Droits des minorités slovènes et croates
Droits des minorités slovènes et croates
Carinthie(Kärnten) |
La Carinthie (en allemand: Kërnten; en slovène: Koroška) est le Land le plus méridional de l'Autriche et aussi la région la plus chaude du pays. D'une superficie de 9538 km² (Luxembourg: 2586 km²; Autriche: 83 859 km²), la Carinthie partage ses frontières à l'ouest avec le Land du Tyrol, au nord avec les Länder de Salzbourg et de la Styrie, au sud avec l'Italie (le Frioul) et la Slovénie. La capitale de la Carinthie est Klagenfurt.
La Carinthie actuelle est, en Autriche, dans les mêmes limites qu'avant 1918 (à
quelques arpents frontaliers de la Slovénie près). L'Autriche étant une fédération, la Carinthie dispose de son parlement appelé le Landtag, qui compte 36 sièges. |
La grande majorité de la population de Carinthie est germanophone, mais la langue maternelle de ces Carinthiens n'est pas l'allemand standard qu'ils apprennent à l'école. Ils parlent plutôt le
bavarois méridional, une variété dialectale de la langue allemande, et ce, avec des influences de la langue slovène.
Rappelons que les variétés bavaroises sont parlées probablement par au moins 12
millions de locuteurs, dans le Land allemand de Bavière, dans la majeure partie
de la république d’Autriche (à l’exclusion du Vorarlberg) et dans la région du
Tyrol du Sud (Südtirol ou province de Bolzano), qui appartient à l’Italie.
Le slovène, la langue minoritaire reconnue de la Carinthie, est une langue slave méridionale, proche mais en même temps différente du slave sud-occidental, appelée «serbo-croate» à l'époque de l'ex-Yougoslavie. Dans le sud de la Carinthie, notamment dans les districts plus méridionaux de Villach-Land, de Klagenfurt-Land et de Völkermarkt, les Slovènes de Carinthie bénéficient du statut de «minorité reconnue». Ils sont répartis dans un grand nombre de municipalités, plus d'une centaine. |
Les communautés slovènes sont implantées dans les vallées alpines à la bordure de la frontière avec la Slovénie. Ces minorités représenteraient environ 13 000 personnes. Toute estimation plus exacte est difficile en raison de la complexité des méthodes de recensement et des revendications démographiques de chaque communauté. Bref, cette minorité linguistique n'atteint même pas les 3% de la population locale.
Au total les Slovènes représenteraient la seconde minorité ethnique en Autriche, derrière la communauté croate (environ 30 000 membres). D'après les résultats du dernier recensement, il y avait encore en Carinthie 14 069 personnes employant la langue slovène et 803 personnes parlant le «windisch», une variété dialectale du slovène. En réalité, d'un point de vue purement linguistique, le «windisch» n'est pas une langue à part entière, c'est du slovène tel qu'il est en usage dans les zones bilingues, mais il est influencé par l'allemand dont il est en contact. Par ailleurs, les Slovènes de Carinthie parlent également une variété régionale du slovène standard employé en Slovénie dans la région de la capitale Ljubljana. La carte ci-contre illustre la répartition des slovènophones dans le sud de la Carinthie, particulièrement dans les districts de Villach-Land, de Klagenfurt-Land et de Völkermarkt. Les municipalités ayant la plus forte proportion de Slovènes de Carinthie seraient Zell (89%), Globasnitz (42%) et Eisenkappel-Vellach (38%). |
Toutefois, il faut signaler de grandes divergences entre les résultats des recensements et les évaluations faites sur la base de l'usage de la langue slovène et de l'inscription des enfants dans les écoles bilingues. D'après les résultats du recensement, il y aurait en Carinthie environ 14 000 Slovènes, mais en recourant à des informations «complémentaires», il pourrait en avoir plus ou moins 45 000. Certains avancent des estimations encore plus élevées, près de 60 000.
Le nombre réel de Slovènes de Carinthie est généralement incertain et contesté, car les représentants des organisations slovènes et les représentants des associations traditionnelles de la Carinthie décrivent les résultats du recensement comme inexacts. Les premiers se réfèrent aux résultats parfois très fluctuants des recensements dans les différentes municipalités, lesquels à leur avis sont fortement entachés par des tensions politiques sur les questions concernant les groupes ethniques. Ainsi, les résultats sous-estimeraient le nombre réel de Slovènes de Carinthie.
Cependant, il est probable que l'assimilation a visiblement contribué à la diminution de cette population minoritaire. Elle était conditionnée par des facteurs temporels, politiques et sociaux et elle s'est déroulée suivant des phases autonomes et des modes différents selon le développement sociogéographique. Avec la modernisation, les conditions de logement de la minorité slovène se sont considérablement modifiées tout comme la minorité elle-même. Cette communauté, jadis relativement nombreuse, a fortement diminué, mais grâce aux progrès sociaux, elle est ethniquement plus stable. En 2008, environ 51 700 personnes étaient issues de l'immigration.
Parmi eux, 41 500 personnes sont nées à l'étranger, 10 200 étaient des enfants de parents nés à l'étranger et nés en Autriche. La proportion de la population issue de l'immigration en Carinthie était de 9,3% de la population totale en 2008, elle était donc d'environ 17,5% du nombre en Autriche.
Dans le Land de Carinthie, 68,1% sont de religion catholique, 10,3% de religion protestante, 02,0% de religion musulmane, 0,8% de religion orthodoxe et 7,9% ne pratiquent aucune religion.
L'occupation humaine de la région remonte sans doute à la préhistoire. Par la suite, elle s'est peuplée de Celtes quand, au Ier siècle de notre ère, les Romains s'en emparèrent et fondèrent la province de Norique. Celle-ci était limitée au nord par le Danube, à l'ouest par la Rhétie, à l'est par la Pannonie et au sud par la Dalmatie. Elle correspond approximativement à la Carinthie d'aujourd'hui, mais aussi à la Styrie, à la région de Salzbourg, ainsi qu'à une grande partie de la Basse-Autriche et de la Haute-Autriche, sans oublier l’extrême est de la Bavière et une partie de la Slovénie. Les Romains tracèrent ainsi la piste qui correspond à la route actuelle du Grossglockner, axe sud-nord reliant Salzbourg à l'Italie, et fondèrent la ville de Claudia (aujourd'hui Klagenfurt). Après la chute de l'Empire romain d'Occident, la province de Norique fut soumise aux incessantes incursions des peuples germaniques, notamment des Bavarois, des Avars d'Asie centrale et des Slaves slovènes. Cette instabilité prit fin, comme pour l'ensemble de l'Autriche, avec la défaite des Avars par les armées de Charlemagne (796). |
3.1 La Carinthie autrichienne sous l'Empire austro-hongrois
Pendant de nombreux siècles, l’histoire de la Carinthie autrichienne s’est confondue avec celle de la Slovénie, les deux ne formant qu’une seule entité territoriale, le duché de Carantanie. C'est au VIe siècle que fut fondé ce duché qui dut sans cesse se défendre des attaques des Francs, des Bavarois, des Lombards et des Avars. En 788, la Carantanie fut conquise par les Francs de Charlemagne et placée sous le contrôle de la Bavière. Progressivement, l’influence germanique s’accentua alors que le pays se christianisait. Néanmoins, si les nobles étaient principalement germanophones, la majorité de la population n’en demeurait pas moins slave. La Carantanie devint une partie intégrante du Saint-Empire romain germanique. Au XIIIe siècle, la Carinthie passa, un certain temps, sous le contrôle du roi de Bohême, Ottokar II, sur la base d'un accord de succession, puis son histoire se confondit, à partir de 1273 et jusqu'en 1018, avec celle de la dynastie des Habsbourg, lorsque l'empereur du Saint-Empire roman germanique, Ferdinand Ier, épousa Anne Jagellon, princesse de Bohême, pour devenir roi de Bohême, de Hongrie et de Croatie. |
Durant le Moyen Âge, les féodaux allemands colonisèrent la région, relativement peu peuplée, par des paysans du Tyrol, de
la Bavière ou de la région de Salzbourg. C'est ainsi que le caractère slovène disparut totalement du nord de la Carinthie jusqu'au XVe siècle. Dans la Carinthie du Sud se formèrent des îlots linguistiques germaniques. Au cours des siècles suivants, la frontière linguistique resta inchangée du fait de la quasi-immobilité de la société agraire à l'époque féodale. À la fin du Moyen Âge, la frontière linguistique se déplaça progressivement vers le sud pour rejoindre approximativement l’actuelle frontière politique entre les républiques slovène et autrichienne. En 1334, les Habsbourg héritèrent des duchés de Carinthie, d'Autriche et de Styrie qu'ils conserveront jusqu'en 1918. À l'instar des autres composantes d'un ensemble des territoires du Saint-Empire romain germanique, la Carinthie resta longtemps un État semi-autonome ayant sa propre structure constitutionnelle.
