Droits des minorités slovènes et croates
Droits des minorités slovènes et croates
Styrie |
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La Styrie (en allemand: Steiermark) est un Land de 16 400 km² (Luxembourg: 2586 km²; Autriche: 83 859 km²). Il partage ses frontières à l'ouest par les Länder de Salzbourg et de Haute-Autriche, au nord par la Haute-Autriche et la Basse-Autriche, à l'est par le Burgenland, et au sud par la Carinthie et la république de Slovénie. La capitale de la Styrie est Graz.
L'Autriche étant une fédération, la Styrie dispose de son parlement appelé le Landtag, qui compte 48 sièges. |
La population de la Styrie était de 1,2 million d'habitants en 2022. Étant donné qu'on ne dispose pas de statistiques récentes pour la répartition de la population, il faut se fier sur le dernier recensement de 2001.
2.1 Les germanophones
Cette année-là du recensement, 95% de la population styrienne avait l’allemand comme langue maternelle. Toutefois, la langue allemande parlée par les Styriens, comme pour la plupart des Autrichiens, n'est pas l'allemand standard qu'ils apprennent à l'école. Dans la vie quotidienne, ils parlent le bavarois central ou moyen bavarois, une variété dialectale de la langue allemande. Les variétés bavaroises sont parlées probablement par au moins 12 millions de locuteurs, soit dans le Land allemand de Bavière, dans la majeure partie de la république d’Autriche (à l’exclusion du Vorarlberg) et dans la région du Tyrol du Sud (Südtirol ou province de Bolzano), qui appartient à l’Italie.
2.2 Les immigrants
Les autres locuteurs, dans une proportion de 3,7%, employaient une autre langue en plus de l’allemand. Ces langues étaient principalement le croate, le turc, le serbe et le slovène. L'anglais était la langue seconde la plus répandue (18,7%) en tant que langue seconde chez les germanophones.
Cependant, des statistiques en date de 2018 démontraient que la part de la population résidente étrangère en Styrie avait atteint 10,6% et qu'elle était donc inférieure à la valeur comparative de 15,8% pour l'ensemble de l'Autriche. Les langues les plus importantes par ordre décroissant sont les suivantes: roumain, hongrois, croate, slovène, bosniaque, italien, arabe, etc.
2.3 Les slovènophones
La proportion des Styriens de nationalité autrichienne ayant déclaré le slovène comme langue maternelle représenterait aujourd'hui 0,3% de la population totale. Les proportions les plus élevées de locuteurs slovènes au niveau municipal se trouvent dans trois localités frontalières près de la Slovénie et ils représentent moins de 5% dans chacune d'elles pour un total d'environ 500 locuteurs :
En nombre absolu, la ville de Graz (283 000 hab.) abrite plus de Slovènes que dans les localités réunies des trois districts: ils sont environ 3000. Le recensement de 2001 révélait 4250 Styriens de langue maternelle slovène. |
Toutefois, contrairement aux immigrants, les Slovènes de la Styrie sont protégés par l'article 7 du Traité d’État du 15 mai 1955 : «Les ressortissants autrichiens appartenant aux minorités slovène et croate en Carinthie, en Burgenland et en Styrie jouiront de pair avec tous les autres ressortissants autrichiens des mêmes droits que ceux-ci, y compris le droit d'avoir leurs propres organisations, de tenir leurs réunions et de posséder une presse dans leur propre langue.» Nous verrons plus loin ce qu'il en est dans la réalité, mais le statut des Slovènes est réel, juridiquement parlant.
2.4 Les religions
Lors du recensement de 2001, les éléments suivants ont été collectés sur une population totale de 1,1million d'habitants : 81,0% de catholiques, 9,9% sans conviction religieuse, 4,3% de protestants, 1,6% de musulmans et 1,4% de «non-spécifiés». Jusqu'en 1938, il y avait plusieurs communautés juives en Styrie, mais aujourd'hui elles sont presque toutes disparues, parce qu'il ne reste peut-être qu'une centaine de juifs.
L'occupation humaine de la région remonte à la préhistoire. Par la suite, elle s'est peuplée de Celtes quand, au Ier siècle de notre ère, les Romains s'en emparèrent et fondèrent la province de Norique. Celle-ci était limitée au nord par le Danube, à l'ouest par la Rhétie, à l'est par la Pannonie et au sud par la Dalmatie. Elle correspond approximativement à ce que sont aujourd'hui les territoires de la Styrie et de la Carinthie, ainsi que la région de Salzbourg, la Basse-Autriche et la Haute-Autriche, sans oublier l’extrême est de la Bavière et une partie de la Slovénie (voir la carte des Länder). Les Romains tracèrent ainsi la piste qui correspond à la route actuelle du Grossglockner, axe sud-nord reliant Salzbourg à l'Italie, et fondèrent la ville de Claudia (aujourd'hui Klagenfurt en Carinthie). Après la chute de l'Empire romain d'Occident, la province de Norique fut soumise aux incessantes incursions des peuples germaniques, notamment des Bavarois, des Avars d'Asie centrale et des Slaves slovènes. |
3.1 Le duché de Carantanie
Pendant de nombreux siècles, l’histoire de la Styrie et de la Carinthie se confondit avec celle du duché de Carantanie, les deux Länder ne formant alors qu’une seule entité territoriale.
C'est au VIe siècle que fut fondé ce duché qui dut sans cesse se défendre des attaques venant des Francs, des Bavarois, des Lombards et des Avars. En 788, la Carantanie fut conquise par les Francs de Charlemagne et placée sous le contrôle de la Bavière. Progressivement, l’influence germanique s’accentua, alors que le pays se christianisait. Néanmoins, si les nobles étaient principalement germanophones, la majorité de la population demeurait slave. Puis la Styrie devint une partie intégrante du Saint-Empire romain germanique.
