Royaume du Maroc |
Maroc(1) Situation démolinguistique |
Remarque: tous les sites portant sur cette question et qui ressemblent au présent site sont des plagiats non autorisés de ce dernier. |
Le Maroc est un État dAfrique du Nord limité au nord-ouest par locéan Atlantique, au nord par le détroit de Gibraltar et la Méditerranée, à lest et au sud par lAlgérie et au sud-ouest par la Mauritanie (voir la carte détaillée). Le Maroc est donc situé à l’extrême nord-ouest de l’Afrique, juste en face de l’Europe, dont il n’est séparé que par les 17 km du détroit de Gibraltar. Le Maroc fait partie des États du Maghreb dont c'est le pays le plus occidental. Avec ses 446 550 km², sans le Sahara occidental dont il revendique le territoire, le Maroc est le plus grand pays de la région après l'Algérie. Le Maroc revendique également les enclaves espagnoles de Ceuta 18,5 km²) et de Melilla (20 km²) situées au nord des côtes méditerranéennes. |
Pour l'instant, le Sahara occidental n'a pas encore trouvé de statut définitif au plan juridique, soit plus de quarante ans après le départ des Espagnols en 1976. Selon l'ONU, le Sahara occidental figure sur la liste des «territoires non autonomes». Le territoire est revendiqué à la fois par le Maroc, qui le désigne maintenant comme le «Sahara marocain», et par la République arabe sahraouie démocratique (RASD), fondée par le Front Polisario en 1976. Dans les faits, le Maroc contrôle et administre aujourd'hui environ 80 % du territoire, alors que le Front Polisario, pour sa part, n'en contrôle que 20 %.
Les régions administratives (2015)
|
|
Le Maroc est découpé en wilayas, en provinces et en préfectures. Depuis 2015, le Maroc comprend 12 «régions administratives» divisées en wilayas, ces dernières sont subdivisées en provinces et préfectures (total: 75), sans compter les communes urbaines et rurales (total: 1503). Pour le Maroc, le Sahara occidental est désormais «intégré» au découpage administratif du territoire national avec deux régions (n° 11: Laâyoune-Sakia El Hamra; n° 12 : Dakhla-Oued Ed-Dahab), quoiqu'une portion du territoire soit contrôlée par la RASD.
Le statut de «région» au Maroc dispose d'un organisme de délibération appelé «Conseil régional» qui est l'assemblée délibérante de la région, élue au suffrage universel direct par les électeurs de la région pour une durée de six ans. La région compte aussi un Exécutif, le président, élu par l'assemblée. La politique régionale est élaborée sous le contrôle du wali de la région, lequel représentant le pouvoir central. C'est le roi qui nomme les walis sur proposition du chef du gouvernement, l'équivalent de premier ministre.
Par ailleurs, le Maroc compte plusieurs régions géographiques «naturelles» : le Maroc méditerranéen au nord-est, la Côte Atlantique-Nord et la Côte Atlantique-Sud à l'ouest, le Moyen-Atlans et le Haut-Atlas au centre, le Maroc saharien à l'est et l'Anti-Atlas au sud. (voir la carte détaillée).
Le Maroc a été nommé par les géographes arabes al-maghreb al-aqsâ, c'est-à-dire «le pays de l'extrême couchant», puis Al Mamlakah al Maghribiyah («royaume du Maroc»). Le Maroc est doté d'une monarchie, mais ce n'est pas une monarchie parlementaire ni constitutionnelle; il s'agit plutôt monarchie de type «exécutif», aux pouvoirs très étendus. De plus, le roi actuel, Mohammed VI, possédait une fortune personnelle estimée à 500 millions de dollars au moment de son intronisation, une somme qu'il aurait été multipliée par cinq, ce qui constitue une richesse quelque peu inconvenante quand on sait qu'au Maroc plus de cinq millions de personnes vivent avec moins d’un euro par jour (10 dirhams) et que le pays est classé, selon l'ONU, au 108e rang mondial sur 194 en terme de richesse par habitant.
