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République française
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2) La politique linguistique
du français
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La France a connu une longue tradition d’interventionnisme linguistique,
mais elle prit des visages différents avant et après la Révolution
française.
En 1533, un humaniste picard du nom de
Charles de Bovelles (1479-1553)
— un disciple de Jacques Lefèvre d'Étaples (1450-1536), l'un des pères de
la Réforme française et l’un des plus grands philologues de la Renaissance
— écrivit un ouvrage sur les «langues vulgaires» parlées en France: De
differentia vulgarium linguarum et Gallici sermonis varietate («Des
différentes langues vulgaires et variétés de discours utilisés dans les
Gaules»). Dans son
ouvrage, l’auteur faisait remarquer: «Il y a actuellement en France autant de
coutumes et de langages humains que de peuples, de régions et de villes.» Il
évoquait notamment les «peuples étrangers» que sont les Burgondes, les
Francs, les Bretons, les Flamands, les Normands, les Basques et les «Germains
cisrhénans». Son inventaire des langues indigènes (les langues d'oïl)
comprenait «les Lorrains, les Bourguignons, les Poitevins, une partie des
Belges comme les habitants d'Amiens et de Péronne, les habitants de
Saint-Quentin, de Laon et les Esses, les Parisiens, ceux du Hainaut». Bref,
l'auteur soulignait la très grande diversité linguistique dans la France de
son époque.
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En 1539, François 1er signa l'ordonnance de Villers-Cotterêts
qui faisait partie d'un ensemble de lois, plus précisément intitulé «Ordonnance
générale sur le fait de la justice, police et finances». Ses dispositions sont
contenues dans 192 articles (voir le texte complet).
L'ordonnance limite la justice ecclésiastique aux causes purement religieuses,
instaure de nouvelles règles pour la procédure pénale. Mais l'histoire a surtout
retenu ces deux mesures les plus importantes : la création de l'état civil et
l'emploi du français comme langue officielle pour tous les actes administratifs. Voici les
deux seuls articles concernant la langue
française:
Article 110 Afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence des arrêts de
nos cours souveraines, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits
si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir ambiguïté ou incertitude,
ni lieu à demander interprétation.
Article 111
Nous voulons donc que tous arrêts, et toutes autres procédures, soient
prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français
et non autrement.
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Cette mesure fit ainsi du français la langue de l’État, mais elle
n’était point dirigée contre les parlers locaux, juste contre le latin d’Église.
Il ne faut pas oublier qu’à cette époque la plupart des Français — soit
99 % — ne
parlaient pas le français, mais leur langue régionale appelée patois.
C’est d’ailleurs dans ces langues que les prêtres s’adressaient à leurs
ouailles. Lorsque les enfants allaient dans les écoles de village, c’est
également dans ces langues qu’ils apprenaient les préceptes de leur religion et
parfois certains rudiments d’écriture. On ne parlait français qu'à Paris et au
sein des classes aristocratiques du nord de la France.
1.1 Le Grand Siècle
Sous le règne de Louis XIV, le français
demeurait encore une langue de classe sociale et n’était pas juridiquement
réglementé. C'était certes une langue officielle dans les faits, mais
essentiellement courtisane, aristocratique et bourgeoise, littéraire et
académique, parlée probablement par moins d'un million de Français sur une population totale de 20 millions.
En ce siècle d'organisation autoritaire et centralisée, ce sont les
grammairiens qui façonnèrent la langue à leur goût, non les lois
ou les édits royaux; le règne
de Louis XIV aurait produit plus d'une centaine de ces «censeurs
professionnels». À l'image du roi, la langue vécut une époque de
«distinction» et de consolidation. Selon le point de vue des grammairiens, le français était
parvenu au «comble de la perfection» et avait atteint un certain idéal de fixité. Ils
préconisèrent l'usage d'un vocabulaire «choisi» et «élégant». Préoccupés
d'«épurer» la langue par crainte d'une «corruption» éventuelle, ils
proscrivirent
les italianismes, les archaïsmes, les provincialismes, les termes techniques et
savants, bref les mots «bas».
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L'Académie française, fondée en 1635 par
Richelieu, continua de veiller à la «pureté de la langue et publia la
première édition de son dictionnaire en 1694. Tout comme les sujets de Louis
XIV, les mots furent regroupés par classes; le vocabulaire ne comprenait que
les termes permis à l'«honnête homme» et s'appuyait sur la tradition du
«bon usage» du grand grammairien Vaugelas. Durant l'Ancien Régime, on compte
quelque six lois ou
décrets concernant les actes administratifs et les procédures judiciaires, ce
qui est peu, et ne touchait à peu près pas les gens du peuple, qui
continuaient de parler leur «patois» local. La
langue française parlée par l'élite pénétrait encore à pas de
tortue la langue du peuple, qui ignorait tout des règles
d'ordre, de pureté, d'élégance et d'harmonie. L'analphabétisme
se situait à cette époque autour de 99 % en France (comme
partout en Europe). Le peuple était gardé dans l’ignorance
totale: l’essentiel de l'enseignement demeurait celui de la
religion, qui se faisait en patois, parfois même en latin. Les nouvelles provinces
annexées au royaume furent même dispensées d'appliquer l'ordonnance de
Villers-Cotterêts. Lors de ses déplacements, Louis XIV se voyait souvent
harangué en picard, en flamand, en alsacien, en occitan, etc. Malgré les
velléités du
ministre Colbert, aucune politique d'intervention linguistique ne
fut entamée. |
Le dramaturge Jean Racine (1639-1699) a
fait un récit détaillé de ses «déboires linguistiques», lors d'un voyage
effectué en 1661 de Paris à la Provence (Uzès). Il se plaignit constament de
ne pas être compris: on lui apportait un «réchaud de lit» ou une «botte
d'allumette», alors qu'il demandait un «pot de nuit» ou des «petits clous à
broquettes». Il ne rencontra même pas un seul curé ni un seul maître
d'école qui sachent répondre par autre chose que des «révérences» à son
«françois» (prononcer [franswè] inintelligible pour eux. Albert Dauzat, un
spécialiste du parler rural, a inventorié 636 patois dans la France du
XVIIe
siècle. Paradoxalement, à la même époque, le français était davantage
parlé en Nouvelle-France, en Angleterre, aux Pays-Bas et à Moscou qu'en France
même.
1.2 La Révolution française et le français
Avec la Révolution française, tout changea. La
non-intervention fit place à un interventionnisme linguistique parfois féroce : plus d'une
douzaine de lois linguistiques ont été adoptées. Elles concernèrent surtout
l'administration, l'enseignement, la culture et la religion, bref des domaines
qui atteignaient beaucoup plus de gens. Pour la première
fois, on associa langue et nation.
Désormais, la langue devint
une affaire d'État: il fallait doter d'une langue nationale la «République
unie et indivisible», et élever le niveau des masses par l'instruction ainsi
que par la diffusion du français. Or, l'idée même d'une «République unie et
indivisible», dont la devise était «Fraternité, Liberté et Égalité pour
tous», ne pouvait se concilier avec le morcellement linguistique et le
particularisme des anciennes provinces. Les révolutionnaires bourgeois y virent
même un obstacle à la propagation de leurs idées; ils déclarèrent la guerre
aux patois. Bertrand Barère (1755-1841), membre du Comité de
salut public, déclencha l'offensive en faveur de l'existence d'une langue
nationale:
La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de
Babel; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la
langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la
patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même
pour tous.