Au XIIIe siècle, la Carantanie passa, un certain temps, sous le contrôle du roi de Bohême, Ottokar II (12301278), sur la base d'un accord de succession, puis son histoire se confondit, à partir de 1273 jusqu'en 1018, avec celle de la dynastie des Habsbourg, lorsque l'empereur du Saint-Empire roman germanique, Ferdinand Ier, épousa Anne Jagellon, princesse de Bohême, pour devenir roi de Bohême, de Hongrie et de Croatie. |
En 1180, la Styrie, qui était jusqu'alors une partie du duché de Carantanie, devient elle-même un duché; en 1192, entrait en vigueur le traité de Georgenberg (en allemand: "Georgenberger Handfeste"), conclu en 1186, selon lequel la Styrie était devenue une partie du duché d'Autriche. Le territoire de la Styrie à cette époque allait bien au-delà de l’État autrichien de la Styrie actuelle et comprenait des terres non seulement dans la Slovénie moderne (la Basse-Styrie), mais aussi en Haute-Autriche, plus précisément dans la région de Traungau autour des villes de Wels et Steyr, ainsi que les districts actuels de Wiener Neustadt et de Neunkirchen en Basse-Autriche.
3.2 L'empire des Habsbourg
Durant le Moyen Âge, les Allemands colonisèrent la région, relativement peu peuplée, en envoyant des paysans du Tyrol, de la Bavière et de la région de Salzbourg. C'est ainsi que le caractère slovène disparut complètement du nord de la Carinthie et de la Styrie jusqu'au XVe siècle. Dans les parties méridionales se formèrent des îlots linguistiques germaniques au sein des populations slovènes. Au cours des siècles suivants, la frontière linguistique resta inchangée du fait de la quasi-immobilité de la société agraire à l'époque féodale. À la fin du Moyen Âge, la frontière linguistique se déplaça progressivement vers le sud pour rejoindre approximativement l’actuelle frontière politique entre les républiques autrichienne et slovène. Sous le roi Ottokar II (1230-1278), la Bohême, la Moravie, l'Autriche, la Styrie, la Carinthie et la Carniole furent gouvernées par un seul dirigeant pour la première fois, mais seulement pendant une courte période.
Aux XIIe et XIIIe siècles, l'immigration de colons allemands augmenta, en particulier vers le bassin de Graz et dans la Styrie orientale ("Deutsche Ostsiedlung") encore peu peuplée. |
- L'Autriche intérieure et les Ottomans
En 1334, les Habsbourg héritèrent des duchés de Styrie, de Carinthie et d'Autriche qu'ils devaient conserver jusqu'en 1918. À l'instar des autres composantes des territoires du Saint-Empire romain germanique, la Styrie resta longtemps un État semi-autonome ayant sa propre structure constitutionnelle.
À partir de 1470, les Ottomans, qui avaient déjà conquis une grande partie des Balkans, devinrent une menace constante pour l'Autriche intérieure (Innerösterreich, en allemand), une appellation employée entre la fin du XIVe siècle jusqu'au XVIIe siècle pour désigner l'ensemble des territoires du Saint-Empire romain germanique au sud de col du Semmering, territoires gouvernés par la maison autrichienne des Habsbourg. L'Autriche intérieure comprenait alors les duchés de Styrie, de Carinthie et de la Carniole (en Slovénie), ainsi que les possessions du Littoral autrichien (comté de Gorizia). La ville qui servait de capitale était Graz en Styrie,
une ville résidentielle qui semblait la mieux adaptée en raison des bonnes
fortifications et des installations structurelles. Le duché de Carniole (en slovène Kranjska, en allemand Krain) est une région historique de la Slovénie située au nord-ouest de Ljubljana; auparavant, elle était autrefois une province du Saint-Empire romain germanique, sous la domination de la dynastie des Habsbourg; elle correspond aujourd'hui aux deux tiers environ de l'ouest de la Slovénie. Tous les territoires de l'Autriche intérieure durent subir les invasions ottomanes qui dévastèrent des villes et détruisirent des fermes, tuèrent des gens ou les amenèrent en captivité. |
Après la bataille de Mohács (Hongrie) en 1526, au cours de laquelle l'armée hongroise subit une défaite écrasante face aux Ottomans, ceux-ci purent s'emparer de grandes parties de la Hongrie et de la Croatie pour les incorporer dans l'Empire ottoman, ce qui rapprochait encore plus la Styrie des Ottomans. Cette période est caractérisée, d'une part, par des tensions confessionnelles entre les domaines protestants et les Habsbourg catholiques, d'autre part, par l'expansion ottomane. L'Autriche intérieure bordait immédiatement les régions du sud de la Croatie et de la Hongrie, qui étaient déjà contrôlées par les Ottomans. À partir de 1522, une zone tampon fut créée entre les Ottomans et les Habsbourg dans une Croatie presque dépeuplée, appelée «frontière militaire». La gestion administrative de la frontière fut réalisée conjointement avec des représentants des domaines régionaux et le conseil de guerre de la cour intra-autrichienne de Graz. En 1497, sur l'ordre de l'empereur du Saint-Empire, Maximilien Ier, tous les Juifs furent expulsés de Styrie. Avec cette expulsion, de nombreuses communautés perdirent l'important pouvoir économique des commerçants juifs.
