Capitale: Amman Population: 10,0 millions (2021) Langue officielle: arabe Groupe majoritaire: variétés d'arabe (94 %) Groupes minoritaires: arabe jordanien (41,6%), arabe palestinien (27,7%), arabe égyptien (13,7%), arabe syrien (6,1% ), arabe irakien (4,1%), kabarde (1,4%), arabe saoudien (1,0%), adygué (0,9%), turc (0,6%), domari (0,4%), etc. Système politique: monarchie constitutionnelle Articles constitutionnels (langue): art. 2 et 6 de la Constitution du 8 janvier 1952 Lois linguistiques: Charte nationale (1990); Code de procédure civile (2006); Loi sur la protection de la langue arabe (2015); Loi sur l'Académie jordanienne de la langue arabe (2015). |
Répondant au nom officiel de Royaume hachémite de Jordanie, ce pays situé au Proche-Orient est limité au nord par la Syrie, au nord-est par l’Irak, à l’est et au sud par l’Arabie Saoudite, au sud-ouest par la mer Rouge avec le golfe d’Aqaba et à l’ouest par l'État d'Israël. Le pays, dont la capitale est Amman, couvre une superficie de 92 300 km², soit l'équivalent du Portugal. Le terme de hachémite provient du nom de la dynastie régnante. |
La Jordanie est divisée en 12 provinces ou gouvernorats (muhafazat au sing., muhafazah au pl.): Ajlun, Al 'Aqabah, Al Balqa, Al Karak, Al Mafraq, Amman, At Tafilah, Az Zarqa, Irbid, Jarash, Ma'an et Madaba (voir la carte détaillée). Les villes importantes de la Jordanie sont Amman, la capitale, ainsi qu’Irbid, Zarqa, Mafraq, Jerach, Salt, Safi, Qatrana, Kerak, Tafila, Aqaba, etc. (voir la carte).
Quant aux anciens gouvernorats qui formaient la Cisjordanie (Jérusalem-Est, Ramallah, Bethlehem, Jérico, Hébron, Jénine et Naplouse), ils sont aujourd'hui occupés par Israël depuis la guerre des Six-Jours; en 1988, durant l’Intifada, le roi Hussein a rompu tous les liens administratifs et juridiques avec la Cisjordanie au profit de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les grandes villes de Cisjordanie sont Naplouse, au nord, Hébron au sud, Jéricho à l'est et Ramallah à l'ouest.
La population de la Jordanie est presque entièrement arabe. Elle est constituée pour près de 40 % par des réfugiés palestiniens, dont les rangs furent grossis par les 400 000 «réfugiés du Golfe», expulsés par le Koweït en 1991, après que le roi Hussein eut refusé de condamner l’invasion de ce pays par l'Irak. Les Bédouins, traditionnellement nomades, ont été contraints à une semi-sédentarisation, pratiquant désormais l’élevage et l’agriculture; ils représentent 13 % de la population jordanienne. Les Adygués (ou Circassiens, arrivés au XIXe siècle à la suite de la conquête du Caucase par les Russes, forment la principale minorité ethnique non arabophone (au nombre d'environ 93 000), mais également les Kabardes, un peuple caucasien de plus de 150 000 individus. Il y a aussi la question des réfugiés palestiniens. Au total, il est habituellement reconnu que la proportion de Palestiniens en Jordanie, officiellement 27,7 %, pourrait dépasser les 50 %, ce qui est énorme dans la mesure où ce nombre peut remettre en question l'identité jordanienne.
2.1 Les variétés d'arabe
L’arabe classique est la langue officielle du pays, mais les langues maternelles sont différentes. Il s'agit d'abord de l'arabe jordanien (41,5%), appelé aussi arabe levantin méridional par opposition à l'arabe levantin septentrional parlé en Syrie. Suit l'arabe palestinien (27,7%), lequel est très proche de l'arabe jordanien à un point tel que les linguistes désignent aussi ces deux variétés d'arabe comme l'arabe jordano-palestinien. D'ailleurs, l'ensemble des réfugiés palestiniens s'exprime aussi bine en arabe jordanien.
Les autres communautés linguistiques sont représentées par les locuteurs de l'arabe palestinien (27,7%), de l'arabe égyptien (13,5%),de l'arabe syrien (6,1%), de l'arabe irakien (4%), du kabarde (1,4%), de l'adygué (0,9%) ou du circassien, de l'arabe saoudien (1%), du turc (0,6%), du domérien (0,4%), %), de l'arménien (0,1 %), etc. Les langues arabes font toutes partie de la famille afro-asiatique (ou chamito-sémitique), alors que l'arménien est un isolat indo-européen et que l'adygué (circassien) et le tchétchène et le kabarde font partie des langues caucasiennes.
La carte ci-contre illustre la répartition des langues en Jordanie. L'arabe jordanien (ou arabe levantin méridional) est parlé et compris sur tout le territoire, soit comme langue première, soit comme langue seconde. L'arabe palestinien es tellement proche de l'arabe jordanien qu'on parle aussi de l'arabe jordano-palestinien. La partie occidentale du pays, près de la frontière avec Israël, est partagée avec à la fois par l'arabe palestinien et l'arabe égyptien. Au nord, une petite zone abrite la minorité adyguéenne. C'est pratiquement la seule région du pays, une longue bande du nord au sud, qui ne soit pas désertique.
Toutes les autres régions sont de grands espaces désertiques, dont le centre du pays qui accueille presque exclusivement l'arabe jordanien. Les zones où l'on trouve des locuteurs de l'arabe saoudien sont également des régions de zones désertiques. Il s'agit des régions situées au nord-est et au nord-ouest de l'Arabie Saoudite. Bien que la plupart des Jordaniens comprennent bien l'arabe jordanien commun, la langue parlée quotidiennement dans tout le pays, varie considérablement d'une région à l'autre, car même l'arabe jordanien est fragmenté en quelques variétés régionales. |
4.2 Les variétés non arabophones
Il existe un certain nombre de langues minoritaires non arabes parlées en Jordanie aujourd'hui. Ces langues comprennent des langues caucasiennes tels le kabarde, l'adygué et le tchétchène. Il faut ajouter aussi le turc, l'arménien, le kurde et le grec. Le filipino (ou tagalog) est également parlé par les travailleurs étrangers des Philippines. Certaines personnes âgées parlent le russe depuis que la majorité a terminé ses études en URSS.
En tant qu'ancienne colonie britannique, l’anglais est la principale langue étrangère du pays depuis 1946. Il est enseigné à côté de l'arabe, ce qui lui confère une situation privilégiée dans le pays. En fait, c'est une matière obligatoire dans les écoles secondaires. Les universités et les établissements d'enseignement supérieur ont également fait de l'anglais une priorité puisque le marché du travail en Jordanie exige une compréhension de cette langue. L'anglais rivalise désormais avec l'arabe dans plusieurs domaines, y compris les médias, les affaires et les études scientifiques.
De plus, il existe une petite population francophone en Jordanie. Le français est principalement parlé par les Jordaniens intéressés par les caractéristiques culturelles et commerciales de la France. Les étudiants des écoles secondaires et des universités ont également la possibilité d’apprendre le français en tant que langue étrangère.
4.3 Les religions
L’islam est la religion d’État. Environ 90 % des Jordaniens sont des musulmans sunnites. Les chrétiens constituent un groupe minoritaire très important en Jordanie. Les chrétiens habitent le Proche-Orient depuis aussi longtemps que le christianisme existe. Lorsque la Jordanie fut créée comme État, elle comprenait des musulmans et des chrétiens. Par exemple, à Amman, il existe des mosquées et des églises chrétiennes côte à côte dans toute la ville. Les communautés chrétiennes sont donc présentes dans cette région depuis plusieurs siècles. Le pays compte aussi une minorité de druzes ainsi que des chrétiens orthodoxes.
Le territoire de l’actuelle Jordanie fut le berceau des plus anciens États connus à ce jour. Les Ammonites, présents dans le pays dès le XVIIe siècle avant notre ère, fondèrent Rabbath Ammon (aujourd'hui Amman). La Bible fait également état des royaumes d’Édom, de Galaad et de Moab, situés à l’est du Jourdain. Le roi David fut, au XIe siècle avant notre ère, le bâtisseur d’un empire réunissant les royaumes de Juda et d’Israël. La plupart des habitants parlaient alors l'hébreu. La région connut ensuite la domination des Assyriens (IXe siècle), puis des Babyloniens conduits par Nabuchodonosor II (au Ve siècle).
