En 2009, l'île comptait 2768 habitants qui se répartissent dans
quelques petites localités: Zeelandia, Concordia, Fort de Windt, Fort
Amsterdam, Fort Nassau et Fort Royal. La majorité de la population est
composée des descendants d'esclaves noirs africains.
Selon le recensement de 2001, quelque 45 % des
insulaires étaient nés à Sint Eustatius et 78 % étaient de
nationalité néerlandaise. Dans le domaine des langues, 83 % des
Eustachois utilisaient l'anglais comme langue principale à la
maison, contre 8 % pour l'espagnol et 4 % pour le néerlandais.
Le néerlandais et l'anglais sont les véritables langues
officielles de l'île. L'anglais parlé par la plupart des
Eustachois est un anglais local relativement créolisé. Bref, les
Eustachois maîtrisent un anglais familier, pas l'anglais
standard.
3 Données
historiques
Découverte par Christophe Colomb (1493), Sint Eustatius fut occupée d’abord par les
Espagnols, puis alternativement par les Anglais, les Français et les
Hollandais; l’île changea de mains au moins 22 fois en 80 ans de guerre,
avant de rester définitivement hollandaise en 1816. L’arrivée des Européens
avait eu comme résultat immédiat de décimer entièrement la population
autochtone (les Caraïbes).
En 1629, les Français tentèrent une première colonisation;
le capitaine Antoine-Jean Giron y fit construire un fort au
nom de François de Rotondy, sieur de
Cahuzac, chef d'escadre envoyé par le cardinal de Richelieu
et la Compagnie de Saint-Christophe. Le fort fut abandonné
et les Hollandais l'occupèrent quelques années plus tard.
3.1 Les Hollandais
L’île devint la propriété de la Compagnie néerlandaise des Indes
occidentales en 1632. Au XVIIIe siècle, la compagnie en fit l'un des
centres principaux du commerce antillais (esclavage, sucre, tabac et coton), ce
qui lui valut le surnom de Golden Rock (le «rocher d'Or»), en souvenir
de cette ère de prospérité. La port d’Oranjestad, exempté de taxe, devint
l’un des plus florissants de toutes les Antilles. Quelque 8000 personnes, des
commerçants blancs et des esclaves noirs, habitèrent en permanence la petite
île de 21 km²
au cours du XVIIIe siècle, alors que 3500 bateaux
faisaient escale chaque année sur ses rivages; dans les périodes de pointe, l’île
comptait jusqu’à 20 000 personnes; des commerçants juifs séfarades venus d’Amsterdam
y établirent des postes de ravitaillement.
En 1756, l'un des bateaux des déportés acadiens, qui se
dirigeait vers la colonie britannique de New York, fut pris dans une tempête et
repoussé jusque dans les Antilles. Le navire débarqua sa petite cargaison de
quelques dizaines d'Acadiens dans l'île britannique d'Antigua, au nord de la
Guadeloupe. Mais le gouverneur d'Antigua les renvoya aussitôt à l'île de
Saint-Christophe (devenue aussi une colonie britannique) située un peu plus à
l'ouest, où ils séjournèrent quelques mois, soit du 25 janvier 1756 au 1er
avril 1756. De là, ils furent réexpédiés dans l'île hollandaise de
Saint-Eustache (Sint Eustatius), où ils arrivèrent le 8 avril. Désireux
d'économiser des frais de nourriture, le gouverneur de l'île, Jan de Windt
(1754-1775), présenta une requête auprès des autorités de la Martinique pour
recevoir de l'aide. Celle-ci n'accepta que 28 personnes: un homme âgé de 75 ans,
avec ses quatre fils et leurs femmes, puis les 19 enfants. Les autres Acadiens
demandèrent d'être renvoyés au Canada ou à l'île Royale (Cap-Breton), mais la
guerre avait coupé toutes les communications maritimes. Les exilés étaient
placés dans l'obligation de demeurer sur l'île; les survivants se fondirent dans
la population locale restée encore aujourd'hui un territoire néerlandais.
