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Saint-Barthélemy(France) |
Remarque: les sites portant sur Saint-Barthélemy et ressemblant au présent site sont tous des plagiats non autorisés de ce dernier. Celui-ci constitue le seul texte original et autorisé. |
L'île de Saint-Barthélemy (appelée aussi
Saint-Barth ou Sen Bart en créole) fait partie des îles Sous-le-Vent dans
les Petites Antilles.
D'une superficie de
21 km²,
elle est située entre l'île
Sint Maarten/Saint-Martin
et les îles St-Kitts et Nevis (Saint-Christophe-et-Niévès) au sud-ouest et
l'île de la Barbade au sud-est. Saint-Barthélemy est à
25 km à l’est
de Saint-Martin, une autre île française des Antilles, et à 200 km au nord-ouest
de la Guadeloupe.
Saint-Barth constitue un archipel, puisqu'il compte plusieurs îlots: île Chevreau, île Coco, île Fourchue, île Frégate, île de La Tortue, île Le Boulanger, Les Grenadins, Pain-de-Sucre, île Pelée, île Petit-Jean, île Toc Vers. L'île principale, Saint-Barthélemy, fait environ 10 km de long sur 2 km de large. La ville principale de l'île est Gustavia, la capitale. Les autres localités importantes sont Saint-Jean, Lorient et Colombier. L'activité dominante de l'île est le tourisme de luxe, lequel s'appuie sur des infrastructures hôtelières adaptées à une clientèle en principe fortunée. |
Au 15 juillet 2007, le statut de Saint-Barthélemy a été modifié. Alors que l'île de Saint-Barthélemy était jusqu'alors une sous-préfecture et la 23e commune du département d'outre-mer de la Guadeloupe (DOM) — l'île faisant partie de l'arrondissement des îles du Nord —, elle est devenue une collectivité d'outre-mer (COM).
Il existe deux zones géographiques différentes dans l'île de Saint-Barthélemy. À l'ouest, c'est la paroisse «Sous le Vent», un secteur étroit et relativement escarpé, voué surtout à la pêche et aux activités de subsistance. La paroisse «Au Vent» à l'est correspond à un secteur offrant des zones plus favorables à l'agriculture et bénéficiant d'une pluviosité plus abondante; c'est dans cette zone que furent tentées les expériences de cultures agro-industrielles, voire strictement industrielles (comme les Salines).
Le drapeau de Saint-Barthélemy est blanc avec les armoiries de l'île au centre, ce n'est pas un drapeau officiel (seul le tricolore est officiel), mais celui de la commune de Gustavia. Les trois fleurs de lys rappellent que l'île fut française de 1648 à 1785, même si elle le fut à nouveau en 1878. La croix de Malte évoque la possession de l'île par l'Ordre de Malte de 1651 à 1665; les trois couronnes, la possession de l'île par la Suède de 1785 à 1878. Le pélican est devenu un emblème de l'île, de même que l'iguane (Ounalao). Les armoiries ont été adoptées le 9 décembre 1977 par délibération municipale. Malheureusement, sur l'île, il ne reste probablement encore moins de pélicans que d'iguanes!
Par ailleurs, le Conseil européen a accepté, le 29 octobre 2011 à Bruxelles, à la demande du président de la France, que Saint-Barthélemy devienne un «Pays et territoire d'outre-mer» (PTOM), bénéficiant de ce fait d'un statut d'associé aux États membres de l'Union européenne. Saint-Barthélemy, collectivité d'outre-mer dans les Antilles françaises, cessera donc d'être considérée à partir du 1er janvier 2012 comme une région ultrapériphérique de l'Union européenne.
Les quelque 8400 habitants de Saint-Barthélemy constituent un cas particulier dans les Antilles: c'est une «île de Blancs» (peut-être à 90 %?), car la population noire y est largement minoritaire (peut-être moins de 10 %, rien n'est sûr), principalement basée à Gustavia. Les habitants s'appellent eux-mêmes par Saint-Barths, parfois même Babaths, mais il est possible d'utiliser également les gentilés Saint-Barthinois ou Barthéloméens (inconnus dans l'île). Il existe un village au Québec du nom de Saint-Barthélemy (dans la région de Lanaudière); ses habitants
sont désignés comme des «Saint-Barthélemiens». Cependant, il n'y a pas de lien historique entre les deux toponymes, puisque que la dénomination québécoise provient du nom de Barthélemy Joliette (1789-1850), un industriel responsable de la fondation de la ville de Joliette, dont l'action a considérablement contribué à la croissance de la région. Pour l'île de Saint-Barthélemy, c'est Christophe Colomb qui, en 1493, lui aurait donné le nom de son frère, San Bartolomeo, lequel sera simplement transposé en français par la suite en Saint-Barthélemy.L'île de Saint-Barthélemy est habitée en majorité par les descendants des colons normands, bretons, poitevins, saintongeais et anjevins, la plupart originaires de l'île de Saint-Christophe, alors qu'elle était une possession française. L'île compte aussi un nombre important de Métropolitains et quelques centaines d'étrangers, surtout de riches Américains disséminés un peu partout dans l'île.
2.1 La population
Les chiffres officiels concernant la population de l'île semblent particulièrement difficiles à obtenir. Cependant, il existe des chiffres à propos des inscriptions sur les listes électorales. En 2005, l'île comptait quatre bureaux de vote, dont la répartition pourrait servir à titre indicatif pour la distribution géographique des habitants :
Bureau de vote n°1 : Gustavia, avec 1142 inscrits (27,4 %);
Bureau de vote n°2 : Lorient («Au Vent»), avec 1098 inscrits (26,3 %);
Bureau de vote n°3 : Colombier («Sous le Vent») 995 inscrits (23,9 %);
Bureau de vote n°4 : Lorient («Au Vent»), avec 927 inscrits (22,2 %);
Le total de 4162 indique le nombre des adultes saint-barths inscrits sur les listes électorales. En principe, il conviendrait d'ajouter un pourcentage variant entre 8 % et 10 % pour les individus âgés de zéro à 17 ans, ce qui donnerait une population maximale de 4600 habitants, auxquels il faudrait ajouter les étrangers et, bien, sûr les non-inscrits de 18 ans ou plus. Dans les faits, le recensement de 2007 fait état de 8450 habitants.
On distingue trois grandes concentrations à partir des listes électorales : 27,4 % pour Gustavia, 23,9 % pour la paroisse «Sous le Vent» et 48,5 % pour la paroisse «Au Vent». Compte tenu que Gustavia est située dans la zone ouest, on peut déduire que les deux secteurs ont des populations à peu près équivalentes: 51,3 % à l'ouest et 48,7 % à l'est.
2.2 Les langues
Jusqu'à une époque relativement récente (fin des années soixante-dix), les Saint-Barths se répartissaient selon un nombre impressionnant de sept langues et/ou de variétés linguistiques :
un «patois archaïque» dans le quartier de Corossol et de Flamand, originaire des parlers dialectaux des premiers colons blancs;1)
Dans un espace aussi réduit, une telle variété de «langues» semble extrêmement rare. C'est le linguiste québécois Gilles R. Lefèbvre qui a décrit ainsi en 1976 les parlers de l'île. Cependant, la situation a considérablement évolué depuis cette époque, et les «natifs» de Saint-Barth ne distinguent plus entre eux, grosso modo, que trois grands groupes linguistiques :
1) la variété française patoisante dans la partie ouest (paroisse «Sous-le-Vent»):
2) la variété créole dans la partie est (paroisse «Au Vent»).
3) l'anglais de Gustavia (ou ce qui en reste).
