État plurinational de Bolivie

Bolivie

Estado Plurinacional de Bolivia

Capitale: Sucre
Population: 10, 1 millions (est. 2011)
Langue officielle: castillan (de jure)
Groupe majoritaire: castillan ou espagnol (43 %)
Groupes minoritaires: officiellement 36 langues amérindiennes, dont le quechua (36,4 %), l’aymara (22,5 %), le guarani (0,2 %) et le chiquito (0,2 %), etc.
Système politique: république unitaire formée de neuf départements
Articles constitutionnels (langue): art. 5, 14, 30, 78, 95, 104, 107, 120, 234 et 289 de la Constitution de 2009
Lois linguistiques:
Code de l'éducation bolivienne (1955) ; Décret suprême no 8483 du 18 septembre (1968) abrogé ; Décret suprême 23036 du 20 janvier 1992 ; Loi no 1565 du 7 juillet 1994 sur la réforme en éducation ; Décret suprême no 23858 du 9 septembre 1994 ; Code de la famille (1972) ; Loi sur les droits d'auteur (1992) ; Code du commerce (1977) ; Décret suprême no 25894 du 11 septembre (2000) abrogé ; Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) ; Loi sur le régime électoral (2010) ; Loi sur l'organisation électorale plurinationale (2010) ; Loi contre le racisme et toute forme de discrimination (2010) ; Loi sur les droits de la Mère-Terre (2010) ; Loi sur l'éducation (2010) ; Code civil (1975) ; Code de procédure civile (1975) ; Code de procédure pénale (1999) ; Loi sur le Bureau du procureur général de l'État (2010) ; Loi sur l'exécution et l'inspection pénale (2001) ; Décret suprême no 29664 (2008) ; Loi sur le Tribunal constitutionnel plurinational (2010) ; Loi sur l'organisation judiciaire (2010) ; Loi no 73 sur les juridictions distinctes concernant la justice ordinaire et la justice indigène (2010) ; Loi-cadre sur les autonomies et la décentralisation (2010) ; Loi générale des droits et des politiques linguistiques (2012).

1 Situation générale

La république de Bolivie, devenue depuis 2009 l'État plurinational de Bolivie (Estado Plurinacional de Bolivia), est un pays d'environ un million de kilomètres carrés (deux fois l'Espagne ou la France, mais 36 fois la Belgique) situé au centre de l'Amérique du Sud. La Bolivie est bordée au nord et à l'est par le Brésil, au sud-est par le Paraguay, au sud par l'Argentine et à l'ouest par le Chili et le Pérou (voir la carte). Avec le Paraguay, c’est le seul pays sud-américain dépourvu d'accès à la mer et c'est également le pays le plus isolé géographiquement du continent. 

La capitale constitutionnelle et le siège des activités commerciales et industrielles du pays est Sucre, tandis que la capitale administrative, culturelle et le siège du gouvernement est La Paz. Les deux constituent les villes principales de la Bolivie. Les autres villes importantes sont Santa Cruz, Cochabamba, Oruro et Potosí. 

1.1 Les divisions administratives
 

La Bolivie est constituée de deux grands ensembles géographiques: à l’ouest, la cordillère des Andes (20 % du territoire national), à l’est les plaines de l'Oriente. La principale caractéristique physique de la Bolivie est donc la présence de la chaîne des Andes, qui s'étend du nord au sud à travers la partie occidentale du pays.

La Bolivie peut également se diviser en trois régions distinctes: l'Altiplano (zona altiplánica 1), région peuplée (70 % de la population) des hauts plateaux du Sud-Ouest se situant entre la Cordillère et le Chili; une partie centrale (2 a et b) comprenant la Cordillère occidentale et la Cordillère orientale (b), appelée zona de los valles (a) et zona de yungas (b); au nord et à l'est les plaines du Chaco (3), qui s'étendent jusqu'au Paraguay, ce qui comprend les llanos orientales (a) et les tierras bajas ou terres basses du Sud (b).

Au point de vue administratif, le pays est divisée en neuf départements administrés par des préfets (nommés par le chef de l'État). Ces départements sont Santa Cruz, Beni, Tarija, Potosí, La Paz, Chuquisaca, Pando, Cochabamba et Oruro. De plus, chacun des départements est lui-même divisé en provinces, celles-ci étant administrées par des sous-préfets (également nommés par le président de la République). Mentionnons aussi que les les capitales des départements jouent le rôle de moteurs économiques du pays: Cochabamba (dans le Cochabamba), Tarija (dans le Tarija), Oruro (dans l'Oruro), Potosi (dans le Potosi), Cobija (dans le Pando) et Trinidad (dans le Beni).

1.2 Les autonomies administratives

La Constitution de 2009 prévoit la décentralisation de l'État bolivien en quatre niveaux: les départements ("departamentos"), les régions ou provinces ("regiones" ou "provincias"), les municipalités ("municipios") et les communautés indigènes d'origine paysanne (" territorios indígena originarios campesinos"):

- autonomie départementale: autonomía departamental
- autonomie régionale: autonomía regional
- autonomie municipale: autonomía municipal
- autonomie indigène d'origine paysanne: autonomía indígena originaria campesina

La Constitution de 2009 présente ainsi les types d'autonomie:
 

Article 269

I. La Bolivie est divisée territorialement en départements, en provinces, en municipalités et en territoires indigènes d'origine paysanne.

II. La création, la modification et la délimitation des unités territoriales doit se faire par la volonté démocratique de ses habitants, selon les conditions énoncées dans la Constitution et la loi.

III. Les régions font partie de l'organisation territoriale, selon les conditions et les modalités fixées par la loi.

Article 272

L'autonomie implique l'élection directe des autorités par les citoyens et les citoyennes, l'administration des ressources financières et l'exercice des pouvoirs de législation, de réglementation, de contrôle et d'exécution, au moyen d'organismes d'administration autonome dans le cadre de sa juridiction, de ses compétences et de ses attributions.

Cette autonomie implique donc l'élection directe des autorités par les citoyens et le droit de ceux-ci de gérer leurs ressources naturelles et leurs ressources financières. Toutes les formes d’autonomie et de décentralisation sont accompagnées de pouvoirs législatifs ou réglementaires, ainsi qu'à des processus de contrôle et de gestion de la part des entités publiques compétentes au niveau national. Dans le cas des territoires indigènes qui dépassent les frontières municipales et départementales, l’autonomie indigène garantit l’unité de gestion territoriale et intervient au moyen des associations de municipalités ("mancomunidades"), sans affecter les limites départementales et municipales. La Bolivie demeure l'un des plus les plus pauvres de toute l'Amérique du Sud.

2 Données démolinguistiques

La population bolivienne est majoritairement d’origine indigène avec 69 % de la population totale. On compte ensuite 22,5 % de Métis ou Mestizos (ou parfois Cholos) et environ 5 % de Blancs, principalement d'origine espagnole, voire portugaise, mais il y a aussi des individus d'origine allemande, autrichienne, grecque, américaine, britannique ou irlandaise, italienne, russe, etc. En Bolivie, les termes «Blanc» et «Cholo» réfèrent à de nombreuses significations et toutes sortes d'implications sociales. Ainsi, «Blanc» désigne davantage un statut socio-économique que la couleur réelle de la peau; «Cholo» n'est plus l'équivalent de «Métis», car il désigne maintenant des Métis bilingues (d'origines indigène et blanche ou «pure indigène») qui ont avancé dans l'échelle socio-économique. On compte donc parmi ces «Blancs» des Asiatiques, généralement des Japonais et des Chinois. Il existe aussi une petite communauté d'Afro-Boliviens (1,1 %), des descendants des esclaves africains, qui parlent tous l'espagnol.

Tous les Boliviens métis, d'origine espagnole de l'époque coloniale ou d'origine latino-américaine (Pérou, Argentine, Chili, Colombie, etc.) parlent l'espagnol (souvent appelé castillan) comme langue maternelle. Les autres parlent le portugais, l'allemand ou le Plautdietsch, le japonais ou le chinois mandarin, l'anglais, l'italien, le russe ou le grec.

2.1 Les indigènes

Les indigènes sont majoritaires en Bolivie. Ils représentent 69 % de la population. Parmi ceux-ci, 30 % sont des Quechuas et 25 % des Aymaras. Les autres groupes indigènes sont des Chiquitano, des Guaranis, des Arawaks, des Ignaciano, des Chimané, des Movima, des Trinitario, des Itonama, des Tanaca, etc. Le tableau qui suit ne présente que les communautés comptant plus de 2000 membres.

