PRÉAMBULE
Affirmant
que les peuples autochtones sont égaux à tous les
autres peuples en dignité et en droits, tout en reconnaissant le
droit de tous les peuples à être différents, à s'estimer différents
et à être respectés en tant que tels,
Affirmant aussi
que tous les peuples contribuent à la diversité
et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent
le patrimoine commun de l'humanité,
Affirmant en outre
que toutes les doctrines, politiques et pratiques
qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d'individus en
se fondant sur des différences d'ordre national, racial, religieux,
ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses,
juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement
injustes,
Réaffirmant
que les peuples autochtones, dans l'exercice de leurs droits, ne
doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination,
Préoccupée
par le fait que les peuples autochtones ont été privés de leurs
droits de l'homme et de leurs libertés fondamentales et qu'entre
autres conséquences, ils ont été colonisés et dépossédés de leurs
terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer,
notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres
besoins et intérêts,
Reconnaissant
la nécessité urgente de respecter et de
promouvoir les droits et caractéristiques intrinsèques des peuples
autochtones, en particulier leurs droits à leurs terres, à leurs
territoires et à leurs ressources, qui découlent de leurs structures
politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs
traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie,
Se félicitant
du fait que les peuples autochtones s'organisent
pour améliorer leur situation sur les plans politique, économique,
social et culturel et mettre fin à toutes les formes de
discrimination et d'oppression partout où elles se produisent,
Convaincue
que le contrôle par les peuples autochtones des événements qui les
concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur
permettra de renforcer leurs institutions, leur culture et leurs
traditions et de promouvoir leur développement selon leurs
aspirations et leurs besoins,
Reconnaissant aussi
que le respect des savoirs, des cultures et des
pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur
durable et équitable de l'environnement et à sa bonne gestion,
Soulignant la
nécessité de démilitariser les terres et territoires des peuples
autochtones et de contribuer ainsi à la paix, au progrès et au
développement économiques et sociaux, à la compréhension et aux
relations amicales entre les nations et les peuples du monde,
Reconnaissant
, en particulier, le droit des familles et des
communautés autochtones à conserver la responsabilité partagée de
l'éducation, de la formation, de l'instruction et du bien-être de
leurs enfants,
Reconnaissant aussi
que les peuples autochtones ont le droit de
déterminer librement leurs rapports avec les Etats, dans un esprit
de coexistence, d'intérêt mutuel et de plein respect,
Considérant
que les traités, accords et autres arrangements entre les
États et les peuples autochtones sont un sujet
légitime de préoccupation et de responsabilité internationales,
Reconnaissant
que la Charte des Nations unies,
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques affirment l'importance fondamentale du droit de tous les
peuples à disposer d'eux-mêmes, droit en vertu duquel ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement
leur développement économique, social et culturel,
Considérant
qu'aucune disposition de la présente Déclaration ne pourra être
invoquée pour dénier à un peuple quel qu'il soit son droit à
l'autodétermination,
Exhortant les
Etats à respecter et à mettre en oeuvre tous les instruments
internationaux, en particulier ceux relatifs aux droits de l'homme,
qui sont applicables aux peuples autochtones, en consultation et en
coopération avec les peuples concernés,
Soulignant
que l'Organisation des Nations unies a un
rôle important et continu à jouer dans la promotion et la protection
des droits des peuples autochtones,
Convaincue
que la présente Déclaration est une nouvelle étape importante dans
la voie de la reconnaissance, de la promotion et de la protection
des droits et libertés des peuples autochtones et dans le
développement des activités pertinentes des organismes des Nations
Unies dans ce domaine,
Proclame solennellement
la Déclaration des Nations unies
sur les droits des peuples autochtones dont le texte suit :
PREMIÈRE
PARTIE
Article premier
Les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement et
effectivement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés
fondamentales reconnus par la Charte des Nations unies, la
Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit
international relatif aux droits de l'homme.
Article 2
Les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous
les autres en dignité et en droits et ne doivent faire l'objet
d'aucune forme de discrimination défavorable fondée, en particulier,
sur leur origine ou identité.