Entre ces deux zones de français patoisant et de créole, les habitants des quartiers du centre de l'île (Saline, Lurin et Saint-Jean) parlent plutôt le français, mais c'est un français archaïsant qui se différencie légèrement des deux autres parlers. À Gustavia, c'est le français standard (avec les Métropolitains) ou l'anglais (avec les touristes ou les Noirs, et un bon nombre de Blancs locaux). Julianne Maher («French and Creole on St. Barth and St. Thomas») estimait en 1997 le nombre des locuteurs à environ 500 à 700 pour le patois à l'ouest et à 600 à 800 pour le créole à l'est. Mais comme la population totale de l'île était d'environ 6000, il resterait quelques milliers de locuteurs pour le français archaïsant et/ou standard au centre. Soulignons que la population de l'île était, en 2007, de 8400 habitants. Étant donné qu'aucun recensement linguistique n'a été effectué dans l'île, il ne s'agit là que d'approximations et d'hypothèses quant au nombre réel des locuteurs. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que le nombre des locuteurs est plus ou moins identique selon les variétés linguistiques, sauf pour l'anglais de Gustavia, dont le nombre est d'environ 200 locuteurs, essentiellement des Noirs.
Presque tous les habitants natifs de Saint-Barthélemy connaissent le créole, soit comme langue maternelle ou comme langue véhiculaire, alors que le «patois
» n'est parlé comme langue maternelle que par une partie de la population (à peine le tiers). Une autre particularité de Saint-Barthélemy, c'est que la présence du créole n'est pas un phénomène propre à la population noire, très minoritaire sur l'île, mais bien celui de la population blanche, largement majoritaire. En général, les langues véhiculaires sont le créole, le français et/ou l'anglais, selon les destinataires (insulaires, métropolitains, touristes, etc.) et les lieux (campagnes, Gustavia, etc.).2.1 Le patois
Le
«patois» — issue de l'apport du français populaire des XVIIe et XVIIIe siècles — contient de nombreux mots et expressions empruntés au vocabulaire des marins et des pêcheurs français, bretons, normands, poitevins, etc. Il en est ainsi des emprunts particuliers des Saint-Barths dans la mesure où c'est le résultat du type de relations commerciales et économiques avec les îles voisines, dont la plupart sont anglophones. Il faut tout de même comprendre que le patois de Saint-Barthélemy n'est pas homogène et qu'il diffère légèrement selon les quartiers.Ces différences se manifestent essentiellement aux niveaux phonétique et lexical. Par exemple, selon la variété, la forme en -oi [wa] est prononcée soit [wè] (avoir: [awèr]; voile: [vwèl]; étoile: [étwèl]), soit [wé] (moi: [mwé]; toi: [twé]. Ces prononciations sont aussi employées par les Québécois, les Acadiens et les Louisianais cadiens.
Les champs lexicaux les plus caractérisés par les archaïsme sont les domaines des activités maritimes (pêche et construction de bateaux), de l'habillement, de l'artisanat et les métiers de l'habitation. En voici quelques exemples: les breuilles d'un poisson («viscères»), ébreuiller («éviscérer»), calèche (coiffure féminine), capote (coiffure féminine), quichenotte (coiffure féminine), tiller («fendre la paille en brins»), maçonne («ouvrage bétonné»), la grante-eau («le large»), hivernage («période des cyclones»), carreau («fer à repasser»), etc. Mentionnons quelques exemples du vocabulaire archaïsant (patoisant), rapportés par une équipe d'enseignantes des classes maternelles et primaires de l'école Sainte-Marie de Colombier:
case = maison | couche = lit | ermouère = placard | fourno = table de travail |
cuzine = cuisine (phon.) | balié = balai (phon.) | stob (masc.) = cuisinière | chéde = terrasse |
cabinet(s) = wc | futailles = casseroles | plancher = parquet | seuil = entrée |
Mais le patois de Saint‑Barthélemy n'est pas uniforme. Selon les quartiers, on dira, par exemple pour «c’est mon mari» : «sé mon mari» ou «sé mon nome» ou encore en patois créolisé «sé mari an-mwen» ou «sé nome moin».
Il existe beaucoup d'autres exemples, mais il faut constater surtout le maintien d'archaïsmes lexicaux et phonétiques parfois utilisés dans d'autres colonies de l'époque, par exemple, la Guadeloupe, Haïti ou même le Canada, avec ou sans variantes. Ainsi, au Canada, le placard peut être appelé une
«armouère» [armwèr], de même que plancher pour «parquet» et cabinet(s) pour «wc» ou «toilettes». Le mot «balié» peut aussi être utilisé comme verbe dans «balier» (au sens de «balayer»). Quant au mot «chéde», il est employé sur tout le territoire québécois, mais il se prononce [chèd] et provient de l'anglais shed pour désigner un «hangar» ou une «remise», c'est-à-dire un local sans aménagement particulier destiné à protéger du matériel ou des marchandises. Bref, il est rare que des archaïsmes ne soient employés que dans une seule région, contrairement aux créations lexicales, aux régionalismes et aux emprunts. Le patois de Saint-Barthélemy est surtout parlé dans la zone «Sous le Vent».2.2 Le créole
Pour ce qui est du créole, c'est quelque peu différent, bien que la base lexicale soit la même, le français populaire des XVIIe et XVIIIe siècles. Le créole est avant tout une langue parlée avec une grammaire semi-africaine et semi-française, l'écrit demeurant toujours un peu artificiel, mais dans lequel on peut y reconnaître l'influence française. Voici quelques exemples tirés de l'ouvrage de Calvet et Chaudenson, 1998), en patois et en créole:
Français standard | Patois français | Créole de Saint-Barth |
1. La marchande
vend des bananes. 2. Bonjour, comment vas-tu? 3. Il fait chaud. 4. Où va-t-il? Il va travailler. 5. Je serais venu si tu m'avais appelé. 6. Est-ce que vous voulez marcher un peu avec moi? |
1.
La marchand é ki van dé fig. 2. Bonjour, kommank t é? 3. I fé cho. 4. Oti ki é ki va? I é ki va travayé. 5. J'oré été venu si tu mavé kryé. 6. Tu veu marché ène béké/pu avek moin? |
1.
Marchan la ka vann fig. 2. Koman ou yé? 3. Ka fé cho jordi. 4. Koté kalé? I kalé travay. 5. Moin té ké vni si ou té kryé moin. 6. Ès ou voulé marché en tu brin/peu avèk moi? |
Historiquement, le «patois» et le créole proviennent du même français, le français populaire oral des XVIIe et XVIIIe siècles. Jusque vers les années 1770, tous les Saint-Barths parlaient ce français qui s'est ensuite fragmenté en deux parlers: le patois dans la zone «Sous le Vent» et le créole dans la zone «Au Vent». En voici quelques autres exemples:
Français standard | Patois français | Créole de Saint-Barth |
1. Je travaille. 2. Vous demandez. 3. Il vient juste de dire. 4. Nous irons nous baigner. |
1.
J'suis ki travay. 2. Vouszot demand. 3. I vyen jus ddir. 4. On va bényé. |
1.
Moin ka travay. 2. Zot ka mandé. 3. I sorti dir. 4. Nous kalé bényé. |
Le patois et le créole de Saint-Barthélemy partagent un lexique commun, une phonétique quasi identique, mais diffèrent par leur morphologie et leur syntaxe. Pour les familiers des créoles, celui de Saint-Barth est relativement similaire au créole martiniquais, ce qui n'exclut pas certaines différences parfois importantes.
Aujourd'hui, le créole de Saint-Barthélemy apparaît comme un «parler franco-antillais» différent à la fois du français métropolitain et du patois, resté très près du français. Cela étant dit, on peut distinguer dans l'île au moins deux variétés de créoles selon les quartiers de la zone «Au Vent»: le créole «pur» (appelé aussi créole «sec») et le créole «francisé». Dans la zone «Sous le Vent», on note des différences entre le patois créolisé et le patois proprement dit. Mais le créole et le patois forment une sorte de continuum linguistique de telle sorte qu'il n'est pas toujours aisé de distinguer la frontière entre le patois et le créole, même si l'on peut discerner des différences et des prépondérances pour chacun des ensembles. C'est que la variété créolisante de la zone «Au Vent» compte ses propres caractéristiques de français patoisant ou archaïsant, voire du français standard. De plus, le patois de la zone «Sous le Vent» présente de fortes influences du créole, ce qui rapprocherait ce français particulier (franco-patois) du «néo-créole». Avec le temps, le patois a eu tendance à se créoliser, le créole, à se «décréoliser».