Ethnie Langue Affiliation Nombre Pourcentage
Boliviens métis espagnol langue romane 4 281 000 42,3 %
Quechua quechua famille quechua 2 748 000 27,2 %
Aymara aymara famille aymara 2 269 000 22,4 %
Allemands allemand langue germanique    206 000 2,0 %
Chiquitano chiquitano famille macro-ge    171 000 1,7 %
Guarani guarani famille tupi-guarani    116 900 1,1 %
Afro-Boliviens espagnol langue romane    115 000 1,1 %
Mennonites Plautdietsch langue germanique      31 000 0,3 %
Japonais japonais famille japonaise     20 000 0,1 %
Ignaciano ignaciano famille arawak     18 000 0,1 %
Branco (Blancs portugais) portugais langue romane       9 600 0,0 %
Guarayu guarayu famille tupi-guarani       8 800 0,0 %
Chimané tsimané isolat linguistique       8 100 0,0 %
Movima movima isolat linguistique       7 900 0,0 %
Trinitario trinitario famille arawak       6 900 0,0 %
Itonama itonama isolat linguistique       6 500 0,0 %
Chinois mandarin famille sino-tibétaine       6 300 0,0 %
Tacana tacana famille pano-tacana       6 100 0,0 %
Reyesano reyesano famille pano-tacana       5 000 0,0 %
Yuracare yuracare isolat linguistique       4 000 0,0 %
Grecs grec langue grecque       3 300 0,0 %
Américains anglais langue germanique       2 900 0,0 %
Mataco (Wichí Lhamtés Nocten) mataco famille mataco-gaicuru       2 500 0,0 %
Chipaya chipaya famille uru-chipaya       2 200 0,0 %
Cavineña cavineña famille pano-tacana       2 100 0,0 %
Autres peuples - -       9 490 0,0 %
Non classés - -      22 000 0,2 %
Total - - 10 100 000

100 %

La Bolivie est un pays multilingue avec une bonne quarantaine de langues, presque toutes amérindiennes. Quelque 43 % des Boliviens parlent l’espagnol comme langue maternelle. Presque toutes les autres langues appartiennent aux langues amérindiennes, mais la plupart, sauf quelques-unes, ne comptent que fort peu de locuteurs.
 

La majorité des langues amérindiennes sont parlées dans le Nord et l'Ouest, c'est-à-dire les plaines du Chaco ainsi que les llanos orientales (3a) et les tierras bajas ou terres basses du Sud (3b). L'espagnol est surtout parlé dans l'Altiplano (voir la carte des grands régions ci-haut en 1).

On ne compte que quatre langues indigènes importantes, si l’on prend comme critère celles parlées par 100 000 locuteurs ou plus: le quechua (27,2 %), l’aymara (22,4 %), le chiquitano (1,7 %) et le guarani (1,1 %). Le quechua appartient à la famille quechua, l’aymara à la famille aymara, le guarani à la famille tupi-guarani, le chiquitano à la famille macro-ge.

Il existe d'autres langues beaucoup moins importantes: iganciano, guarayu, tsimané, moviam, trinitario, itonama, tacana, reyesano, yuracare, etc.

Quelques autres langues sont parlées par quelques centaines de locuteurs, voire quelques dizaines; la majorité des langues autochtones de la Bolivie est en voie d’extinction. Il n’est pas rare de dénombrer quelques de locuteurs seulement pour certaines langues.

La nouvelle Constitution de janvier 2009 reconnaît les 36 langues suivantes en plus du castillan, sur une base régionale: l'aymara, l'araona, le baure, le bésiro, le canichana, le cavineño, le cayubaba, le chácobo, le chimán, l'ese ejja, le guaraní, le guarasúwe, le guarayu, l'itonama, le leco, le machajuyai-kallawaya, le machineri, le maropa, le mojeño-trinitario, le mojeño-ignaciano, le moré, le mosetén, le movima, le pacawara, le puquina, le quechua, le sirionó, le tacana, le tapiete, le toromona, l'uru-chipaya, le weenhayek, le yaminawa, le yuki, le yuracaré et le zamuco.

2.2 Les mennonites

Mentionnons le cas particulier des 31 000 mennonites germanophones. Ce sont des colons mennonites arrivés depuis quelques décennies dans le pays. Ils parlent une langue héritée de l'allemand bas-saxon: le Plautdietsch (Plattdeutsch en allemand) fortement teinté d'influences néerlandaises et flamandes. 

3 Données historiques

Dès le VIIe siècle avant notre ère, la région du lac Titicaca était peuplée d'Amérindiens, notamment les Aymaras, les Chiquitos et les Quechuas. À partir du XIIIe siècle, la région fut incorporée à l'empire des Incas. Ces premières civilisations furent le foyer d'ères culturelles prédominantes. Cependant, elles n’ont pas laissé de traces écrites racontant leurs coutumes et leur histoire.

3.1 La colonisation espagnole

Le Haut-Pérou, qui correspondait au territoire de la Bolivie actuelle, fut conquis en 1538 par le conquistador espagnol Francisco Pizarro (1475-1541). La région fut rattachée à la vice-royauté du Pérou (1543-1776), puis plus tard, en 1776, à la vice-royauté du Río de la Plata (Buenos Aires en Argentine).

Avec l'arrivée des colons espagnols, plusieurs villes furent fondées, dont Chuquisaca (aujourd'hui Sucre), Potosí, La Paz et Cochabamba. De nombreuses mines d'argent furent exploitées par les Espagnols qui firent du territoire l’un des centres les plus prospères et les plus peuplés de leurs colonies. Les populations locales furent soumises à la christianisation et à la castillanisation, sans trop de succès dans ce dernier cas.

Quoi qu’il en soit, les Espagnols ont non seulement exploité les indigènes, mais ils les ont spoliés et ont supprimé tous leurs droits humains, les réduisant à l'état d'esclaves dans les haciendas. Le département de Potosi demeure un exemple parfait du triste sort réservé aux populations autochtones colonisées. Des millions d’indigènes majoritairement issus de Bolivie et du Pérou furent déportés vers le plus grand gisement d’argent jamais découvert. Six millions d’Indios y périrent de froid et d’épuisement. Les langues indigènes furent interdites dans toutes les manifestations officielles de l'État espagnol, mais malgré tout les autochtones résistèrent à la tentative d'assimilation (castillanisation).  

Simón Bolívar Plus tôt que la plupart des autres colonies, la Bolivie se rebella contre l’Espagne. Les révoltes se multiplièrent, puis le général Antonio José de Sucre (ayant servi sous les ordres de Miranda, puis de Bolivar), qui remporta plusieurs victoires contre les Espagnols, libéra l’Équateur, le Pérou et la Bolivie. Celle-ci obtint son indépendance le 6 août 1825. 

Le 11 août suivant, le pays prit le nom de Bolivie, en l’honneur du Libertador Simón José Antonio Bolívar (1783-1830) qui avait pris à l’origine la tête de la révolte et qui rédigea lui-même la première Constitution bolivienne. Quant à Antonio José Sucre, il a donné son nom à la capitale (Sucre prononcé [soukré]).

3.2  De l'indépendance (1825) au début du XXe siècle

Antonio José de Sucre fut élu «président à vie» de la Bolivie, mais il démissionna deux ans plus tard, puis fut expulsé du pays. La Bolivie subit ensuite plusieurs décennies de luttes entre diverses factions, alors que les révolutions alternèrent avec les dictatures militaires. De plus, la Bolivie dut faire face à des conflits avec les pays frontaliers, soit le Chili, le Paraguay et le Brésil.

Ayant échoué dans sa tentative de réunir le Bolivie et le Pérou en 1839, les coups d’État se succédèrent les uns aux autres jusqu’à ce que le Chili s'empare du port bolivien d'Antofagasta: ce fut le début de la guerre du Pacifique (1879-1883). La Bolivie et son allié, le Pérou, furent vaincus par le Chili. Le territoire bolivien perdit ensuite ses possessions sur la côte du Pacifique, ce qui élimina tout accès à la mer. En 1884, la Bolivie fut privée de la province d'Atacama, qui revint au Chili; ensuite ce fut la région d'Acre qui, en 1903, fut cédée au Brésil. Mais ce n'était pas terminé: en 1935, la guerre du Chaco (1933-1935) fut conclue par la cession d'une partie du Chaco bolivien au Paraguay. Bref, un siècle après la proclamation de son indépendance, la Bolivie avait perdu la moitié de son territoire.

Au cours de cette période troublée, les gouvernements se succédèrent au rythme des coups d'État, des guerres civiles et des révolutions (1930, 1931, 1934, 1939), pendant que les régimes militaires faisaient la pluie et le beau temps.  Quant aux populations autochtones, elles furent considérées comme «inférieures» et plus ou moins dépouillées de tous leurs droits civils, politiques, sociaux et linguistiques. Les différents gouvernements boliviens ont même tout fait pour liquider les langues indigènes. Tout usage de signes identitaires indigènes fut formellement interdit, tandis que les autochtones étaient toujours privés de leurs terres. Même les penseurs les plus «libéraux» ne concevaient pas la possibilité de l'intégration par un autre moyen que par la reconnaissance d'une seule et même langue nationale officielle, l'espagnol. La Bolivie a été admise aux Nations unies le 14 novembre 1945.

3.3 De 1950 à 2005

À partir de 1952, la Bolivie vécut l'une des révolutions sociales les plus profondes du continent lorsqu'une partie des populations autochtones se souleva contre le régime.  Un gouvernement révolutionnaire présidé par Paz Estenssoro (1952-1964) voulut instaurer d’importantes réformes économiques et sociales, dont les principales caractéristiques étaient la nationalisation des compagnies minières et la redistribution des terres. Finalement, Estenssoro fut renversé par un coup d'État en novembre 1964 à la suite d'une insurrection de mineurs. La junte militaire qui avait renversé Estenssoro fut aussi remise en cause par un autre mouvement révolutionnaire dont le chef le plus populaire, Ernesto «Che» Guevara, fut tué en 1967 lors d’un combat de guérilla. En août 1971, le colonel Hugo Banzer Suárez prit le pouvoir tout en s'appuyant sur l'armée.

Les coups d'État se succédèrent les uns aux autres, à tel point qu'il s'en produisit près de 200 en cinquante ans. Entre 1950 et 1970, plus de 2400 officiers militaires boliviens ont reçu une formation à l'école de l'armée américaine située dans la zone du Canal de Panama. Les différents régimes militaires surent mal gérer la situation financière du pays qui resta aux prises avec d'énormes dettes et une hyper-inflation.