DEUXIÈME PARTIE
Article 6
Les peuples autochtones ont le droit collectif d'exister librement
dans la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et d'être
pleinement protégés contre toute forme de génocide ou autre acte de
violence, y compris l'enlèvement d'enfants autochtones à leurs
familles et communautés, sous quelque prétexte que ce soit. Ils ont
aussi le droit individuel à la vie, à l'intégrité physique et
mentale, à la liberté et à la sûreté de la personne.
Article 7
Les peuples autochtones ont le droit, collectif et individuel,
d'être protégés contre l'ethnocide ou le génocide culturel,
notamment par des mesures visant à empêcher t réparer:
a) tout acte ayant pour
but ou pour effet de les priver de leur intégrité en tant que
Peuples distincts ou de leurs caractéristiques ou identités
culturelles ou ethniques ,
b) tout acte ayant pour but ou effet de les déposséder de leurs
terres, de leurs territoires ou de leurs ressources ;
c) toute forme de transfert de population ayant pour but ou pour
effet de porter atteinte à l'un quelconque de leurs droits ou de
l'éroder;
d) toute forme d'assimilation ou d'intégration à d'autres
cultures ou modes de vie imposée par des mesures législatives,
administratives ou autres ; et
e) toute forme de propagande dirigée contre eux.
Article 8
Les peuples autochtones ont le droit, collectif et individuel, de
conserver et de développer leurs caractéristiques et identités
distinctes, y compris le droit de revendiquer leur qualité
d'autochtones et d'être reconnus en tant que tels.
TROISIÈME PARTIE
Article 12
Les peuples autochtones ont le droit de faire renaître et de
perpétuer leurs coutumes et cultures traditionnelles. Cela comprend
le droit de conserver, protéger et développer les manifestations
matérielles passées, présentes et futures de leurs cultures, telles
que les sites archéologiques et historiques, l'artisanat, les
desseins et les modèles, les rites, les techniques, les arts visuels
et les arts du spectacle et de la littérature. Ils ont aussi droit à
la restitution des biens culturels, intellectuels, religieux et
spirituels qui leur ont été enlevés sans qu'ils y aient consenti
librement et en toute connaissance de cause, ou en violation de
leurs lois, traditions et coutumes.
Article 13
Les peuples autochtones ont le droit de manifester, pratiquer,
promouvoir et enseigner leurs traditions, coutumes et rites
religieux et spirituels; le droit d'entretenir et de protéger leurs
sites religieux et culturels et d'y avoir accès en privé; le droit
d'utiliser et de contrôler les objets rituels; et le droit au
rapatriement des restes humains.
Article 14
Les peuples autochtones ont le droit de faire renaître, d'utiliser,
de développer et de transmettre aux générations futures leur
histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie,
leur système d'écriture et leur littérature, ainsi que de choisir ou
de conserver leurs propres dénominations pour les communautés, les
lieux et les personnes.
Chaque fois qu'un des droits des peuples autochtones sera menacé,
les États prendront les mesures qui s'imposent pour le protéger et
pour faire en sorte que les intéressés puissent comprendre le
déroulement des procédures politiques, juridiques et administratives
et être eux-mêmes compris, grâce, le cas échéant, à l'assistance
d'interprètes ou par d'autres moyens appropriés.
QUATRIÈME PARTIE
Article 15
Les enfants autochtones ont le droit d'accéder à tous les niveaux et
à toutes les formes d'enseignement public. Tous les peuples
autochtones ont aussi ce droit et celui d'établir et de contrôler
leurs propres systèmes et établissements d'enseignement, de
dispenser un enseignement dans leurs propres langues,
conformément à leurs méthodes culturelles d'enseignement et
d'apprentissage.
Les enfants autochtones vivant à l'extérieur de leurs communautés
doivent avoir accès à un enseignement conforme à leur propre culture
et dispensé dans leur propre langue.
Les États feront en sorte que des ressources appropriées soient
affectées à cette fin.