2.3 Le français
Le français, dans sa forme standard, est une langue qu'on apprend à l'école et qu'on entend le plus souvent à la télévision ou à la radio. Quant au français parlé par les Saint-Barths, il est perçu comme un «vieux français» généralement «mélangé» avec des mots patois, créoles ou même anglais. Certains trouvent que leur français est «déformé» et qu'il est plein de «fautes». Bref, le français parlé à l'île, comme c'est aussi le cas du français du Québec, est caractérisé par un fort particularisme linguistique, c'est-à-dire un net régionalisme — on dirait «provincialisme» en France — se manifestant dans son système phonétique et lexical, fruit de son évolution sociohistorique en vase clos (un isolat socioculturel).
Par ailleurs, les Saint-Barths ont également créé un certain nombre de termes qui leur sont propres ou encore des termes avec des extensions de sens. Cette créativité a pris la forme de plusieurs innovations, que ce soit dans les domaines de la navigation, de la flore, de la faune, des réalités naturelles et géographiques: embarquer («sortir d'un véhicule»), débarquer («sortir d'un véhicule»), amarrer («arracher»), pomme raquette («fruit du cactus raquette»), pois zyeu nouèr, pois beaucoup-sous, pois savon, tomate bâtarde («qui ressemble à une tomate»), balata («arbre à bois dur»), zan-noli («petit lézard»), boursi («action d'hiverner»), baleine espadon («poisson dangereux»), etc. Beaucoup de noms de lieu ont été créés à partir de formes françaises: Grand-Cul-de-Sac, Petit-Cul-de-Sac, Colombier, Camaruche, Lorient, etc. On peut donc dire que les Saint-Barths ont créé leur propre outil linguistique et qu'ils ont été les artisans de leur langue française.
Dans l'ordre hiérarchique, le français est perçu comme plus prestigieux que le patois, lui-même senti plus positivement que le créole. Mais, dans tous les cas, les Saint-Barths s'identifient à leur patois et à leur créole, ensuite au français. Évidemment, le français de France est réputé «plus soutenu».
2.4 L'anglais
Précisons-le, l'anglais parlé par les insulaires n'est pas l'anglais standard, mais un anglais local appelé soit «anglais des îles» ou
«English islands», soit «broken English» («anglais cassé»), soit «St. Barth English», mais l'appellation la plus juste correspondrait à «anglais de Gustavia», puisque l'usage de l'anglais est historiquement limité à cette ville. Il s'agit d'un anglais très régionalisé parlé surtout par les Noirs plus âgés de Gustavia, soit environ 200 locuteurs. Ceux qui parlent l'anglais standard sont généralement des Américains qui résident dans l'île ou des Saint-Barths faisant office de restaurateurs, d'hôteliers, etc., ces derniers l'employant comme langue seconde. L'anglais standard influence néanmoins les parlers locaux des Noirs, qui empruntent largement des mots à cette langue au point que de nombreux termes anglais apparaissent dans le français des Saint-Barths.2.5 Le portugais et l'espagnol
L'île de Saint-Barthélemy accueille depuis quelques années une main-d'oeuvre étrangère provenant essentiellement du Portugal et du Brésil. Ces nouveaux immigrants parlent le portugais, parfois l'espagnol. Depuis au moins trois ans, l'Association Saint-B'Art, dédiée à la culture et au patrimoine, organise des cours de français destinés aux hispanophones et aux lusophones. Il ne semble pas être possible pour le moment de prendre connaissance des statistiques à ce sujet.
L'île était peuplée à l'origine par les Caraïbes (les Arawaks) et se serait appelée Ouanalao
(de ioüana-lao qui signifierait «iguane-dessus», «où il y a des iguanes», «là où on trouve l’iguane», comme à Sainte-Lucie), terme aujourd'hui inscrit sur le blason de Saint-Barthélemy. Quoi qu'il en soit, il n'est pas historiquement sûr que les Amérindiens aient appelé l'île Ouanalao, mais on est certain qu'elle fut, plus tard, découverte par Christophe Colomb en 1493, lors de son second voyage. Il lui donna le nom de son frère, San Bartolomeo (en français: Saint-Barthélemy), et la revendiqua pour l'Espagne. Mais les Espagnols ne s'installèrent pas dans l'île, trop petite pour l'exploitation agricole intensive.3.1 Le début de la colonisation française
Le désintéressement de l'île par les Espagnols permit aux Français de s'y installer et d'entreprendre une
première colonisation à Lorient en 1648, sur l'ordre
du commandeur Philippe de Longvilliers de Poincy (1583-1660), membre des
chevaliers de Malte,
un ordre destiné à la défense de l’archipel
de Malte afin de lutter contre les Turcs (voir
le site en cliquant ICI).
Cette poignée de Français (une cinquantaine), arrivés de Saint-Christophe (mais originaires de la Normandie pour les deux tiers), pratiquèrent l'agriculture, la pêche, l'élevage et le travail du sel. Toutefois, de violents affrontements eurent lieu entre les premiers occupants (les Caraïbes) et les colons français. En 1656, les Français furent attaqués par les Indiens et, en conséquence, ils préférèrent se replier sur l'île de Saint-Christophe jugée plus sûre. |
3.2 L'épisode des chevaliers de Malte (1651-1659)
En 1648, la Compagnie des Isles d'Amérique — dont dont les statuts prévoyaient la fondation d'établissements dans toutes les îles d'Amérique qui n'étaient pas encore occupées par les «rois chrétiens» ainsi que la «conversion des Sauvages» à la religion catholique apostolique et romaine — était en faillite. L'île de Saint-Barthélemy fut mise en vente et Philippe de Longvilliers de Poincy s'organisa pour que l'Ordre de Malte achète (pour 120 000 livres) Saint-Barthélemy en 1651. Il restera gouverneur jusqu'à sa mort, survenue en 1660, alors que l'Ordre de Malte avait abandonné l'île dès 1656. Les habitants y avaient développé davantage la flibuste et la pêche que la culture du coton ou de la canne à sucre.
Il n'y a que peu à dire de cette période, sauf que le français a continué d'être utilisé par les autorités et qu'il était parlé dans sa forme populaire par les insulaires.3.3 Le retour à la France (I)
L'île fut reprise en 1659 par les Français sur l'ordre du ministre Colbert. Lorsque le gouverneur Philippe de Longvilliers de Poincy
décéda en 1660, un neveu de ce dernier fut nommé pour le remplacer. Les descendants des premiers colons français déjà installés continuèrent d'exploiter l'île, mais pour la France elle n'avait de valeur que comme une éventuelle monnaie d'échange (environ 500 000 livres). Les habitants eurent donc une grande liberté dans l'administration de Saint-Barthélemy.En 1666, les Saint-Barths furent «invités» manu militari à occuper les terres de la partie britannique de l'île de Saint-Christophe reprise par les Français. Plus de 700 Irlandais furent évacués de Saint-Christophe vers Saint-Barthélemy. Cependant, cet «échange» de population ne semble pas avoir eu de suite, car la plupart des colons français revinrent dans leur île que les Irlandais durent abandonner. Bref, les colons français venus à Saint-Barthélemy à cette époque sont toujours arrivés de l'île Saint-Christophe, non de France. La langue qu'ils parlaient n'était pas le créole, mais un français commun régionalisé et marqué par quelques traits de créolisation.
