Hongrie

Hongrie

1) Généralités géographiques
et démolinguistiques

Capitale: Budapest  
Population: 9,9 millions  
Langue officielle: hongrois 
Groupe majoritaire: hongrois (93,7 %)  
Groupes minoritaires: 13 groupes reconnus officiellement: tsigane (4 %), allemand (2 %), slovaque (1 %), roumain (1 %), croate (1 %), arménien (2,8 %), slovène (0,04 %), serbe, bulgare, grec, polonais, ruthène, ukrainien  
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue): articles H,  XV, XXIX, XXXI.2 et XXXI.30 de la Constitution du 1er janvier 2012.
Lois linguistiques: Loi sur les droits des minorités nationales et ethniques (1993, abrogée); Décret no 32 (XI-5) sur la délivrance des directives en éducation préscolaire et dans l'enseignement auprès des minorités nationales et ethniques (1997);
Loi sur le statut des Hongrois d'outre-frontière (2001); Loi sur les droits des nationalités (2011)
Lois scolaires: Loi LXXIX sur l'instruction publique (1993)
; Décret gouvernemental no 130 (X.26) relatif au programme scolaire national fondamental (1995); Loi CXXXIX sur l'enseignement supérieur (2005);  Décret n° 100 (VI.13) régissant les épreuves d’examen marquant la fin de la scolarité obligatoire (1997); Décret n° 32 (XI-5) sur la délivrance des directives en éducation préscolaire et dans l'enseignement auprès des minorités nationales et ethniques (1997); Loi CXC sur l'instruction publique nationale (2011).
Lois à portée linguistique:
Loi LXV sur l'administration locale (1990)
; Loi LXIV sur l’élection des représentants des collectivités locales et des maires (1990); Loi VL sur la citoyenneté hongroise (1993); Loi CX sur la défense nationale (1993);  Loi XLIII sur les conditions d’emploi des membres professionnels des forces armées (1996); Loi XLIV sur les conditions de service des conscrits (1996); Loi sur la radio et la télévision (1996); Décret gouvernemental n° 125/2001 (VII-10) sur le Bureau des minorités nationales et ethniques (2001); Loi II sur le cinéma (2004); Loi V sur la publicité des sociétés, les procédures judiciaires et la liquidation des sociétés (2006); Loi L sur l’élection des représentants des collectivités locales et des maires (2010); Loi CLXXXIX sur les collectivités locales (2011); Loi CCXL sur l’exécution des peines, des mesures, de certaines mesures coercitives et de détention pour délits (2013); Loi CXXX sur la procédure civile (2016); Loi XC sur la procédure pénale (2017); Loi CL sur la procédure administrative générale (2016); Loi I sur la radio et la télévision (1996); Loi CXL sur les institutions muséales, l'offre de bibliothèques publiques et de l’éducation du public en général (1997); Loi CLXXXV sur les services de médias et la communication de masse (2010); Loi CIV sur la liberté de la presse et les règles fondamentales du contenu des médias (2010); Loi I sur la procédure d’état civil (2010); Loi CXCIX sur les fonctionnaires (2011); Loi XXXVI sur l'Assemblée nationale (2012); Loi XXXVI sur la procédure électorale (2013); Code hongrois de la publicité (2015); Loi CL sur la procédure administrative générale (2016); Loi CXXV sur l'administration publique (2018); Règlement d'organisation et de fonctionnement du Bureau du Parlement (2022).

1 Situation géographique   

La république de Hongrie (depuis le 1er janvier 2012: simplement «Hongrie») est un pays d’Europe centrale d'une superficie de 93 030 km² et limité au nord par l’Autriche et la Slovaquie, à l’est par l’Ukraine, au sud-est par la Roumanie, au sud par la République fédérale de Yougoslavie (Voïvodine) et la Croatie (voir la carte). En hongrois, le pays a comme nom Magyar Köztársaság, c’est-à-dire littéralement «le pays magyar» ou plus précisément «le pays hongrois». Le pays ne dispose pas d’accès à la mer; sa capitale est Budapest. La Hongrie a aussi fait partie du «Bloc de l'Est» communiste.