Les Babyloniens, vaincus par l’Empire perse achéménide, furent définitivement écartés en 539 avant notre ère par les troupes armées de Cyrus le Grand. Ce dernier pacifia la région et autorisa le retour de populations déportées par les Babyloniens, permettant un nouvel essor économique. Les armées d’Alexandre le Grand déferlèrent deux siècles plus tard; l’actuelle Jordanie fut intégrée dans l’Empire séleucide jusqu’à l’arrivée de l'Empire romain au Ier siècle de notre ère. Les Romains latinisèrent la région, puis lors du partage de l’Empire, le territoire jordanien rejoignit l’Empire byzantin, dont la langue véhiculaire était le grec.
3.1 Les dominations arabe et ottomane
La région fut conquise par les Arabes en 634, lors de la bataille de Yarmouk. La Jordanie fut gouvernée par les califes omeyades, basés à Damas, puis par les Abbassides, qui installèrent leur capitale à Bagdad (Irak). Délaissées, la Jordanie et la Syrie connurent alors une période de déclin et furent partiellement occupées aux Xe et XIe siècles, par les dynasties de Tulunides et des Fatimides, les souverains musulmans d’Égypte. Toute la région s'islamisa et s'arabisa sous le régime de l'Empire arabo-musulman.
Le désordre qui régnait dans la région, divisée entre des dynasties arabes et turques rivales, favorisa l’établissement des croisés chrétiens qui, après la prise d’Antioche (1098) et de Jérusalem (1099), intégrèrent le territoire jordanien au royaume latin de Jérusalem (l'actuel Israël). En 1187, Saladin, fondateur du sultanat ayyubide, prit la tête de la lutte contre les Francs qui furent définitivement chassés en 1291 par les mamelouks, dynastie d’esclaves au pouvoir en Égypte.
- Les Ottomans
Les troupes ottomanes de Sélim Ier envahirent la région en 1517, qui devint une province de l’Empire ottoman jusqu’en 1918. La plus grande partie du territoire de la Mésopotamie fut sous le contrôle de cet empire qui s'étendait des Balkans jusqu'au nord de l'Afrique en passant par l'Anatolie, la Mésopotamie, la Palestine et l'Égypte. Une partie de ce qui constitue aujourd'hui la Jordanie et la Syrie s'est trouvée à être intégrée dès 1865 dans une province appelée «vilayet de Syrie» (connu aussi comme «vilayet de Damas») avec Damas comme chef-lieu. Jérusalem fut séparée du reste du vilayet de Syrie et transformée en un «sandjak de Jérusalem» qui relevait directement d’Istanbul, plutôt que de Damas. De même, le Mont-Liban devint un moutassarifat autonome à l'intérieur du vilayet de Beyrouth.
Tous les vilayets au sud de l'Anatolie abritaient des populations massivement arabophones. Celles-ci continuèrent à parler leurs langues respectives dans la vie quotidienne et ne furent jamais incommodées à s'exprimer dans leur arabe régional, car ce qui était important pour l'Empire ottoman, c'était la religion, pas la langue, bien que le turc ottoman paraisse nécessaire dans certaines fonctions administratives; la puissance ottomane restait précaire dans le sud du vilayet de Syrie (l'actuelle Jordanie), qui dépendait aux plans administratif et territorial de Damas. Or, les Arabes des vilayets ottomans étaient des musulmans comme les Turcs ottomans. |
Dans l'est de l'Anatolie, il existait aussi des vilayets arméniens (Van, Erzurum, Mamouret-ul-Aziz, Bitlis, Diyarbekir et Sivas). Cette Arménie ottomane était soumise au même régime que pour les Arabes, sauf que les Arméniens n'avaient pas accès à des postes administratifs parce qu'ils étaient chrétiens. Rappelons aussi que, sous l’Empire ottoman, le français a occupé une place importante, puisqu'il était la deuxième langue de l’administration. On l’enseignait donc à l’élite de la société, mais surtout dans les écoles religieuses.
Dans cette partie du monde, les Ottomans ne craignaient que les Perses, dont l'empire à l'est pouvait entrer en concurrence. Les Perses voulurent contrôler la Basse Mésopotamie où se trouvaient des lieux saints du chiisme, tels Nadjaf et Kerbala, et aussi parce que Bagdad, siège de l’ancien Empire abbasside perse, conservait une grande valeur symbolique pour eux. De plus, les Ottomans craignaient que l’islam chiite se propage vers l’Anatolie. Plusieurs seigneurs ottomans tentèrent de prendre le pouvoir à Téhéran, la nouvelle capitale de l’Empire perse. |
- Le déclin
Le XVIIe siècle amorça le déclin de l'Empire ottoman. Celui-ci s'engagea à la fin du règne de Soliman II (de 1687 à 1691) et se poursuivit jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. À l'exemple de tous les grands empires du monde, qui se forment par la force des armes, l'Empire ottoman était devenu vulnérable autant à cause de l'étendue de ses frontières que par la diversité ethnique et religieuse des peuples qui le composaient. Au cours du XIXe siècle, les puissances européennes, plus précisément la France, la Grande-Bretagne, l'Empire allemand, l'Italie et l'Empire russe, intervinrent pour envahir le pourtour de la Méditerranée en recourant à des moyens militaires, financiers et diplomatiques. Pendant que la France s'implantait au Maghreb (Algérie et Tunisie), que la Grande-Bretagne annexait le protectorat d'Aden (le Yémen actuel), l'Égypte, l'île de Chypre et le Soudan, la Russie s'avançait sur les rives de la mer Noire et l'Italie lorgnait la Libye.
En même temps, l'Anatolie dut faire face au réveil des nationalités assujetties aux Ottomans, et ce, avec le soutien des Européens (autres que les Allemands) en Serbie, en Grèce, au Monténégro, en Roumanie, en Bulgarie et en Albanie. Si l'Empire ottoman était aux trois quarts musulman, il restait néanmoins une importante population non turcophone, notamment avec les Albanais, les Kurdes et les Arabes. Le sultan voulait empêcher que le virus du nationalisme atteigne les populations arabes, mais l'ottomanisme allait échouer sur toute la ligne, car il allait entraîner un ressac de la part de toutes les minorités et ferait perdre à Istanbul sa renommée de «grande tolérance» dont elle se glorifiait depuis le Moyen Âge.
3.2 La Palestine mandataire
Durant la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman s'engagea aux côtés de l'Allemagne contre les Alliés. L'Empire se vit isolé sur la scène internationale face aux appétits britanniques, français et russes de plus en plus pressants. Les seuls alliés possibles étaient les Allemands, mais l'armée ottomane ne connut aucun succès face aux forces britanniques, françaises et russes.