Membre de la Ligue arabe, l
e Maroc est resté un État autoritaire dans lequel l'autoritarisme royal et la démocratie réelle sont relativement limités. La réforme constitutionnelle de juillet 2011 a modifié considérablement la donne politique dans ce pays. Ainsi, la Constitution de 2011 a réduit notamment certains des pouvoirs politiques et religieux du souverain, ainsi qu'un renforcement des pouvoirs du premier ministre. Cependant, si la nouvelle Constitution peut être considérée comme un progrès par rapport au texte de 1996, elle n’établit pas pour autant une monarchie parlementaire.Le pays comptait 37,4 millions d'habitants
selon le Recensement général de 2014, mais ce total comprend les deux régions du
Sahara occidental avec 510 713) habitants. Les régions numériquement les plus
importantes sont celles de L'Oriental (21,8%), de Casablanca-Settat (20,2%),
puis celles de Rabat-Salé-Kénitra (13,5%), de Marrakech-Safi (13,3 %) et de
Fès-Meknès (12,5 %). Les deux régions du Sahara occidental ne compte que pour
1,4 % de la population totale:
Code | Nom de la région | Chef-lieu |
Population 2014 |
|
---|---|---|---|---|
Nombre d'habitants |
% | |||
1 | Tanger-Tétouan-Al Hoceïma | Préfecture de Tanger-Assilah | 3 556 729 | 10,5 % |
2 | L'Oriental | Préfecture Wejda-Angad | 6 914 346 | 21,8 % |
3 | Fès-Meknès | Préfecture de Fès | 4 236 892 | 12,5 % |
4 | Rabat-Salé-Kénitra | Préfecture de Rabat | 4 580 866 | 13,5 % |
5 | Béni Mellal-Khénifra | Province de Béni-Mellal | 2 520 776 | 7,4 % |
6 | Casablanca-Settat | Préfecture de Casablanca | 5 861 739 | 20,2 % |
7 | Marrakech-Safi | Préfecture de Marrakech | 4 520 569 | 13,3 % |
8 | Drâa-Tafilalet | Province d'Errachidia | 1 635 008 | 4,8 % |
9 | Souss-Massa | Préfecture d'Agadir Ida-Outanane | 2 676 847 | 7,9 % |
10 | Guelmim-Oued Noun | Province de Guelmim | 433 757 | 1,2 % |
11 | Laâyoune-Sakia El Hamra (Sahara occidental) | Province de Laâyoune | 367 758 | 1,0 % |
12 | Dakhla-Oued Ed-Dahab (Sahara occidental) | Province d'Oued Ed-Dahab | 142 955 | 0,4 % |
Source: Recensement général de 2014 | Total : 36 937 529 (sans le Sahara occidental) | 37 448 242 | 100 % |
Des trois principaux pays du Maghreb, le Maroc est celui qui présente la situation linguistique la plus complexe: l'arabe classique et l'arabe moderne pour les plus instruits, l'arabe dialectal ou arabe marocain pour quasiment toute la population, le berbère, appelé amazigh (le rifain dans le Rif, le tamazight dans le Moyen-Atlas, le tachelhit dans le Souss), pour environ 40 % des Marocains; le français pour ceux qui fréquentent les écoles, l'espagnol pour une faible partie de la population du Nord, et l'anglais qui tend à s'imposer en tant que véhicule de la modernité. La Constitution du Maroc ne fait aucune mention de ces langues, sauf pour l'arabe (dans le Préambule). Dans le cadre cet article, le terme «arabe» employé seul renvoie toujours à l'arabe classique ou standard. L'expression «arabe dialectal» désigne toujours l'arabe marocain.
La répartition de cette population est très inégale au
Maroc: près de 90 % des habitants vivent dans le nord du
pays. La capitale, Rabat (577 827 habitants en 2014), se classe
derrière l'agglomération de Casablanca (3,3 millions d'habitants), de Fès (1,1 million),
de Salé (982 163), de Marrakech
(928 850 habitants), de Tanger (971 553 habitants), de Meknès (632 079 habitants),
mais devant Tétouan (380 787 habitants). Les
musulmans (98,7 %), principalement sunnites, constituent la quasi-totalité
de la population.
