Déclaration universelle des droits des peuples autochtones

(1993)

Organisation des Nations unies

Texte complet de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones

Seuls les articles 14, 15, 16 et 17 portent sur les langues.

Voir aussi:  
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966);
- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966);
- la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965);

PRÉAMBULE

Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples en dignité et en droits, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples à être différents, à s'estimer différents et à être respectés en tant que tels,

Affirmant aussi que tous les peuples contribuent à la diversité et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de l'humanité,

Affirmant en outre que toutes les doctrines, politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d'individus en se fondant sur des différences d'ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement injustes,

Réaffirmant que les peuples autochtones, dans l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination,

Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont été privés de leurs droits de l'homme et de leurs libertés fondamentales et qu'entre autres conséquences, ils ont été colonisés et dépossédés de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts,

Reconnaissant la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits et caractéristiques intrinsèques des peuples autochtones, en particulier leurs droits à leurs terres, à leurs territoires et à leurs ressources, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie,

Se félicitant du fait que les peuples autochtones s'organisent pour améliorer leur situation sur les plans politique, économique, social et culturel et mettre fin à toutes les formes de discrimination et d'oppression partout où elles se produisent,

Convaincue que le contrôle par les peuples autochtones des événements qui les concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur permettra de renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et de promouvoir leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins,

Reconnaissant aussi que le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l'environnement et à sa bonne gestion,

Soulignant la nécessité de démilitariser les terres et territoires des peuples autochtones et de contribuer ainsi à la paix, au progrès et au développement économiques et sociaux, à la compréhension et aux relations amicales entre les nations et les peuples du monde,

Reconnaissant , en particulier, le droit des familles et des communautés autochtones à conserver la responsabilité partagée de l'éducation, de la formation, de l'instruction et du bien-être de leurs enfants,

Reconnaissant aussi que les peuples autochtones ont le droit de déterminer librement leurs rapports avec les Etats, dans un esprit de coexistence, d'intérêt mutuel et de plein respect,

Considérant que les traités, accords et autres arrangements entre les États et les peuples autochtones sont un sujet légitime de préoccupation et de responsabilité internationales,

Reconnaissant que la Charte des Nations unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques affirment l'importance fondamentale du droit de tous les peuples à disposer d'eux-mêmes, droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel,

Considérant qu'aucune disposition de la présente Déclaration ne pourra être invoquée pour dénier à un peuple quel qu'il soit son droit à l'autodétermination,

Exhortant les Etats à respecter et à mettre en oeuvre tous les instruments internationaux, en particulier ceux relatifs aux droits de l'homme, qui sont applicables aux peuples autochtones, en consultation et en coopération avec les peuples concernés,

Soulignant que l'Organisation des Nations unies a un rôle important et continu à jouer dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones,

Convaincue que la présente Déclaration est une nouvelle étape importante dans la voie de la reconnaissance, de la promotion et de la protection des droits et libertés des peuples autochtones et dans le développement des activités pertinentes des organismes des Nations Unies dans ce domaine,

Proclame solennellement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dont le texte suit :

 PREMIÈRE PARTIE

Article premier

Les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement et effectivement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international relatif aux droits de l'homme.

Article 2

Les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres en dignité et en droits et ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination défavorable fondée, en particulier, sur leur origine ou identité.

DEUXIÈME PARTIE

Article 6

Les peuples autochtones ont le droit collectif d'exister librement dans la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et d'être pleinement protégés contre toute forme de génocide ou autre acte de violence, y compris l'enlèvement d'enfants autochtones à leurs familles et communautés, sous quelque prétexte que ce soit. Ils ont aussi le droit individuel à la vie, à l'intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sûreté de la personne.

Article 7

Les peuples autochtones ont le droit, collectif et individuel, d'être protégés contre l'ethnocide ou le génocide culturel, notamment par des mesures visant à empêcher t réparer:

a) tout acte ayant pour but ou pour effet de les priver de leur intégrité en tant que Peuples distincts ou de leurs caractéristiques ou identités culturelles ou ethniques ,

b) tout acte ayant pour but ou effet de les déposséder de leurs terres, de leurs territoires ou de leurs ressources ;

c) toute forme de transfert de population ayant pour but ou pour effet de porter atteinte à l'un quelconque de leurs droits ou de l'éroder;

d) toute forme d'assimilation ou d'intégration à d'autres cultures ou modes de vie imposée par des mesures législatives, administratives ou autres ; et

e) toute forme de propagande dirigée contre eux.