Au recensement de 1671 (mentionné dans l'étude de Nault et Mayer), on dénombrait dans l'île 290 Blancs et 46 esclaves (14 %), ainsi que de quelques Noirs affranchis. Selon ces mêmes auteurs, le «groupe fondateur» de l'île était déjà constitué en 1681 à partir de trois familles pionnières (les Gréaux, les Aubin et les Bernier), auxquelles se greffèrent trois autres (les Questel, les Laplace et les Lédée) arrivées entre 1681 et 1687. Ce sont eux qu'on appelle les «les éléments irréductibles du vieux noyau Saint-Barth». En 1681, près des deux tiers des familles blanches de l'île ne possédaient aucun esclave; deux propriétaires possédaient le tiers des esclaves.
Quant aux esclaves, ils correspondaient généralement pour les colons de l'île à une sorte de «domestiques» devant compenser pour l'absence d'engagés ou d'ouvriers agricoles. Non seulement ils n'étaient pas des «bêtes de somme» comme dans les autres îles des Antilles, mais ils habitaient avec leurs maîtres, et les femmes étant plus nombreuses que les hommes. La plupart des esclaves vivaient dans l'est de l'île (zone «Au Vent», propice aux activités agricoles) et parlaient un français créolisé, alors que ceux qui habitaient l'Ouest (zone «Sous le Vent») parlaient surtout le «patois» français.
Jusqu'au traité d'Utrecht de 1713, la France se montra réticente à peupler l'île de colons d'origine française. La colonie de Saint-Barthélemy se développa malgré tout, mais ce fut davantage à cause de l'obstination des Saint-Barths à occuper leur île. Néanmoins, ce développement fut toujours freiné par les guerres incessantes entre la France et la Grande-Bretagne. En 1744, les Britanniques occupèrent Saint-Barthélemy, ce qui eut pour effet de faire évacuer presque toute la population par des corsaires anglais. En 1750, il ne restait plus que 30 «hommes portant armes» et cinq esclaves. En 1763, Robert-Germain Coquille, conseiller au Conseil supérieur de la Guadeloupe et procureur général, écrivait en faisant allusion à la guerre de 1744:
L'isle de Saint Barthélemy est petite et abandonnée. Pendant la guerre de 44, elle fut ruinée par les Anglais qui prirent le peu de Nègres qu'avaient les habitants [...] . Ces deux dernières (Saint Martin et Saint Barthélemy) ont encore des bois, même de gayac, et seront d'un assez bon rapport en café, coton et vivres; elles ont des salines de sel blanc qui, à faute d'autre, peut servir aux salaisons des choses qui se consomment en peu de temps. Elles peuvent être utiles aux grandes isles en y fournissant les moutons, cabris et volailles [...]. Ces deux isles pourraient aussi servir à élever des bêtes à cornes, dont les grandes isles ont un très grand besoin [...]. |
Autrement dit, Saint-Barthélemy était destinée à servir de «parc à volailles et à bestiaux» pour les «grandes isles». Les colons français et leurs esclaves ne revinrent qu'après le traité de Paris, alors que l'île de Saint-Barthélemy avait été restituée à la France (effectif au 1er mars 1764). Entre-temps, la France avait perdu le Canada, l'Acadie et la Louisiane, une grosse perte, la plus grosse de son histoire.
En 1765, Saint-Barthélemy comptait 258 Blancs et 113 esclaves (30 %). Le recensement de 1766 établissait la population à 327 habitants, dont 214 Blancs, 109 Noirs (en distinguant 69 nègres, 18 négresses, 22 négrillons et négrillonnes) et 4 Mulâtres. La quasi-totalité des esclaves provenaient de Saint-Christophe, de la Martinique et de la Guadeloupe, et ils parlaient le créole de leur île.
Dans un «Mémoire» du 26 février 1784 rédigé par le gouverneur Claude Charles de Marillac, vicomte de Damas (successivement gouverneur de Saint-Martin, de la Guadeloupe, puis de la Martinique), on trouve cette opinion sur l'île Saint-Barthélemy: «Cette isle n'est qu'un morne entièrement dégradé où les habitants ne trouvent plus les moyens de subsister et dont la population diminue considérablement.» Saint-Barthélemy, cette petite montagne arrondie et isolée (ce qu'on appelle un morne) au milieu de la mer des Caraïbes, était donc destinée à devenir en principe un parc à volailles et à bestiaux, ce qui parut sans intérêt pour la France. La même année, Charles Gravier, comte de Vergennes (1719-1787) et ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, proposa au roi d'échanger l'île afin de pouvoir installer un entrepôt commercial dans le port de Göteborg en Suède.
3.4 La période suédoise (1784-1878)
Louis XVI vendit
l'île de Saint-Barthélemy au roi de Suède, Gustave III ou plutôt l'échangea
contre un droit d'entrepôt à Göteborg (Suède). Gustave III était francophile et
entretenait des relations privilégiées avec la France (du moins jusqu'à la
Révolution française de 1789). C'est même grâce à un coup d'État financé
par la France que Gustave III avait pris le pouvoir en 1771. Connaissant mieux le français que
le suédois et grand admirateur de Voltaire, Gustave III lisait
dans leur version originale française les philosophes des Lumières. L'étiquette
de la cour de Suède était une transposition de celle de Versailles, et on s'y
habillait à la française. Ayant reçu une éducation française,
Gustave III fut le plus francophile des rois de Suède.
Régnant en «despote éclairé», Gustave III encouragea l'enseignement primaire et améliora la condition paysanne. Au moment de son accession au trône, la Finlande était annexée à la Suède. Pour Gustave III, l'acquisition d'un territoire «français», ne fusse qu'une petite île comme Saint-Barthélemy (Sankt Barthélemy en suédois), ne pouvait que le combler de satisfaction. |
Dans l'espoir de rentabiliser sa nouvelle acquisition, le
roi de Suède déclara que l'île de Saint-Barthélemy serait exemptée de toute
taxe (port franc). En réalité, ce fut la ville de Gustavia et son port
(appelé encore à l'époque Le Carénage) qui furent l'objet de toutes
les attentions de la part de la nouvelle Métropole. Le port devint
une base de ravitaillement sur le chemin des Indes occidentales, un gîte
privilégié de la piraterie et un centre d'accueil pour des milliers de navires.
Sa rade naturelle, toujours protégée de la houle, en fit l'un des mouillages les
plus sûrs de toutes les Antilles.
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On sait
aussi que, dès le moment de l'acquisition en 1784, la Couronne suédoise
dut donner à la population de Saint-Barthélemy des garanties pour
maintenir le système esclavagiste en vigueur dans l'île qui se trouvait
au centre du commerce des esclaves.
La Suède se trouvait
ainsi responsable d'une «colonie esclavagiste», mais elle avait déjà pratiqué la
traite négrière lors de la colonie de la
Nouvelle-Suède
(1638-1655). La Suède se réadapta rapidement en appliquant des règlements
similaires à ceux des îles britanniques, françaises, hollandaises et
danoises. Jusqu'à la prise de
possession par les Suédois, les esclaves de Saint-Barthélemy
furent soumis à l'équivalent
du fameux
Code noir,
l'ordonnance de Louis XIV destinée à réglementer et à tempérer le régime de
l'esclavage, et précisant les devoirs des maîtres et des esclaves.
En fait, ce code a été substitué en 1787 par un «Code noir suédois», l'Ordonnance de police de 34 articles rédigé tout d'abord en français (30 juin), puis en anglais (30 juillet) par le gouverneur de Saint-Barthélemy de l'époque, Pehr Herman von Rosenstein (1787-1790). Comme il faut s'y attendre, l'ordonnance de von Rosenstein ne contient aucune disposition d'ordre linguistique. À l'instar de la France, ce code était surtout destiné à protéger la minorité blanche des rébellions possibles de la part des esclaves. En 1804, le gouverneur Anckarheim a cru nécessaire de rééditer le code original dans son rapport sur Saint-Barthélemy, soit 17 ans après sa première promulgation. |
Dans son ouvrage Saint-Barthélemy à l'époque suédoise, Per Tingbrand rapporte le témoignage d'Axel Theodor Goës, un médecin suédois en poste à Saint-Barthélemy de 1865 à 1870. Celui-ci rappelle le cas de l'un des tout premiers Suédois à s'établir à Gustavia en 1785, Adolf Fredrik Hansen, qui aurait exercé un métier lucratif dans le commerce des esclaves: «Il fit de bonnes affaires dans le commerce d'esclaves, affrétant pour cela ses propres bateaux. Il avait sa baraque d'esclaves sur le quai est, dans le quartier Kranglet ou Drottningen. Le commerce était rentable, comme le montre son grand livre de comptes qui est encore conservé avec son chiffres d'affaires annuel d'un demi-million de piastres.» Bref, pour un Suédois débutant dans le commerce des esclaves, il avait dû apprendre très rapidement les règles du métier! Dans un rapport d'un médecin de l'époque suédoise, il est mentionné que l'iguane (Ouanalao) constituait souvent la nourriture des esclaves à Saint-Barthélemy.