- L'appui des Arabes
De leur côté, les Britanniques appuyèrent la révolte arabe contre la domination ottomane. Les Britanniques avaient gagné l’appui des Arabes en leur promettant, en contrepartie de leur soutien, leur émancipation lorsque l'Empire ottoman aurait entièrement disparu. Cet accord, prévoyant la création d’un grand État arabe, fut formalisé en janvier 1916 par un échange de lettres entre le gouvernement britannique et le chérif hachémite de La Mecque, Hussein ben Ali. Le haut-commissaire britannique au Caire, sir Henry McMahon (1862-1949), écrivit le 24 octobre 105, au chérif de La Mecque, dont voici un extrait:
The two districts of Mersina and Alexandretta and portions of Syria lying to the west of the districts of Damascus, Homs, Hama.and Aleppo cannot be said to be purely Arab, and should be excluded from the limits demanded. With the above modification, and without prejudice to our existing treaties with Arab chiefs, we accept those limits. As for those regions lying within those frontiers wherein Great Britain is free to act without detriment to the interests of her ally, France, I am empowered in the name of the Government of Great Britain to give the following assurances and make the following assurances and make the following reply to your letter: (1) Subject to the above modifications, Great Britain is prepared to recognise and support the independence of the Arabs in all the regions within the limits demanded by the Sherif of Mecca. (2) Great Britain will guarantee the Holy Places against all external aggression and will recognise their inviolability. (3) When the situation admits, Great Britain will give to the Arabs her advice and will assist them to establish what may appear to be the most suitable forms of government those various territories. (4) On the other hand, it is understood that the Arabs have decided to seek the advice and guidance of Great Britain only, and that such European advisers and officials as may be required for the formation of a sound form of administration will be British. (5) With regard to the vilayets of Bagdad and Basra, the Arabs will recognise that the established position and interests of Great Britain necessitate special administrative arrangements in order to secure these territories from foreign aggression to promote the welfare of the local populations and to safeguard our mutual economic interests. |
Les deux districts de Mersine et d'Alexandrette et les portions de la Syrie situées à l'ouest des districts de Damas, de Homs, de Hama et d'Alep ne peuvent pas être considérés comme purement arabes et doivent être exclus des limites demandées. Avec la modification ci-dessus, et sans préjudice de nos traités existants avec les chefs arabes, nous acceptons ces limites. Quant aux régions situées à l'intérieur des frontières où la Grande-Bretagne est libre d'agir sans nuire aux intérêts de son alliée, la France, je suis autorisé au nom du gouvernement de la Grande-Bretagne à donner les assurances suivantes et à faire les assurances suivantes et à faire la réponse suivante à votre lettre : (1) Sous réserve des modifications ci-dessus, la Grande-Bretagne est prête à reconnaître et à soutenir l'indépendance des Arabes dans toutes les régions dans les limites exigées par le chérif de La Mecque. (2) La Grande-Bretagne garantira les lieux saints contre toute agression extérieure et reconnaîtra leur inviolabilité. (3) Lorsque la situation le permettra, la Grande-Bretagne donnera aux Arabes son avis et les aidera à établir ce qui peut sembler être les formes de gouvernement les plus appropriées pour ces divers territoires. (4) D'un autre côté, il est entendu que les Arabes ont décidé de rechercher l'avis et l'orientation de la Grande-Bretagne uniquement, et que les conseillers et fonctionnaires européens qui pourraient être nécessaires à la formation d'une bonne forme d'administration seront britanniques. (5) En ce qui concerne les vilayets de Bagdad et de Bassora, les Arabes reconnaîtront que la position et les intérêts établis de la Grande-Bretagne nécessitent des arrangements administratifs spéciaux afin de protéger ces territoires d'une agression étrangère afin de promouvoir le bien-être des populations locales et de sauvegarder nos intérêts économiques mutuels. |
Bref, la zone d'indépendance arabe a été définie comme étant dans les limites et frontières proposées par le chérif de La Mecque à l'exception des portions de la Syrie comprises à l'ouest des districts de Damas, de Homs, de Hama et d'Alep. Or, des interprétations contradictoires de cette description provoquèrent une grande controverse au cours des années suivantes. Les historiens ont trouvé un extrait d'une lettre privée envoyée le 4 décembre 1915 par Henry McMahon, laquelle laissait entendre qu'un futur État arabe n'était pas «sérieux»:
[I do not take] the idea of a future strong united independent Arab State ... too seriously ... the conditions of Arabia do not and will not for a very long time to come, lend themselves to such a thing ... I do not for one moment go to the length of imagining that the present negotiations will go far to shape the future form of Arabia or to either establish our rights or to bind our hands in that country | [Je ne prends pas] l'idée d'un futur État arabe indépendant et uni fort... trop au sérieux... les conditions de l'Arabie ne se prêtent pas et ne se prêteront pas à une telle a choisi pendant très longtemps ... Je ne vais pas un seul instant jusqu'à imaginer que les négociations actuelles iront loin pour façonner la future forme de l'Arabie ou pour établir nos droits ou nous lier les mains dans ce pays. |
En même temps, la Grande-Bretagne concluait avec la France et la Russie les accords secrets Sykes-Picot (mai 1916), par lesquels les trois pays se partageaient les terres arabes sous domination ottomane. Selon les termes de ces accords, la Syrie et le Liban passaient sous Mandat français, tandis que l’Irak et la Transjordanie (Jordanie) devaient faire partie du Mandat britannique.
- L'appui aux Juifs
L’année suivante (2 novembre 1917), le Royaume-Uni affirma, par la déclaration Balfour, son intention de favoriser la création d’un foyer national juif en Palestine. Cette déclaration était une lettre ouverte signée par Arthur Balfour, le secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères; elle était adressée à lord Lionel Walter Rothschild (1868-1937), une personnalité éminente de la communauté juive britannique et financière du mouvement sioniste, aux fins de retransmission. Voici la lettre en question:
Foreign Office November 2nd, 1917 Dear Lord Rothschild, Arthur James Balfour |
Ministère des Affaires étrangères Le 2 novembre 1917 Cher Lord Rothschild, J'ai le grand plaisir de vous transmettre, de la part du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration suivante de sympathie avec les aspirations juives sionistes, qui a été soumise au cabinet et approuvée par lui. Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politique dont les Juifs disposent dans tout autre pays. Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste. Cordialement, |
Par cette lettre, le Royaume-Uni se déclarait en faveur de l'établissement en Palestine d'un projet national présenté comme «un foyer national pour le peuple juif» ("a national home to the Jewish people"). Cette déclaration est considérée comme une des premières étapes dans la création de l'État d'Israël. Évidemment, il était quasi impossible de concilier à la fois les revendications des Arabes et des Juifs, car l'une excluait l'autre.
- La Transjordanie et la Palestine
Lors du traité de Sèvres (1920), l’Empire ottoman fut démantelé et perdit ses territoires arabes du Proche-Orient. La Première Guerre mondiale avait donné le coup de grâce à un empire qui était lentement en cours d'érosion depuis quatre siècles. Plutôt que de déboucher sur une émancipation du monde arabe, ce conflit mondial permit de préférence la réalisation des ambitions des puissances européennes. C’est en effet aux puissances victorieuses qu’il revint de décider de l’avenir politique des anciens vilayets arabes de l’Empire ottoman, soustraits à l'autorité des Turcs.
La Société des Nations (SDN) plaça la Palestine (la Jordanie et Israël actuels) et l’Irak sous Mandat britannique, tandis que la France obtenait le contrôle du Liban et de la Syrie, pendant que la Russie tsariste rêvait de s'emparer des détroits (Bosphore et Dardanelles).
Le territoire sous Mandat britannique se trouva composé de deux entités: la Palestine, comprenant les terres à l’ouest du Jourdain, et la Transjordanie, regroupant les terres situées sur la rive orientale du fleuve. On désigna la Palestine sous Mandat britannique comme la «Palestine mandataire»; c'était le statut politique proposé par la Société des Nations en 1920, dont le mandat fut effectif à partir de 1923 pour le territoire de la Palestine antérieurement partie de l’Empire ottoman. L’établissement de la domination britannique dans la région ouvrit des perspectives nouvelles au mouvement sioniste. La construction d’un État juif en Palestine commença à émerger malgré les vives résistances que cette entreprise suscita dans la population arabe. Or, la Grande-Bretagne entreprit d’intégrer la revendication sioniste à son jeu politique. À partir de l'été 1919, l'émir Fayçal, le fils de Hussein ben Ali, revendiqua la Palestine comme la partie du royaume arabe (voir la carte ci-contre) tout en rappelant les accords signés pendant la guerre. Il minimisa en même temps la portée des engagements britanniques pris envers les sionistes et réaffirma le refus des populations arabes d’une séparation de la Palestine et de la Syrie. Sauf que c'étaient les Britanniques qui avaient le gros bout du bâton, pas les Arabes! |
Les Britanniques se sont rapidement trouvés confrontés à une situation des plus explosives, car en 1921 les affrontements entre juifs et musulmans laissaient prévoir que la constitution du «foyer national juif» promis en 1917 risquait de s'avérer difficile. En effet, il fallait déshabiller Pierre pour habiller Paul !
