République irakienne

Irak

3) La politique linguistique

1 La Constitution de 2005 et le bilinguisme

Déjà, sous l'occupation américaine, les élèves des écoles avaient cessé subitement d'entonner des hymnes à la gloire du «grand dirigeant». Beaucoup d'enfants furent déconcertés d'autant plus que les enseignants n'expliquaient pas toujours pourquoi le rituel avait changé. Le soldats américains sont venus dans les écoles pour demander aux professeurs de retirer les portraits du dictateur, qui étaient accrochés dans toutes les classes et figuraient à la première page de tous les manuels scolaires. La nouvelle administration, sous contrôle américain, a exigé le retrait des cours d'éducation physique, qui étaient des outils de propagande en faveur du Parti Bass et désignaient les trois «ennemis éternels» de l'Irak: Israël, les États-Unis et l'Iran.  

Les électeurs irakiens ont ratifié, par près de 79 % des voix, le projet de Constitution qui dotait leur pays d'un régime parlementaire et fédéral, mais des responsables sunnites ont qualifié de frauduleux les résultats du référendum du 15 octobre 2005. Sur l'ensemble du territoire, le «oui» l'a emporté avec 78,5 % des suffrages, contre 21,4 % pour le «non», ont annoncé les responsables de la commission électorale. L'issue du référendum a été jugée digne de foi par une représentante des Nations unies en Irak et par les responsables de la commission électorale. Plusieurs provinces chiites et kurdes ont approuvé le texte à plus de 95 %. Toutefois, dans la province d'Anbar, où les sunnites sont majoritaires, le texte qui instaure le fédéralisme a été rejeté par près de 97 % des voix. Certains Irakiens sunnites estiment que la nouvelle Constitution, d'inspiration américaine, est imposée par une occupation militaire étrangère et sont contre le fédéralisme. De façon générale, les sunnites craignent que le fédéralisme ne leur laisse que des régions pauvres en pétrole. C'est pourquoi ils privilégient un État au pouvoir centralisé, avec un contrôle direct sur les réserves de pétrole dans tout le pays.  De plus, les sunnites craignent que l'Irak soit façonné sur le modèle de l’Iran à majorité chiite. Ces disparités illustrent certainement le caractère multi-ethnique et multiconfessionnel de l'Irak.

1.1 L'islam comme religion d'État

Au plan religieux, l’Irak est multiforme. Cette réalité est aujourd'hui inscrite dans la Constitution, dont l’article 3 proclame que «l’Irak est un pays aux multiples ethnies, religions et confessions»:

Article 3

L'Irak est un pays aux multiples ethnies, religions et confessions. Il est un membre fondateur et actif de la Ligue arabe ; il applique sa charte, et il fait partie du monde islamique.

L'article 2.2 de la Constitution déclare que l'État garantit pleinement les droits religieux à la liberté de croyance et de culte religieux de tous les individus comme les chrétiens, les yézidis, et les mandéens-sabéens:

Article 2

2) La présente Constitution garantit l'identité islamique de la majorité du peuple irakien et elle garantit pleinement les droits religieux à la liberté de croyance et de culte religieux de tous les individus comme les chrétiens, les yézidis, et les mandéens-sabéens.

Par voie de conséquence, tout Irakien est libre de croire ou de ne pas croire, de choisir une religion et de la pratiquer sans restriction de la part de l’État. Toutefois, la portée de ces dispositions est tempérée par le statut prépondérant reconnu à l’islam comme «religion officielle de l’État et l'une des sources de la législation»:

Article 2

1) L'islam est la religion officielle de l'État et l'une des sources de la législation :

a. Il est interdit de de promulguer des lois contraires aux préceptes établies de l'islam.
b. Il est interdit de de promulguer des lois contraires aux principes de la démocratie.
c. Il est interdit de de promulguer des lois contraires aux droits et aux libertés fondamentales énoncés par la présente Constitution

L'Irak n'est pas un État laïc qui se tiendrait à égale distance de toutes les religions et n’en encouragerait officiellement aucune. Tout en reconnaissant la liberté religieuse, l'État privilégie et protège l'islam qui, de plus, est «l'une des sources de la législation». Cela signifie que la loi islamique, la Charia, établit une hiérarchisation dans les normes juridiques et leur élaboration par l'État. En d’autres termes, le pouvoir législatif doit s’assurer de la prééminence des sources islamiques dans l'élaboration des lois et de leur conformité à l’islam.