- L'imposition de la religion catholique
Au XVIe siècle, la réforme protestante gagna du terrain non seulement en Carinthie, mais aussi en Styrie. Après la paix d'Augsbourg en 1555, fondée sur le principe «cujus regio, ejus religio» («tel prince, telle religion»), les provinces des Habsbourg, dont la Styrie, restèrent catholiques, alors que la réforme protestante se répandit dans tout le territoire slovène, lequel était une région administrative de la Hongrie.
Après que Ferdinand II soit devenu empereur du Saint-Empire romain germanique en 1619 et ait vaincu ses adversaires protestants à la bataille de la Montagne-Blanche près de Prague en 1620, il interdit tous les services religieux protestants (1625). En 1628, il ordonna à la noblesse de revenir également à la foi catholique. Un grand nombre de familles nobles, par conséquent, émigrèrent du pays, mais la plupart d'entre eux revinrent ou leurs descendants l'ont fait, afin de récupérer leurs biens en redevenant catholiques.
- La Révolution française
En 1797, l'armée française de Bonaparte envahit la Styrie. Peu de temps après, le 17 avril, celui-ci imposa le traité de Leoben au nom de la République française. L'Autriche perdit le contrôle des Pays-Bas autrichiens et de la Lombardie, cédés à la France, en échange des possessions vénitiennes de l’Istrie et de la Dalmatie. Ce démembrement de la république de Venise signait aussi la disparition définitive de cet État indépendant. Puis les troupes françaises se retirèrent, mais elles revinrent en 1801 pour occuper des parties de la Styrie et harceler la population avec des réquisitions et des contributions en matériel et en nourriture.
À la suite de la dissolution du Saint-Empire romain germanique en 1804, c'est l'Empire austro-hongrois et l'Empire allemand qui allaient dominer pour le prochain siècle l'espace germanique en Europe. Les Habsbourg, qui avaient régné sur le Saint-Empire romain germanique (1273-1308 ; 1438-1740 ; 1765-1806), intégrèrent de nombreux territoires qui sont devenus aujourd'hui l'Autriche, la Hongrie, la République tchèque (Bohême et Moravie), la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie et une partie du nord de l'Italie (Lombardie). L'époque de Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780) marqua le début de l'organisation des écoles primaires et secondaires, car la bureaucratie de l'État autrichien avait toujours besoin d'une population instruite dans laquelle elle pouvait trouver de nouveaux fonctionnaires. Mais la centralisation administrative entraîna aussi l'introduction de l'allemand comme langue officielle. Les guerres pour se défendre contre Napoléon coûtèrent à la Styrie de nombreuses victimes; après plus de vingt ans de guerre, celle-ci était épuisée, le nombre d'habitants avait diminué, la prospérité s'était considérablement réduite. Seul un édit de tolérance émis par l'empereur Joseph II en 1781 mit fin à la répression religieuse. Les protestants reçurent alors le droit de fonder des communautés paroissiales et d'exercer leur religion dans des enclaves apaisées.
- Le pangermanisme
La Révolution française avait favorisé le nationalisme ethnique en Europe. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'ethnicité et la langue devinrent des critères essentiels pour l'identité des nations. Ce développement à l'échelle européenne eut naturellement un impact négatif sur un État multiethnique tel que celui représenté par la monarchie des Habsbourg. Ainsi, au parlement de la Styrie, les différences entre les Styriens allemands et les Styriens slovènes s'accentuèrent de sorte que les Slovènes se sentirent des citoyens de seconde classe, notamment au Parlement. Étant donné que les Slovènes représentaient à l'époque environ un tiers de la population styrienne et qu'ils n'avaient aucune perspective d'obtenir un jour la majorité au Parlement, leurs principales demandes s'orientèrent vers la séparation des districts slovènes du pays et leur fusion avec le slovène dans les régions de Carinthie et de la Carniole pour unir les couronnes. En 1848, toutes les provinces de la monarchie des Habsbourg obtinrent la complète liberté de religion et de conscience, la parité des cultes et le droit à l'exercice public du culte.
Depuis les années 1870, la ville de Graz s'était forgé une image de «dernière grande ville allemande du Sud-Est» à vocation nationale et culturelle. Avec des principes «allemands» et «progressistes», la capitale de l'État de Styrie était considérée comme la ville la plus radicale d'Autriche, à la fois en termes de son attitude libérale anticléricale et de son attitude nationale allemande et anti-slovène. En 1880, un recensement eut lieu dans la ville de Graz : 96% de la population de Graz déclara que l'allemand était leur langue maternelle, la part de la population de langue slovène, le plus grand groupe de langue non allemande, était de 1,02%. En 1910, la population de la Styrie comprenait 983 000 locuteurs allemands et 409 000 locuteurs slovènes.
3.3 La brève république d'Autriche allemande (1918-1919)
Au cours de la dissolution de l'Empire austro-hongrois à la fin de la Première Guerre mondiale, l'Assemblée provisoire de la Styrie proclama, le 6 novembre, son adhésion en tant que «province distincte et autoproclamée» à la république d'Autriche allemande ("Republik Deutsch-Österreich") qui devait être annoncée le 12 novembre 2018. Non seulement la république d'Autriche revendiquait les actuels Länder autrichiens, sauf le Burgenland, mais également des territoires qui aujourd'hui font partie du sud de la République tchèque et du nord de l'Italie (Bolzano et Tavisio) et de la république de Slovénie (Marburg an der Drau).