En 1456, la Slovénie fut rattachée à l’Empire des Habsbourg et l’histoire des populations slovènes se confondit avec celle de l’Autriche impériale. |
Vers la fin du XVe siècle, la Carinthie fut ravagée plusieurs fois par les armées ottomanes qui incendièrent et pillèrent les vallées, la population rurale demeurant sans défense, bien que les Slovènes se soient soulevés à plusieurs reprises. Au XVIe siècle, la réforme protestante gagna du terrain en Carinthie, mais après la paix d'Augsbourg en 1555, fondée sur le principe «cujus regio, ejus religio» («tel prince, telle religion»), les provinces des Habsbourg, dont la Carinthie, restèrent catholiques, alors que la réforme protestante se répandit dans tout le territoire slovène, lequel était une région administrative de la Hongrie.
À la suite de la dissolution du Saint-Empire romain germanique en 1804, l'empire d'Autriche intégra de nombreux territoires que sont les pays actuels: l'Autriche, la Hongrie, la République tchèque (Bohême et Moravie), la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie et une partie du nord de l'Italie (Lombardie). L'époque de Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780) marqua le début de l'organisation des écoles primaires et secondaires, car la bureaucratie de l'État autrichien avait toujours besoin d'une population instruite dans laquelle elle pouvait trouver de nouveaux fonctionnaires. Mais la centralisation de l'administration de l'État entraîna aussi l'introduction de l'allemand comme langue officielle.
3.2 L'intermède des Provinces illyriennes
Pendant les guerres de Coalitions contre la France révolutionnaire et napoléonienne, le territoire de la Carinthie se transforma en champ de bataille au cours de la campagne d'Italie en 1797. En mars de cette année-là, les troupes françaises occupèrent la ville de Klagenfurt, suivies par Napoléon lui-même deux jours plus tard. Une deuxième invasion fut lancée en novembre 1805. Le traité de Schönbrunn, conclu en 1809, força l'empire d'Autriche à céder à l'Empire français des territoires de la Haute-Carinthie, de la Carniole, de Gorizia et Gradisca, de l'Istrie et une partie de la Croatie.
Pour une courte durée, soit entre 1805 et 1813, le territoire habité par les Carinthiens et les Slovènes fit partie des Provinces illyriennes, une province autonome de l'Empire français napoléonien, dont la capitale fut fixée à Ljubljana. Ce territoire regroupait des zones de la Carinthie de l'Ouest et le Tyrol oriental, l'Istrie, les villes de Trieste et de Gorizia, la Carniole, la Croatie au sud de la Save, la Dalmatie et la ville de Raguse. Malgré la durée relativement courte de la présence française dans les Provinces illyriennes, celle-ci eut comme conséquence d'influencer particulièrement les populations slovènes. En effet, la Révolution française introduisit l'égalité devant la loi, l'abolition de certains privilèges fiscaux, la séparation de l'Église et de l'État, l'instauration d'une administration moderne, la conscription obligatoire, l'apprentissage du français comme discipline obligatoire, l'admission d'une «langue provinciale» dans les écoles, dont le slovène en Slovénie et en Carinthie. |
L'administration impériale imposa le Code civil français dans les provinces illyriennes, mais les lois furent promulguées en français, en italien, en allemand (en Carinthie) et en slovène.
L'ensemble du territoire fut repris par l'Autriche en 1813 qui érigea alors en 1814 une entité spécifique en vue de l’incorporer lentement dans le système législatif, judiciaire et administratif de l’Empire: le royaume d'Illyrie comprenant tout le duché de Carinthie. Le territoire engloba également le Littoral autrichien aujourd'hui dans l'ouest de la Slovénie et le nord-est de l’Italie (les régions de Trieste, de Gorizia et la péninsule d'Istrie), ainsi que les zones adjacentes du nord-ouest de la Croatie. Les populations parlaient principalement l'allemand, le hongrois, le slovène et le croate.
En 1848, lors du «Printemps des peuples», les Slovènes proposèrent d’ajouter la Basse-Styrie au royaume afin de regrouper dans une seule entité politique toutes les régions où se trouvaient des populations slovènes. L'objectif était de créer une "Zedinjena Slovenija", une Slovénie unie. L'année suivante, l'Autriche abolit le royaume d'Illyrie et l'intégra dans son empire. |
En 1867, le duché de Carinthie fut incorporé dans la partie occidentale de l'Empire austro-hongrois. Les langues allemande et slovène se développèrent parallèlement, selon les localités de résidence jusqu'à la Première Guerre mondiale. À la fin du XIXe siècle, les Slovènes de Carinthie représentaient environ un quart à un tiers de la population totale de la Carinthie, qui comprenait à cette époque des parties qui ont entre-temps été cédées. Au cours du XXe siècle, les effectifs commencèrent à diminuer, notamment en raison de la pression assimilatrice de la langue allemande.
3.3 La brève république d'Autriche allemande (1918-1919)
Au cours de la dissolution de l'Empire austro-hongrois à la fin de la Première Guerre mondiale, l'Assemblée provisoire de la Carinthie proclama son adhésion à la république d'Autriche allemande ("Republik Deutsch-Österreich"), proclamée le 12 novembre 2018. Non seulement, la République revendiquait les actuels Länder autrichiens, sauf le Burgenland, mais également des territoires qui aujourd'hui font partie au nord de la République tchèque et au sud de l'Italie (Bolzano et Tavisio) et de la Slovénie (Marburg an der Drau).
Les Länder du Tyrol et de Salzbourg votèrent à une très large majorité (98%-99%) en faveur de l'unification avec l'Allemagne, lors de référendums. Le Vorarlberg, pour sa part, désirait à 80% de devenir un canton suisse. Dans sa constitution du 31 juillet 1919, la République proclamait son droit de s'unir à l'Allemagne. |
3.4 Le référendum carinthien de 1920
De son côté, l'État des Serbes, des Croates et des Slovènes, qui allait devenir plus tard la
Yougoslavie, revendiquait le sud de la Carinthie, peuplé de Slovènes, et l'envahit avec son armée, ce qui provoqua un conflit avec l'Autriche. Des combats défensifs paramilitaires s'ensuivirent et les deux camps bombardèrent la population slovène de propagande. Les Alliées prirent conscience de ce conflit et imposèrent un référendum en Carinthie. La région fut découpée par les Alliés en deux zones: une zone A au sud et une
zone B au nord dans le but d'y tenir deux référendums. La population de la zone A était en majorité slovène, alors que la population de la zone B était à majorité germanophone.
Les votants eurent droit à une propagande intensive. Pendant que l'Autriche promettait au nom de la fraternité la préservation et la promotion de la culture et de la langue slovènes, les partisans de l'État yougoslave soutenaient l'identité slovène et une éventuelle création d'un État slovène à part entière dans un discours particulièrement antigermanique. |
Le référendum eut lieu le 10 octobre 1920 pour déterminer si la population de la Carinthie souhaitait à l'Autriche ou à la Yougoslavie monarchique. Près de 60% des Carinthiens votèrent pour rester en Autriche, dont une proportion importante du groupe ethnique slovène, contre 40,9% pour la Yougoslavie. Néanmoins, une majorité de 18 municipalités de la zone A vota pour la Yougoslavie. Devant le résultat, les Alliés décidèrent de ne pas tenir un second référendum dans la zone B, compte tenu que la quasi-totalité de la population, étant essentiellement germanophone, aurait voté pour le rattachement à l'Autriche. Par un contrat d'État de 1919 (traité de Saint-Germain-en-Laye), l'Autriche dut s'engager à protéger la minorité slovène en Carinthie, sur un territoire mixte délimité. Mais cela n'empêcha pas des milliers de Slovènes d'émigrer vers la Yougoslavie, notamment la classe intellectuelle, dont beaucoup de prêtres et d'enseignants. Il restait à l'Autriche de respecter ses engagements.