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Dans on rapport «sur les idiomes» qu'il présenta devant la
Convention du 27 janvier 1794, Barère expliqua:
Combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois
des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes de France !
Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes
grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les
contre-révolutionnaires!
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En 1794, l'abbé Henri-Baptiste Grégoire (1750-1831) publia son
fameux Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et
d'universaliser l'usage de la langue française. Il dénonça la situation
linguistique de la France républicaine qui, «avec trente patois
différents», en était encore «à la tour de Babel», alors que, «pour
la liberté», elle forme «l'avant-garde des nations». Il déclara à la
Convention: «Nous n'avons plus de provinces et nous avons trente
patois qui en rappellent les noms.»
Avec une sorte d'effarement, l'abbé Grégoire
révéla dans son rapport de juin 1794 qu'on ne parlait
«exclusivement» le français que dans «environ 15 départements» (sur
83). Il lui paraissait paradoxal, et pour le moins insupportable, de
constater que moins de trois millions de Français sur 25 parlaient
la langue nationale, alors que celle-ci était utilisée et unifiée
«même dans le Canada et sur les bords du Mississipi». |
Devant le Comité de l'Instruction
publique, l’abbé Grégoire déclara, le 20 septembre 1793:
Ainsi disparaîtront insensiblement les jargons locaux, les patois de six
millions de Français qui ne parlent pas la langue nationale car, je ne puis
trop le répéter, il est plus important qu'on ne pense en politique
d'extirper cette diversité d'idiomes grossiers qui prolongent l'enfance de la
raison et la vieillesse des préjugés.
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Un discours se développa dans lequel le terme langue reste
l'apanage exclusif du français appelé «notre langue». Tout ce qui n'est pas
français s'appelle patois ou idiomes féodaux: Ce
sont pour Grégoire
le breton, le normand, le picard, le provençal, le gascon,
le basque, etc. Il parle même de «l'italien de Corse» (corse) et de «l’allemand
des Haut et Bas-Rhin» (alsacien) qu'il qualifie d’«idiomes
très-dégénérés». Enfin, il signale que «les nègres de nos colonies»
pratiquent «une espèce d’idiome pauvre» qu'il associe à la «la langue
franque».
Dès lors, il devenait nécessaire d'imposer le français par des décrets
rigoureux à travers toute la France. Charles-Maurice de
Talleyrand (1754-1838), l'un des grands
hommes politiques de l'époque, proposa qu'il y ait une école primaire dans
chacune des municipalités:
La langue de la Constitution et des lois y sera enseignée à tous;
et cette foule de dialectes corrompus, dernier reste de la féodalité, sera
contrainte de disparaître; la force des choses le commande.
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Puis, le
décret du 2 Thermidor (20 juillet
1794) sanctionna la terreur linguistique. À partir de ce moment, les
patois locaux furent pourchassés. Cette loi linguistique donnait par ailleurs
une bonne idée des intentions des dirigeants révolutionnaires:
Article 1.
À compter du jour de la publication de la présente
loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du
territoire de la République, être écrit qu'en langue française.
Article 2. Après le mois qui suivra la publication de
la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même
sous seing privé, s'il n'est écrit en langue française.
Article 3. Tout fonctionnaire ou officier public, tout
agent du Gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente
loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses fonctions,
des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement
quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française,
sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence,
condamné à six mois d'emprisonnement, et destitué.
Article 4. La même peine aura lieu contre tout receveur
du droit d'enregistrement qui, après le mois de la publication de la
présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits
en idiomes ou langues autres que le français.
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En raison de la chute de Robespierre, le décret fut suspendu
quelques semaines plus tard (en septembre), jusqu'à la diffusion d'un nouveau
rapport sur cette matière par des «comités de législation et d'instruction
publique».
Jusqu'à ce moment-là, on ne pouvait affirmer que l’interventionnisme
linguistique était délibérément dirigé contre les langues régionales
(patois). Mais
dès l’instant où l’on commença à interdire les autres langues, il allait de soi que
ces dernières en souffriraient, comme le laisse entendre le décret du 5 brumaire an II
(25 octobre 1795): «Dans toutes les parties de la
République, l'instruction ne se fait qu'en langue française.»
1.3 Le français et l’Instruction publique
Un peu après le milieu du XIXe siècle (en 1863), on comptabilisait
encore 7,5 millions de Français ignorant la «langue nationale» (sur près de
38 millions d'habitants. Selon les témoignages de l'époque, les enfants des
villages de province ne retenaient guère le français appris à l'école;
celui-ci «ne laisse pas plus de trace que le latin n'en laisse à la plupart
des élèves sortis des collèges». Les élèves reparlaient «le patois au
logis paternel». En 1831, dans l’une des lettres des préfets des Côtes-du-Nord et du
Finistère à M. de Montalivet, ministre de l'Instruction publique, on peut lire
ce texte sans équivoque dont le discours est plus radicalisé:
[Il faut] par tous les moyens possibles, favoriser l'appauvrissement, la
corruption du breton, jusqu'au point où, d'une commune à l'autre, on ne
puisse pas s'entendre [...], car alors la nécessité de communication
obligera le paysan d'apprendre le français. Il faut absolument détruire le
langage breton.
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Dès lors, la France commença son véritable «génocide culturel» dans les
régions françaises, particulièrement en Bretagne. Cette directive de monsieur
Auguste Romieu, sous-préfet de Quimper en 1831, serait considérée au
XXIe
siècle comme de la pure discrimination:
Multiplions les écoles, créons pour l'amélioration morale de la race
humaine quelques unes de ces primes que nous réservons aux chevaux; faisons
que le clergé nous seconde en n'accordant la première communion qu'aux seuls
enfants qui parleront le français [...].
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En 1845, les «linguicides» étaient déjà apparus depuis un certain temps.
En témoigne ces propos d'un sous-préfet du Finistère aux instituteurs:
«Surtout rappelez-vous, Messieurs, que vous n'êtes établis que pour tuer la
langue bretonne.» À cette époque, on semblait en vouloir particulièrement au
breton. Considérons cet autre exemple dont l’auteur est un préfet des
Côtes-du-Nord lors d’un discours à l'évêque de Saint-Brieuc, le 21
novembre 1846:
C'est en breton que l'on enseigne généralement le catéchisme et les
prières. C'est un mal. Nos écoles dans la Basse-Bretagne ont
particulièrement pour objet de substituer la langue française au breton
[...].
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Cette déclaration de la part de M. Dosimont, inspecteur d'académie en 1897,
paraît tout aussi catégorique:
Un principe qui ne saurait jamais fléchir: pas un mot de breton en classe
ni dans la cour de récréation.
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Et enfin une proclamation provenant
d’Anatole de Monzie, ministre de l’Instruction publique (1925): «Pour
l'unité linguistique de la France, il faut que la langue bretonne
disparaisse. On se souviendra sans doute des panneaux affichés un peu
partout en Bretagne, que ce soit dans les bus, les écoles ou autres lieux
publics: «Interdiction de parler breton et de cracher par terre.»
