RECOMMANDATION
1201 (1993)
relative
à un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme
sur les droits des minorités nationales
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L'Assemblée
rappelle ses Recommandations 1134 (1990) et 1177 (1992), et ses Directives
nos 456 (1990) et 474 (1992) relatives aux droits des minorités. Dans les
deux textes adoptés le 5 février 1992, elle demandait au Comité des ministres :
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de
conclure dans les meilleurs délais les travaux en cours pour l'élaboration
d'une charte des langues régionales ou minoritaires, et de faire tout
son possible pour une mise en œuvre rapide de la charte ;
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d'élaborer
un protocole additionnel sur les droits des minorités à la Convention
européenne des droits de l'Homme ;
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En
adoptant, le 22 juin 1992, la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires - une convention du Conseil de l'Europe — le Comité des
ministres a donné satisfaction à l'Assemblée sur le premier de ces
points. La charte, qui devra être à la base de la législation dans nos
États membres, pourra également guider bien d'autres États dans une
matière difficile et délicate.
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Reste
la mise en œuvre rapide de cette charte. Il est encourageant que, lors de
son ouverture à la signature, le 5 novembre 1992, onze États membres du
Conseil de l'Europe l'aient déjà signée. Mais il faut aller plus loin.
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L'Assemblée
lance donc un appel aux États membres qui n'ont pas encore signé la
charte de le faire et à tous de la ratifier rapidement, en acceptant le
maximum de ses clauses.
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L'Assemblée
se réserve le droit de revenir, à une occasion ultérieure, sur la
question de l'outil de médiation approprié du Conseil de l'Europe, dont
elle a proposé la création.
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Elle
a été informée du mandat donné par le Comité des ministres au Comité
directeur pour les droits de l'homme et à son Comité d'experts pour la
protection des minorités nationales, et désire apporter son appui total
à ces travaux et les promouvoir activement.
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Par
l'introduction dans la Convention européenne des droits de l'Homme de
certains droits des personnes appartenant à une minorité, ces personnes,
ainsi que les organisations qualifiées pour les représenter, pourraient
bénéficier des voies de recours proposées par la Convention, notamment
le droit de soumettre des requêtes à la Commission et à la Cour européennes
des droits de l'Homme.
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Par
conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des ministres d'adopter un
protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme
sur les droits des minorités nationales, s'inspirant du texte figurant
ci-dessous, qui fait partie intégrante de la présente recommandation.
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Comme
cette question est d'une extrême urgence et l'une des affaires les plus
importantes actuellement traitées par le Conseil de l'Europe, l'Assemblée
recommande également au Comité des ministres d'accélérer le calendrier
des travaux pour permettre au Sommet des chefs d'État et de gouvernement
(Vienne, 8 et 9 octobre 1993) d'adopter un protocole sur les droits des
minorités nationales et de l'ouvrir à la signature à cette occasion.
Proposition
de protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme
et des libertés fondamentales concernant les personnes
appartenant
à des minorités nationales
Préambule
Les
États membres du Conseil de l'Europe, signataires du présent Protocole,
-
Considérant
que la diversité des peuples et des cultures qui l'ont fécondée est une
des sources essentielles de la richesse et de la vitalité de la
civilisation européenne ;
-
Considérant
la contribution importante des minorités nationales à la diversité
culturelle et au dynamisme des États européens ;
-
Considérant
que seules la reconnaissance des droits des personnes appartenant à une
minorité nationale à l'intérieur d'un État et la protection
internationale de ces droits sont susceptibles de mettre durablement un
terme aux affrontements ethniques et de contribuer ainsi à garantir la
justice, la démocratie, la stabilité et la paix ;
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Considérant
qu'il s'agit de droits que toute personne peut exercer aussi bien seule
qu'en association avec d'autres ;
-
Considérant
que la protection internationale des droits des minorités nationales est
une composante essentielle de la protection internationale des droits de
l'homme et, comme telle, un domaine de la coopération internationale,
Sont
convenus de ce qui suit :
Titre
1
Définition
Article
1er
Aux
fins de cette Convention,
l'expression « minorité nationale » désigne un groupe de
personnes dans un État qui :
a) résident
sur le territoire de cet État et en sont citoyens;
b)
entretiennent
des liens anciens, solides et durables avec cet État ;
c) présentent
des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou
linguistiques spécifiques ;
d) sont
suffisamment représentatives, tout en étant moins nombreuses que le
reste de la population de cet État ou d'une région de cet État ;
e) sont
animées de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité
commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur
langue.
Titre 2
Principes généraux
Article
2
-
L'appartenance
à une minorité nationale relève du libre choix de la personne.
-
Aucun
désavantage ne doit résulter du choix de cette appartenance, ou de la
renonciation à ce choix.
Article
3
-
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'exprimer, de
préserver et de développer en toute liberté son identité religieuse,
ethnique, linguistique et/ou culturelle, sans être soumise contre sa
volonté à aucune tentative d'assimilation.
-
Toute
personne appartenant à une minorité nationale peut exercer ses droits et
en jouir individuellement ou en association avec d'autres.
Article
4
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a droit à l'égalité
devant la loi. Toute discrimination fondée sur l'appartenance d'une
personne à une minorité nationale est interdite.
Article
5
Des
modifications délibérées dans la composition démographique de la région
d'implantation d'une minorité nationale, au détriment de cette dernière,
sont interdites.
Titre 3
Droits matériels
Article
6
Toutes
les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de créer
leur(s) propre(s) organisation(s), y compris un parti politique.