En 1989, Jaime Paz Zamora devint président de la Bolivie. Le décret no 23036 du 20 janvier 1992 reconnut le droit de recevoir une éducation bilingue dans les régions où l'on parle le quechua, l'aymara et le guarani. L'élection présidentielle de 1993 fut remportée par un entrepreneur minier, Gonzalo Sánchez de Lozada, qui supervisa l'introduction de mesures sévères de réforme économique. Celles-ci inclurent la privatisation de nombreuses entreprises ainsi que des réformes dans le secteur de l'enseignement.

Au cours de cette période, un autochtone aymara, Victor-Hugo Cardenas, fut vice-président de la République de juin 1993 à août 1997. Dès 1993, la Bolivie rédigea des lois permettant la reconnaissance des droits des autochtones. En 1994, la Constitution proclama que les peuples autochtones avaient des droits sociaux, culturels, économiques et linguistiques, et ce, même si les affaires du pays se sont toujours déroulées en espagnol. L’article premier de la nouvelle Constitution définit maintenant le pays comme «une République libre, indépendante, souveraine, multi-ethnique et multiculturelle». L’article 171 énonce que «les droits sociaux, économiques, et culturels des populations indigènes sont reconnus et protégés, spécialement ceux concernant les terres communautaires d'origine, en garantissant l'usage et l'exploitation durable de leurs ressources naturelles, leur identité, leurs valeurs, langues, coutumes et institutions». Depuis la législation sur la réforme de l'éducation en 1994, les autochtones bénéficient enfin d'écoles où ils reçoivent une instruction primaire à la fois en langue amérindienne et en espagnol.  

Les différentes ethnies sont aujourd’hui représentées sur les listes électorales des 10 partis politiques qui se partagent les sièges du Parlement. De plus, de nouvelles lois boliviennes reconnaissent les communautés autochtones et les unions paysannes comme des entités juridiques, de même que l’autorité de leurs représentants dans l’administration et l’application de leurs propres normes pour résoudre des conflits. Par ailleurs, la législation autorise les peuples autochtones à recevoir leur instruction dans leur langue maternelle et des mesures administratives ont permis aux communautés indigènes de conserver leurs modes de vie traditionnels.

Après une histoire remplie d’horreurs et une suite ininterrompue de dictatures, il semble que la Bolivie s’achemine maintenant vers la démocratie, mais au cours de cette période de transition l’infrastructure nécessaire à son application n’apparaît pas encore tout à fait au point. Les peuples amérindiens qui habitent la Bolivie ruent dans les brancards depuis 1992, notamment lors de grandes manifestations dénonçant la commémoration du 500e anniversaire de la découverte de Christophe Colomb (1492).  Les protestations ont pris de l'ampleur dans les années 2000 lors des luttes des mouvements sociaux et autochtones contre les politiques de privatisation des richesses naturelles.

Même si la Bolivie s'est dotée, en août 2001, d'un président «indigéniste» en la personne de Jorge Quiroga Ramírez (qui ignorait le quechua et l'aymara, mais connaissait l'anglais), les défenseurs des droits de l'homme se fait harceler et emprisonner dans le pays. De plus, selon un rapport de l’ONU, de nombreux autochtones furent «victimes de pratiques esclavagistes, allant de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants au travail servile, voire même au servage». 

En août 2002, Gonzalo Sánchez de Lozada devenait le nouveau président... jusqu'en octobre 2003, alors que les protestations de la majorité autochtone ont littéralement explosé, mais les réformes du gouvernement parurent trop timides. Carlos Diego Mesa Gisbert devint président de la Bolivie, ce qui n'a pas empêché deux partis politiques de prendre de l'expansion: le Movimiento al Socialismo («Mouvement vers le socialisme» ou MIP) et le Movimiento Indígena Popular («Mouvement indigène populaire» ou MAS). Le MIP, fondé en 2000, prônait la création d'un État pour les Aymaras.  En 2004, les principales organisations amérindiennes et paysannes du pays créèrent un «Pacte de l'unité» (Pacto de Unidad) afin de faire front commun. Puis elles exigèrent la tenue d'une assemblée constituante afin de récrire la Constitution de 1967. Une nouvelle crise politique aboutit à la démission du président Mesa. Le Congrès trouva un successeur acceptable, et l'armée n'est pas intervenue et les institutions ont tenu le coup. 

3.4 L'État plurinational d'Evo Morales

En décembre 2005, Evo Morales, un Amérindien aymara, chef du MAS ("Movimiento al Socialismo": «Mouvement vers le socialisme»), a été élu à la présidence de la Bolivie, une première dans un pays où près de 70 % de la population est indigène. C'était aussi un tournant vers la gauche, une véritable rupture politique qui s'est dessinée pour la Bolivie, au grand dam des 20 % de Boliviens qui se partageaient la moitié du revenu national, regroupés au cœur de La Paz et dans les provinces de l’Est. Evo Morales avait pour objectif de mettre fin à «l’État colonial» et aux privilèges des firmes multinationales; il s'opposait à l’impérialisme américain et se voulait le porte-parole des populations défavorisées (c’est-à-dire non blanches). À cet égard, il se rangeait aux côtés du Métis Hugo Chávez, président du Venezuela. Le nouveau président voulait aussi nationaliser les hydrocarbures et renégocier tous les contrats des entreprises étrangères dans un délais de 180 jours: l'État devait être propriétaire de toutes les ressources naturelles, y compris à la bouche du puits, et en contrôler la production et la commercialisation.

Le gouvernement bolivien d'Evo Morales a préparé une nouvelle constitution, qui accorde des droits aux indigènes et fait du quechua et de l'aymara, en plus d'autres langues, des langues officielles en Bolivie, à côté de l'espagnol (castillan). La nouvelle Constitution a été présentée aux électeurs et fut approuvée le 15 janvier 2009 à l'occasion d'un référendum. En fait, la Constitution de 2009 pose les bases de la reconstruction démocratique et sociale du pays, en reconnaissant les nations autochtones (ou indigènes), l'autonomie départementale, le contrôle sur les ressources naturelles, le renouvellement des institutions de l’État au sein d'un pluralisme juridique, politique, culturel et linguistique.

En même temps, le mouvement autochtone réclamait la mise en place d’un «État plurinational» ("Estado Plurinacional") reconnaissant le droit à l’autodétermination de tous les peuples autochtones et des descendants d'Africains à l’intérieur du territoire bolivien. Le Pacto de Unidad, ou Pacte de l'unité, une coalition des principales organisations autochtones et paysannes, présentait sa politique visant à transformer radicalement l’État-nation bolivien. L’octroi du statut de «nation» aux peuples autochtones était réclamé pour permettre la restitution des territoires ancestraux, l’autogouvernance sur ces territoires, et le pluralisme juridique, politique, culturel et linguistique. Le Pacte de l'unité est formé des organisations suivantes:

Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qullasuyu (CONAMAQ), la Confederación de Pueblos Indígenas de Bolivia (CIDOB), la Confederación Sindical de Colonizadores de Bolivia (CSCB), la Confederación Sindical Única de Trabajadores Campesinos de Bolivia (CSUTCB), la Federación Nacional de Mujeres Campesinas, Indígenas Originarias Bartolinas Sisa (FNMCIOB “BS”), el Movimiento Cultural Afrodescendiente, la Asociación
Nacional de Regantes y Sistemas Comunitarios de Agua Potable (ANARESCAPYS), la Coordinadora de Pueblos
Étnicos de Santa Cruz (CPESC).

Le Pacto de Unidad demandait que 35 langues soient reconnues comme langues officielles de l’État bolivien, soit 34 langues indigènes en plus de l’espagnol, et que l’État protège et favorise le développement de ces langues dans les régions et territoires où elles sont parlées par la majorité. L'une des revendications importantes concernait le «pluralisme juridique»: il s’agissait de reconnaître différents systèmes de justice «communautaire indigène» dont le statut devait être égal à celui de la justice «ordinaire». Il fallait harmoniser les champs de juridiction et des mécanismes de coordination entre ces deux types de justice, mais pour les autochtones il était nécessaire de mettre fin aux siècles de discrimination en matière d’accès à la justice et de traitement égal devant la loi. Pour rendre accessible à tous l'État bolivien plurinational, les fonctionnaires devraient en principe apprendre l'aymara, le quechua ou le guarani.

Cette nouvelle ouverture aux peuples indigènes ne pouvait que heurter l'élite traditionnelle qui croyait depuis l'indépendance qu'il fallait assimiler la population autochtone à la société dominante des Métis au moyen de son intégration dans des organisations de type syndical et par l’octroi de droits politiques modernes. Pour les autochtones, le nouveau discours d’autonomie culturelle et politique ne pouvait qu'impliquer un partage du pouvoir et de nouvelles règles du jeu. Pour Washington, Evo Morales a rejoint le clan des dirigeants sud-américains hostiles à son endroit, tels le Vénézuélien Hugo Chavez et l'Équatorien Rafaël Correa, sans parler du Cubain Fidel Castro. Pour beaucoup de Boliviens, Morales est un champion de la cause autochtone et sa popularité ne se dément pas (avec 65 % d'opinions favorables, selon les sondages), mais l'opposition à son endroit demeure vive dans la région de Media Luna, qui comprend les départements de Santa Cruz, de Tarija, de Beni et de Pando, là où se trouvent les principales ressources naturelles du pays. En fait, le président Morales s'est mis à dos les «Q'aras», l'élite blanche longtemps au pouvoir. Fait à signaler, le président Morales ne parle ni l'aymara de sa région d'origine, ni le quechua de sa région d'adoption.