Malgré la liberté de religion, la conversion d’un musulman à une autre religion demeure interdite. Mais un non musulman peut changer librement de religion, que ce soit vers l’islam ou vers l’une des nombreuses autres religions.

1.2 Les dispositions linguistiques

Les nouvelles dispositions sur la question linguistique ne peuvent qu'être plus positives pour l'ensemble des communautés qui habitent ce pays. L'article 4 de la Constitution de 2005 édicte ce qui suit:

Article 4

1) L'arabe et le kurde sont les deux langues officielles de l'Irak. Le droit des Irakiens d'instruire leurs enfants dans leur langue maternelle est garanti, comme le turkmène, le syriaque et l'arménien, dans des établissements d'enseignement publics, conformément aux directives éducatives, ou en toute autre langue dans des établissements d'enseignement privés.

2) La portée du terme de langue officielle et les moyens d'appliquer les dispositions du présent article seront définis conformément à la loi qui doit inclure :

a) La publication du Journal officiel en deux langues;

b) Les discours, communications et manifestations dans leurs formes officielles, telles que le Conseil des représentants, le Conseil des ministres, les tribunaux et les conférences officielles, dans chacune des deux langues;

c) La reconnaissance et la publication des documents et correspondances officiels en deux langues;

d) Les écoles publiques qui enseignent les deux langues, conformément aux directives d'enseignement;

e) L'usage des deux langues dans toute disposition décrétée en vertu du principe de l'égalité comme les billets de banque, les passeports et les timbres.

3) Les institutions et agences fédérales dans la région du Kurdistan doivent employer l'arabe et le kurde.

4) Le turkmène et le syriaque sont deux autres langues officielles dans les unités administratives au sein desquelles elles représentent une densité d'occupation.

5) Chaque région ou gouvernorat peut adopter une autre langue locale comme une langue officielle complémentaire si la majorité de sa population en décide lors d'un référendum général.

L’arabe et le kurde sont maintenant les deux langues officielles de l’Irak. Il en résulte que le kurde est devenu la cinquième langue officielle au Proche-Orient, après l'arabe, le farsi (iranien ou persan), le turc et l’hébreu.

De plus, les autres minorités (chaldo-assyrienne et turkmène) ont le droit d’utiliser leur langue dans leurs établissements d'enseignement et les entités administratives locales.  Les sunnites avaient demandé que seul l'arabe soit la langue officielle de l'Irak et le kurde, la langue officielle pour le Kurdistan, ce que refusaient les Kurdes. De plus, les Kurdes ont réussi à obtenir que soient mentionnées les autres langues, telles que le turkmène et le syriaque, et le droit de ces minorités de faire instruire leurs enfants dans leur langue maternelle.

Quant à l'article 125, il garantit des droits administratifs, politiques, culturels et éducatifs aux diverses nationalités, telles que les Turkmènes, les Chaldéens, les Assyriens et tous les autres composants du pays:

Article 125 :

La présente Constitution garantit les droits administratifs, politiques, culturels et éducatifs aux diverses nationalités, telles que les Turkmènes, les Chaldéens, les Assyriens et toutes les autres composantes du pays. Il en sera prévu ainsi conformément à la loi.

Le Kurdistan conserve son statut d'autonomie dans le cadre d'une fédération, alors que les autres provinces du pays pourront élaborer un éventuel gouvernement local, en attendant que cette question soit réglée par un gouvernement dûment élu. L'islam continue d'être la religion officielle de l’État et l’une des sources de législation, tout en garantissant la liberté totale de toutes les autres religions et de leurs pratiques.