La Hongrie est divisée en collectivités locales ("helyi önkormányzatok"), lesquelles assurent, par exemple, la prise en charge du réseau d’eau potable, des établissements scolaires de premier cycle (écoles maternelles et primaires), les services sociaux et services de santé élémentaires, l'éclairage public, l’entretien de la voirie locale, la sauvegarde des droits des minorités nationales et ethniques, etc.

Il existe trois types de collectivités territoriales: les communes, les municipalités (villes, grandes villes et Budapest) et les comitats ("megyék"), qui pourraient équivaloir à des «départements français» et qu'on traduit souvent par «comté»; le terme de «comitat» vient du latin comitatus et partage la même étymologie que le mot «comté» et «comte». Sous l'empire romain, le comte était un «compagnon» (ou «comte» de comes), donc un haut dignitaire, qui accompagnait l'empereur dans sa gestion des territoires.

En Hongrie, le comitat est une subdivision politique intermédiaire entre l'État et les localités (communes, villes, villages). Les 19 comitats sont les suivants : Bác-Kiskun, Baranya, Békés, Borsod-Abaúj-Zemplén, Budapest, Csongrád, Fejér, Györ-Moson-Sopron, Haidú-Bihar, Heves, Jasz-Nagykun-Szolnok, Komárom-Esztergom, Nógrád, Pest, Somogy, Szabolcs-Szatmár-Bereg, Tolna, Vas, Veszprém et Zala (voir la carte des comitats). Les compétences administratives des comitats demeurent plutôt limitées, puisqu'elles ne concernent en principe que les établissements d'enseignement et les établissements médicaux, ainsi qu'un rôle de coordination de l'aménagement du territoire. Cependant, les politiques centralisatrices du gouvernement national ont eu pour effet de s'approprier graduellement la plupart des prérogatives comitales. En effet, depuis 2011, les comitats ont perdu leurs compétences principales concernant la gestion du quotidien des populations, mais ont conservé leurs compétences plus générales en matière d’aménagement du territoire et de développement régional et économique.

2 Données démolinguistiques

Ce pays de 9,9 millions d’habitants abrite un grand nombre d’ethnies, bien qu'elles ne soient pas numériquement nombreuses, si l'on fait exception des Roms/Tsiganes.

Groupe ethnique Population Pourcentage Langue principale Filiation linguistique Religion principale
Hongrois 9 305 000 93,3% hongrois

famille ouralienne

chrétienne
Gitan/Roms (Bohémien) hongrois 308 000 3,0% romani/valaque langue indo-iranienne chrétienne
Juif magyarophone 48 000 0,4% hongrois

famille ouralienne

religion ethnique
Ukrainien 31 000 0,3% ukrainien

langue slave

chrétienne
Croate 26 000 0,2% croate langue slave chrétienne
Roumain 23 000 0,2% roumain chrétienne
Bosniaque 20 000 0,2% bosniaque langue slave islam
Chinois mandariphone 20 000 0,2% chinois mandarin famille sino-tibétaine aucune
Allemand 19 000 0,1% allemand langue germanique chrétienne
Slovaque 11 000 0,1% slovaque langue slave chrétienne
Macédonien 7 200 0,0% macédonien langue slave chrétienne
Polonais 6 800 0,0% polonais langue slave chrétienne
Bulgare 6 100 0,0% bulgare langue slave chrétienne
Vietnamien 5 900 0,0% vietnamien famille austro-asiatique bouddhisme
Russe 5 400 0,0% russe langue slave chrétienne
Arabe 5 300 0,0% arabe leventin famille afro-asiatique islam
Serbe 5 200 0,0% serbe langue slave chrétienne
Grec 4 500 0,0% grec langue grecque chrétienne
Italien 4 200 0,0% italien langue romane chrétienne
Ruthène 3 800 0,0% ruthène langue slave chrétienne
Britannique 3 700 0,0% anglais langue germanique chrétienne
Américain 3 600 0,0% anglais langue germanique chrétienne
Arménien 3 500 0,0% arménien isolat indo-européen chrétienne
Autrichien bavarois 3 400 0,0% bavarois langue germanique chrétienne
Turc 3 300 0,0% turc langue altaïque (turcique) islam
Français 2 900 0,0% français langue romane chrétienne
Slovène 2 800 0,0% slovène langue slave chrétienne
Autres 78 000 0,78%