Les Länder du Tyrol et de Salzbourg votèrent à une très large majorité (98%-99%) en faveur de l'unification avec l'Allemagne, lors de référendums. Le Vorarlberg, pour sa part, désirait à 80% de devenir un canton suisse. Dans sa constitution du 31 juillet 1919, la République autrichienne proclamait son droit de s'unir à l'Allemagne. |
Cependant les Alliés, vainqueurs de la Première Guerre mondiale, donnèrent la priorité aux revendications italienne, tchèque, slovaque, polonaise, roumaine, slovène, croate et serbe sur ces territoires, ce qui fut reconnu par le traité de Saint-Germain-en-Laye signé le 10 septembre 1919. Ce traité abolissait aussi le duché de Styrie, qui fut divisé entre la Haute-Styrie demeurant autrichienne, tandis que la Basse-Styrie sous occupation allemande rejoignait le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, lequel devenait la Yougoslavie. De fait, la partie méridionale de la Styrie (Basse-Styrie) fut accordée à la Yougoslavie (Slovénie) en ne tenant compte ni des îlots germanophones ni des îlots slovènophones de part et d'autre de la nouvelle frontière.
- L'entre-deux-guerres
Il s'ensuivit une division administrative de la région et des préparatifs de son annexion, qui devait être facilitée par l'expulsion massive des Slovènes, la colonisation par les Allemands et la germanisation complète du reste de la population. Sur la base d'une évaluation raciale et de l'aptitude à la germanisation, un grand nombre de non-germanophones devaient être expatriés en Yougoslavie (Serbie et Croatie).
À l'exemple des autres États européens, le nationalisme allemand se développa en Autriche au cours de l'entre-deux-guerres, alors que les tensions ethniques entre germanophones et slovènophones conduisirent à une discrimination croissante contre les Slovènes de Styrie. Les promesses faites furent en partie rompues, de sorte que l'assimilation des Slovènes contribua à diviser la société styrienne du Sud. Bref, l'assimilation qui avait été momentanément interrompue après la Première Guerre mondiale reprit, démontrant ainsi que le traité de Saint-Germain-en-Laye, avec ses dispositions sur la protection des minorités, n'était pas suffisant pour protéger les Slovènes en tant que groupe ethnique. "Seul quelqu'un qui parle allemand peut être autrichien", était une loi non écrite.
Après 1933, date à laquelle Adolf Hitler accéda au pouvoir en Allemagne, le désir d'unification à l'Allemagne pouvait être identifié aux nazis, qui cherchaient à incorporer autant de Volksdeutsche («germanophones hors d'Allemagne») que possible dans une Grande Allemagne unifiée.
- L'occupation nazie
Le matin du 12 mars 1938, la VIIIe armée de la Wehrmacht allemande franchit la frontière autrichienne. Les troupes furent accueillies par des Autrichiens en liesse avec des saluts et des drapeaux nazis, puis des fleurs. Pendant l'occupation nazie (1938-1945), la Styrie, comme la Carinthie, fut dissoute en tant qu'unité administrative. La langue slovène fut aussitôt interdite dans la vie publique et les écoles slovènes furent fermées. La persécution s'est intensifiée en 1942, lorsque les familles slovènes furent systématiquement expulsées de leurs fermes et de leurs maisons, tandis que beaucoup de Slovènes furent envoyés dans des camps de concentration nazis. L'assimilation fut facilitée par l'introduction et l'application des lois raciales par le régime nazi qui interdit la presse slovène, détruisit des livres, introduisit des cours obligatoires d'allemand et changea tous les noms de lieux en allemand. Dans leur fanatisme racial, les nazis n'hésitèrent pas à employer des mesures radicales afin de distinguer les «Allemands» des «non-Allemands», quitte à les faire disparaître. |
Au printemps de 1942, le service militaire obligatoire pour tous les hommes autrichiens fut introduit ainsi que la conscription forcée dans la Wehrmacht. La Basse-Styrie n'a jamais été officiellement et légalement annexée au Troisième Reich en raison des problèmes et de la résistance rencontrés par l'occupant. Les sentiments anti-slovènes se sont poursuivis après la Seconde Guerre mondiale parmi de larges pans de la population germanophone de Styrie. Par conséquent, le sentiment nationaliste allemand n’a fait que croître, entraînant une assimilation accrue des Slovènes de Styrie.
- Les lois de protection
Le Traité d’État du 15 mai 1955 (Staatsvertrag) fut signé au palais du Belvédère à Vienne, entre les forces occupantes alliées — les États-Unis, l'URSS, la France et le Royaume-Uni — et le gouvernement autrichien. Le traité entrait en vigueur le 27 juillet 1955. L'article 7 obligeait l'Autriche à protéger ses minorités du Burgenland, de la Carinthie et de la Styrie. De façon plus précise, le traité accordait aux minorités slovènes, hongroises et croates le droit à un enseignement primaire dans leur langue et à un nombre proportionnel d'écoles secondaires qui leur soit propre. Dans ce contexte, les programmes scolaires furent revus et un département de l'inspection scolaire fut instauré pour les écoles minoritaires. Dans les districts administratifs et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de Styrie, les langues croate, hongroise et slovène furent autorisées comme langue officielle en plus de l'allemand. Les appellations et les inscriptions à caractère topographique furent rédigées à la fois en slovène ou en croate et en allemand.
La Loi n° 396 sur les groupes ethniques (Volksgruppengesetz) de 1976 était destinée à répondre aux spécificités ethniques et linguistiques des minorités autochtones autrichiennes. Il y a eu aussi plusieurs autres textes juridiques de la part des autorités fédérales pour intervenir dans les Länder du Burgenland et de Carinthie, ce qui démontrait une certaine résistance à appliquer la législation sur une question qui demeurait un sujet de tension.
