|
République de
Colombie |
|
Colombie
República de Colombia
|
Capitale:
Bogotá
Population:
45,6 millions (est.
2005)
Langue officielle: castillan (ou espagnol)
Groupe majoritaire:
espagnol (80,3 %)
Groupes minoritaires:
environ
85 langues autochtones, dont le guahibo (ou sikuani), le guambiano, l'arhuaco
(ou ika), l'inga, le ticuna, le tucano, le berce, le piaroa, etc.
Système politique:
république unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 10, 13 et 68 de la
Constitution de 1991
Lois linguistiques:
Loi
en faveur de la langue espagnole en Colombie (6 août 1960)
; Réglementation
de la Loi sur la défense de la langue (1964) ;
décret 1142
du 19 juin 1978 réglementant l'article 11 du décret-loi no 088
de 1978 sur l'éducation des communautés indigènes ;
loi 14 du 5 mars 1979 au
moyen de laquelle la défense de la langue espagnole est rétablie ;
décret no 2744 du 14
octobre 1980 ;
décret 2744 de 1989 au moyen
duquel la défense de la langue espagnole est rétablie et
l'autorisation à l'Académie colombienne de la langue est
accordée ;
loi 70 du 27 août 1993 élaborant l'article
transitoire 55 de la Constitution politique
; loi 115 du 8 février 1994
promulguant la Loi générale sur l'éducation ;
décret 804 du 18 mai 1995 réglementant les
besoins en éducation des groupes ethniques ;
loi 1381 pour la protection des langues
indigènes (2010). |
1 Situation géographique
|
Située au nord-ouest de l'Amérique
du Sud, la Colombie (1,1 million km²) est limitée au nord par l'océan Atlantique, à l'est par
le Venezuela et le Brésil, à l'ouest par l'océan Pacifique et le Panama, au
sud par l'Équateur et le Pérou (voir
la carte détaillée). La Colombie est le seul pays d’Amérique du Sud à bénéficier de deux façades maritimes.
La Colombie est divisée en 31
départements et un district (district de Santa Fé de Bogotá): Amazonas, Antioquia, Arauca, Atlántico, Bolivar, Boyacá, Caldas, Casanare, Caqueta, Cauca, Cesar,
Cordoba, Chocó, Cundinamarca, Guainia, Guajira, Guaviare, Huila, Magdalena, Meta, Nariño, Norte de Santander,
Putumayo, Quindio, Risaralda, San Andrés y Providencia, Santander, Sucre, Tolima, Valle del Cauca, Vaupes, Vichada.
La capitale, Bogotá, est installée sur les flancs de la Cordillère orientale. Medellín est la deuxième ville du pays
(voir
la carte détaillée).
|
2 Données démolinguistiques
La Colombie est un pays multiracial
de 45 millions d'habitants qui, d'après l'Instituto Colombiano de
la Reforma Agraria (Institut colombien de la réforme agraire), comptait en 1993
quelque 58 % de Mestizos (Métis: Blancs + indigènes), 20 % de Blancos
(Européens), 12 % de Mulatos (Métis: Blancs + Noirs), 6
% de Negros (Africains noirs) et seulement 3,7 % d'Indígenas
(Amérindiens), lesquels occupent
généralement les zones éloignées du pays.
Source: Fundación Hemera,
2006 |
Les Noirs et les Mulâtres
sont associés à une groupe appelé maintenant
Afro-Colombiens
(Afrocolombianos), généralement concentrés sur la côte du Pacifique, particulièrement
dans les départements du Choco (où ils
forment jusqu'à 90 % de la population), Valle del Cauca,
Cauca et Nariño, où ils sont plus ou moins à parité avec les autochtones;
on
en compte aussi un certain nombre d'entre eux vivant dans des bidonvilles autour de certaines agglomérations urbaines de la côte atlantique
(Cali, Carthagène, Baranquilla). Le revenu moyen par habitant des
Afro-Colombiens est de 500 $ US par année, tandis que la moyenne nationale est
1500 $ US; de plus, 75 % des Afro-Colombiens reçoivent des salaires inférieurs
au minimum légal.
li n'est pas facile de déterminer avec
précision le nombre des Afro-Colombiens, mais ils sont généralement estimés à 18
% de la population, soit 8,1 millions d'individus. La
Fundación Hemera établit la population
à 10,5 millions (23,3 %). Quant au ministère
de la Culture, se basant sur un recensement de 1993, il estime à
10,5 millions le nombre des Afro-Colombiens. Cependant, le
ministère colombien de la Justice semblait reconnaître en 2005 la proportion de
26 % comme une estimation valable, ce qui correspondrait à une population de 11
à 12 millions.
|
Pour sa part, le CIMARRON (Movimiento Nacional por los
Derechos Humanos de la Comunidad Negra de Colombia: Mouvement national pour
les droits humains de la communauté noire de Colombie) estime
que le nombre réel des Afro-Colombiens serait de 15 millions, soit 33 % de la
population totale.
Selon le CIMARRON, le nombre réel
des Afro-Colombiens serait délibérément réduit par les autorités
politiques dans une optique de «blanchiment de la population colombienne» et «pour faire des Afro-Colombiens une minorité». Cela
étant dit, on peut affirmer que le nombre des Afro-Colombiens oscillerait entre
12 et 15 millions. Il est vrai que, dans certaines régions, les Afro-Colombiens
peuvent être majoritaires comme dans le Choco couvert
par la forêt tropicale le long de la côte pacifique de la Colombie.
Les Afro-Colombiens parlent généralement
l'une des quatre langues suivantes: soit une variété d'espagnol local (la
grande majorité), soit le créole anglo-jamaïcain, soit le créole de San Andrés,
soit le palenquero (créole à base
espagnole) parlé dans une partie du
département de Bolivar.
2.1 L'espagnol
colombien et ses variantes
Dans ce pays, l'espagnol est la langue
officielle. Traditionnellement, les Colombiens sont réputés pour parler une
forme de castillan assez proche de celui utilisé en Espagne. Une certaine élite
tente de conserver cette langue espagnole dans un «état de pureté» autant que
possible. Néanmoins, l'espagnol parlé en Colombie diffère de l'espagnol
européen.
D'abord, la prononciation de l'«espagnol colombien»
s'avère quelque peu différente. Prenons l'exemple des [ll] doubles dans
castellano («castillan»): en Colombie, les consonnes [ll] se prononcent
comme en français dans castillan, soit [kasteyano], alors qu'en castillan
d'Espagne on aurait [kastelyano] en prononçant un [l].
Ensuite, il existe un
grand nombre de particularités lexicales régionales courantes appelées «colombianismes»
(colombianismos). En voici quelques exemples :
Régionalisme colombien |
Signification en espagnol colombien |
Signification en castillan d'Espagne |
Aleta |
personne
très heureuse |
aileron,
nageoire |
Apuntarse |
faire comme
les autres |
remporter
(une victoire) |
Avión |
personne
astucieuse, éveillée |
avion |
Aviona |
femme
facile |
??? |
Babilla |
fille bien
laide |
??? |
Birra |
bière (en
italien) |
cerveza
(espagnol) |
Bizcocho |
femme jolie |
biscuit |
Bolillo |
police (policía) |
fuseau |
Cuero |
prostituée
(prostituta) |
cuir |
Chino |
enfant
(niño) |
chinois |
Espumosa |
bière (en
italien) |
écumeuse (cerveza
en espagnol) |
Guámbito |
enfant
(niño) |
??? |
Mula |
trafiquant
de drogue |
mule |
Ñoño |
Personne
qui étudie beaucoup et est socialement maladroite |
fadasse,
terne insipide |
Tinto |
café noir |
teint,
rouge |
Tirar |
avoir des
relations sexuelles avec quelqu'un |
jeter
|
Tombo |
police (policía) |
??? |
Tráfico |
policier de
passage (provisoire) |
trafic |
Ce sont les grandes villes, où est
concentrée la majorité de la population colombienne (Bogotá, Medellín, Cali,
Barranquilla, Carthagena, Bucaramanga, etc.), que l'on parle le plus l'espagnol.
Cependant, la Colombie se
caractérise par des variantes régionales de l'espagnol appelées «dialectos del
español», un terme qui serait jugé peu orthodoxe pour un linguiste puisqu'il
s'agit de variantes d'une même langue. Ces variantes locales de l'espagnol comptent plusieurs «dialectes»
très distinctifs pour lesquels on oppose souvent les
dialectes des montagnes («dialectos de montaña») et les
dialectes des terres bases («dialectos de
zonas bajas» ou «calentanos»).
Parmi les dialectes des
montagnes figurent le paisa (ou español antioqueño) parlé
dans les départements de Antioquia, Caldas,
Risaralda et Quindío; le cundiboyacence et l'andino,
appelés aussi pastuso ou serrano, parlés le long des Andes
centrales; on parle aussi des «dialectes centro-colombiens».
Le pastuso est très similaire à l'espagnol parlé en Équateur,
car il est parlé dans les départements de
Nariño et de Putumayo.
Quant aux dialectes des basses
terres, on distingue le costeño (ou caribe) employé dans le
Nord et possédant des caractéristiques
communes avec l'espagnol du Venezuela, de Cuba, de la République dominicaine et
de Porto Rico; le santandereano et l'opita utilisés dans les
départements de
Santander et Norte de Santander, ainsi qu'au Venezuela; l'llanero et
le valluno parlés dans les départements de
Cauca et Valle del Cauca.
La variété espagnole parlée dans
la région de Bogotá s'appelle le dialecto
de Bogotá ou simplement bogotá ou encore bogotano ou
même
rolo. Cette variété plus prestigieuse est également parlée dans tout le centre du pays,
notamment dans les départements de Boyaca et
Cundinamarca. Évidemment, ces différentes variantes, bien que régionales,
n'empêchent généralement pas la communication, puisqu'il s'agit toujours de
formes locales de l'espagnol.
Plus de 80 % des Colombiens parlent
l'espagnol ou l'une de ses variétés comme langue maternelle, les autres
utilisant soit des langues autochtones (une centaine) soit des langues
immigrantes ou étrangères (arabe, anglais, français, allemand, etc.). Ceux qui
utilisent des langues autochtones parlent généralement l'espagnol comme langue
seconde dans la mesure où ils ont fréquenté l'école. Dans les villes, l'anglais
est présent dans les grands hôtels et les centres touristiques comme Bogotá,
Cartagena, Santa Marta, San Andrés, etc.
2.2 Les langues
autochtones
Des études datant de 1997 estiment
que les autochtones (les «Indigènes» ou
Indígenas)
seraient au nombre de 701 860, approximativement 2 % de la population totale du
pays. Ils appartiendraient à 84 nations différentes et vivraient sur des
territoires de 279 487 km², c'est-à-dire près de 25 % du territoire national.
Les départements abritant des grandes populations indigènes ceux de
Vaupés (74,6 %), de Guainía (41 %), de Guajira
(32,7 %), de l'Amazonas (31,5 %), de Vichada (26,9 %) et du Cauca (13,9 %).
Les départements comptant plus de 10 peuples indigènes sont les suivants :
Amazonas, Vaupés, Putumayo et Guaviare. Les autochtones sont présent dans 200
des 1098 municipalités du pays. Dans les territoires occupés par les divers
groupes ethniques, on trouve près 60 % des richesses naturelles.
Toutes ces régions sont parmi les plus pauvres de la Colombie et où les
populations sont les plus misérables et les conditions de vie, précaires. On
observe aussi que le manque d'infrastructures de base y est frappant,
contrairement aux autres régions du Nord où a été concentrée la plus grande
partie des investissements.
Le linguiste Jon Landaburu, du Centre colombien des
études des langues indigènes (Centro Colombiano des estudios de Lenguas
Aborígenes) de l'Université des Andes (Universidad de los Andes),
établit la classification qui suit en fonction du nombre des locuteurs.
