut considéré comme une trahison de l’Occident dans les milieux kurdes qui se
rallièrent alors au système socialiste, en partie maoïste, parce que l'URSS
apportait son soutien à Bagdad.
C'est alors que Saddam Hussein déclencha une «campagne nationale pour
l'éradication de l'illettrisme» destinée à combattre l'analphabétisme. Le
gouvernement fit adopter en 1977 la
Loi n° 64 sur la préservation de
l'intégrité de la langue arabe. L'école
devint obligatoire, gratuite et laïque tant pour les garçons que pour les
filles. En moins de dix-huit mois, le nombre des enseignants passa à 62 000,
alors que trois fois plus de filles se sont scolarisées. Même l'Unicef dut
reconnaître que l'Irak avait éliminé l'analphabétisme et scolarisé massivement
les Irakiens. Évidemment, la seule langue enseignée dans les écoles publiques
était l'arabe classique, le kurde étant interdit.
5 Le régime de Saddam
Hussein (1979-2003)
Le 16 juillet 1979,
Saddam
Hussein fut élu secrétaire
général du commandement régional du Baas, président du conseil de
commandement de la Révolution CCR et, devenu général, il succéda au président al-Bakr. Il imposa rapidement un pouvoir personnel : rompant avec le Parti communiste, il procéda à des purges massives au sein du
Parti Baas – un parti nationaliste arabe, laïc et socialiste, dont tous
les dirigeants sont originaires de la ville de
Tikrit
– et renoua avec les monarchies pétrolières du Golfe ainsi qu’avec les
pays occidentaux.
|
Le pouvoir de Saddam Hussein s'est donc constitué au départ autour de
l'idéologie baasiste, relativement laïque et républicaine, puis s'est resserré
autour du clan, de la ville de Takrit, d'où sa famille élargie était
issue. Ce système clanique s'est appuyé sur une terreur permanente,
considérant l'islam sunnite comme une composante essentielle de la
culture arabe, tout en forçant les dirigeants religieux à s'abstenir de
toute ingérence dans les affaires politiques.
Mais la révolution de 1979 en Iran
constituait une menace directe pour Saddam Hussein et le Parti Baas sunnite.
C'est pourquoi l’Irak se rapprocha de l’Arabie Saoudite afin d'assurer leur sécurité
réciproque, tandis que la répression s’abattait de nouveau sur les chiites
d’Irak, pourtant majoritaires. En septembre
1980, le président Saddam Hussein, lui-même musulman sunnite, fit déporter 30
000 chiites irakiens qui menaçaient son autorité.
|
5.1 La répression contre les Kurdes
Quelques jours plus tard (le 22
septembre), il déclencha une guerre contre l’Iran; ce fut une guerre des Arabes
contre les Iraniens, c'est-à-dire des sunnites contre les chiites, en même temps une guerre
stratégique pour le contrôle du golfe Persique.
Débutait ainsi une longue et meurtrière guerre
qui allait durer
huit années, durant laquelle le gouvernement irakien en profita pour
réprimer les chiites du Sud, notamment les «Arabes des marais», et les Kurdes qui avaient pris le contrôle des zones frontalières.
La guerre Irak-Iran entraîna vers la mort un million de personnes et
rendit l'Irak redoutable au plan militaire.
En 1987, Saddam Hussein a apporté des modifications
("Premier amendement à la loi n° 64 de 1977 sur la préservation de l'intégrité
de la langue arabe", 1987) à la
Loi n° 64 sur la préservation de
l'intégrité de la langue arabe. Il s'agissait simplement d'augmenter les
pénalités prévues à l'article 11:
Article
1er
L'article 11 de la loi n° 64 de 1977 sur la préservation de
l'intégrité de la langue arabe est abrogé et remplacé par ce qui
suit :
Article 11
Premièrement : le contrevenant aux dispositions de la présente
loi est passible des peines suivantes :
a) Si le contrevenant est un employé et commet une infraction
dans l'exercice de ses fonctions, alors il sera sanctionné, s'il
récidive malgré un avertissement écrit, au moyen de l'une des
sanctions disciplinaires prises par la législation en vigueur.
b) Si le contrevenant n'est pas un employé, qu'il s'agisse d'une
personne physique ou d'une personne morale, il sera averti de
mettre fin à l'infraction dans un délai de vingt jours à compter
de la date de l'avertissement, et s'il refuse, il doit être
passible d'une amende n'excédant pas 500 dinars; et s’il ne
supprime pas l’infraction dans un délai de dix jours à compter
de la date dont il a été informé de l'amende, il sera passible
de mise à pied jusqu’à ce que l'infraction soit levée.
Deuxièmement: l'Autorité
supérieure pour la protection de la langue arabe est désignée,
conformément aux instructions émises par l'autorité compétente
pour initier l'affaire et tout ce qui est nécessaire pour
faciliter la mise en œuvre des dispositions de la présente loi.
|
En pratique, le nouvel article 11 permettait
de sanctionner davantage les Kurdes.
|
En 1988, après l'accord de
cessez-le-feu mettant fin à la guerre entre l’Iran et l’Irak, le
régime de Saddam Hussein voulut encore mâter la rébellion kurde,
recourant cette fois-ci aux armes chimiques. Des milliers de Kurdes
périrent, et des centaines de villages kurdes furent détruits par
les troupes irakiennes. Un nouveau drapeau fut adopté en
janvier 1991. Saddam Hussein décida de placer les mots Allahu
Akbar («Allah est plus grand») entre les étoiles. Le texte
aurait été rédigé de la main même de Saddam Hussein; c'était une
tentative de gagner le soutien des pays musulmans lors de la guerre
avec le Koweït. Plusieurs années plus tard (entre 2003 et 2005), la
coalition américano-britannique allait trouver 288 charniers contenant quelque 300 000
cadavres de personnes exécutées par le régime. |
En 1990,
lenvahissement du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein — aussi
maréchal, chef suprême des forces armées, secrétaire général du Parti Baas et
président du Conseil de commandement de la Révolution —
entraîna une guerre internationale dirigée
par les États-Unis et le début de la fin pour Saddam Hussein qui allait subir,
durant une douzaine d'années, un régime de sanctions économiques strict et une
série de frappes militaires.