Le 16 novembre 1776, les habitants ainsi que le gouverneur de Fort Oranje,
Johannes de Graaff, saluèrent l’arrivée du navire de guerre Andrew Doria qui
arborait le nouveau drapeau américain à étoiles; de ce fait, ils furent le
premier État à reconnaître officiellement les États-Unis comme nation
indépendante. Durant toute la guerre de l’indépendance américaine
(1776-1783), Sint Eustatius se transforma aussitôt en centre de ravitaillement
en nourriture et en armes pour les troupes de Georges Washington. Durant cette
époque, Sint Eustatius resta la seule liaison entre l'Europe et les colonies
américaines; même Benjamin Franklin faisait acheminer son courrier par l’île Sint Eustatius (Statia) pour assurer une livraison sûre.
Cet engagement trop partisan provoqua
la colère de l'Angleterre en guerre contre la Hollande (depuis 1781). La
vengeance de George Brydges Rodney, l'amiral anglais, ne se fit pas attendre. Il
confisqua tous les biens, entrepôts et navires (150 bateaux marchands) des
Statiens. Étonné de trouver si peu d'argent pour une île réputée riche, il
fit ouvrir plusieurs tombeaux recouverts depuis peu et trouva de l’or que les
marchands juifs de l'île avaient caché. Les Anglais pillèrent l’île et l’abandonnèrent
à son sort.
Les Français l’occupèrent pendant trois ans, avant de se faire expulser
par les Hollandais; cette valse entre Britanniques, Français et Hollandais se
perpétua jusqu’en 1816. Mais les Statiens ne se remirent jamais du pillage
britannique, ni des changements d’allégeance entre les trois puissances
européennes. L'émancipation des esclaves en 1863 donna le coup de mort à l’économie
de Sint Eustatius. La plupart des insulaires quittèrent Sint Eustatius et ceux
qui restèrent furent réduits à poursuivre une agriculture de subsistance et
à la dépendance économique. Durant la Seconde Guerre mondiale, Sint Eustatius
servit de relais commercial entre Saint-Martin / Sint Maarten et les
États-Unis. L'importance de Sint Eustatius prit des proportions énormes en ce
qui a trait au commerce «déguisé» avec les États-Unis: les cargaisons
étaient réexpédiées vers les États-Unis comme des produits
«britanniques»,
alors qu'ils étaient bien souvent français à l'origine.
3.2 L’autonomie administrative
En 1954, Sint Eustatius obtint l’autonomie administrative au même titre
que les autres îles hollandaises. L’île fait partie des Territoires néerlandais
d'outre-mer tout en demeurant membre du royaume des Pays-Bas. Mais le marasme
économique s’est poursuivi. Alors qu’en 1790 la population permanente
atteignait 8000 personnes, elle est aujourd’hui de 2700, et vit principalement
d’agriculture et de tourisme.
En octobre 2010, Sint Eustatius devint une commune néerlandaise à
statut particulier. À l'instar de deux autres îles néerlandaises
(Bonaire et Saba), Sint Eustatius
a voté en faveur des
liens directs avec les Pays-Bas et fait maintenant partie des Pays-Bas,
constituant ainsi une partie des «Caraïbes des Pays-Bas». Chacune des îles a le statut d'un organisme public au sens de l'article
134 de la Constitution néerlandaise. En fait, le statut est
maintenant celui des communes néerlandaises, avec des ajustements pour
leur petite taille, leur éloignement par rapport aux Pays-Bas et leur situation
géographique dans la région des Caraïbes. Les articles 1bis et 2 définissent le
rôle du souverain néerlandais dans les États. Voici l'article 1er
de la Charte du royaume des Pays-Bas:
Artikel 1
1) Het Koninkrijk omvat de landen Nederland, Aruba, Curaçao en
Sint Maarten.
2) Bonaire, Sint Eustatius en Saba maken elk deel uit van het
staatsbestel van Nederland. Voor deze eilanden kunnen regels worden
gesteld en andere specifieke maatregelen worden getroffen met het
oog op de economische en sociale omstandigheden, de grote afstand
tot het Europese deel van Nederland, hun insulaire karakter, kleine
oppervlakte en bevolkingsomvang, geografische omstandigheden, het
klimaat en andere factoren waardoor deze eilanden zich wezenlijk
onderscheiden van het Europese deel van Nederland. |
Article 1er
1) Le Royaume comprend les États des
Pays-Bas, d'Aruba, de Curaçao et de Sint Maarten.
