4. Les services publics
Dans les régions où vivent de nombreuses minorités ethniques, un organisme responsable des affaires ethniques est chargé d’aider les autorités locales à mettre en œuvre des politiques spécifiques et à assurer aux minorités ethniques la jouissance des droits qui leur sont garantis par la loi et à veiller à leurs intérêts. En principe, les droits fondamentaux des minorités ethniques sont garantis, surtout le droit à l’égalité dans les domaines politique, économique, culturel et social, sans distinction aucune d’appartenance ethnique, de langue ou de religion.
4.1 La fonction publique
œuvre des politiques d'égalité pour les membres des minorités ethniques. L'article 10 de cette loi prescrit que l'État doive aussi assurer la fourniture de services de santé et d'éducation de base dans les régions montagneuses, frontalières, insulaires, éloignées, isolées, c'est-à-dire les régions où vivent des minorités ethniques avec des zones caractérisées par des conditions socio-économiques extrêmement difficiles:
Article 10
Politiques relatives à la construction et au développement des unités non commerciales publiques et du contingent des fonctionnaires
1) L’État doit mettre en place un système d’unités publiques non commerciales chargées de fournir des services publics pour lesquels il incombe principalement à l’État de servir les citoyens dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la science et dans d’autres domaines dans lesquels le secteur privé est incapable de fournir ces services; l'État doit aussi assurer la fourniture de services de santé et d'éducation de base dans les régions montagneuses, frontalières, insulaires, éloignées, isolées, les régions où vivent des minorités ethniques avec des zones caractérisées par des conditions socio-économiques extrêmement difficiles. |
La loi ne précise pas si ces services doivent être rendus dans la langue des minorités. Cependant, l'article 12 prévoit que les fonctionnaires
doivent être payés avec des salaires correspondant à leur tâche et qu'ils bénéficient d'indemnités et de politiques préférentielles lorsqu'ils œuvrent dans ces régions.
La Loi sur les cadres et les fonctionnaires (2008) énonce les mêmes dispositions concernant les fonctionnaires œuvrant dans ces régions où vivent des minorités ethniques :
Article 12
Droits des cadres et des fonctionnaires à la rémunération et aux régimes liés aux salaires
1) Être payé par l'État par des salaires correspondant aux tâches et aux pouvoirs attribués et adaptés aux conditions socio-économiques nationales. Les cadres et les fonctionnaires travaillant dans des zones montagneuses, frontalières ou insulaires et éloignées où vivent des minorités ethniques ou dans des zones caractérisées par des conditions socio-économiques particulièrement difficiles, ou dans des secteurs et métiers dangereux ont droit à des indemnités et à des politiques d'incitation en conformité avec la loi.
Article 37
Méthodes de recrutement des fonctionnaires
2) Les personnes qui remplissent toutes les conditions énoncées au paragraphe 1 de l'article 36 de la présente loi et qui s'engagent à travailler volontairement pendant au moins cinq ans dans des régions montagneuses, frontalières, insulaires et éloignées où vivent des minorités ethniques ou dans des zones aux prises avec des conditions socio-économiques particulières peuvent être recrutées par une sélection.
Article 38
Principes de recrutement des fonctionnaires
4) Donner la priorité au recrutement des personnes talentueuses, des personnes offrant des services méritoires au pays et des personnes appartenant à des minorités ethniques.
Article 53
Affectation des fonctionnaires
4) Les fonctionnaires affectés pour travailler dans des régions montagneuses, frontalières, isolées et éloignées où vivent des minorités ethniques ou des zones où les conditions socio-économiques sont particulièrement difficiles ont droit à des mesures d’incitation au sens de la loi. |
Encore une fois, la loi ne prévoit pas de services publics dans les langues minoritaires, bien que cela entre en contradiction avec l'article 42 de la Constitution de 2013, qui énonce que «tout citoyen a le droit de déterminer sa nationalité, d'utiliser sa langue maternelle et de choisir sa langue de communication»:
Article 42
Tout citoyen a le droit de déterminer sa nationalité, d'utiliser sa langue maternelle et de choisir sa langue de communication. |
Le gouvernement exerce des pressions pour demander aux responsables à majorité ethnique (les Kinh) d'apprendre la langue de la localité dans laquelle ils travaillent. Les administrations provinciales poursuivent des initiatives dans le but d'accroître les emplois, de réduire l'écart de revenus entre les minorités ethniques et les Kinh, et de sensibiliser les fonctionnaires à la culture et aux traditions de ces minorités. Par ailleurs, le gouvernement accorde un traitement préférentiel aux entreprises nationales et étrangères qui investissent dans les régions montagneuses peuplées principalement de minorités ethniques.
Il n'en demeure pas moins que la Constitution accorde le droit d'utiliser sa langue maternelle et de choisir sa langue de communication, mais ne prévoit aucune mesure pour mettre le tout en pratique. Dans les faits, certains représentants des minorités ethniques participent à la vie politique vietnamienne. Ils peuvent occuper des postes clefs dans des organismes nationaux et locaux, mais en recourant nécessairement à la langue vietnamienne.