À la libération du Koweït et la débâcle de l'armée irakienne s'ajouta le
soulèvement des chiites et des Kurdes (mars 1991). Contre toute attente, Saddam
Hussein parvint à rétablir la situation au prix d'une terrible répression. Les populations kurdes d'Irak furent de nouveau la cible de larmée irakienne.
L'exode massif des Kurdes fuyant les bombardements entraîna la réaction des pays
occidentaux qui créèrent, au nord de l'Irak, des «zones refuges» sous mandat de
l'Organisation des Nations unies.
Par la suite, le Kurdistan irakien est devenu le champ de
tir des aviations tant turque qu'iranienne et irakienne, qui détruisirent des centaines de
villages, tandis que des dizaines de milliers de paysans kurdes durent fuir les
zones pilonnées par l'artillerie lourde de la Turquie, de l’Iran et de l’Irak.
Puis Saddam Hussein continua d’imposer son pouvoir personnel, les
conflits avec les Kurdes n’ayant jamais été réglés, l’embargo décrété par
l’Onu n’ayant rien donné, sauf d'appauvrir davantage la population civile
irakienne.
Pendant ce temps, Saddam Hussein mena une
forte politique d'arabisation dans
la région kurde. Quelque 100 000 Kurdes furent chassés de Kirkouk. Leurs
maisons furent occupées par des «colons» arabes. On les appela les «Arabes
à 10 000 dinars», parce que le régime donnait cette somme pour les inciter à
s'installer au Kurdistan irakien. C'était aussi une façon pour Saddam Hussein de renforcer
son pouvoir dans le pays. Évidemment, l'arabisation s'est étendue aux autre
minorités linguistiques comme les Turkmènes, les Azéris, les Iraniens, les
Assyriens, les Louri, les Chaldéens,
les Arméniens, etc.
5.2 La politique linguistique de Saddam
Hussein
Le gouvernement irakien de Saddam Hussein navait dautre politique que celle de
larabisation intensive. Cette politique consistait à imposer simplement
lunilinguisme arabe par tous les moyens... surtout militaires. Dailleurs, la
Constitution ne reconnaissait que larabe dans lensemble du pays, sauf
dans la région kurde où le kurde était théoriquement co-officiel avec larabe.
- Les dispositions constitutionnelles
de 1990
En 1970, lIrak a adopté une
constitution provisoire qui a été plusieurs fois
modifiées depuis. La plus récente Constitution provisoire datait de 1990. Elle proclamait
toujours lislam comme religion dÉtat (art. 4), garantissait la liberté de
religion (art. 25) et prohibait toute discrimination raciale, religieuse ou linguistique
(art. 19 de la
Constitution de 1990):
Article 19
1) Les citoyens sont égaux devant la loi, sans discrimination quant au sexe, à la
race, à la langue, à lorigine sociale ou à la religion.
2) La loi garantit les chances égales à tous citoyens.
|
L’article 26 de la
Constitution (1990) garantissait même la liberté d'opinion, de
publication, de réunion, de formation de partis politiques, de syndicats et de sociétés
diverses. Quant à larticle 5, il portait sur les nationalités irakiennes dont on
reconnaissait deux composantes principales:
Article 26
1) LIrak est une partie de la nation arabe.
2) Les citoyens irakiens sont composés de deux nationalités principales: la nationalité
arabe et la nationalité kurde.
3) Cette Constitution reconnaît les droits nationaux des citoyens kurdes et les droits
légitimes de toutes les minorités dans l'union irakienne. |
En ce qui a trait aux langues, la
Constitution irakienne
de 1990 reconnaissait dans son
article 7 larabe comme langue officielle du pays mais aussi le kurde dans la
région kurde:
Article 7
1) Larabe est la langue officielle.
2) Le kurde est, en plus de larabe, la langue officielle dans la région kurde. |
Enfin, en vertu de larticle 17 de la Constitution, lÉtat devait lutter
contre l'analphabétisme et garantissait à tous les citoyens le droit à linstruction
gratuite aux niveaux primaire, secondaire et universitaire; l'État devait aussi
rendre obligatoire l'instruction primaire, accroître linstruction technique et
professionnelle dans les villes et les régions rurales, et encourager particulièrement
l«éducation du soir» afin de permettre aux masses populaires de combiner la
science et le travail. De plus, l'État garantissait la liberté de recherche scientifique,
encourageait et récompensait l'excellence et linitiative dans toutes les activités
intellectuelles, scientifiques et artistiques, ainsi que tous les aspects de
«l'excellence populaire».
- La politique
d'arabisation
La politique linguistique était très
simple: c'était l'arabisation.
De fait, seul larabe était utilisé au Parlement national (Bagdad), dans les cours
de justice, les écoles, ladministration publique, etc. Si l'on fait
exception de la zone kurde protégée par l'aviation américaine et britannique,
Saddam Hussein pratiquait une politique d'arabisation intensive et radicale.
Dans
les villes de Mossoul et de Kirkouk au
nord, plus de 250 000 Kurdes furent chassés de leurs maisons et remplacés
par des Arabes chiites; ces Kurdes vivent aujourd'hui dans des camps de réfugiés. Des
quartiers kurdes furent rasés, des moquées démolies, des villages voisins
bombardés. Même les noms kurdes sur les tombes des cimetières furent
effacés et remplacés par des inscriptions arabes. Dans les villes qui n'étaient
pas sous le contrôle des Kurdes, il n'était pas possible pour un Kurde d'acheter
une voiture, une maison ou une terre. Il était strictement interdit de parler
kurde en public. Selon un rapport de l'Alliance internationale pour la justice, tout
était
absolument interdit aux habitants non arabes de Kirkouk: si les Kurdes refusaient
de changer d'identité ethnique, ils n'avaient pas droit à un emploi, un héritage,
une maison, au téléphone et à l'instruction pour leurs enfants, ni de quitter
leur quartier sans autorisation. En fait, les Kurdes devaient se dire «arabes»
s'ils voulaient survivre.