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Beaucoup d’enfants furent punis parce
qu’ils parlaient breton à l'école: ils devaient rejeter la langue de leurs
parents. L’histoire est là pour nous rappeler également l’usage
institutionnalisé du «symbole» accroché au cou des élèves, de la délation,
des brimades et des vexations de la part des instituteurs dont la mission
était de supprimer l’usage des parlers locaux. Un jeune Breton ayant
fréquenté l'école dans les années 1960 en donne ce témoignage:
«À cette époque, le symbole était un
morceau de fer pour mettre sous les sabots des chevaux. On le donnait au premier
qui arrivait et qui parlait breton et ensuite, quand celui-ci trouvait un autre
qui parlait breton, il le lui donnait. Comme ça, toute la journée. À la fin de
la journée, le dernier attrapé par le symbole était mis en pénitence et il
devait écrire en français: "Je ne parlerai plus jamais en breton", cinquante ou
cent fois. Celui qui était pris souvent restait à l'école après 16 h 30, pendant
une heure ou une demi-heure dans le coin de la salle.» |
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Ces procédés ont été heureusement abandonnés
et l'on ne retrouve plus d'affiches contemporaines du genre: «Il est interdit
de cracher par terre et de parler patois.» Mais les langues régionales
historiques ne sont pas
disparues.
Les méthodes pédagogiques se radicalisèrent. Durant tout le
XIXe siècle,
l'enseignement de la langue française reposa obligatoirement sur la grammaire
codifiée par Noël et Chapsal (Grammaire française, 1823) ainsi que sur
l'orthographe de l'Académie. Les élèves français apprirent une énumération
d'usages capricieux érigés en règlements qui ne tenaient pas compte des
fluctuations possibles de la langue usuelle et où la minutie des exceptions
formait l'essentiel de l'enseignement grammatical.
Comme la connaissance de
l'orthographe était obligatoire pour l'accession à tous les emplois publics,
chacun se soumit. La «bonne orthographe» devint une marque de classe,
c'est-à-dire de distinction sociale. Évidemment, les enfants de la bourgeoisie
réussissaient mieux que ceux de la classe ouvrière, qui montraient des
réticences à adopter une prononciation calquée sur l'orthographe.
1.4 Le XXe siècle: la victoire du français
Tout au cours du XXe
siècle et jusque dans les années 1960, les
gouvernements ont adopté pas moins de 40 lois concernant surtout
l'enseignement, la presse, l'administration et l'orthographe. Au début du
siècle, comme la francisation n’allait pas assez vite au gré du ministère
de l’Éducation nationale, les autorités suggérèrent fortement de faire
nommer des instituteurs qui ignoraient tout des parlers locaux.
En 1926, le grammairien Ferdinand Brunot écrivit dans son Histoire de la
langue française dans laquelle il affirmait que les patois étaient encore
bien vivants dans les campagnes:
Au XVIIIe siècle, comme de nos jours,
le patois était chez lui partout où l'on causait au village [...]. À
l'heure actuelle, le français est la langue des villes, le patois la langue
des campagnes.
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Mais le discours antipatois est toujours resté très profond chez les
dirigeants politiques. Par exemple, en 1972, Georges
Pompidou, alors président de la République, déclarait: «Il n'y a pas de place
pour les langues et cultures régionales dans une France qui doit marquer
l'Europe de son sceau.»
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Il est vrai que, depuis plus d'entre
trentaine d'années, le discours sur cet épineux
sujet a beaucoup changé en France. C’est ainsi que
François Mitterrand,
président de la République de 1981 à 1995, annonçait ses couleurs, deux mois
avant son élection (1981, à Lorient):
Le temps est venu d’un statut des langues et cultures de France qui leur
reconnaisse une existence réelle. Le temps est venu de leur ouvrir grandes
les portes de l’école, de la radio et de la télévision permettant leur
diffusion, de leur accorder toute la place qu’elles méritent dans la vie
publique. |
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Néanmoins, malgré ce discours à saveur électoraliste, la situation n’a
pas évolué considérablement, car, lors des débats sur le traité de
Maastricht, Robert Pandraud (député et ancien ministre) déclarait le 13 mai
1992:
Je rends hommage à l'école laïque et républicaine qui a souvent imposé
le français avec beaucoup d'autorité — il fallait le faire — contre
toutes les forces d'obscurantisme social, voire religieux, qui se
manifestaient à l'époque. Je suis également heureux que la télévision ait
été un facteur d'unification linguistique. Il est temps que nous soyons
français par la langue. S'il faut apprendre une autre langue à nos enfants,
ne leur faisons pas perdre leur temps avec des dialectes qu'ils ne parleront
jamais que dans leur village: enseignons-leur le plus tôt possible une langue
internationale!
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Là, nous ne sommes plus en 1950, mais dans les années 1990.
Autrement dit, à en croire ces déclarations de personnalités officielles, les
dirigeants français ne se préoccupent que de la langue française, sauf de
façon aléatoire. En mai 1997, Daniel Gauchon, inspecteur de l'Éducation
nationale, proclamait:
Les langues régionales ont sans doute leur place à l'école comme
l'enseignement de n'importe quelle langue ou discipline, mais le bilinguisme
en langue régionale est incompatible avec les principes de fonctionnement de
l'école publique. Il privilégie la culture et la langue d'une communauté
alors que le rôle de l'école publique est de privilégier la culture et la
langue françaises dans un objectif de cohésion sociale.
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Quand on étudie la législation linguistique de la France, on constate que
ce pays a adopté une quantité impressionnante de lois portant sur les cultures
et les langues régionales, sur les collectivités territoriales et sur la
langue française. On compte au moins une douzaine de lois, une vingtaine de
décrets, plus de 40 arrêtés (dont une vingtaine sur la terminologie) et
autant de circulaires administratives.
Précisons que la plupart des textes juridiques français traitent avant tout
de la langue d'enseignement et de la terminologie française. Cela
signifie que la législation française porte moins sur les droits linguistiques
que sur la promotion de la langue française considérée du point de vue du
code lui-même. Il s'agit là d'une vieille tradition qui consiste à ignorer
les langues régionales. Pour ce qui est des droits des minorités historiques,
les textes juridiques n'en parlent d'ailleurs que très peu. Toutefois, la
tendance actuelle est à élargir le droit à la différence et à reconnaître
la spécificité des langues régionales. On distingue maintenant deux types de
politique linguistique française: celle qui concerne les langues régionales et
minoritaires et celle qui concerne la politique à l’égard du français.
Les dispositions constitutionnelles portant explicitement sur la langue
étaient inexistantes jusqu'en 1992. La langue française était
la langue officielle de la République française dans les
faits (ou de facto) parce que cette reconnaissance n'avait jamais été
proclamée ni dans la Constitution de 1958 ni d'ailleurs dans aucun
texte de loi. Cependant, la
Loi constitutionnelle n° 92-554
du 25 juin 1992 a apporté des modifications à la Constitution
de 1958, notamment à l'article 2 qui se lit maintenant comme suit: «La langue de la République est le français.»
À l'origine, il l'adoption de cette disposition avait comme but de
protéger le français contre l'influence excessive de l'anglais, alors que la
France venait de signer le traité de Maëstricht, le 7 février 1992. En somme,
lorsque la France se place non pas en position de domination, mais en situation
de minoritaire par rapport à l'anglais, c'est alors qu'elle à tendance à
légiférer. Plus tard, le Conseil constitutionnel a interprété cette même
disposition comme hostile aux langues régionales.
2.1 La langue de la République
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Les explications qui suivent résultent d'une adaptation de deux documents officiels:
dabord, la loi n° 94-665 du 4 août
1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi
Toubon – présentée par le ministre de la Culture et de la Francophonie
Jacques Toubon (gouvernement
Balladur sous la présidence de
François Mitterrand) –, puis un document officiel intitulé Une politique globale
pour la promotion du français. Ce dernier document est destiné
à la Délégation générale à la
langue française afin dillustrer les grands axes de la politique
française en matière de langue. La loi
française, dite loi Toubon, précise que l'emploi de la langue française
est obligatoire dans un certain nombre de situations et affirme ainsi un
droit au français pour les consommateurs, les salariés, le public.