Parmi les langues amérindiennes parlées
aujourd'hui en Colombie, seulement trois comptent plus de 50 000 locuteurs:
le wayú, le paez et l'embera. Huit comptent entre 10 000 et 50 000 locuteurs:
le guahibo (ou sikuani), le guambiano, l'arhuaco (ou ika), l'inga, le ticuna (en
comptabilisant les locuteurs du Pérou et du Brésil), le tucano (incluant les
locuteurs du Brésil), le berce (en comptant les locuteurs de Panama), le piaroa
(avec les locuteurs du Venezuela. Moins d'une dizaine d'autres langues
dénombrent entre 5000 et 10 000 locuteurs: le cuaiquer (ou awá), le kogui,
le waunana, le puinave, le wuitoto, le curripaco (incluant les locuteurs du
Venezuela), le piapoco (incluant le Venezuela), le yaruro et le yuco (incluant
le Venezuela). Une douzaine de langues comptent entre 1000 et 5000 locuteurs:
le tunebo (ou úwa), le cubeo, le camsá, le wiwa, le bari, le cofán, le cuiba, le
coreguaje, le sáliba, le guayabero et le yagua (incluant les locuteurs du Pérou.
Toutes les autres langues comptent moins de 1000 locuteurs: totoró,
barasano, desano, wanano, piratapuyo, achagua, andoke, bará, bora, cabiyarí,
carapana, carijona, chimila, colit, hitnu, macuna, cacua, nukak, hupda, yuhup,
miraña, muinane, nonuya, ocaina, pisamira, siona, siriano, tanimuka, tariano,
tatuyo, tinigua, tuyuca, yucuna, yurutí, etc. La plupart de ces langues sont
donc en voie d'extinction. Les linguistes colombiens ont établit une liste de 20
langues «en danger potentiel» («en peligro
potencial»), 11 langues «en danger» («en peligro»), quatre langues «en sérieux
danger» («en peligro serio») et plusieurs langues «moribondes» («moribundas»),
toutes parlées par moins de 100 locuteurs, parfois deux ou trois.
|
Toutes les autres langues sont parlées par moins de 9000
locuteurs, la plupart comptant moins de1000 usagers, parfois beaucoup moins;
évidemment, beaucoup de ces langues sont en voie d'extinction. La plupart de ces langues appartiennent aux familles
arawak, chibcha, quechua, tupi-guarani.
Au total, ces langues sont réparties dans 12 familles linguistiques. La Colombie est composée de
plus de 80 groupes amérindiens, chacun gardant ses us et coutumes, ainsi que sa
langue: Arawaks
(Sierra Nevada), Emberas (250 000, département du Choco),
Guajiros (7
000), Yupkas, Koguis (Sierra Nevada de Santa Marta), Paez (100 000,
département du Cauca), Guahibos (27 500), Tukanos (ou Wachupes, 13
000), Guambianos (20 000,
département du Cauca), Sibundoys, Ingas, Wayuus, Cuebas, etc. Au nord de la Colombie vivent, dans la jungle, les
Koguis, descendants des Indiens tayronas, qui ont été victimes du déboisement
de la Sierra Nevada afin de permettre la culture de la coca et de la marijuana.
Il convient de mentionner aussi les Chamis, les Llanos, les Guajoros, les
Guyaberos, les U'was, et plusieurs autres ethnies.
La carte de gauche illustre une partie des langues
amérindiennes parlées en Colombie. Il s'agit ici d'une carte linguistique
simplifiée ne donnant que quelques-unes des langues autochtones. On constate que
ces langues sont situées aux extrémités du territoire, surtout à l'est et au
sud, généralement à l'écart
des centres urbains. Plusieurs de ces langues sont parlées dans des aires
linguistiques communes avec l'Équateur, le Pérou, le Venezuela, le Brésil ou le
Panama.
En fait, les langues indigènes sont parlées dans 22 des 31
départements de la Colombie. On trouve des indigènes «immigrés» dans la plupart
des grandes villes colombiennes.
|
Il faut considérer que, sur un total de plus de 700 000
autochtones, quelque 130 000 (plus de 18 %) d'entre eux ne parlent aucune
langue amérindienne, bien que ces mêmes individus soient identifiés comme
«Indigènes» et aient des habitudes sociales et culturelles qui les situent dans
un tel contexte.
2.3 Le créole
Quelque 25 000 000 locuteurs afro-colombiens parlent l'une ou l'autre des trois créoles
(esp.: criollos) qu'on trouve en Colombie.
|
Le groupe le plus important est formé
de 230 000 locuteurs (selon Joshua Project 2005) du «créole colombien» appelé aussi
créole anglo-jamaïcain en
raison de l'origine de ce groupe; leurs ancêtres furent des
marrons au XVIIIe
siècle fuyant la Jamaïque ou la Barbade. Aujourd'hui, ils sont
installés le long des côtes septentrionales de la Colombie.
Le second groupe est formé d'environ 24 000 locuteurs habitant dans des îles éloignées de la Colombie, dans
la mer des Caraïbes, et situées
au large des côtes du Nicaragua et du Costa Rica: les îles
San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Ils parlent un créole à
base d'anglais comme langue maternelle, appelé créole de San Andrés.
|
Un troisième groupe comprend quelque 2500 (peut-être
3300) Afro-Colombiens parlant le palenquero
(ou palenque), un créole à base d'espagnol. Il s'agit de petits villages dans
la région de San Basilio de Palenque, situés au sud et à l'est de Cartagena et
dans les environs de Barranquilla (voir
la carte détaillée). Les hispanophones demeurent incapables de
comprendre ce créole, même si la base lexicale est en principe la même.
Aujourd'hui, la plupart des membres des Palenqueros parlent l'espagnol comme langue
maternelle; seules les personnes plus âgées s'exprimeraient en palenquero en
tant que première
langue.
2.4 Les Tsiganes
Il existe une petite communauté de Tsiganes
parlant la langue romani (79 000 locuteurs). Cette langue reste l’unique représentante
européenne du groupe indo-iranien
appartenant à la famille indo-européenne;
le romani a préservé en grande partie l'héritage des langues de
l'Inde du Nord, plus particulièrement l'hindi et le rajasthani dont il a en
commun 60 % du vocabulaire de base. La langue que parlent les Tsiganes est à
l’image de l’itinéraire de leurs ancêtres: le romani est donc différent
d’un pays à l’autre, très teinté de particularismes linguistiques, tout
en conservant une certaine intercompréhension. En Colombie, les Tsiganes
sont regroupés dans les villes du centre du pays.
Les Tsiganes (gitans) forment des groupes de
taille variable dans des villes comme Cúcuta (Barrio ou quartier Atalaya), Girón
(quartier el Poblado), Bogota (dans les quartiers Galán, San Rafael, La Igualdad,
Primavera, Nueva Marsella, Bosa, Villa Gloria, etc.), Carthagena (quartier la
Troncal), Cali (quartier el Jardín), Itagüí (quartier Santa María),
Sogamoso (quartier Santa Inés) et Barranquilla.
2.5 Les langues immigrantes
La Colombie
compte aussi une population immigrante assez importante. Les Arabes sont les
plus nombreux avec près de 60 000 membres, dont 37 000 Palestiniens (langue:
arabe palestinien) et 22 000 Libanais (langue: arabe libanais). Il faut ajouter
également 10 000 Chinois parlant le mandarin. Enfin, la Colombie abrite quelque
18 000 Américains, 3500 Britanniques, 8000 Français et 4000 Allemands. Les
communautés occidentales envoient généralement leurs enfants des dans écoles
privées où ils reçoivent leur instruction dans leur langue maternelle.
3
Données historiques
Les Amérindiens furent les premiers occupants de la
région, et ce, avant l’arrivée des premiers conquistadores. On estime qu'au
XVe siècle les indigènes
comptaient au moins un million d'individus répartis en différentes tribus. Certains groupes avaient
développé de brillantes civilisations, comme l'attestent leur statuaire et
leur orfèvrerie. L'arrivée des Espagnols signifia la disparition ou
l'assimilation de la grande majorité des cultures indigènes, notamment
les Chibchas, les Caribes et les Arawaks.
3.1 La colonisation espagnole
Quesada (1500-1579)
|
Dès 1502, Christophe Colomb explora une
partie de la région où vivaient les Chibchas sur le versant nord de ce qui
est aujourd'hui la Colombie. Mais c'est uniquement en 1510 que les conquistadores
espagnols établirent leur colonie à Darién pour s'étendre dans le reste du pays
à la recherche de l'or. Santa Fé de Bogotá — la future
Bogotá — fut conquise en 1538 par Gonzalo Jiménez de Quesada.
Toutefois, les
Espagnols rencontrèrent une forte résistance de la part des autochtones dans
leur progression de la côte caraïbe vers l'intérieur. La région fut, à
partir de 1544, intégrée à la vice-royauté du Pérou, avant de devenir, en
1740, le centre de la vice-royauté de la
Nouvelle-Grenade. La région acquit la réputation d'un eldorado
en raison de la présence de l'or. En réalité, l'économie fonctionna en
grande partie grâce à l'esclavage. Après avoir vainement tenté de faire
des esclaves avec les Amérindiens, les Espagnols firent massivement appel aux Noirs
d'Afrique. |
Ils se heurtèrent à l'hostilité de plus en plus grandissante des
indigènes et des «créoles», c’est-à-dire des Noirs nés au pays et qu'on
appellera plus tard les Afro-Colombiens
(Afrocolombianos).
|
Comme c'est souvent le cas,
les esclaves élaborèrent un créole local. Il se développa au sein de
cette population une certaine bourgeoisie créole sensibilisée aux idées des
Lumières et à celles de la Révolution française de 1789, ce qui entraîna des
révoltes contre le pouvoir de Madrid. Ainsi, la révolte des comuneros de Socorro,
en 1781, fut la première manifestation de l'identité créole et le début des mouvements
pour l'indépendance. En 1810, les provinces de la Nouvelle-Grenade
se réunirent en fédération et décidèrent de rompre avec l'Espagne. Face à la
répression menée par les autorités espagnoles, le désir d'indépendance fut pour
quelque temps étouffé. Le pays sombra dans la guerre civile pendant que les succès
militaires de Simón
Bolívar sur les Espagnols, un peu partout sur le continent,
redonnèrent espoir aux indépendantistes.
Les guerres d’indépendance, soutenues d'abord
par Antonio Nariño (1765-1823) et surtout par Simón Bolivar (1783-1830),
débouchèrent en 1819 sur la proclamation de la «République de Colombie» par le Libertador
(Bolivar). L’Équateur s’y joignit en 1822 pour
fonder la Grande-Colombie, qui se disloquera en 1830, mettant fin au rêve
bolivarien d’unité continentale et inaugurant une fragmentation régionale.
Quant aux autochtones, il furent oubliés après la
Conquête et les tentatives d'esclavage; les Espagnols ne s'en étaient jamais préoccupés.
|
3.2 L’indépendance
Bolivar (1783-1830) |
C’est le Libertador, Simón José Bolívar qui
donna le nom de Grande-Colombie — en l'honneur de Christophe
Colomb — à l'Union formée par le Venezuela, la Nouvelle-Grenade, rejoints
par l'Équateur et le Panamá. Malgré le désir de Bolívar de voir les pays
du continent rester unis, les appétits de pouvoir suscitèrent des querelles
qui eurent raison de l'Union.
Cette expérience ne survécut pas à son
inspirateur et, en 1830, après la mort de Bolívar, le Venezuela et
l'Équateur firent sécession, ce qui mit fin au grand rêve de Bolívar sur
l’unité continentale.
