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Province de Terre-Neuve-
et-Labrador |
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Terre-Neuve-et-Labrador
(Newfoundland and
Labrtador)
(Canada)
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1 Situation générale
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La province de Terre-Neuve (en anglais:
Newfoundland) est située à l'est du Canada. Elle
est composée de l'île de Terre-Neuve et de la partie orientale de la région du Labrador, bordée à l'est et au sud par l'océan Atlantique et à l'ouest par le golfe du
Saint-Laurent (voir
la carte détaillée). Depuis 2001, la province est appelée
Terre-Neuve-et-Labrador
(Newfoundland and Labrador). L'île
elle-même est séparée de la côte par le détroit de Belle-Isle. Les îles
Saint-Pierre-et-Miquelon,
un territoire français d'outre-mer (statut officiel de «Collectivité
territoriale française»), sont situées au sud de Terre-Neuve.
D'une superficie de 402 346 km ²,
Terre-Neuve est la septième province canadienne par la taille. Sa capitale est Saint John's.
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Le nom de Terre-Neuve semble l'un des plus anciens toponymes
de la côte est du Canada. Le territoire fut d'abord appelé
New Founde Isle
(«île nouvelle») par Giovanni Caboto (devenu John Cabot) qui, parti de Bristol, a navigué vers l'ouest
pour y accoster en 1497. En 1502, le nom New Found Launde était utilisé
dans les documents officiels en anglais. La version française
Terre-Neuve
est apparue en1510, alors que Giovanni da Verrazano a employé le terme
Terra Nova
sur une carte de 1529. Terre-Neuve (en anglais:
Newfoundland) fut la dixième province à entrer dans la
Confédération canadienne, le 31 mars 1949.
En octobre 2001, une modification
constitutionnelle, adoptée par la Chambre des communes, le Sénat et la
Législature provinciale, a eu pour effet de changer le nom officiel de
Terre-Neuve en Terre-Neuve-et-Labrador
(en anglais: Newfoundland and Labrador). Cette modification entrait en
vigueur le 6 décembre 2001.
2
Données démolinguistiques
La province de Terre-Neuve est la province anglaise la
plus unilingue de tout le Canada avec 97,2 % d'anglophones:
Province
(2021) |
Population totale
(en
milliers) |
Anglais |
Français |
Autres langues |
Saskatchewan |
504 805 |
486 560
(96,3 %) |
2 215
(0,4 %) |
12 785
(2,5 %) |
2.1 Les anglophones
Au début du XVIIIe
siècle, la population anglophone était essentiellement des pêcheurs et des commerçants surtout
originaires du sud-ouest de l'Angleterre et du sud-est de l'Irlande; ils
parlaient un anglais régional ou l'irlandais (une langue celtique).
Les anglophones de Terre-Neuve parlent encore aujourd'hui un anglais régional
assez caractéristique. Ainsi, cet anglais local privilégie un [v] initial et un
[z] au lieu de [f] et de [s] dans ''a vine zummer'' pour ''
a
fine summer'' («un
bel été»).
Cet anglais, plus archaïsant, comporte des prononciations particulières et un
rythme plus rapide que l'anglais des autres Canadiens. Mais l'un des traits les
plus distinctifs réside dans le vocabulaire qui comprend des mots inuits et
amérindiens (par exemple tabanask, une sorte de traîneau), des termes
anglais anciens qu'on ne trouve plus ailleurs (par exemple pook, un
monticule de foin), des mots composés créés à partir de mots anglais pour
décrire des réalités particulières à Terre-Neuve (par exemple stun breeze,
pour désigner un vent d'au moins 20 nœuds ou 37 km/h), des mots anglais ayant
subi un changement de sens (par exemple rind, l'écorce d'un arbre) et des
mots uniques dont les origines semblent inconnues (par exemple diddies,
un cauchemar).
Bref, l'emploi d'un anglais oral
non standard demeure relativement élevé dans l'île de Terre-Neuve, qui est
restée en dehors du courant du développement social, politique et économique de
l'Amérique du Nord pendant la plus grande partie de son histoire. Au moment où
la colonie de Terre-Neuve acceptait de se joindre au Canada en 1949, les plus
vieilles régions des dialectes anglo-saxons avaient connu environ trois cents
ans de développement local avec une influence minimale de l'anglais standard.
Cette situation a favorisé un certain nombre de sous-systèmes linguistiques
locaux, en particulier dans la prononciation et la grammaire. Toutefois, si l'anglais oral des locuteurs de Terre-Neuve demeure très
régionalisé, l'anglais de la radiotélévision, surtout la Canadian Broadcasting
Corporation (CBC/Radio-Canada),
tend
à rester plus standard; il en est ainsi de l'anglais enseigné dans les écoles.
Rappelons que les habitants de Terre-Neuve sont parfois appelés
par dérision
«Newfie/Newfies», un diminutif de
Newfoundlander(s). En anglais, Newfie peut désigner simplement «a
native ou inhabitant of Newfoundland» (Collins English), mais il peut
aussi, en tant que stéréotype, revêtir un sens négatif, comme en français. Ce
seraient les Américains qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, avaient
employé l'expression "Newfie Bullet" pour désigner un train de voyageurs d'une
grande lenteur, qui servait à relier Port-aux-Basque, près de la base militaire
de Stephenville, à la ville de St John's; ce train était alors administré par la
compagnie Newfoundland Railway. En français, le même terme désigne aujourd'hui
un habitant du «New Found Land», généralement considéré comme idiot ou imbécile,
réputé pour sa grande lenteur à comprendre quoi que ce soit. Bref, Newfie
est similaire pour les Québécois à ce que, par exemple, la Belgique serait aux
Français. En anglais, Newfie est aussi utilisé pour désigner l'anglais
particulier
— le ''Newfie English'' — des Terre-Neuviens.
Évidemment, on utilise aussi Newfoundland English
pour désigner l'anglais terre-neuvien et labradorien, considéré ainsi comme la
variété la plus ancienne de l'anglais canadien.
2.2 Les francophones
Les francophones ne représentent que
0,4 % de la population, soit quelque 2215 personnes. Il s'agit donc d'une
très petite et très fragile minorité regroupée
dans trois principales régions de la province: la péninsule
de Port-au-Port, la capitale Saint John's et Labrador City (au Labrador). Ce
sont là trois communautés différentes, et ce, d'aut
ant
plus que
plus de la moitié des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador
sont nés hors de la province. Les personnes nées ailleurs au Canada viennent
pour la plupart du Québec.
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Les quelque 700 francophones de la péninsule de Port-au-Port vivent principalement dans la région de la baie Saint-Georges, au
sud-ouest de l’île de Terre-Neuve (voir
la carte détaillée); ils comptent pour plus de 15 % de la
population locale, principalement à Grand’Terre et à l’Anse-à-Canards. Un peu
plus au nord, on compte des francophones à Stephenville et à Corner Brook. La
plupart de ces francophones ont des Acadiens comme ancêtres. Ils parlent le
français acadien, un
français teinté d'acadianismes
d'origine poitevine.
Les linguistes ont relevé 283 «poitevinismes»
dans le lexique acadien, lesquels peuvent aussi être d'origine angevine. Dans la
péninsule d'Avalon, on recense près de 700
francophones, ce qui inclut la région métropolitaine de St. John’s. Dans une
agglomération d'environ 120 000 habitants, les francophones comptent
pour peu. Cette
communauté est plus diversifiée que la précédente, car elle tire son origine de
l'apport des Acadiens des autres provinces Maritimes, des francophones du Québec, des Français de Saint-Pierre-et-Miquelon
et d'un certain nombre d'Africains.
Le Labrador compte également une population de quelque 700
francophones, appelés Franco-Labradoriens, notamment dans les villes minières de Labrador City (7500
hab.) et de Wabush (2070 hab.) et de
la base militaire d’Happy Valley-Goose Bay (8100 hab.).
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Les villes de Labrador City et de Wabush sont situés tout près de la frontière du Québec, soit
à une vingtaine de kilomètres d'une troisième ville minière d'importance, Fermont (4000 habitants), développée par la compagnie minière Québec Cartier.
Comme la plupart des membres de la communauté labradorienne proviennent du Québec, ils ont
maintenu des liens étroits avec cette province (en raison aussi de la ville de Fermont à proximité, puis des liaisons ferroviaires et routières avec Sept-Îles et Baie-Comeau). En général, les francophones ont été recrutés au cours des
années soixante par la compagnie Iron Ore, afin d'exploiter les mines de fer de
la région. Au total, on estime aujourd'hui à environ 15 000 (soit 3 %) le
nombre de Terre-Neuviens d'origine française. Rappelons aussi que beaucoup
de Saint-Pierrais (Saint-Pierre-et-Miquelon) sont des descendants
d'Acadiens qui vivaient jadis dans l'ancienne capitale française de Plaisance.
2.3 Les autochtones
Le recensement de 2016 dénombrait plus de 42 600
autochtones à Terre-Neuve-et-Labrador, presque tous au Labrador. De ce nombre, 88 % avaient
l'anglais comme langue maternelle, ce qui signifie que ces autochtones sont
classés linguistiquement parmi les 97 % d'anglophones de la province. Cinquante
autochtones parlaient le français comme langue maternelle.
Province 2016 |
Population provinciale totale |
Indiens |
Métis |
Inuits |
Total
des autochtones |
Pourcentage |
Langue autochtone |
Terre-Neuve-et-Labrador |
515 675 |
28 375 |
7 790 |
6 450 |
42 615 |
2,61 % |
2 720 |
Au total,
seuls 2720 autochtones parlent une langue ancestrale: l'innu (1535), le naskapi
(605), l'inuktitut (485), le cri (10), le micmac (10), etc. Les Inuits du Labrador habitent principalement
les collectivités des côtes du Labrador, notamment Nain, Hopedale, Makkovik,
Postville et Rigolet, ainsi que la région supérieure du lac Melville. Les Innus
ou Montagnais du Labrador forment un groupe d'environ 1600 personnes qui vivent
principalement dans deux collectivités: Davis Inlet (600 hab.) et Sheshatshiu
(1000 hab.).