Ethnie | Population | Pourcentage | Filiation linguistique |
Arabe marocain | 23,474,000 | 65,3 % | |
Berbère jebala arabophone | 1,241,000 | 3,4 % | langue sémitique |
Arabe sahraoui | 159,000 | 0,4 % | langue sémitique |
Arabe harratin | 56,000 | 0,1 % | langue sémitique |
Berbère réguibat (Maure noir) | 38,000 | 0.00 % | langue sémitique |
Arabe algérien-marocain | 50,000 | 0,1 % | |
Total arabe marocain | 24,930,000 | 69,4 % | - |
Berbère chleuh | 3,320,000 | 9,2 % | langue berbère |
Berbère amazighe | 2,742,000 | 7,6 % | langue berbère |
Berbère du Moyen Atlas oriental | 319,000 | 0,8 % | langue berbère |
Berbères Aït Atta | 148,000 | 0,4 % | langue berbère |
Berbère de l'Atlas central | 146,000 | 0,4 % | langue berbère |
Berbère izarguien | 18,000 | 0,0 % | langue berbère |
Total tamazight | 3,373,000 | 9,3 % | - |
Berbère rifain | 1,540,000 | 4.2 % | langue berbère |
Berbère tekna | 612,000 | 1,7 % | langue berbère |
Berbère draoui | 490,000 | 1,3 % | langue berbère |
Berbère filala | 367,000 | 1,0 % | langue berbère |
Total tachelhit | 1,469,000 | 4,0 % | - |
Arabe libanais | 548,000 | 1,5 % | langue sémitique |
Maure blanc | 294,000 | 0,8 % | langue sémitique |
Bedouin yahia | 111,000 | 0,3 % | langue sémitique |
Bédouin du Gil | 48,000 | 0,1 % | langue sémitique |
Berbère zénaga | 53,000 | 0,1 % | langue berbère |
Chaoui | 26,000 | 0,0 % | |
Berbère ghomara | 12,000 | 0,0 % | langue berbère |
Espagnol | 6,700 | 0,0 % | langue romane |
Français | 5,400 | 0,0 % | langue romane |
Turc | 4,000 | 0,0 % | langue turcique (altaïque) |
Juif judéo-marocain | 2,400 | 0,0 % | langue sémitique |
Russe | 800 | 0,0 % | langue slave |
Biélorusse | 700 | 0,0 % | langue slave |
Autres | 89 000 | 0,2 % | - |
Total : 2018 (Projet Josué) | 35,921,000 | 100,0 % | - |
2.1 L'arabe
La langue arabe s'est introduite au Maroc au VIIe siècle, notamment dans la partie nord-ouest du pays. L'arabe s'est implanté encore davantage auprès des populations berbères à la suite de la fondation de la ville de Fès par Idris II en 808. À partir du 1118, le Maroc vit arriver un flux massif de tribus hilaliennes qui arabisèrent profondément la population locale. Puis, suite à la Reconquista espagnole du XVe siècle, le pays reçut des centaines de milliers d'Andalous arabophones qui s'installèrent dans des centres urbains comme Rabat, Fès, Salé et Tétouan. C'est alors que le processus d'arabisation s'amplifia et atteignit tout le nord du pays.
On estime que 65 % de la population actuelle du Maroc parle l'arabe comme langue maternelle. Mais le Maroc, à l'instar des autres pays arabophones, compte trois types d'arabe: l'arabe dialectal, l'arabe classique et l'arabe moderne standard.
- L'arabe marocain
L'arabe dialectal, appelé plutôt arabe marocain, reste la langue maternelle de tous les Marocains arabophones, soit 69,4 % de la population. Cette langue est appelée au Maroc Addarij ou darija, c'est-à-dire «langue courante». Elle sert généralement d'outil de communication entre les locuteurs arabophones et berbérophones. Bien qu'il soit socialement dévalorisé, l'arabe dialectal constitue la langue la plus employée dans tout le Maroc.