Dès les premières années de l'indépendance, le pays
appelé dorénavant république de Colombie fut divisé en deux blocs politiques
qui allaient s'affronter durant des décennies: d’une part, les «conservateurs»
soutenus par l'Église et partisans d'un État centralisé, d’autre part, un bloc
libéral et fédéraliste qui voulait soustraire la politique à l'emprise du
clergé catholique.
|
Durant tout le XIXe
siècle, le nouveau pays connut de nombreuses guerres civiles — 52 au total — et de
fréquent s changements constitutionnels. Au plan politique, la Colombie vécut
les affrontements entre, d'une part, les
libéraux fédéralistes et anticléricaux, d'autre part,
les conservateurs ultracléricaux. En ce qui a trait aux autochtones, les
dirigeants colombiens les
ignorèrent autant que l'avaient fait les Espagnols avant eux. D'ailleurs,
l'adoption d'une loi sur les «sauvages» («salvajes» en 1890 (loi no 89 du
25 novembre 1890) montre bien en quelle piètre estime on percevait les
autochtones; le titre de la loi était le suivant: Ley por la cual se
determina la manera como deben ser gobernados los salvajes que vayan
reduciéndose a la vida civilizada (en français: «Loi précisant la
manière dont doivent être gouvernés les sauvages afin qu'ils accèdent à la
vie civilisée»). En 1996, la Cour constitutionnelle de la Colombie, dans son
arrêt no C-139/96 du 9 avril 1996, estimera que l'emploi du terme «sauvage»
est contraire à la Constitution.
3.3 Le XXe siècle
Le nouveau siècle débuta par un conflit
sanglant appelé la guerre des Mille Jours
(1899-1903). Cet affrontement, qui fit
près de 100 000 victimes, perpétua une certaine tradition de violence dans le
pays. À
la suite du conflit, le Panama fit sécession de la Colombie qui perdit ainsi
un accès important au commerce maritime. C'est alors que l'influence des États-Unis dans
la politique intérieure du pays se fit de plus en plus sentir. Jusqu'en 1930, la Colombie connut une période de
stabilité politique et put se consacrer à son développement économique
grâce au développement de l'industrie et des zones urbaines. Mais ces
progrès s'accompagnèrent d'inégalités et de conflits sociaux; l'armée
interviendra à maintes reprises pour massacrer les ouvriers des compagnies
bananières américaines.
Depuis l'indépendance, et ce, jusqu'en 1960, l'éducation
dispensée aux indigènes relevait de la juridiction de l'Église catholique et
dans certains cas des écoles publiques de l'État. Non seulement toutes ces
écoles ignoraient systématiquement la culture des groupes autochtones, mais
dans la majorité des cas il était interdit aux enfants de parler dans une
langue indigène.
En avril 1948, l'assassinat à Bogotá du chef de file de
l’aile la plus radicale du Parti libéral, Jorge Eliecer Gaitán dit «El indio», entraîna aussitôt une violente insurrection
populaire. Jorge Eliecer Gaitan avait été assassiné par la CIA afin d’empêcher son
arrivée au pouvoir grâce à des élections démocratiques qu’il aurait fort probablement
gagnées. Mais Washington ne désirait pas l'aboutissement des réformes sociales
préconisées ni de la nationalisation des grandes entreprises; il fallait
préserver les intérêts de la toute-puissante United Fruit Company. La période de guerre civile larvée (appelée la «Violencia») qui
s'ensuivit provoqua la mort de près de 300 000 personnes en dix ans. Cette
violence provoqua la formation de mouvements de guérilla et suscita un
important exode rural.
Affaiblie par la
multiplication des milices et de leurs exactions dans tout le pays, la Colombie
connut une période de paix sous la dictature du général Gustavo Rojas Pinilla
(1953-1957). En 1957, après de nouvelles violences,
Rojas Pinilla fut renversé
par une junte militaire. Celle-ci dut se résoudre à convoquer des élections
générales et une trêve fut conclue entre les libéraux et les conservateurs. Ils
décidèrent alors l'alternance aux plus hauts postes de l'État (présidence et
cabinets ministériels) pour une durée de seize ans. Cependant, la nouvelle
coalition, le Front national (réunissant libéraux et conservateurs), ne parvint
pas à enrayer la violence politique.
En réalité, le «pacte» se perpétua et continua de régir
le pays en permettant l'alternance au pouvoir des deux grands partis. Durant
des décennies, les partis politiques se partagèrent pacifiquement la présidence
et les postes gouvernementaux. En même temps, le fameux pacte politique
favorisa la corruption, le népotisme, le clientélisme et l’immobilisme chez les
dirigeants, bloquant toute initiative d’opposition civile.
Cet «arrangement» entraîna d'aussi d'énormes difficultés
telles que l'activité croissante des guérillas, les enlèvements, la corruption,
la «guerre totale», l'insécurité, etc. Au cours de la décennie quatre-vingt,
les États-Unis vinrent en aide au gouvernement pour engager la lutte contre les
mafias colombiennes, le pays étant devenu au premier rang mondial pour la
transformation et l'exportation de drogue aux mains du «cartel de Medellin»,
puis après la mort de son chef (Pablo Escobar) en 1993, du «cartel de Cali».
3.4 Une certaine démocratisation
L'adoption d'une nouvelle Constitution en 1991 permit un
renforcement des institutions démocratiques, mais le pays demeura victime d'un
violence endémique. Les autochtones furent reconnus dans la Constitution
et, au plan juridique, ils furent considérés comme des citoyens avec des droits
culturels, politiques et territoriaux. Pour les Américains, la Colombie «se bat
pour la démocratie» et pour son droit à avoir une forme de gouvernement
légitime. Malheureusement, ce pays a toujours connu d'énormes difficultés à
obtenir un gouvernement élu démocratiquement, car les Forces armées ont
toujours «réglé» tous les problèmes à leur façon, c'est-à-dire manu militari.
- Le «plan Colombie»
Le «plan Colombie» (officiellement appelé «Plan pour la paix,
la prospérité et le renforcement de l’État») est un programme d’aide militaire et
économique approuvé en l’an 2000 à l’initiative de Washington. Au moyen de la
guerre déclarée, le plan se
proposait d’éliminer les ressources des «narco-guérillas». Actuellement, la
Colombie s'enorgueillit d'être, après Israël, le «deuxième État au monde
le plus aidé économiquement» par Washington. De son côté, la guérilla
colombienne accuse Washington d'intervenir dans la guerre civile en Colombie
sous le couvert de la lutte contre le trafic de la drogue; elle affirme aussi
que les Forces armées colombiennes soutiennent les groupes paramilitaires d'extrême-droite.
Le secrétaire d'État américain a laissé entendre, en mars 2002, que
Washington pourrait augmenter son aide militaire au gouvernement colombien pour
l'aider à faire face à la «rébellion marxiste» des guérilleros. C'est
aussi en 2002 (le 23 février) que Ingrid Betancourt, une Franco-Colombienne, se
portait la candidate à la présidence pour le parti Vert
Oxygène, lorsqu'elle fut séquestrée par la guérilla marxiste des FARC
(Forces armées révolutionnaires de Colombie).
L’arrivée au pouvoir de M. Alvaro Uribe, le 7 août
2002, a marqué une escalade dans la confrontation militaire.
Les rebelles veulent échanger
plusieurs des quelque 3000 otages qu'ils détiennent contre des responsables de
leur mouvement aux mains des autorités colombiennes, ce qu'a jusqu'ici refusé
le président Alvaro Uribe. Mme
Betancourt n'était toujours pas été libérée en juin
2006. Bien qu'elle soit devenue le symbole
des otages du conflit qui déchire ce pay, il semble
que son sort mobilise davantage les Français que les Colombiens.
À force d’être «couvée»
artificiellement par les États-Unis, la Colombie n’a malheureusement jamais
exercé pleinement son indépendance. C’est une situation préoccupante, car les
gouvernements colombiens en sont venus à ne pouvoir régler les problèmes
sociaux et économiques de leur pays que par le recours systématique aux forces
armées.
- La question amérindienne
Ce sont les Forces armées qui, avec leurs avions
militaires, répandent des herbicides sans discernement sur de très vastes
régions agricoles appartenant aux autochtones. C’est encore l’armée et les
nombreux groupes paramilitaires qui travaillent, souvent main dans la main,
pour assurer le transport du matériel et du personnel des compagnies minières
et pétrolières américaines en plein cœur des territoires autochtones, sans
égard aux ethnies locales et en ignorant les engagements internationaux
concernant la protection des ressources naturelles et des droits de la
personne.
Le gouvernement accorde des permis d’exploitation à
des compagnies pétrolières américaines afin qu’elles puisent dans le
sous-sol des autochtones les ressources dont elles ont besoin. Ce faisant, le
gouvernement colombien contrevient ainsi à l'article 330 de sa propre
constitution et à de nombreux engagements pris avec les ethnies autochtones,
tout en ignorant les mécanismes de concertation qu'il a lui-même mis en place
pour rassurer symboliquement la communauté internationale. C’est encore l’armée
colombienne, fortement équipée par les États-Unis, qui assure la sécurité
des compagnies pétrolières américaines. En même temps, les «forces de
sécurité» expulsent manu militari les paysans et les indigènes qui
s'opposent pacifiquement à cette violation flagrante de la loi et de leurs
droits; certains villages autochtones sont même «déplacés» par l’armée. Au
nord de Carthagena, et dans ses environs,
parce qu'on voulait construire des complexes touristiques, les habitants des îles
Barú, Tierra Bomba et de El Rosario, ainsi que ceux de la zone de Boquilla,
ont été expulsés par les autorités locales sous la pression de grandes
entreprises hôtelières.
Pour justifier ses interventions, le gouvernement
colombien accuse les indigènes de soutenir les narco-guérillas et de
«planter de la coca». Puis, quand ce ne sont pas les compagnies pétrolières
qui interviennent, ce sont les projets hydroélectriques qui menacent l’environnement
et la survie des autochtones. Plusieurs centaines d'autochtones sont ainsi
déplacés à chaque fois par les «forces de sécurité» vers les centres
urbains où ils seront mis en minorité et rapidement assimilés. Dans le pire
des cas, les opposants sont assassinés ou contraints à l'exil. Ce sont
toujours des groupes militaires ou paramilitaires qui se chargent de défendre
à la fois les décisions du ministère de l’Environnement et les intérêts
des grandes compagnies américaines.
Selon diverses organisations autochtones, telles que l'Organización Regional Indígena
del Chocó, l'Organización Indígena
de
Antioquia (au nord) et l'Asociación Campesina Integral del Atrato, le gouvernement aurait
comme objectif de «faire disparaître complètement les ethnies et cultures
traditionnelles du Pacifique, ainsi que leurs organisations, dont l'existence
est perçue comme un obstacle à la réalisation des soit-disant «projets
de développement» que des secteurs du capital national et international
concoctent pour la région «dans le cadre de l'ouverture économique et de la
mondialisation de l'économie». Dans une lettre adressée à l'opinion
internationale, les représentants indigènes du département de Sabaleta
déplorait la situation en ces mots:
Toutes nos conquêtes, fruits de nos luttes, et nos
aspirations sont gravement menacées par l'application de desseins ethnocides
cultivés par l'État à l'égard des territoires autochtones, favorisant
ainsi les intérêts des grands secteurs économiques de l'ordre national et
international. Aujourd'hui, notre communauté et notre avenir sont mis en
péril par la présence et par les agissements de groupes armés qui opèrent
dans la région et qui ne reconnaissent pas nos droits. |
En matière de violations des droits humains, la
Commission des droits de l'homme de l'ONU attribuait, en 1999, les atrocités
à l'endroit des autochtones à 73 % de la part des militaires, contre 27 % de
la part de la guérilla. Dans ces conditions, il est difficile de croire que le
gouvernement colombien se préoccupe sérieusement des droits linguistiques et
autres droits de
ses autochtones. N'oublions pas que 25 % des Colombiens les plus riches ont des
revenus 30 fois plus élevés que les 25 % les plus pauvres, et que 80 % des 13
millions de personnes abandonnées par l'État dans les campagnes, soit les
autochtones et les Afro-Colombiens, vivent en dessous du seuil de pauvreté.
3
Le statut de l'espagnol et des langues autochtones
Il apparaît comme normal
dans ces conditions que la Colombie s'intéresse beaucoup
plus au sort de l'espagnol qu'à celui des langues autochtones (ou amérindiennes
des familles arawak, chibcha, quechua
et tupi-guarani). Toute la législation nationale ne concerne
donc pratiquement que l'espagnol.