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Total 2022 9 966 600 100%

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2.1 La langue hongroise

La grande majorité des Hongrois, soit 93,7 %, parlent le hongrois, une langue non indo-européenne appartenant à la famille ouraliennedont font partie aussi le finnois, le lapon, l’estonien, etc.; ce sont là quelques-unes des rares langues non indo-européennes de l’Europe (avec le basque). De plus, la Hongrie est entourée par des peuples parlant des langues slaves (slovaque, ukrainien, serbe, croate, slovène), des langues romanes (roumain) et des langues germaniques (allemand). Par conséquent, la langue hongroise représente une exception au cœur de l’Europe. Les Hongrois dont la langue maternelle est le hongrois s’appellent des Magyars, d'où le terme magyarophones pour désigner les locuteurs du hongrois.

Si l'on compte 9,9 millions de locuteurs du hongrois en Hongrie, il faut en ajouter 2,7 millions à l'extérieur du pays, dont 1,0 million en Roumanie, 570 000 en Slovaquie, 233 000 en Serbie, 140 000 en Ukraine, 65 000 en Autriche, 22 000 en Croatie et 8800 en Slovénie, sans oublier une importante diaspora aux États-Unis, au Canada et en Australie. Des groupes plus petits et plus grands de Hongrois vivent également dans d'autres États, mais nulle part ailleurs leur nombre n'atteint des centaines de milliers.

La carte ci-contre démontre que les voisins immédiats de la Hongrie abritent tous des magyarophones, résultat des modifications territoriales du passé.

En Hongrie, on distingue habituellement près d'une dizaine de variétés dialectales du hongrois: le hongrois de la Transdanubie occidentale, celui de la Transdanubie centrale-Kisalföld, celui de la Transdanubie méridionale, celui de la Grande Plaine méridionale, celui de la région de Palóc, celui de la région de Tisza-Körös, celui de la région du Nord-Est, celui de la région de Mezőség, celui de la région sicule (en Roumanie) et celui de la Moldavie.

La langue hongroise peut paraître difficile dans la mesure où, en tant que langue ouralienne, elle n'est pas reliée à la quasi-totalité des langues en Europe, hormis le finnois, l'estonien et le same (lapon). Par conséquent, le hongrois fait figure d'exception en Europe. Voici, à titre d'exemple, la première phrase de l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'Homme en français, en finnois, en carélien, en estonien, en same et en hongrois:

Français Hongrois Finnois Carélien Estonien Same
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Minden emberi lény szabadon születik és egyenlő méltósága és joga van. Kaikki ihmiset syntyvät vapaina ja tasavertaisina arvoltaan ja oikeuksiltaan. Kai rahvas roittahes vällinny da taza-arvozinnu omas arvos da oigevuksis. Kõik inimesed sünnivad vabadena ja võrdsetena oma väärikuselt ja õigustelt. Buot olbmot leat riegádan friddjan ja olmmošárvvu ja olmmošvuoigatvuoðaid dáfus dássásažžab.

D'après ces exemples, les ressemblances entre les langues ouraliennes semblent peu évidentes, tant elles apparaissent différentes les unes des autres, notamment le hongrois. Le hongrois est considéré comme langue «agglutinante», ce qui signifie que des affixes (ou des préfixes et des suffixes) s’ajoutent aux mots de base, exprimant les rapports grammaticaux, alors que le français utiliserait des adverbes.

fille
filles
mes filles
à mes filles
lánya
lányok
lányaim
lány
aimnak
Je regarde la table
La table est grande
Sur la grande table
Un service de table
Nézem az asztalt
Az asztal nagy
A nagy asztalon
Asztali szolgáltatás
une table
les tables
aux tables
deux tables
asztal
táblázatok
az asztaloknál
Két
táblázat
le jardin
au jardin
jusqu'au jardin
avec le jardin
a kert
a kertben
a kertbe
a kerttel

Par exemple, pour dire «à mes filles», on utilise un seul mot comportant trois suffixes, lányaimnak, qui se présentent ainsi : la racine lány + la voyelle de liaison [a] + le suffixe de pluriel pour les objets possédés [i] + le suffixe possessif de première personne du singulier [m] + le suffixe du complément d’attribution [-nak].