Comme pour presque toutes les variétés
d'arabe dialectal,
l'arabe marocain connaît plusieurs formes régionales. Certains linguistes distinguent ainsi les dialectes
urbains aux dialectes ruraux (ou bédouins), les dialectes orientaux (Tanger,
Tétouan, etc.) aux dialectes du Gharb (Casablanca,
Kénitra, etc.), les particularismes de type rbati (Rabat), fassi
(Fès), marrakchi (Marrakech), etc. D'autres différencient cinq
catégories:
|
Le fait qu'il existe des volumes pour apprendre l'arabe marocain (L'arabe marocain de poche) témoigne de la vitalité de cette variété d'arabe. De cette façon, chaque variété ou sous-variété de l'arabe marocain est identifié avec une ville ou une région. Mais ces variantes n’altèrent pas pour autant la compréhension langagière entre les différentes régions. Il existe aussi des groupes qui proposent des cours de "Speak Moroccan": on y offre des expressions utiles utilisables dans la vie de tous les jours, ainsi que des cours simples de grammaire. C'est utile lorsqu'on planifie un voyage touristique ou un voyage d’affaires au Maroc, ou qu'on veuille simplement impressionner ses amis marocains.
L'arabe marocain et le berbère, et leurs variétés, demeurent les langues maternelles de la quasi-totalité des Marocains. L'arabe marocain (ou une variété de berbère) demeure la première langue que tout Marocain apprend dans sa famille et dans la vie quotidienne du quartier. Outre sa présence dans le milieu familial et le quartier, cet arabe est utilisé dans la littérature populaire, les pièces de théâtre, la radio et lors de certains débats parlementaires. À l'école, l'emploi de l'arabe marocain est courant en dehors de la classe (cour, bureaux, réunions, etc.), dans la cour), mais la plupart des enseignants utilisent cette variété dans les classes, même si les directives du ministère de l'Éducation interdisent cette pratique.
Dans ses pratiques quotidiennes, l’arabe marocain est non seulement imprégné de l’arabe moderne, mais a emprunté aussi de très nombreux termes français et berbères (amazigh). Il s’agit donc d'un métissage entre l’arabe standard, le français et l'amazigh, ce qui n'altère nullement les valeurs culturelles et spirituelles des locuteurs marocains, car son usage s'étend à toute la nation, même parmi les Berbères. L'arabe marocain, y compris ses variétés locales, constitue en quelque sorte une langue nationale illégale, qui n'est pas reconnue par la loi, mais utilisé de facto par toute la population arabophone.
En plus de l'arabe marocain, il se parle dans le pays d'autres variétés d'arabe: l'arabe libanais, l'arabe algérien, l'arabe tunisien, l'arabe saharien, l'arabe hassanya, etc.
- L'arabe classique
Quant à l'arabe classique ou littéraire, il n'est la langue maternelle d'aucun Marocain et il n'est pas utilisé comme véhicule spontané de communication, pas plus au Maroc que dans tout autre pays arabe. L'arabe classique demeure pour tout arabophone la langue de la prédication islamique et de l'enseignement religieux (la langue du Coran), puis celle de la langue écrite en concurrence surtout avec le français. Mais c'est également la référence et l'outil symbolique de l'identité arabo-musulmane, une langue supranationale réservée à des usages formels et limités à certaines situations particulières. Aux yeux des nationalistes, l'arabe classique représente le moyen de lutte contre l'oppression linguistique exercée par l'Occident à travers ses langues, que ce soit le français, l'espagnol ou l'anglais. Enfin, l'arabe classique demeure «la» langue officielle de l'État, d'après l'article 5 de la Constitution de 2011.