2 Les problèmes dans l'emploi des langues

Rappelons qu'en vertu de la Constitution de 2005 l'Irak est devenu officiellement bilingue sur tout le territoire, non seulement au Kurdistan. Au Parlement fédéral, l'arabe et le kurde sont utilisés lors des débats parlementaires et dans la rédaction et la promulgation des lois. Ainsi, la publication du Journal officiel est assurée dans les deux langues, de même que l'examen et la publication des documents officiels. Au sein du gouvernement, les deux langue sont également admises. L’administration et la justice doivent utiliser les deux langues dans leur fonctionnement.  C'est pourquoi les billets de banque, les passeports et les timbres doivent être en arabe et en kurde. Toute région ou tout gouvernorat peut adopter une autre langue locale comme langue officielle supplémentaire, si la majorité de la population en décide ainsi lors d'un référendum général.

Par le fait même, la Loi n° 64 sur la préservation de l'intégrité de la langue arabe de 1977 n'est plus appliquée, bien qu'elle soit encore en vigueur. À cette époque, le gouvernement croyait que l'arabe devait être l'affirmation de la personnalité de la nation et de ses représentations, et devenir un facteur de son unité. C'est sur cette base que l'Académie scientifique irakienne devait jouer un rôle important. Les articles 1 et 4 portaient sur les obligations des ministères et des organismes publics d'employer l'arabe ou d'ajouter une traduction en arabe:

Article 1er

Les ministères et leurs départements, leurs institutions, leurs intérêts et leurs organismes publics officiels et semi-officiels, ainsi que les associations, les syndicats et les organisations populaires, s’engagent à préserver l’intégrité de la langue arabe et à l’adopter dans leurs documents et leurs transactions en rendant la langue arabe adaptée à ses objectifs nationaux et culturels.

Article 4

Les documents suivants doivent être rédigés en arabe:

Premièrement: documents, mémorandums, correspondance et autres documents soumis aux services officiels et semi-officiels, y compris les services publics, les institutions et les organismes, et si ces documents sont rédigés dans une langue étrangère leur traduction arabe doit y être jointe.

Deuxièmement : dossiers, procès-verbaux et autres documents que les représentants du gouvernement et des institutions ont le droit de consulter et d’inspecter conformément aux lois et aux règlements.

Troisièmement: les contrats, les reçus et les correspondances échangés entre des institutions, des associations ou des entreprises publiques ou entre elles et des particuliers, peuvent être accompagnés d’une traduction dans une langue étrangère si nécessaire.

Quatrièmement: les panneaux placés par les institutions et les entreprises commerciales ou industrielles sur les façades de leurs magasins, et cela peut être écrit en cas de besoin, dans une langue étrangère aux autorités de langue arabe, à la condition que l’écriture en arabe soit plus grande et plus visible en place.

Les articles 5 et 6 de la Loi n° 64 sur la préservation de l'intégrité de la langue arabe imposaient l'arabe dans les appellations commerciales ainsi que sur les étiquettes:

Article 5

Les marques, les données commerciales, les brevets et les modèles qui prennent une forme distinctive, tels que les noms, les signatures, les mots, les lettres, les chiffres, les adresses de magasins, les sceaux et les bas-reliefs, doivent être rédigés en arabe.

Il n’est pas permis d’enregistrer une marque qui prend l’une de ces formes à moins qu’elle ne soit rédigée en arabe. Toutefois, cela n’empêche pas le commerçant d’enregistrer une marque écrite dans une langue étrangère autre que la langue arabe, à la condition que la langue arabe soit plus grande et que la présentation en soit mis en évidence.

En ce qui concerne les marques commerciales qui ont été enregistrées avant l’entrée en vigueur de la présente loi et qui ne répondent pas aux prescriptions du présent article, le propriétaire de celles-ci doit présenter une nouvelle demande d’enregistrement après les avoir modifiées et rédigées en arabe dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 6

Doivent être rédigées en arabe les données commerciales relatives à toute marchandise produite en Irak et l'étiquette en arabe doit être apposée sur les produits et marchandises importés de l’étranger, y compris les données commerciales relatives à la détermination de leur valeur, et ils peuvent être rédigés dans une langue étrangère en plus de la langue arabe en ce qui concerne les marchandises importées de l’étranger ou destinées à être exportées à l'extérieur de l'Irak.