Mais l'histoire des Slovènes de Styrie est une histoire de David contre Goliath, dans laquelle David perd toujours. En Styrie, il n'y a toujours pas de panneaux indicateurs bilingues, pas d'école secondaire slovène ni de bureaux municipaux bilingues. En 1988, fut fondée à Graz l'Association culturelle Article VII pour la Styrie (en allemand: Artikel-VII-Kulturverein für die Steiermark; en slovène: Kulturno društvo člen 7 za avstrijsko Štajersko); d'après leur nom, cette association désirait promouvoir les droits reconnus à l'article 7 du Traité d’État de1955. L'association acheta une ancienne ferme délabrée pour en faire un musée slovène à Laafeld, un petit village de 300 habitants situé près de Bad Radkersburg. L'intolérance étant ce qu'elle est, l'ouverture du Musée Paval le 16 mai 1998 dut se faire, comme pour les événements des années 1940, sous bonne protection policière. |
Jusqu'en 2001, le gouvernement local de Styrie n'avait jamais reconnu sa «minorité du traité d'État». Le fait que le gouvernement du Parti populaire de la gouverneure Waltraud Klasnic (1996-2005), appelée "Frau Landeshauptmann" («Madame la Gouverneure»), ait finalement accepté l'existence de la minorité après 45 ans d'ignorance fut célébré comme le plus grand succès à ce jour par les employés de l'Association culturelle slovène Article VII, la seule organisation des Slovènes de Styrie.
Quant aux Slovènes de Slovénie, ils achètent bon an mal an l'an des biens autrichiens pour plus de 600 € (642 $US) par habitant, ce qui les place bien devant la Suisse, l'Allemagne et la Hongrie. De plus, l'Autriche est le plus important investisseur étranger en Slovénie. Toutefois, malgré des liens économiques étroits entre les deux pays, la relation entre les deux États est surtout historiquement chargée. Les combats défensifs en Carinthie et en Basse-Styrie, les crimes des partisans germanophones à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Carinthie et en Styrie ont laissé de douloureux souvenirs chez les Slovènes d'Autriche. Pour ces derniers, le national-socialisme des nazis et ses crimes ont avant tout un visage autrichien. À cela s'ajoute au différend sur les droits de la minorité slovène concernant la question des panneaux toponymiques bilingues. Ce qui est inadmissible dans une démocratie, c'est que l'article 7 du Traité d’État de1955 n'a jamais été appliqué en Styrie, et ce, en toute impunité et dans l'indifférence générale.
La politique linguistique de la Styrie est en principe assujettie aux lois des autorités fédérales. Ainsi, rappelons-le, les groupes ethniques hongrois, slovènes, croates, slovaques et tchèques sont devenus des minorités reconnues en Autriche après l'effondrement de la monarchie austro-hongroise. En 1993, l'État autrichien a ajouté les Roms/Tsiganes. Ces minorités linguistiques bénéficient, par des traités internationaux, d'une protection spéciale de la part de l'État autrichien et de droits spécifiques, entre autres, celui d'employer leur langue maternelle en privé et en public (écoles, administration locale et tribunaux), celui de porter leur propre nom, et celui de maintenir et de cultiver leur propre culture et/ou leur religion. Le Land ne doit prendre aucune mesure tendant à réduire ou à dissoudre la spécificité ou le caractère commun d'une communauté linguistique, mais il peut leur accorder plus de droits.
4.1 Les droits reconnus
Rappelons ce fameux article 7 du Traité d’État de1955:
Article 7
Droits des minorités slovènes et croates 1) Les ressortissants autrichiens appartenant aux minorités slovène et croate en Carinthie, en Burgenland et en Styrie jouiront de pair avec tous les autres ressortissants autrichiens des mêmes droits que ceux-ci, y compris le droit d'avoir leurs propres organisations, de tenir leurs réunions et de posséder une presse dans leur propre langue. 2) Ils ont droit à l'enseignement primaire en langue slovène ou croate et à un nombre proportionnel d'établissements propres d'enseignement secondaire; à cet effet, les programmes scolaires seront revus et une section de l'inspection de l'enseignement sera créée pour les écoles slovènes et croates. 3) Dans les circonscriptions administratives et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de la Styrie où réside une population slovène ou croate, ou une population mixte, le slovène ou le croate seront admis comme langue officielle en plus de l'allemand. Dans ces circonscriptions, la terminologie et les inscriptions topographiques seront en langue slovène ou croate aussi bien qu'en allemand. 4) Les ressortissants autrichiens appartenant aux minorités slovène et croate en Carinthie, Burgenland et Styrie participeront dans les mêmes conditions que les autres ressortissants autrichiens aux activités des organismes culturels, administratifs et judiciaires dans ces territoires. 5) Sera interdite l'activité des organisations qui ont pour but de priver les populations croate ou slovène de leur caractère et de leurs droits de minorité. |
On peut s'interroger pourquoi la Styrie n'a jamais accordé les mêmes droits à sa petite minorité slovène comme au Burgenland et en Carinthie? Pourquoi les autorités styriennes n'ont jamais été inquiétées pour le non-respect de cet article 7, plus de 68 ans après la signature du Traité d’État de1955? Pourquoi cette intolérance de la part des germanophones pour de si petits droits tels les inscriptions toponymiques bilingues?