- L'arabe moderne standard
L'arabe marocain, présent partout dans la vie quotidienne, n'a aucun statut constitutionnel, mais l'arabe classique, totalement absent de la vie quotidienne, est la langue officielle du pays, celle dont le statut est reconnu dans la la Constitution de 2011. Dans les faits, c'est l'arabe moderne standard qui sert de langue officielle, l'arabe classique n'étant qu'un symbole. Qu'il soit dialectal, classique ou moderne, l'arabe fait partie de la famille des langues afro-asiatiques (ou chamito-
sémitiques).2.2 Le berbère (amazigh)
Si les arabophones parlent diverses variétés dialectales, les berbérophones utilisent également une grande variété de dialectes et de parlers régionaux. Il ne faut pas oublier que les berbérophones sont présents dans une dizaine de pays couvrant près de cinq millions de kilomètres carrés et compte plus de 20 millions de locuteurs (voir la carte linguistique berbérophone).
Au Maroc, le nombre de berbérophones
est de 4,9 millions de locuteurs, soit 16 % de la population; ils constituent la minorité linguistique la plus importante
du pays. Dans certaines zones rurales, cette proportion se situerait entre 80 %
et 100 %. Parmi les berbérophones, plus d’un tiers ne maîtriserait pas
l’arabe standard. Les Berbères parlent
plusieurs variétés linguistiques, dont les principales sont le
tamazight (3,3 millions), le tachelhit (1,4 million), le tarifit
ou rifain (1,5 million), le zénaga (53 000), le
chaoui (26 000) et le ghomara (12 000). Il existe
quelques autres variétés ne comptant qu'un nombre restreint de
locuteurs. De façon habituelle, on distingue les variétés suivantes:
|
Au Maroc, la langue berbère est appelée amazigh dans la mesure où l'on parle du «berbère standardisé». En ce cas, on ne fait plus la distinction entre le rifain, le tamazight ou le tachelhit. En français, le mot berbère est dérivé du grec barbaroi et retenu par les Romains dans barbarus, puis récupéré par les Arabes en barbar et enfin par les Français avec berbère, puis par les Espagnols avec beréber, par les Catalans avec berber et par les Italiens avec berbero. Étymologiquement, ce terme désigne avant tout les «gens dont on ne comprend pas la langue», c'est-à-dire les étrangers considérés comme des «barbares». Autrement dit, le mot berbère avait une signification bien négative, puis par extension le mot a même signifié «sauvage» ou «non civilisé». Avec le temps, le mot berbère a fini par perdre son sens péjoratif pour désigner les Amazighes. Pour les linguistes francophones, le mot berbère renvoie à un groupe linguistique parmi les langues afro-asiatiques. Quant aux Berbères, ils préfèrent se désigner eux-mêmes par le terme amazigh, ce qui signifie «homme noble» ou «homme libre». La terminologie officielle du gouvernement marocain utilise aussi le terme amazighe (ou amazigh). Bref, l'appellation «berbère» n'appartient ni à la population concernée ni à sa langue, car ce terme a été apporté de l'extérieur. Dans les faits, les mots «Berbère» et «Amazighe» sont synonymes.
Il est possible également de consulter une carte linguistique plus grande des langues berbères au Maroc, en cliquant ICI, s.v.p.
Cependant, il convient de préciser que la berbérophonie au Maroc, contrairement à celle de l'Algérie, n'est pas aussi clairement territorialisée que cette carte le laisse supposer. En réalité, il existe des arabophones partout au Maroc, y compris dans les aires berbérophones, notamment tout autour de ces zones où les langues sont davantage mélangées. Par ailleurs, dans toutes les grandes villes du pays, on compte de très nombreux berbérophones, que ce soit Rabat, Tanger, Casablanca, Marrakech, Fès, Essaouira, etc. Autrement dit, cette carte illustre davantage l'aire historique des parlers berbères que la réalité actuelle qui est devenue plus complexe avec le temps. Il faut aussi considérer que l'emploi des langues berbères tend à diminuer dans les grandes villes au profit de l'arabe marocain. Dans les zones rurales, les variétés berbères sont exclusivement utilisées par les berbérophones, y compris au sein de l'Administration, dans la mesure où les employés sont berbérophones. Quoi qu'il en soit, l'emploi de l'amazigh est exclusivement oral, jamais écrit. Tous les Marocains écrivent soit en arabe classique soit en français. On n’écrit pas en arabe dialectal ni généralement en berbère qui possède néanmoins une écriture: l'alphabet tifinagh. Au point de vue linguistique, l'arabe et l'amazigh, ainsi que leurs variétés, sont des langues afro-asiatiques (ou chamito-sémitiques).Depuis la Constitution de 2011, l'amazigh est aussi «une» langue officielle avec l'arabe (art. 5), mais ce statut n'est pas tout à fait équivalent. En effet, il faut attendre l'adoption d'une loi organique qui devrait définir les modalités et le processus de la mise en œuvre de l’officialisation de la langue amazighe, ainsi que son intégration dans l’enseignement, dans les médias et dans l'administration de l'État.