L'imposition de ces règles est assortie des moyens de les faire
respecter. On peut consulter le texte complet de la
loi Toubon en cliquant
ICI, s.v.p.
À peine adoptée, la loi n° 94-665 du 4 août 1994 souleva une levée de
boucliers en France, même parmi les membres du gouvernement. Ainsi, dans
Libération (28 février 1994), M. Alain Madelin, alors ministre des
Entreprises et du Développement économique manifestait sa solidarité de
la façon suivante: «Il ne faudrait pas qu’après avoir supprimé le
contrôle des prix on installe le contrôle des mots.» |
Dans Le Point (5 mars 1994), l'éditorialiste
Bernard-Henri Lévy écrivait pour sa part: «M. Toubon veut nous donner une loi sur
la langue française. J’ai beau faire, je ne comprends pas. [...] On ne touche
pas à la langue, telle est la loi.»
D'autres, comme l'occitaniste Henri Jeanjean (1998), y ont
vu une façon détournée destinée à anéantir les langues régionales de France:
Malgré les dénégations initiales, cette loi apparaît de
plus en plus comme se situant dans la tradition multiséculaire d'une
politique linguistique centraliste visant à anéantir les langues de
France, politique que l'on peut faire remonter au XVe
siècle et qui a été réaffirmée avec une persistance exemplaire par tous
les régimes qui ont pu se succéder depuis cette époque. |
Signalons que les aspects les plus coercitifs de la
loi Toubon ont été abolis par le Conseil constitutionnel avant même que la loi
n'entre en vigueur. Ainsi, le Conseil a estimé que le principe de la
liberté de pensée et d’expression, inscrit à l’article 11 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, s’opposait à ce que la loi fixe la
terminologie précise à employer par les organismes de télévision ou de radio, ou
par des individus dans l’ensemble de leurs activités. Le législateur ne peut
régler le vocabulaire à employer que pour les «personnes morales de droit
public» et les «personnes de droit privé» dans l’exercice d’une mission de
service public.
En 2019, l’Académie française a le
président Macron sur le fait que
la loi Toubon, destinée à protéger la
langue française, demeurait largement inappliquée.
2.2 Une
législation ambiguë
En réalité, la loi Toubon vise
surtout à protéger le salarié et le consommateur de biens et de services
(notamment de services audiovisuels) contre l’emploi de termes étrangers
(anglais), chaque fois qu’un mot français équivalent est disponible. Bref, la
loi n’impose nullement l’usage exclusif du français, seulement sa présence,
avec la même visibilité, à côté des mots étrangers, le tout dans les
inscriptions ou annonces dans un lieu ouvert au public ou dans les transports
en commun. La loi prévoit aussi de nombreuses exceptions; quant aux
dispositions punitives, elles paraissent tellement lourdes à utiliser qu'elles
découragent l'État à y recourir. Dans ces conditions, la plupart des tribunaux n'appliquent
même pas la loi!
Dans une allocution prononcée à Montréal (Québec) le 7
septembre 2001, Mme Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, a
admis que le gouvernement français n'était pas très vigilant quant à
l'application de la loi Toubon: «Je pense qu’il [le gouvernement français]
pourrait intervenir plus fermement pour faire respecter l’application des
textes.» Elle dénonçait «la pratique de différentes grandes entreprises
d’imposer l’anglais comme langue de travail à leurs salariés, y compris dans
l’Hexagone. [...] On est un peu étonné quand de très grandes entreprises
françaises, peut-être un peu grisées par leur récente dimension internationale,
vont très au-delà de la nécessité de connaître l’anglais. Je pense qu’il serait
bien que leurs salariés, leurs syndicats, le gouvernement aussi, fassent
campagne contre des pratiques qui n’ont pas grand sens.»
Par ailleurs, en 2008, le
Rapport
au Parlement sur l’emploi de la langue française de la DGLFLF
(voir la synthèse) précise la réalité des pratiques linguistiques
dans le monde du travail. On y apprend notamment que 26 % des salariés des
entreprises de 20 salariés et plus sont amenés à parler ou à écrire une
langue étrangère dans le cadre de leur activité professionnelle, soit
environ 1,8 million de personnes. La langue étrangère qu’ils utilisent
principalement est l’anglais dans 89 % des cas, une autre langue étrangère
répandue dans 8% des cas (allemand 5%, espagnol2 % et italien1 %), une
autre langue dans 3% des cas. Par ailleurs, 32 % des salariés sont amenés à
lire des documents rédigés dans une langue étrangère, soit environ 2,27
millions d’individus, parmi lesquels 22 % en ressentent une gêne, soit 7 %
du total ou environ 500 000 salariés des
entreprises de 20 salariés ou plus considérés comme des utilisateurs gênés
(propos rapportés par l'Organisation internationale de la Francophonie).
Nous verrons que la politique linguistique du gouvernement français
revêt un caractère global. Elle vise à promouvoir le
français en France même, puis à soutenir la création
de contenus et de services en français au sein des instances internationales
et sur les nouveaux supports numériques, et à en promouvoir
l'accès.
Le gouvernement français a créé par le décret
du 2 juin 1989 la Délégation générale à
la langue française (alors la DGLF), qui a succédé au Commissariat
général à la langue française. Cet organisme
a reçu pour mission "de promouvoir et de coordonner les actions
des administrations et des organismes publics et privés qui concourent
à la diffusion et au bon usage de la langue française".
Le décret du 16 avril 1993 a mis la délégation
à la disposition du ministre de la Culture et de la Francophonie,
qui exerce, par délégation du premier ministre, les attributions
relatives à l'usage et à l'enrichissement de la langue française.
Dans le cadre des orientations définies par le gouvernement,
la Délégation générale à la langue française
est l'outil fondamental d'une politique globale pour la promotion du français,
dont l'un des éléments majeurs est la loi du 4 août
1994 relative à l'emploi de la langue française.
3.1 Le rôle de la Délégation
Pour le gouvernement français, le rôle de la Délégation
générale est avant tout de favoriser la coordination et la
concertation pour sensibiliser ceux qui ont des responsabilités
à l'égard de la langue française et pour accroître
les synergies en vue de la promouvoir. Pour ce faire, la Délégation
travaille en collaboration avec les organisme suivants:
- le Conseil supérieur de la langue française
(une instance d'étude, de consultation et de proposition présidé
par le premier ministre);
- les départements ministériels qui
interviennent et disposent de moyens en faveur de la langue française
(notamment l'éducation nationale, l'enseignement supérieur,
la recherche, l'industrie, la culture, les affaires étrangères,
la coopération, la francophonie, etc.);
- les milieux professionnels
concernés par
les questions linguistiques (universités, laboratoires de recherche,
entreprises, etc.) ou qui jouent un rôle stratégique pour
la diffusion de la langue (médias, publicité, économie,
culture, AFNOR) ;
- les associations qui
œuvrent pour soutenir le
français;
- un réseau de partenaires internationaux,
pour une coopération avec le monde francophone et en particulier
le Québec, ainsi qu'avec les États membres de l'Union européenne
et les pays de langue latine.
La Délégation générale à la langue française
est chargée dappliquer la politique linguistique du gouvernement
français, laquelle est axée sur trois grands principes:
1) Assurer le rayonnement du français, langue
de la République;
2) Conserver au français son rôle de langue
de communication internationale;
3) Respecter la diversité linguistique et culturelle
et promouvoir le plurilinguisme.