3.1 La Constitution et
les langues
Le premier
texte juridique qui devrait attirer notre attention, c'est évidemment la
Constitution de 1991, modifiée en 2001. L'article 13 porte sur une disposition
générale de non-discrimination, comme on en voit dans la plupart des pays:
toutes les personnes naissent libres et égales devant la loi,
bénéficient de la même protection de la part des autorités et jouissent des mêmes droits
et
libertés sans aucune discrimination pour des raisons de sexe, de race, d'origine nationale ou familiale,
de langue, de religion, d'opinion politique ou philosophique.
Artículo 13
1) Todas las personas nacen libres e iguales ante la ley, recibirán
la misma protección y trato de las autoridades y gozarán de los mismos
derechos, libertades y oportunidades sin ninguna discriminación por
razones de sexo, raza, origen nacional o familiar, lengua, religión,
opinión política o filosófica.
2) El Estado
promoverá las condiciones para que la igualdad sea real y efectiva y
adoptará medidas en favor de grupos discriminados o marginados.
3) El Estado
protegerá especialmente a aquellas personas que por su condición
económica, física o mental, se encuentren en circunstancia de debilidad
manifiesta y sancionará los abusos o maltratos que contra ellas se
cometan. |
Article 13 1)
Tous les individus naissent libres et égaux devant la loi,
reçoivent la même protection et le même traitement de la part des
autorités et jouissent des mêmes droits, libertés et possibilités,
sans aucune discrimination pour des raisons de sexe, de race,
d'origine nationale ou familiale, de langue, de religion, d'opinion
ou de philosophie.
2) L'État doit promouvoir
les conditions pour que l'égalité soit réelle et effective, et doit
adopter des mesures en faveur des groupes discriminés ou marginalisés.
3) L'État doit protéger
particulièrement ces personnes qui, par leur condition économique,
physique ou mentale, se trouvent en situation de faiblesse manifeste et
doit sanctionner les abus ou les sévices qui commis contre elles.
|
L'article
10 de la Constitution semble le plus important, car il porte à la fois sur la langue
officielle ainsi que sur les langues autochtones:
Article 10 1)
Le castillan est la langue officielle de la Colombie.
2) Les langues et les
dialectes des groupes ethniques sont
aussi officiels dans leurs territoires.
3) L'enseignement
dispensé dans les communautés ayant leurs propres
traditions linguistiques est bilingue.
|
À l'instar de l'Espagne, la Colombie a proclamé le
castillan («el castellano»)
comme la langue officielle du pays, au lieu du mot
espagnol («español» ou «lengua
española»). L'emploi de ce terme n'est
certainement pas dû au hasard, car il s'agit d'un texte juridique de la plus
haute importance: la Constitution colombienne. Ainsi, dans
tous les textes juridiques de l’Espagne,
que ce soit pour l'État espagnol ou les différentes Communautés autonomes, le
seul terme utilisé pour désigner la langue officielle de l’État espagnol est
castellano (voir
le document à ce sujet). La Colombie a probablement voulu imiter
l'Espagne.
Dans la vie de tous les jours, en Espagne comme en Colombie, on utilise
le terme
español. De toute façon, les deux termes
(castellano et español) sont
considérés comme synonymes en Colombie, comme à peu près partout ailleurs.
De plus, la plupart des
traités internationaux adoptés en Colombie se terminent par la phrase suivante:
«Firmado en Bogotá, el día __ de ___de 200_, en dos ejemplares originales en
lengua española, teniendo los dos la misma
validez.» On peut traduire par : «Signé à Bogota, le __ jour de (mois) de l'an
200 _, en deux exemplaires originaux en langue espagnole, les deux ayant la même
valeur.»
3.2 Les langues indigènes
Quant à l'officialisation des langues ethniques — «Les
langues et les dialectes des groupes ethniques sont aussi officiels dans leurs
territoires.» — , c'est une disposition
introduite en
1991 dans la nouvelle Constitution: cette disposition rend co-officielles avec
l'espagnol les langues des communautés autochtones. Il s'agit d'une mesure qui revêt un caractère plutôt symbolique, car elle ne peut
que difficilement se traduire dans les faits. Non seulement les langues sont
très nombreuses (plus de 90), mais les populations indigènes sont aussi très peu
organisées.
Une fois promulguée la Constitution, le président de la
République a créé un bureau dirigé par un conseiller afin d'assurer la diffusion
et la connaissance de la nouvelle loi fondamentale à la plus grande partie de la
population. Le bureau est entré en contact avec le Centro Colombiano de
Estudios de Lenguas Aborígenes (Centre colombien des études des langues
aborigènes) de l'Université des Andes de Bogotá pour étudier la possibilité de
traduire la Constitution dans certaines langues indigènes du pays. Mais
d'énormes difficultés surgirent, car il n'était pas aisé de trouver des
équivalents juridiques entre l'espagnol et les langues amérindiennes. Le
programme a été développé à partir du mois de mars 1992, mais le travail de
traduction et de diffusion ne fut terminé qu'en juin 1994. Au départ, le comité
de travail avait proposé de faire la traduction en 12 langues. Toutefois, des
raisons financières et la faible disponibilité des linguistes indigènes dûment
formés ont incité le comité à ne présenter le texte constitutionnel qu'en sept
langues. Celles-ci ont été choisies en fonction de leur importance
ethnolinguistique, mais également en tenant compte des linguistes indigènes
disponibles. Les langues choisies sont les suivantes:
- le wayuu (ou guajiro),
parlé par 130 000 locuteurs en Colombie (180 000 au Venezuela);
- le nasa (ou páez), parlé par plus de 100 000 locuteurs dans le
département du Cauca;
- le guambiano, parlé dans le Cauca par quelque 15 000 locuteurs;
- l'arhuaco (ou ika), parlé dans la Sierra Nevada de Santa Marta par
quelque 15 000 locuteurs;
- l'ingano, parlé dans le Putumayo par 15 000 locuteurs;
- le kamsá de Sibundoy (Putumayo) parlé par 15 000 locuteurs;
- le cubeo de l'Amazonas (Vaupés) parlé par quelque 5000 locuteurs.
Selon le gouvernement, le total des locuteurs de ces
langues (295 000) atteindrait presque la moitié des indigènes colombiens
parlant une langue amérindienne.
En cours d'élaboration du travail, les linguistes ont dû
abandonné la traduction dans des langues dont le nombre des locuteurs était
plus important que celles qui ont été sélectionnées. Dans certains cas, il n'y
avait pas de linguistes disponibles dans ces langues; dans d'autres, les
associations indigènes ont refusé toute collaboration. Il ne faut pas
entretenir trop illusions quant au résultat de cette opération qui tente de
mettre en relation deux univers souvent très éloignés l'un de l'autre.
Néanmoins, ce travail de traduction a permis d'élaborer un glossaire d'une
cinquantaine de termes juridiques importants en castillan avec leur traduction
en sept langues indigènes. De plus, les juristes se sont rendus compte qu'il
fallait adapter des équivalences afin que les destinataires comprennent bien un
texte perçu comme très difficile. Il a donc fallu fonctionner avec des
métaphores, des comparaisons, des paraphrases, des explications, des
illustrations, etc. Ce sera dorénavant plus facile pour effectuer un travail
similaire.
4 La politique linguistique relative à l'espagnol
La Colombie a adopté plusieurs documents
juridiques relatifs à l'emploi de la langue espagnole (ou castillane):
- la loi 2 de 1960 ou Loi
en faveur de la langue espagnole en Colombie du 6 août 1960;
- le décret no 189 de 1964;
- la loi 14 du 5 mars 1979 ;
-
le décret no 2744 de 1980.
Cependant, ces documents ont un caractère
répétitif, car ils se ressemblent tous. Certains articles se répètent
d'un document à l'autre, mais ils témoignent éloquemment de la continuité des
dispositions législatives. Ce sont en fait la
loi 14 du 5 mars 1979 et le décret no 2744 (adopté en 1980 et promulgué en 1989),
qui font l'objet de la principale législation en matière de protection de la
langue espagnole.
4.1 La
langue de l'État
Toute l’Administration du pays n’utilise
que l’espagnol pour communiquer avec les citoyens, y compris dans les
tribunaux, à moins qu’il ne faille recourir à un traducteur pour les cas d’unilinguisme
amérindien. Déjà, avec la loi 2 de 1960, tous les documents proposés, toute la
correspondance et tous les documents échangés entre les citoyens et le
ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice doivent être rédigés par
tout moyen mécanique ou autre en castillan. Par conséquent, tous les documents
en langue étrangère doivent être accompagnés d'une traduction officielle. La
présentation de documents dans une langue différente du castillan est
susceptible d'être corrigée dans un délai de trois jours, sous peine de refus
de recevoir le document de la part du ministère concerné.
Plusieurs années plus tard, la loi 14 de
1979 et son décret d'application 2744 de 1980 sont venus ajouter des
dispositions plus précises. Par exemple, avec ses 20 articles, le décret de
1989 traite de l'emploi de l'espagnol dans les documents officiels (et des
exemptions), des étiquettes, des emballages et des modes d'emploi des produits
colombiens, des écoles, des bibliothèques, de la radio et de la télévision, des
journaux et périodiques, des marques de commerce, des enseignes et des
annonces, de l'Académie colombienne de la langue, et même des sanctions
et des amendes.
C'est l'article 1er
du décret 2744 de 1980 qui
décrit l'objectif de la loi 14 de 1979 : la défense de l'usage correct de
l'espagnol en tant que langue officielle et nationale.
Article 1er L'usage correct de l'espagnol, qui est la langue officielle et
nationale, et dont la défense est l'objectif de la loi 14 de 1979,
interdit non seulement l'emploi de mots étrangers dans les documents et
dans les cas prévus dans la présente loi, mais aussi l'emploi de
constructions grammaticales étrangères au caractère de l'espagnol.
Paragraphe
Cette règle n'empêche pas que dans un texte espagnol on
puisse ajouter entre parenthèse des mots ou expressions dans une autre langue comme
citations ou comme exemples ou lorsque l'absence d'un terme
équivalent exact oblige à recourir à un mot étranger indispensable.
|
En conséquence, l'emploi de «mots étrangers»
et de «constructions grammaticales étrangères au caractère de l'espagnol» est
interdit dans les documents et les cas prévus dans la loi. L'article 2 du
décret 2744 est très précis en ce qui a trait à la langues employée dans les
documents officiels émanant des autorités:
Article 2
Doivent être rédigés en langue espagnole ou castillane :
a)
Les documents officiels émanant des autorités et les documents qui lui
sont adressés.
|
Bien que l'article 13 de la
Constitution déclare que «les langues et les dialectes des groupes ethniques sont aussi officiels
dans leurs territoires», cette disposition ne s'applique manifestement pas pour
l'État dans ses relations avec les citoyens.
C'est en vertu de la
loi 2 de 1960
que le gouvernement a créé l'Académie colombienne de la
langue, un organisme de
droit privé, disposant de ses propres revus et de ses biens mobiliers et
immobiliers. D'après la loi 2, cette Académie est conçue comme un organisme
consultatif pour le gouvernement dans les domaines de la langue, de la littérature et
de la promotion des
lettres. L'article 12 du décret 2744 précise également le rôle de l'Académie
colombienne de la langue:
Article 12 À l'Académie colombienne de la langue, en tant
qu'organisme
consultatif auprès du gouvernement, il est assigné la tâche de poursuivre,
de propager
et d'intensifier la campagne pour la défense et la pureté de la langue
espagnole avec la plus grande diffusion des corrections du langage.
Également, l'Académie doit conseiller le ministère du Gouvernement en matière de
propriété intellectuelle et de presse et le ministère du
Développement économique en matière de propriété industrielle,
quand chacun de ces deux organismes le sollicitera.
|
4.2 La langue de
l'enseignement
La législation colombienne semble aussi
importante en matière d'éducation. En effet, la
loi no 115 de 1994, la Ley 115 de 1994 (febrero 8)
por la cual se expide la Ley General de Educación (ou: loi 115 du 8
février 1994
promulguant la Loi générale sur l'éducation) définit les normes particulières à propos de la langue
d'enseignement. L'article 21 précise ce qui suit au sujet des langues:
Article 21 Les cinq premiers
degrés de l'éducation de base qui constituent le cycle du primaire
auront comme objectifs spécifiques ce qui suit :
[... ]
) Le développement
des habilités de communication de base pour lire, comprendre, écrire,
écouter, parler et s’exprimer correctement en langue castillane, et
également dans la langue maternelle dans le cas des groupes ethniques
avec une tradition linguistique, ainsi que
la promotion du goût pour la lecture;
d) Le développement de la
capacité à apprécier et utiliser la langue comme moyen d'expression
esthétique; [...]
l)
L'acquisition
d'éléments de conversation et de lecture au moins dans une langue
étrangère; |
Il est très clair que le «castillan» est la langue de
l'enseignement public, bien que les langues autochtones peuvent, en principe du
moins, être également enseignées. Les langues étrangères concernées sont
d'abord l'anglais, puis le français et, assez loin derrière, le portugais.
