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Algérie (1) Situation géographique
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Remarque: tous les sites portant sur cette question et qui ressemblent au présent site sont des plagiats non autorisés de ce dernier.
Avis: cette page a été révisée par Lionel Jean, linguiste-grammairien. |
Plan de l'article
L’Algérie (officiellement
République algérienne démocratique et populaire)
est un État du Maghreb bordé au nord par la mer Méditerranée,
à l'est par la Tunisie et la Libye, au sud-est par le Niger, au sud-ouest par
le Mali et la Mauritanie, à l'ouest par le Maroc et le Sahara occidental (voir
la carte détaillée). Sur le continent africain, l’Algérie est le second pays par sa
superficie (2,3 millions de km²), dont les quatre cinquièmes sont
occupés par le Sahara. L'Algérie fait partie de la
Ligue arabe. Le nom de l’Algérie en arabe est Al-Djazâ'ir, c’est-à-dire «royaume de Ziri». |
La ville d'Alger aurait été fondée par le Berbère Bologhin ibn Ziri de la tribu des Zirides bien avant l'occupation ottomane. Le nom d'Alger provient du nom de la tribu, les Zirides, qui a fondé la ville qui se nommait initialement D’zaïr Ben Mezghenna. Alger viendrait de D’zaïr, les colons français ayant repris ce nom et l'ayant arabisé pour faire Al-Djazâ'ir et, par la suite, Alger. C'est Antoine Virgile Scheider, ministre de la Guerre sous la monarchie de Juillet, qui avait décrété en 1839 que les territoires d'Afrique du Nord situés entre le royaume du Maroc à l'ouest et le beylicat de Tunis à l'est seraient dorénavant appelés Algérie : «Le pays occupé par les Français dans le nord de l'Afrique sera, à l'avenir, désigné sous le nom d'Algérie.»
L'Algérie est divisée en 48 wilayas (anciens départements équivalant à une «province» administrative ou une collectivité territoriale) : Adrar, Ain Defla, Ain Temouchent, Alger, Annaba, Batna, Bechar, Bejaia, Biskra, Blida, Bordj Bou Arreridj, Bouira, Boumerdès, Chlef, Constantine, Djelfa, El Bayadh, El Oued, El Tarf, Ghardaia, Guelma, Illizi, Jijel, Khenchela, Laghouat, Mascara, Medea, Mila, Mostaganem, M'Sila, Naama, Oran, Ouargla, Oum el Bouaghi, Relizane, Saida, Setif, Sidi Bel Abbes, Skikda, Souk Ahras, Tamanghasset, Tebessa, Tiaret, Tindouf, Tipaza, Tissemsilt, Tizi Ouzou et Tlemcen (voir la carte). Ces wilayas sont divisées en 160 sous-préfectures et 1540 communes. En Tunisie et au Maroc, on utilise le terme gouvernorat à la place de wilaya.
La population de l'Algérie était estimée à 34,8 millions d'habitants en 2008, contre 37,9 millions en 2013. Elle se composait de deux groupes ethniques importants: les Berbères et les Arabes. La plupart des Algériens descendent de ces deux ethnies. Il est donc difficile de distinguer les deux ethnies dans la pratique, et ce, d'autant plus que rien ne les distingue l'une de l'autre, que ce soit dans leurs habits, leur religion, leurs coutumes, etc., sauf la langue. Ce sont par conséquent les berbérophones qui sont minoritaires, pas les Berbères! Il est cependant difficile de déterminer la répartition exacte des Arabes et des Berbères, tant leur population a été mêlée au cours de l'histoire. Arabes et Berbères ont souvent abandonné leur langue ancestrale pour prendre l'arabe ou une forme d'arabe différente.