Semblable à d'autres États européens, le nationalisme allemand se développa en Autriche au cours de l'entre-deux-guerres, alors que les tensions ethniques entre germanophones et slovènophones conduisirent à une discrimination croissante contre les Slovènes de Carinthie. Les promesses faites furent en partie rompues, de sorte que l'assimilation des Slovènes contribua à diviser la société carinthienne du Sud. Bref, la germanisation, qui avait été momentanément interrompue après la Première Guerre mondiale, reprit, démontrant ainsi que le traité de Saint-Germain-en-Laye, avec ses dispositions sur la protection des minorités, n'était pas suffisant pour protéger les Slovènes en tant que groupe ethnique.
Après 1933, date à laquelle Adolf Hitler accéda au pouvoir en Allemagne, le désir d'unification à l'Allemagne pouvait être identifié aux nazis, qui cherchaient à incorporer autant de Volksdeutsche («germanophones hors d'Allemagne») que possible dans une Grande Allemagne unifiée.
- L'occupation nazie
Le matin du 12 mars 1938, la VIIIe armée de la Wehrmacht allemande franchit la frontière autrichienne. Les troupes furent accueillies par des Autrichiens en liesse avec des saluts et des drapeaux nazis, puis des fleurs. Pendant l'occupation nazie (1938-1945), la Carinthie fut dissoute en tant qu'unité administrative. Évidemment, la langue slovène fut interdite dans la vie publique et les écoles slovènes furent fermées. La persécution s'est intensifiée en 1942, lorsque les familles slovènes furent systématiquement expulsées de leurs fermes et de leurs maisons, tandis que beaucoup de Slovènes furent envoyés dans des camps de concentration nazis. Les sentiments anti-slovènes se sont poursuivis après la Seconde Guerre mondiale parmi de larges pans de la population germanophone de Carinthie. Par conséquent, le sentiment nationaliste allemand n’a fait que croître, entraînant une assimilation accrue des Slovènes de Carinthie. |
- Les lois de protection
Le Traité d’État du 15 mai 1955 (Staatsvertrag) fut signé au palais du Belvédère à Vienne, entre les forces occupantes alliées — les États-Unis, l'URSS, la France et le Royaume-Uni — et le gouvernement autrichien. Le traité entrait en vigueur le 27 juillet 1955. L'article 7 obligeait l'Autriche à protéger ses minorités du Burgenland, de la Carinthie et de la Styrie. De façon plus précise, le traité accordait aux minorités slovènes et croates le droit à un enseignement primaire dans leur langue et à un nombre proportionnel d'écoles secondaires qui leur soit propre. Dans ce contexte, les programmes scolaires furent revus et un département de l'inspection scolaire fut instauré pour les écoles slovènes et croates. Dans les districts administratifs et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de Styrie, les langues croate et slovène furent autorisées comme langue officielle en plus de l'allemand. Les appellations et les inscriptions à caractère topographique furent rédigées à la fois en slovène ou en croate et en allemand.
La Loi n° 396 sur les groupes ethniques (Volksgruppengesetz) de 1976 était destinée à répondre aux spécificités ethniques et linguistiques des minorités autochtones autrichiennes. Il y a eu aussi plusieurs autres textes juridiques de la part des autorités fédérales pour intervenir dans le Land du Burgenland, ce qui démontre une certaine résistance à appliquer la législation sur une question qui semble demeurer un sujet de tension.
- La persistance des conflits
Malgré cette protection de principe, des dizaines d'années après la Seconde Guerre mondiale, il régnait encore dans cette région une atmosphère tendue, avec de nombreux conflits latents entre locuteurs slovènes et locuteurs allemands. Au début des années 1970, il était évident qu'en ce qui concerne les panneaux bilingues l'État autrichien n'avait pas rempli les obligations de sa constitution, et la majorité des panneaux désignant les villes slovènes demeuraient unilingues allemands, n'ayant pas d'équivalent slovène. Réalisant que l'absence d'une telle signalisation constituait une violation d'un traité international, le gouvernement fédéral, dirigé par le chancelier Bruno Kreisky (21 avril 1970 – 24 mai 1983), procéda à l'assemblage d'une liste de villages et de villes à population slovène, et commença à ériger les panneaux bilingues appropriés, et ce, pour 205 localités dans 36 municipalités.
En réaction, la population locale germanophone enleva dans la même journée les panneaux bilingues qui avaient été mis en place dans la nuit du 20 septembre 1972; mais d'autres furent simplement barbouillées. Des germanophones réfractaires aux Slovènes menacèrent plusieurs postes de gendarmerie de faire sauter des pylônes à haute tension si la gendarmerie continuait à prendre des mesures contre eux, ce qui déclencha des émeutes à plusieurs reprises. Dans certains cas, les noms de lieux allemands furent diffamés ou complétés par un toponyme slovène, notamment à Klagenfurt et à Hermagor.
- L'ombre du pangermanisme
L'une des principales figures politiques de la Carinthie à cette époque fut Jörg Haider (1950-2008), un homme politique autrichien de l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche. Cadre du Parti de la liberté d'Autriche et député fédéral, il s'est lié aux factions ultranationalistes et pangermanistes. Les principaux combats de Haider ont été ceux contre le bilinguisme dans le sud de la Carinthie, que ce soit contre les écoles ou les panneaux de signalisation. En décembre 2001, la Cour constitutionnelle autrichienne statua que les panneaux routiers topographiques dans toutes les localités de Carinthie qui comptaient plus de 10% de résidents de langue slovène sur une longue période devaient être écrits à la fois en allemand et en slovène. Haider refusa d'exécuter cette décision, qui a été réitérée à plusieurs reprises par la Cour; au lieu d'ériger des centaines de nouveaux panneaux bilingues, comme l'avait décidé le tribunal, Haider ordonna le retrait de plusieurs panneaux existants, ce qui déclencha une vague de protestations parmi la minorité slovène locale, y compris des actes de désobéissance civile.
En mai 2006, Haider déplaça personnellement le panneau routier de la ville de Bleiburg (en slovène : Pliberk ) dans le sud-est de la Carinthie sur plusieurs mètres en réponse à la décision de la Cour constitutionnelle qui avait jugé le panneau inconstitutionnel, car il était rédigé uniquement en allemand. Haider se compara à Jésus-Christ qui avait déplacé la pierre sur sa tombe, provoquant l'indignation du clergé catholique romain local. Après que la Cour eût condamné son action jugée illégale, Haider menaça de convoquer un référendum régional sur la question, pour lequel il fut publiquement réprimandé par le président fédéral Heinz Fischer. En décembre 2006, Haider tenta encore de contourner la décision de la Cour constitutionnelle en attachant des plaques moins proéminentes avec des noms de lieux slovènes aux panneaux routiers allemands, ce qui fut de nouveau jugé inconstitutionnel par la Cour. Haider fit néanmoins fi de la décision de la Cour et poursuivit ses actions anti-slovènes. |
Ce politicien controversé est également l'auteur de propos cherchant à minimiser les responsabilités de l'Autriche dans la traque des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, tout en vantant la politique économique d’Adolf Hitler et en se montrant élogieux au sujet des vétérans des Waffen-SS, et des campagnes islamophobes et anti-immigrées. Haider a influencé les germanophones non seulement par ses actions politiques, mais aussi par ses idées qui se sont prolongées jusque vingt ans après son décès. Aujourd’hui encore, les autorités locales démontent des panneaux indicateurs dans une région où une grande partie de la population autochtone est slovène. Néanmoins, après Haider, un peu plus de solidarité semble avoir émergé de part et d'autre, au lieu des controverses incessantes.
Il faut rappeler que, depuis le XIXe siècle, la Carinthie constitue une place forte de la droite en Europe centrale. Même longtemps après la chute de l'Empire austro-hongrois, les germanophones ont véhiculé des idées nationalistes, anti-slaves et anti-juives, anticléricales aussi, alors que les Slovènes demeuraient généralement loyaux envers l'État plurinational des Habsbourg, puis par la suite
envers le gouvernement central de Vienne. La dictature hitlérienne lors de la Seconde Guerre mondiale a fait resurgir les tensions qui ont persisté auprès d'une certaine frange de la population germanophone. Hitler avait même prévu réinstaller les Slovènes de Carinthie au sud et, en retour, d’installer des Allemands originaires de la Yougoslavie.