- Le Mandat britannique
Dans le Mandat britannique de 1920 présenté par la Société des Nations, certains articles ne laissaient aucun doute sur l'égalité des peuples de la Palestine, notamment entre les juifs et les musulmans:
Article 2
Le mandataire assumera la responsabilité d'instituer dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l'établissement du foyer national pour le peuple juif, comme il est prévu au préambule, et à assurer également le développement d'institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu'ils appartiennent. Le Mandataire garantira à tous la plus complète liberté de conscience, ainsi que le libre exercice de toutes les formes de culte compatibles avec l'ordre public et les bonnes mœurs. Il n'y aura aucune inégalité de traitement entre les habitants de la Palestine, du fait des différences de race, de religion ou de langue. Personne ne sera exclu de la Palestine, à raison seulement de ses convictions religieuses. Article 16 Le Mandataire devra assurer le contrôle des institutions religieuses ou charitables de toutes confessions en Palestine qui peut être exigé pour le maintien de l'ordre public et la bonne administration. Sous réserve de ce contrôle, on ne pourra prendre en Palestine aucune mesure qui mettrait obstacle à l'œuvre de ces institutions ou qui constituerait une intervention dans cette œuvre et l'on ne pourra faire de distinctions entre les représentants ou les membres de ces institutions du fait de leur religion ou de leur nationalité. L'anglais, l'arabe et l'hébreu seront les langues officielles de la Palestine. Toutes indications ou inscriptions arabes sur les timbres ou la monnaie figureront également en hébreu et réciproquement. |
Selon le Mandat, la Grande-Bretagne devait administrer la Palestine de façon à gérer le territoire au bénéfice de ses habitants, juifs et arabes. Toutefois, la Palestine mandataire allait devenir le terrain de conflits de plus en plus violents entre Arabes et Juifs palestiniens, dont les revendications nationalistes respectives ne purent manifestement être arbitrées par les Britanniques qui avaient une double promesse à tenir: d'une part, l'émancipation des Arabes, d'autre part, la création d'un État juif. Il s'agissait de deux objectifs inconciliables, car il fallait, rappelons-le, «déshabiller Pierre pour habiller Paul», donc dépouiller les Arabes pour couvrir les Juifs.
En 1946, afin de s'attirer le vote juif aux États-Unis, le président Truman exigea, pour sa part, que la Grande-Bretagne laisse entrer quelque 100 000 réfugiés juifs en Palestine, ce qui violait les promesses faites aux Arabes. Ne parvenant plus à maintenir l’ordre en Palestine et sortant ruiné de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement britannique décida, le 14 février 1947, de remettre son mandat aux Nations unies. C'est donc cette organisation, qui ayant succédé à la Société des Nations, dut tenter de résoudre le conflit entre Juifs et Arabes sur la «question de la Palestine».
- Les propositions de solution
Un comité formé de 11 États fut chargé de trouver une solution au conflit entre Juifs et Arabes. En arrivant à la conclusion que les aspirations juives et arabes étaient inconciliables, le comité des Nations unies proposa alors deux options: la première possibilité était la création d’un État juif et d’un État arabe indépendants, avec la ville de Jérusalem placée sous contrôle international. La seconde possibilité consistait en la création d’un seul État fédéral, contenant à la fois un État juif et un État arabe. Finalement, ce fut la première option qui fut retenue, c'est-à-dire un État juif comprenant la Galilée et une partie s’étendant au sud, et un État arabe comprenant la Judée, la Samarie et le désert du Néguev (voir la carte). Pour sa part, la région de Jérusalem restait sous contrôle britannique ou dite «zone internationale». Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU adopta, par 33 voix pour, 13 contre, 10 abstentions et une abstention, le plan de partage de la Palestine (la résolution 181) en deux États, Jérusalem ayant un statut particulier sous l’égide de l’ONU.
Ce plan de partage fut accepté par les dirigeants de la communauté juive en Palestine tout en promettant de respecter les droits de la minorité arabe, mais il fut rejeté par la quasi-totalité des dirigeants de la communauté arabe. Les dirigeants arabes revendiquaient l’ensemble du territoire et soutenaient que le partage constituait une violation du droit de la majorité des habitants de la Palestine, laquelle à cette époque était composée de deux tiers d'Arabes (1,2 million) et d'un tiers de Juifs (600 000) principalement immigrés d’Europe pendant la période du Mandat britannique. Pour les Arabes, c'était tout ou rien! Ils ne pouvaient pas soupçonner qu'après trois quarts de siècle ce serait rien! La conséquence immédiate fut le déclenchement de la guerre civile de 1947-1948 en Palestine mandataire. Dès lors, la révolte arabe contre les Juifs s’organisa et des actions terroristes furent même dirigées contre les fonctionnaires britanniques. La montée nationaliste arabe accrut l’hostilité à leur égard dans la région. Le terrorisme se développa des deux côtés, tandis que les combats entre Juifs et Palestiniens tournèrent à l’avantage des premiers soutenus par les Occidentaux. |
- L'autonomie de la Transjordanie
Abdallah bin al-Hussein fut l'artisan de l'indépendance de la Jordanie. Il fut émir de Transjordanie de 1921 à 1946, puis roi de Transjordanie de 1946 à 1949 sous le nom d'Abdallah Iᵉʳ, et enfin roi de Jordanie de 1949 jusqu'à sa mort (1951). Alors que la Transjordanie, nom donné à la Jordanie, était placée sous mandat britannique, elle put bénéficier d'une administration propre lui conférant une relative autonomie. Se méfiant de la tutelle britannique, Hussein fit le nécessaire pour ne pas entrer en conflit ouvert avec l'occupant colonial. En 1925, il disposait de pouvoirs d'administration qui allaient être renforcés avec la promulgation de la Loi constitutionnelle du 16 avril 1928, laquelle faisait de l'émir un souverain héréditaire. Ce processus graduel d'émancipation trouva son terme en 1946 avec la déclaration d'indépendance du royaume.
Tout en demeurant sous la tutelle britannique, la Transjordanie fut confiée en 1921 à l’émir Abdallah, fils de Hussein; son autre fils, Fayçal Ier, étant installé sur le trône d’Irak. Les Hachémites allaient désormais présider aux destinées du pays. Des officiers britanniques formèrent la nouvelle armée transjordanienne, la Légion arabe. Peu à peu, le pouvoir de l’émir fut renforcé et, en avril 1928, une loi organique fut proclamée, octroyant à la Transjordanie, sa propre constitution. |
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Transjordanie se rangea du côté allié; son territoire servit de base aux opérations britanniques dirigées contre les partisans de l’Axe qui avaient pris le pouvoir en Irak. En juin 1945, la région obtint son émancipation et le gouvernement britannique mit définitivement fin à son mandat sur la Transjordanie en mars 1946, sous réserve de pouvoir conserver des bases militaires dans le pays. L’indépendance fut proclamée et Abdallah (1882-1951) fut couronné roi de Transjordanie en mai 1946.
Membre de la
Ligue arabe depuis sa création (mars 1945), la Transjordanie participa à l’attaque lancée par les États arabes, en mai 1948, contre le nouvel État d’Israël. Les Transjordaniens occupèrent Jérusalem-Est et la Cisjordanie, avant de signer un armistice avec l’État hébreu le 3 avril 1949.
3.3 Le Royaume hachémite de Jordanie
Le 24 avril 1950, Abdallah Ier, devenu roi de Jordanie réunit la Transjordanie et la Palestine arabes, c'est-à-dire Jérusalem-Est (la partie arabe de Jérusalem) et la Cisjordanie, sous le nom de Royaume hachémite de Jordanie. Quelque 400 000 Palestiniens originaires des territoires conquis par Israël se réfugièrent en Jordanie. Cette reconnaissance politique de l’annexion suscite le mécontentement des nationalistes palestiniens et, le 20 juillet 1951, Abdallah fut assassiné par l’un d’eux à la mosquée al-Aksa de Jérusalem; il lui reprochait ses positions trop conciliantes à l’égard d’Israël.
Le 11 août 1952, son petit-fils, Hussein bin Talal (1935-1999), fut proclamé roi de Jordanie et entreprit la modernisation du pays. Il dut faire face à la multiplication des incidents entre Israéliens et Jordaniens, et chercha à atteindre un équilibre sur la scène internationale par le jeu des alliances. Hussein dut faire face à la contestation politique de l’opposition, constituée des nationalistes, du Parti Baas et du Parti communiste créé en 1951. En 1956, afin de répondre à l’agitation anti-occidentale, Hussein abrogea le traité anglo-jordanien, renvoya Glubb Pacha, le chef britannique de son armée, et, pendant la crise de Suez, signa un accord militaire avec l’Égypte dirigée par le président Gamal Abdel Nasser. |
- La politique d'arabisation
En même temps, le roi Hussein bin Talal arabisa la direction de l'armée et en expulsa les officiers britanniques. Le nom de la Légion arabe fut changé en «Armée arabe jordanienne , la police fut séparée de l'armée en tant que «Direction de la sécurité publique» sous la supervision du ministère de l'Intérieur, et une décision fut prise pour plusieurs promotions au sein de l'armée. Cette étape fut perçue comme une grande réussite qui affirmait le concept de souveraineté nationale et renforçait la cohésion du peuple jordanien avec son leadership national et répond aux aspirations de la nation qui désirait se libérer de la domination britannique. En , le roi dissout le Parlement et instaura un régime autoritaire pour asseoir son autorité et limiter l'emprise des radicaux.