Enfin, compte tenu que la Bolivie est située sur la planète Terre, les droit énumérés et reconnus chez les indigènes peuvent se heurter à des difficultés d'application, notamment au sujet des grandes compagnies pétrolières qui ont obtenu de nouvelles concessions sur les terres ancestrales de l'Est bolivien. En mai 2006, la «nationalisation» promise des hydrocarbures s'est finalement traduite par une renégociation des contrats avec les entreprises pétrolières étrangères. Selon la législation bolivienne, les grandes compagnies transnationales ont le droit d'exploiter les ressources dans la mesure où celles-ci font partie d'accords ponctuels avec les indigènes. Or, il est relativement facile pour ces firmes de manipuler les indigènes, ce qui a pour effet d'annuler les droits ancestraux inscrits dans la Constitution. De plus, la législation ne prévoit aucun mécanisme permettant aux citoyens de recourir devant des organismes indépendants s'ils sont spoliés de leurs droits. Par ailleurs, les autonomies prévues ne sont pas dotées de ressources financières adéquates, avec le résultat qu'elles peuvent être facilement réduites à l'impuissance. En février 2007, Evo Morales a renvoyé son ministre de l'Éducation (Félix Patzi), qui soutenait une réforme de l'éducation en mettant l'accent sur les langues indigènes au détriment de l'espagnol. C'était là une façon pour le président Morales de prendre ses distances avec le mouvement indigéniste radical. C'est pourquoi, malgré de grandes avancées, beaucoup d'indigènes sont déçus. Cependant, en 2012, le président Morales a promulgué la Loi des droits et des politiques linguistiques (Ley de Derechos y Políticas Lingüísticas), qui reconnaît officiellement toutes les langues employées sur le territoire national, un total de 36, et le droit des communautés indigènes de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle.

Néanmoins, la Bolivie demeure un pays déchiré. L'élection d'Evo Morales aurait accru les tensions entre la majorité indienne pauvre et la minorité blanche riche. Les autonomies régionales auraient accentué les divergences entre la région de l'Est appelée la «Demi-Lune» (région "Media-Lune"), c'est-à-dire la région métisse et blanche formée des départements amazoniens du Beni, du Pando, de Santa Cruz et du Tarija, et la région de l'Ouest, la Bolivie andine, aymara et quechua. Tandis que les pauvres n'ont pas davantage de pain, les riches n'ont plus la paix et empêcheraient Evo Morales de gouverner. Depuis des décennies, les communautés indigènes demandent la démarcation de leurs territoires, mais les titres de propriété ne sont que partiellement attribués, et 80 % des terres sont restées aux mains des héritiers des grands propriétaires. Des hommes armés au service des propriétaires terriens rendent le travail parfois impossible aux fonctionnaires du gouvernement. Néanmoins, la majorité des communautés disposent d’un titre de propriété collectif sur leurs terres, bien que la bataille ne soit pas gagnée pour autant. La Bolivie demeure toujours aux bords de l'éclatement; les menaces séparatistes des provinces riches sont toujours présentes. Il semble bien difficile de concilier les intérêts des «Cruceños» (habitants de Santa Cruz) et ceux des indigènes.

4 Le statut des langues

La politique linguistique de la Bolivie s’apparentait jusqu'à récemment à celle de beaucoup de pays latino-américains. C'étaient à la fois la non-intervention à l’égard de la toute-puissante langue espagnole et l’éducation bilingue et interculturelle pour les autochtones ou indigènes. Mais la situation a beaucoup changé depuis l'élection du président Evo Morales en décembre 2005. En effet, la Bolivie a élaboré une politique indigéniste très ambitieuse, dont des droits linguistiques étendus.

4.1  Les dispositions constitutionnelles de 1994

La Constitution de 1994 ne précisait même pas quelle était la langue officielle de l'État. Beaucoup ont toujours cru que la Bolivie avait trois langues officielles: l'espagnol, le quechua et l'aymara. Ce n'était guère le cas, du moins juridiquement, car aucune langue n'était déclarée de jure officielle, pas même l'espagnol. Dans les faits, l'espagnol demeurait la langue officielle de facto pour l'État bolivien. La Constitution de 1994 utilisait uniquement le terme «castellano» («castillan»), mais les textes de loi avaient recours également au terme «español» («espagnol») pour désigner la langue de l'État.

Seuls trois articles de la Constitution portaient sur la question linguistique: il s'agit des articles 6, 116 et 171, mais ils ne référaient à aucun statut pour quelque langue que ce soit. L'article 6 de la Constitution de 1994 se contentait de proclamer le principe de la non-discrimination, notamment en matière linguistique:

Artículo 6

1) Todo ser humano tiene personalidad y capacidad jurídica, con arreglo a las leyes. Goza de los derechos, libertades y garantías reconocidos por esta Constitución, sin distinción de raza, sexo, idioma, religión, opinión política o de otra Índole, origen , condición económica o social u otra cualquiera.

2) La dignidad y la libertad de la persona son inviolables. Respetarlas y protegerlas es deber primordial del Estado.

Article 6

1) Tout être humain a la personnalité et la capacité juridiques, conformément aux lois. Il jouit des droits, libertés et garanties reconnus par cette constitution, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique, ou d'autre caractère, origine, condition économique ou sociale, de quelque nature que ce soit.

2) La dignité et la liberté de la personne sont inviolables. L'État a pour devoir primordial de les respecter et de les protéger.

L'article 116 portait sur l'administration de la justice. C'est un article très révélateur dans la mesure où cette disposition constitutionnelle associait les indigènes aux «indigents» ("indigentes"), c'est-à-dire aux pauvres, et aux autres langues que le castillan:  

Artículo 116

1) La gratuidad, publicidad, celeridad y probidad en los juicios son condiciones esenciales de la administración de justicia.

2) El Poder Judicial es responsable de proveer defensa legal gratuita a los indigentes, así como servicios de traducción cuando su lengua materna no sea el castellano.

Article 116

1) La gratuité, le caractère public, la rapidité et la probité dans les jugements sont des conditions essentielles de l'administration de la justice.

2) Le pouvoir judiciaire est responsable de fournir une défense juridique gratuite aux indigents, ainsi que des services de traduction lorsque leur langue maternelle ne sera pas le castillan.

Autrement dit, cette disposition ne donnait droit qu'à des services d'interprétariat aux «indigents» (ne pas confondre avec «indigènes») lorsqu'ils ne parlaient pas le castillan.

Quant à l'article 171 de la Constitution de 1994, il reconnaît les droits des communautés indigènes, notamment en matière de culture et de langue. Il s'agit d'une disposition générale qui n'impliquait aucune obligation concrète de la part de l'État, bien qu'elle puisse être interprétée comme un début d'interventionnisme:

Artículo 171

Se reconocen, respetan y protegen en el marco de la ley, los derechos sociales, económicos y culturales de los pueblos indígenas que habitan el territorio nacional, especialmente los relativos a sus tierras comunitarias de origen, garantizando el uso y aprovechamiento sostenible de los recursos naturales, a su identidad, valores, lenguas, costumbres e instituciones.

Article 171

Sont reconnus, respectés et protégés, dans le cadre de la loi, les droits sociaux, économiques et culturels des peuples indigènes qui habitent le territoire national, en particulier ceux relatifs à leurs terres communautaires d'origine, en garantissant l'utilisation et l'exploitation durable des ressources naturelles, leur identité, leurs valeurs, leurs langues, leurs coutumes et leurs institutions.

Il faut comprendre que la langue de l'État était l'espagnol, ce qui signifiait l'unique langue de la législature, de la justice, de l'Administration, de l'éducation, des médias, etc., mais que quelques ajustements restaient possibles avec les langues indigènes. Il s'agit-là d'une déclaration de principe qui accorde des droits aux locuteurs des langues autochtones. D'après la législation en vigueur, ces droits n'étaient accordés qu'en éducation, et ce, dans le cadre de l'«éducation interculturelle bilingue».

4.2 Les dispositions constitutionnelles de 2009

Le texte initial de la nouvelle Constitution a fait l'objet d'âpres négociations et a donné lieu à de nombreux affrontements au point où le pays a été entraîné au bord de la guerre civile. Au final, le texte a été présenté à la population qui s'est prononcée sur le projet constitutionnel par référendum, le 25 janvier 2009. La nouvelle Constitution a été grandement approuvée dans les montagnes de l'ouest du pays, peuplées très majoritairement d'indigènes, alors que les populations métisses des plaines orientales ont plutôt vote contre. Bref, dans les régions andines, les plus pauvres du pays, le OUI a obtenu la quasi-unanimité, mais le NON a été prépondérant dans les cinq régions autonomistes de droite, comme dans la région de Santa Cruz (où l’on a fêté la victoire du NON qui a réuni plus de 70 % des voix). Dans l'ensemble du pays, la loi fondamentale a été adoptée par plus de 60 % des suffrages, ce qui ne supprime pas le fait que le pays soit presque coupé en deux. Le président bolivien, Evo Morales, a aussitôt proclamé que la Bolivie allait subir de profonds changements : «Grâce à la volonté souveraine du peuple bolivien, grâce à la conscience du peuple bolivien, nous avons construit une nouvelle Bolivie d‘égalité et d’opportunités pour tous!» Quelques semaines auparavant, l’ancien président Jorge Quiroga avait plutôt affirmé : «C'est un morceau de papier qui vaut autant que du papier hygiénique usagé.»

