République serbe

Serbie

4) La politique linguistique
à l'égard des minorités nationales
en Serbie centrale

1 Les groupes ethniques de la Serbie centrale
1.1 Les Serbes, ethnie majoritaire
1.2 Les minorités nationales

2 Les langues d'usage officiel
2.1 Définition de la notion de «minorité nationale»
2.2 L'usage co-officiel des langues minoritaires
2.3 La municipalité comme unité territoriale de base
2.4 Les Bulgares de la région montagneuse de Pirot
2.5 Les Albanais de la vallée de Preševo
2.6 Les Bosniaques de la région du Sandjak
2.7 Des droits linguistiques appliqués seulement à neuf minorités
2.8 L'exception de la Voïvodine

3 Les droits fondamentaux
3.1 La non-discrimination
3.2 Les droits individuels et collectifs «supplémentaires»
3.3 Les conseils des minorités
3.4 Les langues minoritaires d'usage officiel

4 L'Assemblée nationale et la représentation
4.1 Les représentants des minorités
4.2 Les partis politiques et les minorités
4.3 La publication des lois et règlements

5 Langues et traduction en matière de justice
5.1 Les langues employées
5.2 L'accès à la procédure par la traduction
5.3 La langue des juges
5.4 Des droits linguistiques variables
5.5 Les procès d'instance supérieure
5.6 Les notaires publics

6 Les droits linguistiques dans les organismes administratifs
6.1 La législation sur les droits des minorités nationales
6.2 L'application variable des droits
6.3 Les droits ajustés en fonction des minorités

7 Les droits scolaires
7.1 Les textes juridiques fondamentaux
7.2 L'enseignement préscolaire
7.3 L'enseignement primaire
7.4 L'enseignement secondaire
7.5 Les manuels scolaires
7.6 L'enseignement supérieur

8 Les médias et les langues minoritaires
8.1 La protection générale
8.2 Les médias écrits
8.3 Les médias électroniques
8.4 L'application de la législation

1 Les groupes ethniques de la Serbie centrale

Le tableau qui suit présente la répartition des groupes ethniques en Serbie centrale, selon le recensement de 2011, par rapport à l'ensemble de la Serbie incluant la Voïvodine (1,9 million d'habitants). Dans cet ensemble, les minorités de la Voïvodine ne sont pas comptabilités, car un article spécifique est consacré pour la province autonome (voir l'article «Voïvodine»).  

1.1 Les Serbes, ethnie majoritaire

En Serbie centrale, les Serbes comptent pour 89,4 % de la population, contre 10,6%, pour les minorités nationales, soit 41 730 personnes.

Rang Groupe ethnique
recensement 2011
Serbie complète % Serbie
centrale
%
1

Serbe

5,988,150

83,32 % 4,698,515

89,40 %

2

Hongrois

253,899

3,53 % 2,763

0,05 %

3

Rom/Tsigane

147,604 2,05 % 105,213

2,00 %

4

Bosniaque

145,278 2,02 % 144,498

2,75 %

5

Croate

57,900

0,81 % 10,867

0,21 %

6

Slovaque

52,750

0,73 % 2,429

0,04 %

7

Monténégrin

38,527

0,53 % 16,386

0,31 %

8

Valaque

35,330

0,49 % 35,160

0,67 %

9

Roumain

29,332

0,41 % 2,922

0,05 %

10

Macédonien

22,755

0,32 % 12,363

0,23 %

11

Bulgare

18,543

0,26 % 17,054

0,32 %

12

Bunjevac

16,706

0,23 % 237

0,00 %

13

Ruthène

14,246

0,20 % 318

0,00 %

14

Albanais

5,809

0,08 % 3,558

0,06 %

15

Ukrainien

4,903

0,07 % 701

0,01 %

16

Allemand

4,064

0,06 % 792

0,01 %

17

Slovène

4,033

0,06 % 2,218

0,04 %

18

Russe

3,247

0,04 % 2,074

0,04 %

  Total

7 186 862

  5 255 053  

Le tableau ci-contre (recensement de 2011) montre que les Serbes sont manifestement l'ethnie majoritaire à la fois en Serbie centrale (89,40 %) et dans la province de Voïvodine où ils constituent 66,7 % de la population. De plus, ils sont répartis sur tout le territoire, à l'exception de quelques régions ou municipalités où ils peuvent être minoritaires.

1.2 Les minorités nationales

Si les Hongrois, les Roms et les Bosniaques sont les minorités les plus nombreuses dans l'ensemble de la Serbie, y compris la Voïvodine, les minorités numériquement les plus importantes en Serbie centrale sont les suivantes:

- les Bosniaques du Sandjak : 144 498 (2,75%);
- les Roms : 105  213 (2,0%);
- les Valaques : 35 160 (0,67%);
- les Bulgares : 17 054 (0,32%);
- les Monténégrins : 16 386 (0,31%);
- les Macédoniens : 12 363 (0,23 %).

Évidemment, parmi les 17 minorités mentionnées dans ce tableau, la plupart ne forment que de toutes petites minorités. Il faut néanmoins se rendre compte que si certaines d'entre elles sont fortement concentrées dans une agglomération ou une municipalité, elles peuvent avoir davantage de poids politique. C'est effectivement le cas pour les Bosniaques, les Bulgares et les Albanais.  

En effet, les Bosniaques forment une majorité dans la région du Sandjak; d'ailleurs, le bosniaque est d'usage officiel dans quatre municipalités (Tutin, Novi Pazar, Sjenica et Prijepolje) sur six.

Quant aux Albanais, ils vivent dans la vallée de Preševo qui est située dans le sud de la Serbie, mais il y en a également à Belgrade. Cette région est est habitée par des Albanais de souche, qui sont les peuples autochtones de ces terres. La région inclut les municipalités de Bujanovac, de Medveđa et de Preševo, qui sont toutes trois frontalières du Kosovo (districts de Jablanica et de Pčinja).

Les Bulgares sont installés dans quelques municipalités situées dans les districts de Pčinja et de Pirot, régions frontalières de la Bulgarie. Les Bulgares sont particulièrement nombreux dans les municipalités de Bosilegrad et de Dimitrovgrad où ils sont majoritaires, mais il y en a aussi à Surdulica et à Babusnica. Habitant une région de hautes montagnes, les Bulgares ont toujours vécu isolés du reste de la Serbie et ils sont davantage tournés vers Sofia (Bulgarie) plutôt que vers Belgrade, ce qui leur a permis de conserver leur identité.

Les Valaques (ou Aroumains) sont concentrés surtout dans la région du sud et de l'est de la Serbie centrale, où ils représentent plus de 90% de leur effectif total sur le territoire de la république de Serbie, incluant la Voïvodine. La plupart résident dans le district de Bor et le district de Braničevo, mais d'autres habitent dans le district de Zaječar (5,2%). Ce sont les municipalités suivantes où l'on trouve le plus de Valaques: Bor, Petrovac na Mlavi, Kučevo, Negotin, Boljevac, Žagubica et Majdanpek.

Pour les autres minorités dispersées dans plusieurs agglomérations, leur faible nombre risque de les marginaliser, sauf s'ils habitent dans des villages où leur proportion peut les aider à augmenter leur statut.

2 Les langues d'usage officiel

Le statut officiel des langues en Serbie est complexe. Il faut distinguer le statut de la langue serbe qui est celle de l'État, et le statut des langues locales co-officielles ou, selon l'expression consacrée, «d'usage officiel» dans les municipalités. L'article 10 de la Constitution de la Serbie (2006) énonce que «le serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la république de Serbie», mais que «l'emploi officiel des autres langues et alphabets est réglementé par la loi»:

Article 10

Langue et alphabet

1)
Le serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la république de Serbie.

2)
L'emploi officiel des autres langues et alphabets est réglementé par la loi
, sur la base de la Constitution.

L'article 1er de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets (1991-2018) est plus précis en ajoutant que les langues et les alphabets des minorités nationales sont d'usage officiel, en même temps que la langue serbe, selon les modalités prescrites par la loi :

Article 1er

1)
En République de Serbie, la langue serbe est d'usage officiel.

2) En République de Serbie, l’alphabet cyrillique est d’usage officiel ainsi que l’alphabet latin selon les modalités prescrites par la présente loi.

3) Dans les régions de la république de Serbie où résident des membres des minorités nationales,
les langues et les alphabets des minorités nationales sont d'usage officiel, en même temps que la langue serbe, selon les modalités prescrites
par la présente loi.

Il existe donc en Serbie d'autres langues officielles en plus du serbe, là où résident des membres des minorités nationales. Cependant, la loi pose des conditions pour ce faire, comme nous le verrons plus loin.

2.1 Définition de la notion de «minorité nationale»

Dans la plupart des pays d'Europe, l’expression «minorité nationale» est souvent employée comme terme générique pour désigner des minorités religieuses, linguistiques, ethniques et culturelles. Si cette notion est inexistante en Amérique, elle apparaît dans de nombreux textes juridiques en Europe et notamment dans les documents du Conseil de l’Europe, ainsi que dans les documents de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Tous ces organismes, tant nationaux qu'internationaux, ne disposent pas de définition uniforme du terme «minorité nationale». Dans sa recommandation n° 1201 relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme sur les droits des minorités nationales, le Conseil de l’Europe définit comme membres d’une minorité nationale les individus qui possèdent les caractéristiques suivantes:

a. ils résident sur le territoire national d’un État dont ils possèdent également la citoyenneté;
b. ils entretiennent des liens anciens, durables et solides avec cet État;
c. ils présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques particulières;
d. ils sont en nombre suffisant, tout en étant moins nombreux que le reste de la population de cet État ou d’une région de cet État;
e. ils sont déterminés à préserver les caractéristiques formant leur identité, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue.

Pour la Serbie, c'est l'article 2 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) qui donne la définition suivante de l'expression «minorité nationale», définition qui concorde avec celle du Conseil de l'Europe:

Article 2

Définition d'une minorité nationale

1) Aux fins de la présente loi, une minorité nationale consiste en tout
groupe de citoyens de la république de Serbie, qui est suffisamment représentatif en nombre et, bien qu'il représente une minorité sur le territoire de la république de Serbie, il appartient à l'un des groupes de résidants ayant des liens étroits et durables avec le territoire de la république de Serbie et possédant des caractéristiques telles que la langue, la culture, l'appartenance nationale ou ethnique, la nationalité ou la religion,  ce qui les différencie de la majorité de la population et dont les membres se distinguent par le souci de maintenir collectivement leur identité commune, y compris leur culture, leur tradition, leur langue ou leur religion.
(2018)

2)
Aux fins de la présente loi, les minorités nationales sont considérées comme tous les groupes de citoyens nommés ou désignés en tant que peuples, communautés nationales et ethniques, groupes nationaux et ethniques, nationalités et ethnicités, et qui remplissent les conditions visées au paragraphe 1 du présent article.  

2.2 L'usage co-officiel des langues minoritaires

En vertu de l'article 1er de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets, il existe d'autres langues officielles en plus du serbe. Celles-ci doivent satisfaire à certaines conditions. En plus de la langue serbe, la langue de la minorité nationale peut donc acquérir un statut officiel en respectant des critères légalement prescrits:

(1) le critère territorial ; tel que mentionné à l'article 79 de la Constitution, c'est là où les membres d'une minorité nationale résident dans une région ou une localité donnée; 

(2) le critère numérique: il exige une concentration importante de la population minoritaire;

(3) le critère temporel: le fait d'habiter un certain territoire devrait avoir ces caractéristiques qui peuvent être qualifiées de vie traditionnelle, ce qui implique qu'on fait référence à un lieu depuis une période de temps assez long.

Toutefois, le respect de ces critères ne signifie pas l'introduction obligatoire du statut officiel d'une langue nationale minoritaire. Ce n'est qu'une possibilité légale qui ne peut être effective que dans le cadre de l'autonomie locale. De plus, le statut d'usage officiel est obligatoirement lié à l'autonomie locale.  

2.3 La municipalité comme unité territoriale de base

Rappelons que la Serbie comprend 17 districts en Serbie centrale, 117 municipalités (opštine en serbe latin), dont huit en Voïvodine, et en 23 villes (gradovi en serbe latin) ainsi que Belgrade, la capitale nationale. La ville (grad) est une unité territoriale établie par la Loi sur l'organisation territoriale ("Zakon o teritorijalnoj organizaciji"). C'est un centre administratif, économique, géographique et culturel d'un territoire plus large, qui abrite une population de plus de 100 000 habitants, mais parfois un peu moins de façon exceptionnelle. Le territoire d'une ville est constitué d'une municipalité intra muros (du même nom que son centre administratif) et de localités ou de villages situés à proximité. Autrement dit, la ville peut être divisée en plusieurs localités, voire en plusieurs «municipalités urbaines» comme c'est le cas à Belgrade, à Novi Sad, à Niš, à Kragujevac et à Požarevac. Pour le reste, cette ville fonctionne de manière tout à fait semblable à une municipalité.

En général, c'est la municipalité (opština) qui constitue l'unité territoriale de base dans laquelle se réalise l'autonomie locale, voire la co-officialité des langues minoritaires. Toute municipalité doit compter un minimum de 10 000 habitants sur son territoire, bien qu'exceptionnellement elle peut être admissible à ce titre pour des raisons de nature économique, géographique ou historique. Dans la plupart des cas, le territoire de la municipalité est composé de plusieurs localités ou de villages situés aux alentours.

- Un statut conditionnel

Pour qu'une municipalité adopte une langue minoritaire «d'usage officiel» en plus du serbe, il faut, selon l'article 98 de la Loi sur l'autonomie locale (2007-2018), que les membres d'une minorité nationale représentent plus de 5% de la population totale ou que toutes les minorités nationales représentent plus de 10% de la population totale selon le dernier recensement de la République. Cependant, le statut d'une langue co-officielle n'est ni obligatoire ni automatique, car ce n'est qu'une possibilité légale et juridique de la part d'une municipalité.

Dans les faits, compte tenu des critères d'admissibilité,  seules 11 municipalités sur un total de 117 ont accordé le statut de co-officialité à des langues minoritaires. Ces municipalités sont les suivantes: Bujanovac, Preševo, Bosilegrad, Medveđa, Dimitrovgrad, Sjenica, Prijepolje, Priboj, Nova Varoš, Tutin et Novi Pazar. Ces municipalités sont situées dans cinq districts (Zlatibor, Raška, Jablanica, Pčinja et Pirot).

Il faut comprendre que chacune de ces municipalités fait partie d'un district dans lequel il peut exister plusieurs autres municipalités. Si l'on consulte le tableau ci-dessous, on se rend compte, par exemple, que la municipalité de Dimitrovgrad fait partie du district de Pirot (92 300 habitants) et comprend au moins 12 nationalités réparties dans quatre municipalités (dont Dimitrovgrad) et 43 villages. Mais la population de la seule municipalité de Dimitrovgrad ne compte que 10 118 citoyens, dont 53,5 % sont des bulgarophones et 27,8 % des serbophones; il reste donc 18,7 % pour toutes les autres nationalités de cette municipalité. Les langues officielles de Dimitrovgrad sont le serbe et le bulgare.

Ce sont les statuts des municipalités — une sorte de «constitution» au niveau local — qui traitent des principes de base de la réglementation au niveau municipal, mais ces statuts doivent être harmonisés avec les lois et règlements prévus dans le domaine de l'autonomie locale. Ce sont aussi ces statuts qui déclarent qu'une langue des minorités nationales peut être d'usage officiel. Les textes présentés ci-dessous sont généralement rédigés en serbe latin pou en faciliter la lecture. 

2.4 Les Bulgares de la région montagneuse de Pirot

Le bulgare bénéficie du statut de co-officialité dans deux municipalités: Dimitrovgrad et Bosilegrad. Ces deux municipalités sont situées dans deux districts montagneux près de la frontière bulgare dans le sud-est du pays. 

L'article 6 du Statut de la municipalité de Dimitrovgrad (district de Pirot) énonce que le serbe et le bulgare sont d'usage officiel ainsi que l'alphabet cyrillique:

STATUT OPŠTINE DIMITROVGRAD (2008)

Član 6

Jezik i pismo

Na teritoriji Opštine u službenoj upotrebi je srpski jezik i ćiriličko pismo i bugarski jezik i ćiriličko pismo.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE DIMITROVGRAD (2008)

Article 6

Langue et alphabet

Sur le territoire de la municipalité, la langue serbe et l'alphabet cyrillique ainsi que la
langue bulgare et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel.

L'article 5 du Statut de la municipalité de Bosilegrad (district de Pčinja) déclare que  le serbe et le bulgare sont d'usage officiel ainsi que l'alphabet cyrillique:
 

STATUT OPŠTINE BOSILEGRAD (2008)

Član 5.

Na teritoriji Opštine u službenoj upotrebi je srpski jezik i ćirilično pismo i bugarski jezik i ćirilićno pismo.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE BOSILEGRAD (2008)

Article 5

Sur le territoire de la municipalité, la langue serbe et l'alphabet cyrillique ainsi que la langue bulgare et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel.

2.5 Les Albanais de la vallée de Preševo

La langue albanaise est co-officielle dans trois municipalités de la «vallée de Preševo», toutes frontalières du Kosovo dans le Sud.

Dans le Statut de la municipalité de Medveđa (district de Janablica), l'article 5 proclame que le serbe et l'albanais sont d'usage officiel, ainsi que leur alphabet respectif: 

STATUT OPŠTINE MEDVEĐA (2008)

Član 5.

Na teritoriji opštine u službenoj upotrebi je srpski jezik i ćirilično pismo i albanski jezik i albansko pismo.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE MEDVEĐA (2008)

Article 5

Sur le territoire de la municipalité, la langue serbe et l'alphabet cyrillique ainsi que la
langue albanaise et l'alphabet albanais sont d'usage officiel.