2) Bonaire, Saint-Eustache et Saba représentent chacun une
partie du régime politique des Pays-Bas. Ces îles peuvent élaborer
des règlements et autres mesures spécifiques pour respecter leurs
conditions économiques et sociales, leur éloignement de la partie
européenne des Pays-Bas, leur insularité, leur faible superficie et
la taille de leur population, leur géographie, leur climat et autres
facteurs insulaires, qui diffèrent sensiblement de la partie
européenne des Pays-Bas. |
L'île de Sint Estatitus est devenue un organisme public néerlandais
qui a le pouvoir de réglementer ses affaires intérieures. Pour
ce faire, Sint Eustatius dispose d'un exécutif local et d'un conseil local. Les
habitants de cet organisme public sont habilités à voter lors des élections à la
Chambre néerlandaise des représentants, ainsi qu'aux élections au Parlement
européen. La petite île de Sint Eustatius dispose maintenant de deux niveaux de gouvernement, à savoir l'autorité
locale et le gouvernement central néerlandais. D'une manière générale, le
gouvernement central a repris les fonctions exercées antérieurement par les
autorités des Antilles néerlandaises. Le gouvernement local demeure sous le
contrôle de l'ensemble des représentants locaux («le conseil de l'île»). Saba
ne fait pas partie de l'Union européenne, mais l'île a le statut de commune des
Pays-Bas et celui de territoire d'outre-mer (PTOM).
En conséquence, les îles néerlandaises
BES de Bonaire,
de Sint Eustatius et de Saba jouissent d'un certain nombre d'avantages, par exemple
lorsqu'il s'agit d'exportation de biens vers l'Union européenne. En outre, ces îles reçoivent
des subventions du Fonds européen de développement (FED). Puisque les citoyens de
ces territoires néerlandais sont des ressortissants néerlandais, ils peuvent aussi voter aux élections au Parlement européen.
4 La politique
linguistique
La politique linguistique de la commune spéciale de Sint Eustatius n'est pas précisée
dans des textes juridiques locaux. Il existe cependant des lois adoptées par les
Pays-Bas:
-
Loi du 15 septembre 2005
fixant les règles sur l'obligation pour
les autorités publiques, dans le cas des établissements d'enseignement financés par
le Trésor public, ainsi que pour les examens pour lesquels des règlements sont adoptés et
sur le respect de l'orthographe du néerlandais qui doit être
décidée par l'Union de la langue néerlandaise;
-
Loi provisoire sur les langues
officielles des îles BES (2010);
-
Loi d'exécution des organismes
publics de Bonaire, de Sint Eustatius et de Saba (2011).
Néanmoins, des décisions locales ont été prises en matière
de langue.
En principe, le néerlandais est
la langue de l'État néerlandais, mais l'anglais à Sint Eustatius
est facultatif en matière administrative. En fait, tout citoyen peut demander de
recevoir des services dans la langue de son choix :
Artikel 4d
1) Een ieder kan de Nederlandse taal gebruiken in het verkeer met
de in artikel 4b, eerste lid, bedoelde organen en personen.
2) Een ieder kan:
a. het Papiaments gebruiken in het verkeer met de organen van het
openbaar lichaam Bonaire;
b. het Engels gebruiken in het verkeer met de organen van het
openbaar lichaam Sint Eustatius of Saba.
3) Een ieder kan het Papiaments ofwel het Engels gebruiken in
het verkeer met de Rijksvertegenwoordiger en met personen die in de
openbare lichamen werkzaam zijn onder verantwoordelijkheid van de
centrale overheid.
4) Het tweede en derde lid gelden niet, indien het orgaan of de
persoon heeft verzocht de Nederlandse taal te gebruiken op de grond, dat
het gebruik van het Papiaments of het Engels tot een onevenredige
belasting van het bestuurlijk verkeer zou leiden. |
Article 4d
1) Quiconque peut employer la
langue néerlandaise dans ses relations avec les organismes et les
individus, conformément au premier paragraphe de l'article 4b.
2) Quiconque peut:
a. employer le
papiamento dans ses relations avec les institutions de
l'organisme public de Bonaire;
b. employer l'anglais dans ses relations avec les institutions
de l'organisme public de Sint Eustatius et de Saba.
3)
Quiconque peut employer l'anglais ou le
papiamento dans ses relations avec le représentant de l'État et avec
les employés des organismes publics œuvrant sous la responsabilité
du gouvernement central.