Article 8

Les peuples autochtones ont le droit, collectif et individuel, de conserver et de développer leurs caractéristiques et identités distinctes, y compris le droit de revendiquer leur qualité d'autochtones et d'être reconnus en tant que tels.

TROISIÈME PARTIE

Article 12

Les peuples autochtones ont le droit de faire renaître et de perpétuer leurs coutumes et cultures traditionnelles. Cela comprend le droit de conserver, protéger et développer les manifestations matérielles passées, présentes et futures de leurs cultures, telles que les sites archéologiques et historiques, l'artisanat, les desseins et les modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et les arts du spectacle et de la littérature. Ils ont aussi droit à la restitution des biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été enlevés sans qu'ils y aient consenti librement et en toute connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.

Article 13

Les peuples autochtones ont le droit de manifester, pratiquer, promouvoir et enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d'entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d'y avoir accès en privé; le droit d'utiliser et de contrôler les objets rituels; et le droit au rapatriement des restes humains.

Article 14

Les peuples autochtones ont le droit de faire renaître, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d'écriture et leur littérature, ainsi que de choisir ou de conserver leurs propres dénominations pour les communautés, les lieux et les personnes.

Chaque fois qu'un des droits des peuples autochtones sera menacé, les États prendront les mesures qui s'imposent pour le protéger et pour faire en sorte que les intéressés puissent comprendre le déroulement des procédures politiques, juridiques et administratives et être eux-mêmes compris, grâce, le cas échéant, à l'assistance d'interprètes ou par d'autres moyens appropriés.

QUATRIÈME PARTIE

Article 15

Les enfants autochtones ont le droit d'accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d'enseignement public. Tous les peuples autochtones ont aussi ce droit et celui d'établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements d'enseignement, de dispenser un enseignement dans leurs propres langues, conformément à leurs méthodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.

Les enfants autochtones vivant à l'extérieur de leurs communautés doivent avoir accès à un enseignement conforme à leur propre culture et dispensé dans leur propre langue.

Les États feront en sorte que des ressources appropriées soient affectées à cette fin.

Article 16

Les peuples autochtones ont droit à ce que toutes les formes d'enseignement et d'information publique reflètent fidèlement la dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs traditions, de leur histoire et de leurs aspirations.

Les États prendront les mesures qui s'imposent, en concertation avec les peuples autochtones, pour éliminer les préjugés et la discrimination, promouvoir la tolérance et la compréhension et instaurer de bonnes relations entre les peuples autochtones et tous les secteurs de la société.

Article 17

Les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres médias dans leurs propres langues. Ils ont aussi le droit d'accéder, sur un pied d'égalité, à toutes les formes de médias non autochtones.

Les États prendront les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les médias qui leur appartiennent reflètent dûment la diversité culturelle des autochtones.

CINQUIÈME PARTIE

Article 19

Les peuples autochtones ont le droit de participer, s'ils le souhaitent, pleinement et à tous les niveaux, à la prise de décisions pouvant avoir des incidences sur leurs droits, leur mode de vie et leur avenir, par l'intermédiaire de représentants qu'ils auront choisis conformément à leurs propres procédures. Ils ont aussi le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.

Article 20

Les peuples autochtones ont le droit de participer pleinement, s'ils le souhaitent, suivant des procédures qu'ils auront déterminées, à l'élaboration des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter.

Avant d'adopter et d'appliquer de telles mesures, les États doivent obtenir le consentement, exigé librement et en toute connaissance de cause, des peuples intéressés.

Article 21

Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de développer leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, de jouir en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles ou autres. Les peuples autochtones qui ont été privés de leurs moyens de subsistance ont droit à une indemnisation juste et équitable.

Article 22

Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales visant à améliorer de façon immédiate, effective et continue leur situation économique et sociale, y compris dans les domaines de l'emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.

Il convient d'accorder une attention particulière aux droits et aux besoins particuliers des personnes âgées, des femmes, des jeunes, des enfants et des handicapés autochtones.

Article 23

Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit de définir et de développer tous les programmes de santé, de logement et autres programmes économiques et sociaux les concernant et, autant que possible, de les administrer par le biais de leurs propres institutions.

SIXIÈME PARTIE

Article 25

Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer les liens particuliers, spirituels et matériels, qui les unissent à leurs terres, à leurs territoires, à leurs eaux fluviales et côtières, et aux autres ressources qui constituent leur patrimoine, ou qu'ils occupent ou exploitent, traditionnellement, et d'assumer leurs responsabilités en la matière à l'égard des générations futures.