Du côté des médias, non
seulement ceux-ci n'étaient diffusés quen arabe, mais ils étaient totalement inféodés
à la tutelle de lÉtat irakien. En effet, les journalistes irakiens
étaient tous
fonctionnaires du ministère de l'Information et étaient obligatoirement membres du Parti Baas. Ils
avaient pour principale fonction de diffuser la position des autorités de Bagdad. Pas
question de critiquer le président Saddam Hussein, le Conseil de commandement de la
Révolution, le Parti Baas, le gouvernement ou l'Assemblée nationale: les contrevenants
étaient passibles de lourdes peines de prison. Quant aux journalistes étrangers, ils
étaient impérativement accompagnés d'un fonctionnaire du ministère de la Culture et de
l'Information en réalité un agent des services de renseignements qui
limitait strictement leurs mouvements. La population, pour sa part, ne pouvait posséder
d'antennes paraboliques et était, de fait, privée de tout contact avec l'extérieur.
Loin d'être un chef tout-puissant,
Saddam Hussein était, au cours de ses dernières années
au pouvoir, complètement dépassé sur ce qui se passait
dans son pays. En 2003, Saddam Hussein était occupé à
écrire des romans. Non seulement il ne s'occupait plus à
faire fonctionner le gouvernement, mais il n'avait même
pas de plan réel pour défendre l'Irak en cas d'attaque;
il ne semblait pas comprendre l'importance de la tempête
qui s'en venait et allait le renverser. Il n'écoutait
plus que ce qu'il voulait entendre.
5.3 La guerre du Golfe de 2003
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001
contre le World Trade Center (New York) et le Pentagone (Arlington, Virginie), Saddam Hussein fut soupçonné
d'avoir trempé dans cette affaire : il était l'un des rares chefs
d'État à ne pas avoir condamné ces attentats. L'Irak fut alors désigné par
le gouvernement américain comme un «dangereux ennemi de l'Occident», un pays
faisant partie de «l'axe du mal» et soupçonné de développer, en
collaboration avec des groupes terroristes internationaux, des armes de
destruction massive. Le 20 mars 2003, commençait la seconde guerre du Golfe,
destinée cette fois à renverser le régime du président Saddam Hussein.
Ce dernier tentait depuis des années de
s'ériger en leader et défenseur du monde musulman. Il faisait tout pour dépeindre
l'Amérique comme le «Grand Satan» et, pour un homme qui n'était pas
particulièrement pratiquant, il faisait ériger des mosquées et accordait des
privilèges aux dirigeants musulmans sunnites de son pays, en jouant
la carte religieuse. Il s'organisait pour islamiser ses discours à des fins
politiques. Il se posait comme Saladin, un Kurde de Takrit, en grand vainqueur de
l'Occident.
Saddam Hussein disposait en principe
de 425 000 soldats qu'il disait prêts à
combattre contre les 285 000 soldats occidentaux (américains, britanniques et
australiens). Il estimait être sûr de vaincre les Américains et comparait les
envahisseurs occidentaux aux «hordes mongoles qui ont envahi Bagdad au
XIIIe siècle»;
il pouvait alors ordonner à son peuple de défendre le territoire irakien coûte que
coûte. Dans un message télévisé, le président Saddam
Hussein proclamait, le 1er
avril 2003, que dans cette guerre «Dieu nous a offert une grande occasion, une
adversité par laquelle il veut tester notre foi et notre allégeance à Dieu».
6 L'occupation américaine (2003-2011)
Tous ces beaux discours n'ont pas empêché les Américains d'entrer dans Bagdad le
9 avril 2003, sans rencontrer de grandes résistances de la part des Irakiens,
pendant
qu'un fort contingent de Bagdadis mettait la capitale à sac. Le régime de
Saddam Hussein, l'un des plus répressifs de l'histoire, s'écroula dans les heures qui suivirent.
L'armée américaine est entrée dans Bagdad dans la troisième semaine
d'une campagne qui avait duré un mois. Les
historiens mettront des années à expliquer le peu de résistance de l'armée
irakienne et, surtout, de la Garde républicaine, une «élite» qui n'a
certainement pas été à la hauteur de sa réputation. Le
9 avril 2003, jour de la chute du régime de Saddam
Hussein, allait représenter un tournant radical dans l’histoire de l’Irak depuis
sa création par les Britanniques en 1921. Avant l'invasion américaine, le
gouvernement irakien, qui avait été jusqu'alors omniprésent et centralisateur,
disparut brutalement, ce qui a laissé aussitôt un vide juridique, idéologique et
administratif difficile à combler.
Après leur invasion, les Américains ont décidé de
favoriser la majorité chiite, qui avait été sous Saddam Hussain, privée du
pouvoir au profit des sunnites. Le nouveau gouvernement irakien a vite monopolisé le
pouvoir au profit de la seule communauté chiite; les chiites
attendaient leur tour depuis soixante-quinze ans. Ils ont fait comme les
sunnites avant eux: exclusion des autres confessions, favoritisme et corruption.
Par voie de conséquence, les sunnites irakiens ont
vu leurs conditions sociales se détériorer; ils se sont
vus traités comme des
citoyens de seconde zone. La répartition des pouvoirs est l'un
des grands problèmes en Irak.
6.1 La Loi sur l'administration de
l'État de 2004
Les
États-Unis ont alors voulu démocratiser l'Irak,
ce qui correspondait à une tâche herculéenne dans un pays qui n'a jamais connu la démocratie et où 40 %
de la population était alors illettrée. Les Américains instaurèrent l'Autorité provisoire de
la coalition (en anglais: la "Coalition Provisional Authority") comme
gouvernement. Cette «autorité» a administré le pays
du 21 avril 2003 au 28 juin 2004, moment de sa dissolution et de son
remplacement par le «gouvernement intérimaire irakien» (en anglais:
"Iraqi Interim Government"). C'est sous ce
gouvernement que fut adoptée la
Loi sur
l'administration de l'État de l'Irak sous la période transitoire (2004), qui
remplaçait la Constitution irakienne de 1970, bien que cette loi ne fût pas
qualifiée de «constitution».
Selon l'article 2 de la
Loi sur
l'administration, c'était une loi provisoire qui
demeurait en vigueur entre le 30 juin 2004 et le 31 décembre 2005 au plus tard.
L'article 4 de la
Loi sur l'administration définissait l'Irak comme une République fédérale, démocratique et
pluraliste dans laquelle les compétences étaient partagées entre Bagdad et les
régions et gouvernorats, selon des bases géographiques et historiques et non pas
sur les bases ethniques ou sectaires:
Article
4
Le système de
gouvernement
en Irak doit
être
républicain,
fédéral, démocratique
et
pluraliste, et
les pouvoirs sont
partagés
entre le gouvernement
fédéral et les
gouvernements
régionaux, les
gouvernorats,
les municipalités et
les administrations
locales.