2.4 Les langues immigrantes
Dans la région de St.
John’s, on trouve la plupart des locuteurs allophones parlant diverses
langues: l'arabe (1250), le filipino (1125), le mandarin (1025), l'espagnol
(645), l'allemand (415), le cantonais (375), le bengali (355), l'ourdou (310),
le persan (245), le russe (240), le panjabi (235), l'hindi (215), etc.
3 Données historiques
Il semble que la présence humaine sur l’île de Terre-Neuve soit très
ancienne et puisse dater d’environ 8000 ans, mais cette civilisation
aurait disparu il y a quelque 4000 ans. Les historiens croient que les
ancêtres des Inuits ont occupé à partir de 850 avant notre ère, et ce,
durant environ sept cents ans pour être supplantés par les ancêtres
possibles des Béothuks. Les historiens ont aussi révélé que des
populations paléo-esquimaudes (les Inuits) ont vécu sur l'île
de Terre-Neuve, car des traces de ceux-ci s'étendent sur une période allant de
3000 avant notre ère jusqu'à 900 après notre ère. À l'arrivée des Européens, les
Inuits étaient déjà disparus, probablement remplacés par les Béothuks.
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Ces derniers étaient des Amérindiens appartenant
à la
famille
linguistique algonkienne ; ils seraient arrivés sur l'île vers l'an 200. Ils
avaient l'habitude de pêcher durant l'été le long de la côte et de
chasser à l'intérieur des terres lorsqu'arrivait l'hiver. Avant
l'arrivée des Européens, les Béothuks habitaient le littoral
de Terre-Neuve, surtout au nord et à l'ouest, mais aussi
dans la péninsule d'Avalon. Au fur et à mesure de
l'implantation des Européens, ils furent refoulés à
l'intérieur. À la fin du XVIIe
siècle, ils n'étaient plus qu'environ 500 individus, car les
contacts avec les Blancs avaient entraîné des épidémies et
des décès. Un siècle plus tard, les Béothuks seront disparus
du littoral pour être confinés à l'intérieur des terres. En
1823, il ne restera que 14 individus.
Les Micmacs étaient probablement les
autochtones plus nombreux, soit entre 6000 et 10 000. Ils
habitaient toute la partie sud de l'île, ce qui
correspondait à la colonie française de Plaisance. Parmi les
nations amérindiennes, ce furent les seuls alliés des
Français. Quelques Micmacs habitaient en permanence à
Plaisance même. Par ailleurs, les Français encouragèrent les
Micmacs à liquider les Béothuks, car les pêcheurs voulaient
ainsi protéger leurs propriétés et leurs biens. Les Anglais
faisaient de même dans la zone qui leur était dévolue.
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Venaient ensuite les Innus, appelés «Montagnais» par
les Français. Ils étaient généralement installés sur le littoral de
la péninsule du Nord et conservaient des liens avec leurs
communautés vivant au Canada et au Labrador.
3.1 Les premiers Européens
Entre 990 et 1050, des Vikings fondèrent
une petite colonie sur l'extrême pointe nord de Terre-Neuve, à l'emplacement de
l'actuelle Anse-aux-Meadows, non loin de Saint Anthony. Ils ont appelé leur
territoire
Vinland, ce qui signifie «pays du vin» (une région où poussaient des raisins
sauvages). Malgré leurs tentatives d'établissement, les voyages
des Vikings n'eurent pas de suite. Après s'être heurtés à l'hostilité des «Skraelings»
(autochtones: Inuits et/ou Béothuks), les
Vikings retournèrent au Groenland. Mais ce
ne fut
qu’en 1960 que des preuves physiques de la présence scandinave
ont été identifiées par l’explorateur norvégien, Helge Ingstad, dans le village
de L’Anse-aux-Meadows.
Avant toute exploration
officielle, des pêcheurs bretons et normands s’établirent vers 1504 sur une base
saisonnière à l'île Saint-Pierre et vinrent pêcher dans les eaux de Terre-Neuve
où la morue était abondante. Vers 1390, des baleiniers basques partis de
Saint-Jean-de-Luz avaient traversé l’Atlantique à la recherche des grands cétacés;
ils les auraient trouvés aux confins d'une île inconnue qu’ils ont nommé terre des
Basques (aujourd'hui Terre-Neuve). En 1497, Giovanni Caboto
(Jean Cabot), un explorateur génois à la solde de l'Angleterre (roi Henri VII),
se rendit à Terre-Neuve (qu'il appela New Founde Isle, c'est-à-dire
«île nouvelle»), déjà connue sous le nom portugais de
terre des Baccalaos (morues), et au Cap-Breton (aujourd'hui en
Nouvelle-Écosse), alors qu'il croyait avoir découvert les Indes (la côte nord de
l'Asie). Il aurait pris possession du territoire au nom du roi d'Angleterre
Henri VII. En 1502, l'appellation New Found Launde était utilisée
en anglais dans les documents officiels. La version française de Terre Neuve
est apparue en 1510. Giovanni da Verrazano allait employer le terme Terra
Nova sur sa carte de 1529.
Un Portugais du nom de
João Fernandes (1453-1505), dit João
Fernandes Lavrador («le
propriétaire terrien»), aurait exploré l'île de Terre-Neuve et le Labrador
(provenant du mot Llavrador); il aurait été suivi, entre 1550 et 1503,
d'autres compatriotes, les frères Miguel et Gaspar Corte Real. Il ne reste de
ces voyages portugais que des toponymes tels que Cabo Raso (cap Race),
Boa Vista (Bonavista), terre des Baccalaos (terre des Morues). Puis
d'autres Européens, des Scandinaves, des Bretons et Basques, commencèrent,
durant la belle saison, à exploiter les pêcheries de l'Atlantique nord, mais il
ne s'en est pas suivi de colonisation. C’est en 1500 que l'explorateur
portugais Gaspar Corte Real rencontrera pour la première fois des Amérindiens
béothuks. Il en captura près d'une soixantaine qu’il vendit comme esclaves. Or,
les Béothuks avaient l'habitude de se couvrir le corps d’ocre rouge, ce qui leur
valut le nom de «Peaux rouges», appellation qui s’étendra ensuite à tous les
Amérindiens de l’Amérique du Nord.
Le 5 juin 1536, Jacques Cartier
aborda l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon avec deux bateaux, la Grande Hermine et l'Émérillon.
Au retour de son second voyage
au Canada, Cartier y séjourna six jours et constata la présence de plusieurs navires
«tant de France que de Bretagne». Il profita de son séjour pour en prendre officiellement
possession au nom de François Ier, roi de France. Cartier écrivit
en 1536:
Nous fumes ausdictes yles sainct Pierre, où
trouvasmes plusieurs navires, tant de France que de Bretaigne, depuis le
jour sainct Bernabé, XIe de juing, jusques au XVIe jour dudict moys, que
appareillasmes desdictes ysles sainct Pierre et vynmes au cap de Raze. |
Ce n'est pas Jacques Cartier qui
avait nommé ainsi l'île Saint-Pierre, il n'avait fait que reprendre
une appellation déjà connue en 1530. Les Français se trouvaient déjà dans les
parages depuis fort longtemps.
3.2 Les colonisations anglaises et françaises
L'île de Terre-Neuve avait attiré la convoitise des Européens au
début du XVIe
siècle. Les historiens ont avancé plusieurs explications. La population des
villes d'Europe augmentait rapidement. Durant presque la moitié de l'année,
c'est-à-dire lors des nombreuses fêtes religieuses, il était interdit aux
catholiques de consommer de la viande, mais il leur était permis de manger du
poisson. Les jours maigres, le poisson séché et salé de Terre-Neuve constituait
une excellente source alimentaire, bon marché, facile à transporter et qui se
conservait bien. Mais seuls les Anglais et les Français ont pu fonder des colonies
à Terre-Neuve. Vers 1550, les ports de France envoyaient quelque 500 navires
vers Terre-Neuve, tandis que l'Angleterre n'armait encore que fort peu de
navires.
- Les colonies anglaises
En 1578, la reine Elizabeth concéda à sir Humphrey Gilbert
(v. 1537-1583) «tous pays lointains payens et barbares non
actuellement possédés par prince ou peuple chrétien». Le 5 août 1583, sir
Humphrey avait pris officiellement possession de l'île de Terre-Neuve.
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Mais la
plupart des puissances européennes, dont la France, ne reconnurent pas
cette prise de possession, avec le résultat que les Anglais y
installèrent des postes de pêche, non loin de l'actuelle ville de St John's. En
1610, John Guy, un marchand anglais de Bristol,
fonda dans la baie de la
Conception la première colonie permanente à Cuper Cove appelé "Cuperres
Cove" (aujourd'hui Cupids Harbour);
il désigna la région comme la «Baye de Grave»
et tenta de s'allier les Amérindiens béothuks afin de faire
la traite des fourrures.
Il
quitta Terre-Neuve en avril 1613, mais de
nombreux autres
établissements suivront: Bristol's Hope, Renews, New Cambriol, South
Falkland et Avalon qui deviendra une «province» en 1623.