La nouvelle Constitution, on le sait, accorde une place prépondérante aux communautés indigènes, à la justice sociale et au rôle de l’État. Ainsi, elle reconnaît la justice communautaire indigène; elle considère comme une trahison envers la patrie «l’aliénation de ressources naturelles au profit de puissances, entreprises ou personnes étrangères»; elle sépare maintenant l’Église et l’État tout en reconnaissant toutes les religions sans accorder de statut particulier à aucune; elle garantit les autonomies régionales et indigènes; elle interdit l’installation de bases militaires étrangères. Dorénavant, le président de la Bolivie ne pourra avoir que deux mandats et n'aura plus la possibilité de conserver son poste indéfiniment.

De plus, de nouvelles dispositions linguistiques, dont celles de l'article 5 semblent parmi les plus importantes, parce que cet article accorde le statut de langues officielles à un grand nombre de langues:

Article 5

I. Sont des langues officielles de l'État le castillan ainsi que toutes les langues des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne, que sont l'aymara, l'araona, le baure, le bésiro, le canichana, le cavineño, le cayubaba, le chácobo, le chimán, l'ese ejja, le guaraní, le guarasúwe, le guarayu, l'itonama, le leco, le machajuyai-kallawaya, le machineri, le maropa, le mojeño-trinitario, le mojeño-ignaciano, le moré, le mosetén, le movima, le pacawara, le puquina, le quechua, le sirionó, le tacana, le tapiete, le toromona, l'uru-chipaya, le weenhayek, le yaminawa, le yuki, le yuracaré et le zamuco.

Autrement dit, le castillan est la langue officielle ainsi que toutes les langues des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne, lesquelles sont énumérées à cet article 5 de la Constitution.

Par ailleurs, les articles 7, 8 et 9 de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques (Ley General de Derechos y Políticas lingüísticas) de 2012 officialise 36 langues reconnues:

Article 7

Déclaration

Sont déclarées comme patrimoine oral, intangible, historique et culturel de l'État plurinational de Bolivie toutes les langues des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne.

Article 8

Langues officielles

Les langues officielles de l'État, le castillan et toutes les langues des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne sont l'aymara, l'araona, le baure, le bésiro, le canichana, le cavineño, le cayubaba, le chacobo, le chimane, l'ese ejja, le guarani, le guarasu'we, le guarayu, l'Itonama, le leco, le machajuyai-kallawaya, le machineri, le maropa, le mojeño-trinitario, le mojeño-ignaciano, le moré, le mosetén, le movima, le pacawara, le puquina, le quechua, le sirionó, le tacana, le tapiete, le toromona, l'uru-chipaya, le weenhayek, le yaminawa, le yuki, le yuracaré et le zamuco.

Article 9

Langues en voie d'extinction

Les langues officielles en voie d'extinction doivent recevoir une attention prioritaire dans la planification linguistique, l'éducation interculturelle et intraculturelle plurilingue, et dans la publication de divers types de textes de la part de l'État plurinational de Bolivie.

Ces langues ne sont pas officielles partout dans le pays, mais dans la région où elles sont parlés. Cela signifie aussi que les fonctionnaires doivent en tenir compte lorsque l'une de ces langues tombe sous leur juridiction. La reconnaissance officielle repose sur le principe de la territorialité ("Territorialidad") prévue à l'article 3-f de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques.

5 Les langues de l'Administration

Le castillan (espagnol) est la langue officielle de tout l'État bolivien, mais le gouvernement plurinational et les administrations locales doivent aussi utiliser, d'après le paragraphe II de l'article 5 de la Constitution, les langues indigènes particulières, dont les 36 langues énumérées au premier paragraphe de l'article 5:

Article 5

II. Le gouvernement plurinational et les administrations départementales doivent utiliser au moins deux langues officielles. L'une d'elles doit être le castillan et l'autre doit être décidée en prenant en considération l'utilisation, la commodité, les circonstances, les besoins et les préférences de la population dans sa totalité ou dans le territoire en question. Les autres gouvernements autonomes doivent utiliser les langues propres de leur territoire et l'un d'elles doit être le castillan.

Évidemment, il faudra quelque temps pour que ces nouvelles dispositions soient appliquées, ce qui peut prendre encore quelques années. Dans la situation actuelle, seules certaines administrations locales utilisent des langues indigènes lorsque la demande est suffisante, ce qui est le cas pour le quechua et l'aymara. Depuis 2009, les fonctionnaires œuvrant dans les régions indigènes sont tenus de «parler au moins deux langues officielles du pays». Cependant, cette obligation, mentionnée à l'article 234.7 de la Constitution, ne doit s'appliquer que de façon progressive. L'article 19 de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques prévoit que «toute personne a le droit de recevoir de l'écoute dans sa langue, dans toutes les circonstances, dans n'importe quel service du service public et privé, selon le principe de la territorialité»: 

Article 19

Emploi des langues

I. Toute personne a le droit de recevoir de l'écoute dans sa langue, dans toutes les circonstances, dans n'importe quel service du service public et privé, selon le principe de la territorialité.

II. L'État plurinational de Bolivie doit prévoir les ressources institutionnelles, administratives et financières pour la mise en œuvre de la présente loi.

En vertu de l'article 21 de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques, le personnel de l'administration publique et des entités de service public et privé doit tenir compte des langues officielles et, en vertu de l'article 22, recevoir une formation destinée à l'apprentissage et à l'emploi oral et écrit des langues officielles:

Article 21

Personnel de l'Administration publique et des entités privées de service public

Dans le recrutement du personnel, l'administration publique et les entités de service public et privé doivent prendre en compte de la connaissance des langues officielles, selon le principe de la territorialité.

Article 22

Formation du personnel

I. L'administration publique et les entités de service public et privé sont tenues de mettre en œuvre des programmes de formation pour le personnel sous leur juridiction destinés à l'apprentissage et à l'emploi oral et écrit des langues officielles, conformément au principe de territorialité.

II. Le niveau central de l'État, au moyen de ses entités compétentes doivent prévoir des programmes de formation continue concernant les langues officielles des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne pour le personnel de l'administration publique et des entités privées de service public, conformément à la réglementation.

Dans la Loi sur le régime électoral (2010), les commissaires lors d'une élection doivent savoir lire et écrire, en plus de l'espagnol, une autre langue officielle indigène dans les zones dans lesquelles plus de 30 % de la population parle cette autre langue: 

Article 157

En plus de l'obligation de savoir lire et écrire pour deux des trois commissaires dans les zones dans lesquelles plus de 30 % de la population parle une autre langue officielle que l'espagnol, il convient de s'assurer qu'au moins un des commissaires puisse parler cette langue.

Quant à la Loi sur l'organisation électorale plurinationale (2010), elle précise à l'article 14 que, pour accéder à la fonction de membre du Tribunal électoral suprême, il est nécessaire de se conformer aux dispositions des articles 207 et 234 de la Constitution, c'est-à-dire pouvoir parler deux langues officielles, soit l'espagnol et une autre langue (indigène):

Article 14

Exigences

Pour accéder à la fonction de membre du Tribunal électoral suprême et à son accomplissement, il est nécessaire:

1. De se conformer aux dispositions des articles 207 et 234 de la Constitution politique de l'État. L'obligation de parler deux langues officielles, en raison de leur caractère progressif prévu par la dixième disposition transitoire de la Loi fondamentale, s'applique dans les conditions déterminées par la loi régissant la fonction publique;

Article 82

Fonctions

II.
Dans l'exercice de ses fonctions, le Service interculturel de renforcement démocratique (SIFDE) doit garantir l'usage des langues officielles, en tenant compte des besoins et des préférences de la population bénéficiaire.

Il faut bien comprendre que les droits des indigènes boliviens ont toujours été déniés depuis le début de la colonisation espagnole. Il n'est pas possible de transformer radicalement les habitudes langagières de l'État. Cependant, comme la majorité de la population est d'origine indigène, la plupart des fonctionnaires sont eux-mêmes indigènes, surtout dans les zones rurales. La plus grande difficulté ne réside donc pas dans les communications orales, mais dans la disponibilité des documents officiels écrits dans une langue indigène. Il est plus aisé de le faire en quechua et en aymara, mais beaucoup moins dans un grand nombre de petites langues parlées par peu de locuteurs.  

En 2010, le gouvernement a fait adopter la Loi-cadre sur les autonomies et la décentralisation. Cette loi présente l'autonomie dont bénéficient les départements, les municipalités et les communautés indigènes d'origine paysanne, tous accompagnés d’une juridiction territoriale. L'autonomie dont il est question porte sur les principes, les portées, les structures, les compétences et les attributions de chacune des entités. L'emploi de la langue ou des langues officielles fait donc partie des responsabilités imparties à chacune de ces entités.  Toutefois, ce sont les administrations indigènes autonomes qui sont particulièrement chargées de formuler des politiques concernant les «langues ancestrales» (art. 86):

Article 86

IV. Conformément à la compétence exclusive prévue au numéro 10 du paragraphe I de l'article 304 de la Constitution politique de l'État, les gouvernements indigènes autonomes d'origine paysanne détiennent les pouvoirs exclusifs suivants:

1. Formuler et appliquer des politiques de protection, de conservation, de restauration, de sauvegarde et de promotion du patrimoine culturel municipal et de décolonisation, de recherche et des pratiques de leurs cultures et de leurs langues ancestrales, dans le cadre des politiques publiques.