4.2 La reconnaissance des minorités
Plusieurs lois vietnamiennes font mention des minorités ethniques, sans jamais en désigner une seule. Par exemple, la Loi sur l'égalité des sexes (2006) soutient les activités pour l'égalité des sexes dans les régions éloignées et montagneuses, dans les régions où vivent des groupes de minorités ethniques et dans des régions où les conditions socio-économiques sont extrêmement difficiles:
Article 7
Politique de l'État en matière d'égalité des sexes
5) Soutenir les activités pour l'égalité des sexes dans les zones éloignées et montagneuses, dans les zones où vivent des groupes de minorités ethniques et dans des régions où les conditions socio-économiques sont extrêmement difficiles; aider à créer les conditions nécessaires pour augmenter l'IDG (1) dans les industries, les régions et les localités où il est inférieur à la moyenne de l'ensemble du pays. |
L'article 8 du Décret n° 39 sur la publicité (2001) prescrit que toute publicité doit se faire en vietnamien, sauf dans certains cas, notamment lorsque la langue vietnamienne, la langue d'une minorité ethnique au Vietnam et une langue étrangère sont utilisées dans le même produit publicitaire:
Article 8
2) Lorsque la langue vietnamienne, la langue d'une minorité ethnique au Vietnam et une langue étrangère sont utilisées dans le même produit publicitaire, la langue vietnamienne doit être inscrite en premier, suivie de la langue de la minorité ethnique et ensuite de la langue étrangère; et la taille des lettres de la langue de la minorité ethnique et de la langue étrangère ne doit pas dépasser la taille des lettres de la langue vietnamienne. |
L'inconvénient de reconnaître les langues minoritaires dans la publicité, c'est de ne pas trouver de publicité dans ces langues.
L'article 36 de la Loi sur le budget de l'État (2002) accorde une répartition égalitaire du budget de l'État dans les régions où vivent des minorités ethniques:
Article 36
2) Le pourcentage applicable aux recettes à répartir et à l'allocation supplémentaire d'équilibre est déterminé sur la base du calcul des sources des recettes et des tâches de dépense prévues aux articles 30, 31, 32 et 33 de la présente loi, conformément au régime de recouvrement du budget, au niveau d'allocation budgétaire, aux régimes, aux régions, au niveau des dépenses budgétaires et aux normes telles que la population, les conditions naturelles, les conditions socio-économiques de chaque région, avec une attention portée aux zones isolées, aux anciennes bases révolutionnaires, aux zones des minorités ethniques et aux zones en difficulté. |
Malgré ces initiatives, il subsiste de graves inégalités sociales en matière de services administratifs, de santé, de loisirs, etc. L'une des causes, mais ce n'est pas la seule, réside dans la non-connaissance des langues minoritaires de la part des fonctionnaires vietnamiens. Il semble que les politiques et les programmes gouvernementaux ne fassent pas suffisamment l'objet d'une adaptation et d'une sensibilité aux cultures des minorités. Trop de fonctionnaires viets ont encore des attitudes négatives et se permettent des pratiques discriminatoires à l'égard des personnes appartenant à des minorités. Les politiques linguistiques des autorités vietnamiennes dans les bureaux de l'administration situés dans les régions où sont concentrées les minorités plus importantes restent inchangées depuis des décennies, ce qui entrave sérieusement les possibilités d'emploi chez les membres des minorités dans la fonction publique. En outre, les traditions et les structures patriarcales au sein de certains groupes ethniques sont considérées par les autorités comme contribuant au maintien de comportements préjudiciables pour le développement socio-économique. Quoi qu'il en soit, les régions éloignées où vivent des minorités ethniques demeurent parmi les plus pauvres du Vietnam. En effet, selon la Banque mondiale, les minorités ethniques, qui représentent moins de 15 % de la population vietnamienne, comptent pour 50 % des pauvres du pays.
5. L'éducation
Les défis et enjeux sont nombreux dans le domaine de l'éducation à l'égard des minorités ethniques. Il faut non seulement consolider les objectifs de l’instruction universelle pour tous, notamment endiguer l’abandon scolaire, mais aussi assurer un accès à la scolarisation réelle et équitable pour toutes les minorités ethniques, surtout dans les régions rurales éloignées et isolées.
5.1 Les principes constitutionnels
Le gouvernement vietnamien a imposé une politique d'enseignement des langues ethniques en même temps que l'enseignement de la langue nationale dans tout le pays. L'article 15 de la première Constitution de 1946 prévoyait que les minorités nationales avaient le droit de recevoir un enseignement primaire, obligatoire et gratuit, dans leur propre langue:
Điều thứ 15
Nền sơ học cưỡng bách và không học phí. Ở các trường sơ học địa phương, quốc dân thiểu số có quyền học bằng tiếng của mình.
[...] |
Article 15 L'école primaire est obligatoire et gratuite. Dans les écoles locales, les minorités nationales ont le droit de recevoir un enseignement dans leur propre langue.
[...] |
L'article 5 de la Constitution de 1981 réaffirmait ce principe:
Điều 5
Nhà nước Cộng hoà xã hội chủ nghĩa Việt Nam là Nhà nước thống nhất của các dân tộc cùng sinh sống trên đất nước Việt nam, bình đẳng về quyền và nghĩa vụ.
Nhà nước bảo vệ, tăng cường và củng cố khối đại đoàn kết dân tộc, nghiêm cấm mọi hành vi miệt thị, chia rẽ dân tộc.