L'article 5 de la Constitution de la Styrie (Steiermark) parle de la Geschäftssprache, c'est-à-dire la langue des affaires, des transactions ou des communications:
Landes-Verfassungsgesetz 2010 Artikel 5 Amtssprache Die deutsche Sprache ist, unbeschadet der den sprachlichen Minderheiten bundesgesetzlich eingeräumten Rechte, die Geschäftssprache der Behörden und Ämter des Landes. |
Loi
constitutionnelle du
Land de 2010
Article 5 Langue officielle La langue allemande est, sans préjudice des droits reconnus aux minorités linguistiques par la législation fédérale, la langue des affaires des autorités et des ministères du Land. |
On peut cependant affirmer que la politique officielle du gouvernement styrien a, d'une part, nié l'existence d'une minorité slovène, d'autre part, banalisé leur nombre, car lors des recensements de 1971 et de 1991, on a comptabilisé seulement environ 250 personnes dans les districts frontaliers (en 1991, alors qu'il y en avait au moins environ 1500 dans l'ensemble de la Styrie. L'énorme différence par rapport aux statistiques de 1939 (1544 personnes dans les seuls districts frontaliers de Radkersburg et de Leibnitz) laissait entendre que le bilinguisme avait disparu, mais des recherches récentes ont révélé plutôt qu'il y a eu de moins en moins de personnes qui, interrogées et intimidées par les fonctionnaires, ont déclaré le slovène comme leur langue maternelle.
On a aussi fait croire que le «dialecte slovène» ne faisait plus l'objet d'une «identification ethnique» chez les jeunes et qu'il restait comme un résidu identitaire chez les personnes âgées. En somme, toute personne qui tentait de promouvoir le slovène était suspectée d'être idéologiquement proche de la Yougoslavie communiste. Il faut ajouter que la suppression des droits des slovènophones en Styrie avait son équivalent à l'égard des germanophones dans la Slovénie yougoslave et qu'elle s'est perpétuée dans la Slovénie indépendante.
4.2 La législation et la justice
Aucun statut n'est reconnu aux minorités autrichiennes dans le domaine des activités parlementaires. Les députés autrichiens ne s'expriment qu'en allemand tant au Parlement fédéral qu'aux parlements des Länder de Carinthie, du Burgenland et de Styrie. Les lois sont rédigées et promulguées exclusivement en allemand, même celles concernant les minorités. Celles-ci ne jouissent donc d'aucun droit dans le domaine de la législature.
Le traité de Saint-Germain-en-Laye (1919) reconnaissait le principe pour les minorités d'utiliser leur langue maternelle (orale ou écrite) dans les tribunaux.
Article 66
1) Tous les ressortissants autrichiens seront égaux devant la loi et jouiront des mêmes droits civils et politiques sans distinction de race, de langue ou de religion. 4) Nonobstant l'établissement par le gouvernement autrichien d'une langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants autrichiens de langue autre que l'allemand, pour l'usage de leur langue, soit oralement, soit par écrit devant les tribunaux. |
La Loi constitutionnelle sur la protection de la liberté individuelle de 1988 énonce que toute personne arrêtée doit être informée sans délai des motifs de son arrestation dans une langue qu'elle comprend:
Article 4 6) Toute personne arrêtée doit être informée dans les meilleurs délais, si possible au moment de son arrestation, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et des accusations retenues contre elle. Les droits accordés aux minorités linguistiques par la loi fédérale ne sont pas affectés. |
Ces dispositions n'impliquent pas nécessairement que les représentants de la justice doivent connaître la langue minoritaire concernée, car la présence d'un traducteur peut en principe suffire. D'ailleurs, la Loi fédérale sur la procédure administrative générale (1991) énonce que si un justiciable à entendre n'a pas une connaissance suffisante de la langue allemande, on doit faire appel à un interprète désigné:
Article 39a |
Autrement dit, le droit à la langue signifie dans la pratique le droit à un interprète. L'article 15 de la Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013) reprend ce recours à un interprète:
Article 15
1) Si une personne a l'intention d'employer la langue d'un groupe ethnique lors d'une audience, elle en informe l'autorité ou le service public immédiatement après avoir été convoquée; les frais supplémentaires résultant d'une omission coupable à cet égard peuvent être imposés à la personne concernée. Cette obligation de publication est levée dans le cas d'une procédure sur la base d'une requête rédigée dans la langue d'un groupe ethnique. La publication s'applique pour toute la durée de la procédure ultérieure, à moins qu'elle ne soit révoquée. 2) Si, dans une procédure, une personne emploie la langue du groupe ethnique, l’une des parties (des parties intéressées) peut demander — dans la mesure où la procédure concerne le requérant — que la procédure soit menée à la fois dans la langue concernée ainsi qu'en allemand. Ceci s'applique également à la publication orale des décisions.3) Si organisme ne maîtrise pas la langue du groupe ethnique, il est fait appel à un interprète. 4) Les audiences tenues devant un organisme maîtrisant la langue d'un groupe ethnique et auxquelles ne participent que des personnes prêtes à employer la langue d'un groupe ethnique peuvent avoir lieu, à la différence de ce qui est prévu au paragraphe 2, dans la langue d'un groupe ethnique. Cela s'applique également à l'annonce orale des décisions, qui doivent toutefois également être enregistrées en allemand. |
Cela signifie qu'un procès bilingue est celui où l'allemand est de mise ainsi que la traduction dans cette langue pour les témoignages rendus dans une autre langue. Ce système a le mérite d'accorder le droit à sa langue sans exiger la preuve d'une ignorance de la langue allemande. Cela dit, il n'y a jamais eu de procès bilingue en Styrie et il n'y en aura probablement jamais. Dans le cas des Slovènes, il n'est nul besoin d'interprète, puisque toute procédure ne se déroule qu'en allemand.