L'article 5 du Statut de la municipalité de Preševo (district de Pčinja) déclare que le serbe et l'albanais sont «également utilisées officiellement»:

STATUT TË KOMUNËS SË PRESHEVËS (2008)

Neni 5

Në territorin e komunës së Preshevës në përdorimin zyrtar të barabartë janë gjuha serbe me shkrimin cirilik dhe latin dhe gjuha shqipe me shkrim e saj.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE PREŠEVO (2008)

Article 5

Sur le territoire de la municipalité de
Preševo
, la langue serbe et l'alphabet cyrillique et latin ainsi que la langue albanaise avec son alphabet sont également utilisés officiellement.

Dans la municipalité de Bujanovac (district de Pčinja), il en est ainsi à l'article 5 du Statut, sauf que les textes sont présentés en version bilingue (serbe et albanais): 

STATUT –  OPŠTINE BUJANOVAC ( 2008)

Član 5

Na teritoriji Opštine Bujanovac u ravnopravnoj službenoj upotrebi su srpski jezik i ćirilično pismo i albanski jezik i njegovo pismo.

STATUTINE KOMUNËS SË BUJANOCIT (2008)

Neni 5.

Në teritorin e komunës së Bujannocit në përdorim të barabartë dhe zyrtarë janë gjuha serbe dhe alfabeti qirilik dhe gjuha shqipe dhe alfabeti saj.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE BUJANOVAC (2008)

Article 5

Sur le territoire de la municipalité de Bujanovac, la langue serbe et l'alphabet cyrillique et la
langue albanaise et son alphabet sont en usage officiel égal.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE BUJANOVAC (2008)

 Article 5

Sur le territoire de la municipalité de Bujanovac, la langue serbe et l'alphabet cyrillique et la
langue albanaise et son alphabet sont d'usage égal et officiel.

Ainsi, en Serbie centrale, mais excluant la région du Sandjak (voir plus loin), cinq municipalités ont deux langues officielles: deux avec le bulgare et le serbe, trois avec l'albanais et le serbe.

  Municipalité District Langues officielles Nombre
de villages
Nombre approximatif
des nationalités
Population
municipalité/district
% Serbes % minorité
principale
1 Bosilegrad

Pčinja

serbe -bulgare 37 10   8 129 / 158 700 11,0 % 71,8 % Bulgares
2 Dimitrovgrad Pirot serbe - bulgare 43 12  10 118 / 92 300 27,8 % 53,5 % Bulgares
3 Preševo

Pčinja

serbe - albanais 34 8 29 600 / 158 700 25,2 % 68,2 % Albanais
4 Medveđa Jablanica serbe - albanais 44 10  7 438 / 215 400 86,4 % 7,1 % Albanais
5 Bujanovac

Pčinja

serbe - albanais 58 12 38 300 / 158 700 71,9 % 25,3 % Roms

La municipalité de Bujanovac présente une situation plutôt exceptionnelle dans la mesure où la principale minorité n'est pas albanaise (1,35%), mais rom/tsigane (25,3%), alors que l'albanais est co-officiel avec le serbe. Au recensement de 2002, la population de la municipalité était de 43 302, dont 54,7 % d'Albanais, 34,1 % de Serbes et 8,9 % de Roms/Tsiganes. Au recensement de 2011, les Serbes constituaient 71,8 % de la population, contre 25,3 % pour les Roms/Tsiganes et seulement 1,35% pour les Albanais. Comment expliquer un tel écart en dix ans?

Au début des années 2000, Bujanovac représentait l'une des deux municipalités (avec Preševo) de la Serbie centrale où les Albanais constituaient la majorité de la population. Toutefois, entre le 12 juin 1999 et le 1er juin 2001, il y a eu un conflit armé entre la République fédérale de Yougoslavie et les Albanais de l'Armée de libération de Preševo, Medveđa et Bujanovac (en albanais: Ushtria Çlirimtare për Preshevë, Medvegjë dhe Bujanoc ou UÇPMB) pour le rattachement des trois municipalités au Kosovo voisin.  Le conflit aboutit à la victoire des forces serbes et à la dissolution de l'UÇPMB. Peuplées en majorité d'Albanais, les trois municipalités de la «vallée de Preševo» (Preševo, Medveđa et Bujanovac) sont demeurées rattachées au territoire de la Serbie. L'ex-province albanaise de la Serbie, le Kosovo, a déclaré en 2008 son indépendance, toujours rejetée par Belgrade.

Aujourd'hui, sur 75 000 habitants de la vallée de Preševo, quelque 60 000 seraient albanais, mais il s'agit d'une estimation d'une estimation puisque les Albanais ont boycotté les recensements organisés par Belgrade. En principe, les municipalités de Medveđa et de Bujanovac devraient être majoritairement albanaises, ce qui explique le maintien comme langue d'usage officiel dans ces trois municipalités en dépit de l'apparente baisse démographique.

2.6 Les Bosniaques de la région du Sandjak

Ce qu'on appelle le Sandjak ou Sandžak (< turc ottoman: Sancak»: «province») est une ancienne entité administrative de l’Empire ottoman. Depuis 1913, cette région dite «historique» est partagée entre la Serbie et le Monténégro, et elle est peuplée majoritairement par des Bosniaques de confession musulmane. La portion nord-est du Sandjak fait partie de la Serbie (districts de Zlatibor et de Raška), alors que la portion sud-ouest appartient au Monténégro.

Un calcul des deux recensements de la Serbie et du Monténégro indique que la population totale du Sandjak est d'un peu plus de 390 000 habitants. Le recensement de 2011 en Serbie indiquait un total de 238 787 personnes vivant dans la partie serbe du Sandjak, dont 59,6 % de Bosniaques; 32,4 % de Serbes; 5,2 % de «Musulmans»; 0,10 % de Monténégrins; 0,12 % d'Albanais et 2,4 % d'autres ethnies. 

N’ayant jamais constitué un État ni une province autonome, la région du Sandjak s'est néanmoins forgé une identité. Composite, complexe, à multiples facettes, l’identité régionale du Sandjak fut quelque peu ébranlée par les derniers conflits balkaniques dont le Sandjak est sorti tout de même moins affecté que les pays voisins (Bosnie et Kosovo). Si l'appellation de «Sandžak» se voit surtout utilisée par les Bosniaques musulmans, la plupart des Serbes chrétiens utilisent plus généralement celle de «centralna Raška».

- Les municipalités

Le Sandjak serbe compte six municipalités, elles-mêmes pouvant inclure de nombreux villages ou agglomérations. Le tableau ci-dessous indique que trois municipalités (Tutin, Novi Pazar et Sjenica) sont majoritairement bosniaques et trois (Prijepolje, Priboj et Nova Varoš) sont majoritairement serbes:

  Municipalité District Langue(s) officielle(s) Nombre
de villages
Nombre approximatif
des nationalités
Population
municipalité/district
% Serbes % Bosniaques
1 Tutin Raška serbe - bosniaque 93 15  31 155 / 300 100 3,5 % 90,0 %
2 Novi Pazar Raška

serbe - bosniaque

99 18 100 410 / 300 100 16,1 % 77,1  %
3 Sjenica Zlatibor serbe - bosniaque 101 14 26 392 / 280 700 19,9 % 73,8 %
4 Prijepolje Zlatibor serbe - bosniaque 80 18 37 059 / 280 700 52,6 % 34,5 %
5 Priboj Zlatibor serbe 33 15 27 133 / 280 700 75,8 % 14,0 %
6 Nova Varoš Zlatibor serbe 38 15  16 638 / 280 700 89,5 % 4,7 %

- Les statuts de co-officialité

Avec ses 90 % de Bosniaques, la municipalité de Tutin devait être officiellement bilingue, tel que le déclare le Statut de la municipalité depuis 1998:

STATUT OPŠTINE TUTIN (2015)

Član 6.

Jezik i pismo

Na teritoriji opštine Tutin u ravnopravnoj upotrebi su srpski jezik i ćirilično pismo i bosanski jezik i latinično pismo, na način utvrđen Ustavom, Zakonom i Statutom opštine.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE TUTIN (2015)

Article 6

Langue et alphabet

Sur le territoire de la municipalité de Tutin,
la langue serbe et l'alphabet cyrillique ainsi que la langue bosniaque et l'alphabet latin sont d'usage égal, selon la manière déterminée par la Constitution, la loi et le Statut de la municipalité.

La municipalité de Novi Pazar compte 77,1 % de Bosniaques. L'article 5 du Statut de la municipalité énonce que le serbe et le bosniaque, avec leur alphabet, sont d'usage officiel:

STATUT GRADA NOVOG PAZARA (2013)

Član 5

Jezik i pismo

Na teritoriji Grada u službenoj upotrebi su ravnopravno srpski i bosanski jezik i ćirilično i latinično pismo.

STATUT DE LA VILLE DE NOVI PAZAR (2013)

Article 5

Langue et alphabet

Sur le territoire de la Ville, les langues serbe et bosniaque ainsi que les alphabets cyrillique et latin sont également d'usage officiel.

Le Statut de la municipalité de Sjenica stipule à l'article 5 que les langues bosniaque et serbe ainsi que les alphabets latin et cyrillique sont d'usage officiel :

STATUT OPŠTINE SJENICA (2010)

Ĉlan 5.

Jezik i pismo


Na teritoriji Opštine u sluţbenoj upotrebi su ravnopravno bosanski i srpski jezik i latinično i ćirilično pismo na način utvrĎen Ustavom, Zakonom i Statutom Opštine.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE SJENICA (2010)

Article5

Langue et alphabet

Sur le territoire de la municipalité,
les langues bosniaque et serbe ainsi que les alphabets latin et cyrillique sont d'usage officiel de la même manière que le déterminent la Constitution, la loi et le Statut de la municipalité.

Bien que les Bosniaques soient minoritaires (34,5 %), la municipalité de Prijepolje reconnaît le serbe et le bosniaque comme d'usage officiel:

STATUT OPŠTINE PRIJEPOLjE (2007)

Član 6.

Jezik i pismo


Na teritoriji Opštine u službenoj upotrebi su srpski jezik i ćirilično pismo i bosanski jezik i latinično pismo.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE PRIJEPOLJE (2007)

Article 6

Langue et alphabet


Sur le territoire de la municipalité, la langue serbe et l'alphabet cyrillique ainsi que la
langue bosniaque et l'alphabet latin sont d'usage officiel.

Étant donné que les Bosniaques n'atteignent pas les 15% (mais 14%), la municipalité de Priboj n'est pas tenue d'accepter le bilinguisme serbo-bosniaque, ce qui implique l'unilinguisme serbe:

СТАТУТ ОПШТИНЕ ПРИБОЈ (2007-2019)

Члан 5.

Језик и писмо

На територији Општине у службеној употреби је српски језик и ћирилично писмо.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE PRIBOJ (2007-2019)

Article 5

Langue et alphabet

La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont en usage officiel sur le territoire de la municipalité.

Le bosniaque de la municipalité de Nova Varoš n'est pas officiellement employé, car sur la base du nombre de Bosniaques (4,7 %), il n'atteint pas le minimum de 15% de la population appartenant à des minorités nationales (selon le recensement de 2002. Selon la loi, la langue d'une minorité nationale, si elle est de 2%, n'est pas automatiquement reconnue dans les municipalités dans lesquelles vit cette minorité. L'article 5 du Statut ne reconnaît que le serbe et l'alphabet cyrillique:

СТАТУТ ОПШТИНЕ НОВА ВАРОШ (2002-2007)

Члан 5.

Језик и писмо

На територији Општине Нова Варош у службеној употреби је српски језик и ћирилично писмо.

STATUT DE LA MUNICIPALITÉ DE NOVA VAROS (2002-2007)

Article 5

Langue et alphabet

La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont en usage officiel sur le territoire de la municipalité.

- Les langues serbe et bosniaque

Les six municipalités du Sandjak serbe abritent des Bosniaques sur leur territoire dans des proportions différentes. Dans les quatre municipalités dont le serbe et le bosniaque sont d'usage officiel (Tutin, Novi Pazar, Sjenica et Prijepolje), les différences linguistiques entre les deux langues font l'objet de controverses. En effet, nous savons que le bosniaque et le serbe sont des langues similaires (voir l'article «Une idéologie linguistique, quatre langues en une»). En fait, les différences réelles proviennent de l'emploi de l'alphabet latin en bosniaque (contre le cyrillique en serbe) et le recours aux mots turcs (les «turquismes») qui sont beaucoup plus présents dans le bosniaque que dans le serbe ou le croate. D'ailleurs, les linguistes bosniaques eux-mêmes affirment qu'il n'y a presque pas de différences entre le serbe et le bosniaque, car la seule vraie différence réside dans le nom de la langue: bošnjački jezik («langue bosniaque») est différent de srpski jezik ou en cyrillique српски језик («langue serbe»).

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 énonce à l'article 1er qu'une langue minoritaire d'un État doit être «différente de la langue officielle de cet État». Autrement dit, si une langue est similaire à la langue officielle, elle ne peut pas être considérée comme une langue minoritaire. Le bosniaque, le croate et le monténégrin ne seraient des langues distinctes que par leur nom: ce sont des étendards politiques qui n'auraient aucune base pour être une minorité, contrairement aux Bulgares, aux Ruthènes ou aux Hongrois.

Vu sous cet angle, il ne resterait que l'albanais (trois municipalités) et le bulgare (deux municipalités) comme langues «d'usage officiel». En fait, les deux communautés linguistiques, serbe et bosniaque, se distinguent, d'une part, par leur religion  — orthodoxe pour les Serbes et musulmane pour les Bosniaques  —, d'autre part, par leur alphabet (cyrillique pour les Serbes et latin pour les Bosniaques). Par conséquent, nous pourrions affirmer que le droit à la langue pour les Bosniaques se transforme en un droit à l'alphabet!

2.7 Des droits linguistiques appliqués seulement à neuf minorités  

Le tableau ci-dessous présente les neuf municipalités de la Serbie centrale qui ont deux langues officielles. Dans sept municipalités sur neuf, une nationalité minoritaire à l'échelle du pays (albanaise, bulgare ou bosniaque) est majoritaire dans sa municipalité (Preševo, Bosilegrad, Dimitrovgrad, Sjenica, Prijepolje, Tutin et Novi Pazar): 

2011 Municipalité District (municipalités ) Langues officielles Nombre
de villages
Nombre
approximatif
des nationalités
Population
municipalité/
district
% Serbes % minorité
principale
Autres %
1 Bujanovac

Pčinja (7)

serbe - albanais 59 12 38 300 / 158 700 71,9 % 25,3 % Albanais 2,8 %
2 Preševo

Pčinja

serbe - albanais 34 8 29 600 / 158 700 25,2 % 68,2 % Albanais 6,6 %
3 Bosilegrad

Pčinja

serbe -bulgare 37 10   8 129 / 158 700 11,0 % 71,8 % Bulgares 17,2 %
4 Medveđa Jablanica (6) serbe - albanais 44 10  7 438 / 215 400 86,4 % 7,1 % Albanais 6,5 %
5 Dimitrovgrad Pirot (4) serbe - bulgare 43 12  10 118 / 92 300 27,8 % 53,5 % Bulgares 18,7 %
6 Sjenica (Sandjak) Zlatibor (10) serbe - bosniaque 101 14 26 392 / 280 700 19,8 % 76,7 % Bosniaques 3,5 %
7 Prijepolje (Sandjak) Zlatibor serbe - bosniaque 80 18 37 059 / 280 700 31,8 % 56,8 % Bosniaques 11,4 %
8 Tutin (Sandjak) Raška (5) serbe - bosniaque 93 15  31 155 / 300 100 6,5 % 91,5 % Bosniaques 2,0 %
9 Novi Pazar (Sandjak) Raška

serbe - bosniaque

99 18 100 410 / 300 100 24,3 % 72,8  % Bosniaques 2,9 %

L'ensemble des populations totales concernées dans ces neuf municipalités est de 228 601 personnes. Étant donné que la population totale de la Serbie centrale est de 5,1 millions d'habitants (2011), on peut estimer que la co-officialité des langues ne touche que 5,6 % de la population de la Serbie centrale. De plus, si l'on ne compte que les populations minoritaires dont la langue est d'usage officiel parmi ces municipalités, bref si l'on exclut les serbophones pour ne garder que les locuteurs des langues minoritaires, on arrive 184 548 personnes bénéficiant de mesures de protection, ce qui correspond à 3,6 % de la population totale de la Serbie centrale. La différence entre 228 601 et 184 548 révèle le nombre de minorités (44 053) résidant dans ces municipalités et ne bénéficiant d'aucune protection linguistique.   

2.8 L'exception de la Voïvodine

Il faut donc considérer que tout l'arsenal législatif pour la protection des minorités est déployé pour 3,6 % de la population, ce qui semble considérable. En réalité, l'ensemble des lois linguistiques ou à portée linguistique apparaît plus utile pour les membres des minorités nationales habitant la province autonome de Voïvodine, dont la population totale est plus de deux millions d'habitants, tandis que les minorités forment 35% de l'ensemble. L'administration de la Voïvodine reconnaît officiellement, en plus du serbe, six langues minoritaires pour un total de sept langues. En effet, l'article 24 du Statut d'autonomie de 2014 énonce ce qui suit: «Outre la langue serbe et l'alphabet cyrillique, les langues hongroise, slovaque, croate, roumaine et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel égal dans les organismes de la Voïvodine, conformément à la loi.»

Ces langues sont employées par le gouvernement autonome provincial. Si le serbe est employé dans toutes les administrations municipales de la province. Les autres langues sont choisies par chaque municipalité au niveau local. C'est ainsi que le «serbe cyrillique» est reconnu par les 45 municipalités de la province, tandis que le «serbe latin» est officiel dans 23 municipalités d'entre elles. Le hongrois est d'usage officiel dans 28 municipalités; le slovaque dans 11; le roumain dans 9 et le ruthène dans 6. Le croate est d'usage officiel dans une seule municipalité. Par conséquent, il paraît raisonnable de prétendre que les minorités de la Voïvodine puissent bénéficier de plus de droits dans cette province autonome que dans la Serbie centrale, à l'exception notable des Bosniaques du Sandjak et, dans une moindre mesure, des Albanais et des Bulgares.