Các dân tộc có quyền dùng tiếng nói, chữ viết, giữ gìn và phát huy những phong tục, tập quán, truyền thống và văn hoá tốt đẹp của mình.
[...] |
Article 5
L'État de la République socialiste du Vietnam est l'État unifié de toutes les ethnies coexistant sur le territoire du Vietnam, et égales en droits et en obligations.
L'État préserve, développe et consolide le bloc d'union de toutes les ethnies du pays et interdit rigoureusement tout acte de discrimination à leur égard ou de nature à les diviser.
Tous les groupes ethniques ont le droit d'employer leur propre langue et leur propre écriture, de conserver et de promouvoir leurs us et coutumes, leurs traditions et leur culture.
[...] |
Il en fut ainsi dans la Constitution de 1992, qui reprenait la plupart des dispositions de celle de 1980. Enfin, l'article 5 de la Constitution de 2013 réaffirme les droits des minorités de façon équivalente :
Điều 5
1) Nước Cộng hoà xã hội chủ nghĩa Việt Nam là quốc gia thống nhất của các dân tộc cùng sinh sống trên đất nước Việt Nam.
2) Các dân tộc bình đẳng, đoàn kết, tôn trọng và giúp nhau cùng phát triển; nghiêm cấm mọi hành vi kỳ thị, chia rẽ dân tộc.
3) Ngôn ngữ quốc gia là tiếng Việt. Các dân tộc có quyền dùng tiếng nói, chữ viết, giữ gìn bản sắc dân tộc, phát huy phong tục, tập quán, truyền thống và văn hoá tốt đẹp của mình.
4) Nhà nước thực hiện chính sách phát triển toàn diện và tạo điều kiện để các dân tộc thiểu số phát huy nội lực, cùng phát triển với đất nước. |
Article 5
1) La République socialiste du Vietnam est l'État unifié de tous les groupes ethniques vivant au Vietnam.
2) Toutes les ethnies sont égales et unies, elles se respectent et s'entraident pour se développer mutuellement; tout acte de discrimination et de stigmatisation est strictement interdit.
3) La langue nationale est le vietnamien. Tous les groupes ethniques ont le droit d'utiliser leur propre langue et leur propre système d'écriture afin de préserver leur identité nationale et de promouvoir leurs us et coutumes, leurs traditions et leur culture.
4) L'État doit mettre en œuvre une politique de développement global et créer les conditions permettant aux minorités ethniques d'exploiter pleinement leurs capacités internes et de se développer avec le pays. |
De plus, l'article 61 de la Constitution de 2013 impose cette priorité au développement de l'éducation dans les régions montagneuses et insulaires — les régions habitées par des minorités ethniques:
Article 61
3) L'État doit donner la priorité au développement de l'éducation dans les régions montagneuses et insulaires — les régions habitées par des minorités ethniques — et dans les régions où les conditions socio-économiques sont extrêmement difficiles; il doit donner la priorité à l'emploi et au développement des talents et offrir des conditions favorables aux personnes handicapées et pauvres pour faciliter l'accès à l'éducation et à la formation professionnelle. |
Le Décret réglementant l'enseignement (2010) témoigne de l'importance de l'éducation à l'égard des minorités:
Article 3
Situation de l’organisation de l’enseignement
1) Les membres des minorités ethniques ont des aspirations et des besoins d’apprentissage spécifiques.
3) Les programmes et les manuels des minorités sont compilés et vérifiés conformément aux règlements du ministre de l'Éducation et de la Formation.
Article 4
Le processus d'intégration des minorités ethniques dans l'enseignement
1) Sur la base des aspirations des minorités ethniques et des conditions d’organisation de l’enseignement des langues des minorités d'une région, les Comités populaires des provinces et les villes centrales (ci-après appelées collectivement «le Comité populaire de la province») recommandent au ministère de l’Éducation et de la Formation d'enseigner les langues des minorités ethniques dans la région.
2) Le ministère de l'Éducation et de la Formation doit réviser les conditions régissant l'enseignement des langues des minorités ethniques su proposition des Comités populaires de niveau provincial; il informe par écrit les Comités populaires de niveau provincial dans les 30 jours à compter de la réception des dossiers de demande d'enseignement des langues des minorités ethniques.
3) Les comités populaires de niveau provincial doivent prendre des décisions relatives à l'enseignement des langues des minorités ethniques dans leur localité. |
Quant à l'article 7 de la
Loi sur l'éducation (2005), il oblige l'État à créer les conditions permettant aux membres des minorités ethniques d'apprendre leurs langues parlées et écrites:
Article 7
2) L'État doit créer les conditions permettant aux membres des minorités ethniques d'apprendre leurs langues parlées et écrites afin de préserver et de développer leurs identités culturelles respectives, en aidant les élèves des minorités ethniques à absorber facilement les connaissances lorsqu'ils étudient dans des écoles ou d'autres établissements d'enseignement. L’enseignement et l’apprentissage des langues des minorités ethniques doivent se faire conformément à la réglementation du gouvernement. |
Article 10
Politique de développement en éducation et en formation
1) Développer l'éducation dans les zones à minorités ethniques dans le cadre du programme national; élaborer des politiques éducatives pour tous les niveaux d'enseignement adaptées aux caractéristiques des groupes ethniques minoritaires.