En 1621,
George Calvert (v. 1580-1632)
envoya le capitaine Edward Wyne à Terre-Neuve afin de
fonder un établissement à Ferryland au sud de l'actuelle ville de St
John's pour le roi catholique Jacques
Ier
; il en fit la capitale de la colonie anglaise d'Avalon. Le 7 avril
1623, Calvert obtint une charte royale pour sa colonie,
officiellement désignée comme Colony of Avalon («colonie
d’Avalon»), en souvenir de l'ancienne Avalon située dans le Somersetshire
(Angleterre), où se trouvait le premier foyer de la chrétienté dans
l'île de Grande-Bretagne.
|
La concession de George Calvert finit par s'étendre plus au sud
(jusqu'à Fermeuse et Aquaforte) et plus au nord, soit Caplin Bay (aujourd'hui
Calvert). La succession de George Calvert continua l'œuvre du fondateur jusqu'à
ce que sir David Kirke (1597-1654)
s'approprie la concession en 1637. Celui-ci devint le gouverneur de toute l'île
de Terre-Neuve et s'installa à Ferryland, la première capitale de l'île, situé
au nord de Renews. En
1696, la petite ville de Ferryland fut détruite par la milice canadienne de
Pierre Le Moyne d'Iberville (1661-1706), alors que la plupart des résidents
furent déportés en Angleterre. Progressivement, le nom d'Avalon comme colonie
disparut pour devenir officiellement la "Poole Plantation" en 1638 dans l'espoir
probable de faire disparaître toute trace de l'entreprise de George Calvert.
Les
Anglais finirent par occuper presque toute la côte orientale, entre Bonavista et Fermeuse.
St John's devint la capitale de la colonie de Newfoundland qui, de 1675 à 1705,
a compté généralement environ 2000 habitants permanents. Ainsi, un recensement mené en 1680 a révélé que 1700
personnes vivaient en permanence à l'est, entre Bonavista et Trepassey, y
compris St John's. L'économie de l'île reposait entièrement sur la pêche à la
morue. Mais Terre-Neuve devint très tôt le théâtre de conflits
entre les Anglais et les Français qui fondèrent leur propre colonie, Plaisance.
- La colonie française de Plaisance
Des Français, des Basques, des Bretons et des Normands s'étaient
installés sur Terre-Neuve pour exploiter, eux aussi, le lucratif marché de la pêche. En 1655, ils occupaient
plus de la moitié des côtes de l'île et avaient fait de Plaisance l'un des ports
importants de la Nouvelle-France (qui comprenait le Canada, l'Acadie et
la Louisiane).
La colonie royale de Plaisance a été fondée en 1662, au sud-ouest de la péninsule
d'Avalon, pendant que St John's restait le siège de la colonie anglaise. Louis XIV fit
aussitôt fortifier la ville de Plaisance afin de faire face aux éventuelles
attaques des Anglais.
Le nom
de Plaisance aurait été donné
par les
Basques en souvenir de la ville basque de Guipeicoa appelée Plazencia
en espagnol, d'où la traduction en français de Plaisance. Les Français
firent construire quelques forts, dont le fort Louis qui contrôlait l'entrée du
port de Plaisance; une garnison d'une centaine de soldats y étaient généralement
maintenue. Le terme Plaisance fut donné à la colonie française de
Terre-Neuve, ainsi qu'à une ville, une baie et un port.
En 1664, il y avait
environ 200 Français disséminés le long de la côte entre Hermitage et le cap Ray
à l'ouest. En 1670, la colonie de Plaisance ne comptait que 73 individus qui y
résidaient en permanence. Vers 1686, plus de 640 Français vivaient à
Terre-Neuve, dont 256 dans la ville même de Plaisance. Il existait alors de
nombreux petits villages tout le long de la côte ouest, et au sud jusqu'au petit
archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
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Précisons que la frontière délimitant le territoire anglais
et le territoire français entre le Nord et le Sud n'a jamais fait l'objet
d'ententes formelles entre Versailles et Londres. C'est pourquoi des
Français vivaient sur la côte ouest jusqu'à la pointe Riche, tandis que des
Anglais habitaient Trepassy et le cap Race; on en trouvait parfois à Plaisance.
Au plus fort
de la présence française sur l'île, soit entre 1678 et 1688, quelque
20 000 Français se consacraient à la pêche durant la belle saison,
mais le recensement de 1687 évaluait la population permanente de la
colonie à seulement 638 habitants. Autrement dit, la
majorité des Français ne résidait pas en permanence sur l'île;
il s'agissait d'«engagés d'été» à la solde des navires métropolitains.
Ces résidents temporaires faisaient gonfler considérablement la
population dans la colonie entre les mois de mai et septembre. La
situation était la même dans la colonie anglaise de l'île.
Dans les faits, la
France avait obtenu un vaste territoire s'étendant sur les côtes du
sud-ouest de l'île, comprenant les baies de
Plaisance, de Fortune et de l'Hermitage. Des postes français
avaient été installés à Petit-Plaisance, Pointe-Verte, Baie-Fortune,
Grand-Banc, Hermitage, ainsi qu'aux îles Saint-Pierre et Miquelon. La côte
sud et ouest de l'île était nommée Chapeau-Rouge, alors que la côte
nord et nord-est était appelée Northern Coast (en français:
Petit-Nord). |
Dans les territoires sous administration française, les
recensements ont révélé aussi la présence de quelques Anglais et Irlandais,
ainsi que de nombreux Amérindiens micmacs, dont quelques-uns à Plaisance,
sans oublier les Béothuks, qui demeuraient à l'intérieur de l'île, les Innus
(ou Montagnais) et les Inuits installés dans les régions ouest et nord de
l'île. Seuls les Micmacs furent les alliés des Français. Au moment du
traité
d'Utrecht (1713), la majorité de la population blanche était née en France
ou en Grande-Bretagne. Cependant, les
Français de la colonie de Plaisance n'ont laissé que peu de traces,
sauf dans la toponymie avec des noms normands (cap Normand,
Granville) et bretons (Groix, Belle-Isle, Toulinguet, etc.). En
effet, les Français ont nommé de nombreux sites le long des côtes ouest et
sud jusqu'à l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En 1700, la petite colonie française, qui n'avait que
quelques fonctionnaires, était devenue une composante coloniale à part
entière de la Nouvelle-France, avec le Canada, l'Acadie et la Louisiane.
- Les conflits
Étant donné que la morue salée représentait une importante source
d'alimentation en Europe, il faut comprendre que la France et l'Angleterre
étaient toutes deux très préoccupées à exercer le contrôle des pêches
à Terre-Neuve. La présence de nombreux corsaires à l'île, ces «flibustiers» qui pratiquaient la guerre, notamment à
partir de 1692, contribuait à attiser les conflits. Comme la France n'avait pas les ressources militaires lui
permettant de garantir la sécurité de sa petite colonie, elle encourageaient
officieusement ses corsaires à commettre des exactions contre les Anglais. En quelques années,
les corsaires français auraient capturé une soixantaine de navires anglais.
De leur côté, les flibustiers anglais faisaient de même et saccageaient tout
ce qui se trouvait sur leur chemin.
D'ailleurs, c'est en représailles que le Canadien
Pierre Le Moyne
d'Iberville (1661-1706) s'est illustré à Terre-Neuve en 1696, en détruisant
presque tous les postes anglais échelonnés sur la côte orientale de l'île,
soit une quinzaine, dont le chef-lieu St John's (qui devint temporairement
Saint-Jean), en
massacrant plus de 200 Anglais, en faisant plus de 700 prisonniers et en
s'appropriant plus de 370 bateaux de pêche. À la fin de l'expédition, en
mars 1697, il ne restait plus aux Anglais que deux agglomérations, Bonavista et
Carbonear. Pendant cette période de quatre mois d'offensive, d’Iberville
avait fait disparaître 36 colonies anglaises. Ce fut la campagne la plus
importante et la plus destructrice de la carrière de Le Moyne d'Iberville.
Jamais les Français n'avaient frappé aussi fort les Anglais.
Puis, selon les termes du
traité
de Ryswick de 1697, la France et l'Angleterre se rendaient mutuellement
leurs conquêtes en Amérique.
Article VIII
Tous les Pays, Villes, Places,
Terres, Forts, Isles et Seigneuries, tant au dedans qu'au dehors de
l'Europe, qui pourroient avoir été pris et occupés depuis le
commencement de la presente Guerre, seront restitués de part et
d'autre au même état, qu'ils étoient pour les Fortifications lors de
la prise, et quant aux autres Edifices, dans l'état qu'ils se
trouveront, sans qu'on puisse y rien detruire ny deteriorer, sans
aussi qu'on puisse pretendre aucun dedommagement pour ce qui auroit
pû estre demoli ; Et nommement le Fort et habitation de Pondichery
sera rendu aux conditions susdites à la Compagnie des Indes
Orientales establie en France ; Et quant à l'Artillerie qui y a esté
amenée par la Compagnie des Indes Orientales des Provinces Unies
elle luy demeurera ainsi que les munitions de Guerre et de bouche,
Esclaves, et tous les autres effets, pour en disposer comme il luy
plaira, comme aussi des terres, droits et privileges qu'elle a
acquis tant du Prince que des habitans du Pays. |
Les Français conservèrent donc l'Acadie et
Plaisance, tandis que les Anglais retrouvaient leurs anciens établissements
de Terre-Neuve; les Anglais retrouvaient aussi les postes de la Compagnie de
la Baie d'Hudson, sauf les trois de la baie James pris par Pierre Le Moyne d'Iberville entre 1686 et 1697.
L'île de Terre-Neuve resta donc sous une double administration: anglaise au
nord avec St John's, française au sud avec Plaisance. Mais les conflits
entre Français et Anglais recommencèrent de plus belle. Il y eut des
attaques de la part des Français ou des Anglais presque tous les ans, sauf
en 1707, entre 1702 et 1708. En 1711, la marine britannique attaqua
Plaisance; bien qu'elle disposât de 15 bâtiments, de 900 canons et de 4000
hommes, elle ne réussit pas à prendre la ville. Si les Français de Plaisance
avaient gagné presque toutes les batailles sur l'île, la France avait perdu
la guerre en Europe. Elle allait par conséquent en faire payer le prix à ses
colonies d'outre-mer lors du traité
d'Utrecht en 1713.