Depuis que le gouvernement français a signé (mais non ratifié) la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires, l'ensemble des langues
de France est reconnu comme patrimoine culturel national. Le ministère de la
Culture, qui est chargé depuis 1997 de la langue française, a dû également
prendre en charge «ce patrimoine culturel linguistique multiple».
3.2 La Délégation et les langues de
France
C'est
pourquoi le gouvernement français a transformé, en novembre 2001 la
Délégation générale à la langue française (DGLF) en Délégation
générale à la langue française et aux langues de France (la DGLFLF). Dorénavant, la
Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF)
a pour mission «de veiller à la promotion et à l'emploi
du français sur le territoire national, de favoriser son utilisation
comme langue de communication internationale et de développer le
plurilinguisme, garant de la diversité culturelle». De plus, la DGLFLF anime
et coordonne l'action des pouvoirs publics en faveur de ces objectifs et met en
œuvre, avec ses moyens propres ou en liaison avec d'autres organismes publics
ou privés, toutes initiatives en ce sens.
Comme organe de réflexion,
d'évaluation et d'action, la DGLFLF continue d'être chargée de promouvoir une
politique globale en faveur de la langue française,
mais doit aussi prendre en charge la valeur patrimoniale des langues
régionales de France. Elle a en plus comme mission de «veiller à
la sauvegarde et à la valorisation des langues de France et de coordonner la
politique culturelle en leur faveur». Ainsi, on peut estimer que les actions de
valorisation et de diffusion des 75 langues de France recensées par le rapport
Cerquiglini seront poursuivies. Cette politique devrait s'articuler autour des
axes suivants: la collecte du patrimoine linguistique, des études et des
équipements linguistiques, l'observation des pratiques et le soutien à
l'édition. Un effort particulier devrait être consenti en faveur des langues
de l'outre-mer en liaison avec le Secrétariat d'État aux DOM-TOM.
Pour le gouvernement, le français est la langue de la République,
cest-à-dire la langue de l'unité nationale et des institutions
publiques, celle de l'égalité de tous, une composante fondamentale
du lien social, l'un des facteurs les plus importants d'égalité
et d'intégration. Afin datteindre lobjectif d'assurer le respect
du français sur le territoire national et de garantir son emploi
dans tous les actes de la vie sociale, le gouvernement a adopté
une législation linguistique en 1994.
4.1 La loi Toubon de 1994
La loi
n° 94-665 du 4 août 1994
relative à l'emploi de la langue française, dite loi Toubon
présentée par le ministre de la Culture et de la Francophonie
Jacques Toubon , se substitue à la loi du 31 décembre 1975,
dont elle élargit le champ d'application et renforce les dispositions.
Cette nouvelle loi française, la loi du 4 août 1994 relative
à l'emploi de la langue française, précise que l'emploi
de la langue française est obligatoire dans un certain nombre de
situations et affirme ainsi un droit au français pour les consommateurs,
les salariés, le public. L'édiction de ces règles
est assortie des moyens de les faire respecter.
La loi Toubon précise successivement les conditions dans lesquelles
l'emploi du français est obligatoire afin que les consommateurs,
les salariés, les usagers, le public, soient assurée de comprendre
les indications qui leur sont données et afin que le français
soit naturellement la langue dans laquelle se déroulent les activités
qui ont lieu sur le territoire national, notamment l'enseignement et les
émissions de radio et de télévision. Il prévoit
que la présentation en langue française peut toujours être
accompagnée d'une traduction en langue étrangère.
Ainsi, les
articles 1, 2 et 3 imposent l'usage du français
pour la présentation de biens et services et les procédés
d'information destinés aux consommateurs, ainsi que pour les inscriptions
et annonces faites dans les lieux ouverts au public et les transports en
commun. L'article 4 prévoit que les contrats passés par des
personnes publiques sont rédigés en français. L'article
5 impose des exigences minimales pour l'organisation des congrès
et colloques. Les articles 6, 7 et 8 sont relatifs à la protection
des salariés et précisent que les contrats de travail, les
offres d'emploi et les documents internes à l'entreprise, qui s'imposent
aux salariés ou leur sont nécessaires pour l'exécution
de leur travail, sont rédigés en français.
Quant à l'article 9, il affirme que la langue de
l'enseignement
est le français. Les articles 10 et 11 rendent l'emploi du français
obligatoire dans les émissions et les messages publicitaires des
organismes de radio et de télévision et donnent mission à
ces organismes de contribuer à la protection et à la promotion
de la langue française.
L'article 12 porte sur le code
de la langue, il interdit aux personnes
publiques, ainsi qu'aux personnes morales de droit privé chargées
d'une mission de service public, de faire usage de marques comportant une
expression ou un terme étranger.
Les
articles 13 à 18 prévoient un dispositif
de contrôle de nature à permettre une bonne application de la loi: retrait des
subventions éventuelles, intervention des officiers de police judiciaire,
des agents chargés de l'application du Code de la consommation et
des associations de défense de la langue française dans le
mécanisme de contrôle, caractère d'ordre public de
la loi. Les sanctions pénales applicables, qui seront de nature
contraventionnelle, seront prévues par décrit en Conseil
d'État.
L'article 19 préserve la place des langues régionales
du pays. Pour de plus amples explications sur ce sujet, il faut
se reporter à la partie de ce site intitulée «La
politique des langues régionales et minoritaires».
L'article 20, quant à lui, prévoit les délais
nécessaires à
l'entrée en vigueur de la loi, notamment pour la mise en conformité
des dispositions relatives à la publicité, aux annonces et
à l'affichage.
Enfin, l'article 21 prévoit l'abrogation de la loi du 31 décembre 1975 relative
à l'emploi de la langue française, dans des délais différents, mais cohérents
avec l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles. On peut consulter le texte
intégral de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi
de la langue française.
4.2 La politique de sensibilisation
Afin de valoriser l'image de la langue française et
contribuer à la mobilisation des Français, mais aussi des
francophones et des francophiles autour de sa vitalité, de son rayonnement
et de ses enjeux culturels, économiques et sociaux, une politique
de sensibilisation a été mise en place, qui a pour objectif:
(1) le grand public, et tout d'abord les jeunes;
(2) les «prescripteurs», c'est-à-dire ceux qui interviennent
dans des domaines stratégiques pour la qualité et la diffusion
de la langue et des mots : presse, radio et télévision, publicité,
institutions culturelles;
(3) les entreprises.
Grâce à cet instrument juridique, la France se trouve dotée d'une
véritable législation linguistique destinée à assurer le maintien du
français tant à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur dans
le monde.
Quelques années après son entrée en vigueur, la loi du 4 août 1994
paraît dans l'ensemble assez bien appliquée; elle constitue un outil efficace
pour assurer la présence du français dans certains domaines essentiels où le
seul jeu des lois du marché risquerait de la faire reculer. Pour leur part, le
Bureau de vérification de la publicité et le Conseil supérieur de
l'audiovisuel effectuent également des vérifications; ils fournissent à
l'intention des professionnels des informations ainsi que des efforts de
sensibilisation au sujet de la loi du 4 août 1994. Par ailleurs, les
dispositions juridiques concernant la protection du consommateur font l'objet
d'un suivi poussé du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.
Ce fait démontre la prise en compte par les entreprises des obligations que
leur crée la loi en ce qui a trait à la présentation, l'affichage, le mode
d'emploi des biens et services mis à la disposition des consommateurs.
Cependant, dans le domaine scientifique, que ce soit dans les publications ou
les colloques, les obligations contenues dans la loi semblent peu respectées.