Si l'on tient compte du caractère agglutinant du hongrois, où les rapports grammaticaux dans le cadre d'une phrase sont indiqués généralement par des suffixes, les linguistes ne sont pas tous d’accord pour appliquer au hongrois la notion de «cas grammatical», c'est-à-dire la notion de déclinaison. En général, on admet 17 suffixes, soit 18 cas avec le nominatif, à suffixe zéro). C'est évidemment beaucoup. En voici seulement cinq cas sur 18 cas possibles:

Cas Suffixe Exemple Traduction
Nominatif rien A ház magas. La maison est haute.
Accusatif -t Eladtam a házat. J’ai vendu la maison.
Datif -nak/-nek Ez jó a háznak. C’est bon pour la maison.
Instrumental -val/-vel Ezzel a házzal sok pénzt keresek. Avec cette maison, je gagne beaucoup d’argent.
Causal -ért Mindent megteszek ezért a házért. Je fais tout pour cette maison.

Forcément, le hongrois possède beaucoup de «segments composés» écrits en un seul mot (par exemple en français: électroencéphalographie), qui sont généralement assez longs. Le hongrois ne distingue pas les genres, et exprime le sexe, quand cela est nécessaire, par un mot distinct: férfi («homme») / nők («femme»), csirke («poule») / kakas («coq»). Les pronoms possessifs et les prépositions s'expriment par des suffixes ou des affixes ou des préfixes, c'est le principe des langues dites agglutinantes. L'article est exprimé par az ou par a, selon que le substantif qu'il détermine commence par une voyelle ou par une consonne: az angolna (l'anguille) et a templom (l'église).

Du côté des voyelles et des consonnes, le hongrois possède 15 voyelles : a, á, e, é, i, í, o, ó, ö, ő, u, ú, ü, ű, y. Elles fonctionnent par paires : [a – á], [e – é], [i – í], [o – ó], [ö – ő], [u – ú], [ü – ű]. Beaucoup de voyelles comportent des signes diacritiques, mais les consonnes n'en possèdent pas. Chaque voyelle peut être brève ou longue et l'apostrophe simple [ ' ] et l'apostrophe double [ '' ] marquent la longueur des voyelles; le tréma [ ¨] (comme dans [települési] marque les voyelles courtes. Le hongrois est aussi caractérisé par le phénomène appelé «l'harmonie vocalique», ce qui signifie que les voyelles sont regroupées en deux séries : les voyelles brèves (e, i, ö, ü, é, í, ő, ű) et les voyelles longues (a, o, u, á, ó, ú). Le hongrois connaît les consonnes doubles également, dont l'articulation est plus longue (tt ; ggy ; nny ; ssz ; etc.). Le « h » est aspiré, donc on le prononce toujours, sauf en fin de mot ou en fin de syllabe. En hongrois, il existe 25 consonnes et elles peuvent être brèves ou longues. Par exemple, de consonne brève : bank («banque»); ou longue (doubles): barakk («baraque»). En fait, l’alphabet hongrois est l’alphabet utilisé pour écrire la langue hongroise; il emploie l’alphabet latin moderne avec 40 lettres, auxquelles il faut en ajouter quatre pour les mots internationaux : Q, W, X et Y. Les lettres doubles : Cs, Dz, Gy, Ly, Ny, Sz, Ty, Zs et triple : Dzs sont insécables. Voici l'alphabet fondamental:

A a Á á B b C c Cs cs D d Dz dz Dzs dzs E e É é F f G g Gy gy H h I i Í í J j K k L l Ly ly
M m N n Ny ny O o Ó ó Ö ö Ő ő P p R r S s Sz sz T t Ty ty U u Ú ú Ü ü Ű ű V v Z z Zs zs