Dans les décennies qui suivirent la «guerre des panneaux» (Ortstafelsturm), les manœuvres politiques, les avis juridiques et les actions du public se sont combinés pour faire de l'Ortstafelsturm l'un des événements les plus déroutants de l'Autriche d'après-guerre. Le conflit autour de la signalisation en deux langues des localités slovènes a fait parler de lui à plusieurs reprises dans toute l'Europe. Torpiller par des signes aussi symboliques un processus de rapprochement amorcé depuis longtemps ne pouvait que nuire à l'épanouissement culturel et à l'existence harmonieuse d'une communauté minoritaire. Le conflit ne sera réglé politiquement qu'en 2011. Néanmoins, de nombreux villages n'ont pas encore de panneaux bilingues. |
En fait, la communauté slovène de Carinthie demandait ses droits minoritaires reconnus en 1955, comme des écoles et des paroisses bilingues, des journaux slovènes, des associations et des représentants dans les conseils municipaux et à l'Assemblée du Landtag. Les Slovènes n'ont jamais obtenu ces droits dans la réalité. Il aura fallu des décennies pour obtenir par la loi l'enseignement primaire et secondaire inférieur bilingue dans la partie méridionale de la Carinthie; il existe deux écoles secondaires supérieures bilingues et une avec le slovène comme langue d'enseignement. Au niveau tertiaire, le slovène peut être étudié dans les universités de Klagenfurt, de Graz et de Vienne. La formation des enseignants est offerte par l'Institut fédéral de formation des enseignants de Klagenfurt et les universités précitées. En dehors du territoire légalement défini, le slovène peut être proposé comme matière à tous les niveaux d'enseignement. Cependant, le nombre total d'élèves et d'étudiants qui étudient en slovène est faible. Il aura fallu dix de négociations pour obtenir des panneaux bilingues à l'entrée de certaines municipalités. Il existe aujourd'hui 164 panneaux toponymiques bilingues en Carinthie.
Alors que dans les décennies qui ont suivi l'indépendance de l'Autriche, les dispositions relatives à l'enseignement bilingue obligatoire avaient provoqué des frictions entre les Carinthiens slovènes et germanophones, la signalisation toponymique bilingue demeure encore aujourd'hui le point de discorde de la politique des minorités dans cette région d'Autriche. En 2001, la Cour constitutionnelle autrichienne avait ramené le quota minimum de 25 % à 10% de Slovènes pour l'obtention de panneaux bilingues, mais cela n'a eu aucun un effet; sauf celui d'apporter environ 18 panneaux supplémentaires. En 2011, des progrès considérables furent réalisés avec l'accord sur l'érection de 168 inscriptions bilingues. L'atmosphère en Carinthie s'est améliorée et la majorité et les groupes minoritaires ont pu généralement coexister côte à côte. Néanmoins, certains engagements restent non tenus, notamment dans les institutions administratives et judiciaires.
La relation avec la minorité slovène reste l'un des sujets encore délicats en Carinthie. Indépendamment des conflits politiques, on peut observer certains signes encourageants, par exemple la croissance du nombre des personnes intéressées par un enseignement bilingue. De façon paradoxale, ces observations montrent aussi que le processus historique d’assimilation et de marginalisation a renforcé les relations interethniques en Carinthie. Lors du dernier recensement de la monarchie en 1910, plus de 66 000 personnes en Carinthie ont indiqué le slovène comme langue maternelle; lors du dernier recensement de ce type en 2001, il n'y avait officiellement que 12 586 citoyens slovènophones. Par rapport à l'évolution de la population, la baisse semble encore plus dramatique, puisque la population de la Carinthie a augmenté de près de 200 000 personnes au cours de la même période.
Un long travail de persuasion semble avoir été effectué par ceux qui sont prêts à faire des compromis des deux côtés parmi leur propre clientèle. Le groupe de consensus, composé d’anciens opposants – issus d’organisations slovènes et du Service de la patrie de Carinthie – qui a préparé le terrain pour cela. Signalons aussi les pressions de l’extérieur, qui ont fait ressembler la Carinthie à un pays étroit d’esprit et tourné vers le passé. Pendant longtemps, l'allemand a été considéré comme la langue du progrès et le slovène comme une langue arriérée. Même si le slovène n'est plus considéré avec autant de mépris qu'autrefois, il y a encore beaucoup de critiques sur la mise en œuvre des droits de cette minorité autochtone.
La politique linguistique de la Carinthie est assujettie aux lois des autorités fédérales. Ainsi, répétons-le, les groupes ethniques des Hongrois, des Slovènes, des Croates, des Slovaques et des Tchèques sont devenus des minorités reconnues en Autriche après l'effondrement de la monarchie austro-hongroise. En 1993, l'État autrichien a ajouté les Roms/Tsiganes. Ces minorités linguistiques bénéficient, par des traités internationaux, d'une protection spéciale de la part de l'État autrichien et de droits spécifiques, entre autres, celui d'employer leur langue maternelle en privé et en public (écoles, administration locale et tribunaux), celui de porter leur propre nom, et celui de maintenir et de cultiver leur propre culture et/ou leur religion. Le Land ne doit prendre aucune mesure tendant à réduire ou à dissoudre la spécificité ou le caractère commun d'une communauté linguistique, mais il peut leur accorder plus de droits. D'ailleurs, la Loi constitutionnelle d'État du 11 juillet 1996 (version de 2017) énonce que l'allemand est la langue nationale (en allemand: Sprache Landessprache), sans préjudice des droits reconnus aux minorités linguistiques par la législation fédérale:
Landesverfassungsgesetz vom 11. Juli 1996, mit dem die Verfassung für das Land Kärnten erlassen wird 1) Die deutsche Sprache ist die Landessprache, das heißt die Sprache der Gesetzgebung und – unbeschadet der der Minderheit bundesgesetzlich eingeräumten Rechte – die Sprache der Vollziehung des Landes Kärnten. 2) Das Land Kärnten bekennt sich gemäß Artikel 8 Abs. 2 des Bundes-Verfassungsgesetzes zu seiner gewachsenen sprachlichen und kulturellen Vielfalt, wie sie in Kärnten in der slowenischen Volksgruppe zum Ausdruck kommt. Sprache und Kultur, Traditionen und kulturelles Erbe sind zu achten, zu sichern und zu fördern. Die Fürsorge des Landes gilt allen Landsleuten gleichermaßen. |
Loi constitutionnelle de l'État du 11 juillet 1996, avec laquelle la constitution de l'État de Carinthie est promulguée Article 5 1) La langue allemande est la langue nationale, c'est-à-dire la langue de la législation et – sans préjudice des droits accordés à la minorité par la loi fédérale – la langue d'exécution de l'État de Carinthie. 2) Conformément à l'article 8, paragraphe 2, de la Loi constitutionnelle fédérale, l'État de Carinthie est attaché à sa diversité linguistique et culturelle croissante, telle qu'elle s'exprime en Carinthie par le groupe ethnique slovène. La langue et la culture, les traditions et le patrimoine culturel doivent être respectés, sécurisés et promus. L'assistance du Land s'applique également à tous les compatriotes. |
Cela signifie l'allemand est la «langue des lois, sans plus, donc la langue usuelle employée par le Land, abstraction faite des droits reconnus par les lois fédérales.
4.1 La législation et la justice
Aucun statut n'est reconnu aux minorités autrichiennes dans le domaine des activités parlementaires. Les députés autrichiens ne s'expriment qu'en allemand tant au Parlement fédéral qu'aux parlements des Länder de Carinthie, du Burgenland et de Styrie. Les lois sont rédigées et promulguées exclusivement en allemand, même celles concernant les minorités. Celles-ci ne jouissent donc d'aucun droit dans le domaine de la législature.
Le traité de Saint-Germain-en-Laye (1919) reconnaissait le principe pour les minorités d'utiliser leur langue maternelle (orale ou écrite) dans les tribunaux.