Le système fédéral
doit être fondée sur
des réalités
géographiques
et historiques
ainsi que sur
la séparation des pouvoirs,
et non sur
l'origine,
la race, l'origine
ethnique, la nationalité
ou la
confession religieuse. |
Cette loi constituait un véritable
succès pour les Kurdes. En effet, l'article 53 de la
Loi sur
l'administration énonçait que «le gouvernement du
Kurdistan est reconnu comme le gouvernement officiel des territoires qu’il
administrait avant le 19 mars 2003, qui se trouvent sur les gouvernorats de Dohouk, d'Erbil, de Souleimaniyeh, de Kirkouk, de Ninive
et de Diyala ». Il s’agit donc d’une reconnaissance officielle des institutions
kurdes, qui continueront à gouverner leur région de façon autonome jusqu’à
l’adoption de la Constitution permanente (2005):
Article 53
a) Le gouvernement
régional du Kurdistan est reconnu comme le gouvernement officiel des
territoires qu’il administrait avant le 19 mars 2003, qui se
trouvent sur les gouvernorats de Dohouk, d'Erbil, de Souleimaniyeh,
de Kirkouk, de Ninive et de Diyala. Le terme «gouvernement régional
du Kurdistan» doit se référer à l'Assemblée nationale du Kurdistan,
au Conseil des ministres du Kurdistan et à l'autorité judiciaire
régionale dans la région du Kurdistan.
b) Les frontières des 18 gouvernorats resteront sans changement
pendant la période transitoire.
c) Tout groupe d'au plus trois gouvernorats à l'extérieur de la
région du Kurdistan, à l'exception de Bagdad et de Kirkouk, ont le
droit de former des régions en leur sein. Les mécanismes de
formation de ces régions peuvent être proposés par le gouvernement
intérimaire irakien et doivent être présentés et examinés par
l'Assemblée nationale élue pour les fins de promulgation. En plus
d'être approuvée par l'Assemblée nationale, toute loi proposant la
formation d'une région donnée doit être approuvée lors d'un
référendum par les citoyens des gouvernorats concernés. |
De plus, les Kurdes voyaient enfin leur
langue reconnue en tant que langue officielle pour l’ensemble de l’Irak. C’était
la première fois qu’un État souverain adoptait le kurde comme langue officielle.
De fait, la Constitution irakienne de 1970 avait bel et bien reconnu le kurde
comme langue officielle, mais uniquement dans les provinces kurdes. Or, l'article
9 de la
Loi sur l'administration de l'État de l'Irak
sous la période transitoire reconnaissait le kurde, au même titre que la langue arabe, comme
deux langues officielles et deux langues de travail pour l’ensemble de l’Irak:
Article 9 La langue
arabe et la langue kurde sont les deux langues officielles de
l'Irak. Le droit des Irakiens d'éduquer leurs enfants dans leur
langue maternelle, comme le turkmène, le syriaque et l'arménien est
garanti dans les établissements publics d'enseignement, conformément
aux directives pédagogiques, ou dans toute autre langue dans les
établissements d'enseignement privés. La portée de l'expression
«langue officielle» et les moyens d'appliquer les dispositions du
présent article sont définies par la loi et doivent comporter :
(1) La publication du Journal officiel
dans les deux langues ;
(2) La parole et l'expression dans
les domaines officiels, comme l'Assemblée nationale, le Conseil des
ministres, les tribunaux et les conférences officielles, dans
l'une ou l'autre des deux langues ;
(3) L'examen et la publication des
documents officiels et de la correspondance dans les deux langues ;
(4) L'ouverture d'écoles qui
enseignent les deux langues, conformément aux directives
pédagogiques ;
(5) L'utilisation des deux langues
dans toute question visée par le principe d'égalité (comme les
billets de banque, les passeports et les timbres);
(6) L'utilisation des deux langues
dans les institutions et organismes fédéraux dans la région du
Kurdistan.
|
Cette loi représentait un compromis
entre le Conseil de gouvernement et l’autorité d’occupation, bien que l'État
irakien lui-même ait été pratiquement inexistant entre ce moment et 2005.
Néanmoins, les principales dispositions de la
Loi sur
l'administration de l'État de l'Irak sous la période transitoire du 8 mars 2004 allait être reprises plus ou moins
intégralement dans la Constitution de 2005.
Après plusieurs mois passés
dans la clandestinité, l'ancien président de l'Irak, Saddam Hussein, fut arrêté
par l'armée américaine à Tikrit, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2003 lors de
l'opération "Red Dawn" («Aube rouge»).
6.2 Le gouvernement intérimaire
irakien (2004-2005)
Le gouvernement intérimaire irakien fut formé le
1er juin 2004 par la force
multinationale présente en Irak comme gouvernement provisoire pour
gérer le pays jusqu'à la constitution du gouvernement de transition.
Ce gouvernement intérimaire s'est vu transmettre la souveraineté sur
l'Irak le 28 juin 2004. Il devait diriger le pays jusqu'à des
élections démocratiques prévues au plus tard le 31 janvier 2005.
Selon la résolution n° 1546 adoptée par le
Conseil de sécurité de l'ONU à sa 4987e
séance du 8 juin, le gouvernement intérimaire devait établir un
«partenariat» avec la Force multinationale, laquelle pouvait prendre
«toutes les mesures nécessaires» (art. 10) pour faire régner la paix
et la sécurité. Le gouvernement pouvait aussi demander le départ des
troupes étrangères.
|
C'est sous ce gouvernement que l'Irak adopta un nouveau drapeau
provisoire avec une calligraphie kufique, une écriture créée dans la
ville de Kufa, près de Nadjaf, typique des chiites.
Les couleurs sont toujours celles du
drapeau de la libération arabe et représentent l'oppression (le
noir) surmontée par la lutte sanglante (le rouge) pour être
remplacée par un brillant avenir (le blanc). Les trois
étoiles symbolisent encore le Parti Baas sous l'ancien régime de
Saddam Hussein. Le gouvernement était dirigé par un président kurde
et un premier ministre chiite. |
D'avril 2005 à mai 2006, le pouvoir
en Irak fut détenu par le «gouvernement de transition»
dirigé par le chiite Ibrahim al-Jaafari. Le président
intérimaire était un Kurde (Jalal Talabani) favorable à la
séparation de l'Irak en trois entités distinctes, ce qui
ne pouvait être considéré comme acceptable par la
minorité sunnite, alors que les chiites proposaient une
position intermédiaire en un État fédéral.