4.2 Les services publics
Quelques textes juridiques traitent de la question des services publics. L'article 66 du traité de Saint-Germain (1919) abordait en des termes plutôt obscurs cette question en stipulant qu'il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage d'une langue quelconque dans les relations privées ou commerciales. La Loi sur les groupes ethniques de 1976 allait beaucoup plus loin. L'article 13 (paragraphe 2) précisait que «devant les pouvoirs publics» et autres institutions prévues par la loi «toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics [...]». Le paragraphe 3 spécifie même que les instances autres que les pouvoirs publics «doivent, dans la mesure où ils la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale». De plus, il est énoncé au paragraphe 4 que «dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et avis officiels». Voici le texte complet de l'art. 13 de la Loi sur les groupes ethniques :
Article 13
1) Les responsables des pouvoirs publics et institutions désignés à l'article 2, paragraphe 1, alinéa 3, doivent s'assurer que les pouvoirs publics et institutions font usage dans l'exécution de leurs tâches de la langue d'une minorité conformément aux dispositions du présent paragraphe. 2) Devant les pouvoirs publics et institutions tels que définis au paragraphe 1, toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics et institutions aux termes des dispositions du paragraphe 2, alinéa 1. Néanmoins, personne n'a le droit de se soustraire ou de refuser de donner suite à une démarche officielle requérant une exécution immédiate par une instance relevant desdits pouvoirs publics ou institutions sous prétexte que cette démarche officielle ne peut avoir lieu dans la langue de la minorité. 3) Les instances autres que les pouvoirs publics et institutions prévus au paragraphe 1 doivent, dans la mesure où elles la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale. 4) Dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et les avis officiels. 5) Les dispositions se rapportant à l'usage de la langue d'une minorité comme langue officielle ne s'appliquent pas à l'usage interne que pourraient en faire les pouvoirs publics et institutions. |
Quoi qu'il en soit, aucune disposition concernant les minorités slovènes n'est appliquée en Styrie.
4.3 Les droits scolaires en slovène
Le droit pour les minorités slovènes à un enseignement primaire et à un nombre approprié d'écoles secondaires est reconnu dans plusieurs traités internationaux, dont à l'article 68 du traité de Saint-Germain (1919), à l'article 20 (par. 3) du Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités (1920) et à l'article 7 (par. 2) du Traité d’État de Vienne de 1955. En vertu de ces traités, les minorités ont droit à un enseignement en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque. Pour la Styrie, il s'agit évidemment du slovène. Depuis le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, cette minorité dispose d'écoles primaires – il s'agit principalement du premier cycle – où l'on enseigne en slovène.
Dans la législation styrienne, seuls deux textes juridiques font allusion à la langue dans l'enseignement : la Loi sur les écoles agricoles et forestières de Styrie (1976-2021) et la Loi d'application sur l'organisation de l'école obligatoire en Styrie (2000-2019). Dans la Loi sur les écoles agricoles et forestières de Styrie, la langue d'enseignement est l'allemand:
Article 43
Langue d’enseignement 1) La langue d’enseignement est la langue allemande. 2) Dans la mesure où le paragraphe 4 de l’article 4 autorise la sélection des élèves en fonction de la langue dans les écoles privées, la langue en question peut également être employée comme langue d’enseignement dans ces écoles privées. |
Dans la Loi d'application sur l'organisation de l'école obligatoire en Styrie, il n'est fait allusion qu'à des cours de rattrapage en allemand:
Article 1b
Cours de rattrapage en allemand et cours de rattrapage en allemand [...] Ces cours durent un an ou un maximum de deux ans d’enseignement, et ils peuvent également être complétés après une période de temps plus courte après que l’élève a atteint les compétences linguistiques requises. Dans les cours de rattrapage en allemand, les matières obligatoires doivent être enseignées en allemand (si nécessaire avec l’accent ou des ajouts au programme «pour les élèves de langue maternelle autre que l’allemand» ou «l’allemand comme langue seconde») à raison de six heures par semaine parallèlement à l’enseignement des matières obligatoires prescrites dans le programme concerné. Si le nombre d’élèves est trop faible, les élèves concernés doivent recevoir un enseignement intégré dans la classe concernée. |
En Styrie, le slovène est proposé — ce n'est pas une obligation — dans environ 40 écoles, mais il n'y a pas de continuité entre le niveau préscolaire et le niveau secondaire. Selon les représentants des slovènophones, l'enseignement en slovène ou du slovène dépend beaucoup de l'engagement personnel des enseignants slovènes et de l'initiative de l'Association culturelle Article VII pour la Styrie, qui propose également une formation continue des enseignants. Très peu de municipalités osent s'aventurer dans cette voie, sauf Graz! L'enseignement à la maternelle demeure rare; on ne compterait en général qu'une trentaine d'enfants dans une école de Graz où la municipalité de Graz soutient financièrement un cours hebdomadaire de trois heures au niveau primaire pour 25 élèves répartis en deux groupes, selon le niveau de compétence.
Dans l'année 2019-2000, on comptait 238 élèves qui suivaient des cours de slovène au niveau primaire ou dans les nouveaux collèges. Il n'y a que deux cours obligatoires facultatifs en slovène au niveau secondaire supérieur, qui sont proposés à Bad Radkersburg et à Bruck an der Mur (à l'école forestière). Les examens de fin d'études en slovène ne sont possibles que pour les élèves ayant suivi une filière linguistique particulière. Les enseignants sont subventionnés par des fonds fédéraux, mais les représentants des Slovènes craignent que ceux qui travaillent dans les régions frontalières ne soient plus remplacés lorsqu'ils prendront leur retraite, en raison de la faible demande d'enseignement.