Article 66
1) Tous les ressortissants autrichiens seront égaux devant la loi et jouiront des mêmes droits civils et politiques sans distinction de race, de langue ou de religion. 4) Nonobstant l'établissement par le gouvernement autrichien d'une langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants autrichiens de langue autre que l'allemand, pour l'usage de leur langue, soit oralement, soit par écrit devant les tribunaux. |
La Loi constitutionnelle sur la protection de la liberté individuelle de 1988 énonce que toute personne arrêtée doit être informée sans délai des motifs de son arrestation dans une langue qu'elle comprend:
Article 4 6) Toute personne arrêtée doit être informée dans les meilleurs délais, si possible au moment de son arrestation, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et des accusations retenues contre elle. Les droits accordés aux minorités linguistiques par la loi fédérale ne sont pas affectés. |
Ces dispositions n'impliquent pas nécessairement que les représentants de la justice doivent connaître la langue minoritaire concernée, car la présence d'un traducteur peut en principe suffire.
D'ailleurs, la Loi fédérale sur la procédure administrative générale (1991) énonce que si un justiciable à entendre n'a pas une connaissance suffisante de la langue allemande, on doit faire appel à un interprète désigné:
Article 39a |
Autrement dit, le droit à la langue signifie dans la pratique le droit à un interprète. L'article 15 de la Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013) reprend ce recours à un interprète:
Article 15
1) Si une personne a l'intention d'employer la langue d'un groupe ethnique lors d'une audience, elle en informe l'autorité ou le service public immédiatement après avoir été convoquée; les frais supplémentaires résultant d'une omission coupable à cet égard peuvent être imposés à la personne concernée. Cette obligation de publication est levée dans le cas d'une procédure sur la base d'une requête rédigée dans la langue d'un groupe ethnique. La publication s'applique pour toute la durée de la procédure ultérieure, à moins qu'elle ne soit révoquée. 2) Si, dans une procédure, une personne emploie la langue du groupe ethnique, l’une des parties (des parties intéressées) peut demander — dans la mesure où la procédure concerne le requérant — que la procédure soit menée à la fois dans la langue concernée ainsi qu'en allemand. Ceci s'applique également à la publication orale des décisions.3) Si organisme ne maîtrise pas la langue du groupe ethnique, il est fait appel à un interprète. 4) Les audiences tenues devant un organisme maîtrisant la langue d'un groupe ethnique et auxquelles ne participent que des personnes prêtes à employer la langue d'un groupe ethnique peuvent avoir lieu, à la différence de ce qui est prévu au paragraphe 2, dans la langue d'un groupe ethnique. Cela s'applique également à l'annonce orale des décisions, qui doivent toutefois également être enregistrées en allemand. |
Cela signifie qu'un procès bilingue est celui où l'allemand est de mise ainsi que la traduction dans cette langue pour les témoignages rendus dans une autre langue. Ce système a le mérite d'accorder le droit à sa langue sans exiger la preuve d'une ignorance de la langue allemande.
L'article 3 du Décret du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres services publics où la langue slovène est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (1977) autorise formellement l'usage du slovène dans les tribunaux des districts de Ferlach, de Eisenkappel et de Bleiburg:
Article 3
1) La langue slovène est, en plus de l'allemand comme langue officielle, autorisée pour les personnes (art. 1) résidant dans l'une des municipalités agréées à l'article 2 ci-dessus :
2) Dans l'esprit des objectifs du l'article 1 de la Loi sur les groupes ethniques, BGBL n° 396/1976, les autorités peuvent, conformément à l'article 1, permettre à d'autres personnes, notamment celles qui ne maîtrisent pas suffisamment l'allemand, d'employer le slovène comme langue officielle. |
Toutefois, il n'existe aucune statistique officielle ou non officielle démontrant combien il y a des «procès bilingues» dans les faits. Bien que cela puisse être dû au manque de compétence des parties en matière de terminologie juridique dans les langues minoritaires ou à leur crainte d'être considérés comme des fauteurs de troubles, force est de constater que les autorités n'informent pas activement ou n'encouragent pas les parties à faire usage de cette possibilité. Il faut ajouter que, dans le meilleur des cas, le Land ne dispose que d'un seul juge slovène et d'un seul interprète judiciaire pour les trois tribunaux où le slovène est admis et qu'ils ne sont pas surchargés.
4.2 Les services publics
Quelques textes juridiques traitent de la question des services publics. L'article 66 du traité de Saint-Germain (1919) abordait en des termes plutôt obscurs cette question en stipulant qu'il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage d'une langue quelconque dans les relations privées ou commerciales. La Loi sur les groupes ethniques de 1976 allait beaucoup plus loin. L'article 13 (paragraphe 2) précisait que «devant les pouvoirs publics» et autres institutions prévues par la loi «toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics [...]». Le paragraphe 3 spécifie même que les instances autres que les pouvoirs publics «doivent, dans la mesure où ils la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale». De plus, il est énoncé au paragraphe 4 que «dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et avis officiels». Voici le texte complet de l'art. 13 de la Loi sur les groupes ethniques :
Article 13
1) Les responsables des pouvoirs publics et institutions désignés à l'article 2, paragraphe 1, alinéa 3, doivent s'assurer que les pouvoirs publics et institutions font usage dans l'exécution de leurs tâches de la langue d'une minorité conformément aux dispositions du présent paragraphe. 2) Devant les pouvoirs publics et institutions tels que définis au paragraphe 1, toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics et institutions aux termes des dispositions du paragraphe 2, alinéa 1. Néanmoins, personne n'a le droit de se soustraire ou de refuser de donner suite à une démarche officielle requérant une exécution immédiate par une instance relevant desdits pouvoirs publics ou institutions sous prétexte que cette démarche officielle ne peut avoir lieu dans la langue de la minorité. 3) Les instances autres que les pouvoirs publics et institutions prévus au paragraphe 1 doivent, dans la mesure où elles la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale. 4) Dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et les avis officiels. 5) Les dispositions se rapportant à l'usage de la langue d'une minorité comme langue officielle ne s'appliquent pas à l'usage interne que pourraient en faire les pouvoirs publics et institutions. |
Les articles 1 et 2 du Décret du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres services publics où la langue slovène est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (1977) reconnaissent à certaines municipalités l'obligation de donner des services publics en slovène en plus de l'allemand:
Article 1er
L'emploi de la langue slovène comme langue officielle en plus de l'allemand devant les autorités et les services publics où elle est autorisée par le présent décret ne s'applique qu'aux citoyens autrichiens. Article 2 1) La langue slovène est, en plus de l'allemand comme langue officielle, employée devant les autorités municipales et les services publics des municipalités autorisées qui, conformément au règlement du gouvernement fédéral du 31 mai 1977, Bulletin des lois fédérales n° 306, relatif à la définition des aires où les inscriptions topographiques doivent être en allemand et en slovène, ainsi que la toponymie et les signaux de nature topographique peuvent à la fois figurer en slovène et en allemand; ce sont le district de Klagenfurt et les communautés d'Ebental, de Ferlach, de Ludmannsdorf et de Zell, dans le district de Völkermarkt Bleiburg et les communautés d'Eisenkappel-Vellach, de Globasnitz et de Neuhaus. 2) La langue slovène est, en plus de l'allemand comme langue officielle, également autorisée devant les autorités municipales et les services publics dans les municipalités suivantes:
3) La langue slovène est, en plus de l'allemand comme langue officielle, autorisée dans les postes de gendarmerie dont le champ d'activités s'applique aux municipalités énumérées aux paragraphes 1 et 2. |
En Carinthie, les services publics dans la langue slovène sont très limités, même dans les municipalités reconnues. Dans le meilleur des cas, tout se limite à des panneaux bilingues à l'entrée et à la sortie d'une localité. Ce droit aux services publics en slovène n'est pas prévu dans la Constitution fédérale, mais seulement dans un décret de 1977, ce qui signifie que généralement la bonne collaboration d'une municipalité peut répondre à ce genre de demandes de la part des Slovènes. Il peut arriver parfois que des citoyens puissent obtenir des documents bilingues, mais cette politique demeure peu habituelle. Les slovènophones doivent recourir à l'allemand pour obtenir la plupart de leurs services publics. |
Néanmoins, certaines municipalités carinthiennes émettent des documents personnels en slovène, bien que cette pratique soit très variable. Des municipalités délivrent, par exemple, des certificats de naissance dans en slovène en plus de l'allemand. D’autres n’ont jamais reçu ce type de demande, car les citoyens appartenant à cette minorité ne sont pas informées de cette possibilité. Toutefois, des ajustements techniques concernant l’usage des signes diacritiques conformes aux règles d’orthographe et de grammaire du slovène ont été opérés; les documents d’identité personnels sont désormais délivrés sans erreur. De plus, toutes les demandes visant à corriger les inexactitudes des documents d’identité précédemment délivrés doivent être traitées de manière efficace et gratuite.