En ce qui a trait aux manifestations internationales se déroulant en France,
l'application de la loi visant à favoriser le recours au français se heurte
toujours à des réticences tenaces de la part des organisateurs. On croit que
ce constant est dû au fait qu’il n’existe pas d'organisme chargé de
l'observation et du contrôle de ce genre de pratiques linguistiques.
4.3 La carpette anglaise
Par ailleurs, en 1999 fut fondée l'Académie
de la Carpette anglaise, une institution parodique non
gouvernementale, décernant chaque année un prix d'«indignité civique» à un
membre des personnalités françaises, qui serait particulièrement distingué
par son anglomanie aux dépens de la langue française. Voici la liste des lauréats
à partir de 1999:
2013
Geneviève Fioraso, ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
pour avoir, dans la lignée de Valérie Pécresse
(«carpettée» en 2008) légalisé l'enseignement en
anglais dans les universités.
2012
Frédéric
Cuvillier, ministre délégué aux Transports, à la
Mer et à la Pêche,
pour avoir déclaré, selon Le Parisien,
que dans le domaine du transport «l'anglais
devrait être la langue d'usage et de rédaction
des documents officiels harmonisés».
2011
Jean-François Copé, secrétaire
général de l'Union pour un mouvement populaire (UMP),
pour «sa vigoureuse promotion de l'usage de
l'anglais, de la maternelle aux grandes écoles,
et sa volonté de faire de l'anglicisation de la
télévision publique un des enjeux de son parti
et de l'élection présidentielle».
2010
Martine Aubry,
première secrétaire du Parti socialiste (et ses
conseillers en communication),
pour «leur recours systématique à des slogans
anglo-saxons (du "care" à "What would Jaurès
do?")».
2009
Richard Descoings, directeur de
l’Institut d’études politiques de Paris,
pour «imposer des enseignements uniquement en
langue anglaise dans certaines filières
proposées, et pour correspondre en anglais avec
le lycée français de Madrid».
2008
Valérie Pécresse, ministre de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
pour «avoir déclaré que le français était une
langue en déclin et qu'il fallait briser le
tabou de l'anglais dans les institutions
européennes».
2007
Christine
Lagarde, ministre de l'Économie,
pour avoir communiqué avec ses services en
langue anglaise, à tel point que, selon le
Canard enchaîné, celle-ci serait surnommée
«Christine The Guard».
2006
Le
Conseil constitutionnel
pour «ses nombreux manquements à l'article 2 de
la Constitution qui dispose que la langue de la
République est le français» et pour avoir
déclaré conforme à la constitution le protocole
de Londres sur les brevets, permettant ainsi à
un texte en langue anglaise ou allemande d'avoir
un effet juridique en France.
2005
France Télécom,
opérateur de téléphonie présidé par Didier
Lombard, pour la mise en place de services et
produits aux dénominations anglaises (« Business
Talk, Live-Zoom, Family Talk, etc.»), désigné
par huit voix contre quatre à Yves Daudigny,
président du conseil général de l'Aisne pour sa
grotesque campagne publicitaire en anglais «
L'Aisne, it's Open ! »
2004
Claude Thélot,
président de la Commission du débat national sur
l’avenir de l’école, pour avoir
considéré « l’anglais de communication
internationale » comme un enseignement
fondamental, à l’égal de la langue française, et
avoir préconisé son apprentissage par la
diffusion de feuilletons américains en version
originale sur les chaînes de la télévision
française
2003
Le
Groupe HEC,
dont le directeur général, Bernard Ramanantsoa,
a déclaré en décembre 2002 : «Dire que le
français est une langue internationale de
communication comme l’anglais prête à sourire
aujourd’hui.»
2002
Jean-Marie
Colombani, directeur de la
publication du Monde, pour avoir publié,
sans réciprocité, un supplément hebdomadaire en
anglais, constitué d'articles du New York
Times.
2001
Jean-Marie
Messier, PDG de Vivendi-Universal,
pour favoriser systématiquement l'anglais comme
langue de communication dans ses entreprises.
2000
Alain Richard,
ministre de la Défense, pour avoir obligé les
militaires français à parler anglais dans le
sein du Corps européen alors qu’aucune nation
anglophone n’en fait partie.
1999
Louis Schweitzer,
PDG de Renault, impose l'usage de
l'anglo-américain dans les comptes rendus des
réunions de direction de Renault.
|
L'Académie décerne aussi un prix annuel à
un lauréat habitant un pays étranger (Suisse, Belgique, etc.). Rappelons à
titre d'anecdote que, en mars 2009, la direction de Aéroports de Lyon
avait décidé de changer de nom pour Lyon Airports, cédant ainsi à une
certaine anglomanie pour des motifs d'internationalisme.
|
Or, le préfet de la
Région de Rhônes-Alpes,
Jacques Gérault, s'est opposé à cette
nouvelle appellation et a adressé, le 20 mars 2009, un courrier au président
de la Société des Aéroports de Lyon. Dans ce courrier, le préfet
estime «qu'il est aujourd'hui plus essentiel d'ouvrir davantage
Aéroports de Lyon à l'international, par une politique
commerciale dynamique, que de n'engager qu'un simple changement
de nom». Il ajoutait : «Le choix de cette nouvelle signature,
calquée sur les codes anglo-saxons, ne peut évidemment pas
constituer une stratégie de communication adaptée aux enjeux
d'un territoire dont l'économie représente 10 % du produit
intérieur brut français.» |
De
plus, il jugeait par ailleurs «inadmissible que certaines institutions
sous-estiment à ce point le poids économique et culturel de la langue
française et les valeurs qu'elle véhicule». Étant donné que l'État est
actionnaire à 60 %, il était dans l'intérêt de la société de renoncer à sa
nouvelle appellation. Cela étant dit, il demeure quand même surprenant que
des ministres, des hauts fonctionnaires et des présidents de sociétés d'État
croient si peu en leur propre langue.
L'État français a élaboré des «mesures linguistiques» à
l'égard des médias électroniques. La loi la plus pertinente à ce sujet est la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, appelée Loi relative à la liberté de
communication, dite aussi «loi Léotard», du nom du ministre (François Léotard)
de la Culture et de la Communication qui l'avait parrainée. Toutefois, la
loi du 18 janvier 1992 assouplissait le régime des quotas (de 1986) de diffusion
d'œuvres audiovisuelles françaises et européennes.
5.1 La législation et les quotas
Puis la loi du 1er
février 1994 créant la chaîne d’accès au savoir à la formation et à l’emploi et
renforçant les pouvoirs de sanctions du CSA, imposait un quota de diffusion d’au
moins 40% de chansons en langue française aux radios. Enfin, la loi du 1er août
2000 modifiait celle du 30 septembre 1986 et affirmait le principe de la liberté
de la communication audiovisuelle, tout en imposant des obligations de diffusion
et de production d’œuvres audiovisuelles aux radiodiffuseurs. Cela étant dit, la
loi de 2000 permettait une certaine modulation des quotas de chansons
francophones imposés aux radiodiffuseurs :
- le quota reste de 40 % de chansons
francophones dont 20 % de nouveaux talents ou de nouvelles productions pour
les radios généralistes;
- pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du patrimoine musical,
le quota est fixé à 60 % de chansons françaises dont 10 % de nouvelles
productions;
- pour les radios "jeunes talents", le plancher est de 35 % de chansons
françaises mais avec 25 % de nouveaux talents.