3 Les droits fondamentaux

Les lois de la Serbie accordent de nombreux droits linguistiques aux minorités nationales, dont des droits généraux et fondamentaux. Évidemment, ces lois garantissent, entre autres, le droit des individus à la vie, à la liberté, à la sécurité ainsi qu’à la jouissance de leurs biens, mais il s'agit aussi de droits linguistiques précis et particuliers, dont la non-discrimination.

3.1 La non-discrimination

Selon l'article 21 de la Constitution, toute discrimination est interdite en raison, entre autres, de la langue:

Article 21

Discrimination interdite


1) Tous sont égaux devant la Constitution et la loi.

2) Toute personne a le droit à une protection juridique égale, sans discrimination.

3) Toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur quelque motif que ce soit, notamment sur la race, le sexe, l'origine nationale, l'origine sociale, la naissance, la religion, l'opinion politique ou autre, la fortune, la culture, la langue, l'âge, le handicap mental ou physique, est interdite.

L'article 24 de la  Loi sur l'interdiction de la discrimination (2009) reprend les mêmes dispositions:
 

Article 24

1) La discrimination à l'égard des minorités nationales et de leurs membres sur la base de la nationalité, de l'origine ethnique, des croyances religieuses et de la langue est interdite.

2) La manière de réaliser et de protéger les droits des membres des minorités nationales doit être réglementée par une loi spéciale.

Selon l'article 13 de la même loi, les formes graves de discrimination sont «la provocation et l'encouragement à l'inégalité, la haine et l'intolérance sur la base de la nationalité, de la race ou de la religion, de la langue, de l'appartenance politique, du sexe, de l'identité de genre, de l'orientation sexuelle et d'un handicap».

En vertu de l'article 78 de la Constitution, l'assimilation forcée des membres des minorités nationales est strictement interdite:
 

Article 78

Interdiction de l'assimilation forcée


1)
L'assimilation forcée des membres des minorités nationales est strictement interdite.

2) La protection des membres des minorités nationales contre toute activité orientées vers leur assimilation forcée est régie par la loi.

3) Il est strictement interdit de prendre des mesures qui entraîneraient des changements artificiels dans la composition ethnique de la population dans les zones où les membres des minorités nationales vivent traditionnellement et en grand nombre.

3.2 Les droits individuels et collectifs «supplémentaires»

L'article75 de la Constitution garantit des droits individuels et collectifs supplémentaires aux membres des minorités nationales:

 
Article 75

Dispositions fondamentales

1) Les membres appartenant à des minorités nationales, en plus des droits garantis par la Constitution pour tous les citoyens, doivent
se voir garantir des droits individuels et collectifs supplémentaires. Les droits individuels sont exercés individuellement et collectivement en communauté avec d'autres, conformément à la Constitution, à la loi et aux traités internationaux.

Cependant, c'est l'article 79 de la Constitution qui demeure le plus éclairant sur les droits «supplémentaires» accordés aux membres des minorités nationales, notamment en ce qui concerne les particularismes ethniques, culturels et religieux, ainsi que les droits linguistiques:
 

Article 79

Droit à la préservation des particularismes

1) Les membres des minorités nationales ont le droit à l'expression, à la préservation, à la promotion, au développement et à l'expression publique des particularismes nationaux, ethniques, culturels et religieux; à l'emploi de leurs symboles dans les lieux publics, ainsi qu'à l'usage de leur langue et de leur alphabet; à une procédure également dans leur langue avec les instances de l'État, les organismes faisant affaire avec les pouvoirs publics, les provinces autonomes et les administrations locales autonomes; à une instruction dans les institutions publiques et les institutions des provinces autonomes; à la création d'établissements d'enseignement privés; à l'usage de leur prénom et nom dans leur langue; aux dénominations traditionnelles locales, aux noms de rues, de villes et des toponymes rédigés dans leur langue là où ils forment une majorité significative de la population; à une information complète, adéquate et impartiale dans leur langue, y compris le droit d'exprimer, de recevoir, d'envoyer et d'échanger des informations et des opinions; d'établir leurs propres médias, conformément à la loi.

De plus, l'article 10 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales accorde aux membres appartenant aux minorités nationales le droit d'employer librement leur langue et leur alphabet dans l'usage privé et l'usage officiel:

Article 10

Le droit d'employer sa langue maternelle

Les membres appartenant aux minorités nationales peuvent
employer librement leur langue et leur alphabet dans l'usage privé et l'usage officiel.

L'article 13 de la même loi reconnaît que les membres des minorités nationales ont le droit de recevoir une éducation et un enseignement dans leur langue maternelle:
 

Article 13

L'éducation dans la langue maternelle

1)
Les membres des minorités nationales ont le droit de recevoir une éducation et un enseignement dans leur langue maternelle, c'est-à-dire à la parole, dans les établissements d'enseignement préscolaire, primaire et secondaire. (2018)


De plus, selon le
Code pénal (2005-2019), quiconque veut empêcher des membres appartenant à une minorité nationale d'employer sa langue maternelle ou son alphabet dans l'exercice de ses droits ou lorsqu'il s'adresse aux autorités ou à ses organismes, est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement:
 
Article 129

Violation du droit d'employer la langue et l'alphabet

Quiconque, contrairement aux règlements régissant l'emploi de la langue et de l'alphabet des peuples ou des membres des groupes nationaux et ethniques minoritaires vivant en république de Serbie, dénie ou restreint un citoyen d'employer sa langue maternelle ou son alphabet dans l'exercice de ses droits ou lorsqu'il s'adresse aux autorités ou à ses organismes,

est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement maximal d'un an.

Article 130

Violation de la liberté d'expression de son appartenance nationale ou ethnique


1)
Quiconque empêche autrui d'exprimer son appartenance nationale ou ethnique ou de sa culture

est passible d'une amende ou d'un emprisonnement maximal d'un an.

2) La sanction visée au paragraphe 1 du présent article sera également infligée à quiconque contraint autrui à déclarer son appartenance nationale ou ethnique.

3) Si l'acte visé en vertu des paragraphes 1 et 2 du présent article est commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions,

celui-ci
est passible d'une amende ou d'un emprisonnement maximal d'un an.

Bref, en termes de droit, on ne peut empêcher les membres d'une minorité nationale d'employer leur langue et leur alphabet.

3.3 Les conseils des minorités

Enfin, l'État a créé le Conseil des minorités nationales par l'article 18 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales afin de préserver, de promouvoir et de protéger les particularités nationales, ethniques, religieuses, linguistiques et culturelles des membres appartenant à des minorités nationales:
 

Article 18 (2018)

Le Conseil des minorités nationales

1) Afin de préserver, de promouvoir et de protéger les particularités nationales, ethniques, religieuses, linguistiques et culturelles des membres appartenant à des minorités nationales et d'exercer leurs droits, le gouvernement crée le Conseil des minorités nationales (ci-après: le Conseil) en tant qu'organisme de travail permanent du gouvernement.

2) Les tâches du Conseil sont les suivantes: suivre et examiner l'état de réalisation des droits des minorités nationales et l'état des relations interethniques en république de Serbie; proposer des mesures pour promouvoir l'égalité pleine et effective des membres appartenant à des minorités nationales; surveiller la réalisation de la coopération des minorités nationales avec les organismes de l'État, ainsi qu'avec les organismes de la province autonome et des collectivités locales; examiner les conditions de travail des conseils nationaux des minorités nationales et proposer des mesures dans ce domaine; surveiller la mise en œuvre des obligations internationales de la république de Serbie dans le domaine de l'exercice des droits des membres appartenant à des minorités nationales; examiner les accords internationaux relatifs à la situation des minorités nationales et à la protection de leurs droits au cours de leur conclusion; examiner les projets de loi et les autres règlements relatifs à l'exercice des droits des minorités nationales, donner un avis au gouvernement et confirmer les symboles, les signes et les jours fériés des minorités nationales, sur proposition des conseils nationaux des minorités nationales.

La Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales est complétée par la Loi sur les conseils nationaux des minorités nationales (2009-2018). L'article 22 de cette loi détermine les tâches d'un Conseil national:
 

Article 22

Le Conseil national:

1. détermine les noms traditionnels des unités d'autonomie locale, des établissements et des autres noms géographiques dans la langue d'une minorité nationale, si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel dans la région de l'unité d'autonomie locale ou de la municipalité; les noms choisis par le Conseil national deviennent des noms d'usage officiel à côté des noms en serbe et sont publiés au Journal officiel de la république de Serbie et, dans le cas des conseils nationaux dont le siège est dans la province autonome de Voïvodine, au Journal officiel de la province autonome de Voïvodine. Ces noms sont également publiés dans le journal officiel local;

2. propose à l'autorité compétente de mettre l'accent dans la langue de la minorité nationale sur les noms des collectivités locales autonomes, des établissements et des autres noms géographiques;

3. propose que la langue et l'alphabet de la minorité nationale deviennent la langue et l'alphabet officiels de l'unité d'autonomie locale;

4. propose le changement des noms des rues, des places, des quartiers, des hameaux, des autres parties de lieux habités, ainsi que des institutions jugées particulièrement importantes pour la minorité nationale;

5. donne un avis sur la procédure de sélection des noms de rues, de places, d'arrondissements, de hameaux et d'autres parties de lieux habités, si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel dans la région de l'unité d'autonomie locale ou du lieu habité;

6. propose à l'autorité compétente de superviser l'usage officiel de la langue et de l'alphabet de la minorité nationale;

7. entreprend la publication des lois les plus importantes de la république de Serbie dans la langue de la minorité nationale qui d'usage officiel et fournit une assistance professionnelle et autre, conformément à ses capacités, dans le processus de traduction;

8. prend des mesures et des activités pour améliorer l'usage officiel de la langue et de l'alphabet de la minorité nationale;

9. décide des autres questions dans ce domaine qui lui sont confiées par la loi.

En fait, les conseils des minorités nationales sont censés fonctionner comme des mini-assemblées ethniques, mais leur caractère est encore sujet à débat. Ce ne sont pas des organismes publics de l'État, car ils ne font pas partie d'une administration locale tout en étant dans l'obligation de respecter la réglementation nationale. Les conseils des minorités nationales n'ont aucun pouvoir législatif et leur participation à l'exécution est également limitée, car ils doivent respecter les décisions nationales et, en Voïvodine, les décisions provinciales. D'ailleurs, selon la loi en vigueur (voir l'article 22 ci-dessus), les conseils des minorités ne peuvent que «proposer» des mesures aux autorités compétentes, sauf si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel dans une municipalité en ce qui concerne les noms des entités géographiques en plus de ceux en serbe.

Néanmoins, les conseils nationaux demeurent un élément très important forum de prise de décision des minorités, car il n'y a pas d'autre organisme au sein duquel les intérêts d'une minorité nationale seraient représentés de manière professionnelle et adéquate. L'État serbe a voulu ainsi réglementer la situation de nombreuses minorités nationales vivant dispersées dans l'ensemble du territoire de la Serbie centrale (non seulement en Voïvodine) au moyen d'une forme d'autonomie limitée à un territoire municipal. La manière la plus importante dont les conseils nationaux peuvent influencer à l'heure actuelle la vie des membres des minorités concerne la gestion des institutions dans les domaines de l'éducation, de la culture et des médias.

La loi reconnait le conseil des minorités comme une forme d'autonomie et comme un droit collectif, le tout rendu possible par l'élection des conseils des minorités nationales. Les membres des conseils nationaux sont élus lors d'élections démocratiques, libres et secrètes ou au moyen d'élections par assemblée électorale. Il existe une vingtaine de conseils des minorités: Conseil national de la minorité nationale albanaise, Conseil national de la minorité nationale bosniaque, Conseil national de la minorité nationale bulgare, Conseil national de la minorité nationale macédonienne, Conseil national de la minorité nationale monténégrine, Conseil national de la minorité nationale rom, etc.

Lorsqu'on lit la grande quantité des lois qui contiennent des dispositions concernant les droits linguistiques des minorités nationales, on ne peut qu'être impressionné par la somme des mesures prévues à ce sujet. C'est qu'il faut prendre en considération les conditions d'application de ces droits. 

3.4 Les langues minoritaires d'usage officiel obligatoire

Dans les faits, les langues et les alphabets des minorités nationales peuvent être déclarés d'usage officiel obligatoire dans le territoire d'une autonomie locale si les membres des minorités nationales constituent au moins 15% de la population, s'il s'agit d'un territoire où ils vivent traditionnellement les membres des minorités nationales. En d'autres termes, lorsque le seuil de 15% n'est pas atteint, la décision est laissée à la municipalité elle-même. La Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets prévoit l'introduction obligatoire des langues des minorités nationales d'usage officiel dans une autonomie locale si le pourcentage de membres d'une minorité nationale la population totale de son territoire atteint un minimum 15%, selon les résultats du dernier recensement. C'est l'article 11 de cette loi qui précise les modalités pour l'accession à la co-officialité:

Article 11

1) Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales,
leur langue et leur alphabet peuvent être d'usage officiel égal.

2) L'unité d'autonomie locale introduit obligatoirement la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage des membres de cette minorité nationale dans la population totale de sa région atteint 15% selon les résultats du dernier recensement.

3) L'usage officiel de la langue des minorités nationales mentionné au paragraphe 1 du présent article comprend notamment l'usage de la langue des minorités nationales dans la procédure administrative et judiciaire, ainsi que
dans le déroulement de la procédure administrative et judiciaire dans la langue d'une minorité nationale; l'usage de la langue d'une minorité nationale dans la communication des organismes des autorités publiques avec les citoyens; l'émission des documents publics et la tenue des registres officiels et des collections de données à caractère personnel dans les langues des minorités nationales, ainsi que l'acceptation des documents dans ces langues comme valides; l'usage des langues des minorités nationales sur les bulletins de vote et le matériel de vote; l'usage des langues des minorités nationales
dans les activités des organismes représentatifs.

En réalité, cet article 11 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets ne fait que reprendre un autre article 11 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales adoptée en 2002 par la Serbie-Monténégro, alors que les deux républiques faisaient partie de la Communauté des États de Serbie-et-du-Monténégro:

Article 11

L'emploi officiel de la langue et de l'alphabet

1)
Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales, leur langue et leur alphabet peuvent être d'usage officiel égal.

2)
Toute unité d'autonomie locale introduira obligatoirement la langue et l'alphabet d'une minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage de membres de cette minorité nationale dans la population totale de son territoire atteint 15% selon les résultats du dernier recensement. L'unité d'autonomie locale doit introduire la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans l'usage officiel au plus tard 90 jours à compter de la détermination du respect des conditions prescrites par la loi.

3)
Dans une unité d'autonomie locale où la langue d'une minorité nationale est d'usage officiel au moment de la promulgation de la présente loi, elle restera d'usage officiel.

Répétons-le, le respect de ces critères, notamment celui de 15 % de la population locale, ne signifie pas l'introduction automatique et en principe obligatoire du statut «d'usage officiel» pour une langue nationale minoritaire. Ce n'est qu'une possibilité juridique qui ne peut être effective que dans le cadre d'une autonomie locale. En ce cas, c'est la municipalité qui prend la décision, mais en général elle y souscrit, comme c'est le cas pour les neuf municipalités citées précédemment. Selon le recensement de 2011, la municipalité de Priboj dans le Sandjak n'a pas accordé le statut de co-officialité à sa minorité bosniaque, car elle n'atteint que 14,05 % de la population.

4 L'Assemblée nationale et la représentation
 
L’Assemblée nationale de la république de Serbie compte généralement entre six à dix partis politiques importants, ainsi qu'un grand nombre de petits partis représentés par un seul ou deux députés. Au total, plus de 125 partis politiques existent en Serbie, mais la plupart ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale. Dans la république de Serbie, aucun siège n'est garanti ou réservé à l'Assemblée nationale. Que ce soit par la Constitution, la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) ou la Loi sur les élections des députés du peuple (2000-2020), aucun texte n'en fait une obligation.

L'article 75 de la Constitution fait mention de l'élection des conseils nationaux des minorités nationales, non de l'Assemblée nationale:

Article 75

3) Les membres appartenant à des minorités nationales peuvent élire leurs conseils nationaux en vue d'exercer leur droit à l'autonomie gouvernementale dans les domaines de la culture, de l'éducation, de l'information et de l'emploi officiel de leur langue et de leur alphabet, en conformité avec la loi.

4.1 Les représentants des minorités

Toutefois, l'article 4 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) mentionne bien que la République doit prévoir les conditions d'une participation effective des membres des représentants des minorités nationales à l'Assemblée nationale:

Article 4

4) La république de Serbie prévoit les conditions d'une participation effective des membres des minorités nationales à la vie politique, de la délégation des représentants des minorités nationales à l'Assemblée nationale et de la représentation proportionnelle des minorités nationales dans les assemblées des provinces autonomes et des collectivités locales, conformément à la loi. (2018)

Il faut donc connaître quelles sont ces conditions pour une participation effective des minorités à l'Assemblée nationale. C'est la Loi sur les élections des députés du peuple (2000-2020) qui donne des précisions à ce sujet. Afin de créer les conditions pour que les minorités nationales, c'est-à-dire leurs listes électorales, puissent remporter un mandat et être représentées à l'Assemblée nationale, la Loi portant modification de la loi sur l'élection des députés du peuple (2004) a aboli le seuil de 5 % afin que les partis et les coalitions électorales les minorités nationales puissent participer à la répartition des mandats même si elles ont obtenu moins de 5% des voix aux élections. L'article 81 de la Loi sur les élections des députés du peuple porte dorénavant ce seuil à 3 %:
 

Article 81

1) Seules les listes électorales ayant recueilli au moins 3% du nombre total de suffrages exprimés dans une circonscription participent à la répartition des sièges.

2) Les partis politiques des minorités nationales et les coalitions de partis politiques des minorités nationales participent à la répartition des sièges même lorsqu'ils ont reçu moins de 3% du nombre total d'électeurs ayant voté, par lequel, lors de la répartition des mandats en appliquant le système du ratio le plus élevé, les ratios de toutes les listes électorales des partis politiques des minorités nationales et des coalitions de partis politiques des minorités nationales sont augmentés de 35 %.