3.3 Une colonie britannique (1713)
Afin de mettre un terme à la guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), la
France et l'Espagne, d'une part, la Grande-Bretagne, la Hollande, le Portugal,
la Prusse et la Savoie, d'autre part, signèrent un traité de paix. À la suite de
longues et pénibles négociations, les plénipotentiaires de la France et de la
Grande-Bretagne s'entendirent finalement sur les conditions suivantes :
Que l'île
du Cap-Breton demeurera au Roi avec la faculté d'y faire
fortifier. Que la province de l'Acadie avec tous les
droits et prérogatives dont les Français ont joui sera
cédée par Sa Majesté à la reine de Grande-Bretagne avec
l'île de Terre-Neuve et les îles adjacentes à cette île.
Bien entendu que les Français auront et conserveront la
faculté de pêcher et de sécher leurs pêches sur les
côtes de la dite île de Terre-Neuve depuis le Cap de
Bonavista en remontant par le nord jusqu'à la pointe
Riche. Que toutes les îles situées à l'entrée de la
rivière et dans le golfe de Saint-Laurent appartiendront
au Roi |
Ce sera l'objet de l'article 13 du traité de paix, signé à Utrecht, le 11 avril 1713,
entre la France et l'Angleterre. Dans les faits, les Anglais avaient perdu la
plupart des batailles à Terre-Neuve, mais la France avait perdu la guerre en
Europe. Elle a dû céder une partie de ses colonies d'outre-mer et ses postes de
traite, dont ceux de Plaisance. Le
traité
d'Utrecht cédait Plaisance et l'Acadie aux
Britanniques. Plaisance devait même être évacuée. La France conservait cependant la
possession des îles du golfe du Saint-Laurent, dont l'île Royale (Cap-Breton) en
vue de la fortification de Louisbourg:
Article 13
L'isle de Terreneuve, avec les isles adjacentes, appartiendront
désormais et absolument à la G.B., et à cette fin le Roy T.C. fera
remettre à ceux qui se trouveront à ce commis en ce païs là, dans
l'espace de sept mois à compter du jour de l'échange des
ratifications de ce Traité, ou plus tôt si faire se peut, la ville
et le fort de Plaisance, et autres lieux que les François pourraient
encore posséder dans ladite isle sans que ledit Roy T.C., ses
héritiers et successeurs, ou quelques-uns de ses sujets, puissent
désormais prétendre quoi que ce soit, et en quelque temps que ce
soit, sur ladite isle et les isles adjacentes, en tout ou en partie.
Il ne leur sera pas permis non plus d'y fortifier aucun lieu, ni d'y
établir aucune habitation en façon quelconque, si ce n'est des
échafauts et cabanes nécessaires et usités pour sécher le poisson,
ni aborder dans ladite isle dans d'autres temps que celui qui est
propre pour pêcher et nécessaire pour sécher le poisson. Dans ladite
isle, il ne sera pas permis auxdits sujets de la France de pêcher et
de sécher le poisson en aucune autre partie que depuis le lieu
appelé Cap-de-Bona-Vista, jusqu'à l'extrémité septentrionale de
ladite isle, et de là en suivant la partie occidentale jusqu'au lieu
appelé Pointe-Riche. Mais l'isle dite Cap-Breton, et toutes les
autres quelconques, situées dans l'embouchure et dans le golphe de
Saint-Laurent, demeureront à l'avenir à la France, avec l'entière
faculté au Roy T.C. d'y fortifier une ou plusieurs places.
|
Après le traité
d'Utrecht, l'île de Terre-Neuve devint exclusivement britannique. Louis XIV
avait préféré perdre trois colonies (la Baie-d'Hudson, Plaisance et l'Acadie)
pour voir son petit-fils monter sur le trône d'Espagne. La ville
de Plaisance fut aussitôt appelée Placentia. La plupart des Français ont
préféré partir : beaucoup sont retournés en France, d'autres se sont réfugiés à l'île Royale (Cap-Breton), où
allait commencer la construction de Louisbourg. Plusieurs furent simplement
déportés en Nouvelle-Angleterre ou en Grande-Bretagne. Les Français qui choisirent de
rester durent immédiatement prêter allégeance au roi d'Angleterre, avant de
s'assimiler progressivement aux Anglais et aux
Irlandais. Mais une petite minorité isolée et oubliée, à la suite de la
déportation des Acadiens (1755) allait survivre plus tard à la baie Saint-Georges et dans la péninsule de Port-au-Port.
|
Cependant, les pêcheurs français conservèrent après 1713 le droit de pêcher
dans les eaux de Terre-Neuve et de sécher la morue sur les côtes de Terre-Neuve,
sans y construire d'établissements permanents. Les activités des pêcheurs
français furent limitées à la côte nord de l'île, entre Bonavista et
jusqu'à la pointe Riche à l'ouest. Les Français avaient fréquenté ce
secteur, qu'ils appelaient «le Petit Nord», durant deux cents ans,
et les pêcheurs anglais à Terre-Neuve ne l'utilisaient pas à
l'époque, lui préférant les côtes de la péninsule d'Avalon. Le traité de Paris de 1763 agrandira la zone de pêche en incluant l'archipel
de Saint-Pierre-et-Miquelon comme point de ravitaillement.
En 1783, le traité de Versailles
(reconnaissant l'indépendance des États-Unis) allait
entraîner d'autres modifications dans la zone de pêche française. La France
avait obtenu que le "French
Shore" s'étende désormais entre le cap St John et le cap Ray, et les droits
des Français sur cette zone seraient inscrits dans une déclaration.
|
L'article 6 du traité de Versailles de 1783 cédait en toute propriété les
îles de Saint-Pierre et de Miquelon au roi de France. L'article 5 modifiait la
zone de pêche:
Article 5
[Le roi de France] pour prévenir les querelles qui ont eu lieu
jusqu'à présent entre les deux nations […], consent à renoncer au
droit de pêche […] depuis le cap de Bonavista jusqu'au cap
Saint-Jean […] et [le roi de Grande-Bretagne] consent de son côté
que la pêche […] s'étende jusqu'à l'endroit appelé Cap Ray […].
Article 6
Le Roy de la Grande
Bretagne cede les Isles de St Pierre & de
Miquelon, en toute Proprieté, à Sa Majesté Très
Chretienne, pour servir d’Abri aux Pêcheurs François; Et
Sa dite Majesté Très Chretienne s’oblige à ne point
fortifier les dites Isles, à n’y établir que des
Batimens civils pour la Commodité de la Pêche, & à n’y
entretenir qu’une Garde de cinquante Hommes pour la
Police.
|
De son côté, la Déclaration du roi de Grande-Bretagne précisait ce qui
suit:
[…]
S. M. le Roi de Grande-Bretagne prendra les mesures les plus
positives pour empêcher ses sujets d'interrompre de quelque façon
que ce soit leur concurrence, la pêche des Français (…) et, à cette
fin, demandera à ce qu'on retire les établissements fixes qui s'y
sont installés […].
L'article 13 du traité d'Utrecht, et la façon de pratiquer la pêche
reconnue de tout temps devra être le plan selon lequel la pêche sera
pratiquée à cet endroit, et ne devra pas être modifiée par l'une ou
l'autre des parties […].
S. M. le Roi de Grande-Bretagne, en cédant les îles de Saint-Pierre
et Miquelon à la France, les considère cédées aux fins d'abri pour
les pêcheurs français, et en pleine confiance que ces possessions ne
deviendront pas motif de jalousie entre les deux nations […]. |
Pour les Français, la déclaration signifiait que la Grande-Bretagne avait
accepté, sans l'affirmer en toutes lettres, le principe d'une pêche côtière
exclusive, et avait cédé les îles de Saint-Pierre et de Miquelon sans aucune
condition. Mais pour les Anglais, il importait que la pêche côtière exclusive ne
soit pas reconnue formellement, tandis que le texte imposait comme condition que
les îles de Saint-Pierre et de Miquelon ne pourraient jamais constituer une
menace pour les intérêts britanniques; elles ne devaient jamais être fortifiées,
d'où l'expression ambiguë de ne pas devenir un «motif de jalousie».
Au cours du siècle qui allait suivre, les traités entre la France et la
Grande-Bretagne suscitèrent de nombreux conflits entre les gouvernements de
France, du Royaume-Uni et de Terre-Neuve. La France allait continuer de
revendiquer un droit de pêche exclusif sur le "French Shore" pendant que les
habitants de Terre-Neuve contesteraient ce droit exclusif des pêcheurs français. En 1904,
les droits de pêche français allaient être résiliés en échange d'un droit de pêcher dans
toutes les eaux territoriales de la côte de Terre-Neuve située entre le
cap St John et le cap Ray. Autrement dit, les pêcheurs français conservaient le
droit de pêcher concurremment entre les mêmes limites, mais n'étaient plus
autorisés à accoster ou à utiliser la côte. Voici les articles 1 et 2 de la
Convention anglo-française sur la pêche à Terre-Neuve de 1904:
Article 1er
La France renonce aux privilèges à elle consentis en vertu de
l'article 13 du traité d'Utrecht, tels que confirmés et modifiés par
les dispositions ultérieures.