2.3 Le français
Depuis la signature du traité de Fès, le 30 mars 1912 jusqu'à la proclamation de l'indépendance le 2 mars 1956, le français était la langue officielle du régime du protectorat et de ses institutions. Même après cette date, le français a conservé un rôle privilégié en tant que première langue étrangère — langue seconde généralisée — du Maroc. Les dirigeants marocains ont pourtant entamé une ambitieuse politique d'arabisation qui s'est poursuivie avec effort jusque vers 1976, avant de connaître un certain essoufflement. Aujourd’hui, un certain pragmatisme semble avoir pris la relève, qui a fait place à la «cohabitation linguistique». Le Maroc compte encore quelque 80 000 Français et 20 000 Espagnols. Il y a aussi un certain nombre de Marocains qui ont perdu leur langue arabe marocaine: ce sont ceux qui ont émigré en France et qui sont revenus après plusieurs années.
- Une langue sans statut officiel
Le français n'a aucun statut officiel de droit au Maroc, puisque la Constitution déclare dans son préambule que l'arabe est la langue officielle du Maroc. Mais le français est la seule langue au Maroc, qui puisse prétendre d'être à la fois lue, écrite et parlée, tout en étant la langue de toutes les promotions sociales et économiques. La langue française a gardé des positions importantes dans l'éducation, les tribunaux, la politique, l'Administration et les médias, ce qui est beaucoup, il va sans dire, car il faut mentionner aussi la visibilité de cette langue dans l'espace et l'environnement graphique marocain. Le français a donc acquis un statut de fait (de facto) au Maroc. Il ne faut pas oublier que la France est demeurée le principal partenaire économique du Maroc, voire le premier client, le premier investisseur, et le premier formateur de cadres marocains à l'étranger. De son côté, le Maroc participe aux Sommets de la Francophonie et adhère à l'Agence universitaire francophone (AUF), à l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), ainsi qu'à divers autres organismes internationaux francophones.
Cela étant dit, le français n'est pas connu par tous les Marocains. Pour parler et lire le français, il faut avoir fréquenté l'école jusqu'à la fin du secondaire. Comme près de 50 % des enfants marocains ne terminent pas leur secondaire, il arrive qu'ils oublient ensuite le peu de français qu'ils ont appris. Bref, le français est connu et utilisé par tous ceux qui ont fait des études universitaires, qui tiennent des commerces importants, qui font des affaires, qui jouent un rôle primordial dans la vie culturelle de la nation ou qui sont en contact régulier avec les touristes.
- Le français «rudimentaire»
Il existe au Maroc un français «rudimentaire» qui a une fonction
essentiellement pratique et limitée. Il sert d'instrument de communication
pour les Marocains peu alphabétisés, sinon pas du tout, qui sont en contact
avec une population francophone vivant au Maroc ou le visitant en tant que
touriste. C'est le cas en général des employés de maison ou des
domestiques, des jardiniers, des gardiens de piscine, des laquais dans les
hôtels, des guides touristiques de fortune, des agents de service des
diverses sociétés privées franco-marocaines, des vendeurs itinérants, des
femmes de chambre, etc. Ce type de français rudimentaire est caractérisé par
un vocabulaire très limité, une syntaxe simplifiée et une phonétique
influencée par l'arabe dialectal. C'est un français strictement utilitaire
qui ne peut soutenir une conversation élaborée.