La Jordanie connut une période de stabilité sur le plan interne au début des années 1960. Au nom de l’unité arabe contre Israël, les relations diplomatiques avec l’Égypte furent rétablies en 1964 et un traité de défense fut signé avec Nasser le 30 mai 1967. Mais les Israéliens remportèrent la guerre des Six-Jours en 1967. |
Ce conflit se solda par une lourde défaite: 10 000 victimes militaires, l’anéantissement des forces aériennes jordaniennes, puis l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de la partie orientale de Jérusalem, qui chassa vers la Jordanie 250 000 nouveaux réfugiés palestiniens. De plus, la Jordanie perdait environ la moitié de son territoire habité, dont la Cisjordanie, ainsi que ses sites culturels et touristiques les plus attractifs. Par ailleurs, la perte de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est devait avoir des conséquences au plan économique.
- La question palestinienne
Les conséquences de la guerre des Six-Jours furent importantes pour la Jordanie: outre ses pertes territoriales, soit la Cisjordanie et Jérusalem-Est, le pays dut faire face à l’arrivée de 200 000 réfugiés palestiniens, en provenance de Cisjordanie, et qui rejoignent ceux de 1949. La population de Jordanie se composa alors de 56% de Palestiniens. Dans ce contexte, le roi Hussein dut affronter l’influence grandissante de la résistance palestinienne, et notamment à celle de Yasser Arafat (1929-2004), fondateur du Fatah. En septembre 1970, l’armée jordanienne expulsa les groupes palestiniens armés, qui trouvèrent refuge au Liban. La Jordanie ne participa pas à la guerre dite «du Kippour» contre Israël en 1973. Les liens se relâchèrent ensuite entre la population jordanienne et la population de la Cisjordanie, autrement dit les «territoires occupés». En 1988, Hussein rompit officiellement les liens juridiques entre la Jordanie et la Cisjordanie. |
3.5 Un régime autoritaire
Après l'accord d'Oslo entre Israël et l'OLP en 1993, la Jordanie signa avec Israël un traité de paix (1994). Le roi Hussein décéda en 1999 et son fils Abdallah (né en 1962) lui succéda, mais il héritait d'importants défis à relever, tant à l’intérieur que dans les relations avec les voisins. Abdallah II poursuivit la politique entreprise par son père et consolida le régime, c'est-à-dire, comme sous le règne de Hussein, de façon autoritaire, la police demeurant très présente et la société restant conservatrice. Les Palestiniens constituent aujourd'hui plus de 27% de la population jordanienne, ce qui en fait la minorité la plus importante du pays. C'est une minorité surtout ethnique et en partie une minorité linguistique, car la langue maternelle des Palestiniens est l'arabe palestinien, non l'arabe jordanien.
- Un régime brutal
En 2011, des milliers de Jordaniens descendirent dans la rue pour protester contre une hausse soudaine du prix des aliments. Le régime réagit rapidement. Le roi Abdallah II, dont l'autorité était intacte, forma un nouveau gouvernement. Celui-ci augmenta les salaires des fonctionnaires et réduisit le prix des denrées de base. Mais la violence, qui s'emparait de la Syrie voisine, agit alors comme un repoussoir. En juin, le roi annonça des réformes, ce qui mit fin à la vague de révoltes. Or, la manœuvre était purement cosmétique, le roi ayant l'habitude de faire taire les révoltes en promettant des réformes.
La Jordanie demeura un régime autoritaire brutal. Les observateurs notèrent de nombreuses violations des droits de l'Homme, notamment la limitation de la liberté d'expression et l'emprisonnement des opposants politiques. Malgré des réformes institutionnelles et législatives destinées à prévenir la torture, celle-ci resta une pratique courante en Jordanie, et ce, d'autant plus que la peine de mort n'est pas abolie.
- La coercition comme système de gouvernance
L’enchaînement des évènements ultérieurs diffère de l’image que cherche à se donner la Jordanie, un pays stable et «bon élève» moyen-oriental en matière de réformes économiques et politiques. L’histoire récente de la Jordanie montre pourtant que le système politique jordanien repose toujours sur la coercition et la répression des voix dissidentes, ce qui favorise l’exercice autoritaire. Non seulement les Palestiniens écopent des politiques conservatrices, mais également toutes les autres minorités.
En fait, la coercition est inscrite au cœur du système politique jordanien. D'ailleurs, ses pratiques répressives ont été accentuées et rendues de plus en plus visibles depuis le «Printemps arabe», notamment à l'égard de la confrérie des Frères musulmans. L’année 2020 marqua une nouvelle étape dans le dévoilement de cette répression par l'interdiction du syndicat des enseignants et l’arrestation de plus de 1000 de ses membres. Ces pratiques laissent entrevoir la poursuite d'un pouvoir autoritaire en inadéquation avec l’image que le pouvoir jordanien souhaite entretenir au plan international. Au fil des réformes entamées depuis les années 1990, les autorités ont eu à cœur de défendre leur stabilité politique, le développement économique et le pluralisme démocratique. Derrière ce discours se maintient pourtant un dispositif de coercition discrète, qui rend invisibles autant la contestation sociale que sa répression par les autorités.
La Jordanie n'a pas beaucoup élaboré de textes juridiques concernant sa politique linguistique. En effet, seuls deux articles constitutionnels, un peu vagues, servent de base juridique aux droits linguistiques.
4.1 La langue officielle
L'article 2 de la Constitution du 8 janvier 1952 proclame l'islam (sunnite) comme religion d'État et l'arabe comme langue officielle: «La religion de l'État est l'islam et sa langue officielle l'arabe.» L'article 6 interdit la discrimination fondée sur la race, la langue et la religion (par. 1). Le second paragraphe ne mentionne même pas si les langues utilisées par la population sont en cause:
Article 2
La religion de l'État est l'islam et sa langue officielle l'arabe. Article 6 1) Les Jordaniens seront égaux devant la loi. Il n'y aura aucune discrimination entre eux en ce qui concerne leurs droits et leurs devoirs pour des raisons de race, de langue ou de religion. 2) Dans la mesure de ses possibilités, le gouvernement se chargera du travail et de l'enseignement et s'assurera que tous les Jordaniens jouissent de la tranquillité et de chances égales. |
Comme on le constate, le texte ne mentionne pas de quel arabe il s'agit. Toutefois, l'article 6 de la Charte nationale (1990) donne plus de précision en déclarant que «c'est la langue du Saint Coran qui a conservé pour la nation arabe sa véritable essence» :
Article 6
La langue arabe est la langue officielle de l'État. C'est la langue du Saint Coran qui a conservé pour la nation arabe sa véritable essence. Il est impératif que la suprématie de l'arabe soit soulignée par la société jordanienne à tous les niveaux. |
La langue du Coran correspond à l'arabe classique ou littéraire. Il n'est la langue maternelle d'aucun Jordanien et il n'est pas utilisé comme véhicule spontané de la communication en Jordanie comme dans tous les autres pays arabes. L'arabe classique demeure pour tout arabophone la langue de la prédication islamique et de l'enseignement religieux, puis celle de la langue écrite en concurrence surtout avec l'anglais. C'est également la référence et l'outil symbolique de l'identité arabo-musulmane, une langue supranationale réservée à des usages formels et limités à certaines situations particulières. Aux yeux des nationalistes, l'arabe classique représente le moyen de lutte contre l'oppression linguistique exercée par l'Occident à travers ses langues, en l'occurrence l'anglais.
En principe, l'arabe classique est donc la langue officielle de l'État. Dans la pratique, c'est l’arabe standard qui est employé, que ce soit dans les écoles, à la radiotélévision ou dans l'administration en général. L'arabe moderne standard est ainsi la langue des productions littéraires, de la presse écrite, de la presse électronique, et de toute sorte de brochures et de documents administratifs et judiciaires. Surtout, c'est la langue qui est utilisée dans les manifestations officielles et institutionnelles, notamment au Parlement. De plus, dans les communications informelles, tous les citoyens utilisent leur arabe local. Pour les Jordaniens, c'est l'arabe jordanien ou, selon le cas, l'arabe palestinien, l'arabe syrien, l'arabe saoudien, etc. Bien sûr, aucun texte de loi ne mentionne l'arabe qu'on appelle aussi «l'arabe dialectal».