Quant à l'article 2, il obligeait les établissements d'enseignement à employer l'arabe:

Article 2

Les établissements d’enseignement à tous les stades d’études doivent adopter la langue arabe comme langue d’enseignement, et ils doivent assurer son intégrité orale et écrite, et former les étudiants à l’exprimer et à y réfléchir, ainsi qu'à réaliser ses avantages et sa fierté.

Il faut ajouter que la Loi n° 64 sur la préservation de l'intégrité de la langue arabe avait pour but réel d'interdire l'emploi de la langue kurde. En 1987, Saddam Hussein apporta des modifications à l'article 11 (voir les modifications). Évidemment, la loi est demeurée plus ou moins appliquée, faute de mécanismes exécutifs pour en assurer la mise en vigueur.

Abstraction faite que les portraits de Saddam Hussein soient disparus, l'État irakien n'est pas encore parvenu à appliquer le bilinguisme officiellement reconnu par la Constitution. Depuis 2005, aucune des dispositions sur le bilinguisme n’as été mise en œuvre, à l'exception de la Région autonome du Kurdistan. Les tribunaux ne sont pas accessibles en une autre langue que l'arabe, sauf dans la région autonome du Kurdistan. Les décisions de la Cour suprême fédérale irakienne et les débats parlementaires ne se font qu'en arabe. La politique de la double attribution des toponymes, soit en arabe et en kurde, n'est appliquée que dans les trois provinces d'Erbil, de Souleimaniyeh et de Dohouk. Quoi qu'il en soit, il n'existe aucun organisme pour créer pour normaliser les toponymes ou noms géographiques au niveau national. La monnaie et les timbres n'apparaissent qu'en arabe et, lorsqu'ils sont bilingues, c'est en anglais.

Cette inadéquation entre les préceptes de la Constitution et la réalité n'est pas étrangère au fait que les minorités ne participent pas à la vie politique du pays. Non seulement les sunnites ont été écartés du pouvoir au profit des chiites, mais également toutes les minorités nationales. Les nouvelles autorités fédérales semblent ignorer que l'Irak est un pays multi-ethnique et multiconfessionnel. Or, le partage des pouvoirs et le respect des droits des minorités constituent l'une des composantes essentielles pour construire et développer un pays. Toute politique linguistique qui ne tient pas compte de cette réalité est vouée à l'échec.

L’Irak a toujours été un pays unilingue arabe dirigé de main de maître, sauf dans la région kurde laissée à elle-même depuis la guerre du Golfe de 1991. La reconnaissance des langues des minorités nationales n’est restée que formelle dans la Constitution, sauf pour le kurde dans leur région autonome, mais les petites langues telles l’azéri, le syriaque, le farsi, le turkmène, l’arménien, etc., attendent encore leur tour. Même avec la Constitution qui reconnaît deux langues officielles, l'arabe est resté bien ancrée dans les mœurs, y compris dans la région kurde. La figure ci-dessous illustre que l'arabe et le kurde et/ou l'anglais sont parfois apposés sur des inscriptions routières bilingues, mais les inscriptions unilingues arabes ou avec l'anglais sont monnaie courante en Irak.

3 Le système d'éducation irakien

L’actuel système d’éducation en Irak a été mis sur pied par les Britanniques dans les années 1920. Peu d'enfants fréquentaient alors les écoles publiques. Lorsque l’Irak est devenu une république en 1958, seule 20 % de la population pouvait lire et écrire. Ce pourcentage a certes beaucoup augmenté depuis, grâce aux efforts du gouvernement qui a fait construire des écoles et encouragé les études. Entre 1976 et 1986, le nombre d'élèves du primaire a augmenté de 30 %, alors que le nombre d'enseignants du primaire a augmenté de 40 % au cours de cette même période. Au niveau secondaire, le nombre d'élèves a augmenté de 46 %. Le nombre des élèves inscrits dans les écoles primaires et secondaires en Irak était la plus élevée dans cette région du Proche-Orient.  Avant la guerre, le gouvernement avait fait des progrès considérables dans la réduction de l'extrême concentration des établissements d'enseignement primaire et secondaire dans les principales villes, notamment à Bagdad. L'enseignement professionnel, qui avait été notoirement insuffisantes en Irak, a reçu une attention considérable officielle dans les années 1980. En même temps, le nombre d'étudiants qui désiraient poursuivre des études supérieures dans les années 1980 avait aussi considérablement augmenté. Sous le régime de Saddam Hussein, l'enseignement n'était offert qu'en arabe, sauf dans les régions kurdes.