Article 2
La France conserve pour ses ressortissants, sur un pied d'égalité
avec les sujets britanniques, le droit de pêcher dans les eaux
territoriales de la partie de la côte de Terre-Neuve située entre le
cap St. John et le cap Ray […], ce droit devant être exercé durant
la saison de pêche habituelle […].
|
Cette «entente cordiale» allait rester en vigueur jusqu'en 1972 pour se
transformer en conflits entre la France et le Canada à propos des eaux
territoriales françaises et canadiennes. Le tout se terminera le 10 juin 1992
lorsque, dans un jugement sans appel, la Cour internationale de justice de La
Haye accordera à Saint-Pierre-et-Miquelon un couloir de 10 milles marins de
largeur et de 200 milles de longueur orienté en direction nord-sud (voir la carte).
- L'arrivée des Irlandais
Après que les pêcheurs anglais eurent hérité des installations des
Français en 1713, l'île vit arriver de nombreux colons venus du sud-ouest de
la Grande-Bretagne. À partir de 1720, d'autres immigrants vinrent en grand nombre du
sud-est de l'Irlande. De majoritairement française, Terre-Neuve devint très
majoritairement anglo-irlandaise, y compris l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le
premier gouverneur de Sa Majesté britannique ne fut
désigné qu'en 1729
et, comme tous ses
successeurs, n'occupa ses fonctions que durant la saison de pêche.
Vers 1790, la population de Terre-Neuve comptait 20 000 habitants, devenus
presque tous anglophones.
Le premier
gouverneur anglais à passer l'hiver dans la colonie fut Francis Pickmore en 1817.
Jusqu'à ce moment, les autorités britanniques avaient toujours refusé de faire
de Terre-Neuve une colonie de peuplement, alors que les colons étaient
illégalement installés et n'avaient aucun titre de propriété. Des litiges
nombreux survinrent entre pêcheurs terre-neuviens et pêcheurs français lorsque
ces derniers s'adonnaient à leurs activités sur le French Shore. Il
fallut arbitrer les conflits non seulement entre les pêcheurs, mais aussi entre
les diverses confessions religieuses (anglicans, méthodistes, presbytériens,
catholiques), notamment entre Anglais protestants et Irlandais catholiques.
Les premiers colons anglais venaient du
sud-ouest de l'Angleterre, puis se sont ajoutés au cours du XVIIIe
siècle des immigrants originaires du sud-est de l'Irlande. Ainsi, la population
qui a assuré le peuplement de l'île a contribué à former une société mixte
anglo-irlandaise qui allait donner à l'île un caractère fort particulier. Par
ailleurs, malgré la présence d'une population massivement anglophone et
l'assimilation qui en résulta, Terre-Neuve a toujours compté une petite
population francophone de quelques centaines de personnes qui ont conservé leur
langue et leur culture. La plupart des habitants de Terre-Neuve ont vécu de
façon plus isolée que les Canadiens et ont donc conservé des traits
linguistiques particuliers, relativement archaïsants, tant chez les anglophones
que chez les francophones. Mais Terre-Neuve resta une colonie britannique avec
tout ce que cette situation impliquait au point de l'usage exclusif de l'anglais. De façon
générale, la population de l'île s'est dispersée dans de nombreux petits
villages disséminés le long de ses côtes accidentées et éloignée des grands
centres. Cette situation a forcément influencé la culture et la langue des
insulaires.
- La disparition des Béothuks
La question des Béothuks demeure encore une histoire
controversée à Terre-Neuve. Selon les historiens, les colons
anglais du XVIIe siècle menèrent la vie dure
aux Béothuks qui furent refoulés vers l'intérieur des terres jusqu'à leur
disparition complète. En fait, les conflits avec des colons armés, ainsi
que les maladies introduites par les Européens avaient rendu impossible la
survie des Béothuks. De plus, les années 1720 ont constitué un tournant dans
l'histoire du Béothuks parce que, pendant une décennie, ils sont aussi entrés en
conflit avec les Micmacs. En effet, ceux-ci les ont déplacés massivement de la
baie St George vers l'ouest de Terre-Neuve et la côte sud, puis dans le centre
de l'île.
|
En 1792, le magistrat John Bland enquêta sur plusieurs meurtres
autour de Twillingate, où l’on rapporte que des Béothuks «sont
abattus comme des cerfs». Ces meurtres en série seraient devenus
monnaie courante. Le nombre maximal des Béothuks n'aurait jamais
dépassé le millier d'individus. À partir du XIXe
siècle, les Béothuks survivants ont
tenté de subsister avec les maigres ressources de l'intérieur de l'île.
La dernière Béothuk, Shawnadithit (appelée Nancy April), décéda à
Saint John's le 6 juin 1829. La disparition des Béothuks est parfois
considérée comme un génocide.
Quoi qu'il en soit, le sort des Béothuks constitue certainement l'un
des chapitres les plus déplorables de l’histoire canadienne. En
juillet 2007, le gouvernement canadien reconnaîtra l’importance de
préserver l’héritage historique laissé par Shawnadithit (1801-1829)
en érigeant une plaque en son honneur de la part de la Commission
des lieux et monuments historiques. |
- Le statut colonial
En 1927, le gouvernement britannique rattacha la côte nord-est du Labrador à
Terre-Neuve. Ce n'est qu'en 1832 que le Royaume-Uni accorda à Terre-Neuve le droit à
un gouvernement représentatif, puis en 1855 l'autonomie complète, sous la forme
d'un gouvernement responsable. La fin du XIXe
siècle et le début du XXe
siècle furent marqués par des conflits internationaux, d'abord avec la France
(1888-1904), puis avec les États-Unis (1905-1910) et le Canada (1927). La
question de la répartition des zones de pêche entre les Français et les
Britanniques fut réglée en avril 1904 et mit fin aux droits de pêche français
(sauf pour Saint-Pierre-et-Miquelon). Au plan intérieur, Terre-Neuve fut érigée
en dominion, en 1917, et a vu agrandir son territoire en 1927 lorsqu'une partie
du territoire du Labrador lui fut rattachée par le Conseil privé de Londres
(tandis que le reste fut annexé au Québec).
3.4 La débâcle économique
La dépression économique mondiale des années 1930
mena pratiquement Terre-Neuve à la faillite (avec une dette de 100 millions de
dollars): elle dut faire appel aux subventions des États-Unis et de la
Grande-Bretagne. En 1932, la situation s'était tellement détériorée que
les insulaires descendirent dans la rue pour s'en prendre au gouvernement,
impuissant. Le service de la dette absorbait alors 63% des revenus.
Dans un geste sans précédent, l’Assemblée législative s’abolit elle-même. En
1934, le Parlement britannique suspendit le statut de Dominion et le Royaume-Uni
confia le gouvernement à une commission de six fonctionnaires nommés par
Londres. Terre-Neuve venait de perdre son indépendance.
En 1941, en vertu d'une
entente avec la Grande-Bretagne, certains sites de l'île furent loués par les
États-Unis, qui y installèrent des bases aériennes, dont l'une à Stephenville où
se trouvaient des francophones. La présence américaine donna un nouvel élan à
l'économie de l'île, mais fit craindre que les États-Unis annexent l'île. De
plus, en raison de l'afflux de main-d'œuvre
américaine, Stephenville devint presque entièrement anglophone. Après
la Seconde Guerre mondiale, la question de l'avenir de Terre-Neuve préoccupa à
nouveau les habitants de l'île. Les fonctionnaires britanniques ne favorisèrent
guère un retour au gouvernement responsable parce qu'ils s'inquiétaient des
coûts qui en résultait pour la colonie. Ils favorisèrent plutôt l'entrée de
Terre-Neuve dans la Confédération canadienne.
La possibilité de se rallier au Canada avait été envisagée par les
Terre-Neuviens dès 1869, puis de nouveau en 1896, mais ils y avaient renoncé,
préférant conservé leur autonomie, mais celle-ci s'était bien détériorée depuis
1933. Rappelons qu'avant cette date l'île détenait le même statut juridique que
celui de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie ou du Canada, soit celui de
«dominion». Ce terme d'origine anglaise désignait, du moins jusqu'en 1948, un
État autonome au sein de l'Empire britannique. Par exemple, le Canada,
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et Terre-Neuve ont été des «dominions». C'était
d'ailleurs le seul terme utilisé dans la Constitution canadienne de 1867 pour
désigner l'union des colonies qui allaient devenir le Canada; jamais les termes
«confédération» et «fédération» n'ont été utilisés à cette époque. Suite à la
Conférence impériale de 1907, Terre-Neuve n'était plus considérée comme une
colonie, mais comme un «dominion». Le même statut avait été accordé à l'Afrique
du Sud en 1910, et à l'Irlande en 1922. De 1855 jusqu'en 1933, Terre-Neuve
posséda sa propre monnaie, ses timbres, ses passeports et un gouvernement
responsable. Terre-Neuve allait perdre son indépendance en faisant partie du
Canada.
Quant aux francophones
de l'île, ils étaient majoritairement regroupés à Port-au-Port et vivaient très
isolés de la communauté anglophone, ce qui a permis la survie de leur langue et de
leur culture. En 1939, les
francophones parlaient encore le français comme dans n'importe quel village de
France, bien que de nombreux termes d'origine maritime fussent employés.
Quelques vieux francophones parlaient encore breton jusque dans les années
cinquante. Beaucoup de marins francophones épousèrent des anglophones plutôt que
des Acadiennes ou des Saint-Pierraises; l'influence anglaise poussa certains
d'entre eux à changer de nom: les Lainé sont devenus des Lainey et
les Dubois des Woods. À la fin de la Seconde Guerre mondiale,
seuls 30 % des francophones parlaient encore le français, même si la plupart le
comprenaient encore. L'analphabétisme en français était généralisé en raison de
la scolarisation en anglais. Dans la quasi-totalité des cas, il était devenu
impossible pour les francophones de vivre entièrement en français, car l'anglais
était devenu nécessaire pur vivre à Terre-Neuve.