Un nouveau gouvernement de transition fut instauré à la suite des
élections de janvier 2005 afin de préparer la constitution du
premier gouvernement définitif en Irak. Dans un
contexte de violence, la
nouvelle Constitution irakienne fut ratifiée le 15 octobre 2005.
Les éléments importants de la Constitution sont, entre
autres, les suivants:
- Islam : C'est la religion officielle
de l'État et l'une des sources de législation; la constitution
respecte l'identité islamique de la majorité de la population
irakienne, mais garantit la liberté totale de toutes les autres
religions et de leurs pratiques.
- Présidence du pays : l'Irak a un président unique et
deux vice-présidents, afin que les trois grandes communautés
soient représentées à la présidence.
- Kurdes : le Kurdistan bénéficie du statut de région
autonome, tandis que les autres provinces pourront préparer un
gouvernement local, en attendant que cette question soit réglée
par un gouvernement élu.
- Langues officielles : l'arabe et le
kurde sont les deux langues officielles de l'Irak, mais les
minorités turkmène, syriaque et arménienne, chaldo-assyrienne
ont le droit d'utiliser leurs langues dans leurs établissements
scolaires.
Puis une nouvelle élection générale s'est
tenue le 15 décembre pour élire les 275 membres du Conseil des
représentants de façon permanente. Le gouvernement de transition
a lui-même laissé la place au gouvernement al-Maliki en avril
2006.
Saddam Hussein fut finalement exécuté
par pendaison le 29 décembre 2006 à Bagdad, pour «crimes contre l'humanité» à la
suite à une procédure judiciaire expéditive et dirigée par les autorités
américaines. Sa mort mit fin à toutes les poursuites qui avaient été
engagées contre lui, en particulier le «procès Anfal», où il devait être jugé pour
génocide contre la population kurde et accusé d'être responsable de la mort de
quelque 180 000 personnes en 1987-1988.
|
Le 22 janvier 2008, le Parlement irakien adopta, par 110 voix
contre 50, un nouveau drapeau: la version de 2004 sans les trois étoiles.
L'inscription «Allahu Akbar» («Dieu est le plus grand)»,
initialement écrite en vert par Saddam Hussein sur la partie
centrale du drapeau, est remplacée par le même texte mais rédigée en
graphie kufique, une forme d'écriture arabe ancienne.
Les trois étoiles symbolisant le Parti Baas au pouvoir sous l'ancien
dictateur ont été éliminées. Dans cette version de 2008, toutes les
références à l'ancien régime de Saddam Hussein ont été supprimées.
Sa durée était prévue pour une année, le temps que les députés
s'entendent pour choisir un drapeau définitif. |
Pendant ce temps, avec la bénédiction
de Washington, les congrégations évangéliques américaines ont envoyé des missionnaires en Irak
afin de détourner les musulmans de ce qu'ils considèrent comme une fausse
religion, sinon démoniaque, et de les convertir. L'Administration américaine a clamé haut et
fort que la «libération» (comprendre «invasion») était nécessaire pour instaurer
la démocratie. En octobre
2006, les députés irakiens ont adopté la loi sur le fédéralisme. Ce
texte ouvre ainsi la voie à la constitution d'entités
ethno-confessionnelles.
6.3 La création du
Kurdistan irakien
L'adoption de la Constitution irakienne de
2005 créait un «État fédéré» avec le Kurdistan irakien.
Dans les faits, le fédéralisme irakien
fut adopté
spécifiquement pour la Région autonome du Kurdistan (article 117.1
de la Constitution).
Article 117 1) La présente Constitution, dès son entrée en vigueur,
reconnaît la région du Kurdistan, ainsi que ses pouvoirs existants,
comme une région fédérée.
2) La présente Constitution prévoit que de nouvelles régions
peuvent être établies conformément à ses dispositions.
|
Seul le Kurdistan, qui
regroupe les provinces ou gouvernorats d'Erbil (Arbil en arabe), de Dohouk (Dahūk
en arabe) et de Souleimaniyeh (prononcer [sou-lai-manié]), a
actuellement le statut de «région autonome» en Irak. D'autres
gouvernorats réclament le statut de «région autonome» : Saladin,
Anbar et Basrah
(voir la carte
du pays avec ses gouvernorats). Bref, si plusieurs
gouvernorats ont
exprimé leur désir d'acquérir ce statut, les
dirigeants irakiens fédéraux ont estimé qu'une telle entreprise
était prématurée et pourrait provoquer des conflits à l'intérieur du
pays.
Rappelons que le Kurdistan irakien fait partie
d'un ensemble plus vaste qu'on pourrait appeler le
Grand Kurdistan,
avec des territoires principalement situés non seulement en Irak,
mais aussi en Turquie, en Syrie et en Iran, ainsi que des îlots de
peuplement en Arménie, en Géorgie, en Azerbaïdjan, en Turkménistan,
au Kirghizistan et au Kazakhstan (voir
la carte du Grand Kurdistan).
6.4 Le retrait des Américains
(2011)Avant son
élection à la présidence des États-Unis, Barack Obama s'était dit
prêt à retirer les troupes américaines de l'Irak à l'été 2010. Le 18 décembre 2011, le dernier convoi de militaires américains
quittait le pays pour entrer au Koweït. Seuls quelque 400
soldats sont restés pour protéger l'ambassade des États-Unis à Bagdad. Les
Américains ont englouti dans cette opération plus de 900
milliards de dollars US (725 milliards d'euros) et ont
sacrifié la vie de 4500 de leurs militaires, sans parler
des 30 000 blessés, ainsi que celle d'environ 110 00
civils irakiens. Plus de 500 000 enfants seraient morts
de maladie et de malnutrition des suites de la guerre.