Article 16
Les peuples autochtones ont droit à ce que toutes les formes
d'enseignement et d'information publique reflètent fidèlement la
dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs traditions, de
leur histoire et de leurs aspirations.
Les États prendront les mesures qui s'imposent, en concertation avec
les peuples autochtones, pour éliminer les préjugés et la
discrimination, promouvoir la tolérance et la compréhension et
instaurer de bonnes relations entre les peuples autochtones et tous
les secteurs de la société.
Article 17
Les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres médias
dans leurs propres langues. Ils ont aussi le droit d'accéder, sur un
pied d'égalité, à toutes les formes de médias non autochtones.
Les États prendront les mesures qui s'imposent pour faire en sorte
que les médias qui leur appartiennent reflètent dûment la diversité
culturelle des autochtones.
CINQUIÈME PARTIE
Article 19
Les peuples autochtones ont le droit de participer, s'ils le
souhaitent, pleinement et à tous les niveaux, à la prise de
décisions pouvant avoir des incidences sur leurs droits, leur mode
de vie et leur avenir, par l'intermédiaire de représentants qu'ils
auront choisis conformément à leurs propres procédures. Ils ont
aussi le droit de conserver et de développer leurs propres
institutions décisionnelles.
Article 20
Les peuples autochtones ont le droit de participer pleinement, s'ils
le souhaitent, suivant des procédures qu'ils auront déterminées, à
l'élaboration des mesures législatives ou administratives
susceptibles de les affecter.
Avant d'adopter et d'appliquer de telles mesures, les États doivent
obtenir le consentement, exigé librement et en toute connaissance de
cause, des peuples intéressés.
Article 21
Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de développer
leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, de jouir en toute
sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement
et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques,
traditionnelles ou autres. Les peuples autochtones qui ont été
privés de leurs moyens de subsistance ont droit à une indemnisation
juste et équitable.
Article 22
Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales visant à
améliorer de façon immédiate, effective et continue leur situation
économique et sociale, y compris dans les domaines de l'emploi, de
la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de
l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.
Il convient d'accorder une attention particulière aux droits et aux
besoins particuliers des personnes âgées, des femmes, des jeunes,
des enfants et des handicapés autochtones.
Article 23
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des
priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au
développement. En particulier, ils ont le droit de définir et de
développer tous les programmes de santé, de logement et autres
programmes économiques et sociaux les concernant et, autant que
possible, de les administrer par le biais de leurs propres
institutions.
SIXIÈME PARTIE
Article 25
Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer
les liens particuliers, spirituels et matériels, qui les unissent à
leurs terres, à leurs territoires, à leurs eaux fluviales et
côtières, et aux autres ressources qui constituent leur patrimoine,
ou qu'ils occupent ou exploitent, traditionnellement, et d'assumer
leurs responsabilités en la matière à l'égard des générations
futures.
Article 26
Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en
valeur, de gérer et d'utiliser leurs terres et territoires,
c'est-à-dire l'ensemble de leur environnement comprenant les terres,
l'air, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la
faune et autres ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou
exploitent traditionnellement. Cela inclut le droit à la pleine
reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur régime
foncier et des institutions d'exploitation et de gestion de leurs
ressources, ainsi que le droit à des mesures de protection efficaces
de la part des États contre toute ingérence ou toute aliénation ou
limitation de ces droits.
Article 27
Les peuples autochtones ont droit à la restitution des terres, des
territoires et des ressources qu'ils possédaient ou qu'ils
occupaient ou exploitaient traditionnellement et qui ont été
confisqués, occupés, utilisés ou dégradés sans leur libre
consentement, donné en connaissance de cause. Lorsque cela n'est pas
possible, ils ont droit à une indemnisation juste et équitable. Sauf
décision librement exprimée par les peuples concernés,
l'indemnisation se fera sous forme de terres, de territoires et de
ressources équivalents quant à leur qualité, leur importance et leur
statut juridique.