Beaucoup de Marocains peu instruits ne parlent donc que l'arabe dialectal. Dans les zones rurales, il est fréquent d'aborder des Marocains qui n'ont aucune connaissance du français ni de l'arabe classique, et qui ne parlent que l'arabe marocain. Quant aux Berbères, il est plus rare qu'ils ne parlent que leur variété dialectale. Ils parlent en général au moins l'arabe marocain comme langue seconde. Le bilinguisme arabo-amazighe est propre au seuls amazighophones (ou berbérophones); il est rare qu'un arabophone tentera d'apprendre l’amazigh parce qu’il n'en voit pas la nécessité. Un Marocain instruit parle généralement l'arabe marocain, l'arabe standard, le français et, parfois, l'anglais et l'espagnol. Dans les hôtels, le personnel en contact directement avec le public peut être polyglotte et s'exprimer en arabe marocain, en arabe standard, en français, en anglais, en espagnol et parfois en allemand.
2.4 L'espagnol et l'anglais
L'espagnol est présent sur le territoire marocain depuis la chute de Grenade en 1492 et ensuite l'arrivée des Maures et des Juifs chassés d'Espagne. Cette langue est devenue plus «populaire» à la suite de la colonisation espagnole à la fin du XIXe siècle, surtout dans le Sahara occidental. La conférence d'Algésiras (1906), qui entérinait l'intervention des puissances occidentales au Maroc, reconnut à l'Espagne et à la France des droits particuliers. En dépit de l'opposition de l'Allemagne, le traité de protectorat, finalement imposé au sultan du Maroc, fut signé à Fès le 30 mars 1912. Mais, en novembre 1912, la convention de Madrid plaçait le nord du pays (Sahara occidental) sous protectorat espagnol.
Après l'indépendance du Maroc en 1956, la récupération du Rif au nord, d'Ifni et du Sahara occidental en 1975, l'espagnol perdit beaucoup de sa vitalité. Aujourd'hui, l'espagnol n'a gardé qu'une faible position dans des centres comme Tanger, Tétouan, Nador. Par contre, le Sud demeure encore très influencé par l'espagnol qui est enseigné au secondaire et à l'université en tant que langue étrangère. Dans de nombreux cas, l'espagnol prévaut sur le français dans le Sud. La présence de nombreux médias espagnols, sans compter les milliers d'Espagnols qui, pour des raisons liées au commerce ou de travail, doivent voyager dans ces régions ou qui résident à Ceuta ou à Melilla. D'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme la proximité avec le territoire espagnol et la très importante quantité de touristes espagnols qui choisissent le Maroc pour y passer leurs vacances ou simplement comme un pays à visiter, ce qui encourage les Marocains à apprendre l'espagnol.
Pour ce qui est de la langue anglaise, il faut reconnaître que sa position reste encore faible sur le «marché linguistique» marocain, mais sa force augmente lentement et sûrement en raison de son statut au plan international. L'intelligentsia marocaine, formée à l'école anglo-américaine, estime que le français n'a pas le monopole de la modernité. L'anglais pénètre dans des champs traditionnellement tenus par le français, comme l'éducation, la recherche et les médias. Certains croient qu'il faudrait que le Maroc passe de la francophonie à la francophilie et à l'anglophonie, mais c'est sans compter sur la force d'inertie, et les ressources limitées en matière d'éducation (en personnel et en financement).
On peut dire que le Maroc est un pays multilingue, avec trois variétés d'arabe (dialectal, classique et standard), trois variétés de berbère (tachelhit, tamazight et tarifit), le français et, jusqu'à un certain point, l'espagnol.
- | Maroc | - |
(1) Données démolinguistiques |
(2) Données historiques et conséquences linguistiques |
(3) La politique d'arabisation |
(4) Les droits linguistiques des berbérophones |
Sahara occidental | (5) Bibliographie |