4.2 Les partis politiques et les minorités

Les partis politiques représentant une minorité nationale peuvent cependant être affranchis de ce seuil de 3 %, pour peu qu'ils aient été reconnus à leur demande par la Commission électorale de la République. Dans l'état actuel de la législation, seules les minorités nationales les plus nombreuses en Serbie centrale peuvent prétendre obtenir des sièges à l'Assemblée nationale: les Albanais de Preševo, les Bulgares de Bosilegrad et les Bosniaques du Sandjak (Sjenica, Tutin et Novi Pazar).

Dans les faits, on compte généralement entre 5 et 8 représentants des minorités (sur 250 sièges) à l'Assemblée nationale, presque exclusivement des Hongrois de la Voïvodine et des Bosniaques du Sandjak, parfois des Roms/Tsiganes et des Albanais. Ce sont les partis politiques suivants qui représentent les minorités: l'Alliance des Hongrois de Voïvodine ("Savez vojvođanskih Mađara"), le Parti d'action démocratique du Sandjak ("Stranka demokratske akcije Sandžaka"), l'Union démocratique bosniaque du Sandjak ("Bošnjačka demokratska stranka Sandžaka") et la Coalition des Albanais de la vallée de Preševo ("Koalicija Albanaca Preševske doline"). Le système actuel permet en principe à une minorité qui détient 0,4% des voix d'entrer au Parlement, sauf qu'il est impossible de garantir une représentation à toutes les minorités, soit 28 minorités nationales.

L'article 11 de la  Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) prévoit même qu'un député appartenant à une minorité nationale a le droit de prendre la parole dans sa langue maternelle lors d'une séance de l'Assemblée nationale et de soumettre des documents écrits dans les travaux de l'Assemblée nationale.

Article 11

L'emploi officiel de la langue et de l'alphabet

10) Un député appartenant à une minorité nationale a le droit de prendre la parole lors d'une séance de l'Assemblée nationale et de soumettre des documents écrits dans les travaux de l'Assemblée nationale, prévus dans le règlement, dans sa propre langue.

11) Lorsqu'un député au moment des travaux de l'Assemblée nationale emploie sa langue au sens du paragraphe 10 du présent article, de manière permanente ou dans un certain cas, le secrétaire général de l'Assemblée nationale est tenu de fournir une traduction simultanée en serbe de sa présentation orale ou du document présenté.

Le Parlement serbe est prêt à soutenir les interventions dans les langues des minorités nationales, mais il existe des conditions techniques pour l'usage des langues minoritaires. Sur les 250 députés, huit d'entre eux (ou moins) peuvent être des représentants des minorités nationales: généralement trois Hongrois, deux Bosniaques et deux Roms/Tsiganes et un Albanais. Il leur suffit d'en informer l'Assemblée avant chaque session, le temps de quérir des traducteurs. Toutefois, les députés des minorités s'expriment généralement en serbe. Le Secrétariat de l'Assemblée nationale soutient que des traducteurs français, anglais, allemand et italien sont employés en permanence au parlement et que l'Assemblée devrait fournir des fonds pour les traducteurs permanents en cas de comparutions fréquentes de membres de partis de la minorité nationale. Par exemple, l'embauche supplémentaire de traducteurs hongrois et albanais coûterait environ 4000 dinars/heure (ou 34,15 euros ou 40,30 $US) et les Roms (en romani), un peu plus; la traduction simultanée nécessite que deux traducteurs se relaient dans la journée. Il n'est pas nécessaire de recourir à des traducteurs pour les Bosniaques, puisque l'intercompréhension est totale entre le bosniaque et le serbe, surtout à l'oral.

4.3 La publication des lois et règlements

La Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) prévoit la traduction sous forme électronique des lois les plus importantes pour les minorités nationales :
 

Article 11-a (2018)

La publication des lois dans les langues des minorités nationales

1) Le ministère chargé de l'exercice des droits des minorités nationales (ci-après: le Ministère) assure la traduction et publie des recueils de textes consolidés des lois les plus importantes de la république de Serbie, dont l'objet réglemente en tout ou en partie l'exercice des droits des minorités nationales.

2) Le Ministère est tenu de mettre à disposition les lois visées au paragraphe 1 du présent article sous forme électronique, sur son site Internet et sur le portail de l'administration électronique, ainsi que de soumettre un certain nombre de recueils de textes consolidés de lois visés au paragraphe 1 du présent article aux conseils nationaux des minorités nationales. 

3) Le Ministère fait périodiquement et, si nécessaire, un rapport sur la publication de la loi visée au paragraphe 1 du présent article au Conseil des minorités nationales.

La traduction des lois de la Serbie centrale n'est pas fréquente, mais elle peut se faire pour un petit nombre de langues pour des lois d'intérêt commun telles que les lois suivantes:

- Loi sur l'interdiction de la discrimination (Zakon o zabrani dikriminacije, n° 22/2009);
-
Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (Zakon o zaštiti prava i sloboda nacionalnih manjina, n° 11/2002 et 97/13);
- Loi sur l'emploi de la langue des signes (
Zakon o upotrebi znakovnog jezika, n° 38/2015);
- Loi sur la prévention de la discrimination à l'égard des personnes handicapées (Zakon o sprečavanju diskriminacije osoba sa invaliditetom, n° 33/06 et 13/16);
-
Loi sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées (Zakon o profesionalnoj rehabilitaciji i zapošljavanju osoba sa invaliditetom, n° 36/09 et 32/13);
-
Loi sur l'égalité des sexes (Zakon o ravnopravnosti polova, n° 104/2009).

Il n'existe pas de procédure systématique en matière de traduction des lois et d'autres actes généraux dans les langues et les alphabets des minorités nationales. Il n'y a pas d'obligation légale pour rendre disponibles les textes législatifs nationaux dans des langues minoritaires, même les plus importants, ni de politique structurée dans ce domaine. Dans les faits, la Constitution a été traduite en hongrois, alors que de très rares lois, telle la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002), ont été traduites dans plusieurs langues minoritaires; les lois scolaires ( Loi sur l'enseignement préscolaire (2010-2017), Loi sur l'enseignement et la formation primaires (2013-2019), Loi sur l'enseignement et la formation secondaires (2017)) ont été traduites en albanais, en hongrois et en romani. L'une des difficultés réside dans l'exactitude d'une traduction et ses effets juridiques dans la langue d'arrivée. Il est très important, afin d'assurer la sécurité juridique et la prévisibilité de l'application des droits, d'obtenir l'exactitude et la précision dans le processus de traduction du texte juridique de la langue serbe à la langue de la minorité nationale. La prudence prend donc préséance sur le droit !

5 Langues et traduction en matière de justice

La législation actuelle permet l’usage de langues minoritaires dans les procédures civile et pénale ainsi que dans la procédure devant les juridictions compétentes en matière administrative, les requêtes et les preuves rédigées dans ces langues étant également recevables. Cependant, les mesures permettant d'employer une langue minoritaire sont très réglementées.

5.1 Les langues employées

Ainsi, l'article 11 du Code de procédure pénale (2011-2014) énonce bien que «la langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la procédure, ainsi que les autres langues et alphabets d'usage officiel:

Article 11

Langue et alphabet dans la procédure

1) La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la procédure, ainsi que les autres langues et alphabets d'usage officiel qui sont conformes à la Constitution et à la loi.

2) La procédure doit se dérouler
dans la langue et l'alphabet qui sont d'usage officiel dans la procédure, conformément à la loi.

3) Les parties, les témoins et toute autre personne participant à la procédure ont le droit d'utiliser leur langue et leur alphabet pendant la procédure, et si celle-ci ne se déroule pas dans leur langue et si, après avoir reçu des instructions sur le droit à la traduction, ils ne déclarent pas connaître la langue dans laquelle est menée la procédure; et s'ils renoncent au droit à la traduction, ils se verront responsables des frais financiers qu'ils représentent ainsi que la traduction des documents et des autres preuves écrites.

4) La traduction doit être effectuée par un traducteur.

Il faut comprendre que les langues minoritaires recevables sont celles qui sont «d'usage officiel», ce qui, on le sait, n'est possible que dans neuf municipalités, et ce, avec l'albanais, le bulgare et le bosniaque. Dans les cas contraires, il faut procéder par la traduction.

5.2 L'accès à la procédure par la traduction

De fait, la Loi sur la procédure civile (2011-2020) autorise l'emploi d'une langue minoritaire, mais au moyen de la traduction, ce qui signifie que les juges ne sont pas tenus de comprendre cette langue sans traduction:

Article 95

1) Les parties et les autres participants à la procédure ont
le droit d'employer leur langue lors des audiences et au cours de la procédure orale devant le tribunal.

2) Si la procédure se déroule dans une langue que les parties ou les autres participants à la procédure ne comprennent pas, ils bénéficieront, s'ils le demandent,
d'une traduction dans une langue qu'ils comprennent à l'audience, ainsi que de la traduction des documents utilisés à l'audience pour
la preuve.

3) Si la langue d'une minorité nationale est également employée officiellement au tribunal,
les frais de traduction occasionnés par l'usage des langues officielles de la minorité nationale dans la procédure par les participants à la procédure sont à la charge de l'organisme responsable de la procédure.


4) Les parties et les autres participants à la procédure qui sont aveugles, sourds ou muets ont droit à un interprète gratuit dans la procédure devant le tribunal.
 
Article 175

1) La langue des tribunaux est généralement celle qui est d'usage officiel dans un tribunal.

2) Si un document est rédigé dans la langue d'une minorité nationale et qu'il est transmis à un tribunal
dans lequel la langue de cette minorité nationale n'est pas d'usage officiel, le document du tribunal rédigé dans la langue de la minorité nationale doit être accompagné d'une traduction en serbe.

Les articles 108 et 110 du Règlement de la cour (2009-1019) résument bien la procédure judiciaire en usage:
 

Article 108

1) La procédure judiciaire peut se dérouler
dans la langue d'une minorité nationale, si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel au tribunal, conformément à la réglementation particulière.

2) Si la procédure judiciaire ne se déroule pas dans la langue d'une minorité nationale et qu'en plus de la langue serbe la langue de la minorité nationale est également d'usage officiel au tribunal, les documents écrits sont remis sur demande au membre de la minorité nationale
dans sa langue.

3) Dans les autres cas, les dispositions d’une loi spéciale régissant l’usage officiel des langues et des alphabets s’appliquent.

4) La traduction des mémoires et des documents soumis au tribunal
dans les langues des minorités nationales doit être effectuée par un traducteur.

Article 110

1) Les tribunaux doivent coopérer et se fournir mutuellement une assistance judiciaire dans une langue qui est d'usage officiel au tribunal.

2) Si un document est rédigé dans la langue d'une minorité nationale et qu'il est envoyé à un tribunal où cette langue n'est pas d'usage officiel, une traduction en serbe doit être jointe.

D'après la législation serbe, les langues des minorités nationales sont acceptées dans les tribunaux de première instance (au nombre de 45), mais le juge n'est pas tenu de comprendre la langue minoritaire, à moins que celle-ci soit d'usage officiel. En Serbie centrale, il s'agit de l'albanais dans trois municipalités, du bosniaque dans quatre municipalités et du bulgare dans deux municipalités.  Dans tous les autres cas, on fait appel à des interprètes. Si la procédure de première instance se déroule dans la langue d'une minorité nationale, les parties à la procédure soumettent toutes les observations dans cette langue; le tribunal soumet également les documents judiciaires dans cette langue; les procès-verbaux et les décisions de la procédure doivent être rédigés comme des textes authentiques en serbe et dans la langue de la minorité nationale.

Un procès peut se dérouler dans la langue de la minorité nationale si cette langue est d'usage officiel au tribunal, et il suffit qu'une seule partie y participe et demande que la procédure se déroule dans cette langue. Si les parties conviennent d'un accord, la procédure se déroulera dans cette langue. Si un tel accord n'est pas conclu et que l'une des parties demande que la procédure se déroule en serbe, la procédure devra être effectuée en serbe. Ainsi, le tribunal a le droit de décider de la langue dans laquelle se déroule la procédure dans le cas où les parties ne peuvent pas se mettre d'accord sur le choix de la langue et dans le cas où aucune des parties n'exige que la procédure se déroule en serbe. Cette mesure limite considérablement la portée de la possibilité pratique de mener la procédure dans la langue des minorités nationales.

5.3 La langue des juges

L'article 46 de la Loi sur les juges (2008) énonce que, dans le cas de la langue d'une minorité qui est d'usage officiel, la connaissance de la terminologie juridique professionnelle dans la langue de la minorité nationale doit être prise en compte, qui qui signifie que le juge dans ces tribunaux doit connaître la langue de cette minorité:

Article 46

1)
La discrimination, quel qu'en soit le motif, est interdite lors de l'élection et de la nomination d'un juge.

2) Lors de sélection et de la proposition de sélection des juges, la composition nationale de la population, la représentation appropriée des membres des minorités nationales et
la connaissance de la terminologie juridique professionnelle dans la langue de la minorité nationale, qui est d'usage officiel devant les tribunaux, sont prises en compte.

 

Langue maternelle
minoritaire des juges
Nombre Juges bilingues
Bosniaque (Serbie centrale) 1 25
Hongrois (Voïvodine) 17 14
Albanais (Serbie centrale) 3 3
Ruthène (Voïvodine) 1 1
Bulgare (Serbie centrale) 1 0
Macédonien (Voïvodine) 0 0
Roumain (Voïvodine) 2 0
Slovaque (Voïvodine) 2 0
Croate (Voïvodine) 2 0
Monténégrin (Voïvodine) 0 0
Tchèque (Voïvodine) 0 0
Total 29 43
De façon générale, les juges ne sont pas tenus de comprendre sans traduction l'une ou l'autre des langues minoritaires si elles ne sont pas d'usage officiel dans la municipalité concernée. Si une langue n'est pas d'usage officiel, l'interprétariat est obligatoire et les coûts de traduction sont à charge de la cour. Certes, les autorités serbes encouragent les parties à employer les langues et les alphabets minoritaires devant les tribunaux, mais ils favorisent en même temps l'usage de la traduction.

Le tableau ci-contre indique le nombre de juges appartenant à une minorité nationale. Par exemple, il y a 17 juges qui sont hongrois, trois juges albanais, un juge bosniaque, deux juges roumains, deux juges slovaques, deux juges croates, un juge bulgare et un juge ruthène. Si l'on fait exception des juges albanais, bosniaque et bulgare — pour un total de quatre  , tous les autres juges sont sous la juridiction des tribunaux de la Voïvodine.

Plusieurs juges sont serbes puisqu'on compte 43 juges bilingues et 29 juges appartenant à une minorité nationale. Ce qui surprend, c'est que des juges soient unilingues en Voïvodine (bulgare, macédonien, roumain, slovaque, croate, etc.).

5.4 Des droits linguistiques variables

De fait, en dépit des efforts entrepris pour fournir des services judiciaires dans les langues minoritaires, ainsi que des traductions dans les tribunaux, ces mesures ne sont pas toujours suffisantes pour respecter les dispositions en matière d'emploi des langues minoritaires, particulièrement lors d'une procédure pénale.

 
Municipalité en Serbie centrale Langue minoritaire 2016 2017 2018
Dimitrovgrad (Serbie centrale) bulgare 1 0 0
Novi Pazar (Serbie centrale) bosniaque 2 2 3
Total - 3 2 3
C'est pourquoi les procès se déroulent rarement dans une langue minoritaire en Serbie centrale. Le tableau ci-contre montre le nombre de procès ayant eu lieu dans une langue minoritaire en Serbie centrale au cours des années 2016-20117 et 2018: il n'y en a eu un seul en bulgare et six en bosniaque.  De fait, les membres des minorités n'exigent que très peu de procès dans leur langue de peur d'en subir des conséquences négatives. Comme tous les procès doivent obligatoirement être traduits en serbe, le bilinguisme a fini par disparaître, et ce, malgré les prescriptions constitutionnelles.

Dans les régions à fort pourcentage de minorités, les autorités de la Serbie ont souligné que les membres de ces minorités ne postulent que rarement à des emplois ou des formations dans la police et que des tentatives sont actuellement menées pour intégrer un plus grand nombre de représentants des minorités dans les forces de police.

Par ailleurs, le droit d'utiliser sa langue maternelle dans une procédure judiciaire n'est pas réservé uniquement aux membres des minorités nationales. Tout justiciable peut y avoir recours. L'article 32 de la Constitution garantit à chacun le droit à un traducteur gratuit, au cas où il ne parlerait pas ou ne comprendrait pas la langue utilisée officiellement au tribunal:
 

Article 32

Droit à un procès équitable

1) Quiconque a le droit à une audience publique devant un tribunal indépendant et impartial établi par la loi dans un délai raisonnable, qui doit statuer sur ses droits et obligations, ainsi que les motifs de soupçon résultant de la procédure engagée et des accusations portées contre lui.

2) Quiconque a le droit à l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne parle ni ne comprend la langue officielle utilisée dans les tribunaux et le droit à l'assistance gratuite d'un interprète si la personne est aveugle, sourde ou muette.

Ce droit d'employer sa langue est le plus souvent un droit à la traduction. Le problème est différent pour les Bosniaques du Sandjak, car le bosniaque est compris sans traduction par n'importe quel juge serbophone.

5.5 Les procès d'instance supérieure

De plus, les procès qui ont lieu  en deuxième instance doivent obligatoirement se dérouler en serbe. Les membres des minorités nationales qui participent à la procédure ont le droit d'employer leur langue à la condition que ce soit celle utilisée en première instance. Bien que la procédure de deuxième instance se déroule techniquement en langue serbe, celle-ci peut être effectuée dans une langue minoritaire par la traduction, mais cette mesure est conditionnée par le déroulement antérieur lors de la procédure de première instance. En ce cas, la traduction est effectuée par des interprètes officiels aux frais du tribunal, mais techniquement le procès a lieu en serbe et le juge rendra sa sentence dans cette langue. Cette procédure exceptionnelle en deuxième instance ne peut s'étendre à une procédure pénale en troisième instance ou lors des recours judiciaires extraordinaires.