4.3 Les droits scolaires
Le droit pour les minorités autrichiennes à un enseignement primaire et à un nombre approprié d'écoles secondaires est reconnu dans plusieurs traités internationaux, dont à l'article 68 du traité de Saint-Germain (1919), à l'article 20 (par. 3) du Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités (1920) et à l'article 7 (par. 2) du Traité d’État de Vienne de 1955. En vertu de ces traités, les minorités ont droit à un enseignement en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque. Pour la Carinthie, il s'agit du slovène. Depuis le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, cette minorité dispose d'écoles primaires – il s'agit principalement du premier cycle – où l'on enseigne en slovène.
- Les jardins d'enfants
Les lois fédérales ne prévoient pas de protection particulière pour les écoles maternelles ou les jardins d'enfants, ce qui n'est pas le cas pour les écoles primaires. Par contre, le Land de Carinthie a prévu une réglementation concernant la maternelle pour les enfants slovènes. Cependant, la Loi sur la maternelle (1992-2011) de la Carinthie ne mentionne aucune disposition pour le slovène, mais elle impose un cadre pour ce genre d'établissement pour les enfants âgés de trois ans jusqu'à leur admission à l'école primaire:
Article 2
Tâches 1) L'école maternelle générale a pour mission d'éduquer et de prendre soin des enfants âgés de trois ans jusqu'à leur admission à l'école. L'éducation familiale doit être soutenue et complétée conformément aux valeurs sociales, éthiques et religieuses. Le développement des enfants, leur éducation et le libre épanouissement de leur personnalité doivent être encouragés, notamment par le jeu et l'expérience de la communauté. La préparation à l'école doit être soutenue, de sorte que toute pression à la performance et toute instruction de type scolaire doivent être exclues. 2) Dans le jardin d'enfants spécial, les enfants dont le développement est inhibé ou autrement handicapé doivent être pris en charge et soutenus, selon des principes scientifiques éprouvés, en particulier curatifs et éducatifs, en tenant compte des objectifs du paragraphe 1. |
Ainsi, l'article 16b de cette loi régionale exige des municipalités de veiller à ce que, pour chaque enfant qui a sa résidence principale dans la municipalité et qui est tenu de fréquenter un jardin d’enfants, une place dans un jardin d’enfants soit disponible sur leur territoire municipal.
La loi régionale portant le titre de Loi sur le fonds des jardins d’enfants de Carinthie (2001-2018) contient plusieurs dispositions linguistiques:
Article 1er Objet de la loi 1) L’objectif de la présente loi est de promouvoir les jardins d’enfants bilingues ou multilingues dans la zone d’installation du groupe ethnique slovène en Carinthie. 2) La zone de peuplement du groupe ethnique slovène en Carinthie est considérée comme étant les municipalités dans lesquelles, conformément aux articles 1er et 3 de la loi de mise en œuvre de l’éducation des minorités, l’enseignement doit être offert dans les deux langues officielles dans au moins une école primaire. Article 6 2) S’il n’y a pas de personnel qualifié disponible répondant aux exigences particulières de recrutement pour les jardins d’enfants bilingues ou multilingues, des conditions de recrutement réduites peuvent être fixées par voie réglementaire. Article 7 3) Le règlement prévoit les cas suivants:
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La loi précise qu'un enseignant ou une enseignante doit maîtriser au moins l'allemand et le slovène, ainsi que, le cas échéant, une troisième langue. Dans la grande majorité des cas, il s'agit de l'anglais, mais dans certaines localités situées près de la frontière italienne il est possible que ce soit l'italien.
De plus, l'article 3b de la Loi sur l'éducation et la garde d'enfants (2011) impose l'apprentissage de l'allemand dès l'âge de quatre ans, tandis que l'établissement doit effectuer une évaluation du niveau de langue acquise chez chaque enfant:
Article 3b Soutien linguistique et évaluation des compétences linguistiques 1) Depuis le début de la garde d'enfants jusqu'au moment où les enfants entrent à l'école, les structures d'enseignement et de garde d'enfants doivent promouvoir l'ensemble du stade de développement et, en particulier, les compétences linguistiques des enfants afin que leur potentiel soit soutenu de la meilleure façon possible et qu'une bonne base de développement soit prévue pour l'entrée à l'école. Dans tous les cas, la promotion de l'allemand comme langue d'enseignement, en mettant l'accent sur les compétences linguistiques dès l'entrée à l'école, doit avoir lieu à partir de l'âge de quatre ans. 2) Les enfants qui ne connaissent pas l’allemand doivent être soutenus dans les structures d’éducation et d’accueil dès le début de leur prise en charge, mais surtout au cours des deux dernières années de la maternelle, de manière à ce qu’ils maîtrisent l’allemand dans la mesure du possible comme langue d’enseignement lorsqu’ils entrent à l’école. 3) Pour chaque enfant, au cours de l’année où il fréquente un établissement d’éducation et d’accueil pour enfants, mais au plus tôt à l’âge de trois ans, une évaluation du niveau de langue doit être effectuée par des personnes dûment qualifiées. Si un besoin de soutien linguistique est identifié, celui-ci doit être fourni par des personnes dûment qualifiées. La dernière évaluation du niveau de langue doit être effectuée avant que l’enfant ne commence l’école à la fin de la dernière année de la maternelle. |
En juillet 2018, on comptait 24 jardins d'enfants avec des cours à la fois en slovène et en allemand pour environ 1000 enfants. Ces jardins d'enfants ont reçu quelque deux millions d'euros de financement public au cours d'une année scolaire. Dans le territoire visé par la Loi sur l'instruction scolaire, n° 472, près de la moitié des enfants, soit 45%, fréquentent des classes bilingues.
Généralement, la façon dans laquelle le slovène est employé comme langue de la maternelle dans un jardin d'enfants dépend principalement de la compétence linguistique et de l'engagement du personnel de l'établissement. Le fait qu'un éducateur ou une éducatrice puisse ou non parler le slovène dépend généralement des décisions ou du budget du conseil municipal, voire du maire. Dans certains jardins d'enfants, le slovène est employé systématiquement dans les cours et les jeux, mais dans d'autres cas les enfants n'apprennent que quelques chansons ou poèmes dans leur langue. Plutôt que de protester auprès de la municipalité afin de contrecarrer l'assimilation linguistique de leurs enfants, beaucoup de parents slovènes s'accommodent simplement de la situation et privent ainsi leurs enfants de la possibilité d'apprendre deux langues en même temps de manière ludique.
Il existe aussi des écoles maternelles privées. L'Association scolaire slovène a fondé des jardins d'enfants en 1979 à l'instigation de deux organisations centrales slovènes. Cette association gère trois jardins d'enfants privés:
le jardin d'enfants "Sonce" à Klagenfurt/Celovec (50 places) = offre bilingue pour les enfants de 3 à 6 ans;
le jardin d'enfants "Pika" à St. Primus/Šentprimož (25 places) = offre trilingue pour les enfants de 3 à 6 ans;
le groupe de maternelle pour adultes "Minka" à Schiefling/Škofiče (20 places) = offre bilingue pour les enfants de 1 à 6 ans.
Au total, 100 places de maternelle sont disponibles dans les trois jardins d'enfants. Ce sont des établissements privés, avec un pensionnat disponible, qui garantissent aux enfants une éducation bilingue appropriée et qui ont reçu le label européen pour des projets linguistiques innovants.