2.1 Les arabophones
Ethnie (Algérie) | Langue maternelle | Famille linguistique | Population | % |
Arabes algériens | arabe algérien | chamito-sémitique (sémitique) | 19 321 000 | 60 % |
Kabyles | kabyle | chamito-sémitique (berbère) | 3 050 800 | 9,4 % |
Bédouins du Hamyan | hassaniyya | chamito-sémitique (sémitique) | 1 932 200 | 5,9 % |
Chaouias (Shawiya) | chaouia | chamito-sémitique (berbère) | 1 728 800 | 5,3 % |
Bédouins du Tajakant | hassaniyya | chamito-sémitique (berbère) | 1 311 900 | 4,0 % |
Berbères du Moyen-Atlas | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 1 220 300 | 3,7 % |
Berbères arabisés | arabe algérien | chamito-sémitique (sémitique) | 1 003 800 | 3,1 % |
Berbères Ishilhayn (Shilha du Nord) | tachelhit | chamito-sémitique (berbère) | 630 500 | 1,9 % |
Berbères shilha | tachelhit | chamito-sémitique (berbère) | 233 900 | 0,7 % |
Berbères de Mzab (mozabite) | tumzabt | chamito-sémitique (berbère) | 233 900 | 0,7 % |
Bédouins du Ziban | hassaniyya | chamito-sémitique (sémitique) | 203 390 | 0,6 % |
Saharawi | hassaniyya | chamito-sémitique (sémitique) | 163 710 | 0,5 % |
Berbères de Ghardaia | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 138 810 | 0,4 % |
Arabes marocains | arabe marocain | chamito-sémitique (sémitique) | 133 830 | 0,4 % |
Bédouins du Chaamba | arabe algérien du Sahara | chamito-sémitique (sémitique) | 101 690 | 0,3 % |
Bédouins de Sidi | hassaniyya | chamito-sémitique (sémitique) | 101 690 | 0,3 % |
Tamanrassets | arabe du Sahara | chamito-sémitique (sémitique) | 101 690 | 0,3 % |
Bédouins du Tuat | taznatit | chamito-sémitique (sémitique) | 66 910 | 0,2 % |
Bédouins du Dui-Menia | arabe du Sahara | chamito-sémitique (sémitique) | 61 020 | 0,1% |
Bédouins de Laghouat | hassaniyya | chamito-sémitique (sémitique) | 61 000 | 0,1 % |
Bédouins de Ruarha | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 61 000 | 0,1% |
Bédouins de Suafa | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 61 000 | 0,1% |
Berbères de Figig | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 61 000 | 0,1% |
Berbères du Menasser | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 61 000 | 0,1% |
Berbères du Gourara | taznatit | chamito-sémitique (berbère) | 57 970 | 0,1% |
Berbères de Tougourt | arabe algérien | chamito-sémitique (sémitique) | 57 970 | 0,1% |
Tamacheks hoggar (Touaregs) | tamahaq | chamito-sémitique (berbère) | 31 350 | 0,1% |
Bédouins de Nail | tamazight | chamito-sémitique (berbère) | 28 470 | 0,0 % |
Touaregs d'Ajjer | tamahaq | chamito-sémitique (berbère) | 22 370 | 0,0 % |
Chénouas | chénoua | chamito-sémitique (berbère) | 15 250 | 0,0 % |
Berbères de Tidikelt (Ibidites) | tamazight tidikelt | chamito-sémitique (berbère) | 14 240 | 0,0 % |
Arabes égyptiens | arabe égyptien | chamito-sémitique (sémitique) | 13 220 | 0,0 % |
Français | français | indo-européenne (romane) | 10 170 | 0,0 % |
Hausa (Touaregs) | hausa | chamito-sémitique (tchadique) | 8 750 | 0,0 % |
Tougourts | tamazight temacine | chamito-sémitique (berbère) | 6 100 | 0,0 % |
Ouargla | tagargrent | chamito-sémitique (berbère) | 5 000 | 0,0 % |
Arabes irakiens | arabe irakien | chamito-sémitique (sémitique) | 3 360 | 0,0 % |
Tsiganes | tsigane | indo-iranienne (indienne) | 3 360 | 0,0 % |
Russes | russe | indo-européenne (slave) | 2 030 | 0,0 % |
Idaksahaks (Touaregs) | tadaksahak | nilo-saharienne (songhaï) | 1 800 | 0,0 % |
Espagnols | espagnol | indo-européenne (romane) | 1 630 | 0,0 % |
Biélorusses | biélorusse | indo-européenne (slave) | 1 020 | 0,0 % |
Britanniques | anglais | indo-européenne (germanique) | 610 | 0,0 % |
Juifs | français | indo-européenne (romane) | 592 | 0,0 % |
TOTAL 2004 | 32 329 322 | 100 % |
Aujourd'hui, la langue maternelle de la grande majorité des Algériens est un parler populaire appelé «darija», qui signifie littéralement «langue courante» (à plusieurs variétés mutuellement intelligibles) ou le berbère (tamazight), la langue «autochtone». Les recensements sur une base linguistique, ethnique ou religieuse étant interdits en Algérie afin de «préserver l’unité nationale», il est malaisé de connaître de façon scientifique le nombre exact d’arabophones et de berbérophones.