L'article 22 de la loi sur l'éducation (Ley Normatividad del Sector
Educativo) traite du niveau secondaire. On y mentionne que la langue
castillane sert de véhicule dans l'enseignement:
Articulo 22 Los cuatro grados subsiguientes de la educación básica que constituyen el ciclo
de secundaria, tendrán como objetivos específicos los siguientes:
a) El desarrollo de la
capacidad para comprender textos y expresar correctamente mensajes
complejos, orales y escritos en lengua castellana, así como para
entender, mediante un estudio sistemático, los diferentes elementos
constitutivos de la lengua;
b) La valoración y
utilización de la lengua castellana como medio de expresión literaria
y el estudio de la creación literaria en el país y en el mundo;
[...]
l). La comprensión y
capacidad de expresarse en una lengua extranjera; |
Article 22 Les quatre degrés
ultérieurs dans l'éducation de base qui constituent le cycle du
secondaire auront comme objectifs spécifiques ce qui suit :
a) Le développement de la
capacité à comprendre des textes et exprimer correctement des messages
complexes, oraux et écrits en langue castillane, ainsi que pour
comprendre, au moyen d'une étude systématique, les différents
éléments constitutifs de la langue;
b) Le développement et
l'utilisation de la langue castillane comme moyen d'expression
littéraire et l'étude de la création littéraire dans le pays et dans
le monde; [...]
l) La compréhension et la
capacité de s’exprimer dans une langue étrangère; |
Ces dispositions relatives à l'éducation sont tout à fait
normales dans un pays où la langue espagnole bénéficie du statut de langue
officielle.
L'article 6 du décret 2744 énonce qu'une attention
préférentielle sera accordé à l'apprentissage et à la culture de la langue
castillane et les études qui y seront effectuées devront être faites en
castillan:
Article 6 Dans tous les établissements d'enseignement qui fonctionnent dans
le pays, un souci privilégié doit être accordé à l'apprentissage et à la
culture de la langue castillane et les études qui y seront
effectuées doivent être faites en castillan, mais, en raison du caractère
particulier des établissements, il pourra être accordé aux langues étrangères,
selon l'avis du ministère de l'Éducation
nationale, une plus grande
vigueur que celle prévue dans les programmes d'études officiels.
|
Le même article prévoit qu'il pourra être accordé aux langues
étrangères, selon le ministère de l'Éducation nationale, une plus grande
intensité que celle prévue dans les programmes d'études officiels. L'article 8
du même décret prescrit l'usage du castillan dans les livres réglementaires, les
diplômes accordés, les certificats et les rapports sur les études des élèves
ainsi que dans la correspondance à caractère officiel:
Artículo 8 En todos los establecimientos educativos que funcionan en el
país se usará el idioma castellano en los libros reglamentarios en los
títulos que concedan, en los certificados e informes sobre estudios de los
alumnos y en la correspondencia de carácter oficial. |
Article 8 Dans tous les établissements d'enseignement qui fonctionnent dans
le pays, le castillan doit être utilisé dans les livres réglementaires, les
diplômes accordés, les certificats et les rapports sur
les études des élèves ainsi que dans la correspondance à caractère officiel.
|
Dans ces conditions, on peut se demander quelle est la place
des langues amérindiennes au sein des populations autochtones. On peut supposer
que ces dispositions ne s'appliquent pas en vertu des droits acquis pour les
établissements d'enseignement dans les territoires indigènes.
Bien que les droits scolaires soient en principe les mêmes
pour tous, la réalité semble nier quelque peu cette égalité. En effet, selon un rapport des Nations unies (Conseil économique et social)
publié en janvier 1997, il existerait une certaine discrimination dans la
scolarisation des populations colombiennes. Ainsi, les Blancs en zone urbaine
accéderaient à l'école primaire dans une proportion de 70 %, contre 60 % pour les
Noirs; ce serait 41 % pour les Blancs en zone rurale et 73 % pour les Noirs. Au
secondaire (en zone urbaine), 88 % des Blancs y auraient accès, contre 38 % pour les Afro-Colombiens. Enfin seulement 2 % de ces derniers atteindraient l'université. On
a reproché à un professeur d'anthropologie d'avoir déclaré à l'un de ses
étudiants : «Travaille comme un nègre pour pouvoir gagner comme un Blanc.» Malgré des progrès indéniables dans la suppression de la discrimination raciale,
il s'agit là d'une tendance lourde un peu partout dans le pays. Aujourd'hui,
certaines universités publiques ont même adopté des programmes d'accès
préférentiels pour les étudiants provenant des communautés autochtones.
4.3 Les médias
Les médias et le monde du travail ne fonctionnent qu'en
espagnol. Il existe
bien un journal de défense des droits de ces indigènes
intitulé Unidad Indigenas, et
il est publié en espagnol.
Dans tous les domaines de l'État et de la vie économique, les langues amérindiennes restent
totalement ignorées. L'article 2 du décret 2744 de 1980 prescrit que
l'espagnol doit être la langue des noms des journaux et de leurs textes:
Article 2
Doivent être rédigés en langue espagnole ou castillane :
e)
Les titres des publications orales et écrites qui sont originaires du
pays, lesquelles ne pourront pas être enregistrées avec un nom étranger
respectivement dans le Registre de la propriété intellectuelle et celui
de la Presse ministérielle du gouvernement, sans empêcher la possibilité que
le texte
puisse apparaître dans une langue étrangère accompagné de la traduction
correspondante en castillan.
|
De plus, selon le même décret, les présentateurs, animateurs et réalisateurs des
émissions de radio et de télévision sont tenus de respecter les dispositions
juridiques et réglementaires sur la défense de la langue, alors que les
directeurs des stations doivent veiller à la mise en œuvre des règlements:
Article 11 Le respect des dispositions juridiques et
réglementaires sur la défense de la langue est obligatoire pour les
présentateurs, animateurs et réalisateurs des programmes de radio et de
télévision. Les directeurs des stations et des entreprises respectives
doivent veiller à la mise en oeuvre de ces règles. Cette exigence devra
être plus stricte pour les entreprises officielles consacrées à ces
réseaux de diffusion.
|
4.4 La législation relative à l'affichage
La législation colombienne est
exceptionnellement abondante en ce qui a trait à un domaine bien particulier :
celui de l'affichage public, de l'étiquetage et des emballages. Outre
la loi 2 de 1960 et le
décret no 189 de 1964,
il faut consulter aussi la
loi no 14 du 5 mars 1979
et le
décret no 2744 de 1980.
La
loi no 14 du 5 mars 1979 porte
le titre complet de «
Loi 14 du 5 mars 1979 par
laquelle la défense de la langue espagnole est rétablie et
l'autorisation à l'Académie colombienne de la langue est donnée (en
espagnol: Ley 14 de 5 de marzo de 1979
por medio de la cual se restablece la defensa del
idioma español y se da una autorización a la Academia Colombiana de la
Lengua). L'article 1 est complet et donne une description précise des
dispositions de la loi colombienne:
Article 1er
1) Les documents de
la procédure officielle ainsi que tout
nom d'enseigne, d'annonces commerciales, professionnelles, industrielles et
artistiques, ou de l'industrie du vêtement, destinés à tous, doivent être
exprimés et rédigés en espagnol, sauf ceux qui constituent des noms
propres ou des noms d'entreprises commerciales étrangères intraduisibles
ou qu'on ne peut modifier de façon convenable.
2) Dans le cas des marques exotiques enregistrées, sa
prononciation correcte ou sa traduction doit être indiquée, entre
parenthèses dans la mesure du possible, et les explications pertinentes
relatives à la marque en question doivent toujours être rédigées en espagnol.
3) Dans tout lieu où des noms étrangers sont présentés tels que des
messages ou des étiquettes industrielles, des activités publiques d'une
autre nature, qui ne sont pas protégés par le registre national ou la
tradition déjà établie, l'autorité politique concernée doit ordonner son
retrait au moyen d'un avis écrit et d'un délai avisé.
4) Tout produit colombien industriel commercialisable doit porter la
marque de son origine nationale en dessous de son nom ainsi que les
informations correspondantes.
|
En effet, cet article précise bien que tous les
documents officiels, tout nom d'enseigne, d'annonces commerciales, professionnelles,
industrielles, artistiques, etc., ou d'industrie, etc.,
doivent être exprimés et rédigés en espagnol, sauf ceux qui
constituent des noms propres ou des noms d'entreprises commerciales étrangères
intraduisibles ou qu'on ne peut modifier de façon convenable (par. 1). Dans le
cas des marques «exotiques» (étrangères), il faut indiquer la prononciation ou
une traduction entre parenthèses (si possible), alors que «les explications
pertinentes relatives à la marque en question doivent toujours être rédigées en
espagnol» (par. 2). Sinon, l'autorité politique concernée doit ordonner le
retrait des noms étrangers. En fait, ce n'est que lorsqu'il n'existe pas
d'équivalent exact en espagnol qu'on a recours à un mot étranger. L'article 2 du
décret no
2744 de 1980 oblige à rédiger en espagnol ce qui suit:
Article 2
Doivent être rédigés en langue espagnole ou castillane :
a)
Les documents officiels émanant des autorités et les documents qui lui
sont adressés.
b)
La dénomination tout établissement, toute entreprise industrielle ou
commerciale, ainsi que celle ses établissements d'enseignement, des centres culturels,
sociaux ou sportifs, des hôtels, restaurants et, en général, la
dénomination de tout
établissement, commerce ou service destiné au public.
c)
Les titres ou sous-titres, écriteaux, enseignes, slogans de publicité et
emblèmes qui les accompagnent.
d)
Les noms des produits, articles ou marchandises originaires des usines ou entreprises établies dans le pays, lesquelles ne pourront pas
s'enregistrer avec nom étranger dans le registre des marques et brevets.
e)
Les titres des publications orales et écrites qui sont originaires du
pays, lesquelles ne pourront pas être enregistrées avec un nom étranger
respectivement dans le Registre de la propriété intellectuelle et celui
de la Presse ministérielle du gouvernement, sans empêcher la possibilité que
le texte
puisse apparaître dans une langue étrangère accompagné de la traduction
correspondante en castillan.
|
La législation prévoit des exceptions: les dénominations constituées avec des
noms propres de personnes illustres (qui n'ont pas de traduction en espagnol)
ou formées avec des noms propres de propriétaires des commerces, avec des noms
étrangers à la Colombie, avec des marques de commerce en provenance de pays
utilisant une autre langue (art. 3)
a) Les dénominations qui consistent en noms propres
de personnes illustres et qui n'ont pas de traduction en espagnol.
b) Les noms d'établissements d'enseignement quand ils font référence à des
noms propres de personnes éminentes ou illustres, après avis du ministère
de l'Éducation nationale.
c) La raison sociale de compagnies ou la dénomination de sociétés
constituées à l'origine dans des pays utilisant une autre langue.
d) Les marques de commerce ou les noms industriels d'articles, de produits
ou de marchandises en provenance de pays utilisant une autre langue.
e) Les droits acquis ou les droits accordés en vertu de lois antérieures.
f)
Les titres des publications périodiques originaires de pays de langue
différente à l'espagnol.:
L'article 5 du même décret
rend obligatoire que les inscriptions imprimées à des fins d'information
dans
les modes d'emploi, les emballages, prospectus, etc., l'emploi de l'espagnol, mais il est possible d'ajouter
des traductions en d'autres langues. L'article 10 prescrit que «tout message
diffusé dans la presse du pays dans une langue
étrangère doit être accompagné de sa traduction».