Article 28
Les peuples autochtones ont droit à la préservation, à la
restauration et à la protection de leur environnement dans son
ensemble et de la capacité de production de leurs terres,
territoires et ressources, ainsi qu'à une assistance à cet effet de
la part des états et par le biais de la coopération internationale.
Il ne pourra y avoir d'activités militaires sur les terres et
territoires des peuples autochtones sans leur accord librement
exprimé.
Les États feront en sorte qu'aucune matière dangereuse ne soit
stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples
autochtones.
Les États prendront aussi les mesures qui s'imposent pour assurer la
mise en oeuvre des programmes visant à surveiller, préserver et
restaurer la santé des peuples autochtones affectés par ces
matières, tels que conçus et exécutés par ces peuples.
Article 29
Les peuples autochtones ont droit à la pleine reconnaissance, à la
surveillance et à la protection de leur patrimoine culturel et
intellectuel.
Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales destinées
à leur permettre de contrôler, de développer et de protéger leurs
sciences, leurs techniques et les manifestations de leurs cultures,
y compris leurs ressources humaines et autres ressources génétiques,
leurs semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés
de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur
littérature, leurs desseins et modèles, leurs arts visuels et leurs
arts du spectacle.
SEPTIÈME PARTIE
Article 31
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à disposer
d'eux-mêmes sous une forme qui leur est propre, ont le droit d'être
autonomes et de s'administrer eux-mêmes en ce qui concerne les
questions relevant de leurs affaires intérieures et locales,
notamment la culture, la religion, l'éducation, l'information, les
médias, la santé, le logement, l'emploi, la protection sociale, les
activités économiques, l'administration des terres et des
ressources, l'environnement et l'accès de non-membres à leur
territoire, ainsi que les moyens de financer ces activités
autonomes.
Article 33
Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et
de conserver leurs structures institutionnelles ainsi que leurs
propres coutumes, traditions, procédures et pratiques juridiques en
conformité avec les normes internationalement reconnues dans le
domaine des droits de l'homme.
Article 34
Les peuples autochtones ont le droit collectif de déterminer les
responsabilités des individus envers leurs communautés.
Article 35
Les peuples autochtones, en particulier ceux qui sont divisés par
des frontières internationales, ont le droit d'entretenir et de
développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et
des liens de coopération avec les autres peuples, notamment dans les
domaines spirituel, culturel, politique, économique et social.
Les États prendront les mesures qui s'imposent pour garantir
l'exercice et la jouissance de ce droit.
Article 36
Les peuples autochtones ont le droit d'exiger que les traités,
accords et autres arrangements constructifs conclus avec des États
ou leurs successeurs soient reconnus, honorés, respectés et
appliqués par les États conformément à leur esprit et à leurs buts
originels. Les différends qui ne peuvent être réglés par d'autres
moyens doivent être soumis aux instances internationales compétentes
choisies d'un commun accord par toutes les parties concernées.
HUITIÈME PARTIE
Article 38
Les peuples autochtones ont le droit de recevoir une assistance
financière et technique adéquate, de la part des États et au titre
de la coopération internationale, pour poursuivre librement leur
développement politique, économique, social, culturel et spirituel
et pour jouir des droits et libertés reconnus dans la présente
déclaration.
Article 39
Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès à des procédures
mutuellement acceptables et équitables pour résoudre les conflits ou
les différends avec des états et d'obtenir de promptes décisions en
la matière. Ils ont également droit à des voies de recours efficaces
pour toutes violations de leurs droits individuels et collectifs.
Toute décision tiendra compte des coutumes, traditions, règles et
systèmes juridiques des peuples autochtones concernés.
NEUVIÈME PARTIE
Article 42
Les droits reconnus dans la présente Déclaration constituent les
normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au
bien-être des peuples autochtones du monde.
Article 44
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être
interprétée comme entraînant la diminution ou l'extinction de droits
que les peuples autochtones peuvent déjà avoir ou sont susceptibles
d'acquérir.
Article 45
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être
interprétée comme conférant à un État, à un groupe ou à un individu
le droit de se livrer à une activité ou à un acte contraire à la
Charte des Nations unies. |