- Les variétés d'arabe
Décrire la langue arabe est difficile, car il existe diverses variétés d'arabe en Algérie, comme dans les autres pays arabophones. Il faut distinguer l'arabe classique ou littéraire, une langue issue du Coran et utilisée par l'élite arabo-musulmane pendant douze siècles. Puis l'arabe moderne standard, qui fut normalisé au XIXe siècle à partir de l'arabe classique par les intellectuels de la «Renaissance arabe» (la Nahda) du Proche-Orient. Il ne faut surtout pas oublier l'arabe algérien, une langue vernaculaire variant d’une région à l’autre et utilisé quotidiennement par la quasi-totalité des arabophones algériens. Pour une population peu instruite, comme c'était le cas lors de l'indépendance en 1962, l'arabe classique demeurait une langue impossible à comprendre, tant il diffère de l'arabe populaire (algérien). Le coup de force identitaire paraît d’autant plus important que, pour la population illettrée de la première moitié du siècle, la compréhension de l’arabe littéral (moderne ou classique) était impossible.
Historiquement, la langue arabe a des origines religieuses, puisque la langue originelle est aussi langue de la Révélation du prophète Mahomet. C'est pourquoi, en fonction de cette origine divine, certains arabophones algériens croient qu'il faut purifier la langue parlée de ses emprunts étrangers, non seulement au français et au berbère, mais aussi à l'arabe dialectal, afin de retrouver la «vraie» langue arabe, celle du Coran. Cette conception de la langue arabe a toujours imprégné les politiques d'arabisation dans tout le Maghreb. C'est le berbère (ou le kabyle) qui a contribué à façonner l'arabe algérien tel qu'il est aujourd'hui.
- L'arabe algérien vernaculaire
Aujourd'hui, la majorité des Algériens sont
arabophones dans une proportion de 72 %.
Parmi les arabophones, c'est l'arabe algérien
qui dominent nettement avec 60 % de la population totale et 83,2 % des
arabophones. Les autres arabophones parlent l'arabe
hassaniyya (11,3 %), l'arabe
marocain (0,4 %), l'arabe du
Sahara (0,1 %), l'arabe égyptien,
voire l'arabe irakien. Toutes les variétés
d'arabe appartiennent au
groupe sémitique de la famille
chamito-sémitique.
En somme, tous les arabophones d'Algérie parlent l'arabe vernaculaire ou l'arabe dit «algérien» (et ses diverses variétés) pour communiquer entre eux. Autrement dit, à l'oral, c'est l'arabe algérien qui sert de langue véhiculaire, mais à l'écrit, c'est l'arabe classique. |
Cependant, quand on parle d'arabe algérien, il faut comprendre qu'il
s'agit de diverses variétés d'arabe local, car l'arabe algérien unifié
n'existe pas. On compte donc de nombreuses variétés d'arabe algérien.
Rappelons que toutes les variétés d'arabe algérien sont
influencées de façon hétérogène par d'autres langues (par exemple, le berbère,
le français, l'espagnol, le turc, l'italien, etc.). Ainsi, on peut distinguer l'arabe
algérois (surtout influencé par le berbère et le turc), l'arabe oranais
(influencé par l'espagnol), l'arabe constantinois
(influencé par
l'italien), l'arabe tlemcenien (influencé par l'arabe andalou), etc.,
lesquels sont sensiblement différents par le lexique, la prononciation ou la
grammaire. Il est même parfois difficile de se faire comprendre entre locuteurs
provenant de différentes régions.