3.5 L'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération canadienne
En 1946, Joseph Roberts Smallwood (1900-1991) s'est lancé dans la politique
pour convaincre ses compatriotes terre-neuviens de se joindre au Canada; il a
fait partie de la délégation envoyée à Ottawa pour étudier ce que le Canada
avait à offrir à Terre-Neuve. En 1948, deux référendums eurent lieu. Lors du second référendum (22 juillet
1948), avec 52 % des voix, Terre-Neuve devint la dixième province de la Confédération canadienne,
même si le canada est une fédération.
L'accord fut ratifié par le Parlement fédéral en février 1949 et par le
Parlement britannique en mars de la même année. Joseph R. Smallwood, «Joey»
comme on l'appelait, sera
premier ministre de sa province pendant presque un quart de siècle, soit d
e
1949 à 1972. Il se désignait lui-même comme «le dernier Père de la
Confédération» ("the last living father of Canadian
Confederation"). L'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération canadienne ne
s'est pas réalisée de gaieté de cœur. En effet, pour beaucoup de Terre-Neuviens,
l'affaire fut perçue comme un coup monté par la Grande-Bretagne et le Canada.
Au cours des années cinquante,
des francophones d'origines diverses sont venus s’installer dans la capitale
Saint John's: ils était acadiens, québécois, français de France ou de
Saint-Pierre-et-Miquelon, franco-ontariens ou antillais. Il y a peu à
dire des droits linguistiques qui suivirent l'entrée de Terre-Neuve dans la
Confédération, car la province ne se préoccupait pas encore de cette question,
et ce, d'autant plus qu'elle n'était pas soumise à l'article 133 de la
Loi
constitutionnelle de 1867.
La province n'a jamais
reconnu de droits aux francophones et a encore moins adopté de législation
linguistique à ce sujet. L'anglais est donc la langue officielle
dans les faits (de facto).
La première école d'immersion en français ouvrit ses portes en 1975 à
Cap-Saint-Georges à l'extrémité ouest de la péninsule du Port-au-Port. Tous les
élèves parlaient anglais; la plupart comprenaient le français, quelques-uns
pouvaient le parler un peu. Mais les programmes d'immersion ne fonctionnaient
bien que pour les anglophones et quelques francophones des milieux
socio-économiques aisés; pour la majorité des francophones, l'utilisation des
deux langues entraînait des difficultés dans l'apprentissage scolaire. Les
programmes d'immersion du Cap-Saint-Georges furent critiqués. Beaucoup de
parents crurent que l'instruction en français nuisait à la réussite scolaire.
Dans toute la province, l'effectif scolaire n'atteignait pas les 122 000 élèves,
dont 250 francophones. La moitié de ces derniers vivait à Cap-Saint-Georges et à
La Grand'Terre, les autres à St
John's et au Labrador.
Finalement, c'est en 1984 que s'ouvrira la première école
francophone à La Grand’Terre.
3.6 La politique sur les services en français
La province de Terre-Neuve s'est dotée d'un Bureau des
services en français (BSF). Celui-ci est chargé d’accroître la capacité du
gouvernement provincial à offrir des services en français et à contribuer au
développement et à l’épanouissement de la communauté francophone de la province.
Le Bureau a, depuis le mois d'octobre 2015, une Politique des services en
français (voir le texte).
La nouvelle politique s’applique à tous les ministères du
gouvernement provincial; elle a pour objectif l’adoption d’une approche uniforme
et coordonnée pour l'offre de services en français. Cette politique s'avère
néanmoins limitée dans son application, car les francophones ne constituent que
0,4 % de la population. La prochaine étape pourrait être une loi sur les
services en français.
4
La langue de la Législature et des tribunaux
L'anglais est la langue officielle de facto dans la
province, car ce statut n'a jamais été proclamé dans un quelconque texte
juridique. C'est pourquoi le français n'est pas autorisé à la Législature
de Saint John's, alors que les lois ne sont rédigées qu'en anglais.
Il n'existe aucune obligation constitutionnelle d'offrir des services
judiciaires et juridiques en français à Terre-Neuve. On sait que la partie XVII
du Code
criminel canadien prévoit que, sur demande de l'accusé, un
procès doit être tenu devant un juge et, s'il y a lieu, un
jury «qui parlent la langue officielle du Canada qui est celle de
l'accusé ou, si les circonstances le justifient, qui parlent les
deux langues officielles du Canada». Toutefois, cette disposition n'entre
en vigueur qu'après une entente entre la province et les autorités
fédérales, ce qui n'était pas le cas pour Terre-Neuve. En 1986, la Cour d'appel de Terre-Neuve a rejeté la demande de
deux accusés francophones d'être jugés par un juge
parlant leur langue. La Cour a invoqué le fait que la partie XVII
du Code criminel n'a pas été proclamée en vigueur
dans la province de Terre-Neuve. Par conséquent, il est impossible
d'y tenir un procès en français.
Cependant, en 1990, La province de Terre-Neuve a accepté
d'appliquer la partie XVII du Code criminel et a de plus incorporé dans ses
lois relatives aux infractions certaines dispositions du
Code criminel. Ainsi, à l'exception de l'article 530 du Code criminel,
il n'existe aucune disposition législative particulière en matière de langue
dans la province de Terre-Neuve. Selon les renseignements recueillis, on ne
compte que très peu de procès criminels se déroulant en français. De plus, les
formulaires en français ne sont pas toujours disponibles, alors que ceux-ci sont
prévus par le Code criminel. Lorsqu'un procès bilingue ou en français
est demandé, les autorités judiciaires feront en sorte de répondre à la demande,
mais l'absence de personnel apte à offrir ces services en français peut
entraîner des délais considérables et inévitablement des insatisfactions de la
part des justiciables. C'est pourquoi la province de Terre-Neuve a conclu une
entente avec le Nouveau-Brunswick afin que du personnel judiciaire de langue
française soit disponible pour répondre aux besoins des justiciables de
Terre-Neuve.
Dans le domaine de la justice, tous les
tribunaux en matière civile ne fonctionnent
qu'en anglais. L'article 5 de la Jury Act (Loi sur le juré) de
1990 précise qu'une personne est non habilitée à
servir de juré lors d'une instruction lorsque la langue dans laquelle cette
instruction se déroulera ne peut être comprise, parlée ou lue par cette même
personne, ce qui exclut sûrement un francophone unilingue:
Section 5
Language difficulty
Where the language in which a trial is
to be conducted is one that a person is unable to understand or speak, he
or she is disqualified from serving as a juror in the trial. |
Article 5
[traduction]
Difficulté
linguistique
Une personne
est non habilitée à servir de juré lors d'une instruction lorsque la
langue dans laquelle cette instruction se déroulera ne peut être comprise,
parlée ou lue par cette personne. |
Dans la Loi sur l'exécution réciproque des jugements (Reciprocal
Enforcement of Judgments Act) de 1990, on peut constater que l'anglais est
la langue qui prévaut dans un jugement:
Section 6
Judgment in a language
other than English
Where a judgment sought to
be registered under this Act is in a language other than English, the
judgment or the certified copy of it shall have attached to it a
translation in English approved by the court, and upon the approval being
given the judgment shall be considered to be in English. |
Article 6
[traduction]
Avis d’un jugement dans
une langue autre que l’anglais
Lorsqu’un jugement à
enregistrer en vertu de la présente loi est dans une langue autre que
l’anglais, le jugement ou la copie certifiée conforme doit être accompagné
d’une traduction en anglais approuvée par la Cour, et à la suite d’une
telle approbation, le jugement sera présumé être en anglais. |
Dans la province, il n'existe pas de politique
d'offre active de services en français; ces services ne sont offerts que sur
demande et lorsque c'est possible. Bref, l'accès à la justice en français à
Terre-Neuve-et-Labrador en est encore au stade embryonnaire, alors que la
province se conforme aux exigences minimales de la Cour suprême du Canada.
5 La langue des services publics
Pour ses communications avec la population francophone, l'administration
provinciale n'a pas prévu de services en français, sauf dans
le domaine du tourisme. Néanmoins, certaines directives du ministère
de l'Éducation (comptant trois fonctionnaires bilingues) parviennent
à l'occasion en français, et sur demande, aux quelques écoles
où l'enseignement est en français.
Quant aux services sociaux, ils
sont inexistants dans la langue de la minorité, mais le gouvernement
a accordé aux francophones l'usage d'une ligne téléphonique
directe avec Moncton au Nouveau-Brunswick (?).
Cela étant dit, dans le contexte de l'Entente Canada /
Terre-Neuve-et-Labrador relativement aux services en français (PDF), le
gouvernement provincial a créé le Bureau des services en français (BSF). Ce
dernier a pour mandat d’améliorer les offres de services en français auprès de
sa population francophone. Dans les faits, le Bureau des services en français
traduit des documents du français à l’anglais et de l’anglais au français; il
sensibilise les ministères provinciaux à utiliser ses services lorsque ceux-ci
doivent communiquer avec les francophones par écrit. Le Bureau des services en
français offre également des cours de français aux fonctionnaires. Jusqu'à
présent, les services ont consisté à embaucher d'un agent de liaison bilingue
pour élaborer un module de formation sur la production de documents en anglais
et en français.
Dans le cadre d'une entente couvrant la période 2009-2013, le
gouvernement du Canada s'est engagé en 2010 à verser un montant de 2,1 millions
de dollars pour la prestation de services provinciaux en français. L'entente en
matière de langues officielles doit soutenir l'élaboration et la mise en œuvre
de mesures concrètes afin de soutenir la province dans l'offre de services à la
communauté francophone.