2) Accroître les écoles maternelles, les écoles générales, les internats et les semi-internats pour les minorités ethniques, les centres de formation continue, les centres communautaires d'apprentissage, les écoles professionnelles et les écoles pré-universitaires; analyser la formation multidisciplinaire tertiaire pour les élèves issus des minorités en vue d'accélérer la formation des ressources humaines au service de l'industrialisation et de la modernisation nationales, ainsi que l'intégration internationale.
3) Mettre en place les conditions et les mesures appropriées pour soutenir les étudiants appartenant à une minorité ethnique: fournir l'hébergement, des prêts et bourses pour la durée de leurs études, conformément aux disciplines de leur formation et à leur lieu de résidence.
Les élèves appartenant à des groupes ethniques minoritaires ayant une population très réduite et vivant dans des régions avec des difficultés socio-économiques et des problèmes économiques exceptionnels sont exemptés des frais de scolarité à tous les niveaux et dans toutes les disciplines.
4) Trouver des ressources humaines et prévoir une formation professionnelle aux groupes ethniques minoritaires, le tout adapté aux caractéristiques de chaque région, et répondre aux besoins d’industrialisation, de modernisation et d’intégration internationale.
5) Accorder un soutien aux enseignants des régions confrontées à des difficultés socio-économiques et à des problèmes économiques exceptionnels; former des enseignants auprès des minorités ethniques et des enseignants pour les langues des minorités ethniques.
6) Inclure les langues, les écritures et les traditions culturelles particulières des groupes de minorités ethniques dans les programmes des écoles générales, des internats et des écoles semi-internes destinés aux minorités ethniques, des centres d’éducation permanente, des centres d’apprentissage communautaires, des écoles professionnelles, des écoles secondaires professionnelles, des collèges et universités adaptés aux zones où résident les minorités ethniques.
7) Les administrations des localités où des étudiants appartenant à une minorité ethnique passent des examens d'entrée à l'université ou s'ils sont admis en vertu des inscriptions désignées doivent recevoir ces étudiants après l'obtention de leur diplôme et doivent leur assigner des emplois appropriés à leur spécialité majeure. |
Comme dans les services publics, le gouvernement encourage les administrateurs et les enseignants à organiser l'étude des langues des minorités ethniques
(Loi sur l'éducation)
:
Article 82
Politiques à l'égard des enseignants, des administrateurs en éducation travaillant dans des écoles spéciales, dans des zones confrontées à des difficultés socio-économiques extraordinaires
3) L'État doit adopter des politiques visant à assurer la rotation des enseignants et des administrateurs en éducation dans les régions confrontées à des difficultés socio-économiques extraordinaires; encourager et accorder des préférences aux enseignants et aux responsables en éducation qui travaillent dans des régions plus favorables pour s’installer dans des zones connaissant d’énormes difficultés socio-économiques; créer les conditions permettant aux enseignants de ces domaines de s'installer dans leur travail; organiser l'étude des langues des minorités ethniques pour les enseignants et les responsables de l'éducation travaillant dans les zones des minorités ethniques afin d'améliorer la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage. |
Les actions mises en place en faveur du développement culturel des minorités démontrent que le Parti et le gouvernement vietnamien s’appliquent à garantir sur le territoire les droits de ces ethnies en particulier et les droits humains en général. Cependant, en dépit des mécanismes d’aide au retour à l’école pour les enfants qui ont abandonné prématurément leurs études, les minorités ethniques sont surreprésentées dans les classes créées spécifiquement à ce sujet. De plus, malgré des mécanismes de péréquation entre les provinces, les régions les plus pauvres continuent de disposer des budgets les plus faibles. Dans les faits, ce sont dans les régions où les ethnies sont les plus présentes que les taux de scolarisation sont les plus faibles et que l’abandon est le plus fréquent.
5.2 L'enseignement des langues minoritaires
Avec près une soixantaine de peuples minoritaires ou ethniques ayant chacune leurs langues, leurs religions, leurs cultures et leurs identités, le Vietnam a dû mettre en place un système d'éducation proposant un enseignement en deux langues, c'est-à-dire en vietnamien et dans les langues minoritaires. Selon les informations transmises par le gouvernement vietnamien, on dénombre 30 groupes ethniques possédant leur propre écriture ou alphabet, les autres utilisant une écriture déjà existantes chez les Viets, les Chinois, les Thaïs, etc. Le ministère de l’Éducation et de la Formation a mis au point des programmes pour huit langues parlées par des ethnies minoritaires. Il s'agit du khmer, du cham, du chinois mandarin, de l’édé, du jrai, du ba na, du thaï et du hmong. Ces langues ont été officiellement introduites dans les écoles primaires et secondaires pour accueillir des minorités dans quelque 25 provinces où vivent un grand nombre de personnes issues de ces groupes. Au total, c'est plus de 785 écoles recevant plus de 150 000 élèves.
De plus, Viet Nam Television diffuse des émissions de la chaîne VTV5 dans 10 langues; la radio The Voice of Viet Nam a augmenté son temps de diffusion et a produit plus de 4000 programmes spéciaux dans 13 langues locales, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes issues de minorités ethniques.