3.1 La situation actuelle

Une étude de 2010 sur la portée du système d'éducation en Irak indiquait que, malgré des améliorations considérables depuis 2003, l'ensemble du système d'éducation nécessitait des investissements substantiels pour surmonter l'héritage du conflit irakien. Non seulement, l'Irak manque d'écoles en nombre considérable, mais environ 70 % des écoles existantes manquent d'eau potable et de latrines. Les équipements concernant les laboratoires de sciences, les bibliothèques, etc., sont dans un état de délabrement ou sont non fonctionnels. Toutes les écoles situées dans les zones dangereuses sont fermées. L'absentéisme des enseignants et celle des filles a atteint un niveau élevé, en raison de la menace à la sécurité des enfants. Plus de 20 000 enseignants ont été déplacés pour des raisons de sécurité. Bref, le système d'éducation en Irak est dans un état de délabrement avancé. Malgré les défis quotidiens sans fin, le système d'éducation continue néanmoins de fonctionner.

En Irak, le système d’éducation est placée sous le contrôle de l’État fédéral et demeure très centralisé. Le processus de décision relève de trois juridictions: d'une part, les autorités locales qui sont responsables de la maternelle et de l’enseignement primaire, d'autre part, le ministère de l’Éducation qui est chargé de l’enseignement secondaire, ainsi que de la formation générale, professionnelle et enseignante. Il faut ajouter aussi le ministère de l’Éducation supérieure et de la Recherche scientifique, lequel est responsable de l'administration des universités.

Le degré d'alphabétisation était de 79 % en 2012. En 2010, plus de 78 % des enfants avaient terminé leur école primaire, mais ce taux tombe à  61,3 % pour le secondaire.

3.2 L'enseignement primaire

L’enseignement préscolaire est d'une durée de deux ans et scolarise les enfants à partir de l’âge de quatre ans.
 
Matières Nombre de séquences hebdomadaires
par année

 

1re

2e

3e  

4e  

5e  

6e  

Éducation islamique

4

4

4

4

4

4

Arabe et calligraphie

11

11

11

11

7

7

Anglais

-

-

-

-

4

4

Mathématiques

6

6

6

6

5

5

Instruction civique

-

-

-

3

1

1

Histoire

-

-

-

-

2

2

Géographie

-

-

-

-

2

2

Éthique et éducation sociale

1

1

1

1

-

-

Science

4

4

4

3

3

3

Éducation agricole

-

-

-

1

1

1

Éducation technique

2

2

2

2

1

1

Éducation physique

3

3

3

2

2

2

Musique et chants patriotiques

1

1

1

1

1

1

Éducation familiale

-

-

-

-

1

1

Nombre total de séquences hebdomadaires

32

32

32

34

34

34

L’enseignement primaire dure six ans et compte deux cycles : le cycle intermédiaire et le cycle préparatoire. Le cycle intermédiaire dure trois ans, pour les élèves âgés de 12 à 14 ans. Le cycle préparatoire est également d'une durée de trois ans; il est conçu pour préparer les élèves au marché du travail ou à l’université.  Comme l'indique la tableau ci-dessous, l'arabe est enseigné au primaire à tous les enfants, y compris aux membres des minorités nationales, en tant que langue d'enseignement et l'anglais comme langue étrangère à partir de la 5e année. On constate que l'enseignement de l'arabe, avant la 5e année, occupe une grande part de l'enseignement hebdomadaire avec 11 heures sur 32. Le programme diffère quelque peu au Kurdistan.

Conformément à l'article 4 de la Constitution de 2005, l'arabe et le kurde sont identifiés comme les deux langues officielles de l'Irak.

En outre, les autres langues, comme le turkmène, le syriaque et l'arménien, sont en principe assurées d'être enseignées dans les établissements scolaires publics, mais pour le moment aucune école n'enseigne dans ces langues minoritaires.  