En vertu de l'article 16 du
décret 2744, la réticence ou le retard à se conformer aux dispositions du
décret et de la loi doivent être sanctionnés d'amendes successives de
500 à 1000 pesos imposées d'office par les autorités policières ou à
la demande d'une partie en conformité avec la procédure policière.
Dans les faits, l'usage de la
langue dans l'affichage semble plus ou moins conforme aux dispositions prévues dans la législation
colombienne.
Toutes les affiches gouvernementales sont effectivement rédigées seulement
en espagnol. Cependant, dans certaines grandes villes, comme à Bogotá, de
nombreux panneaux publicitaires sont parfois rédigés en anglais, mais le plus
souvent en «spanglish». On trouve aussi des raisons sociales écrites avec des
noms anglais ou français. Dans la quasi-totalité des cas, celles-ci sont
associées à la restauration ou à l'hôtellerie, ou encore aux produits de luxe
parce que ça fait «chic» ou «international».
5 La politique linguistique à l'égard des autochtones
La Constitution de 1991 et la loi no 70 de 1993
(Ley 70 de 1993, agosto 27, por la cual se desarrolla el artículo
transitorio 55 de la Constitución Política (loi 70 du 27 août 1993 (août 27)
élaborant l'article transitoire 55 de la Constitution politique) reconnaissent et
garantissent les droits et les libertés fondamentales des communautés
autochtones (et afro-colombiennes), notamment le droit à la propriété
collective des terres et le droit de préserver leur identité naturelle.
Ley 70
de 1993 (agosto 27)
Por la cual se desarrolla el artículo transitorio 55 de la
Constitución Política
Art ículo
37
El
Estado debe adoptar medidas que permitan a las comunidades
negras conocer sus derechos y obligaciones, especialmente en lo
que atañe al trabajo, a las posibilidades económicas, a la
educación y la salud, a los servicios sociales y a los derechos
que surjan de la Constitución y las Leyes.
A
tal fin, se recurrirá, si fuere necesario, a traducciones
escritas y a la utilización de los medios de comunicación en las
lenguas de las comunidades negras. |
Loi 70 du 27 août
1993
Élaborant l'article transitoire 55 de la Constitution politique
Article 37
L'État doit
adopter des mesures permettant aux communautés noires de
connaître leurs droits et leurs obligations, particulièrement en
ce qui concerne le travail, les possibilités économiques,
l'éducation et la santé, les services sociaux et les droits qui
apparaissent dans la Constitution et les lois.
À cet effet, ci
cela est nécessaire, il faut recourir à des traductions écrites
et à l'utilisation des moyens de communication dans les langues
des communautés noires. |
C'est pourquoi, en date du 18 janvier 1995, le gouvernement colombien a pu
écrire ce qui suit dans un rapport présenté à la Mission permanente de
Colombie auprès des organisations internationales à Genève et adressée au
Centre pour les droits de l'homme:
En raison du grand changement institutionnel qu'a constitué pour le pays
l'adoption de la Constitution de 1991, non seulement le gouvernement a
actuellement pour politique et pour but de promouvoir la reconnaissance de
la diversité ethnique et culturelle, mais, en outre, il existe un ensemble
de normes qui appuient le processus de développement des communautés
noires du pays et qui condamnent, de ce fait, la discrimination raciale.
|
5.1
L'égalité juridique des droits autochtones
Ainsi, en vertu des dispositions de
l'article transitoire 56 de la Constitution de 1991, ont été adoptés les
décrets 1088 et 1809 de 1993, qui réglementent le droit des communautés
autochtones à se gouverner selon leurs propres us et coutumes, consacré par
l'article 330 de la Constitution nationale. Voici ce que prescrit l'article 330:
Artículo 330 De conformidad con la Constitución y las leyes, los
territorios indígenas estarán gobernados por concejos conformados y
reglamentados según los usos y costumbres de sus comunidades y
ejerceran las siguientes funciones:
a) Velar por la aplicación de las normas legales sobre usos
del suelo y poblamiento de sus territorios;
b) Diseñar las políticas y los planes y programas de
desarrollo económico y social dentro de su territorio, en armonía con
el Plan Nacional de Desarrollo;
c) Proveer las inversiones públicas en sus territorios y
velar por su debida ejecución;
d) Percibir y distribuir sus recursos;
e) Velar por la preservación de los recursos natuales;
f) Coordinar los programas y proyectos promovidos por las
diferentes comunidades en su territorio;
g) Colaborar con el mantenimiento del orden público dentro de
su territorio de acuerdo con las instrucciones y disposiciones del
Gobierno Nacional;
h) Representar a los territorios ante el Gobierno Nacional y
las demás entidades a las cuales se integren; |
Article 330 Conformément à la Constitution et
aux lois, les territoires autochtones sont gouvernés par des conseils
constitués et réglementés selon les us et coutumes des communautés
qu'ils représentent, qui exercent les fonctions suivantes :
a) Veiller à l'application des
dispositions normatives légales relatives à l'utilisation du sol et au
peuplement des territoires concernés;
b) Définir les politiques, ainsi que
les plans et programmes de développement économique et social pour
leur territoire, en harmonie avec le Plan national de développement;
c) Favoriser les investissements publics
sur leurs territoires et veiller à leur bonne utilisation;
d) Percevoir les revenus et répartir
les ressources;
e) Veiller à la préservation des
ressources naturelles;
f) Coordonner les programmes et les
projets mis en oeuvre par les différentes communautés sur leur
territoire;
g) Collaborer au maintien de l'ordre
public sur leur territoire, conformément aux instructions et aux
décisions du gouvernement national;
h) Représenter les territoires auprès
du gouvernement national, ainsi que des autres entités dont ils font
partie; |
Par ailleurs, l'article 246 de la
Constitution confère la personnalité juridique aux communautés autochtones
et l'article 171 prévoit l'institution d'une circonscription spéciale pour
l'élection de deux sénateurs pour les communautés autochtones, qui devront
être des personnes ayant exercé une autorité traditionnelle dans leur
communauté respective. Il s'agit là d'une tentative originale de la part de la
Colombie pour intégrer les autochtones dans la vie politique du pays.
Artículo 171
El Senado de la República estará
integrado por ochenta y tres
(83) senadores, elegidos de la
siguiente manera: setenta y ocho
(78) elegidos, en
circunscripción nacional, dos
(2) elegidos en circunscripción
nacional especial por
comunidades indígenas, y tres
(3) en circunscripción nacional
especial de minorías políticas.
[...]
Artículo 246.
Las autoridades de los pueblos indígenas podrán ejercer funciones jurisdiccionales dentro de su ámbito territorial, de conformidad con sus propias normas y procedimientos, siempre que no sean contrarios a la Constitución y leyes de la República. La ley establecerá las formas de coordinación de esta jurisdicción especial con el sistema judicial nacional.
|
Article 171
Le Sénat de la République est
composé de quatre-vingt-trois (83) sénateurs, choisis de la manière
suivante : soixante-dix-huit (78) choisis dans les circonscriptions
nationales, deux (2) choisis dans les circonscriptions nationale
particulières par les communautés indigènes, et trois (3) dans les
circonscriptions nationales spéciales par les minorités politiques.
[...]
Article 246
Les autorités des peuples indigènes peuvent exercer des fonctions
judiciaires dans leur domaine territorial, conformément à leurs
règles et procédures particulières, pourvu qu'elles ne soient pas
contraires à la Constitution et aux lois de la République. La loi
établit les formes de coordination de cette juridiction spéciale
avec le système judiciaire national. |
Malheureusement, cette égalité des
droits ne se traduit pas dans le vécu quotidien. En effet, la force d'inertie,
les résistances aux changements, les conflits d'intérêts, l'incompétence, voire
le népotisme de certains dirigeants colombiens, sans oublier les guerres civiles
et les puissances de
l'argent (surtout américaines) font que tous les instruments juridiques de protection restent
généralement lettre morte dans ce pays.
5.2
Les droits linguistiques et l'éducation
La législation linguistique colombienne relative aux
«Indigènes» ne touche qu'un seul domaine: l'éducation. Les langues de
l'éducation sont régies par la Constitution, ainsi que par la loi no 115 de 1994 sur l'éducation,
le décret no 1860 de 1994 par
lequel est réglementée partiellement, la loi 115 de 1994 dans ses aspects
pédagogiques et organisationnelles généraux et le décret no 804 au moyen duquel
sont réglementés les besoins éducatifs à l’endroit des groupes ethniques
(18 mai 1995).
Le paragraphe 3 de l'article
10 de la
Constitution proclame que l'enseignement donné dans les communautés
indigènes est bilingue:
Articulo 10
1) El castellano es el idioma oficial de Colombia.
2) Las lenguas y dialectos de los grupos étnicos son también oficiales en sus
territorios.
3)
La enseñanza que se imparta en la comunidades con tradiciones linguisticas
propias será bilingue.
|
Article 10 1)
Le castillan est la langue officielle de la Colombie.
2) Les langues et les dialectes des groupes ethniques sont aussi officiels
dans leurs territoires.
3)
L'enseignement donné dans les communautés qui ont leurs propres
traditions linguistiques sera bilingue.
|
Une
autre disposition constitutionnelle concerne les établissements
d'enseignement. Il s'agit de l'article 68, dont seul le paragraphe 6 apparaît
pertinent en ce qui concerne la langue:
Articulo 68 1)
El Estado garantiza las libertades de enseñanza,
aprendizaje, investigación y cátedra.
2) Los particulares podrán fundar establecimientos
educativos. La ley establecerá las condiciones para su creación y gestión.
3) La comunidad educativa participará en la dirección de las instituciones de educación.
4) La enseñanza estará a cargo de personas de reconocida idoneidad ética y pedagógica. La ley garantiza la profesionalización y la dignificación de la actividad
docente.
5) Los padres de familia tendrán derecho de escoger el tipo de educación para sus hijos
menores. En los establecimientos del Estado ninguna persona podrá ser obligada a recibir educación
religiosa.
6) Los integrantes de los grupos étnicos tendrán derecho a una formación que respete y desarrolle su identidad cultural.
7) La erradicación del analfabetismo y la educación de personas con limitaciones físicas o mentales, o con capacidades
excepcionales, son obligaciones especiales del Estado. |
Article 68
1) L'État garantit la liberté de
l' enseignement, de l'apprentissage, de la recherche et de la science.
2) Les particuliers pourront fonder des établissements éducatifs. La loi établira les conditions pour
leur création et leur gestion.
3) La communauté éducative prendra part à la direction des
établissements d'enseignement.
4) L'enseignement sera à charge de personnes d'aptitude morale et pédagogique reconnue. La loi garantit la professionnalisation et la
dignité de l'activité enseignante.
5) Les pères de famille auront droit de choisir le type d'éducation pour leurs
enfants mineurs. Dans les établissements de l'État, aucune personne ne pourra être obligée de recevoir une éducation religieuse.
6) Les membres des groupes ethniques auront droit à une formation qui respecte et développe
leur identité culturelle.
7) L'éradication de l'analphabétisme et l'éducation des personnes avec des
déficiences physiques ou
mentales ou avec des qualités exceptionnelles constituent des obligations spéciales
pour l'État. |
Le paragraphe 6 reconnaît que les «groupes
ethniques» ont le droit de recevoir «une formation qui respecte et développe
leur identité culturelle». Que signifie cette clause? Elle peut
donner lieu à diverses interprétations et elle n'implique pas nécessairement
la langue. Par exemple, suffit-il de parler durant quinze minutes du folklore wayú
(ou paez)
aux élèves pour assurer une formation qui
respecte l'identité culturelle? Le problème avec cette clause, c'est qu'elle
demeure une coquille vide, car elle n'oblige pas vraiment l'État à dispenser un
enseignement dans la langue maternelle de l'enfant. Nous y reviendrons plus loin
lorsque nous aborderons spécifiquement la question autochtone.