Cette caractéristique de la langue peut rendre l’apprentissage difficile pour des étrangères souhaitant étudier le hongrois. Cependant, l’utilisation de l’alphabet latin (mais auquel on a ajouté plusieurs lettres au cours des années) et la prononciation relativement facile par rapport à certaines langues slaves ou germaniques peuvent faciliter la tâche des élèves. Rappelons que le hongrois a été fortement influencé par des emprunts aux langues turques, mais aussi aux langues slaves et à l’allemand, ainsi que par le latin et un peu par le français.

Étant donné que le hongrois appartient à une famille différente des langues de ses voisins, très peu de mots sont reconnaissables dans les langues indo-européennes. Même les mots d’origine finno-ougrienne ont été rendus différents de leurs cousins finnois par des millénaires d’évolution. D'après Wikipédia, 30 % du vocabulaire hongrois serait d’origine   inconnue.

Le hongrois a la réputation d'être une langue difficile pour la plupart des Occidentaux, mais c'est dû au fait qu'il n'est pas une langue indo-européenne, comme la très grande majorité des langues parlées en Europe.  En ce sens, c'est une langue spéciale... pour l'Europe.  

2.2 Les minorités linguistiques

ll ne faut pas oublier que la Hongrie est marquée depuis plusieurs siècles par la diversité culturelle. Rares seraient les familles actuelles qui ne compteraient pas parmi leurs ancêtres trois ou quatre descendants d’origine ethnique ou nationale différente. La diversité ethnique est donc une réalité bien intégrée en Hongrie et elle n’est généralement pas perçue comme un handicap, mais plutôt comme une force nationale. Bien qu’on assiste à un «beau mélange» de diverses nationalités sur l’ensemble du pays, il est possible de délimiter certaines aires géographiques dans lesquelles habitent des minorités sont plus concentrées.

La plupart des minorités sont géographiquement dispersées sur l'ensemble du territoire de la Hongrie, surtout les Roms/Tsiganes (romani) et les Allemands, mais aussi les Croates et les Slovaques. En ce qui concerne une langue en particulier, il n'existe pas de secteur où une langue régionale soit parlée à l'exclusion de toute autre. La carte de gauche illustre la répartition des minorités, sans que celles-ci occupent toute une région en particulier. En général, elles sont installées près des frontières, sauf pour les Roms/Tsiganes et les Allemands. Les Roms/Tsiganes sont répartis dans la plupart des régions du pays, mais ils sont plus nombreux dans le comitat de Borsod-Abauj-Zemplén.

Les Roms/Tsiganes (plus de 300 000) constituent la minorité la plus importante en nombre, mais ils ne constituent pas nécessairement une minorité linguistique; en effet, la plupart des Tsiganes ont adopté le hongrois comme langue maternelle et forment ainsi une minorité ethnique ayant conservé leurs coutumes et leur culture. On distingue trois catégories de Tsiganes:

- les Romungre: assimilés, ils ont perdu leur langue et parlent le hongrois;
- les Béas: ils parlent à la fois le hongrois et le romani;
- les Valaques: ils parlent le romani et sont perçus comme «ne voulant pas s’intégrer à la société».

Selon un rapport de 2029 du Bureau du Commissaire aux droits fondamentaux de Hongrie, 70% de la population rom vivrait dans une situation d’extrême pauvreté et des mesures sur le long terme seraient indispensables pour y remédier, notamment afin d'assurer une égalité d’accès à un enseignement de qualité. Malgré tout, en dépit des efforts consentis, la discrimination à l’encontre des Roms reste extrêmement élevée et la ségrégation se perpétue. Les enfants roms appartenant à des familles pauvres continuent d’être séparés de leurs parents et placés en institution pour des durées prolongées, alors même que cette pratique est interdite par la Loi sur la protection de l’enfance. De plus, le profilage contre les Roms semble être une pratique récurrente de la police.