- L'apparition du patois et du créole
À partir du tout début du régime suédois, l'île connut une véritable explosion démographique. Dès 1785, la population de l'île était passée à 542 Blancs et 408 esclaves (43 %), et ce n'était que le commencement. C'est alors qu'apparut le créole de Saint-Barthélemy, un créole importé d'abord de la Martinique (55 %), puis de la Guadeloupe (10 %). Cependant, des Français de Saint-Barthélemy émigrèrent vers l'île de Saint-Thomas, alors sous juridiction danoise. À partir de 1792, le port de Le Carénage fut appelé Gustavia, en hommage à Gustave III de Suède (1771-1792), qui avait été assassiné, le 16 mars 1792, lors d'un complot fomenté par la noblesse, à l’Opéra royal de Stockholm; le roi s'apprêtait à intervenir contre la Révolution française. Atteint d'un coup de pistolet, Gustave III s'est écrié en français, en désignant son assassin: «Ah! Je suis blessé, tirez-moi d'ici et arrêtez-le!» Son fils, Gustave IV Adolphe (1778-1837), lui succéda, mais il sera déposé par un coup d'État en 1809, après la perte de la Finlande donnée à la Russie.
Au recensement de 1812, la population de Saint-Barthélemy comptait 5482 habitants (dont 3881 seulement à Gustavia). De ce nombre, 2406 (soit 43,8 %) étaient des esclaves et 1128 (soit 20,5 %) étaient comptabilisés dans la catégorie «libres». Les quelque 900 blancs d'origine française et catholique poursuivirent leurs activités dans les campagnes, délaissant la ville de Gustavia laissées aux étrangers. C'est aussi à partir de ce moment que le français des colons se transforma en deux variétés: un français patoisant à l'ouest (zone «Sous le Vent») et un créole à base française à l'est (zone «Au Vent») amené par les Noirs parlant déjà le créole martiniquais. N'oublions pas que les Saint-Barths n'étaient plus en contact avec la France, car ils vivaient «en terre suédoise»; leur français avait alors toutes les chances d'évoluer différemment. De fait, les pêcheurs de l'ouest de l'île développèrent leur «patois» archaïsant, alors que les exploitants agricoles de la partie est (zone «Au Vent») apprirent le créole de leurs esclaves. Au début, les Blancs du secteur «Au Vent» n'utilisaient le créole que comme langue véhiculaire afin de communiquer avec leurs esclaves. Puis, peu à peu, les Blancs de cette zone en vinrent à l'utiliser, eux aussi, comme langue maternelle. Par contre, les esclaves habitant le secteur «Sous le Vent» abandonnèrent rapidement leur créole pour le «patois des Blancs».
En somme, la division en deux secteurs de l'île a eu pour effet d'accentuer l'absence des contacts entre les deux groupes, les routes étant par surcroît presque inexistantes sur cette île montagneuse. Les divisions géographiques, professionnelles et sociales entraînèrent donc une division linguistique: le patois français à l'ouest, le créole à l'est. La particularité linguistique de ces deux parlers, créés à des époques différentes à l'origine, c'est que le patois et le créole sont tous deux une résultante du français populaire. Le créole est originaire de la Martinique, alors que le patois, plus tardif, a été élaboré à Saint-Barthélemy et il a lui-même influencé ultérieurement le créole de l'île.
- Le multilinguisme de Gustavia
Quant à la ville de Gustavia, elle se développa à l'écart des populations autochtones, françaises et noires. Les contacts entre les Français et les Suédois et autres étrangers demeurèrent rares et épisodiques. Non seulement Français et Suédois ne se sont pas mêlés, mais la présence suédoise a pu accentuer l'isolement des colons ainsi que la formation du patois et du créole. Français et Noirs partagèrent le même territoire rural dans la zone «Au Vent», jusqu'à la cohabitation. La colonie suédoise vécut une certaine période florissante en raison des nombreux bateaux voyageant dans les Caraïbes et faisant escale à Gustavia.
Le port de Gustavia attirait en plus des Suédois des milliers d'étrangers, notamment des Britanniques, des Hollandais, des Danois, etc. La ville devint très cosmopolite, multiconfessionnelle et multilingue. L'anglais et le français étaient les langues les plus couramment parlées dans la ville entre les négociants et les armateurs; suivait le suédois, parfois le néerlandais. C'est ce qui explique, entre autres, que le «Code noir suédois» fut rédigé en français et en anglais, et non en suédois, une langue moins véhiculaire.
Cela étant dit, une annonce (souvent intitulée «Avis»), parue en décembre 1814, indique clairement qu'on pouvait enseigner, dans les écoles de l'île, trois langues «aux enfants des deux couleurs et des deux sexes», soit le français, l'anglais et l'espagnol, un phénomène rarissime pour l'époque (en graphie originale):
Par
permission de Son Excellence Mr. le Gouverneur, Messieurs Bernard Tronchin et Joseph Boissel ont l'honneur de prévenir le public qu'ils ouvriront une école Collégiale pour les Enfans des deux couleurs et des deux sexes; le premiere but est de remplir les désirs des Pères et Mères sur demandes. Le deuxiéme sera celui de dits Sieurs par la Priére, Catéchisme, Répetitions de quelques Auteurs, l'Ecriture, l'Arithmetique, l'Histoire, la tenue des Livres en Français et en Anglais, la Théorie de la Musique, les Psaumes, les langues Française, Anglaise et Espagnole par principe, des Leçons en Ville. L'ouverture sera le 7 du courant dans la Maison No. 162, appartenante à Mr. Hancock. Decembre 6, 1814 |
Ce type d'avis semblait fréquent à Saint-Barthélemy. On peut en trouver plusieurs exemples. Il était possible de fonder des écoles privées et la langue d'enseignement pouvait être le français (surtout à la campagne), mais également à Gustavia l'anglais, l'espagnol ou le suédois.
Par ailleurs, la colonie suédoise s'est révélée très tolérante en matière de religion. En effet, Saint-Barthélemy comptait quatre confessions religieuses: l'Église catholique de France, l'Église suédoise luthérienne, l'Église anglicane et la Mission méthodiste de Wesley. Ces quatre communautés fonctionnaient chacune dans leur langue, soit le français, le suédois et l'anglais.
- L'esclavagisme tolérant de la Suède
Bien qu'à partir de 1815 la Suède eût interdit les navires négriers dans le port de Gustavia, certains navires marchands continuèrent le troc d'esclaves en abordant discrètement dans l'île Fourchue (voir la carte en 1, plus haut), à l'extrémité nord-ouest du territoire. Il faut préciser que la Couronne suédoise ne considérait pas la vente et l'achat d'anciens ou de vieux esclaves (les Créoles) comme faisant partie de la traite. Bref, la politique suédoise à l'égard de l'esclavage était plutôt ambiguë. En principe, elle était contre, mais dans la pratique elle fermait les yeux sur les commerces illicites auxquels se livraient certains résidents de Gustavia. S'il n'y a jamais eu de trafic massif d'esclaves à Saint-Barthélemy, il y a eu certainement du «troc» clandestin. De plus, il paraît évident que la politique suédoise à l'égard de l'esclavage était très tolérante et permissive dans sa non-intervention.