En fait, l'Algérie est le pays arabe dont la composition linguistique est très diversifiée. Cela signifie que, lorsqu'on parle de l'arabe algérien, il faut se souvenir que celui-ci n'est pas uniforme, mais le fait qu'il existe des volumes pour apprendre l'arabe algérien (L'arabe algérien de poche) témoigne de la vitalité indéniable de cette variété d'arabe ainsi que d’une formidable résistance face à la stigmatisation et au rejet que véhiculent à son égard les normes culturelles dominantes. Cet arabe dialectal ou arabe algérien est aussi appelé wattani («l'arabe de la nation algérienne») ou darija («langue courante») ou encore maghribi, que l’on parle en Algérie est particulier. |
Dans sa forme actuelle, cet arabe algérien reflète les différentes étapes qu'il a vécues au cours de son histoire. Au point de vue lexical, on note la présence de mots berbères tels que aïreuj («passoire»), aghhtal («escargot»), asselwan («suie»), khemmal («nettoyer»), etc., et un grand nombre d'autres mots puisés dans le vocabulaire de l'agriculture, l'élevage et la toponymie. Des mots comme tebsi («assiette»), ma'adnous («persil»), braniya («aubergine»), boukraj («bouilloire»), etc., témoignent de l'influence du turc dans l'arabe algérien. Avant l'arrivée des Français, des mots espagnols sont entrés dans la langue, par exemple, fitchta («fête»), sberdina («espadrille»), bodjado («avocat»), kanasta («panier»), essekouila («école primaire»), etc.
Le célèbre humoriste et comédien algérien, Mohamed Fellag, décrit ainsi sa langue: «L'algérien de la rue est une langue trilingue, un mélange de français, d'arabe et de kabyle.» Dans un entretien, il déclarait aussi:
C'est ma langue, le mélange des trois langues, c'est ma langue; c'est ça que je parle naturellement, et elle est comprise naturellement, parce que le public est comme moi, que ce soit au marché, dans la rue, dans le bus ou dans les milieux scientifiques, les gens parlent comme ça! [...] Moi, je suis contre tous les purismes, je suis pour le mélange, je suis pour l'utilisation libre de toute contrainte. Je ne suis pas linguiste, mais je pense que c'est comme ça que les langues sont faites, en se mélangeant à d'autres langues. Travailler ces langues, ça m'amuse aussi; c'est riche, on s'adapte tout de suite; un mot qui manque en arabe dialectal, hop! on le prend au français et on le conjugue en arabe, on le triture et on en fait un mot. Un ami kabyle m'a raconté une discussion sur la langue qu'il a eue avec sa mère; il lui disait: tu sais en kabyle il y a beaucoup de mots arabes et français ; par exemple, jami, c'est du français, et sa mère qui lui dit: «jami de la vie», jami, c'est du kabyle, je l'ai toujours dit; elle l'avait intégré. |
Mais l'arabe algérien n'est en général pas très prisé par le pouvoir politique. Il est souvent qualifié comme un «charabia» incapable de véhiculer une «culture supérieure». En 1993, le critique égyptien Taha Husain avait écrit à propos de l'arabe algérien: «Le dialectal ne mérite pas le nom de langue et ne convient pas aux objectifs de la vie intellectuelle.» Évidemment, ce n'est pas la réalité. Ce genre de préjugé est courant dans tout le monde arabe, non seulement en Algérie.
L'ancien président algérien, Houari Boumédiène (du 19 juin 1965 au 27 décembre 1978), avait adopté à l'égard de l'arabe algérien une aversion viscérale qu'il avait puisée dans l'enseignement des oulémas, ces théologiens sunnites conservateurs. Abdelhamid Ben Badis (1889-1940), le fondateur de l'Association des oulémas musulmans algériens, associait l'arabe algérien à la «langue du marché» : «Le langage utilisé par les ''langues au marché'', sur les chemins et tous autres lieux populaires fréquentés par la masse ne peut pas être confondu avec le langage des plumes et du papier, des cahiers et des études, bref d'une élite.» Ces propos sont influencés par le nationalisme linguistique des Proche-Orientaux. Les oulémas ont élaboré un vocabulaire particulier pour désigner le peuple: Salafat al'amma («la masse abjecte»), Al-ra'iyya («les sujets»), Al-sùqa («les gens du marché»), Al-ça'âlik («les hommes de la rue»), etc. Pour les oulémas, El'amiya («le dialecte») désigne la langue de l'El'amma («le menu peuple») par opposition à la langue riche, savante et aristocratique de l'arabe classique. Ce vocabulaire permet ainsi aux élites de se distinguer du menu peuple et de montrer leur supériorité.