5.6 Les notaires publics

En Serbie, le notaire public exerce ses activités en tant qu'occupation exclusive et permanente jusqu'à ce qu'il quitte la profession. Il doit être un expert dans le domaine du droit qui, en se fondant sur l'autorité publique, accepte les déclarations des parties et leur donne la forme écrite nécessaire et délivre les documents ayant le caractère de documents publics, conserve les originaux de ces documents et autres documents confiés, émet des transcriptions de documents, confirme les faits, conseille les parties sur les questions qui font l'objet de son activité et entreprend d'autres actions et exécute d'autres tâches prévues par la loi. Le ministre de la Justice est responsable de la nomination et de la révocation des notaires publics.

La Loi sur le notaire public (2011-2015) oblige tout notaire public à disposer d'une adresse permanente (un «siège officiel») et à apposer en évidence sur le bâtiment l'inscription «notaire public» ainsi que ses nom et prénom; s'il réside dans un territoire où une langue minoritaire est d'usage officiel, l'inscription «notaire public» doit également être ajoutée au panneau dans la langue de la minorité nationale:
 

Article 16

3) Le notaire est tenu d'apposer un panneau en évidence sur le bâtiment où se trouve le bureau du notaire, qui contient l'inscription «notaire public» ainsi que le nom et le prénom du notaire.

4) Si le siège officiel d'un notaire est situé sur le territoire d'une unité d'autonomie locale dans laquelle
la langue et l'alphabet d'une minorité nationale donnée sont d'usage officiel, l'inscription «notaire public» est également ajoutée au panneau dans la langue de la minorité nationale.

Selon l'article 18 de la même loi, un acte notarié peut être rédigé seulement en serbe ou seulement dans une langue minorité d'usage officiel ou dans les deux langues et alphabets:
 

Article 18

Usage de la langue et de l'alphabet

1)
Le notaire public compile les actes notariés en serbe comme langue officielle et en alphabet cyrillique, et dans les territoires d'une unité d'autonomie locale où la langue et l'alphabet d'une minorité nationale sont d'usage officiel, les actes notariés doivent être rédigés
en langue serbe et en cyrillique ou dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale ou dans les deux langues et alphabets à la demande de la partie.

De plus, en vertu de l'article 25 de la Loi sur le notaire public, le notaire doit connaître non seulement la langue serbe, mais également la langue de la minorité dont la langue est d'usage officiel, à moins qu'il ait conclu un accord de coopération avec un traducteur judiciaire pour la langue de cette minorité:
 

Article 25

Nomination et révocation d'un notaire

Quiconque remplit les conditions suivantes peut être nommé notaire:

7. parler, écrire et lire la langue serbe et, dans les territoires d'autonomie locale où la langue minoritaire est d'usage officiel, connaître la langue de cette minorité ou joindre un accord de coopération avec un traducteur judiciaire pour la langue de cette minorité;

Par conséquent, en Serbie centrale, dans neuf municipalités dont la langue minoritaire est d'usage officiel, un notaire doit connaître le bulgare, l'albanais ou le bosniaque, à moins qu'il s'associe avec un traducteur judiciaire. Cependant, la tâche est plus aisée avec le bosniaque s'il parle déjà le serbe puisque les deux langues sont aisément compréhensibles.

6 Les droits linguistiques dans les organismes administratifs

Il faut distinguer trois types d'administration en Serbie: les organismes de l'administration centrale, ceux des autonomies locales (municipalités) et ceux de la province de Voïvodine.

6.1 La législation sur les droits des minorités nationales

L'article 199 de la Constitution accorde le droit à quiconque le droit d'employer sa langue dans la procédure devant la cour, devant toute autre instance de l'État ou tout organisme exerçant des pouvoirs publics:
 

Article 199

Langue de la procédure

1) Quiconque a le droit d'employer sa langue dans la procédure devant la cour, devant toute autre instance de l'État ou tout organisme exerçant des pouvoirs publics, lorsqu'il s'agit de ses droits ou de ses obligations.

2) L'ignorance de la langue de la procédure ne doit pas constituer un obstacle à la réalisation et à la protection des droits de l'homme et des minorités.

De plus, l'article 79 de la Constitution étend ce droit aux administrations locales autonomes, ce qui inclut l'usage des prénom et nom dans la langue minoritaire, les dénominations traditionnelles locales, les noms de rues, de villes et des toponymes rédigés dans leur langue là où les minorités forment une majorité significative de la population, ainsi que le doit à une information complète, adéquate et impartiale dans la langue minoritaire, y compris le droit d'exprimer, de recevoir, d'envoyer et d'échanger des informations et des opinions, le tout conformément à la loi.

Si la Constitution fixe des grands principes généraux, les lois apportent des précisions dans l'application des principes. C'est ainsi que l'article 7 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets (1991-2018) précise que ces droits sont applicables lorsqu'ils sont «d'usage officiel», alors que le texte en langue minoritaire doit être placé après le texte en serbe en dessous ou à droite, avec la même forme et la même taille de police, ce qui signifie qu'un texte est soit bilingue soit uniquement en serbe:
 

Article 7

1)
Lorsqu'ils sont
d'usage officiel, le texte dans les langues et les alphabets des minorités nationales (ci-après: les langues des minorités nationales) doit être indiqué après le texte en langue serbe en dessous ou à droite, avec la même forme et la même taille de police.

2) Si plusieurs langues de minorités nationales sont d'usage officiel, le texte dans ces langues doit être placé après la langue serbe dans l'ordre alphabétique.

- La règle des 15 %

L'article 11 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets précise également que l'usage officiel dans l'administration est introduit si le pourcentage des membres de cette minorité nationale dans la population totale de sa région atteint 15% selon les résultats du dernier recensement:  

Article 11

1) Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales, leur langue et leur alphabet peuvent être
d'usage officiel égal.

2) L'unité d'autonomie locale introduit obligatoirement la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage des membres de cette minorité nationale dans la population totale de sa région atteint 15% selon les résultats du dernier recensement.

7) Les membres des minorités nationales dont le nombre dans la population totale de la république de Serbie atteint au moins 2% selon le dernier recensement peuvent s'adresser aux autorités de la république dans leur propre langue et ont le droit de recevoir une réponse dans cette langue.
8) Les membres des minorités nationales dont le nombre dans la population totale de la république de Serbie n'atteint pas 2% selon le dernier recensement peuvent s'adresser aux autorités de la République dans leur langue maternelle et ont le droit de recevoir une réponse dans cette langue par l'intermédiaire de l'unité gouvernementale locale dans laquelle la langue de cette minorité nationale est d'usage officiel, où l'unité d'autonomie locale assure la traduction et prend en charge les frais de traduction de la lettre envoyée à l'organisme de la République et de la réponse de cet organisme.

Lorsque la langue d'une minorité n'est pas d'usage officiel, mais qu’elle compte pour au moins 2 % des locuteurs de la population locale (municipalité), les membres d'une minorité nationale peuvent s'adresser aux autorités de la République dans leur langue maternelle et ont le droit de recevoir une réponse dans cette langue (art. 16):

Article 16

1)
Dans les territoires où les langues des minorités nationales ne sont pas d'usage officiel, les organismes ou entités qui dirigent la procédure doivent faire en sorte que les membres des nationalités puissent exercer leurs droits et obligations en fonction des mesures suivantes:

1. l'usage de leur langue et de leur alphabet dans la procédure avec ces organismes et de ces entités;

2.
la présentation des requêtes, des appels, des poursuites, des propositions, des pétitions et d'autres soumissions dans leur langue maternelle;

3. sur demande, la présentation dans leur langue des
copies des décisions, des jugements et des autres actes statuant sur leurs droits et leurs obligations
, ainsi que les témoignages, les certificats, les confirmations et autres documents écrits.

2) Il est considéré qu'il existe une demande visée au point 3, paragraphe 1, du présent article, même si la communication a été présentée dans la langue de cette minorité nationale.

- Les services disponibles

Quant à la Charte sur les droits de l’homme, les droits des minorités et les libertés civiles (2003), l'article 52 accorde un grand nombre de droits, dont celui de recevoir des services de la part des organismes de l'État  dans la langue de la minorité nationale lorsqu'ils constituent une partie significative de la population:

Article 52

Droit de préserver son identité

1) Les membres des minorités nationales disposent des droits suivants:

- d'exprimer, de préserver, d'entretenir, de développer et de manifester publiquement leurs particularités nationales, ethniques, culturelles et religieuses;
- d'employer leurs symboles dans les lieux publics;
- d'employer librement leur langue et leur alphabet;
-
de recevoir des services de la part des organismes de l'État  dans la langue de la minorité nationale lorsqu'ils
constituent une partie significative de la population;
- de recevoir leur instruction dans leur langue maternelle dans les établissements publics;
- de fonder des établissements d'enseignement privés à tous les niveaux;

- d'employer leurs prénom et nom dans leur langue maternelle;
-
d'écrire dans la langue minoritaire leurs dénominations traditionnelles locales, dans les noms de rue et les règlements, ainsi que dans les plaques topographiques;
- d'obtenir un certain nombre de sièges à l'Assemblée d'un État membre et au Parlement de la Communauté de Serbie-et-du-Monténégro sur la base de la représentation directe, conformément aux lois des États membres;
- d'être représentés en juste proportion dans les services publics, les pouvoirs publics et les autorités d'autogestion locale;
-
d'être entièrement et impartialement informés dans leur langue maternelle, y compris le droit d'exprimer, de recevoir, d'envoyer et d'échanger des information et des opinions;
- de créer leurs propres médias publics.

Nous savons ce que signifie l'expression «une partie significative de la population»: au moins 15 % d'une municipalité. D'ailleurs, l'article 11 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) reprend ces mesures:

Article 11

L'emploi officiel de la langue et de l'alphabet

1)
Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales, leur langue et leur alphabet peuvent être d'usage officiel égal.

2)
Toute unité d'autonomie locale introduira obligatoirement la langue et l'alphabet d'une minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage de membres de cette minorité nationale dans la population totale de son territoire atteint 15% selon les résultats du dernier recensement. L'unité d'autonomie locale doit introduire la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans l'usage officiel au plus tard 90 jours à compter de la détermination du respect des conditions prescrites par la loi.

3)
Dans une unité d'autonomie locale où la langue d'une minorité nationale est d'usage officiel au moment de la promulgation de la présente loi, elle restera d'usage officiel.

8) Les membres des minorités nationales dont le nombre dans la population totale de la république de Serbie atteint au moins 2% selon le dernier recensement peuvent s'adresser aux autorités nationales dans leur propre langue et ont le droit de recevoir une réponse dans cette langue.

9) Les membres des minorités nationales dont le nombre dans la population totale de la république de Serbie n’atteint pas 2% selon le dernier recensement peuvent s’adresser aux autorités nationales dans leur propre langue et ont le droit de recevoir une réponse dans cette langue par l’intermédiaire de l’administration locale dans laquelle la langue de cette minorité nationale est d’usage officiel et où l'unité d'autonomie locale assure la traduction et prend en charge les frais de traduction de la lettre envoyée à l'organisme de la république et de la réponse de celui-ci.

- La toponymie

D'après l'article 19 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets, lorsque la langue minoritaire est d'usage officiel, les toponymes et autres inscriptions publiques peuvent être aussi dans cette langue:

Article 19

Dans les territoires où les langues des nationalités sont d'usage officiel, les noms de lieux et les autres noms géographiques, les noms des rues et des places, les noms des organismes et des entités, les panneaux de signalisation, les avis et les avertissements au public et les autres panneaux publics doivent être rédigés dans les langues des minorités nationales.

- La fonction publique

La Loi sur les fonctionnaires (2005-2018) prévoit que des postes dans la fonction publique peuvent être accordés aux membres des minorités nationales:

Article 55

2)
Si un poste est pourvu lorsque la connaissance de la langue et de l'alphabet d'une minorité nationale est fournie à titre de condition particulière, l'annonce du concours public mentionnera spécifiquement cette condition, ainsi qu'un éventuel contrôle écrit de son respect.

Article 61

4)
Le gouvernement réglemente plus en détail la mise en œuvre d'un concours interne et public pour pourvoir les postes de direction, l'apparence, le contenu et les modalités de soumission du formulaire de candidature, les modalités de suivi d'un candidat selon le code de sa candidature et la phase de procédure d'élection dans tous les organismes de l'État, ainsi que la composition de la commission du concours, la façon de vérifier les compétences et les critères de sélection pour les postes dans les organismes de l'administration publique et les services gouvernementaux.

5) Les dispositions visées au paragraphe 4 du présent article règlent la manière de donner la priorité aux membres appartenant aux minorités nationales, afin d'assurer une représentation adéquate des membres appartenant aux minorités nationales et une pleine égalité entre les membres de celles-ci et les citoyens appartenant à la majorité dans le cas où les candidats en cas d'égalité de compétence ont satisfait aux critères de sélection. 

6.2 L'application variable des droits

Il existe donc au plan législatif de multiples dispositions visant à promouvoir la représentation et les services auprès de minorités nationales dans l'administration publique. Cependant, l'application du droit d'employer les langues minoritaires dans les contacts avec les autorités locales demeure très inégale en Serbie centrale, car la situation est plus adéquate en Voïvodine où l'accès est plus flexible.

- L'administration centrale

Les services administratifs dans les langues des minorités nationales en provenance de Belgrade sont pour ainsi dire inexistants. Ces services peuvent être disponibles en principe par le biais des autonomies locales à la condition qu'une de ces langues soit «d'usage officiel». Or, c'est le cas pour les neuf municipalités suivantes: l'albanais (Bujanovac, Preševo et Medveđa), le bulgare (Bosilegrad et Dimitrovgrad) et le bosniaque (Sjenica, Prijepolje, Tutin et Novi Pazar).

Dans les faits, il n'existe pas de rapports ou d'études qui indiqueraient que les agences locales des autorités nationales utilisent l'une ou l'autre des langues minoritaires ni qu’elles aient rédigé des textes dans ces langues, encore moins qu'elles aient offert des services oraux.

- Les autonomies locales des municipalités

Dans les neuf municipalités bilingues de la Serbie centrale, les services sont généralement adéquats pour les minorités albanaises, bulgares et bosniaques, bien que tout ne soit pas parfait. Il faut dire aussi que le cas des Bosniaques ne présente pas de réels problèmes linguistiques en raison de la similitude du bosniaque avec la langue serbe (voir le serbo-croate). Néanmoins, certaines difficultés subsistent dans la mesure où les autorités locales n'emploient pas systématiquement un bilinguisme intégral, même lorsque le statut de la municipalité reconnaît deux langues d'usage officiel.

Évidemment, la situation peut se présenter différemment selon les municipalités. Certaines municipalités  pourraient offrir des services bilingues à des minorités dont les membres n'atteignent pas les 15 % de la population. Des difficultés similaires ont été signalées dans l'est de la Serbie, en ce qui a trait à l'introduction possible de la langue valaque comme langue d'usage officiel à Bor (district de Bor), ville serbe dont les Valaques forment 13,7 % de la population contre 72,8 % pour les Serbes.

Dans les municipalités bilingues, les autorités locales peuvent invoquer le manque de personnel dans la langue concernée, ce qui implique qu'une municipalité puisse manquer de ressources spécialisées pour traduire les documents officiels, ce qui peut constituer un motif suffisant pour justifier le non-respect de ses obligations légales. Les municipalités pourraient mettre en place une procédure de mobilité du personnel ou pratiquer un meilleur recrutement pour du personnel multilingue. Ces municipalités ont de la difficulté à mettre des ressources suffisantes à la disposition de leurs concitoyens pour favoriser l’usage local de la langue d'une seule minorité: publications, guides, annonces, et panneaux d’affichage, bulletin d’information officielle, informations sur les sites Web, documents et formulaires, émission des principaux extraits d’actes d’état civil, etc. Dans les services de police de la Serbie centrale, toutes les données n'apparaissent qu'en serbe et en alphabet cyrillique, à l'exception des noms personnels des individus.  .

Dans la plupart des cas, les règlements et les formulaires municipaux ne sont pas publiés dans les langues minoritaires, même si ces dernières sont officiellement reconnues. Non seulement certaines administrations municipales n’utilisent fort peu, sinon jamais, les langues minoritaires, mais elles refusent de rendre bilingues les plaques de rues ou de places publiques et autres noms de lieux.

Quant à l'obligation d’installer des panneaux de signalisation indiquant les noms de lieux dans la langue minoritaire, elle peut être respectée de trois façons :

1) comme obligation d’indiquer le nom des localités dans la langue des minorités nationales minoritaires ;
2) comme obligation d’indiquer le nom des localités sous leur forme traditionnelle:
3) comme obligation d’installer une signalisation indiquant les autres noms géographiques, les noms de places et les noms de rues dans les langues et les alphabets des minorités nationales.

Les autorités serbes précisent que l’usage officiel d’une langue ou d’un alphabet minoritaire est possible dans une municipalité bilingue, mais aussi sur l’intégralité du territoire d’une ville, englobant ainsi les villages sous la juridiction de la municipalité. Si les noms toponymiques dans une langue minoritaire ont été adoptés dans la plupart des municipalités soumises à la loi, leur usage est limité aux panneaux toponymiques des localités et plus rarement pour les noms des rues dans les endroits où une minorité donnée constitue une partie non négligeable de la population. En principe, la possibilité d’utiliser des panneaux toponymiques dans une langue minoritaire s’applique pourtant aux endroits où une minorité n’occupe pas une position numériquement importante. Là où ils existent, les panneaux bilingues sont présentés dans une taille identique à celle des appellations serbes. Dans d'autres cas, lorsque les autorités locales acceptent de placer des panneaux bilingues, il arrive que l'alphabet ou l'orthographe n'est pas correctement rédigé.

En Serbie centrale, il n'y a pas de formulaires bilingues pour les actes de naissance, car que tous les bureaux d'enregistrement n'emploient que le formulaire en langue serbe et en alphabet cyrillique. Dans la municipalité de Bosilegrad, les autorités se sont montrées ouvertes à la possibilité de recourir à un formulaire bilingue en serbe et en bulgare; elles ont demandé de l'aide au ministère cde l'Administration de l'État et de l'Autonomie locale, mais elles n'ont pas reçu de réponse concrète à ce sujet.