Pour le gouvernement central, les départements et les municipalités, c'est par le biais de la protection du «patrimoine culturel» qu'ils peuvent intervenir dans le domaine des langues.
 

École d'administration publique plurinationale

Par ailleurs, la Constitution politique de l'État plurinational bolivien impliquait une nouvelle façon d'administrer le pays en fonction des intérêts des différents peuples indigènes. C'est pourquoi l'État a institué l'Escuela de Gestión Pública Plurinacional, c'est-à-dire l'École d'administration publique plurinationale, qui a été créée pour soutenir l'amélioration de la gestion de l'État. Cette école offre des cours sur l'administration publique, dont le cours de base obligatoire “La Nueva Gestión Pública” («La nouvelle gestion publique»), afin d'intégrer les fonctionnaires dans la perspective de l'administration publique interculturelle participative. Ce cours a une durée de quatre-vingt-quatre heures et est composé de sept modules, dont deux sont directement liés au thème du multiculturalisme (pluriculturalisme). Deux modules sont destinés à créer des moments de discussion et de réflexion sur les relations interculturelles et sur la nécessité d'intégrer les peuples indigènes d'origine paysanne dans les organisations sociales boliviennes. Au terme de leurs cours obligatoires, les fonctionnaires obtiennent un Diplôme en administration publique interculturelle ("Diplomado en Gestión Pública Intercultural"). Plus de 1000 fonctionnaires ont obtenu ce diplôme.

De plus, afin d'améliorer la communication entre les fonctionnaires et les peuples indigènes, l'État plurinational bolivien a créé un programme d'éducation interculturelle bilingue et incorporé dans celui-ci les langues indigènes reconnues par la Constitution comme langues officielles. À la fin de leur formation linguistique, les gestionnaires de l'administration publique doivent posséder des connaissances minimales pour communiquer dans les langues indigènes. Entre 2006 et 2010, l'École d'administration publique plurinationale a formé plus de 6400 candidats destinés à œuvrer dans les ministères, les administrations municipales et les organismes autonomes décentralisés.

6 La justice et l'emploi des langues

L'espagnol est la langue de l'État bolivien. En matière de justice, c'est donc l'espagnol qui sert dans toutes les communications. D'ailleurs, l'article 402 du Code de procédure civile (1975) énonce bien que «les documents doivent être présentés en espagnol» et que, s'ils sont déposés dans une autre langue, ils doivent être accompagnés de la traduction correspondante en espagnol.

Article 402

Documents en espagnol ou une autre langue

I.
Les documents doivent être présentés en espagnol.

II. Les documents déposés dans une autre langue doivent être accompagnés de la traduction correspondante en espagnol. Si la partie contre laquelle elle s'oppose demande sa traduction officielle, elle doit s'adresser conformément à la loi et à la charge de la partie requérante. Si le juge l'estime nécessaire, il peut ordonner la traduction et les frais seront répartis entre les parties.

Article 420

Nomination d'un interprète


Dans le cas du paragraphe II de l'article précédent, le juge est habilité à désigner d'office un interprète lors de la même audience; s'il n'est pas possible de suspendre immédiatement l'audience pour une durée ne dépassant pas trois jours pour désigner un interprète, les parties sont avisées de la date de la nouvelle audience, qui doit avoir lieu avant la suspension de l'acte d'accusation.

Article 469

Déclaration au moyen d'un interprète


Le témoin qui ignore l'espagnol peut faire sa déclaration dans sa propre langue. Dans ce cas, il devra être procédé conformément aux dispositions de l'article 419 du paragraphe II, et de l'article 420.

L'article 111 du Code de procédure pénale (1999) précise que «dans toute la procédure l'espagnol doit être utilisé comme langue, sous réserve que les déclarations ou les interrogatoires puissent être présentés dans la langue du justiciable»:

Article 111

Langue

Dans toute la procédure, l'espagnol doit être utilisé comme langue, sous réserve que les déclarations ou les interrogatoires puissent être présentés dans la langue du justiciable.

Pour vérifier si le procès-verbal est fidèle, le justiciable a le droit de demander l'intervention d'un traducteur de son choix, qu'il doit signer en signe de conformité.

Article 114

Sentence

Le juge ou le tribunal, après la décision formelle et la lecture de la sentence, doit fournir l'explication de son contenu dans la langue d'origine du lieu où se déroule le procès.

Mais le juge n'est pas tenu de connaître la langue du justiciable, il doit recourir aux services d'un interprète afin de comprendre les propos du citoyen, du témoin ou de l'accusé si ceux-ci s'expriment dans une autre langue que l'espagnol.

La cour est dans l'obligation de juger un justiciable dans sa langue, ce qui est conforme à l'article 120 de la Constitution de 2009:
 

Article 120

II.
Quiconque est poursuivi doit être jugé dans sa langue;  exceptionnellement, sur une base obligatoire, il doit être assisté d'un traducteur ou d'une traductrice, ou d'un interprète.

S'il faut un traducteur, c'est que le juge peut ignorer la langue d'un justiciable, sinon il devrait comprendre les propos de ce dernier sans la présence d'un interprète. En Bolivie, c'est le tribunal qui doit être bilingue, pas le juge ni les avocats. Dans d'autres pays, le tribunal imposerait au juge l'obligation de comprendre les propos du justiciable sans l'intermédiaire d'un interprète. En Bolivie, c'est plus ou moins réaliste, compte tenu du nombre de langues possibles, soit 36.

L'article 24 de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques (2012) prévoit, elle aussi, que le personnel judiciaire doit garantir l'emploi des langues officielles si l'une des parties l'exige, car le justiciable a le droit de se défendre dans sa propre langue avec l'aide d'un traducteur ou d'un interprète, attribué gratuitement, en vertu du principe de territorialité:
 

Article 24

Emploi des langues dans le système de l'administration judiciaire

I. Les fonctionnaires du système judiciaire doivent garantir dans les procès et la procédure l'emploi des langues officielles de l'État, lorsque l'exige l'une des parties.

II. Toute personne qui est impliquée dans une procédure judiciaire a le droit de se défendre dans sa propre langue avec l'aide d'un traducteur ou d'un interprète, attribué gratuitement, en vertu du principe de territorialité, conformément à la réglementation.

III. Les fonctionnaires du système judiciaire doivent connaître l'une des langues des nations et des peuples indigène d'origine paysanne, conformément au principe de la territorialité.

Le recours à l'interprétariat suppose que le personnel judiciaire n'est pas nécessairement bilingue. Pourtant, le paragraphe III du même article précise que le personnel judiciaire doit connaître l'une des langues des nations et des peuples indigène d'origine paysanne. De plus, selon la Loi sur l'organisation judiciaire (2010), tout candidat à un poste de juge dans les tribunaux publics doit «parler obligatoirement la langue qui prédomine dans le lieu ou la région où le candidat postule ou veut exercer ses fonctions»: 

Article 61

Qualifications

I.
Pour accéder au poste de juge dans les tribunaux d'arrêt ou les tribunaux publics, en plus des conditions prévues à l'article 18 de la présente loi, il faut:

1. S'être acquitté avec honnêteté et de façon éthique de fonctions judiciaires ou avoir exercé la profession d'avocat ou d'enseignant universitaire pendant deux ans et plus; et
2. Parler obligatoirement la langue qui prédomine dans le lieu ou la région où le candidat postule ou veut exercer ses fonctions.

Connaître une langue indigène est une chose, surtout s'il s'agit de celle de son ethnie d'appartenance, mais connaître 36 langues, c'est différent. Selon la Loi sur le Tribunal constitutionnel plurinational (2010), lorsqu'une juridiction indigène d'origine paysanne est déclarée compétente, la décision ou la sentence du juge doit être enregistrée en castillan et dans la langue qui correspond à la nation ou au peuple indigène d'origine paysanne:

Article 125

Sentence et effets


Le Tribunal constitutionnel plurinational, dans les 45 jours suivant la réception du conflit de compétences, rend une décision et transmet le processus de juridiction qu'il déclare compétent. Dans les cas où la juridiction indigène d'origine paysanne soit déclarée compétente, la décision doit être enregistrée en castillan et dans la langue ui correspond à la nation ou au peuple indigène d'origine paysanne.

Cet article démontre que le castillan (ou l'espagnol) demeure la langue de référence, même lorsqu'un langue indigène est déclarée «officielle» par la Constitution. Rappelons que la Bolivie reconnaît la «justice indigène» ("justicia indígena") par opposition à la «justice ordinaire) ("justicia ordinaria"). En effet, la Loi no 73 sur les juridictions distinctes concernant la justice ordinaire et la justice indigène (2010) précise les limites des pouvoirs en matière de justice pour les organismes indigènes, et instaure le pluralisme juridique et judiciaire. Ce système correspond à la coexistence au sein d'un même État différents ensembles de règles judiciaires dans le respect de l'égalité. La loi no 73 n'est pas une loi linguistique, mais elle peut avoir des effets sur les langues indigènes.   

7  La législation scolaire bolivienne

La législation scolaire est considérable en Bolivie. Citons, entre autres, le Code de l'éducation bolivienne (1955), le Décret suprême 23036 du 20 janvier 1992, la Loi no 1565 du 7 juillet 1994 sur la réforme en éducation, le Décret suprême no 23858 du 9 septembre 1994 et la Loi sur l'éducation (2010).