Article
7
-
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'utiliser
librement sa langue maternelle en privé comme en public, aussi bien
oralement que par écrit. Ce droit s'applique aussi à l'utilisation de sa
langue dans les publications et l'audiovisuel.
-
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'utiliser son
nom et ses prénoms dans sa langue maternelle et a droit à la
reconnaissance officielle de son nom et de ses prénoms.
-
Dans
les régions d'implantation substantielle d'une minorité nationale, les
personnes appartenant à cette minorité ont le droit d'utiliser leur
langue maternelle dans leurs contacts avec les autorités administratives
ainsi que dans les procédures devant les tribunaux et les instances
juridiques.
-
Dans
les régions d'implantation substantielle d'une minorité nationale, les
personnes appartenant à cette minorité ont le droit d'afficher dans leur
langue des dénominations locales, enseignes, inscriptions et autres
informations analogues exposées à la vue du public. Cela ne fait pas
obstacle au droit des autorités d'afficher les informations mentionnées
ci-dessus dans la ou les langue(s) officielle(s) de État
Article
8
-
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'apprendre sa
langue maternelle et de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle
dans un nombre approprié d'écoles et d'établissements d'enseignement
public et de formation dont la localisation doit tenir compte de la répartition
géographique de la minorité.
-
Les
personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de créer et
de gérer leur(s) propre(s) école(s) et établissement(s) d'enseignement
et de formation dans le cadre du système juridique de État
Article
9
En
cas de violation alléguée des droits protégés par le présent Protocole,
toute personne appartenant à une minorité nationale, ou toute organisation
représentative d'une minorité nationale, a droit à un recours effectif
devant une instance de État
Article
10
Toute
personne appartenant à une minorité nationale a le droit, dans le strict
respect de l'intégrité territoriale de État, d'avoir des contacts libres
et sans entraves avec les ressortissants d'un autre pays avec lesquels cette
minorité partage des caractéristiques ethniques, religieuses ou
linguistiques, ou une identité culturelle.
Article
11
Dans
les régions où elles sont majoritaires, les personnes appartenant à une
minorité nationale ont le droit de disposer d'administrations locales ou
autonomes appropriées, ou d'un statut spécial, correspondant à la
situation historique et territoriale spécifique, et conformes à la législation
nationale de État.
Titre 4
Conditions de mise en œuvre du
Protocole
Article
12
-
Aucune
des dispositions du présent Protocole ne peut être interprétée comme
limitant ou restreignant un droit individuel d'une personne appartenant à
une minorité nationale ou un droit collectif d'une minorité nationale,
inséré dans la législation de État contractant ou dans un accord
international auquel ce dernier est partie.
-
Les
mesures prises à seule fin de protéger les minorités nationales, de
favoriser leur développement approprié et de leur assurer l'égalité de
droits et de traitement avec le reste de la population dans les domaines
administratif, politique, économique, social, culturel et autres ne
seront pas considérées comme discriminatoires.
Article
13
L'exercice
des droits et libertés énoncés dans ce Protocole s'applique intégralement
aux personnes appartenant à un groupe majoritaire dans l'ensemble de État,
mais minoritaire dans une ou plusieurs de ses régions.
Article
14
L'exercice
des droits et libertés énoncés dans ce Protocole ne saurait limiter les
devoirs et les responsabilités qui s'attachent à la citoyenneté d'un État
Toutefois, cet exercice ne peut être soumis qu'à des formalités,
conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi et nécessaires,
dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité
territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la
prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à
la protection des droits et libertés d'autrui.
Titre 5
Clauses finales
Article
15
Aucune
dérogation au titre de l'article 15 de la Convention n'est autorisée aux
dispositions du présent Protocole, à l'exception de l'article 10 de
celui-ci.
Article
16
Aucune
réserve n'est admise aux dispositions du présent Protocole au titre de
l'article 64 de la Convention.
Article
17
Les
États parties considèrent les articles 1 à 11 du présent Protocole comme
des articles additionnels à la Convention et toutes les dispositions de la
Convention s'appliquent en conséquence.
Article
18
Le
présent Protocole est ouvert à la signature des États membres du Conseil
de l'Europe, signataires de la Convention. Il sera soumis à ratification,
acceptation ou approbation. Un État membre du Conseil de l'Europe ne pourra
ratifier, accepter ou approuver le présent Protocole sans avoir simultanément
ou antérieurement ratifié la Convention. Les instruments de ratification,
d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire Général
du Conseil de l'Europe.
Article
19
-
Le
présent Protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit la
date à laquelle cinq États membres du Conseil de l'Europe auront exprimé
leur consentement à être liés par le Protocole conformément aux
dispositions de l'article 18.
-
Pour
tout État membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être
lié par le Protocole, celui-ci entrera en vigueur le premier jour du mois
qui suit la date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation
ou d'approbation.
Article
20
Le
Secrétaire Général du Conseil de l'Europe notifiera aux États membres du
Conseil :
-
toute
signature ;
-
le
dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation ou
d'approbation ;
-
toute
date d'entrée en vigueur du présent Protocole ;
-
tout
autre acte, notification ou communication ayant trait au présent
Protocole.
En
foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé le
présent Protocole.
Fait
à Strasbourg, le _____1993, en français et en anglais, les deux textes faisant également
foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de
l'Europe. Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe en communiquera
copie certifiée conforme à chacun des États membres du Conseil de
l'Europe.
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