- L'enseignement primaire
L'enseignement primaire en slovène est prévu dans le Traité d’État du 15 mai 1955:
Article 7
Droits des minorités slovènes et croates 1) Les ressortissants autrichiens appartenant aux minorités slovène et croate en Carinthie, en Burgenland et en Styrie jouiront de pair avec tous les autres ressortissants autrichiens des mêmes droits que ceux-ci, y compris le droit d'avoir leurs propres organisations, de tenir leurs réunions et de posséder une presse dans leur propre langue. 2) Ils ont droit à l'enseignement primaire en langue slovène ou croate et à un nombre proportionnel d'établissements propres d'enseignement secondaire; à cet effet, les programmes scolaires seront revus et une section de l'inspection de l'enseignement sera créée pour les écoles slovènes et croates. |
L'article 68 du traité de Saint-Germain-en-Laye prévoit des écoles primaires pour les ressortissants autrichiens qui parlent une autre langue que l'allemand:
Article 68
En matière d'enseignement public, le gouvernement autrichien accordera, dans les villes et districts où réside une proportion considérable de ressortissants autrichiens de langue autre que la langue allemande, des facilités appropriées pour assurer que dans les écoles primaires l'instruction sera donnée dans leur propre langue aux enfants de ces ressortissants autrichiens. Cette stipulation n'empêchera pas le gouvernement autrichien de rendre obligatoire l'enseignement de la langue allemande dans lesdites écoles. Dans les villes et districts où réside une proportion considérable de ressortissants autrichiens appartenant à des minorités ethniques, de religion ou de langue, ces minorités se verront assurer une part équitable dans le bénéfice et l'affectation des sommes qui pourraient être attribués sur les fonds publics par le budget de l'État, les budgets municipaux ou autres, dans un but d'éducation, de religion ou de charité. |
Il s'agit là d'un énoncé plutôt vague, mais cet article du traité favorisera l'adoption de mesures plus précises par la suite. De fait, cette loi fédérale, la
Loi sur l'instruction scolaire(1986-2023), autorise l'enseignement dans les écoles spécifiquement destinées aux minorités linguistiques:
Article 16 Langue d'enseignement 1) La langue d'enseignement est l'allemand, sauf disposition contraire de la loi ou des accords internationaux pour les écoles spécifiquement destinées aux minorités linguistiques. 2) Dans la mesure où la sélection des élèves en fonction de la langue est autorisée, conformément à l'article 4, paragraphe 3, de la Loi sur l'organisation scolaire dans les écoles privées, la langue en question peut également être employée comme langue d'enseignement dans ces écoles privées. 3) En outre, l'autorité scolaire compétente peut, à la demande du directeur ou, dans le cas des écoles privées, à la demande de la direction de l'établissement, ordonner l'usage d'une langue étrangère moderne comme langue d'enseignement (langue de travail), si celle-ci apparaît opportune en raison du nombre de personnes de langue étrangère résidant en Autriche ou pour une meilleure formation en langues étrangères et si cela ne nuit pas pour autant à l’accessibilité générale des différentes formes et disciplines des types d’écoles. Cet arrangement peut également se transmettre à des classes individuelles ou à des matières d’enseignement individuelles. Ceci est sans préjudice des accords intergouvernementaux. |
Le Parlement fédéral a adopté en 1959 la Loi sur les écoles minoritaires de Carinthie, qui fut par la suite régulièrement modifiée. C'est une très longue loi comptant de nombreux articles précisant les modalités de l'enseignement aux minorités en Carinthie. L'article 1.7 reconnaît que tout élève a le droit de recevoir l'enseignement en slovène ou d'apprendre cette langue comme matière obligatoire, mais seulement à la demande de son représentant légal, ce qui ne le dispense pas de recevoir un apprentissage de la langue allemande (art. 1.8), ce qui correspond à un enseignement bilingue:
Article 1er
b) Dispositions générales § 7. Tout élève a le droit de recevoir l'enseignement en slovène ou d'apprendre cette langue comme matière obligatoire dans les écoles dont la liste sera dressée par un règlement d'application (paragraphes 3 et 4, alinéa 1er) si telle est la volonté de son représentant légal. Ce n'est qu'à la demande de ce représentant légal que l'élève peut être obligé de recevoir l'enseignement en langue slovène ou d'apprendre cette langue en tant que matière obligatoire. § 8. L'enseignement en langue slovène ne porte pas atteinte au fait que l'étude de la langue allemande, langue officielle de la république d'Autriche (article 8 de la Loi constitutionnelle fédérale, texte de 1929), doit être enseignée en tant que matière obligatoire. |
L'article 3.12 de la même loi sur les écoles minoritaires énonce trois types d'écoles:
Article 3 Écoles primaires et complémentaires § 12. Parallèlement aux écoles primaires et complémentaires autrichiennes ordinaires où l'enseignement est donné en allemand, il peut être établi pour la minorité slovène dans la province de Carinthie des écoles primaires et complémentaires ou des classes et sections d'écoles primaires et complémentaires répondant aux définitions suivantes:
§ 13. (1) L'admission dans les écoles (classes, sections) visées au paragraphe 12 se fait sur demande expresse du représentant légal de l'élève lors de l'inscription à l'école primaire ou complémentaire; cette demande peut être faite également par la suite au début de toute année scolaire. Elle est valable jusqu'à la sortie de l'école primaire ou complémentaire et ne peut être révoquée qu'en fin d'année scolaire. (2) Les demandes visées à l'alinéa 1) et leur révocation sont adressées au directeur de l'école soit par écrit soit oralement devant témoin; elles sont exemptes de toute taxe ou droit fédéral. |
Dans les écoles minoritaires unilingues, l’enseignement est donné uniquement en langue minoritaire sous réserve que l’allemand soit obligatoire comme langue seconde en raison de six heures par semaine. Il n’existe à peu près pas d’écoles entières composées de membres d’une minorité linguistique.
Dans les écoles minoritaires bilingues, l’enseignement doit être donné approximativement à parts égales en allemand et en langue minoritaire durant tout le premier cycle (trois premières années); à partir de la quatrième année (second cycle), l'enseignement doit être donné en langue allemande, la langue minoritaire constituant alors une matière d'enseignement obligatoire à raison de trois à cinq heures par semaine. La plupart des écoles minoritaires sont des écoles bilingues, au sens de la loi.
Pour ce qui est des écoles minoritaires complémentaires, l'enseignement est normalement donné en allemand, mais la langue minoritaire est enseignée en tant que matière obligatoire dans toutes les années à raison de quatre heures par semaine. L’enseignement complémentaire implique que la langue minoritaire remplace une langue étrangère (anglais, français, espagnol ou italien). Cela dit, au lieu d’une école réservée aux enfants d’une minorité, il est possible de former des classes bilingues ou complémentaires. Par exemple, la direction d’une école peut autoriser la création de classes bilingues, alors que toute l’école est de langue allemande.
Dans les régions bilingues de Carinthie, il existe 59 écoles primaires qui offrent un enseignement en allemand et en slovène, toutes les matières obligatoires étant enseignées dans les deux langues. Certaines de ces écoles primaires enseignent également l’italien en plus de l’allemand, du slovène et de l’anglais. La plupart des enfants viennent souvent de familles dans lesquelles la génération des grands-parents parle encore le slovène, mais pas les parents de ces enfants.
De plus, par une décision du 9 mars 2000, la Cour constitutionnelle autrichienne a abrogé la disposition de l'article 16 de la Loi sur les écoles minoritaires de Carinthie, selon laquelle l'enseignement bilingue ne doit être offert que jusqu'à la 3e année de l'école primaire, comme étant inconstitutionnelle à compter du 1er septembre 2001. Comme application concrète du verdict de la Cour suprême, l'enseignement bilingue doit être étendu à la 4e année des écoles primaires concernées. Pour les classes dans lesquelles des élèves inscrits à l'enseignement bilingue suivent un enseignement avec des élèves non inscrits, la loi permet également l'usage d'un «enseignant d'équipe» supplémentaire avec l'enseignant bilingue pendant toute la durée de la leçon.