Ces quotas s’appliquent au temps consacré à la diffusion
de musique de variétés (et non à la totalité du temps de diffusion). L’article
28 modifiée de la loi du 30 septembre 1986 énonce ce qui suit:
Article 28
Modifié par Loi n°2006-396 du 31 mars 2006 art. 47 I (JORF 2 avril
2006).
La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique
pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre
que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est
subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil
supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande
l'autorisation.
Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des
programmes et des règles générales fixées en application de la présente
loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles
particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone
desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect
de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions
de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la
radio et de la télévision numériques de terre.
La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants :
1° La durée et les
caractéristiques générales du programme propre ;
2° Le temps consacré à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles
d'expression originale française en première diffusion en France, la
part du chiffre d'affaires consacrée à l'acquisition des droits de
diffusion de ces oeuvres ainsi que la grille horaire de leur
programmation;
2° bis. La proportion substantielle d'oeuvres musicales d'expression
française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France,
qui doit atteindre un minimum de 40 % de chansons d'expression
française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou
de nouvelles productions, diffusées aux heures d'écoute significative
par chacun des services de radio autorisés par le Conseil supérieur de
l'audiovisuel, pour la part de ses programmes composée de musique de
variétés.
Par dérogation, le Conseil
supérieur de l'audiovisuel peut autoriser, pour des formats spécifiques,
les proportions suivantes :
- soit pour les radios
spécialisées dans la mise en valeur du patrimoine musical : 60 % de
titres francophones, dont un pourcentage de nouvelles productions
pouvant aller jusqu'à 10 % du total, avec au minimum un titre par heure
en moyenne ;
- soit pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents
: 35 % de titres francophones, dont 25 % au moins du total
provenant de nouveaux talents ;
3° alinéa abrogé ;
4° La part du chiffre d'affaires consacrée à l'acquisition des droits de
diffusion d'oeuvres cinématographiques d'expression originale française
;
4° bis Les dispositions propres à assurer le respect de la langue
française et le rayonnement de la francophonie ;
[...]
|
On peut consulter un texte plus complet de cette loi
en cliquant ICI,
s.v.p.
Notons que l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ne
s’applique qu’aux radios privées et qu'il n'est pas applicable à Radio-France.
Toutefois, l’article 30 de son Cahier des missions et
des charges lui prescrit de donner dans ses programmes de variétés
une place majoritaire à la chanson d'expression originale française et de
s'attacher à la promotion de nouveaux talents:
Article 30
Dans
ses programmes de variétés pris dans leur ensemble, la société donne une
place majoritaire à la chanson d'expression originale française et
s'attache à promouvoir les nouveaux talents. |
5.2 Les messages publicitaires
Quant à l'article 41, il impose l'obligation de diffuser
les messages publicitaires en français:
Article 41
Les
messages publicitaires sont diffusés en langue française. |
L'article 99 du
Cahier des missions et des charges de la société
Radio-France encourage ladite société
à promouvoir les échanges et la production commune de
programmes avec les organismes de radiodiffusion sonore des autres pays
francophones membres de la communauté:
Article 99
La
société participe aux activités de la communauté des radios publiques de
langue française. Elle acquitte sa part des dépenses de fonctionnement de
cette communauté.
Elle
tend à promouvoir les échanges et la production commune de programmes
avec les organismes de radiodiffusion sonore des autres pays francophones
membres de la communauté. |
En ce qui a trait aux territoires
d'outre-mer (DOM-TOM), le Cahier des missions et des
charges de Réseau-France outre-mer (RFO) fait aussi allusion «à la
promotion et à l'illustration de la langue française». Voici ce qu'énonce
l'article 7 du décret n° 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier
des missions et des charges de la Société nationale de programme Réseau France
Outre-mer (JO-28/03/93-p.5146):
Article 7
La société contribue à la
promotion et à l'illustration de la langue française dans le respect des
recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Elle veille à la
qualité du langage employé dans ses programmes. |
Soulignons que la directive n° 89/552/CEE,
dite «Télévision sans frontières» (TVSF), du 3 octobre 1989 fixe le cadre
réglementaire général pour l’exercice des activités de radiodiffusion
télévisuelle dans l’Union européenne. Cette directive comprend également des
objectifs culturels. Un temps de diffusion majoritaire doit être consacré à la
diffusion des œuvres européennes «chaque fois que cela est réalisable», pour
encourager leur production et leur diffusion. Sous certaines conditions, des quotas
linguistiques sont autorisés, mais uniquement pour les organismes de
radiodiffusion non télévisuelle qui relèvent de la compétence de l'État qui les
fixe.
Étant donné que le français constitue une grande langue de communication,
le maintien de son statut international reste un des objectifs de la politique
actuelle du gouvernement français. Il n’en demeure pas moins qu’une
politique linguistique si ambitieuse sur le plan international demeure rare dans
le monde. Ce statut est un atout précieux pour la France et c’est pourquoi le
gouvernement tient à le conserver, tant à l'intérieur des organisations
internationales que dans le cadre de la société de l'information. Cinq
éléments de politique ont été privilégiés. Voyons ce qu’il en est à cet
égard.
6.1 Les instruments et les travaux de terminologie
Le gouvernement français poursuivre la mise en place d'une politique
active de constitution de réseaux dans le domaine de la terminologie
et dans celui des ressources linguistiques. Ces instruments étant
créés, ils permettront le développement en français
des industries de la langue et des nouvelles technologies de l'information.
Le gouvernement français considère que le développement
et la diffusion des travaux de terminologie conduits par les commissions
ministérielles sont nécessaires à la fois pour donner
au français langue les lexiques indispensables à l'expression
des réalités de notre temps et pour favoriser le plurilinguisme
en dotant les traducteurs et les techniciens des outils dont ils ont besoin.
Animée par la Délégation générale, cette
politique est conduite en liaison étroite avec la communauté
francophone et, en tout premier lieu le Québec, mais aussi l'Union
européenne et les pays de langues latines.
Les travaux de terminologie doivent être réalisés
par des groupes d'experts, sous l'impulsion des différents ministères.
Ils doivent ensuite harmonisés par une commission générale
de terminologie et soumis à l'approbation de l'Académie française
avant d'être publiés. Dorénavant, les termes doivent
désormais être accessibles sur Internet, à partir du
serveur du gouvernement, dès la phase initiale des réflexions.
Les francophones pourront ainsi mieux participer aux travaux conduits dans
les commissions et les traducteurs disposeront très rapidement des
équivalents français aux mots nouveaux qu'ils rencontrent.
Les industries liées au traitement informatique du langage sont
considérés comme un passage obligé pour assurer la
place du français dans la société de l'information
et il faut, parallèlement, favoriser le développement de
contenus multimédia en français.
6.2 La place du français dans les instances internationales
Même si le français jouit dans la plupart des organisations
internationales d'un statut juridique privilégié, il semble
que cette situation tende à s'affaiblir en raison d'un contexte
politique souvent défavorable à l'emploi du français.
Face à cette évolution préoccupante et pour répondre
à l'attente de la communauté francophone, une politique globale
est mise en oeuvre qui vise:
- à faire respecter le statut juridique du français
en intervenant systématiquement pour dénoncer les dérives
constatées;
- à sensibiliser les fonctionnaires français
en poste dans les organisations internationales;
- à développer les formations en français
des fonctionnaires internationaux.
6.3 La diffusion de la pensée scientifique et technique
Pour le gouvernement français, le recul du français dans
la vie scientifique est préoccupant: l'internationalisation de la
recherche fait de l'anglais la langue de communication privilégiée
et, trop souvent, imposée, même sur le territoire français,
pour l'évaluation des chercheurs, les publications, les colloques
et congrès.