3.3 L'enseignement secondaire

Le cycle intermédiaire de l’éducation secondaire dure trois ans. À ce stade, une place importante est accordée à l’enrichissement de la langue et à la formation générale à raison de 6h/semaine pour l'arabe et au moins 5 h/semaine pour l'anglais. Au secondaire,  les élèves suivent aussi des cours d'éducation scientifique, de mathématiques, de chimie, de physique, de biologie, y compris un entraînement militaire. Tous les élèves suivent le même programme d’études. L’enseignement professionnel préparatoire a comme mission de préparer les élèves à exercer des professions ou à étudier à l’université.

Il n’existe pas d’établissement d'enseignement privé aux niveaux primaire et secondaire. La durée de la scolarisation universitaire dans laquelle les étudiants sont admis à la fin de leurs études secondaires s’échelonne entre trois et six ans.

3.4 L'enseignement supérieur

La durée de l’enseignement universitaire, dans laquelle les étudiants sont admis à la fin de leurs études secondaires, peut s’échelonner entre trois et six ans. Les étudiants sont admis dans des collèges et dans des universités afin de poursuivre leurs études dans divers domaines de spécialisation tels les arts, les sciences, la médecine, l’ingénierie, etc. Certains programmes de cinq ans conduisent à un baccalauréat en architecture, en chirurgie dentaire, en pharmacie, en médecine et en chirurgie vétérinaire. Les programmes qui mènent au baccalauréat en médecine ou en chirurgie sont d’une durée obligatoire de six ans.

Dans toutes les universités du pays, plus d'une vingtaine, les cours ne sont offerts qu'en arabe et en anglais.  

3.5 Les écoles «ethniques»

L'un des problèmes les plus importants en éducation concerne les écoles «ethniques», celles destinées aux minorités nationales. Ces minorités sont soumises à des restrictions linguistiques graves qui ont nécessairement un impact de leurs droits à la liberté d'expression. Les Turkmènes, par exemple, l'une des plus importantes minorités, ne peuvent recevoir une enseignement dans leur langue dans les écoles malgré les garanties constitutionnelles (art. 125). Il en est ainsi des Chaldéens et des Assyriens. Dans la plupart des cas, le déni des droits linguistiques a un effet néfaste sur la survie des petites langues minoritaires. Toutes ces langues risquent de se voir inscrire dans les langues en voie de disparition par l'Unesco.

Or, il faudrait que le ministère de l'Éducation prépare de nouveaux programmes dans toutes les matières pour chacune des langues «ethnique» dans les écoles primaires, qu'il élabore des programmes pour apprendre l'arabe comme langue seconde au secondaire, qu'il révise les programmes d'enseignement de l'histoire et de la religion afin d'encourager la promotion du pluralisme et l'acceptation des autres, qu'il ouvre de nouvelles écoles et facilite l'ouverture d'écoles ethniques privées, notamment au secondaire. Les autorités centrales ne semblent pas prêtes à adopter des mesures pour redresser la situation. Quand on sait que le gouvernement fédéral interdit de poser des enseignes commerciales en d'autres langues que l'arabe, il faut admettre que, pour le moment, les droits constitutionnels des petites minorités ne sont guère respectés.

Rappelons que les anciennes lois discriminatoires à l'égard des minorités, qui ont été adoptées sous l'ancien régime, sont demeurées en vigueur. Afin d'abroger ces lois, il est devenu nécessaire d'en adopter de nouvelles afin de mieux protéger les minorités. Dans l'état actuel, le Parlement est incapable d'adopter quoi que ce soit. C'est pourquoi la situation des minorités se détériore de jour en jour en Irak, parce que celles-ci ne bénéficient pas d'une protection juridique adéquate. Ainsi, le nombre de ceux qui émigrent à l'étranger augmente continuellement.

4 La situation des médias

Sous le régime de Saddam Hussein, les médias étaient limités et entièrement contrôlés par l'État. Il existait un réseau de nouvelles appelé «Agence irakienne de nouvelles», qui fonctionnait uniquement comme porte-parole du régime. Tout support autre que ce réseau était formellement interdit, alors que les antennes paraboliques étaient illégales, bien que certains individus ou organismes aient pu parfois contourner cet interdit. À l'époque, il n'y avait que cinq journaux, une chaîne de télévision et quatre stations de radio appartenant au gouvernement irakien.