Il faut comprendre qu'au Vietnam le droit à l’école ou à l'éducation n’implique pas nécessairement un «droit à la langue». Toutes les écoles offrent leur enseignement en vietnamien, sauf pour les disciplines concernant les langues étrangères et certaines langues minoritaires. Plus précisément, ces dernières ne constituent jamais une langue d'enseignement, mais une matière parmi d'autres. l'objectif est de créer les conditions minimales d'instruction, qui offriront à terme un développement économique à certains de ces «peuples de la forêt» ou ces «peuples des montagnes».
- Les méthodes d'enseignement
La principale méthode d'enseignement consiste à demander à tous les élèves d’apprendre le vietnamien comme langue nationale tout en soutenant l'usage de leur langue maternelle. Dans les écoles où c'est possible, les enfants peuvent apprendre leur langue à partir de la première année du primaire en tant que matière pendant quelques périodes par semaine à la condition que tous les enfants de l'école appartiennent à une même minorité ethnique. Il faut comprendre que la langue d'enseignement demeure toujours le vietnamien. Évidemment, beaucoup de jeunes enfants ne comprennent tout simplement pas ce que l'enseignant leur dit; ils lisent souvent sans comprendre et répètent simplement après l'enseignant ce qu'ils ont mémorisé. La plupart des enfants issus des minorités ethniques qui ne parlant pas le vietnamien ont beaucoup de difficulté avec un tel programme et une telle méthodologie. Une autre mauvaise pratique consiste à enseigner l'alphabétisation dans la langue maternelle à l'aide du vietnamien et des techniques pour enseigner aux non-locuteurs de cette langue.
Bref, l'enseignement des langues minoritaires reconnues (khmer, cham, chinois mandarin, édé, jrai, ba na, thaï et hmong) demeure aléatoire, car l’enseignement d’une langue minoritaire varie selon que l’alphabet est romanisé (latinisé) ou non. Les langues qui n'ont pas un alphabet romanisé, comme c'est le cas pour le khmer, peuvent être enseignées à partir de la première année, mais le plus souvent elles ne le sont pas. Même lorsque des textes en khmer, par exemple, ont été élaborés jusqu'à la 5e année, les enfants sont incités de manière répétée à n'utiliser que le texte de 1re année pendant cinq années consécutives, car les enseignants ne maîtrisent pas suffisamment le khmer pour utiliser les textes plus avancés. Toutefois, les langues qui ont un alphabet romanisé (hmong, édé, bahnar, hre, stieng, jrai, etc.) ne sont enseignées qu'à partir de la 3e année, car les autorités croient qu'enseigner deux alphabets romanisés à la fois (vietnamien et hmong) confondrait les enfants. Cette croyance est contraire aux conclusions des recherches internationales qui favorisent l’alphabétisation initiale dans la langue maternelle et le transfert des compétences vers la langue seconde.
De plus, les cours dans ces huit langues minoritaires ne sont possibles que dans certaines écoles en tant que matière, sinon comme activité parascolaire, alors qu'ils sont obligatoires dans les internats. L'État n'exerce aucun contrôle sur cet enseignement et il n'y a pas, contrairement au vietnamien, d'examen d'État commun pour ces langues minoritaires. Les parents soutiennent généralement cet enseignement principalement pour préserver leur culture plutôt que pour des raisons pédagogiques.
Le plus inquiétant, c'est que personne ne semble reconnaître que la langue d'enseignement et la méthodologie employées dans les salles de classe peuvent contribuer au décrochage scolaire. Or, les quelques données que l’on pourrait rassembler démontrent que le taux élevé d’abandon scolaire est un grave problème.
- Le non-accès à l'éducation dans sa langue
Dans les faits, il reste beaucoup de peuples minoritaires — la majorité — qui n'ont pas accès à une instruction dans leur langue. Ils doivent nécessairement se rabattre sur des écoles offrant un enseignement uniquement en vietnamien. Il existe plusieurs raisons qui expliquent cette situation, dont la pénurie de personnel qualifié dans les langues des minorités, l'enchevêtrement des ethnies dans un même village éloigné, l'extrême pauvreté des gens qui ne voient pas la nécessité d'envoyer leurs enfants à l'école, le manque de connaissance du vietnamien, etc. Lorsque coexistent différentes minorités dans une région, il est difficile de statuer quelles langues choisir pour l'enseignement. Parfois, c'est un choix cornélien !
Devant ces difficultés, le ministère de l’Éducation et de la Formation a organisé des séminaires sur l’enseignement du vietnamien aux élèves issus des minorités ethniques. Cinq mesures ont été choisies:
- rendre l’école obligatoire à partir de cinq ans;
- renforcer l’enseignement du vietnamien, langue véhiculaire, aux élèves des écoles maternelles;
- rédiger et publier des manuels de vietnamien;
- augmenter les heures de cours de vietnamien pour les élèves de la classe préparatoire;
- expérimenter le programme d’enseignement bilingue (vietnamien - langue maternelle) dans certaines provinces.
On ne peut pas dire que ce type de mesures favorise l'enseignement dans les langues des minorités ethniques. Bref, il y a souvent des distinctions à faire entre le droit à l'éducation dans sa langue et le fait de le mettre en place. Il y a parfois loin de la coupe aux lèvres!