Article 26

Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en valeur, de gérer et d'utiliser leurs terres et territoires, c'est-à-dire l'ensemble de leur environnement comprenant les terres, l'air, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la faune et autres ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent traditionnellement. Cela inclut le droit à la pleine reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur régime foncier et des institutions d'exploitation et de gestion de leurs ressources, ainsi que le droit à des mesures de protection efficaces de la part des États contre toute ingérence ou toute aliénation ou limitation de ces droits.

Article 27

Les peuples autochtones ont droit à la restitution des terres, des territoires et des ressources qu'ils possédaient ou qu'ils occupaient ou exploitaient traditionnellement et qui ont été confisqués, occupés, utilisés ou dégradés sans leur libre consentement, donné en connaissance de cause. Lorsque cela n'est pas possible, ils ont droit à une indemnisation juste et équitable. Sauf décision librement exprimée par les peuples concernés, l'indemnisation se fera sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents quant à leur qualité, leur importance et leur statut juridique.

Article 28

Les peuples autochtones ont droit à la préservation, à la restauration et à la protection de leur environnement dans son ensemble et de la capacité de production de leurs terres, territoires et ressources, ainsi qu'à une assistance à cet effet de la part des états et par le biais de la coopération internationale. Il ne pourra y avoir d'activités militaires sur les terres et territoires des peuples autochtones sans leur accord librement exprimé.

Les États feront en sorte qu'aucune matière dangereuse ne soit stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones.

Les États prendront aussi les mesures qui s'imposent pour assurer la mise en oeuvre des programmes visant à surveiller, préserver et restaurer la santé des peuples autochtones affectés par ces matières, tels que conçus et exécutés par ces peuples.

Article 29

Les peuples autochtones ont droit à la pleine reconnaissance, à la surveillance et à la protection de leur patrimoine culturel et intellectuel.

Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales destinées à leur permettre de contrôler, de développer et de protéger leurs sciences, leurs techniques et les manifestations de leurs cultures, y compris leurs ressources humaines et autres ressources génétiques, leurs semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur littérature, leurs desseins et modèles, leurs arts visuels et leurs arts du spectacle.

SEPTIÈME PARTIE

Article 31

Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à disposer d'eux-mêmes sous une forme qui leur est propre, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes en ce qui concerne les questions relevant de leurs affaires intérieures et locales, notamment la culture, la religion, l'éducation, l'information, les médias, la santé, le logement, l'emploi, la protection sociale, les activités économiques, l'administration des terres et des ressources, l'environnement et l'accès de non-membres à leur territoire, ainsi que les moyens de financer ces activités autonomes.

Article 33

Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles ainsi que leurs propres coutumes, traditions, procédures et pratiques juridiques en conformité avec les normes internationalement reconnues dans le domaine des droits de l'homme.

Article 34

Les peuples autochtones ont le droit collectif de déterminer les responsabilités des individus envers leurs communautés.

Article 35

Les peuples autochtones, en particulier ceux qui sont divisés par des frontières internationales, ont le droit d'entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec les autres peuples, notamment dans les domaines spirituel, culturel, politique, économique et social.

Les États prendront les mesures qui s'imposent pour garantir l'exercice et la jouissance de ce droit.

Article 36

Les peuples autochtones ont le droit d'exiger que les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des États ou leurs successeurs soient reconnus, honorés, respectés et appliqués par les États conformément à leur esprit et à leurs buts originels. Les différends qui ne peuvent être réglés par d'autres moyens doivent être soumis aux instances internationales compétentes choisies d'un commun accord par toutes les parties concernées.

HUITIÈME PARTIE

Article 38

Les peuples autochtones ont le droit de recevoir une assistance financière et technique adéquate, de la part des États et au titre de la coopération internationale, pour poursuivre librement leur développement politique, économique, social, culturel et spirituel et pour jouir des droits et libertés reconnus dans la présente déclaration.

Article 39

Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès à des procédures mutuellement acceptables et équitables pour résoudre les conflits ou les différends avec des états et d'obtenir de promptes décisions en la matière. Ils ont également droit à des voies de recours efficaces pour toutes violations de leurs droits individuels et collectifs. Toute décision tiendra compte des coutumes, traditions, règles et systèmes juridiques des peuples autochtones concernés.

NEUVIÈME PARTIE

Article 42

Les droits reconnus dans la présente Déclaration constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde.

Article 44

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme entraînant la diminution ou l'extinction de droits que les peuples autochtones peuvent déjà avoir ou sont susceptibles d'acquérir.

Article 45

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme conférant à un État, à un groupe ou à un individu le droit de se livrer à une activité ou à un acte contraire à la Charte des Nations unies.

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