Après l'occupation américaine de 2003, l'interdiction des antennes paraboliques fut levée et, dès le mois de juin, étaient apparus, selon un rapport de la BBC, 20 stations de radio, 15 à 17 stations de télévision et plus de 200 journaux irakiens. L'Agence irakienne de nouvelles a continué à fonctionner, mais est devenue un organisme indépendant, en concurrence avec l'agence Aswat al-Iraq, l'Anadolu Ajansi de Turquie, l'Associated Press des États-Unis, la Deutsche Presse-Agentur d'allemagne, l'Informatsionnoye Telegrafnoye Agenstvo Rossii–Telegrafnoye Agenstvo Suverennykh Stran (ITAR-TASS) de la Russie, Reuters de la Grande-Bretagne et la Xinhua News Agency de la Chine.

Du côté de la presse écrite, les quotidiens ayant le plus grand tirage sont tous publiés à Bagdad en arabe: Al Mada, Al Mutamar, Al Sabah et Al Zaman. Il existe au total plus d'une trentaine de journaux, dont quelques-uns au Kurdistan: Rozhnama, The Hewler Globe (Erbil), Hawlati, Awene, Xebat, Shock Magazine, Mangish, etc.

Les stations de radio sont nombreuses et la plupart diffusent en arabe, mais quelques-unes le font en kurde, en anglais ou dans ces deux langues, et une seule diffuse en arabe et français (Radio Monte Carlo Doualiya). Pour la télévision, on compte au moins 25 stations qui diffusent surtout en arabe, mais l'anglais et le kurde sont aussi très présents. Des émissions sont diffusées en assyrien et en turkmène.    

5 Le monde des affaires

En Irak comme ailleurs dans le monde, l'anglais est perçu comme la langue de la modernité, beaucoup plus que l'arabe ou le kurde. On peut affirmer que, pour les petits commerçants et les affaires locales, l'arabe et le kurde sont normalement employés. Ainsi, l'article 12 du Règlement d'accréditation des entités politiques (2008) impose la publication des accréditation des entités politiques dans au moins deux langues, l'arabe et le kurde:

Article 12

1) La IHEC (Haute Commission électorale indépendante) informera l'entité politique que la IHEC a accepté sa demande en publiant sur le site électronique de l'IHEC puis en apposant sur le tableau d'affichage du bureau électoral, pour qui la présentation a été produite, ainsi si que sur le tableau d'affichage du Bureau national électoral à Bagdad.

2) En cas de refus, IHEC informera l'entité politique à ce sujet par la publication de la décision sur le site électronique de l'IHEC et dans trois quotidiens pendant trois jours au moins et dans les deux langues, l'arabe et le kurde.

Par contre, l'article 8 du Règlement d'exécution des contrats administratifs (2008) oblige que ceux-ci soient rédigés en arabe, en kurde et en anglais si c'est possible:

Article 8

Préparation de l'élaboration du contrat :

1) Tous les ministères et les organismes qui ne sont pas affiliés à un ministère doivent organiser leurs contrats en coordination avec les services techniques et financiers, et les organismes bénéficiaires; ces contrats doivent comporter des dispositions reliées aux conditions ou aux invitations d'appel d'offres en précisant que des conditions supplémentaires convenues entre les parties garantissent la sécurité de mise en œuvre selon les modèles de contrats émanant du service des contrats publics du ministère de la Planification et de la Coopération au développement.

7) A. Les contrats doivent être rédigés en arabe, en kurde et en anglais si c'est possible.

B. Le document d'appel d'offres détermine la version qui prévaut en cas de divergence d'interprétation.

Depuis l'intervention américaine, l'anglais est de plus en plus utilisé dans le domaine des affaires.