5.2 L'enseignement bilingue
Tous les décrets, toutes les décisions et instructions du gouvernement concernant l'éducation dans les régions ethniques mentionnent vaguement que les langues des minorités ethniques doivent être enseignées en plus de la langue nationale. Les faits démontrent que l'enseignement bilingue n'est pas réellement répandu au Vietnam, sauf pour les langues étrangères. En général, l'enseignement se fait au primaire, voire au secondaire, dans la langue des minorités ou en vietnamien, pas dans les deux langues simultanément. Il est vrai que le vietnamien est maintenant grandement utilisé par les communautés ethniques; l'apprentissage du vietnamien est devenu une demande de tous les groupes ethniques. En même temps, les minorités ethniques ont toujours l’idée de maintenir, de conserver et de promouvoir le rôle de leur propre langue. Si certaines langues minoritaires ne sont jamais enseignées, elles risquent de perdre leur fonctionnalité ou leur raison d'être à force de ne pas être utilisées.
- Une expérimentation limitée
Le ministère de l'Éducation et de la Formation a mis en œuvre diverses solutions pour améliorer la qualité de l'éducation dans les régions où vivent des minorités ethniques afin d'assurer l'équité dans l'instruction des enfants dans les milieux minoritaires. L'une des mesures a été un enseignement bilingue basé sur la langue maternelle: l'approche MTBBE ("Mother-Tongue Bilingual Based Education"). C'est un projet pilote d’enseignement bilingue fondé sur la langue maternelle mis en œuvre depuis 2008 par le ministère de l’Éducation et de la Formation en collaboration avec l’UNICEF dans trois provinces à forte densité de population de minorités ethniques: la province de Lào Cai, la province de Gia Lai et la province de Trà Vinh. Le projet pilote se faisait avec trois minorités ethniques et leur langue:
- le hmông dans la province de Lào Cai, appartenant au groupe linguistique hmong-mien (famille hmong-mien);
- le jrai dans la province de Gia Lai, appartenant au groupe linguistique malayo-polynésien (famille austronésienne);
- le khmer dans la province de Trà Vinh, appartenant au groupe de langues môn-khmer (famille austro-asiatique).
Les principaux objectifs de la méthode dite MTBBE sont les suivants:
(i) mettre en œuvre une conception valable et réalisable de l’enseignement bilingue (EB) dans les langues des minorités ethniques (LME) et en vietnamien dans les écoles maternelles et primaires;
(ii) contribuer à l'élaboration de politiques et de pratiques, y compris de cadres juridiques, qui favorisent l'emploi et le développement dans les LME en tant que moyen pour améliorer l'accès, la qualité et l'équité de l'éducation et d'autres services sociaux.
De façon concrète, il s'agit d'utiliser les langues minoritaires comme principale langue d'enseignement et introduire le vietnamien comme seconde langue pendant un an au préscolaire et ensuite en première année du primaire et en deuxième. À partir de la troisième année du primaire, on introduit le vietnamien comme langue d'enseignement simultanément avec la langue maternelle pour une période transitoire de trois ans. À la fin de la cinquième année, les élèves auraient acquis deux langues et deux alphabets, ce qui aurait pour effet de répondre aux normes du programme national. Après six ans, la première cohorte a terminé son programme d'apprentissage MTBBE à la fin du mois de mai 2014. Environ 520 enfants de cinq ans et 510 élèves du primaire ont participé au projet de l'UNICEF. L’évaluation du projet a montré une amélioration de la qualité de l’enseignement donné aux enfants des minorités ethniques. Les avantages de l'instruction bilingue, y compris l'alphabétisation initiale dans la langue maternelle, devraient être démontrés à toutes les parties prenantes; il devrait également y avoir une instruction dans la langue maternelle jusqu'à ce que les enfants acquièrent suffisamment de vietnamien pour comprendre le contenu de la matière. Autrement dit, l'expérience s'est révélée valable et réalisable dans le contexte vietnamien.
Malgré les progrès positifs accomplis par le Vietnam dans la mise en œuvre de l’enseignement primaire universel, des millions d’enfants défavorisés, en particulier ceux appartenant à des minorités ethniques, ne bénéficient pas pleinement des mêmes possibilités d’apprentissage et d’une éducation de qualité.
Le programme d’enseignement bilingue a certes obtenu des résultats encourageants, mais les défis sont demeurés fort nombreux. D’abord, il faut savoir quelles langues vernaculaires choisir parmi la centaine pratiquée au Vietnam.
- Une expérimentation insuffisante
Tout s'est ensuite arrêté là, car les enseignants qualifiés en enseignement bilingue font cruellement défaut. Toute tentative d'établir un programme bilingue nécessiterait une forte composante de formation des enseignants. Des efforts sincères ont été déployés pour former des enseignants appartenant à des minorités ethniques et pour les affecter là où la plupart des gens appartiennent à des minorités ethniques, généralement dans des régions éloignées. Mais cette mesure apparaît nettement insuffisante pour le moment.