- L'enseignement secondaire
La Loi fédérale sur l'organisation scolaire (1962-2023) prévoit un enseignement secondaire, dont le programme d'études comprend, comme matières obligatoires, des cours d'allemand et des cours d'au moins une langue étrangère, généralement l'anglais:
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Article 21b
Programme d'études secondaires 1) Le programme (art. 6) d'études secondaires doit prévoir : 1. Comme matières obligatoires : la religion, l'allemand, une langue étrangère moderne (pour les écoles qui reçoivent au moins partiellement un enseignement en anglais, l’anglais est également la langue d’enseignement), l'histoire et les études sociales, l'histoire et l'éducation politique, la géographie et l'économie, les mathématiques, la biologie et l'environnement, la chimie, la physique, l'éducation numérique de base, l'éducation musicale, l'éducation artistique, l'artisanat technique et le textile, l'exercice physique et le sport, la nutrition et les tâches ménagères, ainsi que les matières obligatoires requises pour tout domaine d'intervention individuel (tels que le latin, un autre langue étrangère ou le dessin géométrique). La direction de l'établissement, avec l'accord du département de l'éducation et, après avoir entendu le forum de l'école, détermine le domaine d'intervention du programme d'enseignement. [...] |
Il existerait 17 lycées où l'on enseigne à la fois le slovène, l’anglais et l'allemand comme langues d’enseignement. Parfois, l’italien est proposé comme matière optionnelle ou facultative. Mais il faut comprendre que les élèves du secondaire inscrits à l'enseignement de la langue slovène suivent quatre heures de cours par semaine, et ce, en tant que matière et non comme langue d'enseignement. Au Collège commercial bilingue de Klagenfurt am Wörthersee, l’allemand et le slovène occupent un rang égal en tant que langues d’enseignement, tandis que l’anglais et l’italien sont des matières obligatoires. Le croate, le russe, le français et le latin sont également proposés. Au total, 4140 élèves de Carinthie suivent une forme d'enseignement de la langue slovène.
De plus, le Collège supérieur privé pour les professions du secteur des services de Saint-Pierre dans la vallée de Rosental en Carinthie est également une école bilingue qui enseigne en allemand ainsi qu’en slovène. L’anglais et l’italien sont obligatoires; le croate, le russe et le latin sont des cours optionnels.
L'article 5 de la Loi sur les écoles minoritaires de Carinthie (1959-2001) prévoit une École fédérale secondaire de langue slovène, dont l'enseignement comprend des cours d'allemand obligatoires:
Article 5 Enseignement secondaire § 24. (1) Une École fédérale secondaire de langue slovène sera créée en Carinthie pour les citoyens autrichiens appartenant à la minorité slovène; elle appliquera le programme d'études des écoles secondaires modernes (Realgymnasium) et, le cas échéant, celui des lycées classiques (Gymnasium). (2) Cette école peut être instituée graduellement à raison d'une classe par an. § 25. Les dispositions générales en vigueur pour les écoles secondaires autrichiennes sont applicables, sous réserve des exceptions prévues au présent article, à l'École fédérale secondaire de langue slovène. § 26. (1) Dans l'École secondaire fédérale de langue slovène, l'enseignement sera donné en slovène dans toutes les classes. (2) La langue allemande sera matière d'enseignement obligatoire à raison d'un nombre d'heures qui sera précisé dans le programme et figurera parmi les matières obligatoires de l'examen final. § 27. Ne sont admis à l'École secondaire fédérale de langue slovène que les élèves de nationalité autrichienne qui sont à même de prouver, lors de l'examen d'entrée ou autrement, que leur connaissance de la langue slovène est suffisante pour la poursuite de leurs études. |
- L'enseignement supérieur
Il n'y a aucune obligation légale d'organiser des cours ou des exercices dans l'enseignement supérieur pour les Slovènes de la Carinthie dans les programmes d'études. Par ailleurs, faute d'argent, les universités proposent occasionnellement des formations pédagogiques destinées aux enseignants des groupes ethniques.
- La formation des enseignants
L'article 4 de la Loi fédérale sur les écoles minoritaires de Carinthie contient des dispositions concernant les enseignants. Il s'agit de l'Institut fédéral de formation des enseignants de Klagenfurt :
Article 4 Formation complémentaire des instituteurs § 21. (1) En vue de la formation du personnel enseignant des écoles primaires où l'enseignement est donné en slovène ou dans les deux langues, un enseignement complémentaire en langue slovène, dont les modalités seront précisées par le programme, sera organisé à l'Institut fédéral de formation des enseignants de Klagenfurt. (2) L'enseignement complémentaire en langue slovène est matière obligatoire pour tout élève ayant opté en ce sens et remplace la langue étrangère vivante. Lors de cette option, les élèves doivent faire la preuve d'une connaissance suffisante de la langue slovène. § 22. (1) Les instituteurs et institutrices diplômés de l'Institut fédéral de formation des enseignants de Klagenfurt, qui ont suivi l'enseignement complémentaire en langue slovène et qui ont subi avec succès les examens réguliers peuvent, soit immédiatement après ces examens, soit par la suite, subir un examen complémentaire en vue d'enseigner dans les écoles primaires de langue slovène ou bilingues. (2) De même, les membres du corps enseignant titulaires du diplôme d'enseignement dans les écoles primaires sont admis à subir un examen complémentaire en vue d'enseigner dans les écoles primaires de langue slovène ou bilingues; les membres du corps enseignant titulaires du diplôme d'enseignement dans les écoles complémentaires sont admis à subir un examen complémentaire en vue d'enseigner dans les écoles complémentaires de langue slovène ou d'enseigner le slovène dans les autres écoles complémentaires de Carinthie. |
On comprend que les enseignants qui doivent enseigner dans les écoles bilingues doivent posséder la maîtrise de la langue slovène. Toutefois, il n'est pas toujours aisé de mettre en œuvre de genre de disposition, car tout dépend de la disponibilité du personnel enseignant suffisamment formé. Par conséquent, la qualité de l’enseignement varie considérablement. Dans de nombreux cas, afin de pallier à pénurie d'enseignants, les élèves de plusieurs écoles primaires doivent alterner chaque semaine entre des cours de slovène et des cours d’allemand. Ce modèle semble par ailleurs tout à fait unique en Autriche, et il semble comporter des avantages.
4.4 Les médias
La Carinthie n'a que peu de journaux régionaux en allemand. Outre le Kleine Zeitung publié aussi en Styrie et dans le Tyrol, la plupart des journaux, tel le Kronen Zeitung, sont des journaux nationaux. Kärntner Nachrichten
Dans le domaine de la presse écrite, la minorité slovène ne possède que des hebdomadaires. Le média le plus important est le Novice («Nouvelles») qui paraît en Slovénie, mais qui a déjà paru en Carinthie jusqu'en 1902. L'Église catholique publie le Nedelja, un hebdomadaire religieux. En outre, d'autres associations publient plus ou moins régulièrement des magazines mensuels de faible diffusion.
L'offre d'émissions de radio et de télévision dans les langues minoritaires est prévue dans la Loi fédérale sur la Société de radiodiffusion autrichienne (1984-2022). Les émissions de télévision diffusées par l'ORF 2 (Österreichischer Rundfunk) sont désormais retransmises sur la nouvelle chaîne ORF III pendant la journée. Conformément à la loi, l'ORF diffuse des programmes destinés aux groupes ethniques autrichiens dans leur langue maternelle, dont le magazine télévisé slovène "Dober dan, Koroška" en Carinthie tous les dimanches. La rédaction slovène de l'ORF organise huit heures de programmation radio quotidienne sur la fréquence Radio Agora de 105,5 MHz. En plus d'une programmation de divertissement, l'accent est mis sur des informations sur la vie du groupe ethnique slovène en Carinthie et en Styrie. |
L'article 4 de la Loi fédérale sur la Société de radiodiffusion autrichienne (1984-2022) prévoit que l'ORF doit prévoir des émissions dans les langues minoritaires, dont certaines en slovène.
Article 4
Mandat essentiel de la fonction publique 5a) Dans le cadre des émissions diffusées conformément à l'article 3, des proportions appropriées doivent être prévues dans les langues des groupes ethniques pour lesquels il existe un conseil consultatif des groupes ethniques. Les offres diffusées conformément à l'art. 3, paragraphe 5, alinéa 2, doivent également inclure des activités dans ces langues. L’étendue des émissions et des parts de l’offre doit être déterminée dans le système de diffusion annuel ou d’offre annuelle respectivement après consultation du Conseil public. |
Bien sûr, la diffusion en slovène, comme dans les autres langues minoritaires, est considérée comme insuffisante.
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