L'Irak a été en état de guerre durant plus de vingt-deux ans, sans répit : guerre contre l'Iran de 1980 à 1988, guerre économique contre le Koweït de 1988 à 1990, guerre menée par les États-Unis pour l'expulser du Koweït en 1990-1991, et guerre de sanctions de l'ONU depuis 1990. Dans ces conditions, le patriotisme est de rigueur. La guerre de la part des États-Unis n'a pas arrangé les choses, d'autant plus que les Arabes irakiens estimaient qu'il s'agissait d'une «guerre injuste». Pourtant, dans le passé, Washington n'a jamais eu le moindre scrupule à soutenir Saddam Hussein (dans les années 1980) et d'autres dictateurs tels que Marcos aux Philippines, Suharto en Indonésie, le shah en Iran, Somoza au Nicaragua, Batista à Cuba, Trujillo à Saint-Domingue, Pinochet au Chili, Mobutu au Congo-Kinshasa, etc.

Dans certaines circonstances, les États-Unis s'accommodent très bien des dictateurs quand cela les arrange! Ceux qui croient que les États-Unis voulaient intervenir en Irak pour restaurer la démocratie sont bien naïfs. Certains stratèges sont plutôt convaincus que l'objectif était plutôt de perpétuer la domination des USA dans le monde en contrôlant le plus longtemps possible à leur profit les réserves de pétrole irakiennes. De plus, les Irakiens ont bien d'autre préoccupations que la protection des minorités.

Au nord, les Kurdes, bien armés, vivent dans une quasi-indépendance. Ils ont développé leur propre autonomie aussi loin qu’ils le pouvaient tout en gérant leurs abondantes ressources pétrolières pour leur profit.  Si l'on en croit les rumeurs, les Kurdes ne tiennent pas à participer au pouvoir à Bagad; leur participation se limiterait à des activités parlementaires. Depuis leur quasi-indépendance de 1991 et la constitution de l'État fédéral en 2005, les Kurdes se sont prêtés au jeu; ils ont participé non seulement à la création de l'État fédéral, mais aussi à son fonctionnement. Aujourd'hui, rien ne va plus, les Kurdes étant à bout de patience, car rien ne bouge au Parlement fédéral. Il n'est pas certain que le Kurdistan irakien soit prêt à sauver l'Irak de la désintégration. Pour le moment, les Kurdes, profitant de l'affaiblissement du gouvernement de Bagdad, se positionnent afin de garantir l'intégrité de leur État et de leur souveraineté.

Dans l'ouest du pays, la minorité sunnite milite pour ne plus être exclue au sein de l'appareil de l'État et de l'armée, tout en écoutant les représentants les plus extrémistes du groupe armé État islamique. Ils risquent de vivre des jours sombres dans leur portion la plus démunie du pays, car ce sont les djihadistes de l'EI qui prendraient le pouvoir pas les sunnites irakiens.

Les minorités ethniques (Turkmènes, Arméniens, etc.) et religieuses (chrétiens, yézidis, etc.) revendiquent une représentation politique, tant au point de vue local que nationale.

Les chiites ont repris les rênes du pouvoir, mais ils sont plus ou moins apparentés à la révolution islamique iranienne. À Bagdad et dans le Sud, les imans de la majorité chiite, longtemps réprimée et exclue du pouvoir, prennent déjà le contrôle des communautés. En fait, les chiites, majoritaires ont entrepris de coloniser à leur profit l'État central redevenu autoritaire. En même temps, les chiites craignent la prise du pouvoir par les djihadistes de l'EI, financés par les monarchies du Golfe, qui veulent la restauration du Califat.

Dans le futur, sans reconnaissance de la spécificité des chiites comme des sunnites, mais aussi des Kurdes, des Turkmènes et des Assyriens, sans tout cela, il n'y aura jamais de coexistence pacifique dans ce pays miné par les guerres et les conflits ethniques. Le régime de Saddam Hussein avait contenu les velléités des différentes communautés ethno-confessionnelles par son autoritarisme, tout en poursuivant pendant des années des discriminations et des répressions, engendrant des haines confessionnelles qui s'imposent violemment aujourd'hui. On dirait que la mosaïque irakienne semble se développer sur fond de «guerre sainte». Il s'agit aussi d’une crise politique profonde qui a poussé les communautés exclues du pouvoir à privilégier des solutions militaires.

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023

Irak


1) Généralités

 


2)
Données historiques
 


3)
La politique linguistique
 


4) Bibliographie
 

Kurdistan irakien

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