Bref, en Styrie, l’enseignement des ou dans les langues minoritaires dans le système public se limite à des cours facultatifs proposés dans quelques établissements sur demande des parents et à la condition que des enseignants sont disponibles. On peut noter qu’un nombre croissant d’élèves en Styrie choisissent le slovène en tant que matière optionnelle et que les représentants des minorités nationales considèrent que la demande est suffisante pour mettre en place une approche plus complète, y compris l’emploi du slovène dans les écoles maternelles. C'est à suivre.
4.4 L'enseignement en d'autres langues
Par ailleurs, le hongrois est généralement enseigné dans 36 écoles styriennes en tant que «langue voisine», alors que dans le Land de Basse-Autriche plus de 15 000 élèves dans plus de 100 écoles maternelles apprennent le tchèque, le slovaque ou le hongrois dans le cadre de la campagne linguistique de Basse-Autriche menée depuis 2003. Cela contribue au renforcement des langues minoritaires en Autriche, sauf en Styrie et en Carinthie.
À Vienne (enclavée dans la Basse-Autriche), le tchèque, le slovaque et le hongrois, ainsi que le croate et le romani, sont enseignés. Cependant, cet enseignement minoritaire demeure fragile, car le nombre d'élèves inscrits diminue régulièrement et, par conséquent, le nombre d'enseignants. En ce qui concerne le hongrois, par exemple, le nombre d'enseignants est passé de huit à trois. Néanmoins, les cours de hongrois ont été maintenus même si le nombre d'élèves inscrits n'était que de trois. Néanmoins, les autorités compétentes ont accepté de créer une école primaire bilingue hongrois-allemand à Vienne.
Cette situation démontre que les autorités styriennes ne manifestent aucun intérêt ni aucune volonté à maintenir des écoles bilingues slovènes, alors qu'elles favorisent l'enseignement en anglais et en hongrois, pour ne mentionner que ces langues.
4.4 Les médias
La Styrie n'a que peu de journaux régionaux en allemand. Outre le Steirerkrone qui demeure local, la plupart des journaux sont des journaux nationaux tels Der Standard, Die Presse, Kurier, Salzburger Nachrichten, Österreich, Kärntner Nachrichten, Kleine Zeitun, etc. Mais il existe de nombreux magazines régionaux en allemand.
L'offre d'émissions de radio et de télévision dans les langues minoritaires est prévue dans la Loi fédérale sur la Société de radiodiffusion autrichienne (1984-2022). L'article 4 de cette loi énonce que l'ORF doit prévoir des émissions dans les langues minoritaires, dont certaines en slovène.
Article 4
Mandat essentiel de la fonction publique 5a) Dans le cadre des émissions diffusées conformément à l'article 3, des proportions appropriées doivent être prévues dans les langues des groupes ethniques pour lesquels il existe un conseil consultatif des groupes ethniques. Les offres diffusées conformément à l'art. 3, paragraphe 5, alinéa 2, doivent également inclure des activités dans ces langues. L’étendue des émissions et des parts de l’offre doit être déterminée dans le système de diffusion annuel ou d’offre annuelle respectivement après consultation du Conseil public. |
Les émissions de télévision diffusées par l'ORF 2 (Österreichischer Rundfunk) sont désormais retransmises sur la nouvelle chaîne ORF III pendant la journée. Conformément à la loi, l'ORF diffuse des programmes destinés aux groupes ethniques autrichiens dans leur langue maternelle, dont le magazine télévisé slovène "Dober dan, Koroška" en Carinthie tous les dimanches. La rédaction slovène de l'ORF organise huit heures de programmation radio quotidienne sur la fréquence Radio Agora de 105,5 MHz. En plus d'une programmation de divertissement, l'accent est mis sur des informations sur la vie du groupe ethnique slovène en Carinthie et en Styrie. Depuis 2015, on observe une amélioration considérable de la couverture radio en slovène en Styrie et le temps de radiodiffusion en langue hongroise, actuellement de 26 minutes par semaine, devait augmenter de 22 minutes supplémentaires. Tout en saluant ces émissions de radio du service public dans les langues minoritaires, on peut croire qu’une augmentation supplémentaire des émissions de haute qualité pourrait sensiblement améliorer la présence et le prestige des langues minoritaires dans la société, en particulier pour les groupes plus faibles numériquement et ceux qui sont dispersés.
Radio Agora, qui diffuse des programmes en slovène, est désormais également bien accueillie dans toute la Styrie et propose des sections d'émissions spécifiquement destinées aux locuteurs slovènes de Styrie. Tous les représentants des slovènophones ont exprimé leur souhait de disposer d'une offre plus large d'émissions télévisées dans leur langue. Bien sûr, la diffusion en slovène, comme dans les autres langues minoritaires, est considérée comme insuffisante.
La politique linguistique du Land de Styrie est totalement orientée vers la langue allemande. Étant donné que les autorités ne peuvent pas interdire la langue slovène sur leur territoire, elles ne tentent absolument rien pour la promouvoir ou en assurer le maintien. En même temps, les autorités fédérales ne semblent pas plus préoccupées du problème, car elles n'imposent aucune pénalité pour le non-respect des traités internationaux auxquels les Länder concernés sont liés. La situation à l'égard des Slovènes de Styrie est l'une des plus grandes injustices qui se perpétuent au sein des pays de l'Union européenne. Les autorités styriennes font valoir que la faible densité de la minorité slovène en Styrie ne justifie pas de dispositions particulières. Il ne semble pas que la situation soit appelée à changer dans un proche avenir. Un moment donné, il ne restera plus de minorité slovène en Styrie, probablement pour le plus grand bonheur des partisans de l'intolérance.