4.2 Les langues du Parlement
Le Parlement jordanien, le "Majlis", est l'organisme législatif bicaméral de l'État jordanien; il est constitué de la Chambre des représentants (150 membres élus) et du Sénat (65 membres nommés par le roi). La Chambre des représentants comporte des sièges réservés: neuf pour les chrétiens, trois pour les minorités circassiennes et tchétchènes, et quinze pour les femmes.
L'article 11 de la Loi sur la protection de la langue arabe (2015 ) impose l'arabe comme langue d'usage:
Article 11
Toute la législation de l’État doit être rédigée en langue arabe. |
Étant donné qu'il existe trois types d'arabe, les trois peuvent être utilisées. Dans la rédaction des lois, l'arabe classique est privilégié, mais dans leur élaboration, c'est l'arabe jordanien qui prédomine dans les débats parlementaires et dans les discussions au Conseil des ministres.
4.3 Les langues des tribunaux
Le système judiciaire jordanien est indépendant du roi, et comprend une cour suprême appelée «Cour de cassation», en plus de plusieurs cours d'appel. Les tribunaux civils tranchent les affaires pénales ainsi que certains types d'affaires civiles, y compris les affaires impliquant des parties de confessions différentes. Les tribunaux de la Charia ont compétence sur les citoyens musulmans uniquement et entendent les affaires liées au mariage, au divorce, à l'héritage et à l'aide caritative ( fondation ).
La Jordanie a ratifié presque toutes les conventions internationales en matière de protection; elle est donc assujettie aux droits et obligations qui y sont énoncés relativement à l’indépendance du système judiciaire et à l’obligation d’assurer un procès équitable et non discriminatoire à tous les justiciables devant les tribunaux jordaniens. L'article 79 du Code de procédure civile (2006) impose l'usage de l'arabe et, lorsqu'un document est dans une langue étrangère, il doit être accompagné d'une traduction certifiée:
Article 79 1) En cas d'application d'une loi étrangère, le tribunal peut exiger des justiciables de soumettre les textes sur lesquels ils se sont appuyés, accompagnés d'une traduction officielle. 2) Le justiciable qui a produit des documents en langue étrangère doit leur joindre une traduction en arabe de ceux-ci. Si un autre justiciable conteste la validité de la traduction en totalité ou en partie, le tribunal désigne un expert pour vérifier l'exactitude de la traduction contestée. 3) Le justiciable peut soumettre une traduction de parties déterminées du document rédigé dans la langue étrangère sur laquelle il souhaite s'appuyer, à moins que le tribunal ne décide de lui attribuer une traduction intégrale. |
Bref, tout document qui n'est pas en arabe est en langue étrangère, donc il doit être accompagné d'une traduction.
En ce qui concerne les minorités linguistiques, le problème ne se pose pas dans la mesure où les membres de ces minorités (kabarde, adygué, arménien, etc.) parlent tous l'arabe.
4.4 La langue de l'administration publique
Jusqu'à l'indépendance, l'anglais était la langue privilégiée dans l'administration, sauf auprès du public qui généralement ignorait cette langue. Les fonctionnaires employaient l'arabe jordanien à l'oral et l'anglais ou l'arabe standard à l'écrit. Mais la politique d'arabisation commencée dès 1956 par le roi Hussein bin Talal a fait changer les habitudes. Progressivement, l'arabisation s'est poursuivie, mais il fallut attendre plusieurs décennies pour y arriver.
En 2015, l'article 3 de la Loi sur la protection de la langue arabe rendait officiel l'usage exclusif de la langue arabe dans la fonction publique:
Article 3 A) Les ministères, les services gouvernementaux, les institutions publiques officielles, les institutions publiques et privées, les municipalités, les syndicats, les associations, les clubs, les partis politiques, les organisations de la société civile et les entreprises sont obligés d’employer la langue arabe dans leurs activités officielles, y compris les noms, les documents, les transactions, les enregistrements et les restrictions, les documents, les contrats, les traités, les accords et les offres auxquels ils sont partie, ainsi que les livres émis par eux, les publications, les listes et listes de prix. Les données et les informations relatives aux fabrications et aux produits jordaniens, y compris les produits fabriqués dans le Royaume-Uni avec une licence de sociétés étrangères, les règlements intérieurs du travail de toute entreprise, les institutions, les organismes officiels, civils ou privés, les contrats de travail, les instructions émises en vertu des lois et règlements, les procédures et manuels d’exploitation et toutes les publicités visuelles ou sonores ou lues destinées au public ou toute publication publicitaire et non publicitaire et les campagnes d’information. B) Dans le cas où les organismes visés au paragraphe A du présent article ont recours à une langue étrangère, ils doivent joindre une traduction en langue arabe. |
Cette loi oblige donc les ministères, les institutions publiques et privées, ainsi que les organismes de la société civile à employer la langue arabe dans leurs activités officielles, et à des écrivains de la société civile à utiliser cette même langue dans leurs activités officielles, ce qui inclut les écrits de la société civile, les institutions banquière, les pièces de monnaie, les timbres, les, médailles, les certificats scientifiques.
L'article 4 de la Loi sur la protection de la langue arabe (2015) impose aussi cette langue dans la publicité, les raisons sociales, les billets de banque, les certificats d'attestation scolaire:
Article 4
Doivent être en arabe :
Article 5
B) Il est permis d’ajouter à l’écriture arabe l’équivalent dans une langue étrangère, à la condition que la langue arabe soit de plus grande taille et plus visible dans l'emplacement. |
Il en est ainsi à l'article 6 de la loi pour les dénominations des rues, quartiers, places publiques et autres toponymes:
Article 6
Doivent être désignés par des noms propres arabes :
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Les illustrations ci-dessous montrent que l'arabe est effectivement employé, mais que le bilinguisme arabe-anglais est également fréquent. L'inscription en français de «Carrefour» désigne la chaîne de supermarché français présente sur tous les continents. «Jabri» est une chaîne de restaurants en Jordanie. Le ministère de l'Environnement présente une inscription en arabe et en anglais, mais le ministère de l'Éducation s'en tient à l'arabe seulement. Le restaurant Romero, qui affiche uniquement en anglais, est un restaurant de fine cuisine italienne. Le McDonald est en anglais, mais d'autres affiches peuvent être bilingues. En général, tout établissement qui peut intéresser les touristes a de bonnes chances d'être à la fois en arabe et en anglais. Les billets de banque, qu'ils soient de 1, de 5, de 10, de 20 ou de 50 dinars, sont unilingues arabes au recto et arabe-anglais au recto (Central Bak of Jordan - Fifty Dinars).
Quant à l'article 12 de la Loi sur la protection de la langue arabe, il privilégie aussi l'arabe au plan international ou au moins le bilinguisme:
Article 12 A) La langue arabe est la langue des conversations, des négociations, des mémorandums, de la correspondance, des accords et des traités qui sont conclus avec d’autres gouvernements, institutions, organisations et organismes internationaux, et c’est la langue du discours prononcé lors des réunions internationales et des conférences officielles, chaque fois que c'est possible. B) La langue arabe doit être employée dans la rédaction des contrats, des traités et des accords conclus entre le Royaume hachémite de Jordanie et d’autres pays et sociétés de nationalité non jordanienne, avec toute traduction dans la langue adoptée par l’autre partie, auquel cas les deux formes auront la même valeur juridique. |
Il faut néanmoins comprendre que l'arabe qui est prescrit ici est l'arabe moderne standard et non pas l'arabe coranique ni l'arabe jordanien, bien que, dans tous les conversations informelles ou familières, c'est cette variété d'arabe qui prévaut.
Cinq ou six années plus tard, en 2021, la Loi sur la protection de la langue arabe de 2015 attendait encore son application et l’exécution effective des dispositions de la loi. Mais les inscriptions unilingues anglaises qui remplissent les rues n’ont pas été remplacées, tandis que les sanctions contre les contrevenants ne sont pas exécutées. Bref, les 18 articles de la loi n’ont pas rendu un grand service à la langue arabe. Les articles 6 et 16 de cette loi sont d’une grande importance pour la protection de la langue, mais ils n’ont jamais été appliqués. L'article 6 stipule que les institutions commerciales, financières, industrielles, scientifiques, sociales, de services, récréatives, touristiques et autres institutions publiques, privées et civiles, doivent avoir des appellations arabesains, tandis que l’article 16 de la loi prévoit d’une amende d’au moins 1000 dinars et d’au plus 3000 pour les contrevenants.