Pour faire face au problème de la diffusion de la recherche en
français, la mise en oeuvre d'une politique interministérielle
a été jugée nécessaire: soutien aux publications
scientifiques, développement d'outils linguistiques et terminologiques
adaptés, création d'un réseau des chercheurs étrangers
accueillis en France.
6.4 La
Cité internationale de
la langue française
|
La Cité internationale de la langue
française, inaugurée en 2023 par le président
Emmanuel Macron, est un
lieu culturel entièrement consacré à la langue française et aux
cultures francophones. Elle est située dans le château de
Villers-Cotterêts, le lieu même où le François Ier a
signé la célèbre
ordonnance de
1539 rendant obligatoire l'usage du français dans les actes de
l'administration et de la justice en France. |
Le parcours d'exposition est fruit
d'une réalisation collective et a mobilisé de nombreuses expertises :
linguistes, historiens, auteurs, etc. Plusieurs partenaires y ont
contribué, dont la Délégation générale à la langue française et aux
langues de France (DGLFLF) du ministère de la Culture, TV5 Monde, Radio
France internationale, l'Organisation internationale de la francophonie,
la Fédération internationale des professeurs de français, le festival
des Francophonies, la Bibliothèque nationale de France, l'Académie
française, le musée du Louvre, la Comédie française, le Musée de la
civilisation de Québec, etc.
La Cité internationale de la langue
française, dont un espace a été titrée «Salle Québec», permet de faire
connaître aux visiteurs de toutes origines la
Charte québécoise de la langue
française et ses aménagements linguistiques, ainsi que sa culture
francophone en Amérique du Nord. Il faut dire qu’à l’exception de la
France, le Québec est le seul autre État à avoir offert une contribution
financière. Par conséquent, l'Afrique francophone n'est pas présentée
dans ce lieu qui se veut «international» (Cité internationale de la
langue française).
Afin dassurer une place au français dans les instances internationales,
il semble illusoire de faire triompher le français aux dépens
des autres langues, ce serait laisser toute la place à langlais
et accepter luniformisation linguistique. Or, seule la promotion du plurilinguisme,
c'est-à-dire la reconnaissance de la diversité linguistique,
permet dassurer une place au français comme aux autres langues.
Le parcours d'exposition a mobilisé de nombreuses
expertises : linguistes, historiens, auteurs, etc. Plusieurs partenaires y
ont contribué, dont la Délégation générale à la langue française et aux
langues de France (DGLFLF), TV5 Monde, Radio France internationale,
l'Organisation internationale de la Francophonie, la Fédération
internationale des professeurs de français, le festival des Francophonies,
la Bibliothèque nationale de France, l'Académie française, la Comédie
française, le musée du Louvre, le Musée de la civilisation de Québec,
7.1 La promotion de la diversité
linguistique
La France a fait du plurilinguisme l'une de ses priorités. Ainsi,
l'Assemblée nationale a adopté, le 6 janvier 2004, une résolution sur
la diversité linguistique
dans l'Union européenne (voir
le texte). Par cette résolution,
l'Assemblée nationale affirmait (art.1) «son attachement à la
diversité linguistique et culturelle que consacre l'élargissement à dix pays» et
(art.2) «le droit de tout représentant du peuple de s'exprimer, en toutes
circonstances, dans sa langue maternelle [...]». Par conséquent, la France
(art.4) «s'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation
qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue». Enfin, elle (art.9) «appelle
à un signalement systématique des infractions linguistiques commises par les
institutions et organismes communautaires».
Par exemple, au sein de l'Europe, la France affirme se montrer particulièrement
attentive au respect des langues nationales des consommateurs et des citoyens
européens dans la diffusion des informations. Dans lenseignement,
la France veut promouvoir l'idée de l'enseignement de deux langues
vivantes étrangères à chaque jeune Européen.
La politique en faveur du plurilinguisme est également concrétisée
par des travaux de terminologie et de vocabulaires plurilingues, des efforts
en matière de traductions multilingues, des démarches engagées
pour le traitement informatique du langage.
7.2 Le traitement informatique
À ce sujet, il est apparaît urgent d'assurer au français
et aux autres langues un traitement informatique de qualité afin
que puissent être développés des outils de traduction
assistée par ordinateur, des outils de reconnaissance vocales, etc.
C'est à ce prix que le gouvernement français estime que le développement
des réseaux internationaux de communication respectera la diversité
culturelle et linguistique et les spécificités de chaque
langue. Il faut particulièrement veiller à ce que les langues
à caractères latins qui utilisent des signes diacritiques
(accents, cédille, tréma, etc.) ne s'en voient pas privées
lorsqu'elles circulent sur les réseaux dinformation, notamment
par lInternet. Cela suppose d'agir sur les normes dans le cadre européen
et international.
Selon la politique du gouvernement français, le français
sera d'autant plus fort qu'il s'inscrira dans un monde plurilingue. C'est
là le sens de la politique de la France en faveur du plurilinguisme,
en Europe, dans les organisations internationales et au sein même
de l'espace francophone.
La politique linguistique de ce pays à légard du français
sur le territoire national se révèle conforme à son
interventionnisme traditionnel. Plusieurs se demandent même ce qui pourrait menacer le français sur son territoire. Ce ne sont certainement
pas les Français parlant une langue régionale. En réalité,
la loi de 1994 est toute axée sur la défense du français
contre un envahisseur jamais nommé: langlais. En ce sens, la loi
française paraît légitime et on constate que dautres
pays ou États ont légiféré plus ou moins dans
le même sens. Il suffit de mentionner le Québec, mais aussi
la Catalogne, le Pays basque espagnol, lEstonie, la Lituanie, la Lettonie,
la Pologne, etc. On comprend davantage
une telle législation lorsquil sagit de petits États dont
certains ne sont pas souverains. Mais un grand pays comme la
France... Après tout, la moitié des États américains ont déjà
légiféré pour protéger l'anglais considéré comme... menacé.
Toutefois, il faut bien considérer que
la législation française en cache une autre. En fait, cette législation a permis
délaborer une politique linguistique très ambitieuse dont
on voit peu dexemples dans le monde: la place de la langue nationale au plan international. La France reste certes lun des rares États (avec
les États-Unis, le Portugal et l'Allemagne) à se positionner sur ce plan.
Cependant, l'attitude de l'ex-président Sarkozy sur la Francophonie apparut
moins ambitieuse que pour ses prédécesseurs. Sous sa gouverne,
la France semblait se détourner lentement de
la Francophonie, à pas feutrés. Ainsi,
le statut du français ne justifierait plus
une réallocation des moyens au sein de l’enveloppe de l’Organisation
internationale de la Francophonie (OIF); le français est peut-être le «socle
de la Francophonie», mais «pas sa raison d’être», et l’OIF n’a pas pour
vocation de devenir une «super Alliance française». Voilà qui restreint
passablement les ambitions de la politique française en matière d'expansion
du français dans le monde. Quant à son
successeur,
François Hollande, il hésitait à se rendre personnellement au
XIVe Sommet de la
Francophonie en octobre 2012 à Kinshasa, sous prétexte que la République
démocratique du Congo ne démontre pas une «réelle volonté de promouvoir la
démocratie et l'État de droit». Il avait peur de «se souiller» en
cautionnant ainsi le régime de Joseph Kabila. La Francophonie pouvait toujours
attendre.
Dernière mise à jour:
18 févr. 2024