Pour les Américains, la facture était salée, non
seulement en termes de vies humaines perdues ou de
trésor public dilapidé, mais la crédibilité de
Washington est devenue nulle au sein des populations
qui auraient eu besoin de l'assistance et de l'expertise
américaines. Dans les années qui ont suivi la
chute de Saddam Hussein en 2003, une vague d'assassinats
a frappé l'élite intellectuelle du pays, ce qui a coûté
la vie à quelque 300 universitaires irakiens.
Il est légitime de se demander si
l'invasion de l'Irak valait le coup, tant pour les Irakiens que pour les Américains.
Pour ces derniers, certainement pas. Quant aux Irakiens, ils évidemment échappé à un
dictateur, dont le mode normal dans la résolution des conflits était la guerre à
l'étranger et les massacres à l'intérieur. Cependant, après huit années d'enfer, c'est à nouveau la loi du plus
fort qui règne dans ce pays. La majorité
chiite refuse de partager le pouvoir et les groupes armées sunnites ne demandent
pas mieux de reprendre les combats si leur communauté est de nouveau mise à
l'écart.
Au final, non seulement la démocratie n'a pas progressé en
Irak, mais le pays a sombré dans l'anarchie. Une nouvelle dictature va
émerger sur les ruines laissées par les États-Unis. Pendant longtemps,
l'Irak demeurera l'un des pays les plus
corrompus de la planète, une avant-dernière place que le pays partage avec
la Birmanie.
7 Un pays fragilisé
Il est vrai que l’Irak s’est un peu démocratisé, et les Irakiens sont plus libres
qu'auparavant. Par contre, le pays est plus divisé
que jamais entre ses trois composantes ethniques et religieuses. En effet,
l'Irak est gouverné par
un parti pro-iranien issu de la majorité arabe chiite, l'Alliance nationale
irakienne. Or, les chiites marginalisent la
minorité sunnite, pendant que les Kurdes vivent dans une quasi-indépendance dans
la Région autonome du Kurdistan irakien.
Les Kurdes peuvent difficilement être blâmés de vouloir se libérer du
fardeau d’une société de loin moins fonctionnelle que la leur, avec laquelle ils
ne s’identifient guère.
7.1 Les
clivages de toutes sortes
Partout ailleurs, dans le pays, la violence est endémique.
Le quart de la population vit dans la misère. Quant au statut des femmes
en Irak, il a régressé considérablement, car
l’insécurité continuelle a eu pour
résultat de compromettre gravement le
bien-être physique des femmes et de limiter leur vie
quotidienne. Il était prévu que le lendemain de l'engagement américain en Irak serait chaotique,
mais peu d'observateurs croyaient que la violence s’installerait
à demeure et avec une telle
ampleur. Le sectarisme a fini par imprégner toutes les structures de
l'État et alimente une lutte de pouvoir dont les
premières victimes sont toutes les petites minorités qui
sont aujourd'hui très fragilisées.
En plus des pertes humaines, les conflits ont détruit
une grande quantité de musées, de bibliothèques et de
sites archéologiques, qui renfermaient des témoins
irremplaçables du
passé. À cause de la guerre, l'Irak a
subi un net recul aux plans de la culture et de
l'éducation. La bonne réputation des universités
irakiennes attirait de nombreux étudiants de la région
proche-orientale;
de nombreux étrangers venaient étudier en Irak, que ce
soit de la Jordanie, de la Syrie, du Yémen ou de la
Mauritanie. La guerre a tout détruit.
De plus,
la
corruption
de
l'administration
publique
est aujourd'hui omniprésente dans le pays.
Un système de détournement des biens publics est organisé entre les
différentes factions au pouvoir. La
corruption complique
et
empoisonne
la
vie
des
Irakiens, surtout s'ils sont
incapables
de
payer des pots-de-vin, que ce soit pour
pour
accéder
à un emploi
public,
pour s’enrôler
dans
l’armée ou simplement pour obtenir un service comme
un
passeport ou pou remplir un formulaire.
Dans
le
nouvel
Irak,
tout
se
vend.
Les Irakiens semblent avoir perdu tout espoir dans la capacité de leur
gouvernement à gérer la reconstruction et à assurer les
services de base.
L'administration du pays est devenue
si catastrophique que le
spectre de l’éclatement du pays plane désormais partout. L'Irak pourrait
même devenir le théâtre des ambitions hégémoniques de la
part de l’Iran, de la Turquie et de l’Arabie Saoudite,
qui ne demanderaient pas mieux que de dépecer ce
territoire à leur avantage.
Bref, le
modèle conçu et mis en place par les Américains traduit
une incompréhension profonde des réalités sociales et
économiques de l'Irak. Plutôt que de consolider le pays,
le nouveau système a attisé les clivages confessionnels
et ethniques, il a favorisé la parcellisation du territoire
et il a fourni un terreau fertile à la prolifération des
mouvements terroristes, transformant ainsi l’Irak en
nouvelle terre de djihad.
Il n’y a pas en Irak de projets transcendant les idéologies
communautaires et concernant l’ensemble de la population
irakienne. Le pays n’est plus administré que sous la
forme de communautés, de clans, de confessions et de
factions. Les partis politiques qui
détiennent le pouvoir sont incapables de s'entendre sur
quoi que ce soit, même d'adopter des lois nécessaires, ce
qui engendre une situation politique constamment
bloquée. Le blocage est total entre des pouvoirs qui
ne peuvent engager quelque réforme que ce soit et qui
sombrent dans la corruption généralisée.
Bref, la jeune «démocratie
irakienne», rêvée par l'administration américaine, n'a
pas réussi à éliminer les violences
interconfessionnelles. La colère de la minorité sunnite
face au gouvernement à majorité chiite a favorisé
l'émergence du groupe ultra-radical l'État islamique,
dont une partie des cadres sont des anciens de l'armée
de Saddam Hussein. Plus de 5000 soldats américains sont
toujours sur place, afin de soutenir une armée irakienne
encore incapable d'assumer seule la guerre contre les
djihadistes.