Le
décret no 804 de 1995 «réglementant
les besoins en éducation des groupes ethniques» officialise les
langues des groupes ethniques dans leurs territoires («oficializa las lenguas
de los grupos étnicos en sus territorios») et reconnaît le droit des groupes
ethniques ayant des traditions linguistiques particulières à une «éducation
bilingue» («una educación bilingüe»); elle institutionnalise aussi la
participation des communautés dans la direction et
l'administration de l'éducation. L'article 1 énonce des considérations
générales et affirme que l'éducation destinée à des groupes ethniques fait
une partie du «service éducatif public» et qu'il est soutenu par
l'État:
Article 1er
L'éducation destinée aux groupes ethniques fait
partie du service public éducatif et repose sur un engagement
d'élaboration collective, par lequel les différents membres de la communauté en général
échangent des savoirs et des expériences en vue de maintenir, de recréer et de
développer un projet global de vie en accord avec leur culture, leur langue,
leurs traditions et leurs juridictions autochtones et particulières. |
L'article 2 du décret 804 parle de «relation
harmonieuse et réciproque entre les hommes» («relación armónica y
recíproca entre los hombres») et que la «diversité linguistique» doit
être comprise comme «une façon de voir, concevoir et construire le
monde». Pour tout autre considération d'ordre linguistique, la loi
reste muette :
Article
2
a. Intégrité comprise comme la
conception globale que chaque peuple possède et qui permet une relation
harmonieuse et réciproque entre les hommes, leur réalité sociale et la nature ;
b. Diversité linguistique, entendue comme les façons de voir, de
concevoir et de construire le monde de la part des groupes ethniques, et qui
s'expriment par l'intermédiaire des langues, lesquelles font partie de la
réalité nationale à égalité de conditions ; |
Comme nous venons de le voir, la
loi 115 de 1994 (Ley
115 de 1994 por la cual se expide la Ley General de Educación) définit les normes
particulières à propos de la langue d'enseignement. Conformément à la
législation, le ministère de l'Éducation a mis au point un «Programme
national d'ethno-éducation» qui définit le cadre dans lequel doivent être
enseignées les langues et cultures des différents groupes ethniques dans les
territoires où ils vivent. L'article 21 précise
que les langues indigènes peuvent être aussi enseignées dans les écoles
primaires, c'est-à-dire en plus du castillan:
Article 21
Les cinq premières années de l'éducation de base, qui constituent le cycle du primaire,
auront comme objectifs spécifiques ce qui suit:
[... ]
c)
Le développement
des habilités de communication de base pour lire, comprendre, écrire,
écouter, parler et s’exprimer correctement en langue castillane, et
également dans la langue maternelle dans le cas des groupes ethniques
avec une tradition linguistique, ainsi que
la promotion du goût pour la lecture; |
L'article 55 de la loi no 115 définit un terme courant dans plusieurs pays d'Amérique
latine: l'ethno-éducation:
Article 55
Définition de l'ethno-éducation
L’éducation à l’intention
des groupes ethniques signifie que celle-ci est offerte à des groupes
ou à des communautés qui font partie de la nation et possèdent une
culture, une langue, des traditions et des juridictions autonomes
propres.
Cette éducation doit être
rattachée au milieu ambiant, au processus productif, social et culturel
dans le respect nécessaire des croyances et des traditions.
|
Cet article exclut donc les communautés immigrantes qui
voudraient que leurs enfants reçoivent, dans les écoles publiques, une
instruction dans leur langue maternelle. Rien n'empêche les parents d'envoyer
leurs enfants dans les écoles privées où la langue d'enseignement pourrait
être, par exemple, l'anglais. L'article 57 précise bien, à l'exemple de la
Constitution, que l'enseignement dans la langue maternelle autochtone devra
être bilingue:
Artículo 57
Lengua materna
En sus respectivos territorios, la enseñanza de los grupos
étnicos con tradición lingüística propia será bilingüe, tomando como
fundamento escolar la lengua materna del respectivo grupo, sin detrimento de lo
dispuesto en el literal c. del artículo 21 de la presente ley. |
Article 57
Langue maternelle Dans ses territoires respectifs, l'enseignement
destiné aux
groupes ethniques avec une tradition linguistique propre doit être bilingue, en
prenant comme fondement scolaire la langue maternelle du groupe
respectif, sans préjudice des dispositions du paragraphe c de l'article 21 de la présente loi.
|
Cette éducation bilingue n'est obligatoire que
pour les seuls
indigènes, les autres Colombiens n'ont aucune obligation à cet égard. Lorsque
le gouvernement colombien parle de l'ethno-éducation, il fait référence à un
apprentissage intégrateur ou acculturant destiné à permettre le bilinguisme
sur une base strictement temporaire. En ce sens, l'éducation bilingue vise
moins à sauvegarder la langue maternelle des indigènes qu'à assurer leur
passage vers la langue officielle... et les y maintenir. En vertu de cette méthode, l'élève est alphabétisé dans sa
langue maternelle et apprend progressivement l'espagnol. À la fin de ses
études primaires, il devrait, en principe, être fonctionnel en espagnol et
poursuivre dans cette seule langue le reste de ses études. C'est exactement
la technique pédagogique américaine appliquée aux... hispanophones afin qu'ils
apprennent plus facilement l'anglais.
Enfin, l'article 62 de la
loi no 115 portant sur les
éducateurs mentionne que les «autorités compétentes», de concert avec les
groupes ethniques, choisiront des éducateurs qui oeuvrent préférablement dans
leurs territoires.
Article 62 Les autorités
compétentes, en collaboration avec les groupes ethniques, choisissent des
éducateurs qui œuvrent de préférence dans leurs territoires parmi les
membres des communautés dernièrement établies. Ces éducateurs devront
avoir reçu une formation en ethno-éducation, posséder des connaissances
de base relatives au groupe ethnique respectif, notamment de sa langue
maternelle, en plus du castillan.
Les affinités, l'administration et la
formation des enseignants à l'intention des groupes ethniques doivent
être
effectuées conformément au statut d'enseignant et aux normes
particulières en vigueur et applicables à ces groupes.
Le ministère de l'Éducation nationale,
conjointement avec les organismes territoriaux et en collaboration avec
les autorités et les organismes des groupes ethniques, doit prévoir
des programmes spéciaux pour la formation et la professionnalisation des
ethno-éducateurs ou adapter les programmes déjà existants, afin de
satisfaire aux dispositions de la présente loi et de la loi 60 de 1993. |
Le problème, c'est que cette disposition de la loi demeure
plus un vœu pieux qu'une obligation, car il existe en Colombie une grave
pénurie d'enseignants bilingues. Dans les régions où est dispensé l'enseignement
bilingue, la plupart des enseignants sont généralement hispanophones et
unilingues, sans compter que les manuels adaptés en langue indigène font
cruellement défaut.
En matière d'éducation supérieure,
plusieurs universités publiques ont adopté des programmes d'accès
préférentiels (discrimination positive) pour les étudiants provenant des
communautés autochtones. Cela a permis d'inscrire 176 étudiants indigènes à
l'Université nationale de Bogotá. Par ailleurs, les instituts d'enseignement
supérieur comme le Centro Colombiano de Estudios de Lenguas Aborigines de
l'Université des Andes, l'Université de l'Amazonie et les universités des
départements du Cauca et d'Antioquia qui ont conçu des programmes spécifiques
consacrés aux langues et à la culture des populations autochtones. Mais il n'y
a à peu près pas d'élèves, car 176 étudiants à l'Université nationale de
Bogotá sur un total de 25 000, cela ne représente que 0,70 % de l'effectif. De
toute façon, ils étudient en espagnol.
5.3 La loi pour la
protection des langues indigènes de 2010
Le 25 janvier 2010, le Parlement
colombien a adopté la loi no 1381 de
2010 pour la protection des langues indigènes (Ley 1381 de 2010, para la
Protección de Lenguas Nativas). Cette
loi, une initiative du ministère colombien de la Culture,
est destinée à garantir la préservation et l'emploi de 68 langues indigènes
du pays, représentant plus de 850 000 Colombiens, soit 65 langues
indigènes, deux langues d'ascendance africaine (le créole et le palenquera)
et le tsigane des Gitans.
En
principe, la loi de 2010 devrait garantir la possibilité de maintenir des
mesures prolongées dans des programmes mis en œuvre aux niveaux national,
régional et local en ce qui a trait à la conservation, la préservation et la
diffusion des langues indigènes, car elles font partie du patrimoine
culturel de la Colombie. En synthèse, la loi reconnaît le droit qu'ont tous
les Colombiens parlant des langues indigènes de les employer, à côté du
castillan, dans leurs activités et communications avec l'administration
publique nationale, régionale ou locale, y compris dans les domaines de
l'éducation et la santé. La loi garantit l'emploi des langues indigènes à
titre officiel dans l'identification des prénoms et noms de famille, tout
comme l'utilisation des noms traditionnels des lieux géographiques.
Dorénavant, les membres des communautés indigènes pourront bénéficier d'un
service de traduction afin de pouvoir communiquer avec l'administration
publique, la justice et les services de santé. De plus, la loi de 2010
encourage la présence des langues indigènes en éducation. Les enseignants
qui parlent ces langues devront recevoir une formation afin de garantir de
façon permanente l'emploi des langues indigènes pour les nouvelles
générations. L'État colombien encouragera la production et l'émission de
programmes en langues indigènes dans les différents moyens technologiques
d'information et de communication en tant que stratégie pour la sauvegarde
des langues indigènes. De la même façon, l'accès aux nouveaux moyens technologiques et de
communication sera facilitée pour les locuteurs des langues
indigènes en utilisant des documents dans ces langues et en
favorisant la création de portails Internet pour cet usage.
L'État colombien doit aussi promouvoir la production et l'émission de
programmes dans les langues indigènes dans les différents moyens
technologiques d'information et de communication. La législation fixe au 21
février de chaque année la Journée nationale des langues indigènes et
prévoit des mesures pour favoriser la publication de documents dans les
langues indigènes.
C'est le ministère de la Culture, grâce à son Programme pour
la protection de la diversité ethnolinguistique (Programa para la
Protección a la Diversidad Etnolinguística ou PPDE), est chargé de
coordonner avec les autres organismes de l'État, les mesures destinées à la
préservation et la conservation des langues. Sur papier, la loi de 2010 est
l'une des plus ambitieuses de toute l'Amérique latine. Cependant, cette
législation est significative, car elle reconnaît un rôle prépondérant aux
autochtones qui, dans le passé, durant deux cents ans d'histoire, ont été
dans l'obligation de recourir à l'espagnol pour obtenir des services de la
part de l'État. Il reste à voir comment cette loi va être appliquée, car
préserver 68 langues suppose des difficultés réelles.
5.4 Les lacunes du
système
Le système scolaire actuel ne répond
pas vraiment aux besoins linguistiques des autochtones, parce que ce sont des programmes
«nationaux» qui
n’intègrent aucun élément de la culture indigène. En pratique, et
malgré l'obligation constitutionnelle pour l'État de promouvoir le développement des cultures
autochtones et de respecter le développement des groupes ethniques, cette
fameuse «éducation bilingue» se limite à celle dispensée dans le département du Cauca dans
le sud du pays. Les experts parlent en ce cas de «bilinguisme soustractif»,
parce que les enfants sont dans l'obligation d'apprendre la langue seconde
(l'espagnol), alors que leur langue maternelle est dévalorisée, que ce soit à
l'école, au travail, les médias, etc. Au contraire, le bilinguisme additif
serait celui qui entraînerait est une perception positive des deux langues
apprises, la langue maternelle comme la langue seconde. Ce n'est pas un
hasard si certaines communautés refusent même de recevoir cet enseignement
bilingue qu'ils estiment inutile, l'espagnol suffisant amplement.
Quoi qu'il en soit, la plupart des écoles situées dans les
territoires indigènes dispensent normalement l’enseignement uniquement en
espagnol, car l’enseignement en langue amérindienne demeure marginal
(seulement au primaire) et peu fréquente pour presque toutes les ethnies. Il faut dire
que les autochtones sont dispersés sur un
territoire immense et qu'ils sont presque dépourvus d'infrastructures, et ce,
bien que la Colombie ait entrepris une certaine décentralisation incluant des transferts de fonds
qui sont souvent
contrôlés par les populations indigènes.