Vers 1830, la paix était revenue entre Français et Anglais, alors que les bateaux ne faisaient plus escale dans le port de Gustavia. La récession commença et la vie économique périclita. On assista alors à une émigration des colons vers les îles Vierges américaines, plus particulièrement l'île de Saint-Thomas (îles Vierges américaines). Pour les Suédois, la petite colonie de Saint-Barthélemy avait perdu tout intérêt et elle ne représentait plus qu'un poids économique. De plus, la population avait diminué du quart entre 1812 et 1819.
Selon Nault et Mayer, les esclaves qui vivaient à Saint-Barthélemy étaient concentrés entre les mains d'une petite minorité de la zone «Au Vent», tandis que la majorité des familles n'en possédaient qu'un deux ou trois, tous des domestiques. En 1840, quatorze familles (17 %) possédaient plus de la moitié du nombre total des esclaves. Une seule famille possédait à elle seule 10 % des esclaves. Le 28 mai 1836, le gouverneur James H. Haasum (1833-1858) écrivait ce qui suit à propos des esclaves:
Les habitants de cette colonie, loin de vouloir acquérir des esclaves étrangers, cherchent plutôt à se défaire de ceux qu'ils ont, considérant la nature précaire de cette espèce de propriété; d'ailleurs les esclaves ne sont point essentiellement nécessaires ici, où le sol est cultivé par les colons eux-mêmes. |
Dans un rapport de 1841, le gouverneur James H. Haasum, qui préconisait l'abolition de l'esclavage, écrivait que les esclaves travaillaient de 6 heures à 16 heures et qu'une coupure d'une heure leur était accordée pour la pause-déjeuner. Selon lui, les esclaves disposaient de tous leurs week-ends et pouvaient cultiver un jardin pour leur subsistance et même couper du bois. En somme, c'était le bonheur! Mais, en 1840, rares encore étaient les affranchis! On sait aujourd'hui que 55 % des esclaves provenaient de la Martinique, contre 10 % de la Guadeloupe, les autres étant originaires d'îles diverses (Saint-Christophe, Saint-Thomas, Saint-Vincent, etc.). Rappelons-le, les Suédois considéraient comme de «vieux esclaves» les Créoles, par opposition à ceux venus d'Afrique (les «bossales»). Ce sont les Noirs de la Martinique qui ont initialement introduit leur créole à Saint-Barthélemy, mais ce créole s'est ultérieurement modifié au contact du «patois» local français.
Ainsi, contrairement à certaines fausses croyances largement répandues à ce sujet, l'île de Saint-Barthélemy ne fut pas un «îlot vierge de tout asservissement». Bien que l'île ait échappé à ce qu'on peut appeler «l'esclavage industriel» ou ce qu'on appellerait sans doute aujourd'hui «l'esclavage de grande surface», l'esclavage de type «domestique» a tout de même existé sur une période s'étendant de l'arrivée des premiers colons français (au milieu du XVIIe siècle) jusqu'à l'abolition de l'esclavage au milieu du XIXe siècle, soit durant près de deux cents ans.
- L'abolition de l'esclavage
L'abolition de l'esclavage s'est effectuée à partir de 1846 par la Couronne suédoise et s'est étalée sur deux ans (jusqu'au 9 octobre 1847), le temps pour le gouvernement de racheter l'ensemble des esclaves à leurs propriétaires avant de les libérer, une opération qui aurait coûté plus de 30 000 dollars (''piastras'') espagnols au Trésor suédois (sur 97 000 dollars demandés). Au moment de l'émancipation des esclaves, il ne restait plus beaucoup d'esclaves à Gustavia, à peine 250.
Les recensements suédois à l'époque de l'abolition font état d'une population d'origine africaine égale en nombre à celle d'origine européenne. Après leur libération, on croit que les Noirs auraient progressivement quitté l'île, soit qu'ils auraient fui, soit qu'ils seraient partis avec leurs anciens maîtres en raison du déclin économique amorcé depuis quelques décennies. Selon l'historien Guy Lasserre, plus des neuf dixièmes des Noirs auraient quitté l'île dès 1847 et ceux qui sont restés auraient toujours vécu en marge de la société blanche, notamment à Gustavia. En 1854, la population d'origine africaine représentait encore 46 % de la population totale de Saint-Barthélemy. L'anthropologue Jean Benoist résume ainsi le processus (cité par Calvet et Chaudenson, 1998):
Les esclaves libérés par les Suédois en 1847 ont largement quitté l'île (vers Saint-Martin et Anguilla, semble-t-il). Quelques-uns se sont fondus au sein de la population de Gustavia et parfois, dans certains quartiers ruraux, mais pour l'essentiel leurs traces sont légères. Les contacts avec les îles anglaises voisines ont eu pour effet de lier les quelques centaines de Noirs de l'île avec les populations noires et protestantes de ces îles. |
Même si très peu de Noirs se seraient installés à la campagne, on en a retrouvé en 1853 et 1854 dans la zone «Au Vent», regroupés en ménages. De façon générale, jalouse de ses origines et de ses coutumes, la paysannerie blanche, pauvre par surcroît, aurait eu tendance à refouler les Noirs, surtout que les petites exploitations agricoles n'exigeaient guère de main-d'œuvre supplémentaire. Il demeure quand même évident que le métissage n'a pas épargné la campagne... compte tenu de la couleur basanée de certains Saints-Barths d'aujourd'hui.
Cela étant dit, même si la grande majorité des Noirs avait quitté Saint-Barthélemy après l'abolition de l'esclavage, le créole est resté parce qu'il était parlé aussi par les Blancs. Pour la suite de l'histoire, le créole de Saint-Barthélemy restera une «langue de Blancs».
- Le déclin
En 1852, des cyclones et un important incendie à Gustavia ont fait fuir temporairement la plupart des habitants. La situation économique ayant périclité, les successeurs de Gustave III pensèrent à se défaire de l'île. D'après un recensement à Gustavia en 1875, il ne restait plus alors dans la capitale que 793 habitants, dont quelques dizaines d'étrangers nés en Suède, aux États-unis ou dans les Antilles britanniques, hollandaises, danoises (îles Vierges), espagnoles (Porto Rico et Saint-Domingue). La plus grande majorité des habitants de la ville était formée surtout des «natifs» de Saint-Barthélemy. Dans les zones rurales, la population est restée relativement stable, avec 2374 habitants en 1875.
La période d'occupation suédoise n'a apparemment pas laissé de traces ni dans la population ni dans la toponymie, sauf à Gustavia. Effectivement, l'odonymie suédoise (par ex.: Kungs gatan) existe bien à Gustavia et figure de nos jours avec les dénominations françaises (Rue Oscar), mais il n'existe pas de toponymes suédois dans les zones rurales. |
Les Suédois ont construit trois forts qui portent les noms d'origine: le fort Gustave, le fort Karl (aucun vestige) et le fort Oscar. Du temps des Suédois, les quartiers de la ville de Gustavia avaient des dénominations suédoises: Quarteret Doctorn, Quarteret Draken, Quarteret Kungen, Quarteret Drottingen, Quarteret Brünen, Quarteret Slätten, Quarteret Upven, Quarteret Humern, etc., pour un total de 75 (à l'époque). Juste avant la rétrocession de l'île, les voyageurs estimaient que, dans son ensemble, la population de Saint-Barthélemy donnait une impression de pauvreté, sinon de misère.
3.4 La rétrocession à la France (II)
Lors du traité du 10 août 1877 (effectif au 16 mars 1878), l’île de Saint-Barthélemy fut rétrocédée pour une somme de 80 000 francs (pour l'évaluation des propriétés) et une autre de 320 000 francs (pour l'indemnité des fonctionnaires) à la France par Oscar II, roi de Norvège et de Suède, après consultation des habitants de l'île. La consultation a eu lieu du 29 septembre au 1er octobre 1877. Dans un télégramme daté du 3 octobre, M. Bror Ludvig Ulrich, le gouverneur de Saint-Barthélemy entre 1875 et1878, informa le département suédois des Finances que 351 voix contre une s'étaient prononcé en faveur de la rétrocession à la France.