7.2 La menace
djihadiste
Comme si ce n'était pas suffisant, l'Irak doit faire face à un autre problème: l'avancée
de l'EILL ("État islamique en Irak et au Levant"). Ce
groupe terroriste lourdement armé a proclamé le 29 juin
2014 l'instauration d'un califat qui engloberait au
minimum la partie sunnite de l’Irak, la Syrie et une
partie du Liban. Parti de la Syrie, l'EILL se réclame d’un sunnisme salafiste
hostile aux chiites et d’un combat djihadiste
international tout en ayant comme objectif de supprimer
les frontières actuelles des pays concernés.
|
Au
début du
mois d'août 2014, les djihadistes de l'État
islamique ont avancé rapidement vers le
nord-est et ont occupé les provinces
pétrolières et gazières
de Ninive, de
Saladin et d'Anbar. Ils se sont emparés
ensuite de Qaraqosh, la plus grande ville
chrétienne d'Irak (près de Mossoul). L'étape
ultime est la prise de Bagdad. Pour le
moment, les combattants djihadistes
contrôlent une grande partie du territoire
sunnite irakien au nord-ouest.
Cette avancée en Irak pourrait être une
réponse des sunnites devant la difficulté de
se faire entendre par des moyens politiques.
L'EIIL a provoqué un mélange de soulagement
et de crainte chez les populations sunnites.
D'une part, ils se sont crus libérés du joug
des forces gouvernementales irakiennes (à
majorité chiite), d'autre part,
ils craignent de se faire appliquer les
mêmes «recettes» déjà éprouvées en Syrie. Le principe
est simple : qui ne se soumet pas à leur loi
mérite le châtiment, voire la mort. Les
exactions (viols, mutilations, exécutions,
etc.) des djihadistes sunnites de l'État
islamique dans le nord de l'Irak sont telles
que la communauté internationale craint un
génocide dans la région. |
|
Les combattants djihadistes de l’EIIL
ont comme politique de réduire en poussière tous les
monuments historiques non conformes à leur idéologie
: mausolées des saints et personnalités pieuses, églises, mosquées
et tombeaux des prophètes, pièces archéologiques,
etc. Or, certains monuments contiennent des pièces
de valeur inestimable, car ils représentent la
civilisation assyrienne mésopotamienne. Ainsi, les djihadistes ont entrepris en mars 2015 de réduire en
poussière la cité antique de Nimrud, dans le nord de
l’Irak. Ce joyau patrimonial vieux de 3000 ans a été
attaqué au bulldozer, suscitant des réactions
indignées de la part de la communauté internationale. Classée
au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui a décrit sa
destruction comme un «crime de guerre», Nimrud fut
une «très grande capitale» de l’Empire assyrien, qui
a dominé tout le Proche-Orient, de l’Iran jusqu’à la
Méditerranée, de 800 à 700 ans avant notre ère. En détruisant ainsi le patrimoine irakien, les djihadistes remettent en cause les anciennes
cultures préislamiques et cherchent à imposer leur
vision extrêmement rigoriste de l’islam, car cette
religion interdit toute représentation de dieux.
|
Or, sur la
forteresse de Nimrud, ce sont des dieux qui étaient
représentés. Toutefois, au-delà de l’idéologie
religieuse, l’attaque de la cité de Nimrud est aussi
motivée par des considérations pécuniaires. En
effet, on sait qu'il existe un trafic d’œuvres d’art
assez important et que les militants de l’État
islamique sont parmi les revendeurs.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a
été mis en alerte par les pays occidentaux qui
désirent stopper l'avancée des
combattants djihadistes en Irak. Pour stopper
l'avancée de l'EI, les États-Unis ont engagé des
frappes aériennes avec l'aide
d'avions français, australiens, britanniques,
canadiens, danois, belges et néerlandais. Avec la
participation de l'Arabie Saoudite, des Émirats
arabes unis, de la Jordanie et du Bahreïn, les
Américains ont mis en œuvre
des frappes aériennes en Syrie depuis le 23
septembre 2014. Cet engament militaire pourrait
durer plusieurs années.
L'EIIL pourrait disposer de quelque 30 000
combattants et a décapité plusieurs otages
occidentaux, mais leur plus grand plaisir, c'est
d'égorger des chiites et les décapiter, après avoir
violé leurs femmes. Les rapports et les descriptions
ne manquent pas sur les atrocités commises par ces
fous d'Allah: crimes de guerre, crimes contre
l'humanité, opérations de nettoyage ethnique
exécutées principalement contre des minorités
religieuses, etc. Tortures, meurtres, massacres:
tous les moyens sont bons pour instaurer la peur et
forcer les conversions et faire disparaître les
idolâtres irrécupérables aux yeux des islamistes.
Seules les femmes, soumises à l'esclavage sexuel,
bénéficient d'un sursis.
7.3 Les
minorités religieuses
Depuis 2013, plus de 3,2 millions d’Irakiens ont été
chassés de leur foyer en moins de deux ans par les
violences, qui ont fait près de 19 000 morts dans la
population civile. Les djihadistes sont en grande
partie responsables de cet état de fait; ils ont
même réintroduit l’esclavage dans ce pays du
Proche-Orient. Telles sont les principales
conclusions d’un rapport de l’Organisation des
Nations unies (ONU) dévoilé en janvier 2016. De
plus, il faut mentionner aussi des violences
interethniques entre chiites et sunnites, ainsi que
contre les chrétiens. Les territoires contrôlés ou
visés par l’EIIL ("État islamique en Irak et au
Levant") sont majoritairement sunnites, mais les
djihadistes commettent des attentats dans les zones
chiites. Pour ce qui est des minorités musulmanes,
comme les yazidis, elles sont particulièrement
ciblées par la répression religieuse. Quant aux
minorités chrétiennes, elles ne peuvent ni quitter
le pays ni se réfugier ailleurs en Irak, parce
qu’elles ne sont pas les bienvenues. Le risque que
la communauté chrétienne disparaisse de l’Irak est
tout à fait probable et inquiétant. Enfin, il existe
de moins en moins de minorités religieuses en Irak;
il n’y a plus de juifs et de moins en moins de
chrétiens. En somme, l'Irak connaît une accélération
de son appauvrissement social au plan de la
diversité.