6.3 Les droits ajustés en fonction des minorités

Les principales minorités en Serbie centrale sont les Bosniaques, les Roms/Tsiganes, les Valaques et les Roumains, les Bulgares, les Albanais et les Croates. Nous en présentons ici un résumé de leurs droits linguistiques.

- Les Bosniaques

Les Bosniaques du Sandjak représentent près de 60 % de la population totale de cette région. Depuis 1992, les quelque 140 000 Bosniaques ont vu leur situation changer du tout au tout. Alors que, avant la guerre avec la Bosnie-Herzégovine, ils occupaient de nombreux postes administratifs dans la région du Sandjak, tout a basculé par la suite. La plupart des fonctionnaires bosniaques ainsi que le personnel médical ont été congédiés, particulièrement les cadres. Des huit juges de la région, seulement deux étaient bosniaques (les autres étaient serbes). L’épuration ethnique a été manifeste dans la police où il ne restait plus aucun officier bosniaque. Il est vrai que, dans les faits, les Bosniaques du Sandjak ne sont pas discriminés au plan linguistique, étant donné que leur langue est une variante du serbe (ou une variante très semblable). Les départs de Bosniaques vers la Bosnie-Herzégovine, la Turquie ou l’Europe de l’Ouest furent continuels, tant pour des raisons politiques qu'économiques.

Depuis la nouvelle Constitution de la Serbie, les Bosniaques tendent avec un certain succès de reprendre le terrain perdu. Ce sont aujourd'hui les nouvelles lois qui forcent les administrations locales à assurer plus de bilinguisme et plus de visibilité à l'alphabet latin des Bosniaques. Néanmoins, certains Bosniaques demandent le rattachement de leur région à la Bosnie-Sarajevo, cette dernière étant partagée entre la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska (Serbes de Bosnie)

- Les Roms/Tsiganes

En Serbie centrale, le recensement de 2011 indique qu'il y aurait 105 200 Roms/Tsiganes, mais des recherches officieuses du ministère des Droits de l'homme et des Minorités indiquent que le nombre de Roms serait nettement plus élevé, soit entre 400 000 et 500 000. Après les Hongrois et devant les Bosniaques, les Roms seraient devenus le troisième groupe ethnique de la Serbie. Juste en Serbie centrale, les Roms constituent le deuxième groupe minoritaire (2,0%) après les Bosniaques du Sandjak (2,75%). Si l'on exclut les 42 400 Roms de la Voïvodine, on compterait 27 300 Roms juste à Belgrade, ce qui laisse 77 900 dans le centre de la Serbie sans Belgrade. Près de la moitié des Roms vivant en Serbie centrale, y compris Belgrade, sont des réfugiés du Kosovo.

La plus grande part de la population totale des Roms en Serbie centrale se trouve dans le district de Jablanica à Bojnik (13,6%), dans le district de Pčinja à Surdulica (10,7%) et dans le district de Pirot à Bela Palanka (11,8%). Quoi qu'il en soit, les Roms sont répartis dans plus de 600 agglomérations (municipalités, villes et villages), ce qui signifie que, contrairement à la plupart des minorités vivant concentrées au plan territorial, les Roms sont dispersés dans tout le pays.

Les Roms, qui pourraient représenter plus de 6 % de la population totale de la Serbie, sont parmi les groupes les plus marginalisés et constituent la partie la plus pauvre de la population; ils vivent en état de misère permanente. Sur le nombre total de Roms, seulement 27,2% d'entre eux sont économiquement actifs, le taux de chômage étant quatre à cinq fois plus élevé que dans la population générale. Si les trois quarts des enfants roms n'ont même pas accès à l'éducation primaire, il ne faut pas s'attendre à ce que les droits linguistiques soient très développés. De fait, les données de l'UNICEF sur le nombre de Roms employés dans l'administration publique locale évoquent une discrimination institutionnelle systémique. Il n'y en a presque aucun Rom dans les agences publiques, car de toute façon les services de l'emploi ne tiennent pas de registre sur les Roms. La plupart des enfants en bas âge ne parlent que le romani ou uniquement l'albanais.

- Les Valaques et les Roumains

En Serbie intérieure, les quelque 35 000 Valaques  (ou Aroumains) sont concentrés presque exclusivement dans le centre de la Serbie; leur principale zone de concentration est la région de l'est de la Serbie centrale, où ils représentent plus de 90% de leur effectif total sur le territoire de la république de Serbie, incluant la Voïvodine. Sur un total de neuf districts où ils sont dispersés, la plupart résident dans le district de Bor (10,7%) et le district de Braničevo (7,2%), ce qui représente 0,6 % du nombre total de Valaques dans le sud-est de la Serbie. D'autres Valaques habitent dans le district de Zaječar (5,2%), ce qui regroupe plus de 99% des membres de la minorité nationale valaque. Le plus grand nombre d'entre eux vivent dans les municipalités suivantes: Bor (13,8% de la population), Petrovac na Mlavi (14,7%), Kučevo (25,3%), de Negotin (9,1%), Boljevac (25,8%), Žagubica (22,1%) et Majdanpek (13,1%).

Bien que cette minorité valaque atteigne parfois plus de 15 % de la population locale, aucun de ses membres n’a le droit d’employer officiellement sa langue (le valaque appelé aussi aroumain) dans les localités où est concentrée sa communauté.  Les représentants valaques demandent, depuis 1996, aux autorités de la Serbie centrale de leur accorder, à l’exemple des Roumains de Voïvodine, le statut de minorité nationale. Ce statut leur conférerait une assise juridique (ou théorique?) pour exercer les droits dont ils ne bénéficient pas présentement, notamment le droit d’employer officiellement leur langue et leur alphabet, et le droit de développer leur culture nationale. Les Valaques font partie des populations les plus âgées de Serbie avec un âge moyen de plus de 50 ans, ce qui contribue à la non-reconnaissance de leurs droits. Aujourd'hui, les minorités valaques font ce qu'elles peuvent pour exercer leurs droits, mais quoi qu’il en soit les droits linguistiques ne sont applicables qu’en Voïvodine.

- Les Bulgares

Les quelque 17 000 Bulgares vivant en Serbie centrale (districts de Pčinja et de Pirot) sont particulièrement nombreux dans les municipalités de Bosilegrad (71,8 % de la population) et de Dimitrovgrad (53,5 %), mais on en trouve aussi à Surdulica (1,7 %) et à Babusnica (5,4 %). Le Statut des deux municipalités où ils sont majoritaires, la langue bulgare est d'usage officiel avec le serbe. Par conséquent, le bulgare est employé dans les communications entre les citoyens et les autorités municipales. Toutefois, cette réglementation est partiellement respectée et elle n’est pas appliquée partout. Dans les cours de justice, par exemple, les procès dans ces municipalités où l’emploi de la langue bulgare est pourtant garanti sont effectués exclusivement en serbe. La cour embauche un interprète lorsque l’avocat de la défense exige que la procédure doive se dérouler en bulgare. Dans les hôpitaux, les Bulgares se plaignent que les diagnostics médicaux sont rédigés seulement en serbe. Les noms géographiques, les noms des rues et des entreprises, les panneaux, etc., sont généralement rédigés dans les deux langues. Le bulgare est employé aussi bien par écrit qu'oralement dans les échanges entre les organismes administratifs et les citoyens, ainsi que dans les procédures visant à donner effet aux droits, aux obligations et aux responsabilités des citoyens et à les garantir, notamment dans les registres officiels et les actes publics.

Néanmoins, la petite communauté bulgare de l’est de la Serbie se dit victime d’un long processus d’assimilation: elle s'est adressée à Belgrade, à Sofia et à Bruxelles pour essayer de faire reconnaître ses droits jugés insuffisants.

- Les Albanais

Les 3558 Albanais de la Serbie centrale sont concentrés dans trois municipalités du sud du pays:  Preševo, Medveđa et Bujanovac (districts de Jablanica et de Pčinja). Les données numériques officielles ne sont pas très fiables, car les Albanais ont boycotté le dernier recensement de 2011. Les Albanais constituent la majorité de la population dans les municipalités de Preševo et de Bujanovac, mais on ignore exactement leur nombre exact à Medveđa. L'Agence France-Presse (AFP) souligne que le sud de la Serbie est l'une des régions les plus sous-développées du pays et que les taux de chômage et de pauvreté y sont élevés. Des sources onusiennes affirment que les Albanais du sud de la Serbie seraient sous-représentés au sein des organismes de l'État. Pour sa part, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) signale que les Albanais de ces trois municipalités sont victimes de discrimination en matière d'accès à la fonction publique, en particulier à la police et au système judiciaire; la force policière dans le sud de la Serbie est principalement formée de policiers d'origine serbe, mais aussi d'un petit nombre d'albanophones.

- Les Croates

Les plus fortes concentrations de Croates en Serbie centrale se trouvent d'abord dans le Grand-Belgrade (1,5 %), mais il existe de petites communautés dans les municipalités de Dimitrovgrad, Lapovo, Pišonja et Cajetina. Les Croates de Serbie ont perdu la plupart de leurs droits linguistiques à partir de 1991, notamment en matière administrative. Les fonctionnaires croates ont été congédiés ou transférés ailleurs à des postes subalternes ou à des travaux manuels; il n'y a eu pratiquement plus de Croates dans des postes administratifs en Serbie. Plusieurs Croates ont porté leur cause devant les tribunaux et, même lorsqu’ils ont gagné celle-ci, les fonctionnaires serbes ont toujours réussi à ne pas appliquer les décisions des juges. Par ailleurs, beaucoup d’affiches bilingues de toponymes et d’odonymes (rues) ont été supprimées et remplacées par des panneaux unilingues serbes. On estime que de 50 % à 60 % des Croates ont quitté la Serbie.

À la suite des accords de Dayton de 1995 (plan de paix en Bosnie-Herzégovine impliquant également la Croatie et la Serbie), la situation des Croates s’est quelque peu améliorée et des services bilingues ont commencé à être offerts dans quelques villes de la Voïvodine (Apatin, Indjija, Subotica, Sid, Bac), mais pas du tout en Serbie centrale. Les quelque 10 800 Croates de cette région de la Serbie se disent victimes de politiques discriminatoires sous forme de pressions subtiles et d’abus de pouvoir.

- Les autres minorités

À part quelques rares exceptions et les neuf municipalités bilingues (bosniaque, bulgare et albanais), la Serbie centrale protège mal ses minorités nationales. Dans la pratique, les Valaques, les Croates, les Macédoniens, les Hongrois, les Slovaques, les Roumains, les Ruthènes, les Ukrainiens, les Slovènes, les Allemands, les Russes, etc., sont tous laissés à eux-mêmes, car les municipalités n'ont pas jugé nécessaire ni même utile de protéger leurs petites minorités. Il faut dire que presque toutes les municipalités abritent parfois de nombreuses petites communautés de 20, 50 ou 200 personnes dont elles ne voient pas comment elles pourraient faire pour améliorer leur situation sans en avoir les ressources. Il ne faut pas oublier que, dans les faits, le gouvernement central a délégué ses pouvoirs de décision en matière de droits aux municipalités et à la province autonome de Voïvodie.

Lorsqu'on consulte le tableau «linguistique» des municipalités de la Serbie (voir le tableau «linguistique» des municipalités), on constate que les langues minoritaires sont employées officiellement dans 47 des 161 municipalités de la Serbie, le Kosovo étant exclu. Sauf pour neuf municipalités de la Serbie centrale, toutes les autres municipalités bilingues (38) sont situées en Voïvodine.

7 Les droits scolaires

Les droits scolaires dans leur langue pour les membres appartenant à des minorités nationales sont régis par la Constitution de la république de Serbie, par les lois qui réglementent les activités pédagogiques et par les unités d'autonomie locales.

7.1 Les textes juridiques fondamentaux

L'article 71 Constitution de la Serbie rend obligatoire et gratuit l'enseignement primaire, mais l'enseignement secondaire n'est pas obligatoire bien qu'il soit également gratuit:

Article 71

Le droit à l'éducation

1) Chacun a droit à l'éducation.

2) L'enseignement primaire
est obligatoire et gratuit, tandis que l'enseignement secondaire est gratuit.

L'article 5 de la Loi sur les fondements du système d'éducation et de formation (2017) prévoit que les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe, mais qu'elles peuvent être effectuées soit dans la langue d'une minorité nationale, soit à la fois en serbe et dans une langue minoritaire, soit dans une langue étrangère et en serbe et/ou dans une langue minoritaire, soit dans la langue des signes: 

Article 5

Emploi de la langue

1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en langue serbe et en alphabet cyrillique (ci-après: la langue serbe).

2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques sont effectuées dans la langue ou dans les particularités stylistiques (ci-après: la langue de la minorité nationale) et l'alphabet de la minorité nationale.

3) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques peuvent être effectuées dans les deux langues
, soit dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale soit dans la langue serbe, conformément à une loi spéciale.

4) Les activités pédagogiques peuvent être effectuées dans une langue étrangère, c'est-à-dire bilingues, soit dans une langue étrangère et en serbe, soit dans une langue étrangère et dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, conformément à la présente loi et à une loi spéciale.

5) Le
s activités pédagogiques
pour une personne qui utilise la langue des signes, c'est-à-dire une lettre spéciale ou d'autres solutions techniques, peuvent être effectuées dans la langue des signes et au moyen de cette langue.

6) Lorsque l'enseignement est donné dans la langue d'une minorité nationale, une langue étrangère ou de façon bilingue,
l'apprentissage de la langue serbe est obligatoire.

De plus, l'article 13 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales concerne l'éducation; il prescrit que les membres des minorités nationales ont le droit à l'éducation dans leur langue maternelle au sein d'établissements d'enseignement préscolaire, primaire et secondaire:

Article 13

L'éducation dans la langue maternelle

1)
Les membres des minorités nationales ont le droit de recevoir une éducation et un enseignement dans leur langue maternelle, c'est-à-dire à la parole, dans les établissements d'enseignement préscolaire, primaire et secondaire. (2018)


2) Un certain nombre minimum d’élèves peut être prescrit pour obtenir le droit du paragraphe 1 du présent article, de sorte que le nombre peut être inférieur au nombre minimum d’élèves qui est légalement prescrit par la loi pour fournir des formes appropriées d’enseignement et d’éducation. (2018)

3)
L'enseignement dans la langue d'une minorité nationale n'exclut pas l'apprentissage obligatoire de la langue serbe.

L'article 15 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales précise que les membres appartenant aux minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des écoles privées ou des universités, dans lesquelles l'enseignement est offert soit uniquement dans la langue d'une minorité nationale, soit de façon bilingue. Les organisations locales et étrangères, les fondations et les individus peuvent participer au financement de l'éducation dans les langues des minorités nationales, conformément à la loi. Voyons maintenant ce qu'il en est dans la pratique.

7.2 L'enseignement préscolaire

Selon l'article 5 de la Loi sur l'enseignement préscolaire (2010-2017), le même principe s'applique, mais il faut que 50% des parents dans une municipalité le demandent pour avoir accès à une classe de maternelle dans une langue minoritaire:

Article 5

Emploi de la langue

1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en langue serbe.

2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue de la minorité nationale et peuvent également se dérouler à la fois dans la langue de la minorité nationale et en serbe, si au moins 50% des parents ou un autre représentant légal des enfants en font la demande.

3) Une partie du programme d'éducation préscolaire ou le programme dans son ensemble peut être offert dans une langue étrangère, c'est-à-dire bilingue, soit dans une langue étrangère et en serbe, soit dans une langue étrangère et dans la langue d'une minorité nationale.

4) Les modalités et les conditions de réalisation du programme des activités pédagogiques des paragraphes 2 et 3 du présent article sont prescrites par le ministre.

5) Le règlement de l'établissement préscolaire détermine la langue dans laquelle se déroulent les activités pédagogiques et le programme préscolaire détermine les modalités de réalisation

L'accès au programme préscolaire est gratuit dans tous les établissements sous la juridiction d'une unité d'autonomie locale (municipalité), de la province de Voïvodine ou de la République. Un établissement préscolaire privé peut mettre en œuvre un programme préscolaire, mais les frais scolaires ne sont pas gratuits.

En principe, tous les membres des minorités nationales peuvent bénéficier de classes préscolaires dans leur langue maternelle. Cependant, cette instruction dépend entièrement du bon vouloir des autorités locales. Alors que 80 % des enfants serbes vont à l’école maternelle, seulement 20 % des enfants issus des minorités nationales bénéficient de cet avantage pourtant prévu et garanti par la législation serbe. En réalité, l’accès à l’école maternelle n'est accessible que lorsqu’une minorité constitue, dans une municipalité, une majorité absolue ou une très forte minorité. C’est le cas seulement pour les Bulgares (3 écoles), les Bosniaques du Sandjak (3 écoles) et les Albanais (3 écoles), pour respectivement 150 enfants, 2900 enfants et 600 enfants. Les autres minorités de la Serbie centrale ne disposent d’aucune école maternelle dans leur lange.

7.3 L'enseignement primaire

L'article 12 de la Loi sur l'enseignement et la formation primaires (2013-2019) prescrit que «les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe et en alphabet cyrillique», mais «pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale»:
 
Article 12

La langue d'enseignement dans les activités pédagogiques

1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe et en alphabet cyrillique.

2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale.

3) Exceptionnellement, pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques peuvent se dérouler de façon bilingue à la fois dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale et en serbe.

4) Lorsque les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, donc de façon bilingue dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale et en serbe, le ministère chargé de l'éducation (ci-après: le Ministère), après avoir recueilli l'avis du Conseil national compétent qui donne son consentement pour effectuer les activités pédagogiques pour moins de 15 élèves inscrits en première année. Si le Conseil national d'une minorité nationale ne rend pas d'avis dans les quinze jours à compter de la réception de la demande, l'avis est réputé avoir été donné.

5) Lorsque les activités pédagogiques se déroulent en langue serbe, l'enseignement de la langue de la minorité nationale avec des éléments de culture nationale est organisé pour les élèves appartenant à la minorité nationale sous forme de programme optionnel.

6) Des conditions plus détaillées pour la réalisation du programme des activités pédagogiques bilingues dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale et dans la langue serbe sont prescrites par le ministre responsable de l'éducation (ci-après: le ministre).