6 Les langues de l'éducation
Dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, tous les
établissements d'enseignement, de la maternelle à l'université, dispensent un
enseignement en anglais, sauf pour les modalités prévues à l'égard des minorités
francophones, parce que la province est soumise aux obligations découlant de
l'article 23 de la
Charte canadienne des droits et libertés. Cela signifie que le
gouvernement provincial doit fournir à sa minorité francophone des écoles
permettant aux enfants de recevoir leur instruction dans leur langue maternelle.
De plus, même si la Constitution canadienne ne traite pas directement de la
question relative à la gestion scolaire, la jurisprudence a établi que la Charte
garantit ce droit de gestion et que, sans celui-ci, tout l'article 23 risque de
perdre sa force et son caractère réparateur. Toutefois, l’obtention de la
gestion scolaire pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador n'a été atteint
qu'après huit années de lobbying intensif. En effet, la Fédération des parents
francophones de Terre-Neuve-et-Labrador, fondée en 1989, a dû attendre jusqu’en
1997 avant de voir son rêve se réaliser, ce qui a exigé deux poursuites
judiciaires avant d’obtenir gain de cause, l'une en 1989 pour permettre
l’ouverture de la première école francophone à Saint-Jean, l'autre 1996, sur la
gestion scolaire provinciale par les francophones.
6.1 Le Conseil scolaire (CSFP)
Le Conseil scolaire francophone provincial de Terre-Neuve-et-Labrador (CSFP) fut
créé en 1998. Par la suite, la province a dû élaborer un programme de français
langue maternelle conçu pour les francophones qui désirent que leurs enfants
poursuivent leur instruction en français. Dans un ce programme, l’enseignement
se fait en français à tous les niveaux et dans toutes les matières, sauf pour la
langue seconde, l’anglais. Le programme d’études a pour objet de répondre aux
besoins de la clientèle francophone en situation minoritaire. En fait, les
objectifs linguistiques sont la maîtrise du français comme langue première et la
maîtrise de l’anglais comme langue seconde.
Le Conseil scolaire francophone provincial de Terre-Neuve-et-Labrador (CSFP)
administre un réseau de cinq écoles de langue française, toute considérées comme
des «petites écoles» par le ministère de l’Éducation :
Écoles (français langue première) |
Municipalité |
2006-2007 |
2007-2008 |
2008-2009 |
École des Grands-Vents |
St.
John's |
53 |
62 |
76 |
École
Sainte-Anne |
La
Grand'Terre |
73 |
82 |
74 |
École Notre-Dame-du-Cap |
Cap-Saint-Georges |
53 |
54 |
55 |
Centre éducatif
L'Envol |
Labrador City |
29 |
31 |
39 |
École Boréale |
Happy Valley-Goose Bay |
15 |
22 |
25 |
Total |
- |
223 |
251 |
269 |
|
Il existe aussi des cours en français à la
Faculté d'éducation de la Memorial University of
Newfoundland. L'école Sainte-Anne et l'école Notre-Dame-du-Cap sont
toutes les deux situées dans la péninsule de Port-au-Port, là où résident
environ 750 francophones (voir
la carte détaillée). En
septembre 2009, les inscriptions dans les cinq écoles francophones étaient de
269 élèves, dont une petite majorité de filles. L'école des Grands-Vents de St.
John's comptait à elle seule 76 élèves; l'école Sainte-Anne de La Grand'Terre,
74; l'école Notre-Dame du Cap à Cap-Saint-Georges, 55; le Centre éducatif
L'Envol à Labrador City, 82; l'école Boréale à Happy Valley-Goose Bay, 25. De
plus, le CSFP a négocié une entente avec une commission scolaire au Québec, afin
que sept élèves francophones du village de L’Anse-au-Clair (226 hab. en 2006), situé le long de la
route 510 longeant le golfe Saint-Laurent à environ 3 km de la frontière avec le Québec, puissent poursuivre
leurs études à Blanc-Sablon au Québec. |
Curieusement, la Schools Act de 1997
(modifiée plusieurs fois depuis) ne prévoit aucune disposition obligatoire concernant l'instruction
en français; c'est tout au plus une possibilité (art. 99):
Article 99
[traduction]
Écoles pour
les élèves dont le français est la première langue
(1)
Il est possible au conseil scolaire de créer, d’entretenir et de gérer une
école pour les élèves dont le français est la première langue, pourvu que
cette école offre des programmes ou des programmes scolaires qui satisfont
aux exigences minimales approuvées par le ministre.
(2)
L’école pour les élèves dont le français est la première langue reçoit
l’allocation de ressources approuvée par le ministre.
Article 100
Fonds de
construction
Le ministre
débourse les sommes votées par le Parlement en vue de la construction, de
l’extension et de l’équipement de l’école pour les élèves dont le français
est la première langue conformément aux recommandations du conseil
scolaire.
Article 101
Fonds de
fonctionnement
Les sommes
versées pour le fonctionnement et l’entretien de l’école pour les élèves
dont le français est la première langue, pour le transport des élèves, les
fournitures et l’équipement scolaires et les autres sommes affectées pour
les besoins en matière de formation scolaire ou s’y rapportant, dans une
école pour les élèves dont le français est la première langue, sont
versées au conseil scolaire d’après les barèmes fixés dans la directive
politique du ministre.
|
L'accès à l'école française
est laissé à la discrétion des conseils scolaires, lesquels peuvent établir, maintenir et faire fonctionner une école de
«français langue maternelle» dans laquelle
seront dispensés des programmes scolaires.
Par ailleurs, quand le gouvernement a adopté sa loi
scolaire en 1996 (avec entrée vigueur en 1997), celle-ci ne comportait qu'une simple
affirmation qu'un conseil scolaire francophone pour l'ensemble de la province
serait créé et laissait, pour un éventuel règlement,
la définition de la structure et des pouvoirs de ce conseil. L'article 102 de la
Loi sur les écoles (modifiée)
prévoit un conseil scolaire francophone
provincial pour la province :
Article 102
Conseil
d’école - membres jouissant du droit de vote
(1)
Il doit y avoir un conseil scolaire responsable de chaque école dont les élèves ont le
français comme première langue.
(2) Le
ministre fixe et peut modifier par voie de décret, sur la recommandation
du conseil scolaire, le nombre de membres, ne
devant pas dépasser neuf, lesquels constituent le conseil d’école et chacune des
écoles dont ce conseil d’école est responsable.
(3)
Nonobstant les dispositions du paragraphe 2 :
(a)
le premier conseil
d’école de Port-au-Port élu est chargé de chaque école pour les élèves
dont le français est la première langue située à Mainland et à Cap-Saint-George;
(b)
le premier conseil
d’école de l'ouest du Labrador élu est chargé de chaque école pour les
élèves dont le français est la première langue située à Labrador City ou
Wabush;
(c) conseil
d’école de l'est du Labrador élu est chargé de chaque école pour les
élèves dont le français est la première langue située à Happy Valley -
Goose Bay; et
(d) conseil
d’école de St. John's élu est chargé de chaque école pour les élèves
dont le français est la première langue située à St. John's.
|
L'article 95 traite de la
composition du conseil scolaire francophone. Il est permis au conseil scolaire
de créer, d’entretenir et de gérer une école pour les élèves dont le français
est la première langue (art. 99). La Loi sur les écoles
prévoit aussi les obligations du conseil scolaire (art. 97), ses pouvoirs (art.
98) et des membres jouissant du droit de vote (art. 102). L'article 113 précise que seul le conseil scolaire doit gérer
l’école pour les élèves dont le français est la langue maternelle ou première.
6.2 L'accès à l'école
française
Il est important de noter que même si
l’anglais est la langue parlée au foyer, un parent peut inscrire son enfant à
l’école française s’il se qualifie comme un «ayant droit». À
Terre-Neuve-et-Labrador, conformément à l'article 23 de la
Charte canadienne des droits et libertés, sont considérés comme
«ayant droit» à l’école française, les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador :
a) dont la première langue
apprise et encore comprise est le français;
b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français au Canada;
c) dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou
secondaire, en français au Canada.
L’école peut toutefois demander à l'un ou aux
deux parents leur participation active dans la promotion de la langue et de la
culture française et elle doit leur fournir un encadrement et un soutien dans
cette tâche. En général, un parent anglophone qui ne se qualifie pas comme
«ayant droit» ne peut inscrire son enfant à l’école française. Toutefois il
pourrait se produire des circonstances exceptionnelles où une demande pourrait
être considérée de façon positive. Ce parent doit alors obtenir le consentement
à la fois du CSFP et du Conseil scolaire anglophone de sa région pour que son
enfant puisse fréquenter l’école française. De plus, un parent dont la langue
première n’est ni le français ni l’anglais pourra inscrire son enfant à l’école
française si ce service est disponible dans sa région, autrement dit s'il existe
une école du CSFP dans sa région.
6.3 Les langues
d'enseignement
L'anglais enseigné comme langue maternelle
dans la quasi-totalité des écoles et autres établissements d'enseignement de
Terre-Neuve-et-Labrador. Mais l'anglais enseigné dans le cadre du système
d'éducation de cette province n'est pas exactement celui qui est parlé par la
majorité de la population: c'est l'anglais standard de la radiotélévision,
surtout la Canadian Broadcasting
Corporation (CBC/Radio-Canada).
C'est également l'anglais standard qui est enseigné comme langue seconde
obligatoire aux membres de la minorité francophone.
Le français langue maternelle est enseigné
aux francophones de la province, mais il s'agit aussi du français standard,
alors que les francophones de souche sont d'origine acadienne, notamment dans la
péninsule de Port-au-Port, alors qu'il sont d'origine québécoise à Labrador
City. Donc, il y a trois types de français : le français standard (télévision et
enseignement), le français acadien et le français québécois qui est aussi
véhiculé dans les émissions de variété à la télévision du fait que la plupart
des émissions proviennent de Montréal.