7.1 Les langues indigènes comme langue de transition

L'article 115 du Code de l'éducation bolivienne (1955) précisait déjà que l'alphabétisation chez les indigènes devait se faire en utilisant la langue maternelle indigène comme véhicule pour l'apprentissage immédiat de ces langues, puis le castillan comme facteur nécessaire d'intégration linguistique nationale:

Article 115

Le travail d'alphabétisation se fait, dans les zones où prédominent les langues vernaculaires, en utilisant la langue maternelle indigène comme véhicule pour l'apprentissage immédiat de ces langues, et le castillan comme facteur nécessaire d'intégration linguistique nationale. À cet effet ... les alphabets phonétiques doivent adopter la similitude la plus élevée possible avec l'alphabet de la langue castillane.

Il apparaît clairement que l'éducation ne devait pas servir à sauvegarder les langues indigènes, mais plutôt à permettre l'apprentissage du castillan (espagnol) comme facteur nécessaire d'intégration linguistique au sien de la nation. Le Décret suprême 23036 du 20 janvier 1992 ordonnait de mettre en œuvre le programme d'éducation interculturelle bilingue dans toutes les communautés guarani, aymara et quechua en prévoyant son implantation jusqu'au niveau moyen (secondaire):

Article 1er

Il est ordonné de mettre en œuvre le programme d'éducation interculturelle bilingue dans toutes les communautés guarani, aymara et quechua en prévoyant son implantation jusqu'au niveau moyen.

7.2 L'éducation interculturelle bilingue

En 1994, la Bolivie a adopté la Loi no 1565 du 7 juillet 1994 sur la réforme en éducation, laquelle régissait l'éducation bilingue et interculturelle des peuples autochtones amazoniens, notamment les Aymara, les Quechua et les Guarani. L'article 9 de cette loi précisait que la structure de formation du programme scolaire comprenait deux secteurs : l'«éducation formelle», organisée pour toute la population bolivienne, et l'«éducation alternative», pour ceux qui n'ont pu accéder dans leur formation au secteur précédent. Quoi qu'il en soit, les deux secteurs sont régis par quatre modalités par quatre groupes de modalités, dont celles de la langue. L'originalité de ces directives est qu'elles portent sur l'apprentissage d'une langue seconde obligatoire, l'espagnol (castillan) pour les indigènes, une langue nationale (indigène) pour les hispanophones:

Article 9

La structure de formation des programmes comprend deux secteurs : l'éducation formelle, organisée pour toute la population ; et l'éducation alternative, pour s'occuper de ceux qui ne peuvent pas acquérir leur instruction dans le secteur formel. Les deux secteurs sont desservis par  quatre groupes de modalités :

1. Modalités d'apprentissage :

- Régulière, pour les élèves sans difficulté d'apprentissage.
- Spéciale intégrée destinée aux élèves ayant des difficultés spéciales d'apprentissage, au moyen de classes avec une aide psycho-pédagogique dans la modalité régulière.

2. Modalités de langue :

- Unilingue, en castillan avec apprentissage d'une langue d'origine nationale.
- Bilingue, dans une langue d'origine nationale comme première langue, et en castillan comme langue seconde.

3. Modalités d'enseignement :

- Mono-enseignement, avec un seul guide enseignant pour diverses activités d'apprentissage.
- Pluri-enseignement, avec l'aide d'une équipe de guides enseignants.

4. Modalités d'application :

- Sur présence, avec assistance régulière à des cours d'apprentissage.
- À distance, avec l'aide de moyens de communication, d'envoi de documents et d'assistance de moniteurs.

Le secteur formel est organisé à quatre niveaux : préscolaire, primaire, secondaire et supérieur, dont les objectifs atteignent aussi le secteur alternatif en éducation dans leurs trois composantes : éducation des adultes, éducation permanente et éducation spéciale.

Le problème, c'était de concrétiser cette disposition juridique dans les écoles. Or, les enfants indigènes fréquentant une école dans les zones urbaines n'ont appris généralement que l'espagnol, alors que les langues indigènes ne furent pas enseignées aux hispanophones. Les avancées les plus significatives concernent les Quechua, les Aymara et les Guarani. De plus, la Loi no 1565 du 7 juillet 1994 sur la réforme en éducation, promulguée en 1994 après des décennies d'efforts pour surmonter les crises chroniques dans le système d'éducation bolivien, n'a pas donné les résultats escomptés, car la réforme n’a pas touché l'ensemble du système.

Quant au Décret suprême no 23858 du 9 septembre 1994, il institutionnalisait «l'éducation interculturelle bilingue». L'article 1er définissait la notion de «peuple indigène» («Pueblo Indígena») comme une «collectivité humaine» affirmée avant la conquête ou la colonisation, et se trouvant présentement à l'intérieur des frontières actuelles de l'État bolivien; ces peuples possèdent une histoire, une organisation, une langue ou un dialecte et d'autres caractéristiques culturelles par lesquelles s'identifient les membres de la communauté:

Article 1er

Définitions

II. Les organisations territoriales de base sont les suivantes :

a. Peuple Indigène, c'est la collectivité humaine qui descend des populations établies avant la conquête ou la colonisation et qui se trouvent dans les frontières actuelles de l'État ; elle possède une histoire, une organisation, une langue ou un dialecte et d'autres caractéristiques culturelles avec lesquelles s'identifient leurs  ses membres qui se reconnaissent comme appartenant la même unité socioculturelle; elle maintient un lien territorial en fonction de l'administration de son habitat et de ses institutions sociales, économiques, politiques et culturelles.

Dans le cadre de la définition précédente sont considérés comme des organisations territoriales de base à caractère indigène les Tentas, les Capitanias, les Cabildos de l'Oriente, les Ayllus, les communautés indigènes et les autres formes d'organisation existantes dans une section municipale.

La législation relative à l'éducation vise à «promouvoir la pratique des valeurs humaines et des normes morales universellement reconnues» et à «renforcer l'identité nationale, exaltant les valeurs historiques et culturelles de la nation bolivienne dans sa richesse multiculturelle et multirégionale». Le Décret suprême de 1994 est complété par la Loi sur la participation populaire du 20 avril 1994 (Ley de participacion popular) et la Loi sur la décentralisation du 28 juillet 1995 (Ley de descentralizacion). 

En 1997, l'Organisation des États ibéro-américains pour l'éducation a publié un résumé du système éducatif national de la Bolivie. En voici la teneur:

14.3 ÉDUCATION BILINGUE ET ETHNIES INDIGÈNES

La politique de l'éducation bilingue qui est présentement proposée dans les grandes lignes est développée ci-dessous.

L'éducation interculturelle bilingue (EIB) est destinée à tous les étudiants du pays, en particulier aux membres des peuples indigènes, afin de parvenir à un meilleur apprentissage de la langue et un renforcement de leur identité, ce qui permet aux étudiants et aux étudiantes de vivre avec d'autres valeurs et un autre culture, de façon normale, sur un pied d'égalité et dans le respect mutuel.

L'éducation interculturelle bilingue constitue la modalité dominante dans l'enseignement primaire et elle est proposée dans l'enseignement secondaire.

En ce qui a trait à l'éducation interculturelle bilingue, les objectifs généraux sont décrits ainsi:

Objectifs généraux de l'éducation interculturelle bilingue

b) Stimuler la créativité de l'enfant, la culture et le développement du langage oral et écrit, le développement de la pensée et de la compréhension de la lecture au moyen de sa langue maternelle, ainsi que l'appropriation et l'utilisation des connaissances et des savoirs scientifiques et technologiques visant à résoudre les problèmes de la vie quotidienne.

c) Encourager le bilinguisme individuel et social, en garantissant le droit des élèves qui parlent une langue maternelle nationale à la connaissance, à l'emploi et à la jouissance de leur propre langue, en s'assurant que tous les élèves dans les pays possèdent une gestion appropriée et efficace du castillan comme langue de rencontre et de dialogue interculturel et interethnique.

d) Promouvoir la connaissance et la compréhension de la réalité nationale, ainsi que la nature multiethnique, pluriculturelle et multilingue du pays, en vue de la prise de conscience sur la nécessité de construire une unité dans la diversité.

Quant aux compétences que doivent atteindre les enfants du PEIB (Programme d'éducation interculturelle bilingue), ce sont les suivantes:

Par ailleurs, les compétences que doivent atteindre les enfants du PEIB sont les suivantes:

- Manipuler de façon efficace et adéquate la langue maternelle, tant à l'oral qu'à l'écrite, en démontrant l'aisance, la précision, la correction linguistique, la liberté et la sécurité personnelle dans l'expression de leurs idées.

- Prendre conscience du fonctionnement et de la structure de leur langue et de leur potentiel expressif.

- Manipuler adéquatement le castillan, tant à l'oral qu'à l'écrit, en parlant avec confiance, aisance et efficacité.

- Employer la langue maternelle et le castillan comme outils d'apprentissage.

- Pratiquer la solidarité, la camaraderie et la réciprocité dans l'exécution des activités diverses.

7.3 L'éducation intraculturelle, interculturelle et multilingue

Dorénavant, l'éducation interculturelle bilingue fait place à l'éducation intraculturelle, interculturelle et multilingue. On ne parle plus de bilinguisme, mais de multilinguisme. S'ajoute aussi l'éducation intraculturelle, celle qui s'acquiert lors d'échanges d'individus ou d'institutions de la même culture ou plutôt de la même communauté indigène. Cette «nouveauté» pédagogique apparaît dans la Loi sur l'éducation dite "Avelino Siñani - Elizardo Pérez" de 2010, qui décrit ainsi les fondements de l'éducation:

Article 3

Fondements de l'éducation


L'éducation repose sur la société grâce à la pleine participation des Boliviens dans le système d'éducation plurinational en respectant leurs diverses expressions sociales et culturelles dans les différentes formes d'organisation. L'éducation est fondée sur les bases suivantes:

8. Elle est intraculturelle, interculturelle et multilingue dans tout le système d'éducation. Depuis l'amélioration des savoirs, des compétences et des langues des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne, les communautés interculturelles et afro-boliviennes favorisent l'interaction et la coexistence dans l'égalité des chances pour tous grâce à l'évaluation et le respect mutuel entre les cultures.