Il existe quelques rares exceptions. Par exemple, les Paeces (118 800 locuteurs) et les Guambianos
(9000 locuteurs) du département du
Cauca se
sont organisés depuis le début des années soixante-dix et ont constitué le
CRIC, le Consejo Regional Indígena del Cauca (Conseil régional des
Indigènes du Cauca), ce qui permet de dispenser un
enseignement en langue amérindienne avec l'aide de la Survival International
France.
Selon la Subdirección de análisis y
desarrollo de la información y educació («la sous-direction en analyse et
développement de l'information et de l'éducation»), les indicateurs
socio-économiques relatifs aux populations autochtones révèlent que 45 % ne
savent pas lire, alors que la moyenne nationale est estimée à 11 %. Le
pourcentage d'enfants indigènes fréquentant l'école primaire est de 11,3 %,
alors qu'il est de 85 % au plan national. Au sujet de l'éducation secondaire,
1,25 % seulement d'autochtones accèdent à ce niveau (contre 50 % à l'échelle
nationale). Ce sombre tableau illustre l'échec de l'éducation bilingue destinée
aux indigènes.
Par ailleurs, à la suite d'un arrêt de la
Cour constitutionnelle de Bogotá en avril 2009, le service militaire en Colombie
n'est pas obligatoire pour les indigènes, qui peuvent décider de manière
volontaire s'ils veulent faire partie ou non des forces armées. Le plus haut
tribunal du pays a même ordonné au ministère de la Défense et à l'armée
nationale de faire une campagne d'information pour que les indigènes sachent
qu'ils ne sont pas obligés de faire leur militaire, et ce, afin de respecter
l'autonomie des communautés indigènes.
6
La
Convention relative aux peuples indigènes et tribaux
Le gouvernement de la Colombie a signé
la Convention relative aux peuples
indigènes (ou Convención sobre pueblos indígenas y tribales) de l’Organisation internationale du travail (OIT); le
Parlement l’a ratifiée le 7 août 1991.
Ce document d’une grande importante implique 14 États, dont en Amérique
centrale le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et l’Équateur.
La Convention reconnaît aux peuples
indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans
entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention
doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces
peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des
moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le
reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à
la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes
administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des
programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux
populations concernées le droit de contrôler leur développement économique,
social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes
et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la
Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour
assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en
ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements
doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute
discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.
La partie VI de la Convention est
consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26
est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur
instruction à tous les niveaux:
Artículo 26
Deberán adoptarse medidas para garantizar a los miembros de los pueblos
interesados la posibilidad de adquirir una educación a todos los niveles,
por lo menos en pie de igualdad con el resto de la comunidad nacional. |
Article 26
Des
mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés
la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au
moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté
nationale. |
Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de
ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que
des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin.
Artículo 27
1. Los programas y los servicios de educación destinados a los
pueblos interesados deberán desarrollarse y aplicarse en cooperación con
éstos a fin de responder a sus necesidades particulares, y deberán
abarcar su historia, sus conocimientos y técnicas, sus sistemas de
valores y todas sus demás aspiraciones sociales, económicas y
culturales.
2. La autoridad competente deberá asegurar la formación de
miembros de estos pueblos y su participación en la formulación y
ejecución de programas de educación, con miras a transferir
progresivamente a dichos pueblos la responsabilidad de la realización de
esos programas, cuando haya lugar.
3. Además, los gobiernos deberán reconocer el derecho de esos
pueblos a crear sus propias instituciones y medios de educación, siempre
que tales instituciones satisfagan las normas mínimas establecidas por
la autoridad competente en consulta con esos pueblos. Deberán
facilitárseles recursos apropiados con tal fin. |
Article 27
1. Les programmes et les services d'éducation pour les peuples intéressés doivent être développés et mis en
œuvre en coopération avec ceux-ci pour répondre à leurs besoins particuliers et doivent couvrir leur histoire, leurs connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et leurs autres aspirations sociales, économiques et culturelles.
2. L'autorité compétente doit faire en sorte que la formation des membres des peuples intéressés et leur participation à la formulation et à l'exécution des programmes d'éducation soient assurées afin que la responsabilité de la conduite desdits programmes puisse être progressivement transférée à ces peuples s'il y a lieu.
3. De plus, les gouvernements doivent reconnaître le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation, à condition que ces institutions répondent aux normes minimales établies par l'autorité compétente en consultation avec ces peuples. Des ressources appropriées doivent leur être fournies à cette fin. |
C’est l’article 28
de la Convention, qui semble le plus important en cette
matière:
Artículo 28
1. Siempre que sea viable, deberá enseñarse a los niños de los
pueblos interesados a leer y a escribir en su propia lengua indígena o en
la lengua que más comúnmente se hable en el grupo a que pertenezcan.
Cuando ello no sea viable, las autoridades competentes deberán celebrar
consultas con esos pueblos con miras a la adopción de medidas que
permitan alcanzar este objetivo.
2. Deberán tomarse medidas adecuadas para asegurar que esos
pueblos tengan la oportunidad de llegar a dominar la lengua nacional o
una de las lenguas oficiales del país.
3. Deberán adoptarse disposiciones para preservar las lenguas
indígenas de los pueblos interesados y promover el desarrollo y la
práctica de las mismas. |
Article 28
1. Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.
2. Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.
3. Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique. |
Les États appuieront l'élaboration de programmes
scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront
les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application.
Quant à l’article 31 de la
Convention, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent
être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et
particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les
peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à
l'égard de ces peuples».
Artículo 31
Deberán adoptarse medidas de carácter educativo en todos los sectores de
la comunidad nacional, y especialmente en los que estén en contacto más
directo con los pueblos interesados, con objeto de eliminar los
prejuicios que pudieran tener con respecto a esos pueblos. A tal fin,
deberán hacerse esfuerzos por asegurar que los libros de historia y
demás material didáctico ofrezcan una descripción equitativa, exacta e
instructiva de las sociedades y culturas de los pueblos interesados. |
Article 31
Des mesures à caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés.
|
Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts
doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels
pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des
sociétés et cultures des peuples intéressés».
Comme il se doit, les États signataires de la
Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer
l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce
qui concerne l'éducation, la langue et la culture. Dans le cas de la
Colombie, la Convention n'a jamais été appliquée. Le rapport de l’ONU
présenté à la Commission des droits de l'homme, le 13 janvier 1997,
révèle que la Colombie vit, depuis la colonisation, la discrimination
raciale de manière persistante, structurelle et économique par la domination
des Blancs sur les Amérindiens et les Afro-Colombiens, le système étant
perpétué par l'éducation, les médias, l'économie, les relations
interpersonnelles, etc. En Colombie, la discrimination raciale semble quasi
naturelle, inconsciente, omniprésente à la radio, à la télévision et dans
les médias écrits.
En ce qui a trait à la langue espagnole, la Colombie a adopté
une législation dans le
but de freiner apparemment la dominance de l'anglais, seule langue vraiment menaçante
pour l'espagnol. Le domaine de l'affichage constitue sans nul doute le
secteur visible par excellence. Les différents gouvernements en place ont
toujours désiré ainsi lancer
un signal non équivoque tant à la population colombienne
qu'aux firmes étrangères, surtout américaines. La législation de ce pays
poursuit des objectifs symboliques légitimes pour valoriser l'espagnol, même si les
pratiques réelles peuvent parfois laisser à désirer. Il n'en demeure pas moins que la politique
relative à l'affichage a le mérite d'être très certainement une approche
originale dans toute l'Amérique latine. Si l'on fait exception du Mexique où une politique
similaire existe (mais à peu près pas appliquée), la Colombie demeure un modèle
digne de mention.
Par ailleurs, la politique linguistique à
l'égard des langues amérindiennes se révèlent éminemment sectorielle dans la mesure où
elle se limite à la langue
d'enseignement au primaire, plus particulièrement au sujet de «l'éducation
bilingue». Il s'agit d'une politique relativement théorique, car son
application laisse grandement à désirer. Quand on connaît l'histoire de la
Colombie à l'endroit de ses autochtones, on ne peut pas être surpris de la
piètre performance à ce chapitre. On ne se remet pas de quelques siècles de
répression et d'une suite ininterrompue de guerres civiles en quelques années. Les accusations
d'incompétence, de corruption et de népotisme mettant en cause la plupart des
gouvernements colombiens ne sont probablement pas étrangers à cette malheureuse situation. Pour le
moment, ni la Constitution ni les lois ni les traités internationaux ne sont
appliqués intégralement.
Comme ailleurs dans certains pays de
l'Amérique latine, ce piètre résultat nous
amène à croire que le merveilleux monde de la politique, des luttes d'intérêts,
de la résistance aux changements et des négociations-bidons est bien complexe
et que, pour être réaliste, ce n'est pas pour demain que le problème autochtone sera résolu
dans ce pays. Néanmoins,
il est plausible de croire à une amélioration dans ce domaine au cours des
prochaines décennies. La politique linguistique à l'égard de l'espagnol ne cause
pas de problème, car si l'on fait exception du seul domaine de l'affichage la
langue officielle n'est pas en danger dans ce pays.
Dernière mise à jour:
03 janv. 2024
GAUTHIER, François, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et
constitutions, Montréal/Paris, Office de la langue française / Conseil
international de la langue française, 1993, 131 p.
GRIN, François. 1994. «Combining immigrant and autochtonous
language rights : a territorial approach to multilingualism» dans Linguistic
Human Rights. Overcoming Linguistic Discrimination, 1994, Éditions T.
Skutnabb-Kangas & R. Phillipson, p. 31-48.
LANDABURU, Jon. «Historia de la traducción de la
Constitución de Colombia a siete lenguas indígenas (1992-1994)», dans
Amerindia, no 22, Centro Colombiano de Estudios de Lenguas Aborígenes de la
Universidad de los Andes, Bogotá, 1997.
LANDABURU, Jon. «Clasificación de las lenguas indígenas de Colombia », Bogotá,
Centro Colombiano des estudios de Lenguas Aborígenes, Universidad de los Andes,
2006.
LANDABURU, Jon. «La situación de las lenguas
indígenasde Colombia : prolegómenos para una política lingüística viable» dans
Amérique latine Histoire et Mémoire, numéro 10-2004 , «Identités :
positionnements des groupes indiens en Amérique latine», Les Cahiers ALHIM,
2006.
LECLERC, Jacques et Jacques MAURAIS. Recueil des législations l inguistiques dans le monde, tome VI: «Colombie, États-Unis, Mexique,
Porto Rico, Traités internationaux», CIRAL, Québec, Les Presses de
l'Université Laval, 216 p.
LEMOINE, Maurice. «En Colombie: une nation deux États»
dans Le Monde diplomatique, Paris, mai 2000, p. 18-19.
LEMOINE, Maurice. «Plan Colombie, passeport pour la guerre»
dans Le Monde diplomatique, Paris, août 2000, p. 18-19.
MINISTÈRE DE LA CULTURE. «Las lenguas en Colombia»,
Dirección de Etnocultura y Fomento, Bogotá, Colombie (2006).
MUÑIZ-ARGÜELLES, Luis. «Les politiques linguistiques des
pays latino-américains», Colloque international La diversité culturelle et
les politiques linguistiques dans le monde, Québec, Commission des états généraux
sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 24 et 25 mars
2001
ONU. Mise en oeuvre du programme d'action pour la
troisième décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale,
Genève, Commission des droits de l'homme, 53e session,
E/CN.4/1997/71/Add.1, 13 janvier 1997.
UNESCO-ETXEA. «La situación de las lenguas indígenas
de Colombia: prolegómenos para una política lingüística viable» dans Actes
du séminaire international UNESCO-LINGUAPAX sur les politiques linguistiques
dans le monde (Bilbao,1996), Bilbao, 1997, p. 299-314.
YACOUB, Joseph. «Amérique du Sud tropicale»
dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p.
793-813.
|