ll n’en est pas ainsi pour les autres minorités, puisqu’elles ont davantage conservé leur langue maternelle et sont davantage concentrées dans certains comitats. Mentionnons les Ukrainiens (31 000), les Allemands (19 000), les Croates (26 000), les Roumains (23 000) et les Slovaques (11 000). D'autres communautés ont plus de difficultés à conserver leur langue ancestrale tels les Arméniens (3500), les Polonais (6800), les Slovènes (2800) et les Serbes (5200), ainsi que quelques autres petites communautés telles que les Grecs (4500), les Bulgares (6100),  et les Ruthènes (3800). Contrairement aux Hongrois, les minorités nationales de Hongrie parlent toutes des langues indo-européennes, surtout des langues appartenant aux groupes indo-iranien (tsigane), germanique (allemand), slave (slovaque, croate, polonais, slovène, serbe, bulgare, ukrainien, ruthène) ou aux langues romanes (roumain).

En voici un résumé faisant état de cette concentration territoriale des minorités en Hongrie:

Roms/Tsiganes:

Les quelque 600 000 Roms/Tsiganes sont répartis partout sur l'ensemble du territoire hongrois et il est pratiquement impossible de délimiter géographiquement les secteurs où le romani (variétés rom et béa) est utilisé, et ce, d’autant plus que la plupart d’entre eux (sauf les Valaques) ont adopté le hongrois comme langue maternelle.

Ukrainiens:

Avant la guerre en Ukraine, la majorité des 31 000 Ukrainiens hongrois habitait Budapest et certaines villes de province. Selon l’ONU, le nombre de réfugiés fuyant l’Ukraine pour les pays voisins a atteint presque 875 000 personnes au 1er mars. De son côté, la Hongrie a accueilli plus de 116 000 réfugiés. Le gouvernement hongrois, connu pour sa politique résolument hostile aux immigrants, a ouvert sa frontière aux Ukrainiens fuyant la guerre. La plupart se sont installés dans des campa de réfugiés près de la frontière ukrainienne, notamment à Zahony, mais ils aspirent à quitter ce pays devant la piètre qualité des services qu'ils reçoivent de la part du gouvernement hongrois qui, on le sait, est pro-russe.

Allemands:

Les 20 000 Allemands vivent surtout dans le comitat de Baranya, à Budapest et dans les comitats de Gyór-Moson-Sopron (près de l’Autriche), Tolna, Pest, Komárom-Esztergom (au sud de la Slovaquie) et Bács-Kiskun. Les premiers Allemands sont arrivés en Hongrie au Moyen Âge, puis d’autres ont suivi au XVIIIe siècle en provenance du sud et de l’ouest de l’Allemagne.

Slovaques:

La plupart des 11 000 Slovaques (environ 60 %) résident dans les comitats de Békés et Csongrad, mais également dans le comitat de Pest, celui de Szabolcs-Szatmár-Bereg (près de l’Ukraine) et ceux situés au sud de la Slovaquie: Nograd, Komárom-Esztergom et Borsod-Abauj-Zemplén. Les Slovaques ont jadis été nombreux en Hongrie, surtout à partir des XVIIe et XVIIIe siècles; après la Seconde Guerre mondiale, quelque 73 000 Slovaques ont été déplacés de la Hongrie vers la Slovaquie (Tchécoslovaquie).

Croates:

Les 26 000 membres de cette communauté sont installés à Budapest et dans les régions frontalières du sud-ouest du pays, notamment le sud des comitats de Bács-Kiskun et de Baranya, le long du fleuve Drava, le comitat de Zala et les comitats de Vas et de Gyór-Moson-Sopron, bref dans les régions jouxtant la frontière nationale croato-hongroise. Beaucoup de Croates ont émigré en Hongrie au cours de l’invasion de l’Empire ottoman au XVe siècle.

Roumains:

Bien que concentrés principalement dans le comitat de Békés et à Budapest, les 23 000 membres de cette minorité vivent dans des comitats frontaliers de la Roumanie (Hajdú-Bihar et Csongrad). Les communautés roumaines de Hongrie ont créé au XVIIIe siècle des institutions, des écoles, des sociétés et des associations, le plus souvent dans le cadre de l'Église gréco-catholique roumaine fondée en 1698; lors du traité de Trianon (1920); les communautés roumaines de Hongrie se sont retrouvées séparées des Roumains de Transylvanie et beaucoup partirent s'y installer. 