4.5 L'Académie jordanienne de la langue arabe
Afin de considérer la langue arabe comme langue officielle de l'État, l'Académie jordanienne de langue arabe fut créée dans le Royaume par un décret royal en 1976. Elle a pris ses fonctions le 1er octobre 1976 et a rejoint l'Union des académies scientifiques et linguistiques . Ses objectifs sont fixés à l'article 4 de la Loi sur l'Académie jordanienne de la langue arabe (2015). L'Académie doit veiller à maintenir l'intégrité de la langue arabe et à œuvrer au rythme des exigences des arts, des sciences et des arts modernes, et de les faire progresser au rythme des exigences de la société de la connaissance et de faire revivre l'héritage arabe et musulman. |
Cet article 4 de la Loi sur l'Académie jordanienne de la langue arabe (2015) est le suivant:
Article 4
L'Académie a comme objectifs :
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Quant à l'article 5, il propose d'atteindre les objectifs qui suivent:
Article 5
Afin d'atteindre ses objectifs, l'Académie s'engage :
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Il existe un magazine semestriel appelé Journal de l'Académie jordanienne de la langue arabe. Cette académie a également produit plusieurs dictionnaires et de nombreuses publications occasionnelles, avec des intérêts couvrant l' arabisation des termes techniques et professionnels, l'usage de la langue arabe dans l'enseignement supérieur ainsi que la réglementation de la langue et de la littérature arabes. Actuellement, l'Académie comprend 30 membres actifs, dans différents domaines de la science et de la littérature, en plus d'un certain nombre de membres honoraires et de soutien.
4.6 Les langues de l'éducation
Le rôle du ministère de l' Éducation est de superviser toutes les écoles du Royaume, de fixer les programmes pédagogiques, de déterminer les qualifications professionnelles pour les enseignants qui envisagent de travailler, et le suivi sur la tenue des examens scolaires. La structure du système d'éducation en Jordanie consiste en deux années d'enseignement préscolaire, dix années d'enseignement de base obligatoire et deux années d'enseignement secondaire ou professionnel, après quoi les étudiants demandent un certificat général à l'examen du certificat d'études secondaires.
L'enseignement préscolaire en Jordanie est facultatif; il est proposé par les jardins d'enfants et les écoles maternelles. Les établissements d'enseignement préprimaire offrent un environnement scolaire approprié qui aide les à acquérir de bonnes habitudes de santé et à développer une attitude positive envers les études et les relations sociales. Les enfants sont préparés à une transition en douceur de la maison à l'école.
- L'enseignement primaire et secondaire
L'éducation dite «de base» ou fondamentale en Jordanie est obligatoire et gratuite. Ce niveau d'éducation vise le développement émotionnel, physique, social, intellectuel, créatif et spirituel des enfants. Cet enseignement fournit des compétences de base en arithmétique et en arabe. En outre, les sciences et l'environnement, l'histoire et le monde arabe, les beaux-arts et une langue étrangère (l'anglais) sont enseignés.
L'enseignement secondaire en Jordanie est facultatif. Les étudiants qui ont terminé l'enseignement de base obligatoire de dix ans sont admissibles pour l'enseignement secondaire en Jordanie. Les disciplines enseignées.sont les suivantes: mathématiques, chimie, arabe, informatique, biologie, anglais, sciences de la terre, physique et sciences sociales. Les études islamiques sont obligatoires.
L'enseignement secondaire universitaire/général permet aux élèves d'entrer dans les universités jordaniennes. Cette filière offre deux options, soit une orientation littéraire, soit une orientation scientifique. Il existe aussi un enseignement secondaire professionnel qui prépare les élèves à entrer dans les collèges/universités communautaires ou à entrer dans le monde du travail. Ce type d'enseignement secondaire est offert dans les types d'écoles suivants : hôtellerie , commerce, soins infirmiers, industries, économie domestique et agriculture. À la fin de l'enseignement secondaire, les élèves doivent passer un examen secondaire général (Tawjihi) dans la filière appropriée.
- L'enseignement supérieur
Les universités jordaniennes proposent un large éventail de programmes d'études au niveau de la licence, de la maîtrise et du doctorat. Les programmes de licence durent généralement quatre ans, mais peuvent être de cinq ou de six ans comme en médecine. Le programme de maîtrise dure de un à deux ans et nécessite l'achèvement du programme de licence. Certaines universités jordaniennes suivent un système de diplômes français et allemand.
Un peu plus de 2,5 % de la population totale de la Jordanie fréquente les universités, une proportion similaire à celle du Royaume-Uni. L'inscription dans l'enseignement supérieur est ouverte aux titulaires d'un diplôme d'études secondaires, qui peuvent alors choisir entre des collèges communautaires ou des universités privées ou publiques (publiques et privées). Les universités appliquent le système d'heures, qui permet aux étudiants de choisir des cours selon un plan d'études. Le taux brut de scolarisation dans l'enseignement supérieur est d'environ 40 %, ce qui est supérieur à la moyenne régionale. Trois nouvelles universités publiques ont été récemment créées, portant à dix le nombre total d'universités publiques en Jordanie.
Les universités privées ont également connu une augmentation rapide des taux d'inscription. Le taux d'inscription dans 12 universités privées a augmenté d'environ 18 % par an depuis ces dernières années. Avec le nombre croissant d'étudiants qui demandent à s'inscrire dans l'enseignement supérieur, le gouvernement devrait allouer davantage de ressources au développement du système d'enseignement supérieur actuel, ainsi qu'à l'amélioration de l'accès de la population croissante aux universités réputées. Les universités privées doivent également modifier certaines de leurs politiques d'inscription. Les restrictions sur le nombre d'inscriptions limitent la capacité des universités privées à absorber le nombre croissant d'étudiants de l'enseignement supérieur.
En somme, l'enseignement fondamental constitue une étape obligatoire d'une durée de dix ans. L'éducation en Jordanie est gratuite aux niveaux primaire et secondaire et est devenue obligatoire pour tous jusqu'à l'âge de 16 ans. Les manuels sont des livres standardisés distribués par le ministère de l'Éducation. En 2007-2008, le taux brut de scolarisation dans l'enseignement fondamental était de 100 %, ce qui est supérieur à la moyenne régionale de 93 %. La Jordanie bénéficie d'un niveau complet d'égalité des chances pour les deux sexes dans l'accès aux services de base, et le taux de parité entre les sexes pour le taux brut de scolarisation aux différents niveaux d'enseignement a atteint 100 %. La Jordanie est également l'un des rares pays arabes à connaître une disparité très limitée du taux de fréquentation des écoles fondamentales entre les zones urbaines et rurales. Cette situation est principalement due au fait que le financement public de l'éducation prend en compte des groupes plus pauvres de la société.
- La législation jordanienne
L'article 8 de la Loi sur la protection de la langue arabe (2015) impose l'enseignement de l'arabe dans tous les établissements d'enseignement ainsi que des examens de compétence en arabe chez les enseignants:
Article 8 A) Les enseignants des cycles d'enseignement général et les membres du corps professoral de l’enseignement supérieur sont tenus d’employer la langue arabe dans l’enseignement. B) La recherche scientifique et ses publications doivent être en langue arabe, et celles-ci peuvent être publiées dans des langues étrangères à la condition que le chercheur fournisse une traduction en arabe de leurs documents de recherche sous forme de résumé pour la compréhension aux autorités compétentes. C) Les dispositions des paragraphes A et B du présent article s’appliquent aux orateurs et aux conférenciers des colloques et des réunions tenus dans le Royaume. Article 10 A) Un enseignant d'un établissement public, un membre du corps professoral de l’enseignement supérieur, un annonceur, un auteur ou un éditeur ne peut être nommé dans un établissement de presse s’il n’a pas réussi l’examen de compétence en langue arabe, sauf les enseignants qui ne sont pas arabophones ou qui n’étudient pas dans une langue étrangère et sont exclus de cet examen et dispensés par un établissement d’enseignement avec l’approbation du ministère de l’Éducation ou du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique requis pour enseigner dans une langue étrangère ainsi que les travailleurs dans les départements étrangers dans les médias. B) Toutes les questions relatives à l’examen d’aptitude en langue arabe, y compris les frais à percevoir, sont déterminées en vertu d’un règlement édicté à cet effet l’examen de suffisance en langue arabe sont déterminés, y compris les impôts perçus dans le cadre d’un système délivré à cette fin. Article 13 Les établissements publics et privés d’enseignement supérieur et les établissements d’enseignement de toutes sortes et de tous grades sont tenus d’enseigner en langue arabe dans toutes les sciences et connaissances, hormis ce qui est décidé par le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à cet égard. |
L'un des objectifs principaux en éducation est d'employer la langue arabe pour communiquer avec tous les citoyens du pays et de pouvoir s'exprimer de manière simple et aisée. On ne précise pas de quel arabe il s'agit, mais dans les faits c'est l'arabe moderne standard.