Article 23

Programmes

1) Les activités pédagogiques dans l'école se déroulent sur la base du programme scolaire, conformément à la loi.

2) L'école peut également effectuer:

1. un programme scolaire pour l'éducation des adultes;
2. un programme scolaire d'éducation musicale;
3. un programme scolaire pour l'enseignement du ballet;
4.
un programme individuel de la langue serbe, ou de la langue de la minorité nationale pour les élèves qui ne connaissent pas la langue dans laquelle les cours sont donnés.

Notons que des cours de serbe comme langue seconde demeurent obligatoires pour les enfants des minorités, même si la plupart de leurs cours sont donnés dans leur langue maternelle.

En principe, tous les membres des minorités nationales ont le droit de recevoir leur instruction primaire et secondaire dans leur langue maternelle. Selon la Loi sur l'enseignement et la formation primaires (art. 12.4), l’instruction primaire dans les langues des minorités nationales peut être offerte s’il y a au moins 15 élèves inscrits. Une école peut accorder une exemption pour un nombre moindre, sauf que la décision dépend du directeur de l’école qui doit recevoir l’accord du ministère de l’Éducation. Dans les faits, cette permission est très rarement accordée et elle est toujours refusée pour les Bulgares, les Bosniaques et les Albanais.

Seules quelques minorités bénéficient d'établissements primaires où l'enseignement est offert entièrement dans leur langue maternelle, hormis les cours de langue seconde en serbe ou de langue étrangère. Les Albanais disposent de 16 écoles pour 5500 élèves; les Bosniaques, de 28 écoles pour 6600 élèves; les Bulgares de 14 écoles pour 1300 élèves; les Valaques, de 4 écoles pour moins de 100 élèves dans les municipalités de Požarevac et de Zaječar (districts de Braničevo et de Zajecar); les Roms, de 39 écoles pour moins de 1000 élèves répartis dans l'ensemble de la Serbie centrale.

De ces nombres, il faudrait ajouter les écoles bilingues pour ces mêmes minorités, ainsi que les cours «avec des éléments de culture nationale», qui sont facultatifs. En général, les établissements bilingues sont plus ou moins aussi nombreux que les établissements unilingues. Les autres minorités de la Serbie centrale ne bénéficient d'aucune école dans leur langue.

7.4 L'enseignement secondaire

Dans la Loi sur l'enseignement et la formation secondaire (2017), l'article 5 autorise des activités pédagogiques pour les membres des minorités nationales de façon bilingue si au moins 15 élèves décident de le faire lors de leur inscription:

Article 5

Emploi de la langue

1)
Les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe.

2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques doivent se dérouler dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale, donc de façon bilingue, si au moins 15 élèves décident de le faire lors de leur inscription en première année.

3) L'école peut effectuer des activités pédagogiques dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, donc de façon bilingue pour moins de 15 élèves inscrits en première année, avec l'accord du Ministère chargé de l'éducation (ci-après: le Ministère), conformément à la loi. Le consentement à la réalisation du programme scolaire dans les langues des minorités nationales pour moins de 15 élèves est donné par le Ministère après avoir obtenu l'avis du Conseil national compétent de la minorité nationale, conformément à la loi régissant la compétence des conseils nationaux des minorités nationales. Si le Conseil national d'une minorité nationale ne rend pas d'avis dans un délai de 15 jours à compter du jour de la réception de la demande, l'avis est réputé avoir été donné.

4) Lorsque les
activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale,
l'école est tenue d'organiser des cours de serbe pour l'élève.

5) Lorsque les
activités pédagogiques se déroulent en serbe, l'enseignement de la langue de la minorité nationale avec des éléments de culture nationale est organisé pour l'élève appartenant à la minorité nationale.

L'article 28 de la Loi sur l'enseignement et la formation secondaire précise que l'enseignement destiné aux minorités est accompagné de cours en langue serbe, ce qui ajoute deux cours supplémentaires par semaine:

Article 28

Nombre et durée des heures

1) Le temps que l'élève passe à l'école est exprimé en heures et comprend les cours de matières obligatoires, ainsi que les activités et les programmes facultatifs.

2) Dans le cycle gymnase, l'élève peut suivre jusqu'à 27 heures de matières obligatoires et des cours au choix par semaine; dans l'école professionnelle et artistique jusqu'à 28 heures, sauf dans l'école qui offre des programmes d'enseignement de ballet, où l'élève peut avoir environ 34 heures.

3) Lorsqu'un élève de l'école visée au paragraphe 2 du présent article, membre d'une minorité nationale, acquiert un enseignement dans la langue de la minorité nationale, c'est-à-dire dans les deux langues ou dans la langue serbe, il doit recevoir deux cours supplémentaires par semaine.

Seuls les enfants des Albanais (3 écoles pour 2300 élèves), des Bosniaques (2 écoles pour 225 élèves) et des Bulgares (2 écoles pour moins de 100 élèves) peuvent fréquenter une école dont l'enseignement premier est donné dans leur langue, mais ils doivent suivre obligatoirement des cours de serbe.

Il faut admettre que la législation de la Serbie prévoit des seuils élevés pour la mise en place de cours dans une langue minoritaire. En effet, il est obligatoire qu’un minimum de 15 élèves ou parents demande la mise en place d’un tel cours. C'est un seuil suffisamment élevé pour que les locuteurs d’un certain nombre de langues minoritaires en Serbie centrale ne paraissant guère pouvoir l’atteindre. Il est vrai que des cours dans une langue minoritaire peuvent aussi être mis acceptés même avec une demande de moins de 15 élèves par les parents, avec l’approbation du ministère de l’Éducation. Dans les faits, cette possibilité exceptionnelle demeure peu employée par les minorités concernées.

Rappelons qu'il existe trois modèles d’enseignement dans les langues minoritaires : l’enseignement peut être transmis dans la langue minoritaire, dans deux langues ou en serbe avec la possibilité d’apprendre «la langue maternelle avec des éléments de culture nationale». Dans les autres cas, l'enseignement correspond plutôt à de classes facultatives où l’on enseigne la langue maternelle comme «langue du milieu social». Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que, depuis quelques années, l'instruction primaire et secondaire est marquée par une baisse considérable du nombre d'élèves occupant des classes dans une langue minoritaire. Il suffit qu’une minorité ne constitue pas un groupe important dans une municipalité pour perdre à peu près tous ses droits.

7.5 Les manuels scolaires

L'article 5 de la Loi sur les manuels scolaires (2018) définit de la façon suivante ce qui est considéré comme un manuel dans la langue d'une minorité nationale:

Article 5

Manuel dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale


Un manuel dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale est considéré comme:

1) un manuel dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale publié sur le territoire de la république de Serbie;

2) un manuel dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale qui est
la traduction d'un manuel approuvé en langue serbe;

3)
un supplément au manuel utilisé pour la mise en œuvre de la partie adaptée du programme d'études pour les matières importantes pour la minorité nationale;

4) un manuel dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale publié
dans un État étranger, qui a été approuvé conformément à la présente loi.

Les dispositions de la présente loi relative au manuel s’appliquent en conséquence à l’annexe visée à l'alinéa 3 du paragraphe du présent article pour les sujets importants pour la minorité nationale.

L'article 12 autorise tout matériel didactique à être dans la langue d'une minorité si les activités pédagogiques sont effectuées dans cette langue:

Article 12

Emploi de la langue et de l'alphabet

3)
Tout manuel, livre, ouvrage pédagogique supplémentaire, ouvrage didactique et matériel didactique de jeu sont également publiés dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale lorsque les activités pédagogiques sont effectuées dans cette langue.

4) Pour les enfants, les étudiants et les adultes handicapés, les manuels, les livres, les outils pédagogiques supplémentaires, les outils didactiques et outils didactiques de jeu sont délivrés en fonction des besoins et des capacités des enfants, des étudiants et des stagiaires, à la fois en serbe et dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale.

Quant à l'article 34 de la loi, il précise comment est effectuée la sélection des manuels pour les minorités nationales:

Article 34

Sélection de manuels


1) L'école sélectionne un manuel dans le catalogue des manuels pour chaque matière de chaque classe et en informe le Conseil des parents.

4) S'il n'y a pas de manuels approuvés pour l'enseignement dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale dans le catalogue des manuels, les écoles choisissent des manuels parmi les manuels approuvés dans la langue serbe qui seront traduits dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale.

5) Le manuel visé au paragraphe 4 du présent article, qui est sélectionné pour être employé par le plus grand nombre d'élèves suivant des cours dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale par rapport au nombre total d'élèves suivant des cours dans la langue et l'alphabet de cette minorité nationale, sera utilisé dans toutes les écoles où les activités pédagogiques sont effectuées dans cette langue et cet alphabet.

6) Le ministre, sur la base de la décision soumise par l'école au Ministère, détermine quel manuel visé au paragraphe 5 du présent article est sélectionné pour être employé par le plus grand nombre d'élèves fréquentant des cours dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale et en informe l'éditeur.

On peut constater que l’État serbe conserve le monopole de la publication des livres et des manuels de classes. Il est donc interdit d’importer des manuels provenant des pays d’où sont originaires les minorités. Celles-ci considèrent justement que les manuels actuels sont tendancieux et qu’ils servent à promouvoir la «Grande Serbie» et la glorification des Serbes, puis à déprécier particulièrement les Bosniaques, les Croates et les Albanais. Pourtant, des sanctions sévères sont prescrites en cas de violation des dispositions constitutionnelles concernant la protection et les droits des minorités, ainsi que dans les cas d'incitation à l'intolérance ou à la haine.

De façon générale, la plupart des écoles souffrent d'une pénurie de nouveaux manuels scolaires, les traductions actuelles des manuels serbes étant non seulement de piètre qualité, mais également obsolètes. Le ministère de l'Éducation a soulevé certaines difficultés au sujet de la proposition de recourir à des manuels scolaires du Kosovo ou de l'Albanie, voire de la Bulgarie, comme mesure provisoire, mais c'est une pratique que les Serbes excrètent.

Les lois scolaires relatives au primaire et au secondaire montrent jusqu’à quel point le système scolaire serbe est hautement centralisé. C’est le ministre de l’Éducation qui doit approuver les programmes, les cours et les manuels de classe pour chaque discipline, qui doivent décider des excursions avec les élèves, des contenus et des examens d’admission et des examens de fin d’études, qui doit désigner et congédier les directeurs d’écoles, etc. Ce système centralisé de l’éducation permet de garder et de renforcer le pouvoir des Serbes, et de contrôler tout le système d'éducation des minorités. La plupart des groupes minoritaires protestent contre le fait que les programmes sont adaptés à l'idéologie dominante de la société serbe. Le programme scolaire comprendrait encore une forte dose d’«endoctrinement idéologique». Cela semble particulièrement évident pour l’histoire, la géographie, l’histoire de l’art et la littérature. En effet, l’histoire et la culture des minorités nationales qui sont enseignées aux élèves inscrits à ces cours semblent n'exiger aucune stratégie pédagogique particulière en ce qui concerne les «éléments de la culture nationale».  Ce problème s’applique particulièrement à l’albanais et au bosniaque en Serbie centrale, moins au bulgare.

Les manuels rédigés à l'origine en serbe, puis traduits ensuite en bosniaque ou en albanais, véhiculent forcément la culture serbe, et non celle des minorités concernées. En général, le ministère serbe de l'Éducation tarde à approuver la plupart des manuels de classe destinés aux minorités nationales. Selon l'Institut pour l'avancement de l'éducation ("Zavoda za unapređivanje obrazovanja"), si beaucoup de manuels ne sont pas approuvés, ce n'est pas en raison de leur contenu ou de faits historiquement controversés, mais à cause d'omissions concernant les normes de qualité, les résultats et les tâches confiées aux enfants.

Bien que des progrès aient été accomplis dans les domaines de la formation des enseignants, il reste encore des améliorations à apporter. De plus, des supports pédagogiques sont disponibles dans toutes les langues, bien qu’ils ne couvrent pas l’ensemble du programme scolaire nationale.

7.6 L'enseignement supérieur

Rappelons qu'en 2019  la Serbie comptait 17 universités, dont 8 publiques et 9 privées, 63 écoles supérieures de sciences appliquées, dont 47 publiques et 17 privées, et 8 écoles universitaires, dont 3 publiques et 5 privées. Les citoyens serbes peuvent étudier gratuitement dans les universités publiques, tandis que les frais de scolarité sont faibles pour les étudiants étrangers.

- La législation sur l'enseignement supérieur

En vertu de la Loi sur l'université (2002), les cours doivent se donner en serbe, mais ils peuvent aussi être offerts «dans la langue d'une minorité nationale et dans l'une des langues du monde»:

Article 30

1) Tout étranger peut s'inscrire en première année d'études de base, de spécialisation, de maîtrise et de doctorat dans les mêmes conditions qu'un citoyen yougoslave.

2) Tout étranger peut demander à s'inscrire en première année d'études de premier cycle, de spécialisation, de maîtrise et de doctorat
en langue serbe, à condition qu'il parle cette langue.

3)
La vérification des connaissances de la langue serbe est effectuée de façon distincte par une commission spéciale selon les modalités prévues par les règlements de la faculté  ou de l’université.

Article 31

1)
L'une des conditions particulières pour l'inscription en première année d'études offertes dans une langue étrangère ou dans la langue d'une minorité nationale est la connaissance de la langue dans laquelle les cours sont donnés.

2) Un étudiant inscrit aux études visées au paragraphe 1 du présent article peut, au cours de ses études, passer au programme d'études données en langue serbe, après avoir vérifié la connaissance de cette langue

3) La vérification des compétences linguistiques des paragraphes 1 et 2 du présent article doit être exécutée par une commission spéciale, selon la procédure et les modalités prescrites par les règlements de la faculté  ou de l’université.

La Loi sur l'enseignement supérieur (2017-2020) énonce bien que «tout établissement d'enseignement supérieur peut effectuer un programme d'études dans la langue d'une minorité nationale:

Article 95

Langue des études

1)
Tout établissement d'enseignement supérieur doit organiser et rendre effectives les études en serbe.

2) Tout établissement d'enseignement supérieur peut organiser des examens et effectuer certaines parties des études, ainsi que la préparation et la soutenance de thèses de maîtrise et de spécialité et de thèses de doctorat
dans la langue d'une minorité nationale et dans une langue étrangère, conformément au règlement.

3) Tout établissement d'enseignement supérieur
peut effectuer un programme d'études dans la langue d'une minorité nationale et dans une langue étrangère
si un tel programme est approuvé ou accrédité.

4) Tout établissement d'enseignement supérieur peut organiser et effectuer des études ou certaines parties d'études pour les étudiants handicapés dans la langue des signes.

L'article 25 de la même loi établit que les documents publics, c'est-à-dire le dossier de l'étudiant, le diplôme de l'enseignement supérieur et le supplément au diplôme, peut être publié dans la langue d'une minorité nationale ainsi qu'en serbe avec le cyrillique si les cours sont donnés dans la langue minoritaire. Bref, sur papier, il faut comprendre que la plupart des langues minoritaires peuvent être étudiées dans les universités serbes.

- L'application de la loi pour les minorités

Les droits linguistiques dont il s'agit ici ne concernent que les départements de langues ou d’apprentissage de la langue maternelle. Dans les faits, seuls les Hongrois, les Slovaques, les Roumains et les Ruthènes de la Voïvodine ont la possibilité réelle de recevoir des cours universitaires dans leur langue maternelle. De plus, ces cours correspondent à des cours de langue et de littérature nationales, offerts généralement dans les départements de philologie, de littérature ou de philosophie. De tels cours ne portent jamais, par exemple, sur le génie, la médecine, l'administration des affaires, l'économie, etc. De plus, ce ne sont pas toutes les langues qui sont admises, même dans les départements de philologie ou de littérature: ainsi, la littérature croate ne peut pas être enseignée dans les facultés de philologie, parce que le croate ne serait qu’une variante du serbe. En pratique, lorsqu’un étudiant universitaire appartenant à une minorité nationale désire poursuivre toutes ses études dans sa langue maternelle, il est préférable pour lui d'aller faire ses études en Croatie, en Bulgarie, en Roumanie, etc., au risque parfois ne pas pouvoir revenir dans son pays, les frontières pouvant lui être fermées. L'enseignement supérieur en albanais semble causer particulièrement de problèmes, puisque les étudiants doivent se rendre dans les universités du Kosovo et de la Macédoine pour obtenir la reconnaissance de leurs diplômes. Depuis quelque temps, l'Université de Belgrade propose un cours d’étude de l’albanais au département de philologie.

Il faut toutefois mentionner le cas du Sandjak avec l'Université internationale de Novi Pazar (2002) et l'Université d'État de Novi Pazar (2004). L'Université internationale de Novi Pazar a été fondée en 2002 en tant que dotation de la Communauté musulmane de Serbie. Bien que cet établissement d'enseignement soit privé, il reçoit un financement substantiel de l'État. L'objectif de l'université était d'offrir un enseignement aux Bosniaques de confession musulmane, ce qui ne se reflétait pas fortement dans la langue d'enseignement, puisque, nous le savons, le serbe et le bosniaque sont très similaires (voir l'article à ce sujet). En réalité, les cours se donnent en bosniaque dans la mesure où l'alphabet latin est employé dans les documents écrits.

Pour ce qui est de l'Université d'État de Novi Pazar, l'enseignement et le programme sont en langue serbe. Que les cours se donnent en serbe ou en bosniaque demeure secondaire, car les langues sont similaires à l'oral, sauf que les communications écrites sont de façon prépondérante en alphabet cyrillique. .

8 Les médias et les langues minoritaires

Dans le cadre d'un régime autoritaire, les médias sont généralement soumis au contrôle de l’État. Tel fut le cas dans la Yougoslavie de Milosevic, où l'existence d’une presse indépendante ne pouvait être que précaire. Aujourd'hui, les médias en Serbie sont très nombreux et plus libres, mais en 2016 la Serbie se classait 59e rang sur 180 pays dans l'indice de la liberté des médias, qui est établi par l'organisme «Reporters sans frontières». En ce qui a trait aux minorités nationales, les médias sont également en grand nombre et sont diversifiés. 