Cependant, l’Administration française ne se préoccupa guère de Saint-Barthélemy. C'est alors qu'une habitude d'auto-administration se développa et se traduisit par un mélange de règles coutumières locales, de vides juridiques et de pratiques importées de l’étranger. Au cours de cette période, entre 1000 et 1500 Saint-Barths quittèrent leur île pour s'installer à l'île Saint-Thomas (îles Vierges américaines) où ils fondèrent deux colonies, l'une à Frenchtown (où l'on parle le patois) dans le district de Charlotte-Amélie et celle de Northside (où l'on parle créole) dans le nord de l'île. Les Saint-Barths ont ainsi reproduit à Saint-Thomas les mêmes clivages culturels, sociaux, professionnels et linguistiques que dans leur île d'origine. Beaucoup d'anciens citoyens de Saint-Barthélemy (et leur descendance) sont aujourd'hui des citoyens américains. Depuis ce temps, des relations privilégiées unissent certaines familles de Saint-Barthélemy et des îles Vierges américaines (Saint-Thomas).
3.5 Une commune de la Guadeloupe
En 1946, la France décida d'inclure les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sous la dépendance de la Guadeloupe; Saint-Barthélemy devint une commune d'un département français d'outre-mer («commune de Saint-Barthélemy»). En 1963, la sous-préfecture des îles du Nord fut mise en place pour la gestion administrative des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin:
L'île de Saint-Barthélemy fut divisée en deux grands secteurs («paroisses»):
1) le secteur (paroisse) «Au Vent» regroupant les «quartiers» de Lorient, Marigot, Grand-Cul-de-Sac, Petit-Cul-de-Sac, Toiny, Petite Saline et Grande Saline;
2) le secteur (paroisse) «Sous le Vent» regroupant les «quartiers» de Saint-Jean, l'Anse des Cayes, l'Anse des Flamands, Colombier, Corossol, Publique, Gustavia et Gouverneur (toute la partie nord/nord-ouest). Chacune des paroisse possédait son école et son église (chapelle).
Progressivement, les quartiers de la ville de Gustavia ont retrouvé des dénominations françaises sur la base de la traduction des noms suédois (voir le tableau ci-dessous). Puis le nom suédois de ces quartiers urbains fut abandonné, car aujourd'hui ces dénominations ne sont plus utilisés à Gustavia, mais elles ont été conservées (en français) dans le reste de l'île.
En 2022, le Conseil territorial a adopté la Charte des référents de quartier (voir la carte ci-dessous).
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Depuis les années 1960, le tourisme a entraîné de nouvelles ressources financières; il s'en est suivi une arrivée relativement importante de riches américains. Cela signifiait aussi l'intrusion de l'anglais. En effet, bien que ce soit surtout à Gustavia qu'on peut entendre parler l'anglais, notamment dans les restaurants, les bars, les hôtels et les boutiques. Néanmoins, une grande partie des Saint-Barths maîtrise très bien la langue anglaise.
3.6 Une collectivité territoriale d'outre-mer
Lors d'un référendum aux Antilles en décembre 2003, les Saint-Barths ont voté à 95 % pour un changement de statut de l'île, qui est devenue au 15 juillet 2007 une collectivité d'outre-mer à assemblée unique, détachée de la Guadeloupe. Saint-Barthélemy a comme statut, pour l'Europe, un PTOM («Pays et territoires d'outre-mer»). Saint-Barthélemy reçoit environ 160 000 visiteurs par année.
La collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy doit exercer les compétences dévolues au département et à la région de la Guadeloupe, c'est-à-dire fixer les règles applicables en matière de fiscalité, d'urbanisme, de circulation routière, de desserte maritime, de voirie, d'environnement, d'accès au travail des étrangers, d'énergie, de tourisme et d'organisation des services et établissements publics de la collectivité.
Du fait que Saint-Barthélemy fasse partie de la République française, la politique linguistique qui y est appliquée tient compte de cette réalité juridique incontournable. Ainsi, en vertu de l’article 2 de la Constitution, le français demeure la langue officielle de cette future collectivité d'outre-mer: «La langue de la République est le français.» Comme dans tous les départements français d’outre-mer (DOM), tous les textes nationaux de la République y sont applicables, mais certaines adaptations ont été prévues par la «loi n° 84-747 du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion». Ces adaptations concernent les activités éducatives et culturelles complémentaires relatives à la connaissance des langues et des cultures régionales.
Il faut ajouter également une loi plus récente adoptée par l’Assemblée nationale française: la Loi d'orientation pour l'outre-mer (ou loi 2000-1207 du 13 décembre 2000) entrée en vigueur le 14 décembre 2000. Ce sont les articles 33 et 34 de cette loi qui concernent tous les DOM-TOM. À l’article 33, on apprend que «l’État et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales fondées sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent à la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversité biologique» et qu’à l’article 34 que «les langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation» et qu’elles «bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en faciliter l'usage». D’après la Loi d’orientation d’outre-mer, la loi no 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable. Malgré la présence de plusieurs parlers sur l'île, seul le français bénéficie d’une reconnaissance juridique. Pour le reste, c’est la politique de la non-intervention ou du laisser-faire.
4.1 La justice
En matière de justice, il n'y a pas grand-chose à dire. La procédure se déroule toujours en français, mais des traducteurs sont disponibles pour les personnes étrangères «mises en examen», c’est-à-dire celles qui ne parlent pas français ou des étrangers qui, dans certains cas, ne connaissent que l'anglais ou le portugais.
4.2 L'Administration publique
Dans l'administration publique, les communications ont lieu en français puisque c’est la langue officielle de l'État et de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, bien que l'«anglais de Gustavia» soit souvent utilisé dans les communications orales. Dans certains quartiers de l'île, toutes les communications orales ne se déroulent qu’en «patois» ou en créole, mais dans tous les cas les documents écrits sont rédigés uniquement en français. Normalement, seul le français est utilisé, mais on peut lire aussi sur une affiche : «Sapeurs pompiers Fire Department de Saint Barthélemy». On lit aussi sur un panneau routier: «À 500 m - ¼ mile ahead Gustavia.» Quand au musée de Saint-Barthélemy, un monument historique restauré et datant de l'époque suédoise, situé à la Pointe de Gustavia, il s'appelle le «Wall House».
- L'odonymie
La Ville de Gustavia a décidé de renouer avec son passé suédois en rétablissant la double signalisation des noms de rue (odonymes), c'est-à-dire en français et en suédois. En réalité, il ne s'agit pas toujours de plaques bilingues, mais de plaques unilingues, l'une à côté de l'autre. Ainsi, on peut voir souvent deux plaques: l'une à gauche, avec des lettres blanches sur fond bleu en français (par ex.: Rue Oscar II); l'autre à droite, avec des lettres bleues sur fond blanc en suédois (par ex.: Kundsgatan). Le tout est alors sur deux plaques de formes typographiques et de couleurs différentes. Il existe, bien sûr, des plaques françaises unilingues sans plaques suédoises, ainsi que des plaques tout à fait bilingues (Place Vanadis/Vanadisplatsen). Bref, le système n'est pas nécessairement rigoureux.