- L'enseignement des langues
Tous les jeunes Jordaniens (primaires et secondaires) doivent étudier l'arabe de préférence comme langue maternelle, hormis ceux qui peuvent prouver qu'ils sont allés dans une école anglophone dans un pays non arabophone. Dans ces cas, ils seront évalués pour déterminer les niveaux et placés dans un établissement en conséquence. Dans la plupart des cas, ils recevront un enseignement en arabe langue seconde. Un soutien supplémentaire est également apporté par le département d'arabe aux étudiants en difficulté.
Pour les élèves du primaire, leur répartition dans les cours d'anglais se fait en fonction de l'âge et du niveau scolaire, alors que ; tandis que dans le secondaire (grades 6-10), cette répartition est basée sur des tests de diagnostic effectués au début de l'année scolaire. Ce test est effectué afin de définir le niveau linguistique de chaque étudiant et constitue la base pour laquelle le cours de langue serait le plus approprié pour l'étudiant et quel niveau de cours il devrait être proposé.
Au secondaire, tout au long de l'année scolaire, les différents niveaux de langue sont continuellement révisés pour s'assurer que chaque élève est placé dans le cours et le niveau de langue appropriés. Normalement, le mouvement entre les niveaux se produira à la fin d'une période de rapport et seulement s'il est déterminé que l'étudiant sera en mesure de faire les ajustements nécessaires et de « rattraper le retard » (si nécessaire).
L'espagnol est proposé comme langue seconde ou étrangère de la 6e à la 12e année. Aux niveaux 6-8, tous les élèves étudient l'espagnol comme langue étrangère. Aux niveaux 9 et 10, l'espagnol est proposé comme option. À l'occasion, un ou plusieurs élèves peuvent se voir proposer l'espagnol de la langue première. Cela dit, la Jordanie a aussi une longue tradition anglophile. L'anglais est enseigné dans toutes les écoles comme langue seconde. C'est pourquoi cette langue est relativement comprise par une majorité de la population (environ 60 %).
4.7 Les langues dans les médias
La Constitution jordanienne garantit la liberté d'opinion et d'expression, en plus de la liberté de la presse et des médias, mais il existe des restrictions importantes qui limitent le fonctionnement libre des médias. Par exemple, toute critique ou diffamation du roi ou de la famille royale est interdite, ainsi que tout ce qui est réputé porter à «la réputation et la dignité de l'État». Le gouvernement a recours à des tactiques telles que la menace d'amendes, de poursuites et de détention pour intimider les journalistes et encourager l'autocensure. De plus, les informateurs et les censeurs dans les presses d'imprimerie avertissent souvent le gouvernement à l'avance si un article particulièrement incendiaire est prévu pour publication, permettant ainsi au gouvernement d'exercer des pressions sur l'éditeur pour qu'il modifie ou supprime l'article.
De plus, la législation sur la presse et les publications impose certaines limitations à l'accréditation des journalistes et au fonctionnement des journaux; le plus dommageable est peut-être la réticence du gouvernement à faire de la publicité dans les journaux qui ne sont pas au moins en partie la propriété de l'État. La radio et la télévision jordaniennes ont encore plus de restrictions dans leur liberté que la presse. L'accès à Internet dans le royaume est généralement ouvert et sans restriction, bien qu'il y ait eu des rapports antérieurs d'enquêtes gouvernementales sur les sources de sites Internet trop critiques.
La plupart des journaux publiés à Amman sont en langue arabe: Ad Dustour, Al-Ahali, Al Anbat, Al Arab Al Yawm, Al Ghad, Al-liwa, Al Majd, Al Rai, Al Watan News, etc. Quelques journaux étrangers sont publiés en anglais ou en français. En réalité, le pays compte six quotidiens et 14 hebdomadaires, ainsi que 270 autres périodiques, pratiquement tous en arabe.
La Jordanie comptant six stations de radio AM, cinq FM et une radio à ondes courtes en 1999, ainsi que 20 stations de télévision en 1995. Les Jordaniens possédaient plus de 1,6 million de récepteurs radio en 1997 et 560 000 récepteurs de télévision en 2000. Radio Jordan diffuse aujourd'hui un service en arabe24 heures sur 24, ainsi qu'un service en anglais pendentif 21 heures par jour et un service en français pendant 13 heures par jour.
4.8 Les droits des minorités
La question des minorités en Jordanie ne se pose pas vraiment en termes de langue, mais plutôt de religion. Si l'on fait exception des petites minorités arménienne, circassienne, tchétchène et roms, tous les Jordaniens arabophones doivent utiliser une autre langue que leur langue maternelle dans leurs communications officielles ou dans toutes les sphères de l'éducation. Les minorités linguistiques ne font pas exception.
Cela dit, les minorités linguistiques ET religieuses disposent de certains droits. Par exemple, le système électoral réserve une place particulière à ces minorités. En effet, chacune d'elles dispose de sièges réservés à la Chambre des représentants: chrétiens (un peu moins de 5 % de la population: neuf sièges); bédouins (six sièges); Circassiens (deux sièges), Tchétchènes (un siège). Ces deux derniers groupes, musulmans, sont les descendants de peuples caucasiens qui avaient fui vers l'Empire ottoman, à partir de 1864, devant la progression des Russes dans le Caucase. Ils représentent environ 1 % de la population actuelle. Généralement, la plupart des administrations locales (gouvernorats) en Jordanie réservent des postes aux minorités religieuses et ethniques.
Les minorités ont le droit de se regrouper en association de façon à défendre leurs intérêts. Elles peuvent fonder leurs écoles. Par exemple, les chrétiens peuvent recevoir l'enseignement religieux dans leurs propres écoles. La plupart des membres des petites minorités linguistiques peuvent recevoir une partie de leur enseignement dans leur langue maternelle et dans leur religion, mais uniquement dans des écoles privées. Dans les écoles publiques, seule la langue arabe classique est utilisée comme langue d'enseignement. L'enseignement du français est possible dans quelque 45 établissements privés et 18 établissements publics pour 32 800 élèves sur un total de 1,3 million. Les autorités jordaniennes ont décidé d'introduire le français comme épreuve optionnelle au baccalauréat littéraire, ce qui a permis l'ouverture de 80 nouvelles classes supplémentaires de français. Les écoles dirigées par les minorités ethniques ont aussi le droit d'accepter des enfants n'appartenant pas à leur communauté, car elles sont ouvertes aux enfants des autres groupes ethniques.
Bien que l'arabe classique soit la langue officielle, toutes les minorités disposent de médias dans leur langue, notamment à la radio. Toutes les variétés d'arabe (arabe levantin du Sud, arabe bedwadi et arabe nadji) et les Adygués (Circassiens) ont des émissions radiophoniques et télévisées. Les Arméniens et les Tchétchènes captent leurs programmes de la Russie. L'anglais est présent partout, à la radio, la télévision et les journaux, et il fait concurrence à l'arabe officiel.
La Jordanie a une politique linguistique dite d'arabisation: elle consiste à promouvoir la langue officielle, en l'occurrence l'arabe classique, une langue que personne ne parle spontanément. Quoi qu'il en soit, c'est le cas de tous les États arabophones et la Jordanie ne fait pas exception . Il existe tout de même une différence avec la Jordanie et les autres pays arabes. En effet, la question des minorités en Jordanie ne se pose pas en termes de langue, mais en termes de religion. Il n'y a pas de droits linguistiques spécifiques dans le pays, mais les minorités religieuses ont des droits reliés à l'éducation. Si l'on fait exception des petites minorités arménienne, circassienne, tchétchène et rom, tous les Jordaniens, y compris les arabophones, doivent utiliser une autre langue que leur langue maternelle dans leurs communications officielles ou dans toutes les sphères de l'éducation. Les minorités linguistiques ne font pas exception.
Bibliographie
ONU. Department of State Human Rights Reports for 2000, Jordan, Commmission of Human Rights, New York, 2003, ROBINS, Philip. A History of Jordan, YACOUB, Joseph. «Extrême-Orient» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 654-656. |