Le programme de français langue maternelle ou
langue première est conçu pour les francophones de la province, qui désirent que
leurs enfants reçoivent leur instruction en en français. Ce programme vise les
résultats d’apprentissage tels que formulés par la province, avec le mandat
additionnel de sauvegarder et de perfectionner la compétence langagière ainsi
que la préservation de l’héritage culturel de la population francophone de la
province. Dans ce système, l’enseignement se fait uniquement en français à tous
les niveaux et dans toutes les matières, sauf pour la langue seconde, l’anglais.
Le programme d’études tient particulièrement compte de sa clientèle francophone
en situation minoritaire. Dans ce contexte, tous les membres du personnel
enseignant doivent détenir un baccalauréat en éducation, un certificat
d'enseignement de Terre-Neuve-et-Labrador, maîtriser le français et posséder une
bonne connaissance de l'anglais.
On oublie souvent que le français est aussi
enseigné comme langue seconde à Terre-Neuve-et-Labrador. En cette
matière,
la
province offre les programmes agréés suivants :
-
le français de base de la 4e
à la 12e
année;
- l'immersion française précoce, de la maternelle à la 12e
année;
- l'immersion française tardive de la 7e
à la 12e
année;
- le français de base intensif, en 6e
année.
L'enseignement du français langue seconde est obligatoire pour les élèves de la
4e à la 9e
année, qui ne sont pas inscrits dans une école de langue française. Le tableau
ci-dessous donne les inscriptions dans les programmes de français langue seconde
de la province au cours des années 2004 à 2009, et le nombre total
d'inscriptions dans la province de la maternelle à la 12e
année pour la même période.
Programmes (français
langue seconde) |
2004-2005 |
2005-2006 |
2006-2007 |
2007-2008 |
2008-2009 |
Français de base |
40
950 |
39
374 |
36
154 |
35
053 |
33
014 |
Français de base intensif |
967 |
1
077 |
1263 |
1
314 |
1
579 |
Immersion française |
6
476 |
6
823 |
7
222 |
7
501 |
8
008 |
Inscriptions totales
(français langue seconde) |
48 394 |
47 274 |
44 639 |
43 868 |
42 601 |
Inscriptions totales (province) |
78 330 |
75 647 |
73 446 |
71 380 |
69 923 |
Lorsqu'on consulte le tableau
ci-dessus (français langue seconde) avec le précédent (français langue
première), on ne peut que constater une énorme différence: près de 70 000 élèves
suivent des cours de français langue seconde contre moins de 300 pour le
français langue première (maternelle).
On peut, par ailleurs, constater une
baisse des inscriptions dans ces programmes, mais cette baisse est attribuée à
la diminution de la population scolaire en général. Étant donné que le français
langue seconde est actuellement obligatoire pour les élèves de la 4e
à la 9e
année à Terre-Neuve-et-Labrador, l’accent est mis sur l’augmentation des
inscriptions au secondaire. Le plan d'action visant l'enseignement du français
langue seconde présente les stratégies de la province pour permettre aux
résidents de Terre-Neuve-et-Labrador d'apprendre le français comme langue
seconde. Il définit les mesures pour améliorer les programmes offerts et pour
établir de nouveaux programmes qui viennent compléter les programmes existants.
Les initiatives du plan d’action visent à enrichir l'enseignement du français
langue seconde à Terre-Neuve-et-Labrador, à augmenter les taux de participation
et à améliorer la qualité des programmes offerts.
6.4 L'université
L'enseignement universitaire est
dispensé uniquement en anglais. Toutefois, le Department of French & Spanish
(département de français et d’espagnol) et la Faculté d’Éducation du Memorial
University of Newfoundland offrent à St. John's un programme conjoint
entièrement en français appelé M.A. & Ed. (Enseignement des littératures et
cultures francophones). Le programme est conçu pour les enseignants de français,
qui souhaitent améliorer leurs connaissances en littérature et en culture
française, et enrichir leur pratique de l’enseignement tout en perfectionnant
leur français. Les cours sont axés sur les méthodologies d’enseignement et les
œuvres au programme dans les écoles de Terre-Neuve. Les étudiants seront appelés
à débattre en français de ce qu'est la culture et son enseignement.
6.5 Le coût
du bilinguisme à Terre-Neuve
Lorsqu'on compare le coût annuel pour les provinces pour assurer
des services dans la langue de leur minorité, on
constate que c'est Terre-Neuve qui dépense le plus per capita: avec seulement
3,4 millions, la province dépense 1780 $ par francophone. Mais l'Ontario, qui dépense 620 millions de dollars pour ses
services bilingues, revient à 1275 $ par francophone. Le Québec
dépense 50 millions et 88 $ par anglophone, c'est la province qui dépense le
moins pour le bilinguisme. Quant au gouvernement canadien, il
dépense la somme de 1,5 milliard de dollars
consacrée au bilinguisme, soit 85 $ par personne,
aux contribuables canadiens (voir le texte, s.v.p.).
7 Les médias
Il n'existe que deux quotidiens à Terre-Neuve:
The Telegram (St. John's) et The Western Star (Corner
Brook), tous deux en anglais. La grande majorité des journaux locaux
sont des hebdomadaires ou bi-hebdomadaires: The Compass (Carbonear),
The Packet (Clarenville), The Beacon (Gander), The
Advertiser (Grand Falls - Windsor), The Labradorian
(Happy Valley - Goose Bay), The Coaster (Harbour Breton),
The Aurora (Labrador City), The Pilot (Lewisporte),
The Southern Gazette (Marystown), The Shoreline News (Paradise),
The Charter (Placentia), The Gulf News
(Port-aux-Basques), The Northern Pen (St. Anthony), The
Muse (St. John's), The Nor'wester (Springdale), The
Georgian (Stephenville).
Un journal bimensuel est publié depuis 1984, à
St. John's, Le Gaboteur, le seul journal en français de la
province. En plus de proposer des informations et des nouvelles
provinciales et nationales en français, il traite des actualités qui
touchent les communautés francophones situées à St. John's, sur la
péninsule de Port-au-Port et au Labrador (principalement à Labrador
City et à Happy Valley-Goose Bay). Il existe aussi un mensuel de de
l’Association francophone du Labrador, Le FranCopain, qui
informe la communauté des activités francophones de cette région.
Dans les médias électroniques, les anglophones peuvent compter sur de
nombreuses stations radiophoniques locales privées, mais aussi sur un réseau
public avec CBC Radio
One et CBC Radio Two. Il existe aussi des radios communautaires,
particulièrement à St. John's, à Carbonear et à Corner
Brook. L'Université Memorial à St-John's possède une radio communautaire de
langue anglaise (CHMR - 93,5 FM), mais qui diffuse une fois par semaine une
émission de langue française intitulée «La Voix française», consacrée à la
musique française. Les francophones ont accès à quelques radios communautaires à
Labrador City, à La Grand'Terre et à St. John's, et à une chaîne de radio
publique de la Société Radio-Canada, La Première Chaîne (St. John's).
Pour la télévision, la population anglophone est desservie
par les réseaux nationaux CBC, CTV et Global Television. La chaîne NTV
(Newfoundland Television) est la seule chaîne provinciale de
Terre-Neuve-et-Labrador, et diffuse une programmation uniquement de langue
anglaise. Pour la télévision, la minorité francophone a à sa disposition les
émissions produites par la Société Radio-Canada (SRC) produites et diffusées à
partir de Montréal et/ou de Moncton. (CBAFT). Les abonnés à la télévision
satellite peuvent également avoir accès à une variété de chaînes de langue
française en provenance du Québec et de la France (p. ex. : TV5, Télé-Québec,
TVA, RDI, etc.).
On peut affirmer sans se tromper que la province de Terre-Neuve
ne fait pas de réel cadeau à sa petite minorité francophone. Finalement,
tout ce que les francophones de Terre-Neuve obtiennent découle des
obligations constitutionnelles et des décisions des tribunaux ou encore de
services limités et payés par le gouvernement fédéral.
Rien qui ne soit comparable à ce que des provinces comme le Québec,
le Nouveau-Brunswick et l'Ontario ont accordé à leur minorité francophone ou
anglophone
respective. En réalité, il ne s'agit que de tout petits droits
à peine similaires à ceux accordés à l'ensemble des autochtones. Certes, il y a eu
des améliorations notables en matière du
côté des droits scolaires, mais au prix de multiples procès devant les
tribunaux. Finalement, les seuls francophones qui ont eu la chance de se
maintenir relativement bien sont ceux qui résident dans les villes minières de
Labrador City et de Wabush, parce que les contacts sont plus commodes avec le
Québec qu'avec le reste du Labrador et de Terre-Neuve. Cependant, les nouveaux
travailleurs proviennent aujourd'hui davantage de Terre-Neuve en raison d'une
politique de «priorité à l'emploi» qui favorise les Terre-Neuviens, avec comme
résultat une éventuelle diminution progressive des membres de la communauté
francophone.
En définitive, les problèmes sont plus marqués au
Labrador, généralement exploité pour ses ressources naturelles, et qui restera
toujours un «arrière-pays» éloigné par rapport à l'île de Terre-Neuve. C'est au Labrador
que les habitants vivent les menaces environnementales liées au développement de
l'industrie minière, que surgissent les débats sur les droits des autochtones et
l'accès à l'autonomie gouvernementale pour ces communautés, sans oublier les
contentieux avec le Québec et l'exploitation hydro-électrique. Contrairement au
Québec, les Innus n'ont jamais réussi à signer une entente de revendications
territoriales avec la province de Terre-Neuve. Quant à la question des droits
linguistiques, elle est loin de préoccuper les politiciens terre-neuviens.
Dernière mise à jour: le
09 février, 2024
La colonie française de Plaisance (1650-1713)