Voici quelques-uns de ces noms en suédois (le spécifique et le générique): Ostra Stand gatan, Sodra Stand gatan, Wästra Strand gatan, Ostra Quayen, Gamba gatan, Ny gatan, Frang gatan, Nya granden, Johannes gatan, Drottninge gatan, Aldermans gatan, Kyrcks gatan, Smeds gatan, Timmermans gatan, Hispitals garan, Hollandace gatan, Lilla grana, Stor gatan, Köpmans gatan, Gröna gatan, etc. Parfois seuls le terme spécifique porte une dénomination française (il s'agit en ce cas d'une traduction du suédois): Artillerie gatan, Corps de garde gatan, Prince gatan, Batterie gatan, Batterie väsen, etc. En réalité, sous l'initiative de l'association suédoise S:t Barthélemysällskapet, ce sont des Suédois, notamment la Marine suédoise qui, en 1967 lors de l'
«Operation gatskylt», a apposé les plaques aux angles des rues de Gustavia, avec l'accord des autorités locales.Au mois de mars 2007, le Plan d'adressage de la commune de Saint-Barthélemy connut des modifications. Il fallait donner à chaque immeuble une adresse unique et précise. Le document du Conseil municipal précisait: «C'est l'occasion de remettre en usage, de façon officielle, les noms de lieux traditionnels, préservant ainsi un aspect important du patrimoine propre de notre île.» En pratique, cela revenait à puiser dans les noms de la «période suédoise» comme les gouverneurs Nordering, von Rayalin, Haasum, Bagge, Stakelberg; les médecins Jacob Leuren et Axel Theodor Goês; la famille Dinzey; le prêtre et médecin Johan Eric Forsström; le commandant Anton Milander; le capitaine Ridderhierta et deux femmes (Sigrid Ulrich, écrivaine; Selma Justina Milander, «la dernière Suédoise de Saint-Barthélemy»). Dans d'autres cas, la Municipalité proposait d'introduire des noms français.
Cependant, il faut comprendre qu'il n'y a pas nécessairement de correspondance exacte pour chaque rue entre les dénominations odonymiques française et suédoise. Ainsi, plusieurs rues dans le prolongement l'une de l'autre peuvent correspondre à plusieurs noms de rue en français, mais n'en faire qu'une seule en suédois! Par exemple, la rue de la République qui est prolongée par la rue du Général-de-Gaulle, elle-même prolongée par la rue Thiers, correspond historiquement à la rue suédoise Östra Strandgatan. On peut consulter une liste des mises à jour proposées pour les noms des rues de Gustavia en cliquant ICI, s.v.p. L’opération de dénomination complète des rues de Gustavia s'est terminée le 31 mai 2007. La ville est dorénavant découpée en 31 rues (au lieu des 34 prévues): vingt rues conservent leurs anciens noms, les onze restantes se voyant rebaptisées pour les existantes et pour les nouveaux tronçons, nommés pour la première fois. Certaines dénominations suédoises ont été jugées peu pratiques et elles ont disparu de la liste des nouveaux noms, même si la marque de la présence suédoise reste acquise. Curieusement, le panneau souhaitant la bienvenue aux touristes à l'entrée de la ville de Gustavia contient du français (Bienvenue, Ville de Gustavia et Port franc), de l'anglais (Welcome et Free Port) et, de façon très exceptionnelle, du suédois (Välkommen). Fait à signaler: l'aéroport de Saint-Barthélemy s'appelle Gustave III. |
4.3 L'éducation
L'enseignement public à Saint-Barthélemy est le même qu'en France et suit un calendrier identique. L’enseignement tant au primaire qu’au secondaire n’est dispensé qu’en français standard, qui n'est généralement pas la langue maternelle des élèves. Évidemment, le système actuel passe sous silence les difficultés pédagogiques qu’entraînent l’enseignement exclusif de la langue française et l’importation du moule pédagogique métropolitain. La situation semble un peu complexe à Saint-Barthélemy, car le multilinguisme est tout de même assez prononcé, même s'il est systématiquement ignoré.
L'anglais est la langue seconde obligatoire enseignée dans les écoles de Saint-Barthélemy. Après l'école secondaire, il faut que les jeunes s'expatrient s'ils veulent poursuivre leurs études. Ils vont à Saint Martin pour le lycée et ensuite en Guadeloupe, en Martinique ou en France, voire au Canada ou aux États-Unis. Ils peuvent bénéficier de bourses d'études financées par le Conseil général de la région (Guadeloupe).
4.4 Les médias et la vie économique
Du côté des médias, la presse écrite locale ne compte aucun quotidien, mais il existe un hebdomadaire (Le Journal de St-Barth) et un mensuel (St. Barth Magazine), tous deux en français, complétés par la diffusion des journaux édités en France. Tropical Magazine est un périodique annuel, en version bilingue (français-anglais), distribué gratuitement sur l'île depuis 1990. Le St. Barth News rapporte en anglais les nouvelles et les événements locaux ainsi que des renseignements sur les hôtels, les restaurants et les achats (shopping).
Le service public de radiotélévision est assuré par RFO (Réseau France Outre-Mer) sur deux canaux. La Société nationale de radio et de télévision pour l'outre-mer retransmet des programmes de France-Télévision, d’Arte et de la Cinquième, et produit des programmes régionaux en français. Deux chaînes de télévision privées, Antilles-Télévision et Canal-Antilles, auxquels s'ajoute, depuis 1998, un réseau de télévision câblé (Guadeloupe TV-Cable), viennent compléter le paysage audiovisuel de cette partie des Antilles françaises. Par ailleurs, l'anglo-américain participe également à la dynamique linguistique, puisque les chaînes de télévision américaines sont captées par presque tous les insulaires.
Dans la vie économique, l'anglais occupe une place importante, mais les communications orales officielles se font néanmoins en français. La publicité est généralement bilingue (français-anglais), mais elle peut être uniquement en anglais si elle s'adresse aux touristes américains; uniquement en français si elle s'adresse aux Saint-Barths francophones, avec parfois certains mots anglais.
Quant aux noms des établissements hôteliers, il y en a qui portent un nom français (Les Islets Fleuris, Auberge de la Petite Anse, Hôtel Baie des Anges, Hôtel La Normandie, Le P'tit Morne, etc.), d'autres, un nom anglais ou mixte (Tropical Hotel, Hôtel Tom Beach, Sunset Hotel, Eden Rock, etc.). En général, les affiches sont en français, voire en français et en anglais, mais certaines d'entre elles peuvent être uniquement en anglais. C'est ainsi qu'on y trouve un «Fish Market» (marché de poisson).
La politique linguistique du gouvernement français est simple sur l'île. La langue officielle étant le français, il suffit d'ignorer les langues locales dans le cadre de l’administration de l’État et de l’éducation institutionnalisée. Cette pratique est similaire à celle qui est en vigueur à l'île de Saint-Martin, ainsi qu'en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Mais les habitants continuent d'employer encore leurs parlers locaux tout en assurant une communication qui ne semble pas causer de problème.
Toutefois, dans le futur, il n'est pas impossible que le créole connaisse une certaine régression, de même que le patois, au profit du français standard. Les conditions qui ont favorisé l'émergence et le maintien des deux grands parlers traditionnels dans l'île ne sont plus réunies pour longtemps. Les insulaires peuvent maintenant voyager sans encombre sur des routes carrossables et à cohabiter, tant à l'est qu'à l'ouest, tandis que les enfants tendent à fréquenter les mêmes écoles, sans oublier le caractère niveleur du français parlé à la télévision. Dans ces conditions, c'est l'uniformisation du français qui risque de prendre le pas, le maintien de la situation linguistique actuelle demeurant peu probable. N'oublions pas aussi que le nombre des locuteurs de chacun des groupes est très bas (environ 2000 locuteurs), ce qui rend possible des changements très rapides dans les pratiques linguistiques. Par ailleurs, l'anglais prend progressivement de l'importance en raison du tourisme qui est très florissant à Saint-Barth. C'est devenu presque une langue seconde obligatoire, ce qui risque de marginaliser encore davantage les parlers traditionnels.
Bibliographie
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Bibliographie complémentaire relative à l'île de Saint-Barthélemy
Site officiel de la collectivité de Saint-Barthélemy
Mémoire St-Barth | Histoire de
Saint-Barthélemy
(Comité de liaison et d'application des
sources historiques)