Arméniens:

Parmi les 3500 Arméniens, un grand nombre d’entre eux sont concentrés principalement à Budapest et dans d'autres grandes villes du pays. La plupart des Arméniens qui ont immigré en Hongrie au XVIIe siècle se sont assimilés linguistiquement aux Hongrois, mais ont conservé leurs traditions religieuses (catholiques arméniens); cependant, les Arméniens qui ont immigré en Hongrie au XXe siècle ont maintenu leur langue.

Polonais:

La plupart des 6800 Polonais résident dans quelques collectivités du nord-est du pays, ainsi que dans les grandes villes industrielles, mais surtout à Balatonboglár. Les Polonais sont arrivés dans le pays par petites vagues successives à partir du milieu du XIXe siècle.

Slovènes:

Les 2800 membres de la communauté sont concentrés à la frontière austro-hongroise, dans sept collectivités voisines au sud de Szentgotthard, mais aussi dans quelques grandes villes (Budapest, Mosonmagyarovar et Szombathely). Les Slovènes de Hongrie constituent l’une des plus anciennes minorités ethniques et ont su depuis le Moyen Âge préserver leur langue et leur culture.

Serbes:

La plupart des 5200 Serbes vivent à Budapest et sa banlieue, ainsi qu’à la frontière entre la Hongrie et la Yougoslavie (dans le comitat de Csongrad), et dans les comitats de Baranya et Békés. Les Serbes sont arrivés sur le territoire hongrois entre le XVe et le XVIIe siècle; les membres de cette communauté ont toujours développé une vie culturelle intense, mais après le traité de Trianon (1920), la plupart des Serbes ont quitté le pays pour la Yougoslavie.

Grecs:

Cette petite communauté de 4500 personnes habite surtout les villes de Budapest, Miskolc, Pécs et Tatabanya. Des marchands grecs se seraient installés en Hongrie dès le XVIe siècle pour développer des communautés importantes dans une vingtaine de villes hongroises (XVIIIe siècle); l’assimilation a eu raison de la plupart d’entre eux, mais ils ont été remplacés par les réfugiés communistes grecs arrivés en 1949, à l'issue de la guerre civile grecque gagnée par les monarchistes

Bulgares:

Bien que dispersés sur l'ensemble du territoire hongrois, on les trouve en nombre important à Budapest, dans des communautés proches de la capitale hongroise, ainsi qu'à Miskolc et Pécs (total de 6100 personnes). Les Bulgares ont immigré en Hongrie à la fin du XIXe siècle et ont réussi à édifier des écoles et des églises.

Ruthènes:

Une partie des 3800 Ruthènes réside à Budapest, Sarospatak, ainsi que dans le nord-est (à Komloska et Mucsony). Plus nombreux avant le traité de Trianon, les Ruthènes, comme les Roumains, ont quitté la Hongrie pour se réfugier en Ruthénie subcarpathique (alors tchécoslovaque, aujourd'hui ukrainienne).

Bayaches:

Il existe une petite communauté autochtone appelée «Bayaches» (en roumain băiaș/băieși; en hongrois Beás; en anglais Boyash). Il s'agit d'une communauté tsigane répartie dans plusieurs pays de l’Europe centrale et du Sud-Est. Ils se caractérisent principalement par le fait que leur langue maternelle est le roumain dans tous les pays où ils vivent, et non pas le romani. Ils forment une «minorité cachée» du fait qu'ils ne forment pas nation et qu'ils ne sont reconnus officiellement dans aucun pays. On ne compterait que quelques centaines d'individus en Hongrie, qui se considèrent comme  des Roms/Tsiganes.
 