Le 6 juin 2014, l'EIIL, allié à des tribus et des
groupes armés sunnites, lançait une offensive sur la
ville de Mossoul, bordée de champs pétroliers, qui
fut prise après quatre jours de combats. Ce sont les
divisions entre chiites et sunnites qui nous font
comprendre pourquoi la ville de Mossoul a été prise
si facilement par les djihadistes du groupe État
islamique. Presque tous les habitants sunnites de la
ville ont accompagné la fuite des forces de sécurité
irakiennes chiites en leur envoyant des cailloux. Ce
n’est pas que les habitants de Mossoul étaient
eux-mêmes islamistes, mais ils souhaitaient qu’il y
ait une gouvernance plus transparente; l’État
islamique leur offrait cette possibilité. Par
ailleurs, la population sunnite de Mossoul se
sentait en plus maltraitée par l’armée irakienne qui
était majoritairement chiite. Ne se sentant pas en
zone amicale, l'armée irakienne a vite retraité,
laissant ainsi la place aux djihadistes. En fait,
l’armée irakienne ne s'est pas comportée comme une
armée nationale, mais comme une armée chiite. Si
l’État islamique a pu rassurer la population sunnite
de Mossoul, ce fut tout le contraire pour la
population minoritaire chiite de la ville, qui a
subi des atrocités de la part du groupe terroriste.
Le 29 juin 2014, le leader de l'État islamique
en Irak et au Levant, Abou Bakr al-Baghdadi,
proclama un califat islamique. Il s'agissait d'un
régime politique, hérité du temps du prophète
Mahomet, dans lequel le calife, en l'occurrence al-Baghdadi,
s'affirmait comme le commandeur du monde musulman.
Puis la peur, les bombardements sur les quartiers
ouest, ainsi que l'absence d'eau et d'électricité,
ont persuadé plusieurs milliers d'habitants de cette
cité, qui en comptait alors 1,5 million, à fuir vers
la province voisine du Kurdistan irakien. À la suite
de la chute de Mossoul, des dizaines d'autres
localités sont tombées, parfois sans qu'un coup de
feu ne soit tiré. L'EIIL a réussi à s'imposer en
nouant des alliances avec certaines tribus sunnites
locales, les absorbant au sein de sa hiérarchie,
tout en puisant dans son contingent de combattants
étrangers pour multiplier les opérations kamikazes.
7.4
L'implication kurde
Il
restait à savoir combien de temps les djihadistes
réussiraient à tenir la ville. Mossoul est une ville
du Nord où cohabitent des sunnites et des Kurdes.
Ces derniers, qui sont majoritairement laïcs et
anti-islamistes, ont vu d'un très mauvais œil
l’arrivée de ces extrémistes sunnites, alors que
Mossoul est aux portes du Kurdistan, soit à quelques
kilomètres d’Erbil, la capitale kurde. La pérennité
de l’EIIL dans la zone était loin d’être assurée.
- La guerre
contre l'État islamique
Évidemment, les Kurdes, qui ont longtemps
été persécutés par le régime de Saddam Hussein,
se sont trouvés devant un nouvel ennemi dans le groupe armé
de l'État islamique. Pour les cinq millions de
Kurdes, cette crise représentait à la fois une
menace et une occasion unique de se donner le pays
dont ils rêvent depuis des décennies. En effet, avec
la peur, le vieux rêve d'indépendance kurde a refait
surface.
Il ne faudrait pas croire que les djihadistes
sunnites de l'EIIL étaient motivés uniquement par des
facteurs «religieux». Ce qui est beaucoup plus important que la religion, c'est le contrôle du territoire et la richesse
provenant du pétrole. Les combattants djihadistes se
sont emparés des biens et des avoirs laissés par les
Irakiens expulsés comme «butin de guerre» afin
d'exploiter eux-mêmes à leur profit les richesses naturelles de
la région.
En juillet 2017, après neuf mois de
combats, les forces irakiennes, avec le soutien
d’une coalition internationale antidjihadiste
composée de 60 pays et menée par les États-Unis, ont
réussi à reprendre la ville de Mossoul aux mains de
l'EIIL au prix de milliers de victimes, civiles et
militaires, d'une crise humanitaire énorme et de
destructions colossales. L'Irak est désormais
confronté à la tâche titanesque de sécuriser, de
reconstruire et d'assurer le retour des habitants
dans la deuxième ville du pays, ravagée par près de
neuf mois de combats. On estime qu'il faudrait 100
milliards de dollars pour reconstruire l’ensemble
des régions reprises à l’État islamique.
- Le référendum sur
l'indépendance
Le 25 septembre 2017, les
habitants du Kurdistan irakien tinrent un référendum
sur l’indépendance de leur territoire. Environ 72%
des électeurs éligibles se prononcèrent lors de
cette consultation qui se solda par un vote
favorable à 92,7%. Après la bataille de Kirkouk en
octobre 2017, le rapport des forces changea en
faveur du pouvoir irakien. Compte tenu des
tensions qui continuèrent de caractériser les
rapports entre les principaux partis kurdes, le
référendum ne changea rien et le Kurdistan irakien
resta un État fédéral de l'Irak.
Les crimes tels que les détournements de voiture,
les vols qualifiés et la corruption se poursuivent
comme sous le régime de Saddam Hussein; après la
tombée de la nuit, les conditions de sécurité se
détériorent dans tout le pays. Les affrontements
violents opposant des membres du crime organisé, des
gangs de rue, des militants, des milices rivales et
les forces de sécurité iraquiennes présentent de
graves dangers pur la vie civile. Des attentats à la
bombe et des attaques meurtrières contre des
véhicules militaires et civils continuent de se
produire sur les routes.
À l'heure actuelle, les
Irakiens ont bien d'autre préoccupations que la protection des minorités. Le
gouvernement irakien a commis beaucoup d'erreurs. Non seulement il s'est
enfoncé dans une politique sectaire contre les sunnites en les excluant des
postes dans la fonction publique et l'armée, mais il a utilisé la répression à
leur égard en recourant à des milices chiites extrémistes, ce qui a conduit des
anciens militaires du Parti Baas à se rallier au groupe État islamique au point
où certains sunnites préfèrent la «protection» des djihadistes à celle de leur
propre gouvernement. Ce n'est pas tout, une crise climatique et
environnementale s'ajoute aux conséquences des
conflits interminables. Dans ces
circonstances, on voit mal comment l'Irak pourrait,
à court terme, se refaire une santé. Le système
politique irakien se trouve aujourd'hui dans
l’impasse. Le pays fonctionne pratiquement sans
gouvernement, alors que la violence a atteint son
paroxysme sur fond de tensions entre les groupes
politiques, bref des tensions qui laissent craindre
un retour à la guerre civile.
Dernière mise à jour:
14 nov. 2023
Irak
Kurdistan irakien
Kurdistan