8.1 La protection générale

L'article 17 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) est consacré aux médias. Les minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des médias dans leur langue maternelle (par. 3) et de recevoir une information impartiale dans leur langue maternelle (par. 1). Dans ce cas, l'État fournit l'information, le contenu culturel et éducatif dans la langue des minorités nationales pour les programmes de service public à la radio et à la télévision, et peut aussi prévoir des radios particulières et des stations de télévision afin de diffuser des émissions dans la langue des minorités nationales (par. 2):

Article 17

L'information publique dans les langues des minorités nationales

1) Les membres appartenant à des minorités nationales ont le droit à une information complète et impartiale dans leur langue maternelle, y compris le droit d'exprimer, de recevoir, d'envoyer et d'échanger des informations et des idées par le biais de la presse et d'autres médias.

2) L'État fournira des informations, des contenus culturels et éducatifs dans la langue de la minorité nationale dans les émissions de radio et de télévision du service public. (2013)

3) Les membres appartenant aux minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des médias dans leur langue maternelle.  

La Loi sur l'information publique et les médias (2014-2016) énonce que les minorités nationales ont le droit d'être informées dans leur langue maternelle:

 
Article 13

Du droit d'informer les minorités nationales

Afin de permettre l'exercice du droit des minorités nationales d'être informées dans leur langue maternelle et de s'approprier leur propre culture et leur identité, la république de Serbie, la province autonome ou toute unité d'autonomie locale fournit une partie des fonds, au moyen d'un cofinancement ou d'autres conditions pour le travail des médias qui publient des informations dans les langues des minorités nationales, par l'intermédiaire des autorités responsables des affaires d'information publique.

L'information dans les langues minoritaires a souffert durant de longues années de toutes les conséquences du contrôle sur les médias et de la négation du droit à l’information objective. Ainsi, tous les médias électroniques utilisant une langue minoritaire étaient généralement des bulletins officiels de propagande des partis politiques au pouvoir; ils ne faisaient que reproduire les émissions serbes diffusées au réseau RTS (Radio-Télévision de Serbie) ou à d’autres réseaux. Dans tous les cas, les partis d’oppositions étaient satanisés et les Serbes glorifiés. La situation était légèrement plus satisfaisante dans le cas des médias écrits parce qu’ils étaient plus indépendants financièrement de l’État.

8.2 Les médias écrits

La description qui est ici présente ne concerne que les minorités nationales de la Serbie centrale. Cela signifie qu'il s'agit d'abord et avant tout des Bosniaques, des Albanais, des Bulgares, des Roms/Tsiganes et des Valaques. La situation est bien différente en Voïvodine qui bénéficie d'un article particulier (voir l'article). Les journaux destinés aux minorités nationales sont presque exclusivement des hebdomadaires et des mensuels. En général, les informations dans les langues des minorités nationales de la Serbie centrale semblent assez inégales: les minorités dont les membres vivent en grand nombre en Serbie ont de meilleures chances de recevoir des informations dans leur langue maternelle.

Des organismes de presse, de rarissimes quotidiens et de nombreux hebdomadaires, sont publiés en albanais, en bosniaque et en bulgare. Étant donné que le lectorat constitue un petit marché pour la presse écrite, il n'existe que deux seuls petits quotidiens: l'un en bosniaque latin (Sandžačke novine = «Sandjak Journal»), un autre en bulgare cyrillique (Novo bratstvo = «Nouvelle Fraternité»). La situation des médias dans la communauté bosniaque du Sandjak est complexe: il n'y a pas de maison d'édition professionnelle dans la région la presse écrite pour l'ensemble de la population, mais uniquement les hebdomadaires locaux (à l'exception d'un petit quotidien) dont les fondateurs sont l'Assemblée municipale. L’usage public et officiel de la langue bosniaque avec l'alphabet latin n’a pas pleinement pris racine dans la pratique.

Tous les autres journaux sont des hebdomadaires et de mensuels publiés à un nombre restreint d'exemplaires, souvent plus ou moins 1000. Certaines minorités habitant dans la province de la Voïvodine ont leurs propres journaux, généralement des hebdomadaires ou des mensuels: Magyar Szó (en hongrois), Hlas ľudu (en slovaque), Hrvatska riječ (en croate), Zvonik (en croate), Miroljub (en croate), Libertatea (en roumain), Ruske Slovo (en ruthène), Bunjevačke novine (en bunjevac). En réalité, la presse écrite en langue minoritaire n'est réellement développée qu'en Voïvodine. Pour la quasi-totalité des  minorités en Serbie centrale, c’est le néant.

8.3 Les médias électroniques

La législation serbe portant sur les médias électroniques est importante. Elle prévoit une large part aux minorités linguistiques. Ainsi, la Loi sur la radiodiffusion (2002-2009) prévoit que tout radiodiffuseur doit respecter les normes prescrites, notamment les émissions destinées dans les langues des minorités nationales et ethniques (art. 68). Il est même obligatoire de répondre aux besoins des minorités nationales ou des groupes ethniques dans leur langue maternelle et leur alphabet:.

Article 68

Obligations fondamentales du radiodiffuseur en matière de contenu de programme

Tous les radiodiffuseurs doivent respecter les normes suivantes en ce qui concerne le contenu des programmes au sein de leur conception de programme:

7. Les émissions de radiodiffusion étrangères destinées aux enfants d'âge préscolaire doivent être post-synchronisés en serbe ou dans les langues des minorités nationales et ethniques.

Tous les radiodiffuseurs doivent conserver la diffusion des contenus de programme, conformément à la réglementation sur l'information publique ou à la réglementation sur la protection des biens culturels.

Article 78

Obligation des radiodiffuseurs de service public de servir l'intérêt général

Dans le but de servir l'intérêt général dans le domaine de la radiodiffusion de service public, conformément à présente loi et en plus des obligations générales des organismes de radiodiffusion en ce qui a trait au contenu des émissions énoncées à l'article 68 de la présente loi, les titulaires de service public de radiodiffusion doivent:

4. veiller à ce que les besoins des citoyens soient satisfaits pour des contenus d'émissions qui expriment l'identité culturelle des peuples et des minorités nationales ou des groupes ethniques, grâce à la possibilité de suivre certaines émissions ou parties d'émission dans les régions où ils vivent et travaillent, dans leur langue maternelle et leur alphabet;

L'article 73 de la même loi impose aux radiodiffuseurs produisant et diffusant des émissions destinées aux minorités nationales de diffuser au moins 50 % de leur programmation localement selon le temps d'antenne annuel total dans les langues des minorités nationales:

Article 73

Émissions produites localement

2) Les radiodiffuseurs produisant et diffusant des émissions destinées aux minorités nationales sont tenues de diffuser au moins 50 % de leur programmation localement selon le temps d'antenne annuel total dans les langues des minorités nationales.

3) Le temps d'antenne annuel total ne comprend pas les rediffusions, la transmission des manifestations sportives, les jeux télévisés, les publicités et les télé-achats, ni les émissions de nouvelles, à l'exception des informations produites localement par le radiodiffuseur.

De plus,  la Loi sur les médias électroniques (2014-2016) oblige le régulateur des services électroniques à préserver la culture et la langue serbes, ainsi que de la culture et la langue des minorités nationales afin de répondre aux besoins de celles-ci en matière d'informations dans leur langue maternelle:

Article 22

Le régulateur:

1. établit la proposition de stratégie de développement des services de radio et de médias audiovisuels en république de Serbie et la soumet, conformément à la procédure prévue par la loi, au gouvernement pour adoption;

19. encourage
la préservation et la protection de la culture et de la langue serbes, ainsi que la culture et la langue des minorités nationales;

Article 23

1)
Le régulateur, sur la base des différents besoins des citoyens et des groupes sociaux, dans la langue serbe et les langues minoritaires aux niveaux national, régional et local en matière d'information, d'éducation, de contenu culturel, sportif et autre, en coopération avec l'organisme de régulation chargé des communications électroniques et l'organisme responsable protection de la concurrence, détermine la proposition de stratégie pour le développement des services de radio et de médias audiovisuels en république de Serbie pour une période de sept ans.

Article 69

Offre des services médiatiques dans sa langue

1)
Le fournisseur de services de médias est tenu de publier le contenu d'une émission dans la langue serbe ou de veiller à ce que le contenu d'une émission produite dans des langues étrangères soit publié traduit en serbe.

2) L'obligation visée au paragraphe 1 du présent article ne s'applique pas aux fournisseurs de services de médias qui publient des contenus d'émissions destinées
aux minorités nationales, ainsi qu'aux contenus d'émissions des fournisseurs de services publics des médias, qui répondent aux besoins des minorités nationales en matière d'informations dans leur propre langue.
 

Enfin, la Loi sur les services des médias publics (2014-2016) oblige le service public des médias de respecter les normes de langue et d'élocution de la population majoritaire, ainsi que celles des minorités nationales de la région où est diffusée l'émission:

Article 8

Dans l'exercice de l'intérêt public visé à l'article 7 de la présente loi, le service public de médias est tenu :

1. de respecter les normes de langue et d'élocution de la population majoritaire et, dans une mesure appropriée, celles des minorités nationales de la région où est diffusée l'émission, ainsi que les normes de la langue et d'élocution des personnes sourdes et malentendantes;

Article 23

Le directeur général du service public des médias:

1. représente le service public des médias;

10. doit obtenir l’avis du Conseil national de la minorité nationale sur les candidats à la rédaction responsable des émissions dans la langue de la minorité nationale avant les propositions de sa nomination au conseil d'administration;

Afin de répondre aux besoins des citoyens, les entreprises de radiodiffusion doivent concevoir des unités de programmation et diffuser des émissions exprimant l’identité culturelle des minorités nationales dans les régions où elles vivent, en utilisant leur langue et leur alphabet.

8.4 L'application de la législation

La communauté bosniaque du Sandjak dispose de trois stations de radio financées par l’État et appartenant au réseau RTS (Radiotélévision de Serbie). Dans deux villes, Tutin et Novi Pazar, on trouve des stations locales appartenant à des intérêts privés. Ce sont les seules stations de radio bosniaques qui n’ont pas été fermées par le régime de Milosevic. Les émissions sont en bosniaque et respectent les préceptes de la religion musulmane.

La minorité nationale albanaise dispose d'informations dans sa langue maternelle à Presevo et à Bujanovac  grâce à deux stations de télévision et radio à Bujanovac - RTV Bujanovac et RTV Spektri privée. RTV Presevo a de brèves nouvelles en langue serbe, tandis que TV Aldi et TV Spektri diffusent en albanais.  

Les Bulgares bénéficient d'une information relativement complète et institutionnellement organisée dans leur langue. À Dimitrovgrad, ils peuvent regarder, par le biais du câble, le canal de la télévision nationale bulgare, mais les interruptions de service seraient fréquentes. Depuis 1971, Radio-Nis (région de la Nisava) diffusait 15 minutes d’émission radiophonique en bulgare, mais ce temps d’antenne a été prolongé à 30 minutes en 1996. Le Comité pour la protection des droits de l'homme des Bulgares veille à la programmation, les Bulgares estimant toutefois que les informations ne sont d’aucun intérêt parce qu’ils sont tenus par des Serbes. Il y a une radio locale, Radio-Caribrod, qui semble correspondre davantage aux besoins des Bulgares, sauf pour les informations d’actualité politique. La station Radio-Bosilegrad diffuse environ 70% du contenu en bulgare et 30% en serbe, ce qui correspond à peu près à la structure ethnique officielle de la région.

Les Roms/Tsiganes bénéficient également de la radiotélévision dans leur langue le romani. Depuis 1992, Radio-Belgrade diffuse des émissions bilingues d’une heure, les dimanches, de six heures à sept heures du matin. L’émission est financée par le ministère de l’Information de la république de Serbie. Les télévisions locales de Nis et de Krusevac (dans la région de la Nisava) diffusent quelques courtes émissions en romani. Certaines stations locales de radio (Nis, Krusevac, Trstenik, Prizren, Gnjilane, Kikinda, Vrsac, etc.) diffusent également des émissions en romani.

La minorité valaque n'a pas résolu la question de l'information dans sa langue. En effet, les Valaques ne bénéficient que fort peu de temps d'antenne dans leur langue, surtout à la télévision. Néanmoins,  Radio Television F Channel, Radio Television Bor et Television East travaillent en étroite collaboration avec des représentants du Conseil national de la minorité nationale valaque et des institutions publiques sur la question de la langue dite valaque et diffusent des programmes dans cette langue.

En mars 2020, le ministère de l'Éducation a annoncé que des cours seraient offerts par des télévisions publiques et privées dans les langues des minorités nationales, afin que chacun en Serbie puisse exercer son droit à l'éducation dans sa langue maternelle. Il existe des cours en albanais sur RTV Vranje, RTV Presevo et RTV Bujanovac. En outre, le matériel complet est disponible sur la chaîne YouTube du Conseil national de la minorité nationale albanaise. Pour les élèves qui étudient en langue bosniaque, en coopération avec le Conseil national de la minorité nationale bosniaque, des cours à distance sont préparés de la première année du primaire à la troisième année du secondaire. Le ministère de l'Éducation a établi une coopération avec la Bosniak Matica et la Télévision Sandzak locale, et le Conseil national de la minorité nationale bosniaque a été invité à s'impliquer et à apporter son expérience et ses connaissances dans l'élaboration d'un contenu éducatif de qualité. Afin de soutenir l'enseignement à distance en langue bulgare, le ministère a conclu un accord avec la télévision Kopernikus sur l'enregistrement et la diffusion des cours de langue maternelle de la 1re à la 4e année. Un accord a été conclu avec la maison de presse locale, RT "Caribrod" à Dimitrovgrad. Les cours sont diffusés sur la chaîne RTC et rediffusés sur le canal 608 via IPTV, sur le canal 19 de la télévision CFF, sur RTS diffusé via STB et sur Copernicus TV.

La Serbie a connu bien des secousses depuis le début des années 1990. Malheureusement, en menant une campagne de nettoyage ethnique contre la majorité albanaise du Kosovo, la Serbie a sacrifié sa souveraineté sur ce territoire. Cette politique fut si brutale qu'elle a rendu illusoire tout retour du Kosovo sous souveraineté serbe. C'est ce qu'avait constaté en 2007 l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, Martii Ahtisaari: «Belgrade ne pourrait rétablir son pouvoir sans provoquer une violente opposition. L'autonomie du Kosovo à l'intérieur des frontières de la Serbie est tout simplement intenable.» M. Ahtisaari s'est empressé de souligner que la situation du Kosovo ne saurait faire jurisprudence: «Le Kosovo est un cas inédit qui appelle une solution inédite.»

S’il est vrai que, selon les propos d’Albert Camus, «la démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité», la transition démocratique de l'État de Serbie n’est probablement pas achevée. Pour le moment, il reste à la Serbie d'appliquer les nouvelles réglementations et les nouvelles lois afin de passer l'éponge sur le règne de Slobodan Milosevic (1989-2000), qui aura été certainement une catastrophe pour toutes les minorités de la Serbie. Son départ n'a fait pleurer personne! Il restait aux gouvernements successifs serbes d'appliquer une politique linguistique plus conforme aux droits des minorités.

Après l'ère Milosevic, il fallait que la Serbie correspondre aux standards internationaux et surtout répondre aux pressions exercées par la communauté internationale. On peut affirmer que les droits reconnus dans les textes juridiques actuels de la Serbie équivalent à la protection «normale» accordée à bien des minorités dans le monde. D’ailleurs, certaines protections similaires à celles qu’accorde la Serbie pourraient même faire l’envie de plusieurs minorités dans d’autres pays. Autrement dit, la Serbie a fait de grands pas en avant.

Cependant, la pratique générale dénie encore ces mêmes droits au point de les rendre inapplicables dans de nombreuses lois, notamment en Serbie centrale.  De fait, la plupart des lois de protection relatives aux minorités nationales sont applicables aux minorités de la province autonome de la Voïvodine, là où résident effectivement la majorité des membres des minorités. Toutefois, à l'exception de certaines zones situées en Serbie centrale  les Bosniaques du Sandjak, les Albanais de la vallée de Preševo et les Bulgares de la région montagneuse de Pirot  —, les droits linguistiques des minorités demeurent déplorables. Même dans ces trois régions, il est toujours possible de contourner les lois pour en faire le moins possible, et ce, d'autant plus que ce sont parmi les régions les plus pauvres du pays. Des tensions persistent en raison des inégalités, réelles ou perçues, que ce soit entre les différentes communautés ethniques de la Serbie du Sud ou entre le Sud et le reste du pays. On ne peut que porter un jugement favorable aux lois serbes concernant les minorités, à la condition de ne pas considérer leur application dans l'ensemble du pays, car en Serbie centrale la plupart des membres des minorités nationales, près d'une vingtaine, ne bénéficient d'aucune protection.

La république de Serbie ne peut pas protéger toutes ses minorités, car il est vrai que la plupart d'entre elles dans la partie centrale du pays ne constituent que de toutes petites communautés dans leur municipalité, mais certaines atteignent néanmoins un pourcentage non négligeable, parfois plus de 15 %, la limite légale, mais elles sont laissées à leur sort. En dehors de la langue serbe, point de salut!

En 2018, le Bureau des statistiques faisait paraître une enquête alarmante qui montrait que 70% de la population du pays vivaient dans la pauvreté et que l’écart ne cessait de croître entre les riches et les pauvres. En 2020, la Serbie était le 4e pays le plus pauvre du continent européen, derrière la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie et la Macédoine. L'explication réside dans le fait que la corruption et la médiocrité des infrastructures constituent un cancer des blessures de la Serbie. La situation est encore plus lamentable dans les régions de la Serbie centrale où résident des minorités, car elles risquent de devenir encore plus pauvres que les serbophones.

Dernière mise à jour: 19 févr. 2024

Serbie

1) Situation générale 2) Données historiques
3) Politique linguistique du serbe
 
4) Politique linguistique
à l'égard des minorités nationales
5) Province autonome de Voïvodine
6
) Bibliographie