4) Les paragraphes 2 et 3 ne s'appliquent pas si un organisme
ou un individu a demandé d'employer la langue néerlandaise, alors
que l'emploi du papiamento ou de l'anglais se traduirait par un
fardeau excessif en matière administrative. |
Mais le paragraphe 4 prévoit une
dérogation au libre choix. Il ne faut pas que l'emploi de l'anglais se
traduise par un fardeau excessif en matière administrative, que ce soit au
point de vue des coûts ou des services. Même un document officiel peut ne
pas être traduit en néerlandais, «à moins qu'il soit raisonnable de croire
que ce n'est pas nécessaire» (art. 4j).
4
.1
Le Conseil de l'île et justice
Le Conseil de l'île de Sint Eustatius
n'emploie que le néerlandais dans la rédaction et
la promulgation des ordonnances, mais les débats des conseillers municipaux se
font généralement en anglais local.
En principe, les tribunaux ne reconnaissent que le néerlandais, mais dans
les communications orales l'anglais et ses variantes locales sont couramment utilisés. Cependant, dans les tribunaux de haute instance, ainsi que la Cour suprême des Pays-Bas, seul
le néerlandais est admis.
4.2 Les langues de l’Administration
Bien que le néerlandais soit la langue
officielle de l’Administration, l'anglais standard est concurremment employé
comme langue co-officielle à Sint Eustatius, sauf dans les
documents officiels avec les Pays-Bas. En fait, à l'oral, l'anglais est la langue universelle,
que ce soit dans les assemblées, les réunions et les communications avec les
citoyens. Dans l’Administration
du royaume des Pays-Bas, le néerlandais reste la seule langue d’usage.
4.3 Le système d’éducation et l'enseignement des
langues
C'est le Département de l'éducation et de la culture qui est le responsable
des écoles publiques à
Sint Eustatius, ainsi que le ministère néerlandais de l'Éducation, de la Culture et des Sciences. L'instruction publique
reste basée sur le système d'éducation néerlandais, mais c'est le néerlandais et
l'anglais se disputent depuis longtemps la prépondérance dans l'enseignement. Au
début du XXe siècle, l'anglais constituait la langue d'enseignement
dans les écoles. En 1933, l'enseignement du néerlandais fut introduit à la place
de l'anglais, car
la connaissance de la langue néerlandaise paraissait
nécessaire pour faire carrière au sein du gouvernement. Cependant, en 1976, le
Conseil exécutif décida que l'enseignement serait dorénavant en anglais et que
le néerlandais serait enseigné comme langue seconde. Puis, lors de la réforme
constitutionnelle de 2010, le public a lancé un appel urgent de faire du
néerlandais la langue d'enseignement au niveau primaire.
Bref, ce va-et-vient entre la langue anglaise et néerlandaise
semble une constante dans l'enseignement à Sint Eustatius: c'est le "Duivelse
Spiralen" ou en anglais "Devilish Spiral" ("spirale diabolique"). Avec
l'intégration de l'île de Sint Eustatius dans le Royaume des Pays-Bas,
l'enseignement du néerlandais devrait s'accentuer. Personne n'est contre
l'enseignement de l'anglais dans les écoles primaires, mais les parents aussi
que leurs enfants ont besoin de maîtriser le néerlandais à un niveau plus élevé
qu'ils ne le sont aujourd'hui afin de réussir à l'école secondaire.
L'École universitaire de médecine de Sint Eustatius (University
of Sint Eustatius School of Medicine) dispense en anglais un enseignement
spécialisé en médecine.
4.4 Les médias
Il n'existe pas de quotidien publié à Sint Eustatius. Des magazines américains sont disponibles dans
les librairies (en anglais); d'autres proviennent de l'État de Sint Maarten.
Dans les médias électroniques, il existe deux ou trois
stations de radio qui diffusent en anglais et en néerlandais. La Radio Pays-Bas
Internationale ("Radio Nederland Wereld Omroep"), une station publique
indépendante des Pays-Bas, diffuse dans le monde entier, notamment à Sint
Eustatius.
La politique de la commune néerlandaise de
Sint Eustatius
est peu élaborée. Le néerlandais demeure la première langue
officielle, même s'il est très peu utilisé en public par la population. Mais c'est la
langue des lois et de l'Administration des Pays-Bas. Partout ailleurs, c'est
l'anglais qui domine, que ce soit dans les écoles, les médias, le tourisme et
les affaires. Il ne faut pas de doute que l'anglais a évincé la langue coloniale
qu'a été le néerlandais.