Cela signifie en principe que l'instruction est intraculturelle, interculturelle et multilingue dans tout le système d'éducation, c'est-à-dire pour tous les élèves, qu'ils soient hispanophones ou indigènes. D'ailleurs, l'article 7 de la Loi sur l'éducation de 2010 précise bien que, dans les populations ou communautés unilingues et majoritairement de langue indigène, la langue maternelle doit être dispensée comme première langue; le castillan, comme langue seconde. Et que, dans les populations ou communautés majoritairement unilingues castillanes, le castillan est dispensé comme langue maternelle; la langue indigène, comme langue seconde:

Article 7

Emploi des langues officielles et d'une langue étrangère


L'instruction doit commencer dans la langue maternelle, et son emploi est une nécessité pédagogique dans tous les aspects de la formation. Par la diversité linguistique existant dans l'État plurinational, les principes suivants sont adoptés pour l'usage obligatoire des langues pour devenir des instruments de communication, de développement et de production des savoirs et des connaissances dans le système d'éducation plurinationale.

1. Dans les populations ou communautés unilingues et majoritairement de langue indigène, la langue maternelle doit être dispensée comme première langue; le castillan, comme langue seconde.

2. Dans les populations ou communautés majoritairement unilingues castillanes, le castillan est dispensé comme langue maternelle; la langue indigène, comme langue seconde.

3. Dans les communautés ou les régions trilingues ou multilingues, le choix de la langue indigène doit être régi par des critères de territorialité et de transterritorialité définis par les conseils communautaires qui doivent choisir laquelle est la première langue; le castillan comme langue seconde.

4. Dans le cas des langues en voie d'extinction, des politiques linguistiques de réhabilitation et de développement seront mises en œuvre avec la participation directe des locuteurs de ces langues.

Cette loi sur l'éducation dite "Avelino Siñani - Elizardo Pérez" veut rendre hommage à deux pionniers en éducation pour les indigènes, Elizardo Pérez et Avelino Siñani, eux-mêmes indigènes, qui se sont engagés, entre 1931 et 1938, dans l'expérimentation de la «Escuela Ayllu de Warisata» (école Ayllu de Warisata). L'origine de l'école Ayllu de Warisata provient de l'exploitation et de la marginalisation toujours plus extrêmes de la population indigène. L'idéologie de Pérez et de Siñani consistait en la création d'un modèle pédagogique national «productif» fondé sur la réalité et dont l'engagement central était «la libération de l'indigène», c'est-à-dire une école active offrant un accès à «l'éducation libératrice». La législation scolaire de 2010  vise à mettre fin à la discrimination des indigènes et à leur exclusion dans les salles de classe, en garantissant que tous puissent recevoir une instruction en relation avec leur diversité culturelle et linguistique.  À l'époque, Elizardo Pérez et Avelino Siñani furent isolés et marginalisés au ministère de l'Éducation, ce qui contribua à la marginalisation de générations d'indigènes.

La caractéristique la plus importante de cette réforme en éducation est le fait qu'elle reconnaisse l'existence de la diversité ethnique au sein du pays. Même la nouvelle Constitution de 2009 fait état de cette diversité «interculturelle» et «polyglotte»:

Article 78

I. L'éducation est unitaire, publique, universelle, démocratique, participative, communautaire, et de décolonisation et de qualité.

II. L'éducation est intraculturelle, interculturelle et polyglotte dans tout le système d'éducation.

III. Le système d'éducation est basé sur une éducation ouverte, humaniste, scientifique, technique et technologique, productive, territoriale, théorique et pratique, libératrice et révolutionnaire, critique et solidaire.

IV. L'État garantit la formation professionnelle et l'enseignement technique humaniste, pour les hommes et les femmes, le tout en rapport avec la vie, le travail et le développement productif.

Mais l'article 12 de la Loi générale des droits et des politiques linguistiques (2012) précise que non seulement les étudiants du pays ont le droit à une instruction intraculturelle, interculturelle et plurilingue (par. I), mais que les unilingues castillans ont le droit et le devoir d'apprendre une autre langue officielle de l'État, celle prédominant dans la région, comme langue seconde (par. II):

Article 12

Droits et obligations des étudiants

I. Les étudiants de tous les sous-systèmes et niveaux d'éducation ont droit à une instruction intraculturelle, interculturelle et plurilingue.

II. L'étudiant unilingue parlant le castillan a le droit et le devoir d'apprendre une autre langue officielle de l'État, celle prédominant dans la région, comme langue seconde.

III. Les étudiants ont le droit de s'identifier en utilisant leur propre langue et leur culture dans les différents domaines liés à l'instruction publique et privée, sans que ce soit un motif de discrimination.

IV. Les élèves du sous-système de l'Enseignement supérieur de formation professionnelle, en vertu du principe de la territorialité, ont le droit d'utiliser les langues orales et écrites des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne dans les processus d'apprentissage et les documents qui valident l'obtention d'un diplôme scolaire.

Cette mesure s'inscrit dans une politique où le bilinguisme n'est pas seulement le fardeau des populations indigènes, mais de tous les Boliviens.

7.4 Les universités indigènes

La Bolivie dispose d'universités indigènes, ce qui constitue un phénomène en soi, car de tels établissements sont inexistants ailleurs en Amérique latine. L'article 95 de la Constitution de 2009 prévoit que les universités doivent mettre en œuvre des programmes pour la récupération, la préservation, le développement, l'apprentissage et la diffusion des différentes langues des nations et peuples indigènes d'origine paysanne :

Article 95

II. Les universités doivent mettre en œuvre des programmes pour la récupération, la préservation, le développement, l'apprentissage et la diffusion des différentes langues des nations et peuples indigènes d'origine paysanne.

L'article 60 de la Loi sur l'éducation traite des «universités indigènes». Rien ne précise que l'enseignement est dispensé dans une langue indigène:

Article 60

Universités indiennes

1) Ce sont des établissements universitaires scientifiques à caractère public et liés à la territorialité et à l'organisation des nations et des peuples indigènes d'origine paysanne de l'État plurinational, qui développent une formation professionnelle et de recherche, en dispensant la science, la technologie et l'innovation tant au premier cycle que dans les cycles supérieurs.

2) Ces universités développent des procédés de récupération, de renforcement, de création et de divertissement dans les connaissances, les savoirs et les langues des nations et des peuples indigène d'origine paysanne, à partir du monde scientifique universitaire, communautaire jusqu'à celui de la production.

Toutefois, le Décret suprême no 29664 (2008) est beaucoup plus précis sur la langue d'enseignement dans les universités indigènes. Appelées UNIBOL, soit officiellement Universidades Indígenas Bolivianas Comunitarias Interculturales Productivas, ce sont trois établissements universitaires fondés en 2009 et destinés aux étudiants des grandes communautés indigènes: une université a été créée pour le peuple aymara à Warisata (nord-ouest), une autre pour le peuple quechua à Chimoré (centre) et une troisième pour le peuple guarani à Kuruyuki (sud-est). L’objectif des trois universités indigènes boliviennes interculturelles et productives est de reconstruire les identités indigènes et de développer des connaissances scientifiques, des savoirs et des technologies en tenant compte de critères communautaires et des principes de complémentarité, de collaboration, de responsabilité individuelle et collective et de respect de l’environnement.

Les indigènes peuvent étudier dans les disciplines suivantes:

UNIBOL Aymara UNIBOL Quechua UNIBOL Guarani

- agronomie de l'Altiplano (hauts plateaux)
- industrie agro-alimentaire
- industrie du textile 
- médecine vétérinaire et zootechnie

- agronomie tropicale
- industrie agro-alimentaire 
- foresterie 
- pisciculture

- hydrocarbures
- foresterie 
- pisciculture
- médecine vétérinaire et zootechnie

Selon l'article 8 du Décret suprême no 29664, la formation universitaire est offerte dans la langue de chaque peuple (aymara, quechua ou guarani), mais l’apprentissage de l’espagnol et d’une langue étrangère est néanmoins prévu. De plus, les soutenances de thèses se font dans la langue de chaque région.

Article 8

Conception et structure des programmes

IV. Les UNIBOL doivent dispenser leurs méthodes d'enseignement pour tous les cours dans les langues aymara, quechua ou guarani, avec en plus un apprentissage de l'espagnol et d'une langue étrangère. Les projets de grade, de thèse ou de toute forme de diplôme correspondant aux grades universitaires qu'accorde cette université sont obligatoirement rédigés et défendus oralement dans la langue indigène de chacune de ces universités.

Dans ces universités, il est possible d’obtenir un diplôme de technicien supérieur, de licence ou de maîtrise.

De plus, un programme conçu par l’université de Santa Cruz (UAGRM: Universidad Mayor y Autónoma “Gabriel René Moreno”) a pour but de former des linguistes issus des différents peuples des Terres-Basses et de s’occuper à la revitalisation des langues indigènes de la région. L'UAGRM a été créée avec les objectifs suivants :