Il faudrait aussi permettre aux locuteurs des langues minoritaires de savoir lire et écrire dans les deux langues, et de mieux s’intégrer à la vie sociale et économique du pays. Tout nouveau programme d’enseignement devrait envisager les mesures suivantes:
- aider les enfants ne parlant pas le vietnamien à mieux apprendre;
- maintenir les enfants des minorités à l'école primaire et accroître leur participation aux niveaux secondaire et supérieur;
- permettre aux enfants des minorités d’acquérir de meilleures compétences en vietnamien et de s’alphabétiser dans leur langue maternelle;
- permettre aux enfants des minorités de mieux participer à la vie sociale et économique traditionnelle et rompre ainsi le cycle de la pauvreté;
- permettre un apprentissage indépendant dans les classes primaires et un enseignement mieux adapté dans les régions éloignées des minorités ethniques;
- réduire le sentiment d'aliénation des enfants des minorités dans le système scolaire.
L’UNICEF n’a pas calculé le coût de la mise en œuvre de sa méthode d’enseignement au Vietnam, mais un rapport de l’Unesco cite une estimation tirée de «Introduction à la politique linguistique: théorie et méthode» (publiée par Thomas Ricento) soulignant que de tels programmes peuvent ajouter 3% à 4% au budget de l'éducation d'un pays.
5.3 Les difficultés
Si la performance du Vietnam en matière d'éducation est remarquable, compte tenu de son histoire récente, elle n'est pas exempte de critiques et de difficultés. En effet, selon le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU: l’accès à une éducation de qualité reste difficile, notamment pour les groupes les plus vulnérables, c'est-à-dire les minorités ethniques. Le taux net d’achèvement de la scolarité primaire est de 86,4 % pour la population majoritaire des Kinh, alors qu’il n’est que de 60,6 % pour les autres groupes ethniques; ce taux baisse même à 40 % pour la région du delta du Mékong. En définitive, les minorités sont loin derrière les Kinh dans des domaines tels que la richesse, la nutrition et la mortalité infantile. Cela vaut également pour l'éducation: 25 % des Kinh vont jusqu'au collège (secondaire), contre seulement 15 % pour les minorités. Plus de 50 % des 1,2 million d'enfants non scolarisés du primaire concernent les minorités ethniques situées dans des régions rurales, montagneuses et isolées, et peu peuplées du delta du Mékong.
Pourtant, l’UNICEF soutient les programmes d’éducation pour les enfants au Vietnam depuis plus de dix ans. Bien que des progrès importants aient été réalisés, des problèmes subsistent, tels que des taux d'inscription et d'achèvement peu élevés, ainsi que des taux d'abandon et de redoublement élevés, en particulier chez les minorités ethniques. Pourtant, le Vietnam est considéré par la communauté internationale comme un pays phare en matière de réduction de la pauvreté. C'est probablement vrai pour les Viets (Kinh), mais pas pour les minorités nationales.
- Les conditions matérielles
Parmi les difficultés d'accès à l'éducation, il faut commencer par les conditions matérielles dans lesquelles vivent beaucoup d'enfants issus des minorités ethniques. Dans les régions rurales et montagneuses, l'école peut être située à une distance telle que les enfants ne peuvent s'y rendre à pied. Il faut considérer qu'en même temps les moyens de transport sont inaccessibles ou inadéquats pour de jeunes enfants.
Il faut aussi mentionner le fait que les parents craignent les catastrophes naturelles, surtout dans les montagnes. Comme le transport devient trop dangereux, les enfants demeurent à la maison. Au Vietnam, environ 80 % de la population minoritaire ne sait ni lire ni écrire.
- Les conditions socio-économiques
Les groupes de minorités ethniques sont composés à 50 % de ménages pauvres, voire très pauvres. Pour un grand nombre de familles, le fait d'envoyer leurs enfants à l'école occasionnerait des dépenses trop élevées, bien que la scolarité soit gratuite au primaire. Cependant, les autres frais (vêtements, transport, fournitures de bureau, etc.) demeurent très élevés pour des gens pauvres. Les ressources et les équipements pour les écoles primaires sont rares; il faut les payer. Dans ces conditions, les parents préfèrent que leurs enfants travaillent plutôt que de dépenser pour l'école.
- La barrière linguistique
Lorsqu'ils sont à la maison et dans leur communauté, les enfants des minorités ethniques parlent leur langue maternelle, alors qu'a l'école la langue d'enseignement est souvent le vietnamien. Or, les enseignants ne maîtrisent généralement pas du tout les langues parlées à la maison par leurs élèves. Comme ceux-ci ne comprennent pas leur professeur, ils sont tentés d'abandonner l'école.
- Les enfants sans certificats de naissance
Le gouvernement exige la présentation d'un certificat de naissance lors de l'inscription d'un enfant dans une école. Le ministère de la Justice estime qu'il peut y avoir jusqu'à 60 % des enfants issus des milieux minoritaires, qui n'ont pas de certificat de naissance. Certains parents n'en voient pas la nécessité, et ce, d'autant plus qu'ils doivent payer des frais d'enregistrement ou des amendes pour un enregistrement tardif. Par le fait même, ces enfants n'ont pas accès à l'éducation avec le résultat qu'ils sont condamnés à la pauvreté toute leur vie.