On rapporte que les minorités sont souvent stigmatisées, qu'ils font l’objet d’une propagande de la haine et ne bénéficient pas des mêmes possibilités que le reste de la population. Ces observations sont à la fois vraies et controversées. Par exemple, Amnistie internationale a lancé une pétition mondiale afin que le commissaire hongrois aux droits fondamentaux empêche l’application d’une loi qui interdit la reconnaissance juridique du genre des personnes transgenres et intersexuées. Effectivement, les Roms, les minorités sexuelles et les réfugiés ne font pas bon ménage avec le gouvernement hongrois. Membre depuis 2004 de l'Union européenne, dont la charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle, la Hongrie est régulièrement accusée par Bruxelles d'atteintes à l'État de droit.

Il faudrait ajouter aussi les Chinois qui constituent certainement l’un des groupes les plus importants parmi la population immigrante en Hongrie. Bien qu'ils ne soient que 20 000 sur les 200 000 résidents étrangers, ils forment la plus grande «minorité visible» pour les Hongrois. En plus de groupes moins nombreux comme les Arabes et les Vietnamiens, ils incarnent une communauté commerçante fortement transnationale qui joue un rôle particulier dans l’économie hongroise.

2.3 Les religions

En raison de l'histoire du pays, l'Église catholique hongroise joue un rôle important dans la vie des minorités nationales dans ce pays. Les minorités croate, polonaise et slovène sont presque entièrement catholiques romaines. La majorité des Allemands et une partie de la minorité slovaque vivant dans les montagnes centrales transdanubiennes sont également des catholiques romains. La grande majorité des Roms/Tsiganes en Hongrie sont catholiques romains et il existe une importante communauté de catholiques grecs dans la région de Szabolcs. Les Arméniens ont un clergé catholique arménien distinct. Les adeptes de l'Église évangélique de Hongrie comprennent des Allemands vivant en Transdanubie occidentale et méridionale ainsi qu'un grand nombre de Slovaques.

Les Églises orthodoxes bulgare, roumaine et serbe ont des organisations ecclésiastiques indépendantes et font administrativement partie de l'Église de la mère patrie. Budapest est le siège du métropolite d'Europe centrale et occidentale de l'Église orthodoxe bulgare; il y a quelques années, une église orthodoxe grecque a été construite dans le village de Beloiannisz.
 

Les conditions d'exercice de la religion dans sa langue maternelle sont différentes pour chaque minorité et chaque religion, mais la pénurie chronique de pasteurs ou de prêtres cause des difficultés à plusieurs endroits.

La carte ci-contre illustre la répartition générale des religions en Hongrie. Historiquement, la Hongrie est un pays catholique romain avec une minorité protestante.

L'appartenance religieuse se présente ainsi:

- catholicisme (54,5 %)
- protestantisme (19,5 %): calvinisme et luthérianisme
- chrétiens orthodoxes (0,3 %)
- judaïsme (0,1 %)
- islam (0,1 %)
- sans religion (14,5 %)
- autres (10,8 %)

Bien que, dans les faits, il existe un peu plus de mixité que ce que laisse croire la carte, la répartition paraît assez juste. L'est du pays est manifestement moins catholique que l'Ouest. Les luthériens forment 5%, tandis que les calvinistes approchent les 15%. Les juifs et les musulmans sont surtout concentrés dans la capitale.

Bien que la Hongrie soit un État laïc, les dogmes religieux jouent un rôle croissant dans les affaires politiques et constitutionnelles. Par exemple, la Loi fondamentale a été modifiée en 2020 afin de donner une définition constitutionnelle de la famille, conforme aux directives de l'Église catholique, en déclarant que «le père est un homme, la mère est une femme», ce qui enfreint les efforts des couples de même sexe d'adopter des enfants. Les écoles appartenant à l'Église catholique jouent aussi un rôle croissant dans l'éducation. En 2019-2020, plus de 195 000 (6,2 %) enfants ont été scolarisés dans des écoles primaires et secondaires appartenant à l'Église, y compris des écoles de formation professionnelle.

Dernière mise à jour: 18 févr. 2024



Hongrie


1)
Généralités

 


2)
Données historiques

 

3) La politique linguistique
 à l'égard du hongrois


4)
La politique linguistique
 à l'égard des minorités nationales

 

Bibliographie

L'Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde