République démocratique |
LaosSathalanalat Passathipatai Passasson lao |
Capitale: Vientiane Population: 7,0 millions (est. 2018) Langue officielle: lao ou laotien Groupe majoritaire: lao (46,7 %) Groupes minoritaires: khmou (9,9 %), hmong daw (5,4 %), thaï phu (3,0 %), hmong njua (2,9 %), phuan (2,0 %), thaï central (1,9 %), lü (1,7 %), vietnamien (1,6 %), akha (1,5 %), thaï don (1,4 %), bru occidental (1,1 ), sô (1,1 %), katang du Nord (0,9 %), chinois mandarin (0,9 %), laven (0,7 %), ta oi (0,6 %), kuay (0,6%), katang du Sud (0,5 %), phu noi (0,5 %), thaï du Nord (0,5 %), mal (0,5 %), talieng (0,5 %), lu mien (0,4 %), phong (0,4 %), katou de l'Ouest (0,4 %), prai (0,4 %), etc. Système politique: république socialiste communiste dirigée par un parti unique, le Parti populaire révolutionnaire lao (PPRL) Articles constitutionnels (langue): art. 110 de la Constitution modifiée de 2015 Lois linguistiques: Loi sur les assurances (1990); Loi sur les bureaux de notaires (1992); Loi sur la procédure civile (2004); Loi sur le tribunal populaire (2003); Loi sur la nationalité laotienne (2004); Loi sur le tourisme (2005); Loi sur le traitement des pétitions (2005); Loi sur le règlement des différends économiques (2005); Loi pénale (2005); Loi sur l'éducation (2007); Loi sur les médias (2008); Loi sur la protection du consommateur (2010); Loi sur les télécommunications (2011); Loi sur la propriété intellectuelle (2011); Loi sur la procédure pénale (2012); Décret sur l'enseignement supérieur (2015). Traités internationaux: Pacte international relatif aux droits civils et politiques; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (1993). |
Le Laos porte comme dénomination officielle République démocratique populaire lao. C'est un pays d’Asie du Sud-Est délimité au nord par la Chine et le Vietnam, à l’est par le Vietnam, au sud par le Cambodge, à l’ouest par la Thaïlande, et au nord-ouest par la Birmanie. La superficie totale du pays est de 236 800 km², ce qui correspond à près de la moitié de la France ou à des pays comme la Roumanie ou l'Ouganda; plus de 1000 km séparent le nord et le sud du pays. Le Laos est le seul pays de la péninsule indochinoise à ne posséder aucun débouché sur la mer. Depuis 1975, la capitale du pays est Vientiane qui a remplacé Luang Prabang. Le Laos est surnommé le «royaume au million d’éléphants» en raison du grand nombre d’éléphants qui vivaient auparavant sur le territoire. |
Le Laos est divisé administrativement en 17 provinces, une municipalité (kampheng nakhon) et une «région spéciale» (khetphiset): Attapeu, Bokèo, Borikhamxay, Champassack, Houaphan, Khammouane, Louang Nam Tha, Louang Prabang, Oudômxay , Phôngsaly, Saravane, Savannakhét, Vientiane (ville), Vientiane (province), Sayaboury (Xaignabury), Saysômboun (région spéciale), Sékong et Xiang Khouang (voir la carte détaillée). Les provinces sont elles-mêmes divisées de 142 districts et de 11 386 villages. Le Laos tire son nom du peuple principal, les Lao; mais les habitants du pays sont tous des Laotiens.
Le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL) est le parti communiste du Laos. Depuis 1975, il est le seul parti politique autorisé dans le pays. Les organes décisionnels sont le Politburo et le Comité central. Un Congrès, élisant les membres du Politburo et du comité central se tient tous les cinq ans. L'article 3 de la Constitution du Laos dispose que «droits des peuples multiethniques d'être les maîtres du pays sont exercés et garantis par le fonctionnement du système politique dont le Parti révolutionnaire populaire lao constitue son noyau dirigeant». Le parti trouve ses origines dans le Parti communiste indochinois (PCI) fondé par Ho Chi Minh en 1930. Le PCI, entièrement vietnamien à l'origine, grandit à travers la totalité de l'Indochine française et fut à même de fonder une section lao en 1936. En février 1972, à l'occasion du deuxième Congrès du parti unique, le nom de Parti du peuple lao fut remplacé par le Parti révolutionnaire populaire lao, qui demeure toujours le parti dirigeant au Laos.
Le Laos est le pays le moins peuplé de l'Indochine avec une population estimée à 7,0 millions d'habitants (en 2018), soit une densité de population de 23,8 habitants au km². La population est essentiellement rurale, 78 % des habitants vivant dans les campagnes ou les montagnes.
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2.1 Les ethnies
Du point de vue ethnique, le Laos constitue constitue une mosaïque très complexe qui se répartit en quelque 130 ethnies, sous-ethnies et en nombreux clans, sous-clans et lignées. Le Laos compte plus de minorités que n'importe quel de ses voisins immédiats (Birmanie, Thaïlande, Cambodge et Vietnam), ce qui en fait le pays le plus hétérogène de tout le Sud-Est asiatique. En effet, plus de 50 % de la population laotienne est constituée d'ethnies minoritaires d'origine montagnarde, dont les Hmong et les Khmou, qui représentent les groupes les plus importants. Le tableau qui suit ne présente que les ethnies comptant au moins 5000 membres.
Ethnie | Population | Pourcentage | Affiliation linguistique |
Lao | 3 348 000 | 46,7 % | |
Khmou | 714 000 | 9,9 % | |
Hmong Blanc | 389 000 | 5,4 % | hmong-mien |
Thaï phu | 220 000 | 3,0 % | thaï-kadai |
Hmong Njua | 211 000 | 2,9 % | hmong-mien |
Lao Phuan | 145 000 | 2,0 % | thaï-kadai |
Thaïlandais du Centre | 141 000 | 1,9 % | thaï-kadai |
Tai Lue | 127 000 | 1,7 % | thaï-kadai |
Vietnamien | 120 000 | 1,6 % | austro-asiatique |
Akha | 114 000 | 1,5 % | sino-tibétaine |
Thaï Don / Thaï Blanc | 102 000 | 1,4 % | thaï-kadai |
Bru de l'Ouest | 84 000 | 1,1 % | austro-asiatique |
So | 84 000 | 1,1 % | austronésienne |
Katang du Nord | 67 000 | 0,9 % | austro-asiatique |
Chinois han | 66 000 | 0,9 % | sino-tibétaine |
Laven | 57 000 | 0,7 % | austro-asiatique |
Tong (ou Ta Oi) | 48 000 | 0,6 % | austro-asiatique |
Kui | 47 000 | 0,6 % | austro-asiatique |
Katang du Sud | 41 000 | 0,5 % | austro-asiatique |
Phunoi | 40 000 | 0,5 % | sino-tibétaine |
Thaïlandais du Nord | 37 000 | 0,5 % | thaï-kadai |
Mal | 36 000 | 0,5 % | austro-asiatique |
Talieng | 36 000 | 0,5 % | austro-asiatique |
Lu Mien | 33 000 | 0,4 % | hmong-mien |
Pong | 31 000 | 0,4 % | austro-asiatique |
Katou de l'Ouest | 29 000 | 0,4 % | austro-asiatique |
Prai (ou Phai) | 29 000 | 0,4 % | austro-asiatique |
Thaï Dam | 27 000 | 0,3 % | thaï-kadai |
Alak | 26 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Brao | 26 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Thaï Daeng | 25 000 | 0,3 % | thaï-kadai |
Thaï Khang | 25 000 | 0,3 % | thaï-kadai |
Oy | 24 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Lamet | 23 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Pacoh | 23 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Bru de l'Est | 22 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Ta Oi | 22 000 | 0,3 % | austro-asiatique |
Nguan | 20 000 | 0,2 % | austro-asiatique |
Chinois cantonais | 18 000 | 0,2 % | sino-tibétaine |
Lao Nyaw | 17 000 | 0,2 % | thaï-kadai |
Tai Nua Chinois Shan | 14 000 | 0,1 % | thaï-kadai |
Tong | 14 000 | 0,1 % | thaï-kadai |
Laopang | 13 000 | 0,1 % | sino-tibétaine |
Jeh | 12 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
Khuen | 12 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
Yoy | 12 000 | 0,1 % | thaï-kadai |
Laoseng | 11 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
So Tri | 11 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
Puoc | 10 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
Thae | 10 000 | 0,1 % | austro-asiatique |
Lahu Aga | 9 200 | 0,1 % | sino-tibétaine |
Nyahon | 9 100 | 0,1 % | austro-asiatique |
Jeng | 8 800 | 0,1 % | austro-asiatique |
Khlor | 8 800 | 0,1 % | austro-asiatique |
Ngae | 8 800 | 0,1 % | austro-asiatique |
Thai Isan / Thai Nord-Ouest | 8 700 | 0,1 % | thaï-kadai |
Giay | 7 200 | 0,1 % | thaï-kadai |
Khmer | 7 200 | 0,1 % | austro-asiatique |
Alu | 7 100 | 0,1 % | sino-tibétaine |
Kim Mun | 6 900 | 0,0 % | hmong-mien |
Lanten | 6 500 | 0,0 % | hmong-mien |
Halang | 6 200 | 0,0 % | austro-asiatique |
Ir | 6 100 | 0,0 % | austro-asiatique |
Pala | 5 600 | 0,0 % | sino-tibétaine |
Sapuan | 5 300 | 0,0 % | austro-asiatique |
Total | 6 924 500 | 97,5 % | - |
Peuples entre 4900 et 100 locuteurs | 103 700 | 1,4 % | - |
Autres non classés | 69 000 | 0,9 % | - |
Nombre total (128 peuples) | 7 097 200 | 100 % | - |
Cependant, les autorités politiques (principalement le Front lao d'édification nationale) ont du mal à établir une liste satisfaisante des diverses ethnies du pays. Le nombre officiel se situe autour de 47 à 49 ethnies, mais cette limitation se révèle factice, car la réalité est toute autre dans un pays caractérisé par sa très grande diversité ethnolinguistique. En fait, le système présente une image altérée de sorte qu'il devient difficile, voire impossible, de situer l'appartenance de chacun des groupes à un ensemble ethnolinguistique le reliant à d'autres groupes voisins ou éloignés. Pour sa part, la Commission des ethnies de l'Assemblée nationale, lors de son symposium d'août 2000, fixait le nombre d'ethnies à 49, subdivisées en quatre catégories principales sur la base d'un classement ethnolinguistique :
1) Les Lao-Thaï incluant huit groupes ethniques : Lao, Phouthai, Thaïs, Lü, Gnouanes, Youngs, Saek et Thaïs Neua.
2) Les Austro-Asiatiques (ou Môn-Khmers) incluant 31 groupes ethniques : Kuemu (Khmou), Pray, Singmou, Khom, Thene, Idou, Bit, Lamed, Samtao, Katang, Makong, Try, Trieng, Ta-oi, Yeh, Brao, Harak, Katou, Oi, Krieng, Yarou, Yeh, Souai, Gnaheune, Lavy, Kabkae, Khmer, Toum, Ngouane, Meuan et Kri.
3) Les Sino-Tibétains incluant huit groupes : Akha, Sing, Sali, Lahou, Sila, Hayi, Lolo et Hor.
4) Les Hmong-Mien incluant deux groupes : Hmong et Mien (Yao).
Ce classement des minorités nationales du Laos est basé sur l'altitude de l'habitat de ces peuples: les «Lao des plaines» (Lao Loum), les «Lao des collines» (Lao Theung) et les «Lao des montagnes» (Lao Sung). Cette classification est peut-être fort pratique pour les fonctionnaires, mais elle ne saurait répondant à des critères ethnolinguistiques. C'est pourquoi les scientifiques ont tendance à l'abandonner. On peut consulter un autre tableau des ethnies fait par M. Laurent Chazée en cliquant ICI.
La langue lao peut se diviser en cinq variétés dialectales régionales, bien qu'elles ne correspondent pas nécessairement aux frontières provinciales : le lao de Vientiane (officiel), le lao du Nord (provinces de Luang Namtha, Bokèo, Oudômxai, Luangprabang, Sayaboury, Phôngsaly), le lao du Nord-Est (Xiengkhouang et Houaphan), le lao du Centre (Khammouane et Borikhamxay) et le lao du Sud (Savannakhét, Saravane, Xékong, Champasak et Attapeu). L'intercompréhension est relativement aisée entre ces différentes variétés linguistiques. Cela dit, les linguistes ne sont pas d'accord sur le nombre de ces variétés dialectales du lao. L'Ethnologue en répertorie
six (Vientiane, Luang Phrabang, Sawanakhet, Paksé, Lao-Kao et Lao-Khrang), tandis que d'autres en
comptent seulement trois. La langue standard est basée sur la variante de Vientiane parlée dans la capitale du Laos et assez répandue dans tout le pays.
D'un point de vue linguistique, le lao est directement apparenté à une variété linguistique parlée par quelque
15 millions de locuteurs dans la région nord-est de la Thaïlande, d'ailleurs appelée aussi «thaï du Nord-Est» ou issan). Ces deux langues,
le lao et l'issan, sont linguistiquement très proches des deux côtés de la frontière de sorte qu'elles forment une continuité linguistique. Quant au thaï, langue officielle de la Thaïlande, il n'est pas aisément intelligible avec le lao. |
Dans cet article, l'expression «minorités ethniques» sera utilisée pour désigner des personnes appartenant à des groupes autres que le groupe lao, par souci de clarté et de cohérence.
2.2 Les familles linguistiques du Laos
Comme il existe autant de langues que d'ethnies, il apparaît plus aisée de les classer d'abord par groupe ou par famille. Quatre familles linguistiques sont principalement représentées au Laos: la famille thaï-kadai, la famille austro-asiatique, la famille hmong-mien et la famille sino-tibétaine. Les pourcentages qui suivent concernant les familles de langues proviennent du recensement de 1995.
- La famille thaï-kadai (66,2 %)
La famille thaï-kadai est souvent désignée par le terme lao loum (ou «lao des plaines»), dont fait partie l'ethnie lao proprement dite qui parle le lao (ou laotien) ainsi que les ethnies similaires qui utilisent le thaï lao, le thaï dam, le thaï lü, le thaï dèng, le thaï khao, etc. Le lao est la langue officielle du Laos; il s'agit de la variété parlée et écrite à Ventiane, laquelle s'est imposée comme langue véhiculaire pour tous les groupes ethniques du pays. Le lao officiel diffère de la langue thaïe parlée en Thaïlande, bien que les locuteurs des deux pays se comprennent sans trop de problèmes. D'ailleurs, les Laos et les Thaïs sont considérés comme des Thaïs, qu'ils soient de la Thaïlande ou du Laos. Beaucoup de Laotiens écoutent très régulièrement les émissions thaïlandaises à la radio ou la télévision; ils le comprennent plus qu'ils le parlent. Les «Thaïs du Laos», l'ethnie dite majoritaire, vivent généralement dans la vallée du Mékong et les plaines. L'ensemble des différentes communautés thaïes comptent pour environ 60 % de la population totale du pays, mais le lao à lui seul rassemble 46,7 % des locuteurs du Laos; c'est donc dire que, du point de vue numérique, les autres langues thaïes sont peu importantes. - La famille austro-asiatique (22,7 %) La famille austro-asiatique, désignée par lao theung — ou «lao des collines» parce que les locuteurs de ces langues furent chassés hors des plaines vers la montagne par l'arrivée des Lao —, comprend essentiellement des langues môn-khmer, comme le khmou, le vietnamien, le bru, le katang, le laven, le mal, le talieng, le phong, le katou, etc. Ce groupe de langues rassemble une trentaine d'ethnies, soit près de 23 % de la population totale. |
- La famille hmong-mien (7,4 %)
- La famille hmong-mien (ou miao-yao) représente les Lao soung (ou «Lao des montagnes»), parlant des langues plus ou moins apparentées au chinois, et qui sont des «Laotiens des montagnes». Ce groupe se compose essentiellement des Méo (ou Hmong), des Yao, Ko, etc.; ils sont arrivés au Laos au XIXe siècle et n'ont pu s'installer que sur le sommet des montagnes. Le terme de Méo avait déjà été attribué par les Chinois aux Hmong, qui préfèrent l'appellation de Hmong («l’Homme»). Les langues les plus courantes sont le hmong daw, le hmong njua, le kim mung et le lenten.
- La famille sino-tibétaine (2,9 %)
La famille sino-tibétaine rassemble des langues chinoises telles que l'akha, le phunoi, le yu, etc. Au Laos, ce sont de petites minorités linguistiques isolées dans les montagnes.
Les langues laotiennes les plus importantes, c'est-à-dire parlées par plus de 20 000 locuteurs, sont les suivantes: lao (ou laotien), khmou, hmong daw, phu thaï, hmong njua, phuan, thaï du Centre, lü, vietnamien, akha, thaï don, bru occidental, so, katang du Nord, chinois mandarin et laven.
2.3 La répartition des langues minoritaires
Les provinces du Laos accusent de grandes différences démolinguistiques (relevées en pourcentage de la population totale). La répartition des divers ensembles ethnolinguistiques par province se présente de façon différente. On peut consulter la fiche de l'ambassade de France au Laos.
Dans la carte ci-contre, les cases en blanc indiquent la localisation des
locuteurs du lao et des autres langues thaïes
apparentées; ces locuteurs occupent près du quart de la surface du
territoire. Ils sont majoritaires à plus de 50 % dans huit
provinces sur 17 en plus de la préfecture de Vientiane (n° 15: 96%) :
la province de Houaphan (n° 5: 65,7%),
la province de
Xaignabury (n° 11: 80,3%),
la province de
Vientiane (n° 15: 69,9%),
la province de Bolikhamxai (n° 3: 77,5%),
la province de Khammouan (n° 6: 79,1%),
la province de Savannakhét (n° 13: 72,5%), la province de Salavan
(n° 12: 64,3%) et la province de Champasak (n° 4: 87,7%). Le
locuteurs du lao et des langues thaïes apparentées sont minoritaires
dans toutes les autres provinces. Le kmer est majoritaire dans la province d'Oudômxay (n° 9: 60,3%), la province de Xékong (n° 14: 95,9%) et la province d'Attapeu (n° 1: 60,1%). Cette langue est aussi présente dans des proportions non négligeables (plus de 20%) dans les provinces suivantes: Phônsaly (n° 10), Bokèo (n° 2), Louang Prabang (n° 8), Khammouan (n° 6), Savannakhét (n° 13) et Salavan (n° 12). Le hmong est présent (15% et plus) dans la province de Luang Namtha (n° 7), la province de Houaphan (n° 5) et la province de Xiang Khouang (n° 17). Il faut aussi considérer que, dans une province, les locuteurs de plusieurs langues dans leur ensemble peuvent être majoritaires sans qu'aucune d'elles le soit. Par exemple, dans la province de Phônsaly (n° 10), on parle l'akah, le phunoi, le sila, le lolo, le kheu, le khmou, le lao, le phutai, le yang, le yao, le hmong, etc. La langue la plus parlée est le khmou avec 26,9 % des locuteurs. D'autres provinces sont dans une situation similaire, notamment la province de Louang Prabang (n° 8) et la province de Bokèo (n° 2). Le Laos présente donc une mosaïque ethnolinguistique tout à fait exceptionnelle en Asie du Sud-Est pour un si petit pays (en terme de population), soit 7,0 millions d'habitants. |
2.4 La langue lao (officielle)
Le lao ou laotien, à l'exemple du thaï, du vietnamien et du chinois, est une langue à système tonal. Il compte six tons, proches du thaï, tout en demeurant une langue monosyllabique: ton grave, ton médian, ton aigu, ton ascendant, ton aigu descendant et ton grave descendant. Le lao comporte néanmoins des mots polysyllabiques hérités du sanskrit, du pâli, du français, de l'anglais, voire du russe. Les tons servent à distinguer phonologiquement des mots qui, pour un Occidental, pourraient être perçus comme semblables. Un même mot peut donc se prononcer de plusieurs façons : [pèèt] => «huit», [pèt] => «canard», [phèèt] => «piment», etc. Par exemple, le mot khao peut signifier «riz», «information», «corne» ou «eux», selon le ton employé. Un autre exemple: le mot sao peut signifier, selon le ton, «vingt», «fille», «pilier» ou «matin».
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- Le ton grave correspond au ton le plus bas, généralement uniforme et plat. - Le ton médian est également plat, mais il correspond au registre moyen du locuteur; le mot se prononce sans inflexion. - Le ton aigu, plat lui aussi, correspond au ton le plus haut du registre (voix de tête). - Le ton ascendant commence un peu en-dessous du ton médian et rejoint ou dépasse le ton aigu. - Le ton aigu descendant commence au ton aigu et redescend au niveau médian. - Le ton grave descendant commence à peu près au niveau médian et redescend au niveau du ton grave. * Les syllabes fermées se terminent par [p], [t] ou [k]. |
Trois des tons sont dits «plats» (grave, médian et aigu), tandis que les trois autres concernent l'inflexion (ascendant, aigu descendant et grave descendant). Ces six variations de ton sont évidemment fonction du registre de la voix du locuteur.
Du côté de l'écriture, le lao est doté d'un alphabet ressemblant à l'alphabet thaï, mais avec 33 consonnes, 28 voyelles et quatre signes diacritiques pour marquer le ton. Mais parmi ces quatre signes, deux seulement sont couramment utilisés pour indiquer les six tons différents. Il existe aussi 15 symboles pour indiquer les diphtongues, ce qui permet de multiples combinaisons. Beaucoup de phonèmes identiques ne se distinguent que par le ton. L'écriture, de type curviligne, peut paraître relativement complexe. Elle se lit de gauche à droite et de haut en bas. Avant 1975, il existait au moins quatre systèmes d'écriture. Depuis le régime imposé par le Phathet Lao, l'alphabet a été normalisé et unifié.
Les consonnes sont divisées dans trois classes afin de déterminer le ton d'une syllabe (indiquée par les numéros ci-dessous). Les sons représentés par certaines consonnes changent lorsqu'ils sont employés à la fin d'une syllabe. Les consonnes peuvent être employées au commencement d'une syllabe, mais seulement certaines d'entre elles peuvent en usage à la fin d'une syllabe. Les consonnes dans la rangée du bas (voir le tableau ci-dessous) finale sont des amalgames employés comme des choix aux consonnes de base. Quant aux voyelles (avec k), le tableau est le suivant :
Si le système phonétique et phonologique peut paraître fort complexe, en revanche la grammaire se révèle d'une grande simplicité. Ainsi, les mots sont invariables et il n'y a ni genre, ni nombre, mais seulement des termes génériques pour définir les hommes, les animaux, les végétaux, etc. Par exemple, il existe une catégorie propre aux feuilles et à tout ce qui est plat, une autre pour les objets à forme ronde et allongée (arbres et colonnes), etc. Au total, on compte une vingtaine de catégories grammaticales de ce type. Comme les autres mots, le verbe reste invariable et le temps verbal est inconnu, même s'il existe des auxiliaires marquant l'action accomplie. Quant aux pronoms personnels, ils diffèrent selon que l'on s'adresse à un subordonné, un égal ou un supérieur. La syntaxe du lao correspond à l'ordre connu du français: le sujet, puis le verbe suivi du complément.
À l'instar du pronom personnel, certains mots sont différents selon que l'on s'adresse à ses amis, à des administrateurs, bonzes ou hauts dignitaires. Au cours de son histoire, le lao a emprunté, à l'exclusion du thaï, au sanskrit, au pali, au vietnamien, au français, au russe et à l'anglais. Historiquement, le lao a emprunté des mots au sanskrit et au pali, en particulier en ce qui concerne les termes religieux. Le vocabulaire du lao parlé au Laos a été influencé par le français, tandis que celui du lao (ou isan) parlé dans le nord-est de la Thaïlande a été influencé par le thaï et l'anglais. Le chinois a également été une source importante d'emprunts, de chiffres correspondants et de quelques centaines de termes de base. L'anglais est devenu une source importante d'emprunts, en particulier dans les domaines de la culture populaire, des médias et des affaires.
2.5 Les autres langues d'importance
Certaines langues minoritaires sont plus importantes que d'autres. Il en est ainsi des langues suivantes:
- Le vietnamien
Le vietnamien est estimé à plus 120 000 locuteurs (1,6 %) pour ce qui est de la langue maternelle. Cette langue est aussi utilisée comme langue seconde ou étrangère, en particulier par les groupes
linguistiques frontaliers. Il existe des écoles de langue vietnamienne au Laos, et celle-ci est enseignée dans certaines universités. De plus, un centre d'enseignement de la langue vietnamienne, un don du gouvernement vietnamien, a été mis en service le 4 juin 2015 dans la province de Houaphan.
- Le chinois
La plupart des Laotiens sinophones (environ 2 % de la population) sont des descendants de populations qui se sont déplacées vers les provinces de la Chine du Sud du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. La majorité de ces sinophones ont des ancêtres issus des provinces chinoises de Yunnan, du Guangdong, du Guangxi, du Sichuan et du Guizhou. Dans la plupart des cas, ces Laotiens chinois parlent l'une des trois langues suivantes: le mandarin, le cantonais ou le min nan (ou teochew). Le chinois, avec ses variantes, est présent dans la capitale et dans le nord du pays.
Bien que très minoritaire au Laos, le chinois mandarin est de plus en plus étudié comme langue étrangère et de plus en plus parlé dans le nord du pays, près de la frontière chinoise, et ce, depuis les années 1990.
- Le thaï standard
Le thaï standard est assez courant, notamment à Vientiane. Son emploi est facilité par le fait que le thaï n'est pas trop éloigné linguistiquement du lao, bien qu'ils soient néanmoins deux langues distinctes (comme l'espagnol et le portugais, ou comme le russe et l'ukrainien, ou le danois et le suédois).
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Ainsi, un locuteur du lao comprend assez bien le thaï (mais pas l'inverse),
mais a de la difficulté à le parler, car il existe des différences lexicales importantes. Il faut souligner aussi que le thaï est connu au Laos parce que,
répétons-le, les Laotiens regardent beaucoup les émissions de télévision thaïe; ils le comprennent donc assez bien, mais
ils le parlent peu, sauf pour les commerçants qui pratiquent des échanges
commerciaux entre les deux pays.
En revanche, la plupart des Thaïs, hormis ceux qui vivent dans le nord-est de la Thaïlande (et parlent l'issan), ignorent tout du lao. De plus, le thaï et le lao ont des alphabets différents. Le tableau ci-contre illustre ces différences, alors que le lao et l'issan (ou thaï du Nord-Est), qui sont des langues presque identiques et mutuellement intelligibles, utilisent des alphabets distincts. |
- L'issan (ou thaï du Nord-Est)
L'issan (ou isan), appelé aussi «thaï du Nord-Est» ou «lao-thaï», est une langue parlée dans la région d'Issan en Thaïlande. C'est une langue très proche du lao avec lequel elle appartient au sous-groupe dit «lao-phutai». Du point de vue ethnique, les Thaïs d'Issan sont considérés comme des Lao plutôt que comme des Thaïs.
En fait, l'issan et le lao sont des
langues presque identiques.
Après le déclin de l'empire khmer au XIIIe
siècle, l'Issan fut intégré par le royaume lao de Lan Xang créé par
le prince Fa Ngum. Puis les Issaniens furent séparés politiquement des autres locuteurs lao
après que la guerre franco-siamoise de 1893 ait conduit le Siam
(aujourd'hui la Thaïlande) à
céder tous les territoires situés à l'est du fleuve Mékong à la France, ce
qui a créé le protectorat français du Laos. Depuis lors, les
Lao sont divisés entre deux pays : les issanophones à l'ouest
sont sous le
contrôle de Bangkok et les laosophones à l'est demeurent sous le contrôle de Vientiane
(voir la carte ci-contre).
La langue issan est parlée dans les 20 provinces qui composent la région d'Issan dans le nord-est de la Thaïlande, ce qui correspond approximativement à la taille de l'Angleterre et du pays de Galles réunis. Les locuteurs de l'issan sont au nombre de plus de 15 millions, ce qui est presque cinq fois plus que les locuteurs du lao (3,3 millions) au Laos. Depuis plus d'un siècle, les influences thaïlandaises dans la grammaire et le vocabulaire de l'issan continuent de croitre et d'accentuer les différences avec le lao. En Thaïlande, la langue issan est officiellement classée comme un «dialecte de la langue thaïe», ce qui est évidemment erroné, car l'issan, le lao et le thaï proviennent d'une langue commune plus ancienne que les linguistes appellent «kam-thaï». La langue issan est discriminée en Thaïlande qui pratique une politique de thaïfication à l'égard des locuteurs de cette langue, ce qui continue d'isoler la langue issan par rapport au lao. |
- le khmer
Le khmer (0,1 %) est une langue parlée par peu de locuteurs au Laos (environ 7200), mais la plupart de ceux-ci sont concentrés dans le sud près de la frontière avec le Cambodge, ainsi que dans la capitale où ils vivent comme réfugiés ou comme immigrants. Le khmer est une langue austro-asiatique (comme le vietnamien), alors que le lao est une langue thaï-kadai, ce qui n'aide pas au rapprochement.
- Le français
Jadis langue officielle, le français a beaucoup régressé, même s'il conserve un certain rôle dans le paysage linguistique, notamment dans l'affichage et dans l'enseignement. Selon l'Organisation internationale de la Francophonie, il y aurait 60 000 francophones réels au Laos (1 %) et leur nombre serait en croissance. Pour l''ambassade de France au Laos, le nombre potentiel de francophones avoisinerait les 190 000 personnes.
Quoi qu'il en soit, le français demeure la première langue seconde après l'anglais. C'est une matière obligatoire avec l'anglais dans les écoles secondaires de second cycle. Environ 35 % de tous les élèves au Laos reçoivent leur instruction en français. Il existe aussi un Institut français au Laos, dont le site principal est à Vientiane avec une antenne à Luang Prabang. Sous la forme d’un «Centre culturel et de coopération linguistique», l'Institut français reste toujours le principal acteur de la coopération culturelle et universitaire française au Laos. |
Le français est aussi employé dans les travaux publics dans certaines régions et il demeure une langue de la diplomatie et des élites, des professions supérieures et des aînés.
- L'anglais
L'anglais concurrence la place du français au Laos comme langue étrangère préférée. Il est enseigné dans de nombreuses écoles au Laos et est de plus en plus considéré comme le véhicule du commerce mondial. Bien que la langue lao se maintienne vivante dans la communauté laotienne, elle se déplace lentement au profit de l’anglais. Cela se produit dans tous les domaines, y compris à la maison, et c'est particulièrement évident chez les plus jeunes membres de la communauté d'âge scolaire. Il a été constaté dans une étude récente que les personnes plus jeunes déclaraient une capacité supérieure en anglais et une capacité inférieure en lao par rapport aux personnes plus âgées; il a également été constaté que les jeunes utilisaient davantage l'anglais que les personnes plus âgées.
Ces résultats indiquent clairement que le lao suivra le schéma typique de perte de la langue en trois générations parmi les communautés de migrants. Bien que les membres de la communauté lao considèrent le maintien de la langue lao comme un élément important pour leurs enfants, ils ont eu du mal à obtenir des ressources pour offrir des cours formels de lao aux immigrants. Les résultats démontrent néanmoins que la plupart des membres de la communauté lao maîtrisaient peu l'anglais et que leur niveau d’acquisition de la langue anglaise semble quelque peu insatisfaisant.
2.6 La religion officielle
La religion officielle du Laos est le bouddhisme theravada. Les peuples montagnards sont en général animistes, mais pratiquent parfois aussi le bouddhisme. Les bouddhistes sont les plus nombreux (57,8 %), devant les adeptes des religions traditionnelles (33,6 %). Le christianisme (1,8 %) et l'islam (1 %) ont peu de fidèles. Le ministère laotien de l’Intérieur, à travers le Front lao pour la construction nationale (FLCN), encadre et dirige les moines bouddhistes. C'est pourquoi le clergé bouddhiste a dû adopter une nouvelle charte en avril 1998. Le FLCN exige que les moines étudient le marxisme-léninisme, envoient des rapports hebdomadaires au ministère de l’Intérieur, obéissent aux directives du Parti et enseignent un «bouddhisme revu et corrigé» par le Font lao pour la construction nationale. On peut considérer que l'attitude du gouvernement laotien à l'égard de la religion a évolué ces dernières années. Par exemple, la majorité des membres du Politburo du Parti révolutionnaire populaire lao participent ouvertement aux plus grandes cérémonies bouddhistes du pays. Il faut dire que, dans les pagodes, c'est l'enseignement de Marx et non celui du Bouddha qui est offert. Malgré les différentes déclarations officielles des autorités laotiennes, la pratique du christianisme et des religions autres que le bouddhisme, est difficile, voire risquée, et plus généralement impossible, sauf pour le Lao Evangelical Church et le Seventh Day Adventist Church (adventiste du Septième-Jour) qui ont choisi de faire allégeance au Parti révolutionnaire populaire lao. |
Le décret n° 315, adopté en 2016, étend le contrôle de l'État sur la pratique religieuse, défendue comme un moyen de parvenir à la liberté de religion. Cette réglementation nécessite l’approbation de l’État pour imprimer de la documentation religieuse, construire des établissements religieux, voyager à l’étranger pour des réunions religieuses. Toutes les organisations religieuses doivent être enregistrées. Les distributions des documents religieux autres que bouddhistes doivent avoir l’approbation du ministère de l’Intérieur via le Front lao pour la Construction nationale, sous peine d’emprisonnement et de condamnation pour «incitation aux troubles sociaux et à la sécurité nationale». Il n'est pas possible pour les chrétiens de se rendre à l'église, car les portes sont barricadées et les églises fermées.
En somme, quand le gouvernement n’arrive pas à encadrer les minorités religieuses comme il le fait avec le clergé bouddhiste, il choisit délibérément de laisser les autorités locales réprimer ces minorités religieuses. Ce n'est pas un hasard que ces minorités religieuses soient principalement des minorités ethniques et linguistiques. Or, l'article 9 de la Constitution laotienne autorise officiellement la liberté de religion, mais les groupes de défense des droits de l'Homme affirment que les autorités, en particulier au niveau local, harcèlent ou maltraitent les bouddhistes dissidents, ainsi que les groupes chrétiens et animistes.
Les premiers occupants du Laos appartenaient au groupe ethnique des Kha (ce qui signifie littéralement «sauvages» ou «esclaves») qui vivaient déjà sur le territoire de l’actuel Laos au Ve siècle de notre ère. Vers la même époque, des royaumes khmers primitifs apportèrent la civilisation hindoue, puis le bouddhisme de la civilisation dvaravati. Le site de Vat Phou au sud du Laos dans la province de Champasak remonte à cette époque. Vers le XIe siècle, les Thaïs, originaires du royaume de Nan Zhao (aujourd’hui la province du Yunnan au sud de la Chine), émigrèrent pour se disperser en Asie du Sud-Est et jusqu'au nord-est de l'Inde; ce sont les ancêtres des Lao. Ces groupes développèrent un système politique en s'appuyant sur une organisation sociale stratifiée et imposèrent leur pouvoir aux populations autochtones de langues austro-asiatiques et austronésiennes qu’ils ont soumises au cours de leur progression territoriale.
Vers le XIIe siècle, les nations thaïes établirent leurs propres principautés. Parmi ces peuples, les Lao fondèrent la principauté de Muong Xa avec comme capitale Xien Tong (Luang Prabang remplacée aujourd'hui par Vientiane). Cette période de l’histoire du Laos est liée à celle du Cambodge. Le royaume khmer de Funan s’étendait sur une grande partie du Laos. Le royaume de Tchen-la, puis le royaume khmer d’Angkor firent des Lao leurs vassaux.
3.1 Le royaume de Luang Prabang
Au milieu du XIVe siècle, le roi khmer d’Angkor, Jayavarman Paramesvara, maria sa fille à un prince lao exilé, Fa Ngum, dont le vrai nom est le suivant: Somdetch Brhat-Anya Fa Ladhuraniya Sri Sadhana Kanayudha Maharaja Brhat Rajadharana Sri Chudhana Negara. En 1353, Fa Ngum fonda le royaume indépendant du Lan Xang (ce qui signifie «royaume du million d’éléphants»). Roi guerrier, Fa Ngum réalisa l’unité des principautés lao et fut constamment en guerre avec le royaume d’Ayuthya et l’Annam (Vietnam). C'est avec Fa Ngum que le bouddhisme s’implanta définitivement, ainsi que l'écriture pali. Cet alphabet servait à transcrire la langue des écritures du bouddhisme theravada, qui ont été créées au Sri Lanka au Ier siècle avant notre ère. Les pays qui emploient aujourd'hui ce type d'écriture sont la Birmanie, le Sri Lanka, la Thaïlande, le Laos et le Cambodge.
En 1373, Fa Ngum fut renversé à la suite d'une intrigue de palais et remplacé par son fils Um Huean, connu sous le nom de Sām Saen Thai
(«chef des 300 000 Thaïs»). Le roi s'efforça de placer tous les Laos sous son autorité. Il conquit la plus grande partie du plateau de Khorat,
ainsi que des territoires qui sont maintenant situés au nord-ouest du Vietnam. Le royaume de Lan Xang connut une très forte expansion territoriale au XVIe
siècle. Le Laos revendiqua le royaume de Chiang Maï (nord-ouest de la Thaïlande),
puis finit par l'annexer, ce qui marqua le début d’une longue période de conflits avec les Birmans
qui revendiquaient cette région. Dans les siècles qui suivirent, les souverains du Lan Xang
allaient être souvent en guerre contre les Birmans et les Vietnamiens, dont ils
durent parfois accepter la suzeraineté. En 1563, le roi Setthathirat transféra la capitale du royaume de Luang Prabang à Vientiane, afin de s’éloigner des menaces birmanes. La renaissance du Laos se fit sous le règne de Suriya Vongsa (1637-1694), mais cet âge d’or ne dura que le temps de son règne. Le roi Souriya Vongsa n’ayant pas laissé d’héritier à sa mort en 1694, la succession entraîna de violents affrontements. Le royaume fut séparé en trois entités : le royaume de Luang Prabang au nord, le royaume de Vientiane au centre et le royaume de Champassak au sud. Les États voisins tentèrent de profiter de cet affaiblissement du Laos. Le Siam (aujourd'hui la Thaïlande), la Birmanie et le Vietnam cherchèrent à placer le Laos sous leur souveraineté. Vientiane, occupée par les Thaïs en 1778, dut reconnaître la souveraineté siamoise, alors que le Luang Prabang fut contraint de reconnaître la suzeraineté du Siam. Les luttes de pouvoir internes ont provoqué la scission de Lan Xang après 1690, et les Lao et les peuples de montagne de la moyenne vallée du Mékong ont failli être absorbés par de puissants rivaux voisins, à savoir le Vietnam et le Siam (l'actuelle Thaïlande); la Chine n'a jamais posé de menace territoriale. Lorsque Vientiane tenta de reconquérir son indépendance en 1827, les Siamois détruisirent complètement la ville dont la population fut déportée. Cette dépendance dura jusqu’en 1887. |
Autrefois, les éléphants étaient si nombreux au Laos qu’on surnommait ce pays «le pays au million d’éléphants». Malheureusement, l’éléphant d’Asie y est aujourd’hui en voie de disparition. Il n’y reste plus que 800 éléphants, dont la moitié sont employés par l’industrie forestière. Depuis 2011, le Centre de conservation des éléphants de Sayabouly recueille et soigne les éléphants rescapés des entreprises forestières et touristiques.
Les XVIIe et XVIIIe siècles furent difficiles en raison des nombreuses guerres. Le royaume du Laos se morcela et les provinces passèrent sous domination birmane, chinoise ou thaïe. Le pays passa alors sous le contrôle du Siam (Thaïlande) qui domina les trois royaumes (Vientiane, Luang Prabang et Champasak au sud), jusqu’au XIXe siècle. Le Laos demanda alors l’intervention du Vietnam, qui tenta une attaque contre Bangkok, sans réussir. Parallèlement, les différentes révoltes (Taiping, Nien, Panthay, Dungan, Miao, etc.) qui ensanglantèrent tout le sud de la Chine entre 1850 et 1870 et entraînèrent une hécatombe se comptant en dizaine de millions de personnes furent à l’origine d’un important mouvement de migration vers le sud et qui atteindra notamment le nord du Laos. |
Au cours de cette période, seuls les Lao Loum parmi les nombreux groupes ethniques du Laos avaient une tradition d'éducation formelle, ce qui témoigne du fait que les langues des autres groupes ne possédaient pas d'écriture. L'éducation était principalement basée dans l'école du temple bouddhiste, où les moines enseignaient aux novices et à d'autres garçons la lecture des alphabets lao et pali, l'arithmétique et d'autres sujets religieux. De nombreux villages avaient des écoles pour les novices et autres garçons du village. Cependant, seuls les garçons et les hommes ordonnés dans les monastères urbains avaient accès aux études avancées.
C'est en 1861 que le premier français, le naturaliste Henri Mouhot (en mission pour le British Museum), pénétra au Laos. Une mission d'exploration du fleuve Mékong permit aux Français d'avoir de plus amples renseignements sur le pays. En 1885, les Français avaient pris le pouvoir au Vietnam et continuaient d’étendre leur empire en Indochine.
3.2 Le protectorat français
Par la suite, la cour royale de Huê au Vietnam demanda la protection de la France pour se défendre du Siam. En 1893, une expédition militaire française prit le contrôle des principales villes du pays et contraignit les Siamois à reconnaître le protectorat français sur l’ensemble du territoire situé sur la rive gauche du Mékong. À ce moment, le Laos ne représentait pas encore une entité politique; seul le royaume de Luang Prabang conservait encore, bien que profondément affaibli, l'apparence d'un État. L’aristocratie lao accepta assez facilement la présence française, car elle empêché l’annexion par le Siam, tandis que les Français ne remettaient pas en cause la présence du roi dans son palais de Luang Prabang.
En 1897, les Français réunirent les différentes régions qui forment le Laos actuel et définirent les frontières du territoire de leur nouvelle colonie. La population comprenait différents groupes lao, mais excluait un bon nombre de Laotiens qui vivaient dans l’actuelle Thaïlande. En 1904, la France étendit son contrôle sur le reste du territoire laotien jusqu’alors resté aux mains des Siamois. Laissant en place les souverains de Luang Prabang, la France leur adjoignit un résident général au Laos. Tardivement occupé, le Laos ne fut complètement «pacifié» que vers 1936. Le protectorat français s'étendit sur toute l'Indochine, ce qui comprenait le Vietnam, le Cambodge et le Laos (cf. l'Indochine française). Sous le protectorat français, la culture et la langue lao furent méprisées par les Français. Ceux-ci mirent en place un système d'éducation laïque inspiré des écoles en France et le français était la langue d'enseignement après la deuxième ou la troisième année. Ce système était en grande partie choisi pour répondre aux besoins et aux modes de vie de la grande majorité de la population rurale laotienne, malgré son extension à certains centres de district et à quelques villages. |
Au fil des ans, la langue française fut enseignée comme langue véhiculaire et la langue lao fut bannie. Toute l'administration ne fonctionna qu'en français. Juste avant la Seconde Guerre mondiale, on ne comptait au Laos que cinq écoles primaires et un seul lycée français pour l'ensemble du pays demeuré analphabète à 95 %. Les écoles secondaires avaient davantage d’élèves vietnamiens que laotiens avec le résultat que le français et le vietnamien étaient plus utilisés que le lao dans les communications gouvernementales et commerciales.
Toutefois, depuis 1930, la fondation du Parti communiste indochinois (PCI) par Nguyên Ai-Quôc, le futur Hô Chi Minh, avait donné une nouvelle impulsion à la lutte anticolonialiste non seulement au Vietnam, mais aussi dans toute l'Indochine (incluant donc le Laos). L'objectif du PCI était de regrouper les communistes du Cambodge, du Laos et du Vietnam. Des grèves secouèrent l'Indochine française et furent la cause du décret Blum-Moutet (30 décembre 1936) qui réglementait le travail libre en Indochine et interdisait le «travail obligatoire». Le décret mit fin aux «corvées» en vigueur au Laos. Ainsi, le Parti communiste indochinois sera à l'origine du futur PRPL, le Parti révolutionnaire populaire lao.
3.3 L'occupation japonaise et la fin du protectorat
Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les sentiments nationalistes au Laos se répandirent parmi la jeunesse instruite des villes installées sur la rive gauche du Mékong et donnèrent naissance à des organisations telles que le Lao Pen Lao (le «Laos pour les Lao») et le Lao Issara (le «Laos libre»). Au cours de la guerre, le Japon occupa l’Indochine et, le 9 mars 1945, mit fin provisoirement au pouvoir colonial français, puis proclama l'indépendance du Laos. Cependant, le drapeau français continua de flotter sur les édifices et les administrateurs français conservèrent leur poste, même si les Japonais dirigèrent le pays jusqu'au 26 août (1945). Une sorte de bilinguisme franco-japonais s'installa dans l'administration japonaise. Des accords franco-japonais prévoyaient une défense commune et une coopération économique; ils permettaient le stationnement des troupes japonaises en Indochine et facilitaient l’occupation japonaise. De son côté, l’administration coloniale française fournissait du riz, du maïs, du caoutchouc, du charbon et du minerai aux Japonais. Cette attitude conciliante permit aux Japonais de contrôler l’Indochine et de l’intégrer dans son dispositif de guerre. C'est pourquoi les Américains considérèrent les membres de l’administration coloniale française comme des ennemis parce qu'ils avaient «collaboré» avec les Japonais.
Dans le vide de pouvoir créé par la reddition des Japonais en août 1945, la cause de l’indépendance du Laos reçut de nombreux soutiens, dont celui des gouvernements thaïlandais, cambodgien et nord-vietnamien, ainsi que des partisans communistes de l'Asie du Sud-Est, puis des éléments sympathisants des forces alliées, des renégats japonais officiers de l’armée impériale, et d’Européens ralliés à la cause anticoloniale. En octobre 1945, un gouvernement provisoire (représenté par le Pathet Lao) fut formé.
Au printemps de 1946, les forces françaises, s’appuyant sur le prince Boun Oum, réoccupèrent le Laos et éliminèrent les mouvements anti-français. Un accord fut alors signé avec le roi de Luang Prabang par un traité qui le proclamait «roi du Laos unifié au sein de l’Union française». Une nouvelle constitution fut adoptée le 11 mai 1947, qui fit du Laos une monarchie constitutionnelle. L'article 6 énonçait ce qui suit: «La langue officielle est le laotien. La langue française sera concurremment employée comme langue officielle.»
En juillet 1949, la France accorda une large autonomie au Laos, mais elle conservait néanmoins des pouvoirs importants au Laos, notamment par le biais de l'administration fédérale. Puis les partisans du communisme, sous la direction du prince Souphanouvong, fondèrent en août 1950 le Front uni du Laos libre (Neo Lao Isara) sur le modèle du Vietnam. En avril 1953, des militants nationalistes et communistes — ces derniers regroupés au sein du Pathet Lao (signifiant «État lao», «État du Laos», «Pays lao» ou «Pays des Laos») — prirent rapidement le contrôle de larges portions de territoire laotien.
Au cours des années 1950, après l’indépendance du gouvernement royal lao en 1953, la classification de la population s’est construite selon trois grandes catégories géo-ethniques ayant pour référence l’altitude de l’habitat : les Lao Loum («Lao du bas»), les Lao Theung («Lao des versants») et les Lao Soung (Lao d'en haut»), ce qui signifie respectivement, les «Lao qui vivent dans les plaines» (ou basses terres), les «Lao qui vivent sur les pentes des montagnes» (ou versants) et les «Lao qui vivent sur les cimes des montagnes» (ou hautes terres). Cette classification des Lao, qui était davantage d’ordre politique plutôt que culturel, avait alors pour but de souligner que tous les groupes ethniques du Laos étaient avant tout des Laotiens.
Conformément aux accords d’armistice signés à Genève en 1954, les troupes vietnamiennes et les soldats français se retirèrent du Laos. L’Union soviétique, la Chine et le Vietnam du Nord entérinèrent le régime royal en échange d’une neutralisation militaire du pays et de l’intégration politique du Pathet Lao. Une commission internationale de surveillance fut mise en place pour veiller au respect des accords. En décembre 1955, le Laos fut autorisé à siéger à l’ONU en tant qu'État souverain.
3.4 L'indépendance du pays
L'indépendance du Laos ne fut pas aisée, car des conflits de préséance dans l'attribution du pouvoir virent le jour. Le pays resta divisé, le Pathet Lao contrôlant le Nord et le prince Souvanna Phouma, neutraliste soutenu par les Occidentaux, occupa le Sud.
- La monarchie de coalition
En novembre 1957, le premier ministre du Laos, le prince Souvanna Phouma (neutraliste), et son demi-frère, le prince Souphanouvong (chef du Pathet Lao), parvinrent à un accord qui invitait le Pathet Lao à participer au gouvernement de coalition approuvé par l’Assemblée nationale laotienne. Cette arrivée en politique du Pathet Lao fut aussitôt mise en échec par l’apparition d’un nouveau groupement politique conservateur, qui renversa en août 1958 le gouvernement de Souvanna Phouma avec le soutien des États-Unis qui payaient le salaire de l’armée royale. Mais c'est Savang Vatthana qui demeurait encore le roi du Laos.
Pendant que le Pathet Lao bénéficiait de l’appui de l’URSS, de la Chine et du Vietnam, les États-Unis soutenaient les forces de
la droite. Dès lors, la reprise de la guerre était inévitable. En 1960, le capitaine Kong Le, appuyé par des militaires neutralistes, s’empara de Vientiane, la capitale officielle du Laos. Dans la lutte entre factions rivales qui s’ensuivit, le prince
Souvanna Phouma (neutraliste) fut réinstallé au pouvoir. Il décida de faire participer les communistes à son gouvernement de coalition. Un fragile équilibre régna jusqu’en 1964, alors que, sous la pression des militaires, les négociations furent définitivement rompues. Le prince Souphanouvong (le chef du Pathet Lao) cessa de reconnaître la légitimité du pouvoir de Souvanna Phouma. À partir de 1964, le pays fut coupé en deux: pendant que le Nord et les hauts plateaux restaient contrôlés par le Pathet Lao, Vientiane était protégée par les Américains. Le Laos se préparait à changer de protectorat pour un autre: celui des Américains
après celui des Français. En 1969, le Pathet Lao et les Nord-Vietnamiens occupèrent les deux tiers du pays.
L’intervention américaine dans la guerre du Vietnam entraîna le Laos dans la débâcle, car l'aviation américaine bombardait régulièrement les régions frontalières où passait la piste Hô Chi Minh. Au sol, les Américains formèrent une armée de Méo (ou Hmong) afin de soutenir l’armée royale; on recruta même des mercenaires en Thaïlande. De vastes opérations se déroulèrent impliquant les forces cambodgiennes, américaines et sud-vietnamiennes dans la région. |
Jusqu'à ce moment, le français restait la langue seconde des élites et de l'aristocratie laotienne. Une partie de l'enseignement se faisait en français et l'administration était rigoureusement bilingue (lao-français), de même que l'affichage. Devant les échecs militaires et l’épuisement des adversaires, le prince Souvanna Phouma négocia avec le Pathet Lao. Les accords de Paris signés en janvier 1973 eurent des répercussions immédiates au Laos. Un cessez-le-feu fut conclu et, quelques mois plus tard, une Assemblée nationale provisoire fut constituée.
- L'autoritarisme du Pathet Lao
Le 3 avril 1974, «le prince rouge» (communiste) Souphanouvong revint à Vientiane; le Pathet Lao profitant de sa situation de force étendit son influence sur l'ensemble du pays. La fin de la guerre du Vietnam et la chute du régime de Phnom Penh (Cambodge) encouragèrent les communistes laotiens à renverser le gouvernement de coalition d'union nationale. Les victoires décisives remportées par les communistes au Cambodge et au Vietnam en avril 1975 vinrent conforter la suprématie du Pathet Lao et portèrent le coup de grâce au prince Souvanna Phouma et à ses partisans. Au mois de décembre suivant, la monarchie laotienne était abolie par le Pathet Lao et la République démocratique populaire lao, officiellement proclamée. Thao Souphanouvong, le «Prince rouge», devint le président de la nouvelle république révolutionnaire. Le gouvernement nationalisa les entreprises et créa des fermes collectives. Les dirigeants de l’ancien régime furent envoyés en camp de rééducation. Le roi Savang Vatthana dut abdiquer le 29 novembre; le roi, la reine ainsi que le jeune prétendant au trône furent envoyés en «camps de rééducation» où plus personne n'entendra parler d’eux. En fait, déporté dans le district inhospitalier de Vieng Xai dans la province de Huaphan au nord du Laos (cf. carte n° 5) Cette révolution historique allait entraîner l'exil de nombreux Laotiens en Thaïlande et plonger le Laos dans une situation économique précaire. |
À partir de 1975 (jusqu'en 1982), près de 400 000 Laotiens, des opposants au nouveau régime révolutionnaire,
le Pathet Lao, quittèrent le Laos, ce qui représentait environ 10 % de la population totale. Les Hmong constituaient la majorité des émigrants: ils furent 120 000 à fuir, dont 85 000 partirent vers des pays occidentaux (65 000 aux États-Unis, 8000 en France, 2000 au Canada, etc.). Les autres opposants traversèrent le Mékong pour rejoindre la Thaïlande. Par ailleurs, quelque 100 000 Laotiens furent envoyés dans des goulags laotiens; plus de 30 000 personnes y ont péri assassinées ou dans la torture, parmi lesquels le roi Sri Savang Vatthana, la reine Khamphoui, le prince héritier Vong Savang, des ministres, des officiers supérieurs et des fonctionnaires du gouvernement royal, sans oublier de nombreux représentants de la minorité hmong et d’autres minorités ethniques. Parmi les personnes arrêtées et disparues, beaucoup furent des Hmong; ils étaient généralement chrétiens et réputés anticommunistes.
Puis le Laos s'engagea dans une «marche vers le socialisme» qui devait échouer en raison du blocus économique et de la résistance de la paysannerie. Dès 1977, environ 100 000 soldats vietnamiens, ainsi que des Soviétiques, furent dépêchés au Laos afin de réduire la rébellion déclenchée dans les régions montagneuses par les Méo. |
La même année, le Laos signait le Traité d'amitié et de coopération avec le Vietnam, ce qui officialisait la présence des troupes vietnamiennes et assurait un protectorat de fait du Vietnam sur le Laos. En 1979, confronté à de graves difficultés économiques, le gouvernement arrêta brutalement la collectivisation. En même temps, les camps de rééducation furent fermés et le régime politique adopta petit à petit une nouvelle orientation économique. Au cours des années 1980, des villages entiers de Hmong et de Khmou — des peuples des montagnes — furent déplacés vers les plaines afin de mieux les surveiller, mais peu habitués à la chaleur des plaines beaucoup d'entre eux moururent de maladies.
- Les langues et l'éducation
Après 1975, les relations diplomatiques entre la France et le Laos furent gelées
(août 1978 - février 1982). Le français perdit son statut de langue
co-officielle au profit du lao pour prendre celui de «langue
étrangère» au même titre que le russe qui, pour sa part, acquit le statut de «langue étrangère dominante», à la suite du rapprochement politique avec l’Union soviétique. Ainsi, de nombreuses coopérations politiques, économiques, éducatives et culturelles se développèrent entre le Laos et l'Union
soviétique, et avec d'autres pays socialistes de l’Est, surtout en bourses d’études techniques et supérieures, ce qui permit à de nombreux étudiants laotiens d'aller étudier dans ces pays. Malgré tout, l'enseignement de la langue russe dans les écoles secondaires et les collèges ne s'étendit pas à tous les élèves: ils eurent en principe le choix entre le russe, l’anglais et le français.
Pendant quelques années, c'est-à-dire jusqu'en 1991, le Laos se couvrit de nombreuses affiches de propagandes (p. ex., l'illustration ci-contre) rédigées en lao dans le but de susciter des sentiments nationalistes pro-russes. Des monuments faisant l'éloge de l'effort révolutionnaire lao furent également bien visibles dans tout le pays. |
Au plan linguistique, l'enseignement du français devint facultatif dans les écoles, ce qui entraîna une constante régression de cette langue au profit de l'anglais. Néanmoins, l'administration continua d'utiliser le français dans ses textes officiels... à côté de l'anglais et du lao. En général, le français resta la marque de la grande majorité des Laotiens qui avaient fait leurs études secondaires avant 1975. Depuis, la langue anglaise a gagné bien du terrain. On peut donc toujours trouver un interlocuteur francophone lorsque l'on s'adresse à l'Administration ou à certains cadres commerciaux, mais la langue anglaise a gagné bien du terrain. Cependant, depuis 1986, le Laos participe aux Sommets de la Francophonie tout en ne participant pas aux conférences des ministres de l’Éducation nationale (CONFEMEN), ni à celles des ministres de la Jeunesse et des Sports (CONFEJES).
Une campagne intensive d'alphabétisation des adultes fut lancée en 1983-1984, qui mobilisa des personnes instruites vivant dans des villages et des quartiers urbains afin de doter plus de 750 000 adultes de compétences de base en lecture et en écriture. En grande partie à la suite de cette campagne, le nombre de personnes capables de lire et d'écrire passa à 44%. Selon les Nations unies, en 1985, on estimait à 92% le nombre d'hommes alphabétisés et à 76% les femmes âgées de 15 à 45 ans. En raison du peu de matériel de lecture disponible, en particulier dans les zones rurales, de nombreux adultes nouvellement alphabétisés perdirent beaucoup de leur compétence après quelques années.
- La Francophonie
Le retrait en 1990 des dernières troupes vietnamiennes et l’effacement de l'URSS permirent une détente avec la Thaïlande et la Chine. La première Constitution née de la révolution de 1975 fut officiellement adoptée en 1991. Nouhak Phoumsavanh devint président de la République en 1992, tandis que le général Khamtai Siphandonh cumulait la direction du Parti révolutionnaire populaire lao et du gouvernement. La mort de l'ancien président Souphanouvong, le 6 juillet 1995, n'empêcha pas le processus d’ouverture économique et politique. Les réfugiés continuèrent de rentrer au pays, tandis que les investisseurs étrangers, surtout thaïlandais, affluèrent.
Depuis 1991, lors du Sommet de la Francophonie de Chaillot, le Laos fait partie des «pays ayant en partage la langue française». À la suite de l'effondrement de l'URSS, le gouvernement laotien rechercha activement une aide internationale dans le domaine de l’éducation, notamment auprès de la Banque mondiale, de la Banque asiatique pour le développement et auprès de partenaires bilatéraux comme la Suisse et la Norvège. Le pays utilisa alors ces fonds extérieurs afin d’accroître ses infrastructures, de produire des manuels d’apprentissage et de fournir des formations pour le personnel et les enseignants. Cependant, bien que les dépenses du Laos dans le domaine de l’éducation aient augmenté ces dernières décennies, elles demeurent parmi les plus faibles de la région, ne représentant que 15,8 % du budget de l’État.
- Le Parti révolutionnaire populaire lao
Le processus d’ouverture se poursuivit avec l’admission du Laos, en juillet 1997, au sein de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Ansea). En 1998, Nouhak Phoumsavanh fut remplacé à la tête de l’État par le général Khamtai Siphandonh, renforçant ainsi un peu plus la présence de l’armée au sein de l'appareil de l’État. Cependant, malgré la réduction de l’inflation — grâce en partie à l’abandon de la parité fixe avec le dollar —, la situation économique demeura très difficile, en raison notamment de la forte dépendance envers la Thaïlande.
La crise asiatique, en 1997, qui a touché de plein fouet la Thaïlande, affecta ainsi par contrecoup le Laos. Ce très lourd contexte économique se doubla également, à partir de 1999, d’un début de contestation des autorités laotiennes: on assista à des manifestations d’étudiants demandant la libéralisation du régime et surtout à des attentats perpétrés en 1999 et 2000 à l’encontre des infrastructures touristiques et aussi à des révoltes de la part des Hmong. Une telle situation entraîna le limogeage du premier ministre Sisavath Keobounphanh et son remplacement par Boungnang Vorachit en mars 2001. Choummaly Souriya Sayasone, qui occupe cette fonction depuis le 8 juin 2006, a été réélu le 15 juin 2011. |
Le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL), constitue un pilier central de la politique laotienne depuis plusieurs décennies. Le Parti s'est assuré d’obtenir une certaine cohésion nationale pour éviter de fragiliser davantage sa situation dans un pays ethniquement aussi diversifié. Les déplacements massifs de population effectués par le régime, dans le but de favoriser une développement rural, ont contribué aussi à l’assimilation de plusieurs groupes nationaux. L'objectif ultime consiste à favoriser la cause socialiste par l’entremise de la religion bouddhiste afin de forcer l’unification du pays en soutenant ouvertement l'ethnie lao, minoritaire (47 %), aux dépens de l'ensemble des autres ethnies, majoritaires (53 %).
Le Parti unique, le Pathet Lao, continue de détenir tous les pouvoirs au Laos, maîtrisant les mécanismes électoraux et l'Assemblée nationale. Au Laos, les opposants politiques sur le territoire sont systématiquement envoyés dans des camps de «rééducation politique». Quant aux opposants exilés du régime, notamment ceux établis en France, aux États-Unis et au Canada, ils considèrent le Laos comme une «colonie vietnamienne» (depuis 1975) et dénoncent ce qu'ils appellent «la province du Vietnam communiste».
La culture politique commune des membres du PRPL est basée sur le marxisme-léninisme. L’appareil administratif d’État est encadré par les organisations locales du Parti, au nombre de 14 269 regroupant 191 700 membres (en 2011), soit environ 3 % de la population, c’est-à-dire que cellule du Parti est présente dans tous les ministères et à tous les niveaux de l’administration, de la province jusqu’au village. Au Laos, même les entreprises privées financent les activités du Parti qui peut aussi toujours compter son «grand frère vietnamien». Le Parti révolutionnaire populaire lao reste le seul détenteur du pouvoir, ce qui correspond en fait à une dictature. Malgré quelques réformes économiques, le Laos, l'un des derniers États communistes du monde, demeure aussi l'un des plus pauvres et reste dépendant de l'aide internationale. Copiant le modèle vietnamien, le régime mène une politique de libéralisation économique sans ouverture politique. Dans le domaine des politiques linguistiques, le Laos est totalement fermé à toute protection à l'égard de ses minorités et pratique une politique résolument assimilatrice. De ce fait, la communauté internationale n’apprécie guère la répression à l'égard des minorités, notamment les Hmong, et critique également le refus d’évolution politique du régime. En raison de son régime politique, brutal, corrompu et extrêmement conservateur, le Laos projette une image négative de lui-même, alors qu’il cherche paradoxalement à attirer les touristes et les investisseurs dont il a un urgent besoin.
Or, la mainmise du Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL) perpétue une culture de la corruption chez les dirigeants politiques et les investisseurs étrangers disposés à «acheter» un soutien politique et à payer les fonctionnaires. Ce qui est encore plus paradoxal, c'est que le Laos a ratifié en 2009 la Convention des Nations unies contre la corruption. Depuis des décennies, le Laos oscille entre le 138e et le 168e rang (sur 168 pays) dans l'indice de la corruption, ce qui n'est guère enviable dans la mesure où ce pays se classe parmi les pays les plus corrompus de la planète. Le Laos est l'un des derniers bastions du communisme avec Cuba, la Corée du Nord, le Vietnam et la Chine, et demeure sous le contrôle du Parti communiste, mais craint en même temps de paraître «trop communiste». D'ailleurs, le mot «communisme» n'apparaît dans aucun document administratif et il n'y a pas de statues de Marx ou de Lénine autres qu'un buste de Lénine au Musée national d'histoire lao, mais c'est nettement insuffisant pour faire prospérer le pays. Pour ce faire, il faudrait des réformes importantes et promouvoir une volonté politique d'ouverture. Mais le conservatisme de la société et le fait que le pays soit une dictature communiste depuis 1975 complique l'émergence d'un mouvement social progressiste et démocratique.
La Constitution du 15 août 1991 modifiée en 2015 donne une idée de la politique linguistique du Laos. L'article 2 mentionne que le Laos est un «État démocratique populaire» composé de «peuples multiethniques», alors que l'article 3 énonce que «le Parti révolutionnaire du peuple lao constitue son noyau dirigeant» du système politique:
Article 2
1)
L’État de la République
démocratique populaire lao
est un État démocratique
populaire. Les droits des peuples multiethniques d'être les maîtres du pays sont exercés et garantis par le fonctionnement du système politique dont le Parti populaire révolutionnaire lao constitue son noyau dirigeant. |
De fait, l'article 3 reconnaît, institue et impose le monopole du Parti révolutionnaire populaire lao, donc communiste, ce qui démontre ainsi une incompatibilité avec les valeurs démocratiques et les conventions internationales que le parti au pouvoir a signées. On verra plus loin que les pouvoirs, les droits et les libertés appartiennent exclusivement aux seuls membres du Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL).
L'article 8 de la Constitution est apparemment plus éclairant, car il affirme que «l'État applique la politique de promotion de l'unité et de l'égalité entre tous les groupes ethniques» et que «toutes ces ethnies ont le droit de préserver et de développer leurs belles mœurs, traditions et cultures ainsi que celles de la Nation»:
Article 8 1) L'État applique la politique de promotion de l'unité et de l'égalité entre tous les groupes ethniques. Toutes ces ethnies ont le droit de protéger, de préserver et de promouvoir les coutumes et la culture raffinées de leurs propres tribus et de celles de la Nation. Tout acte créant des divisions et des discriminations entre groupes ethniques est interdit. 2) L'État met en œuvre toutes les mesures pour développer et améliorer progressivement les niveaux socio-économiques de tous les groupes ethniques. |
Il est possible que la réalité soit toute autre, mais ces dispositions constitutionnelles semblent bien reconnaître l'égalité des nombreux groupes ethniques du Laos. Dans la même veine, l'État reconnaît aux citoyens, à l'article 9, le droit de pratiquer la religion de leur choix:
Article 9
1) L’État respecte et
protège toutes les activités
licites des bouddhistes et
des fidèles d’autres
religions, [et] mobilise et
encourage les moines et
novices bouddhistes ainsi
que les prêtres d’autres
religions à participer à des
activités bénéfiques pour le
pays et les habitants. |
En même temps, l'article 110 proclame que le lao est la langue officielle de l'État: «La langue et l'écriture lao sont la langue et l'écriture utilisées officiellement.» Il reste à voir comment l'État réussit à concilier le statut officiel du lao et l'égalité entre les ethnies, car la loi constitutionnelle ne précise pas si l'égalité concerne les langues et/ou les ethnies. Si les dispositions constitutionnelles ne protègent pas les langues, on pourra conclure que l'égalité n'est pas réelle dans la mesure où un peuple se définit en grande partie par la langue. Les minorités ethniques sont représentées au Politburo, au Comité central et à l'Assemblée nationale, mais elles ne sont pas en mesure de se livrer à des activités politiques indépendantes.
4.1 La langue de l'Assemblée nationale
Le Parlement du Laos se compose d'une chambre monocamérale, l'Assemblée nationale (appelée "Sapha Heng Xat"), dont les membres sont élus au suffrage universel, direct et secret, pour cinq ans. Les lois sont rédigées et proclamées en lao; les débats parlementaires se découlent aussi en lao. Toutefois, les anciennes lois demeurées en vigueur et rédigées en français ont toujours une valeur légale. Après les élections législatives du 21 décembre 1997, la répartition ethnique des députés révélait que seuls les Thaïs étaient représentés: 64 "Lao Loum" («Lao des plaines»), 26 "Lao Theung" («Lao des plateaux») et 9 "Lao Soung" («Lao des sommets»).
4.2 Le système judiciaire
Le système judiciaire laotien comprend quatre niveaux : les cours de
secteur dont fait partie le tribunal populaire de district, les
cours provinciales, les cours d’appel et la Cour populaire suprême.
Bien que le système judiciaire soit en principe indépendant, il est
en pratique soumis au parti au pouvoir, les liens politiques pouvant
être décisifs dans certains jugements. Dans la police,
la corruption, notamment sous forme de pots-de-vin et d'extorsion,
constitue un problème persistant au Laos.
Dans leurs activités, les tribunaux laotiens cherchent avant tout à sensibiliser les citoyens à la fidélité à la Patrie, au respect de la loi et des règles de la vie en société, et éduquer leur conscience de prévenir et de lutter contre les crimes et délits et autres infractions à la loi. |
Si certaines dispositions de la Constitution (articles 34 à 51) garantissent les droits fondamentaux des Laotiens, l’article 3 impose quand même le monopole du parti unique, le Parti révolutionnaire populaire lao, ce qui signifie une incompatibilité évidente avec les valeurs démocratiques et les conventions internationales que la République démocratique populaire lao a signées. De plus, bien que l'article 96 de la Constitution reconnaît que «les plaignants et les défendeurs ont le droit de se défendre devant tous les tribunaux», il n'existe aucune disposition concernant la ou les langues à employer:
Article 96
Les plaignants et les défendeurs ont le droit de se défendre devant tous les tribunaux. Les accusés ont le droit de se défendre eux-mêmes ou avec l'aide d'un tuteur ou d'un avocat. Les avocats ont le droit de fournir une assistance juridique aux plaignants et aux défendeurs. |
L'article 14 de la Loi sur la procédure pénale (2012) fixe des règles plus précises, mais rien n'est prévu en matière de langue:
Article 14 Garantie du droit de défendre un accusé 1) Un accusé a le droit de se défendre personnellement. Il peut se défendre ou se faire assister par un avocat. 2) Les tribunaux populaires, les procureurs, les interrogateurs et les enquêteurs garantissent les droits de la défense à un accusé afin de protéger ses droits et ses intérêts légitimes. 3) Le contrevenant, l’inculpé ou le prévenu a le droit de présenter des preuves pour se défendre, mais il ne doit pas être obligé de présenter des preuves pour prouver son innocence. |
Il faut se référer à l'article 20 de la même Loi sur la procédure pénale pour constater que «la procédure judiciaire doit se dérouler en langue lao» et que ceux qui ne connaissent pas cette langue doivent recourir à un interprète:
Article 20
Langue utilisée dans la procédure |
L'article 9 de la Loi sur la procédure civile (2004) prévoit les mêmes mesures en matière de langues:
Article 9 Langue utilisée dans la procédure 1) La procédure judiciaire doit être en langue lao. 2) Les personnes impliquées dans une affaire, qui ne connaissent pas la langue lao, ont le droit d'utiliser leur propre langue ou d'autres langues au moyen d'une traduction. |
Il en est ainsi à l'article 8 de la Loi sur le tribunal populaire (2003):
Article 8 Langue utilisée dans la procédure judiciaire La procédure judiciaire doit être en langue lao. Les justiciables impliqués dans la procédure, qui ne connaissent pas la langue lao, ont le droit d'utiliser leur propre langue ou d'autres langues par l'intermédiaire de traducteurs. |
Plus précisément, le droit d'être informé des motifs de son arrestation, de même que le droit de se défendre lors d'un procès, ne concerne pas le droit à la langue de son choix, car toute la procédure ne se déroule qu'en lao. Au Laos, le recours à d'autres langues peut être perçu comme une provocation à l'égard du Parti et de l’État, ce qui signifierait affaiblir le pouvoir de l'État.
Dans ces conditions, on comprend que la Loi sur les bureaux de notaires (1992) s'en tienne aux mêmes mesures pour les langues:
Article 5 Langue utilisée dans les activités notariales Toutes les activités des bureaux de notaires doivent être en langue lao. Dans le cas où il existe des documents [écrits] dans une langue étrangère ou si une personne impliquée dans les activités de notaire ne connaît pas la langue lao, il doit y avoir une traduction en lao par un traducteur. |
De toute façon, il existe une pratique arbitraire des lois de la part de l'appareil judiciaire du Laos. La justice se sert des lois surtout pour justifier les arrestations arbitraires à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, des minorités religieuses, des minorités ethniques ou linguistiques et des opposants au Parti révolutionnaire populaire lao. Tout ce qui constitue une opposition quelconque pour le Parti est considéré comme une grave menace à la sécurité nationale et est passible d'une peine allant jusqu’à 14 ans de prison. Le droit de connaître des droits individuels, incluant les droits linguistiques, n'est pas reconnu au Laos.
Par ailleurs, le système judiciaire du Laos ne répond pas vraiment aux besoins d'une économie de marché moderne, en particulier en ce qui concerne le droit des contrats. Légalement, les droits contractuels sont prévus, mais dans la pratique les entreprises doivent faire face à l'ingérence et au favoritisme politiques. L'exécution d'un contrat prend en moyenne 443 jours, mais son exécution est faible et des contrats peuvent être annulés s'ils interfèrent avec les intérêts publics ou sont désavantageux pour le Parti unique. Même s'il existe des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires manquent de formation et de connaissances, car obtenir justice contre des décisions gouvernementales arbitraires n'est pas une procédure efficace. Compte tenu de la faible capacité du système judiciaire, l'arbitrage en dehors du Laos peut s'avérer plus rentable. Par conséquent, le Laos n'est pas membre du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
Dans ces conditions, les tribunaux sont massivement corrompus et contrôlés par le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL). Les longs délais de procédure sont fréquents, en particulier dans les affaires portant sur des griefs publics. Les forces de sécurité arrêtent souvent illégalement des suspects. Des cas de torture sont parfois signalés, et les prisonniers doivent soudoyer des fonctionnaires pour obtenir de meilleurs aliments, des médicaments, des visites de la famille et des traitements plus humains. Les affaires pénales restent souvent irrésolues, alors que la discrimination à l'encontre des membres des minorités ethniques est courante.
4.3 Les langues de l'administration
Puisque la langue de l'État est le lao (laotien), il est normal que l'administration publique utilise cette langue dans ses rapports avec les citoyens et dans les documents officiels. D'ailleurs, pour obtenir la nationalité laotienne, il faut démontrer, selon la Loi sur la nationalité laotienne (2004), sa capacité de parler, de lire et d'écrire la langue lao:
Article 16 Demandes relatives à la nationalité lao Toute demande d’acquisition, de renonciation ou de reprise de l’acquisition de la nationalité lao sur le territoire de la République démocratique populaire lao est adressée au ministère de la Justice après avoir été traitée par chacune des organisations suivantes [dans cet ordre]:
Lorsqu'ils soumettent une demande relative à la nationalité lao tel que prévu ci-dessus, les individus concernés doivent comparaître en personne pour attester de la véracité des documents [relatifs à leur requête]: leurs antécédents historiques, leur capacité de parler, de lire et d'écrire la langue lao, leur intégration dans la société et la culture lao et d'autres [faits concernant] les personnes concernées, conformément à l'article 14 de la présente loi. |
Lorsqu'un citoyen adresse une réclamation, selon la Loi sur le traitement des réclamations (2005), sa requête doit être rédigée en langue lao et être lisible et compréhensible:
Article 13
Conditions pour recevoir des réclamations
|
Depuis des décennies, la communication entre les autorités provinciales et les «villages ethniques» ont toujours été difficiles en raison des différences linguistiques: d’un côté, les autorités provinciales n'emploient que le lao; de l’autre, les populations ethniques ne parlent souvent que leur propre langue. Par conséquent, les populations ethniques minoritaires ont toujours eu du mal à s’adapter en raison de leur compréhension limitée ou de leur incompréhension de la langue lao. Depuis que de nombreux villages des montagnes ont été relocalisés dans les plaines, les habitants ont davantage appris le lao, et les fonctionnaires des différents bureaux ont pu leur transmettre des connaissances plus spécifiques. Mais qu'arrive-t-il lorsqu'un citoyen laotien ne connaît pas la langue officielle et qu'il s'adresse à un fonctionnaire? On a recours dans tous les cas à un interprète puisqu'on ne peut faire autrement. Il ne s'agit pas nécessairement d'interprètes accrédités, mais d'individus qui connaissent les deux langues et qui, par bonne volonté, rendent un service rudimentaire en interprétariat.
L'article 19 de la Loi sur la protection du consommateur (2010) impose le laotien sur l'étiquette des marchandises:
Article 19 Descriptions d'une étiquette La marque d'une étiquette de marchandises contrôlées doit être en langue lao. Pour les produits importés, l'étiquette en langue lao doit également être apposée. L'étiquette des marchandises contrôlées doit contenir les descriptions suivantes:
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Quant à l'article 38 de la Loi sur les assurances (1990), il prescrit aussi le laotien, mais s'il est nécessaire le recours à une langue étrangère avec une traduction peut être autorisé:
Article 38 L'émission d'une police d'assurance Les offres d'assurance ne constituent pas encore une obligation contraignante entre un assuré et un assureur. Seuls une police d’assurance et un protocole d’assurance créent des obligations impératives entre l’assuré et l’assureur. Une police d'assurance est un document qui détermine les conditions générales d'un contrat d'assurance. Un contrat d'assurance ne sera effectif que si les parties ont accepté les conditions générales telles qu'elles ressortent de la police d'assurance établie par la compagnie d'assurance. La police d'assurance doit être faite par écrit, facilement lisible et en lao. Si nécessaire, elle peut également être rédigée dans une langue étrangère. |
L'article 8 de la Loi sur le règlement des différends économiques (2005) exige également la langue lao ou le recours à la traduction:
Article 8 Langue utilisée Dans le règlement des différends économiques en RDP lao, la langue lao doit être utilisée. Un participant à la résolution d'un différend qui utilise actuellement la langue lao a le droit d'utiliser sa propre langue ou d'autres langues grâce à une traduction. |
Seule la loi Loi sur le tourisme (2005) prescrit la connaissance des langues étrangères, car cela va de soi :
Article 42
Standard des guides touristiques
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En général, les langues utiles pour le tourisme sont l'anglais, le français, le chinois, le thaï et le vietnamien.
Enfin, la Loi sur la propriété intellectuelle (2011) exige l'emploi du laotien ou de l'anglais, mais en ce cas il faut aussi fournir une traduction dans la langue officielle :
Article 37 (révisé) Langue utilisée pour les applications Une demande de propriété industrielle et tout matériel d'accompagnement peut être déposée soit en lao soit en anglais. Toutefois, pour toute demande ou tout document déposé ou soumis en anglais, le déposant doit, dans les 90 jours suivant ce dépôt, fournir une traduction en lao. Cette traduction doit être certifiée comme étant une traduction conforme. |
Malgré les dispositions législatives prescrivant le laotien, l'administration laotienne continue d'utiliser le français dans certains de ses textes officiels, bien que les fonctionnaires soient de moins en moins bilingues. Néanmoins, il est donc encore possible de trouver un interlocuteur maîtrisant le français lorsque l’on s’adresse à l’administration ou à certains cadres commerciaux, ce qui justifie la formation en français de fonctionnaires laotiens. Le français est également utilisé dans les travaux publics au Laos central et méridional, ainsi qu'à Luang Prabang; c'est encore une langue de la diplomatie et des élites, des professions supérieures et des aînés.
Ce fait n'empêche pas que l'administration a tendance à employer de plus en plus l'anglais, surtout dans les affaires et les relations internationales, sauf en ce qui concerne la Francophonie. Les langues des minorités nationales autres que thaïes ne sont jamais employées. Il faut dire que la corruption est généralisée au Laos et que ce système ne favorise pas les «compromis linguistiques», chacun essayant de profiter au maximum de son poste. Dans ces conditions, le bien-être du peuple laotien est oublié et n'est pris en compte par personne. Ajoutons que la fonction publique est hautement politisée au Laos; le recrutement de personnel administratif est entaché de népotisme, de copinage et de favoritisme politique. Par conséquent, même si les fonctionnaires peuvent être suffisamment compétents, il est finalement peu probable que des décisions allant à l'encontre des impératifs politiques soient prises. Or, recourir à une langue minoritaire peut être interprété comme une forme de rébellion et de complicité avec des éléments subversifs, comme les minorités.
Dans l'affichage publique, les inscriptions officielles sont, pour la plupart, en lao, mais beaucoup sont encore bilingues, c'est-à-dire en lao et en français avec prédominance du lao. La signalisation routière utilise les symboles internationaux, mais les langues utilisées sont encore le lao et le français. La toponymie et l'odonymie sont largement laotiennes; les autres langues locales sont
théoriquement permises à la condition d'être «normalisées», c'est-à-dire adaptées au lao et à l'alphabet lao. L'affichage commercial est massivement en lao, mais le bilinguisme lao-français est également fréquent, suivi du bilinguisme lao-anglais. De nombreuses affiches sont rédigées en d'autres langues, généralement en thaï, en français, en vietnamien, en chinois ou en anglais. Évidemment, toutes sortes de combinaisons sont possibles à partir de ces mêmes langues. En ce qui concerne l'anglais, le gouvernement semble encourager beaucoup son emploi auprès de la population. Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas les langues minoritaires du Laos qui sont en cause, mais les langues des pays voisins (thaï, vietnamien et chinois) ou les langues dites internationales (français et anglais). |
Non seulement le français est-il encore présent dans le paysage linguistique, il l'est aussi dans la coopération scientifique et technique, notamment avec les différents acteurs de l’ambassade de France et d’autres organisations et instituts, telle l’Agence française pour le développement, mais aussi dans la coopération culturelle et la diplomatie; dans l’économie et le commerce, notamment le tourisme, car un grand nombre de restaurants et d’hôtels sont tenus par des hommes d’affaires français ou francophones, et fréquentés principalement par les diplomates francophones, des consultants, des experts, le personnel des organisations internationales et non gouvernementales en poste au Laos. Parmi le nombre de touristes qui est en augmentation constante figure une quantité non négligeable de Français et de francophones.
Pour conclure sur cette question, on peut dire que les langues de l'administration sont le lao, le français et l'anglais, le tout dans des proportions inégales.
4.4 Les langues de l'éducation
L’école au Laos est publique, gratuite et obligatoire (depuis 1996), et ce, jusqu’à la fin du primaire. La scolarité commence à l'âge de six ans; le primaire s'étend sur cinq années et à l'issue de celles-ci, les élèves reçoivent un certificat d’éducation primaire. Au primaire on enseigne le lao, les mathématiques, le dessin, les arts et l'éducation physique.
Ensuite, il y a quatre années de secondaire inférieur (ou premier cycle), avec un brevet comme diplôme, suivi de trois années de secondaire supérieur (ou de deuxième cycle), avec un baccalauréat comme diplôme national. Cependant, peu d'élèves poursuivent leurs études après le primaire. En effet, seuls 30 % des élèves accèdent au secondaire. En fin de cycle supérieur, les élèves subissent un examen national. Au secondaire inférieur s'ajoutent l'histoire et la géographie, l'éducation civique, les sciences naturelles, les langues étrangères et techniques. Le secondaire supérieur (second cycle) ajoute la littérature lao, la physique et la chimie. Pour tous les niveaux d'enseignement, le salut au drapeau et l'initiation politique font partie intégrante de l'enseignement.
Les élèves qui souhaitent recevoir une formation professionnelle peuvent le faire dès la fin du primaire pour une durée de quatre ans, ou après le brevet pour une durée de trois ans. Quant à l'enseignement supérieur, il propose des formations professionnelles ou techniques à l'université (trois universités au Laos) et dans des écoles de formations des enseignants ou des établissements privés. Il existe aussi des écoles privées, mais elles n'atteignent à peine 3 % des élèves du primaire. L'éducation au Laos est gérée par le gouvernement central et non par celui des provinces: les programmes, les vacances, les salaires des enseignants, etc., sont donc les mêmes pour toutes les écoles du pays. La loi prévoit la liberté scolaire, mais dans la pratique le gouvernement imposé de multiples contraintes à tous les niveaux, que ce soit au primaire, au secondaire ou dans les établissements d'enseignement supérieur.
- Les orientations idéologiques
Les
autorités communistes au pouvoir exercent un contrôle strict sur l'éducation,
comme pour tous les autres domaines de la vie sociale. L'article 22 de la Constitution de 2015 prescrit les orientations suivantes en ce qui concerne l'éducation au Laos, dont celle de développer chez les élèves des «aptitudes révolutionnaires» :
Article 22
1) L’État s’attache à développer l’éducation et met en œuvre l’enseignement primaire obligatoire afin de former de bons citoyens dotés de compétences, de connaissances et de aptitudes révolutionnaires. 2) L’État et la société s’emploient à développer une éducation nationale de qualité, à créer des occasions et des conditions [favorables] en matière d’éducation pour tous les habitants du pays, en particulier les habitants des régions éloignées, les groupes ethniques, les femmes et les enfants défavorisés. |
L'article 6 de la Loi sur l'éducation (2007) déclare que tous les citoyens lao, sans distinction de groupe ethnique, d’origine, de religion, de sexe, d’âge et de statut socio-économique, ont droit à l’éducation:
Article 6 Droits des citoyens en éducation |
Cependant, les faits viennent contredire ce droit à l'éducation pour tous. L’appartenance ethnique demeure un marqueur ou plutôt un frein social très important dans la société laotienne. Le lao est la langue officielle, mais il est aussi l'une des 90 ou 100 langues parlées au Laos et la langue maternelle du groupe ethnique «majoritaire», les "Lao Loum". C’est aussi l’unique langue d’enseignement dans le système d'éducation laotien, bien que 53 % de la population du Laos s’exprime dans d’autres langues maternelles.
De plus, les jeunes issus de familles pauvres et nombreuses, appartenant à des minorités ethniques et vivant dans des zones rurales et isolées, n’ont aucune possibilité de poursuivre leurs études dans l’enseignement secondaire. C’est notamment le cas des filles qui vivent loin de l’école et abandonnent leurs études pour aider leurs parents à travailler dans les rizières ou s'occuper de la maison. Bref, le doit à l'éducation pour tous ne s'applique pas à tous les citoyens laotiens.
- L'enseignement primaire
Le cycle de l'enseignement primaire au Laos est de cinq ans. Le ministère de l'Éducation assume la responsabilité générale de la coordination, de la planification, de l’élaboration des politiques et du contrôle de la qualité de l’enseignement formel, tandis que la gestion des responsabilités fonctionnelles est répartie géographiquement entre 18 bureaux de Service provincial d'éducation et 135 bureaux d'éducation de district. Au niveau d'un village, le chef du village, le comité de gestion des écoles du village et le directeur de l'école sont directement responsables du fonctionnement et de l'entretien des écoles dans plus de 8000 villages.
Pour l'enseignement primaire, le ministère de l'Éducation a fixé les priorités suivantes:
1) l'enseignement primaire universel avec amélioration de la qualité;
2) l'accès accru à l'éducation dans les zones rurales et les zones à minorités ethniques;
3) l'éradication de l'analphabétisme;
4) l'amélioration de l'efficacité interne de la scolarité;
5) l'amélioration de la formation professionnelle et du statut des enseignants;
6) l'amélioration de la gestion et du contrôle de l’éducation pour assurer la qualité.
Selon l'article 17 de la Loi sur l'éducation (2007), l'école primaire est obligatoire et doit assurer aux élèves des connaissances générales dans certaines matières, dont la lecture, l'alphabet et la langue lao:
Article 17 L'école primaire |
De plus, le Laos compte peu de structures d'accueil pour les enfants d'âge préscolaire (jusqu'à cinq ans) et ces structures ne sont implantées que dans les zones urbaines. Quoi qu'il en soit, le taux d'abandon au primaire est d'environ 25 % et le taux de réussite, d'un tiers.
- L'enseignement secondaire
L’enseignement secondaire au Laos est concentré dans les capitales provinciales et dans certains autres centres urbains et centres de district. Pour la plupart des élèves qui ne vivent pas dans un centre provincial, la fréquentation de l’école secondaire nécessite l’internat, souvent dans des installations de fortune. Cette situation déplorable a pour effet de décourager encore davantage les étudiants des zones rurales de poursuivre leurs études, ce qui a des répercussions négatives chez les filles et les membres des minorités. L'article 18 de la Loi sur l'éducation prescrit un cycle de quatre ans pour acquérir les connaissances suivantes, donc la langue lao et les langues étrangères:
Article 18
L'enseignement secondaire
Le gouvernement, les autorités locales, les organisations sociales, les communautés et les parents ou tuteurs des élèves sont responsables de fournir des fonds, des véhicules, des équipements techniques, des outils de test, des supports d'apprentissage et d'enseignement à l'éducation secondaire, selon les besoins. |
L'article 33 de la Loi sur l'éducation impose la langue et l'alphabet lao dans toutes les écoles du pays:
Article 33
Langue utilisée dans l'éducation |
Il est par conséquent très clair que seule la langue lao est autorisée et que les langues des minorités, qui représentent 53 % de tous les locuteurs du pays, sont interdites. De fait, les écoles disponibles pour les minorités ne peuvent offrir que de l'enseignement en langue lao, car toute tentative de proposer des cours dans une autre langue que le lao n’est ni permise ni tolérée. Le recours à d'autres langues peut même être perçu comme une provocation ou une rébellion destinée à affaiblir le pouvoir de l'État.
Globalement, il y a plus de femmes analphabètes que d'hommes. L'analphabétisme des hommes est de 17 % contre 37% chez les femmes. Les causes de l'analphabétisme féminin varient selon les provinces et les différents groupes ethniques, mais la pauvreté, la distance, les coûts et les croyances traditionnelles tendent à être les principaux facteurs. Parmi les autres facteurs, mentionnons le fardeau des tâches ménagères, des mariages précoces ou des grossesses. Les taux d'alphabétisation des femmes et des hommes adultes dans la région du Nord sont moins élevés que dans les autres régions. Si les garçons et les filles fréquentent les écoles de village, seuls quelques garçons sont encouragés à poursuivre leurs études secondaires dans leur province. Selon un rapport de l'UNICEF, le Laos ne sera pas en mesure de réduire la pauvreté ou d'améliorer son niveau de vie sans un effort accru pour scolariser les filles.
- Les langues étrangères
Dans le domaine de l’éducation, les directives du gouvernement laotien concernant l’enseignement des langues étrangères sont définies comme suit :
1) L'apprentissage d’une «Langue vivante 1» (appelée LV1), en priorité l’anglais, doit commencer en 3e année du primaire et se poursuivre, à raison de 3 h/semaine jusqu’à la dernière année du secondaire supérieur.
2) L’introduction d’une «Langue vivante 2» (appelée LV2) est obligatoire dès la première année du secondaire en raison de 2 h/semaine. La langue de priorité pour la LV2 est le français, mais d’autres langues pourraient venir le concurrencer, notamment le chinois, langue désormais de dimension internationale, et le vietnamien, langue de dimension régionale, mais également dans une moindre mesure le japonais et le coréen.
Les langues proposées sont fonction des ressources humaines dont dispose le ministère de l’Éducation du Laos, c'est-à-dire la disponibilité des enseignants d’anglais et de français. À titre d'exemple, bien que la totalité des élèves du secondaire apprenne l’anglais, seulement 30 % des élèves du primaire y ont accès, à partir de
la 3e année à cause du manque d’enseignants qualifiés. La présence massive d'experts anglophones financés par la Banque mondiale et par la Banque asiatique de développement, venus réformer le système d'éducation, a donné un avantage à l'anglais, stimulé par ailleurs par l'intensification des relations économiques avec la Thaïlande.
Les villes ayant une plus forte influence française sont les suivantes: Champasak, Paksé, Savannakhet, Ventiane et Luang Prabang. Les écoles françaises des villes sont les plus prestigieuses, et elles exigent un bon niveau scolaire pour y entrer. Les enfants admis sont donc sélectionnés sur concours et sur dossier; les places étant rares, les directeurs d'école veulent s'assurer que les enfants iront au bout de leur scolarité. Il existe aussi des classes bilingues qui disposent de deux professeurs, l'un qui leur parle uniquement en français et l'autre en lao. |
Malgré cette tendance relativement nouvelle en faveur de l'anglais, on observe une demande persistante des autorités laotiennes, soucieuses de renforcer l'enseignement du français aux cycles secondaire et supérieur. Mais le Laos est un petit pays sans importance économique ou stratégique. Il intéresse peu d'investisseurs étrangers. La modestie des efforts consentis pour répondre aux besoins témoigne des limites d'un discours sur la spécificité d'une francophonie dont la solidarité interne ne serait pas dominée par des considérations de pouvoir et d'argent. À la suite d'une entente de coopération avec la France, l'enseignement du français au secondaire est offert en raison de trois heures par semaine, mais également dans l'enseignement supérieur (de trois heures à cinq heures/semaine) ainsi que dans le cadre de la formation continue des professeurs de français (stages et bourses d'études). On estime que près de 40 000 élèves et étudiants apprennent le français comme langue seconde. Après le français, les langues étrangères enseignées sont l'anglais, le thaï, le chinois et le vietnamien. Depuis quelques années, le chinois mandarin commence à supplanter le français, car la Chine est un partenaire commercial plus important que la France.
- L'enseignement supérieur
Le système d’enseignement supérieur au Laos est organisé selon trois axes principaux: les universités publiques, les établissements privés et les écoles de formation des enseignants. Plusieurs établissements supérieurs assurent des formations variées. Il faut d'abord mentionner l'Université nationale du Laos. Créée en notamment en 1996 pour offrir un enseignement supérieur aux Laotiens et Laotiennes, cet établissement comprend aujourd'hui onze facultés : architecture, ingénierie, économie et gestion des entreprises, environnement, droit et sciences politiques, agriculture, éducation, foresterie, lettres, sciences sociales. Outre le campus de Nabong à Vientiane, cette université a aussi la responsabilité des campus de Dong Dok, de Sokpaluang, de Don Nokkhoum et de Tat Thong. L’Université nationale du Laos est une université d’élite qui n'accepte que les meilleurs étudiants du monde entier.
Les autres universités sont l'Université de Champasack (quatre facultés), l'Université de Souphanouvong (six facultés), l'Université de Savannakhet (quatre facultés), l'Université des sciences de la santé rattachée au ministère de la Santé (sept facultés). Deux autres établissements sont considérés comme offrant des programmes de niveau universitaire: l’Institut pédagogique universitaire et l'Institut national polytechnique. Le Laos compte aussi une cinquantaine de collèges et d'instituts privés offrant des formations spécialisées.
Il existe aussi des écoles de formation des enseignants. Sur les six Écoles normales supérieures (ENS) de formation des enseignants que compte le Laos, deux d’entre elles disposent d’une section de français soutenue par le projet Valofrase. L’École normale de Paksé assure un enseignement en «français général» et en français scientifique afin de former des enseignants francophones de français général et de français en sciences exactes.
Chacun de ces établissements universitaires offre une formation professionnelle spécialisée d'une durée d'au moins quatre ans, qui est ouverte aux diplômés des écoles secondaires supérieures. Aucune université nationale n'offre de programmes en arts et en sciences. L'admission dans tous ces établissements est basée sur un système de quotas provincial déterminé par le ministère de l'Éducation.
Les établissements supérieurs publics sont assujettis au Décret sur l'enseignement supérieur (2015), dont l'article 19 impose le lao comme langue d'enseignement:
Article 19 Programmes, manuels, matériel et langue d'enseignement-apprentissage 3) Langue d'apprentissage-enseignement La langue pour l'apprentissage-enseignement dans les établissements d'enseignement supérieur doit être la langue lao. Les langues étrangères peuvent être utilisées pour l'étude des langues étrangères; et être appliquées pour l'enseignement dans des programmes internationaux ou des programmes en coopération avec des établissements d'enseignement étrangers et elles peuvent être utilisées pour la recherche scientifique dans le cadre de projets de recherche approuvés par le ministère de l'Éducation et des Sports, et par les autorités compétentes aux niveaux central et local. Article 35 Formation des enseignants Tous les niveaux des établissements d’enseignement supérieur doivent avoir leur propre plan de formation des enseignants afin d’améliorer continuellement les connaissances et les capacités techniques, la pédagogie, l’information, les langues étrangères, les théories politiques et autres, afin que les enseignants puissent enseigner, mener des recherches scientifiques, fournir des services techniques et intégrer efficacement les organisations régionales et internationales. |
Soulignons que les professeurs d'université ne peuvent ni enseigner ni écrire sur des sujets politiquement sensibles ou controversés, bien que le Laos invite régulièrement des universitaires étrangers à donner des cours dans le pays et que certains jeunes partent à l'étranger pour y suivre des études universitaires.
- Les problèmes
Le Laos est le pays le plus pauvre de l’Asie du Sud-Est. Près de 24% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. C'est ce qui explique en partie que l'éducation au Laos ne se porte pas très bien, et ce, d'autant plus que le gouvernement laotien dépense très peu pour l'éducation. Les dépenses en ce domaine correspondent à 2,9% du PIB (2017). Par comparaison à des pays comme le Vietnam (5,7 %), l'Afrique du Sud (6,1%), la France (5,5 %), le Maroc (5,3%), le Canada (5,3%) ou la Finlande (7,1%), le Laos fait pauvre figure. Le pays voudrait sûrement améliorer ses écoles, mais il manque de fonds pour le faire, ce qui a pour effet de perpétuer un cercle vicieux de pauvreté et un manque en éducation qui empêche le pays d'avancer au plan économique.
Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que, peu importe le niveau d'enseignement, le salaire des enseignants est demeuré très bas, de sorte que la plupart sont dans l'obligation de se trouver une activité supplémentaire pour leur permettre de survivre. Les écoles sont généralement de mauvaise qualité et peu ou pas équipées. Seules 50% d'entre elles disposent d'un approvisionnement en eau, 35% ont des toilettes et 20% bénéficient de l'électricité. Par le fait même, les écoles disposent généralement de très peu de matériel pédagogique. Dans le meilleur des cas, elles ont des tableaux noirs, de la craie, quelques manuels d'apprentissage, du papier, des crayons, de la peinture pour les arts visuels, quelques ballons pour les récréations, etc. Une école laotienne typique n'a pas d'électricité, pas de livres ni de crayons. Le peu de matériel existant provient de l'aide des organisations non gouvernementales (ONG), des associations humanitaires ou de bienfaiteurs particuliers. Les enfants se pressent derrière des bancs en bois et copient des leçons sur des tablettes d'écriture. En hiver, les enfants se couvrent de manteaux, car il n'y a pas de chauffage. Comme les ressources financières sont limitées, la plupart des écoles sont mal construites, souvent en bambou et en chaume, et ne comptent qu'un ou deux enseignants qui perçoivent un salaire peu élevé et généralement en retard. Les locaux de classe ont très souvent un sol en terre battue.
La qualité de l'enseignement tend à être médiocre, car près de la moitié de ceux qui entrent à l'école ne terminent pas le cycle primaire. La plupart des enfants n'entrent à l'école qu'à neuf ou dix ans et n'y restent que deux ou trois ans. Si 31% des jeunes vivant en milieu urbain accèdent au secondaire, seuls 3,5% des enfants issus des milieux défavorisés dans les zones rurales peuvent fréquenter une école secondaire. Dans de nombreux villages de montagne, les écoles primaires ont quasi inexistantes. De plus, les frais élevés pour les livres, les fournitures scolaires et la pénurie générale d'enseignants dans les zones rurales empêchent de nombreux enfants d'aller à l'école. Dans la capitale, Vientiane, il existe un grand nombre d'écoles privées pour suppléer au manque chronique d'établissements, ce qui peut sembler une contradiction pour un régime communiste.
La situation est encore plus déplorable pour les minorités ethniques. Les enfants qui n'ont pas le lao comme langue maternelle sont encore plus désavantagés. Ils arrivent à l'école sans comprendre la langue employée par des enseignants qui ignorent la langue de leurs élèves. Ces derniers n'ont d'autre choix que de recourir aux anciennes pratiques qui consistent à copier les enseignants et apprendre par cœur les réponses attendues et trouvées dans les manuels rédigés seulement en lao. Bien que le gouvernement ait pour politique d'informer les groupes ethniques des avantages de l'éducation pour tous les enfants, certains groupes ethniques ne considèrent pas que l'éducation des filles, par exemple, soit nécessaire ou même bénéfique. Il existe donc des différences significatives entre les divers groupes ethniques dans les possibilités d'éducation offertes aux garçons et aux filles. Les jeunes issus de familles pauvres et appartenant à une minorité ethnique vivant dans des zones rurales et isolées n’ont aucune possibilité de poursuivre leurs études dans l’enseignement secondaire. C’est, en particulier, le cas des filles qui vivent loin de l’école et abandonnent leurs études pour aider leurs parents à travailler. Bref, les langues pratiquées par les minorités ethniques constituent un frein pour recevoir un enseignement uniquement offert en lao.
En ce qui concerne l'enseignement de l'anglais offert dans les écoles publiques du Laos, il apparaît comme déficient. Dans les faits, les enseignants ne disposent pas généralement des ressources, ni de la prononciation, ni des compétences nécessaires pour enseigner aux élèves. Ceux qui en ont les moyens vont souvent envoyer des membres de leur famille apprendre l'anglais à Vientiane, la capitale du Laos. Les ministères et les bureaux du gouvernement laotien ont également des difficultés à maîtriser l'anglais, car seuls quelques hauts fonctionnaires peuvent être envoyés pour étudier l'anglais. Comme le Laos est un pays composé d'un grand nombre de groupes ethniques différents, beaucoup n'ont jamais rencontré un étranger anglophone, encore moins un professeur d'anglais.
Quant aux études supérieures, le niveau des ressources humaines semble particulièrement faible comparé lorsqu'on les compare à celui des universités occidentales. Par exemple, sur quelque 1300 enseignants à l’Université Nationale du Laos, seule une soixantaine possèdent un doctorat, 390 ont une maîtrise et les autres ont au plus un
simple baccalauréat. Tous les universitaires qui effectuent des recherches peuvent être soumis à des restrictions en matière de déplacements, d'accès à l'information et de publication. Le gouvernement exerce son contrôle en imposant des cachets de sortie et d'autres mécanismes sur la capacité des professionnels universitaires employés par l'État à se déplacer à des fins de recherche ou à obtenir des bourses d'études.
Par ailleurs, il n’existe pas d’adéquation entre l’offre d’éducation et la demande du marché de travail. Pour cette raison, les étudiants ne trouvent pas d’emploi correspondant à leur diplôme et à leur qualification. En outre, les étudiants ne choisissent pas forcément leur domaine d’études et se retrouvent à étudier telle ou telle matière en raison de décisions administratives. En effet, certains sont condamnés à des options forcées par des décisions administratives. En raison des quotas, les étudiants les moins bons sont généralement envoyés d’office dans les facultés les moins fréquentées, à savoir la faculté des sciences sociales et humaines, notamment le département de français.
Quand on parle «des langues en éducation» au Laos, il faut comprendre qu'il s'agit du lao, la langue officielle, et des langues étrangères (anglais et français, puis chinois, vietnamien et thaï). Il ne saurait être question des langues minoritaires qui sont volontairement ignorées.
4.5 Les langues des médias
Les autorités communistes au pouvoir exercent un contrôle strict sur les médias. Le gouvernement est propriétaire de tous les journaux et les médias audiovisuels. Les exemplaires de diffusion des journaux sont très bas. La calomnie de l'État, la distorsion des politiques des partis et la propagation de fausses rumeurs constituent des infractions pénales au Laos. Reporters sans frontières, le groupe de défense des droits des médias, déclare que «les activités du président et des principaux dirigeants du parti sont toujours les sujets principaux des médias nationaux qui sont les seuls autorisés.» En somme, le Laos possède l'un des environnements médiatiques les plus restrictifs au monde. En 2016, Reporters sans frontières classait le Laos à 173 sur 179
pays dans son indice annuel de la liberté de la presse, derrière des pays tels que Cuba et l'Iran. L'article 23 de la Constitution indique clairement que l'État détient l'autorité ultime sur la presse puisqu'il «veille à améliorer et à développer les activités des médias à des fins de protection et de développement national». Il est également indiqué que «toutes les activités culturelles et des médias qui sont préjudiciables aux intérêts nationaux ou à la précieuse culture traditionnelle et à la dignité du peuple lao sont interdites»:
Article 23 1) L’État encourage la préservation de la culture nationale, qui est représentative de la belle tradition du pays et de son ethnie, tout en acceptant d'autres cultures progressistes universelles. 2) L’État encourage les activités culturelles, les beaux-arts et l'innovation, gère et protège le patrimoine culturel, historique et naturel et entretient les sites anciens et historiques. 3) L’État veille à améliorer et à développer les activités des médias à des fins de protection et de développement national. 4) Toutes les activités culturelles et des médias qui sont préjudiciables aux intérêts nationaux ou à la précieuse culture traditionnelle et à la dignité du peuple lao sont interdites. |
Par ailleurs, l'article 59 de la Loi pénale (2005) énonce que toute personne qui fait circuler des informations contre la République démocratique populaire lao, qui déforme les directives du Parti et les politiques du gouvernement, qui fait circuler de fausses rumeurs par des mots, des écrits, des journaux, etc., et ayant pour objectif de saper ou d'affaiblir l'autorité de l'État peut être condamnée à une amende et à une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq années:
Article 59 (nouveau) Propagande contre la République démocratique populaire lao Les personnes qui font circuler des activités de propagande contre la République démocratique populaire lao et la diffament; qui déforme les directives du Parti et les politiques du gouvernement, qui font circuler de fausses rumeurs provoquant des désordres par des mots, des écrits, des impressions, des journaux; les films, les vidéos, les photos, les documents ou tout autre contenu préjudiciable à la République démocratique populaire lao dans le but de miner l'autorité de l'État sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 500 000 kips à 10 000 kips. |
Évidemment, il est relativement aisé d'accuser et de faire condamner un journaliste pour les motifs évoqués ci-haut. La monnaie nationale du Laos, le kip, est cotée à 9817 kips pour 1 euro et à 0,00012 dollar US.
- Les journaux
Les journaux du Laos sont pour la plupart contrôlés par le ministère de l'Information et de la Culture ou par une autre organisation politique. Les journaux laotiens sont des porte-parole du gouvernement et du Parti unique. D'ailleurs, ils publient souvent les mêmes articles, mot pour mot. Tous les journalistes laotiens sont des employés du ministère de l’Information et de la Culture. Il est interdit de critiquer la politique du Parti, ainsi que les pays amis du Laos, c'est-à-dire les gouvernements de la Birmanie, de la Chine, de la Corée du Nord, du Vietnam et de Cuba.
Pas de problème pour critiquer les pays capitalistes! Il existe plusieurs journaux en langue lao (Passasson, Vientiane Mai, Pathet lao, etc.). Le centre de presse en langues étrangères édite un quotidien Vientiane Times en anglais et un hebdomadaire Le Rénovateur en français. Les autres médias sont spécialisés pour des publics particuliers. Par exemple, le quotidien Vientiane Mai ("Vientiane News") couvre les questions locales importantes pour le parti. La revue Sangkhom Thoulakit ("Société et Entreprises") en lao cible les lecteurs intéressés par le monde des affaires et la société de Vientiane. Un trimestriel théorique, Aloun Mai ("New Dawn"), créé en 1985, parut avec une certaine régularité pour diffuser les principaux discours officiels des chefs de parti. Vannasin est un mensuel consacré aux arts et aux lettres. Il existe beaucoup de petites publications diffusées par diverses organisations syndicales ou révolutionnaires. |
On compte en tout une soixantaine de journaux en lao, surtout des hebdomadaires. Tous ces journaux ont en commun une politique d'utiliser une langue rigide et formaliste axée sur l'information. L'Agence nationale de presse, le Khaosan Pathet Lao (KPL), publie des bulletins en lao, en français et en anglais. Le KPL couvre l'ensemble du territoire, souvent en partenariat avec la radio nationale lao. D'une présentation peu attrayante, les nouvelles locales se résument souvent à l'actualité diplomatique, alors que ses pages internationales reprennent les dépêches de l'agence chinoise Xinhua.
Il est possible de se procurer de la presse étrangère, notamment le Bangkok Post et The Nation dans plusieurs points de vente de Vientiane, mais le Laos communiste n'autorise aucun journaliste étranger à vivre dans le pays. Tous les reporters locaux sont employés par le gouvernement et tous les médias appartiennent à l'État. Tous les journalistes étrangers sont tenus d'être accompagnés par des responsables du ministère des Affaires étrangères.
- La presse électronique
La Radio nationale lao (Vithanyu Kachaisiang Aehngsadlav) diffuse en principe en lao, mais aussi un bulletin quotidien en français (de 12 h 30 à 13 h et de 20 h à 20 h 30). Le même type d'émission existe aussi en anglais, en vietnamien, en thaï et en chinois mandarin. La Radio nationale lao dispose d'un réseau national et de sept stations régionales qui diffusent en lao et dans quelques langues des minorités. Par ailleurs, un dimanche sur deux, à 20 h, on peut écouter une émission bilingue de chansons françaises; il est possible de capter avec certaines difficultés un programme de trente minutes sur Radio France Internationale (RFI) en français et en anglais. Les Laotiens peuvent capter facilement des stations thaïlandaises, surtout qu'elles leur paraissent plus intéressantes que les stations nationales. La radio nationale du Laos, une radio appartenant à l'État.
C'est encore la Télévision nationale lao qui demeure le meilleur canal pour obtenir des informations sur le Laos. Les quatre stations de télévision laotiennes appartenant au gouvernement diffusent quotidiennement quelques heures chacune. Les stations régionales diffusent en lao et dans certaines langues minoritaires. Toutefois, les débats interminables et les films chinois lamentablement doublés y sont fréquents. L'autre télévision nationale, Chanel 3, émet de 16 h à minuit; l'origine thaïlandaise de la majorité de ses émissions rend cette station plus attrayante. Beaucoup de Laotiens préfèrent regarder des émissions en provenance de la Thaïlande parce que la programmation est davantage orientée sur le divertissement. Il existe aussi une chaîne francophone, TNL5, qui diffuse à Ventiane. De plus, TV5 est retransmis sur ondes hertziennes dans la région de Vientiane de 8 h à 22 h et 24 h sur 24 dans les hôtels équipés de parabole.
La production médiatique laotienne est sporadique et relativement insignifiante lorsqu'on la compare aux productions de la télévision, de la radio et de la publicité thaïlandaises et aux journaux quotidiens importés à Vientiane par des voyageurs internationaux. Compte tenu de la proximité de la radio et de la télévision thaïlandaises, la Thaïlande reste à la fois une fenêtre ouverte sur un système économique différent et offre une perspective de l'actualité. De plus, l'information et la culture extérieures se sont révélées trop envahissantes pour mériter d'être éliminées par surveillance ou par brouillage. Des services de télévision et de radio étrangers, tels que Voice of America et Radio Free Asia, sont diffusés au Laos sans interruption.
- La législation
La loi prévoit la liberté d'expression et de la presse. Cependant, dans la pratique, le gouvernement restreint sévèrement le discours politique et le journalisme, et interdit la plupart des critiques du public jugées préjudiciables à sa réputation. La loi interdit de diffamer l'État, de fausser les politiques des partis ou de l'État, d'inciter au désordre ou de diffuser des informations ou des opinions qui contredisent ou affaiblissent l'État. L'article 51 de la Loi sur les médias (2008) interdit même aux journalistes laotiens d’utiliser un langage mixte et des mots grossiers.
En même temps, la Loi sur les médias (2008) prescrit la préservation des coutumes multiethniques, l'exactitude de la langue lao et des langues ethniques minoritaires, alors que ces langues ne reçoivent aucune protection de la part de l'État:
Article 30 Devoirs et obligations de l’organisation des médias L’organisation des médias a pour principales tâches:
Article 51 |
L'article 18 de la Loi sur les télécommunications (2011) oblige les appareils téléphoniques et les ordinateurs d'être dotés d'un menu et d'un contenu en langue lao :
Article 18 Importation d'équipement de télécommunication Le ministère des Postes, des Télécommunications et des Communications doit gérer l'importation d'équipements de télécommunication en publiant un règlement du ministère des Postes, des Télécommunications et des Communications sur les types d'équipements de télécommunication nécessitant une autorisation d'importation. Les appareils téléphoniques et les ordinateurs doivent avoir un menu et un contenu en langue lao. |
Depuis le 24 octobre 2000, le Comité national de l’Internet du Laos a décrété (selon le Rapport alternatif présenté par la Fédération internationale des droits de l'Homme de 2010):
Il est interdit à tout individu, toute organisation, toute société au Laos de mentir, de décevoir, ou de persuader les gens à l’intérieur ou à l’extérieur du Laos en vue de protester contre le Parti populaire révolutionnaire lao et contre le gouvernement du Laos […] sous peine d’amende, de rééducation, d’expulsion ou de condamnation selon la loi de la République démocratique populaire lao. |
Évidemment, les communications par Internet sont régulièrement contrôlées par le gouvernement avec le résultat que de nombreux internautes reçoivent par courriel des avertissements du ministère de l’Intérieur.
Pour résumer, on peut dire que la population laotienne vaque normalement à ses occupations, regarde la télévision thaïlandaise, surfe sur Internet, organise ses fêtes religieuses et n'est pas soumise au service militaire obligatoire, mais en échange elle ne doit pas se mêler des affaires de l'État qui les informe de leurs droits limités et de leurs nombreuses obligations.
La politique linguistique du Laos consiste avant tout en une dénégation des droits des minorités linguistiques laotiennes, et ce, malgré les dispositions constitutionnelles qui proclament l'«égalité entre tous les groupes ethniques» qui «ont le droit de protéger, de préserver et de promouvoir les coutumes et la culture raffinées de leurs propres tribus et de celles de la Nation». Il est vrai que le texte ne mentionne pas la langue, mais les «coutumes et la culture» :
Article 8 (modifié)
1) L'État poursuit la politique de promotion de l'unité et de l'égalité entre tous les groupes ethniques. Tous les groupes ethniques ont le droit de protéger, de préserver et de promouvoir les coutumes et la culture raffinées de leurs propres tribus et de celles de la Nation. Tout acte créant des divisions et des discriminations entre groupes ethniques est interdit. 2) L'État met en œuvre toutes les mesures pour développer et améliorer progressivement les niveaux socio-économiques de tous les groupes ethniques. |
En décembre 2000, le Laos a ratifié le 25 septembre 2009 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 26 et 27) et, le 13 février 2007, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 1). Le 22 février 1974, le Laos avait aussi ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. De plus, en ce qui concerne plus particulièrement les droits des groupes ethniques, le gouvernement du Laos a ratifié la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (1993).
Or, la politique linguistique du Laos en est une d'assimilation et de valorisation de langue officielle (le lao), avec des compromis à l'égard du français et de l'anglais. Sur une centaine de groupes ethniques, seul le groupe lao, en théorie la communauté «majoritaire», bénéficie d'une protection linguistique adéquate. Au chapitre des droits linguistiques des minorités, le Laos affiche un tableau extrêmement sombre, ce qui signifie que le gouvernement laotien était prêt à signer n'importe quelle convention internationale de protection, alors qu'il n'avait absolument aucune intention d'appliquer quelque disposition que ce soit à l'intention des minorités ethniques et linguistiques. Ces signatures pouvaient par contre attirer des subventions et des investissements. Cette situation n'a rien de surprenant dans un régime autoritaire qui pratique ouvertement la terreur! Depuis 1975, le gouvernement soumet ses nombreuses minorités ethniques aux diktats du parti unique, le Pathet Lao, qui ne souffre aucune critique sous peine de lourdes représailles.
La politique actuelle concernant les minorités ethniques a été élaborée en 1992. Elle avait pour objectif d'améliorer progressivement l'accès des groupes ethniques aux services de l'État et d'éradiquer la discrimination raciale ou ethnique. Il s'agissait de passer d'un régime féodal, puis du protectorat français, à un communisme libéral ! Cette politique préconisait également de «rééduquer» les minorités ethniques afin qu'elles abandonnent leurs coutumes «arriérées», suggérant en même temps que les efforts visant à promouvoir l'unité et l'égalité pourraient aboutir à une tentative d'assimilation culturelle et linguistique des minorités ethniques. En quelques années, les minorités ethniques résidant dans les montagnes ont été relocalisées vers les plaines, puis forcées d’assimiler de nouvelles connaissances agricoles, sociales, culturelles, etc., et confrontées à l’apprentissage du fonctionnement de nouveaux systèmes de politiques nationales, ce qui les a rendues vulnérables aux nouveaux enjeux linguistiques. Les politiques récentes du gouvernement lao se sont concentrées sur la promotion de l'unité, ce qui a aussi entraîné des effets négatifs sur certaines minorités. Par exemple, le Plan national de développement socio-économique de 2011-2015 appelait directement les autorités à intégrer les villages plus petits dans le but d'améliorer la gestion et la fourniture des services. Or, les stratégies pour y parvenir comprenaient l'obligation pour ces groupes de s'installer ailleurs, les retirant ainsi des moyens de subsistance traditionnels. Non seulement ces groupes ont dû faire face à de nombreuses difficultés pour s'adapter, mais les politiques auxquelles ces populations ont été contraintes d’adhérer se sont révélées généralement inappropriées face aux réalités de la vie rurale. De fait, ces groupes ethniques originaires de régions montagneuses ont été victimes de paludisme et d'autres maladies tropicales imputables à une exposition accrue des moustiques après leur réinstallation dans les zones de plaines.
La loi laotienne autorise la «réinstallation générale» de communautés vivant dans des zones éloignées et sous-développées», notamment des zones de culture itinérante et des «petits villages dispersés». Le gouvernement a le pouvoir de relocaliser toute communauté pour permettre sa réinstallation non seulement dans le cas de projets de développement, mais également en fonction des projets idéologiques du gouvernement. Or, le projet premier du gouvernement est d'exercer un contrôle sur les groupes ethniques vivant dans les montagnes et les ramenant dans des régions plus faciles d'accès pour les fonctionnaires et l'armée. En général, le fait que le Laos a mis l'accent sur la création d'une nation multiethnique (où plusieurs groupes ethniques vivent ensemble dans une communauté donnée), les initiatives spécifiques ciblant les besoins individuels de certains groupes ethniques sont demeurées limitées. L'espace réservé à la société civile pour les personnes ethniques est également limité et il n'existe aucune organisation reconnue par le gouvernement qui travaillerait spécifiquement pour les besoins de ces personnes ou ces communautés. Le résultat est que, malgré l'intention du gouvernement de servir «tous les groupes ethniques», les besoins uniques de chaque groupe ethnique peuvent rester sans réponse.
Parmi les minorités ethniques au Laos, la minorité hmong, formant moins de 10 % de la population, souffre de plus de discriminations. La plupart des Hmong ont servi les Américains durant la guerre du Vietnam. D'une part, l’anticommunisme farouche bien connu des Hmong, d'autre part, le fait que les Hmong sont souvent des chrétiens font qu’ils sont considérés avec une extrême méfiance par les autorités laotiennes. Le gouvernement utilise généralement comme raison de son action la déforestation (culture par brûlis) au nom aussi de la lutte antidrogue; c'est pourquoi des villages entiers de Hmong et de Khmou ont été délocalisés des montagnes vers les vallées et les plaines. Les forces armées du Laos attaquent régulièrement les villages des Hmong enclavés dans les montagnes de la région spéciale de Xaisomboun dans la province de Ventiane, massacrant hommes, femmes et enfants. Le trafic des enfants (prostitution juvénile), dès l’âge de 13 ans, est pratiqué autant dans les villes que les villages où résident des minorités ethniques.
Non seulement les Hmong, mais d'autres minorités ethniques sont également persécutées en permanence par le gouvernement communiste lao qui affiche une ferme volonté de les exterminer. Le problème, c'est que les minorités forment 53 % de la population. Le Laos compte presque une centaine d’ethnies qui, lentement, doivent progressivement se fondre dans la «majorité» lao en perdant leur identité. L'absence de procès équitables pour les suspects, la corruption judiciaire généralisée et l'impunité persistante pour les violations des droits de l'Homme demeurent des problèmes persistants.La pauvreté rurale est le principal défi au développement, ce qui concerne avant tout les minorités. Le taux de pauvreté dans les hautes terres est beaucoup plus important que dans la plaine du Mékong, soit 52 % contre 20 %. La pauvreté touche plus particulièrement les minorités ethniques qui vivent dans les collines et montagnes du pays, notamment dans le Nord, c'est-à-dire les Hmong, les Méo, les Yao, et qui représentent environ 15 % de la population totale. De plus, la pauvreté et la marginalité des minorités ethniques ont contribué à l’essor de la culture du pavot et à l’insertion du Laos dans le trafic d’opium, d’héroïne et des produits dérivés.
Soucieux de préserver son unité territoriale et d’éviter un dérapage incontrôlé en raison des divisions ethniques, le gouvernement prône l’unité du peuple au moyen de grands discours sur l’égalité entre les ethnies et la reconnaissance de la diversité tout en mettant un fort accent sur l’identité lao activement promue comme la norme culturelle qui permettra d’unifier les différentes ethnies de la Nation comme des Laotiens. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les Lao proprement dits, qui détiennent les rênes du pouvoir, ne représentent pas la moitié de la population et n'occupent qu'un territoire restreint, soit à peine le quart du Laos, alors que les minorités occupent le reste du pays.
Si le gouvernement laotien voulait vraiment vivifier les traditions des groupes ethniques ou même simplement maintenir leur culture traditionnelle, il lui faudrait accorder à la langue de ces peuples un rôle conséquent dans les écoles de leur habitat et dans les médias qui y sont diffusés. En effet, avec le développement nécessaire de la scolarisation, les enfants des minorités passent une grande partie de leur vie détachés, sinon loin, de leur milieu familial où leurs aînés pouvaient mémoriser, et ainsi transmettre aisément les savoir-faire traditionnels. Toute entreprise qui consiste à perpétuer la culture des minorités doit aussi tenir compte des langues minoritaires, car dans le cas contraire c'est forcément l'assimilation. De plus, si l’écriture lao convient parfaitement à la notation de la langue lao, elle n’est pas nécessairement satisfaisante pour celle des nombreuses langues de la région.
Alors que la République démocratique populaire lao est partie prenante de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD) depuis 1974, les minorités ethniques continuent d’être discriminées et leurs droits fondamentaux et libertés restent entravés : cela est incompatible avec les obligations du Laos vis-à-vis du droit international. Il faudrait évidemment cesser immédiatement toute répression, intimidation, menace, arrestation de tout individu pour son opinion politique, sa religion ou son origine ethnique; libérer sans condition toutes les personnes détenues pour leur religion; adresser une invitation permanente aux procédures spéciales de l'ONU et autoriser des visites d'organisations internationales indépendantes de défense des droits de l'Homme; respecter pleinement la liberté de la presse et veiller à ce que les médias puissent librement discuter de la politique gouvernementale, mener des enquêtes et rendre compte de la répression contre les minorités et des violations des droits de l'homme dans le pays. On n'en est pas là, car le Laos est un petit pays sans grande importance économique ou stratégique. Il intéresse peu les investisseurs et les dirigeants de ce monde. La modestie des efforts consentis pour répondre aux besoins de la population laotienne témoigne des limites d'un discours sur les droits de l'Homme dont la solidarité interne ne serait pas dominée par des considérations de pouvoir et d'argent.
Bibliographie
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