- Les enseignants et les programmes
Les enseignants sont autorisés à expliquer les leçons dans la langue des enfants, mais ils ne parlent généralement pas cette langue, et ce, d'autant plus que la plupart croient que celle-ci est inutile, voire acceptable. De rares enseignants peuvent parler une langue minoritaire dans leur vie quotidienne, mais admettent se sentir mal à l'aise de l'utiliser en classe, surtout devant des responsables de l'éducation ou des visiteurs. Ajoutons aussi que, parmi les enseignants qui maîtrisent leur langue minoritaire, il y a beaucoup qui savent à peine la lire et l'écrire.
Non seulement les enseignants ne parlent généralement que le vietnamien, mais leurs salaires sont très bas. Beaucoup quittent leur emploi pour trouver un meilleur salaire ailleurs que dans l'enseignement auprès des minorités ethniques. De plus, ces enseignants se sentent démunis, isolés et peu appuyés par le gouvernement.
La formation des professeurs constitue un autre défi. Par exemple, les internats des ethnies minoritaires souffrent d’une pénurie d’enseignants. Il faudrait renforcer l’enseignement des langues vernaculaires aux futurs professeurs de ces établissements, en mettant en place notamment des programmes spécialisés dans les écoles normales supérieures. Les ethnies pourraient aussi envoyer leurs propres représentants dans des écoles normales supérieures; ils seraient ensuite à même d’enseigner dans leur localité.
Aux dires d’experts, il faut élaborer une stratégie pour améliorer les compétences du contingent d’enseignants comme du programme pédagogique en milieu minoritaire. Ce qui passe par la création de privilèges ou de subventions pour les professeurs et les élèves, dans la mesure où dans les régions montagneuses ou éloignées, l’éducation manque cruellement de moyens. De plus, il est urgent de former des professeurs d’ethnies minoritaires capables de jongler parfaitement entre leur langue maternelle et le vietnamien.
Des programmes particuliers seraient nécessaires pour encourager les enfants à fréquenter ou à retourner à l'école. Or, les programmes sont conçus pour les Kinh et la langue vietnamienne. Il faudrait proposer aux enfants des minorités des programmes plus appropriés, ce qui n'est guère le cas.
- Le tourisme de masse
Beaucoup de villages du Vietnam sont situés dans l’extrême nord du pays. Ils abritent des communautés montagnardes tribales parmi les plus anciennes du pays. Ces villages peuvent attirer des milliers de touristes en raison de leurs paysages grandioses. Les immenses terrasses de rizières séduisent les touristes, mais l’objet premier de cette activité consiste à faire voir le folklore de ces différentes minorités ethniques vivant dans ces régions. Toutefois, l'arrivée massive de touristes étrangers a pour effet de modifier considérablement la vie et les us et coutumes de ces peuples attachés à leurs pratiques ancestrales.
De plus, la croissance de l’activité touristique a entraîné une immigration importante de marchands vietnamiens. Au lieu de contribuer au développement des minorités ethniques, les Vietnamiens (les Kinh) ont exploité leur force de travail par l’intermédiaire des coopératives, afin de rentabiliser les entreprises touristiques, ce qui intensifie parallèlement les conflits socioculturels présents au sein de la société rurale. Ces peuples minoritaires voient leur identité culturelle s’effacer à mesure que leur dépendance vis-à-vis du tourisme s’accroît. Pour favoriser l’accueil d’un tourisme de masse, plusieurs des membres des minorités ont dû être dépossédés de leur terre, ce qui a pour effet l'abandon de l’agriculture traditionnelle pour s’adonner aux seules activités qu’on leur a réservées : la vente de souvenirs, les danses folkloriques et le métier de guide. Par voie de conséquence, les langues de ces peuples régressent au profit du vietnamien et de l'anglais.
6. Les médias
Toutes sortes de médias existent au Vietnam (médias écrits, audiovisuels, électroniques). À la fin de l’année 2009, le pays comptait plus de 700 organismes de presse, dont 178 journaux et 528 magazines, ainsi que 67 chaînes de télévision et stations de radio. On a recensé aussi 21 journaux électroniques, 160 sites Web d’information et des milliers de pages d’information publiées par le Parti, l’État, ou des associations et des entreprises. La législation vietnamienne autorise la publication de journaux et de magazines, ainsi que la diffusion d'émissions dans les langues minoritaires. On donc lire que la Loi sur les médias (1999) que ceux-ci ont la responsabilité de contribuer au maintien de la pureté de la langue vietnamienne et des langues des groupes des minorités ethniques du Vietnam:
Article 3
Types de médias
Les médias visés dans la présente loi désignent les médias vietnamiens, y compris les médias imprimés (journaux, magazines, nouvelles d'actualité, bulletins d'information des agences de presse); les médias audio (émissions de radio); les médias visuels (émissions de télévision, programmes audiovisuels sur les événements actuels réalisés par divers moyens techniques); les médias électroniques (par le biais du réseau d'information informatique) dans la langue vietnamienne, dans les langues des groupes appartenant aux minorités ethniques du Vietnam ou dans les langues étrangères.
Article 6
Responsabilités et droits des médias
Les médias ont les responsabilités et les droits suivants:
1.Fournir des informations véridiques sur les affaires nationales et les actualités mondiales conformément aux intérêts du pays et de ses citoyens;
5. Contribuer au maintien de la pureté de la langue vietnamienne et des langues des groupes des minorités ethniques du Vietnam; |