En général, les arabophones algériens n’ont aucun problème à communiquer en arabe algérien avec ceux du Maroc (arabe marocain), de la Tunisie (arabe tunisien) ou de la Libye (arabe libyen), mais il leur est plus malaisé de communiquer avec les arabophones de pays plus éloignés au Proche-Orient tels que la Syrie, l'Irak ou la Jordanie. Comme en Algérie, l'arabe dialectal de tous ces pays n'est pas uniforme: il varie selon les régions, les villes, les villages, etc.
Évidemment, le français a laissé un bon fonds lexical qui illustre la capacité d'adaptation de l'arabe algérien: funara («foulard»), tcheuzina («cuisine»), miziriya («misère»), zarata («il a déserté»), etc. Pour un Algérien, tous ces mots «étrangers» sont perçus comme arabes au même titre que, pour un francophone, les mots cible (< allemand), bizarre (< espagnol), police (<italien), pédale (<italien), pingouin (<anglais), etc., semblent aujourd'hui bien français.
- L'arabe classique ou littéraire
En même temps, les autorités algériennes tentent de promouvoir la langue arabe dans sa version littéraire ou standard, celle de l’école, des médias, de la production intellectuelle, etc. L'Algérie s'est dotée d’institutions comme l’Académie algérienne de la langue arabe (en 1986) et le Haut Conseil de la langue arabe (1998). Dans les fait, le bilan de ces deux institutions nationales ne semblent pas des plus concluants en matière de promotion de la langue arabe, et ce, d’autant plus que cette question linguistique concerne tous les pays arabes.
De plus, cet arabe classique (ou littéraire), appelé aussi qawmi, n'est parlé que par une partie de la population (environ la moitié), celle qui est la plus scolarisée, celle qui a accès à cet arabe officiel appris à l'école et employé généralement comme langue seconde. L'Algérien moyen est souvent incapable de saisir le sens réel des informations radiophoniques ou télévisées diffusées en arabe officiel. Pour beaucoup d'Algériens, cet arabe écrit est artificiel à l'oral et ne correspond pas à leur véritable langue. Ajoutons aussi que les problèmes de l'adaptation de l'arabe classique et de sa modernisation sont toujours d'une grande actualité. L'humoriste Mohamed Fellag cite ainsi sa mère qui lui disait en entendant le président Bouteflika à la télé: «Il a l'air bien ce monsieur, mais c'est dommage qu'il ne parle pas l'arabe!» C'est tout dire!
Par ailleurs, près du tiers, soit 8,8 millions des Algérien (représentant ainsi 27,4 % de la population) parlent l'une des variantes du berbère, une autre langue chamito-sémitique, mais appartenant au groupe berbère: le kabyle, le tamazight, le chaouïa (shawiya), le mzab, le mozabique, le tshalhit, le touareg, le tarifit, le tumzabt, etc. Les berbérophones forment diverses communautés telles que les Kabyles, les Chaouïas, les Zénètes, les Mozabites, les Touaregs, etc. Le berbère n'est pas une langue uniformisée pour plusieurs raisons dont les suivantes :
1) D'abord, les berbérophones sont répartis dans de vastes étendues géographiques comprenant l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, la Mauritanie, le Niger et le Mali.
2) Au point de vue historique, les Berbères ont dû subir de multiples invasions qui les ont dispersés dans des États différents.
3) À l'intérieur même d'un pays, les berbérophones ne sont que rarement regroupés sur un territoire continu; au contraire, ils constituent généralement des communautés isolées les unes des autres, sans contact.
Pour toutes ces raisons, le berbère est morcelé en différentes variétés, voire des langues quasi différentes. La principale caractéristique du berbère est le morcellement de la langue en un grand nombre de parlers locaux. Depuis la conquête arabe au Maghreb, les berbérophones n'ont jamais constitué d'État qui leur soit propre. Dans chaque pays, le berbère est influencé par des emprunts et des tournures du pays de domicile : l'arabe algérien en Algérie, l'arabe marocain au Maroc, l'arabe tunisien en Tunisie, l'arabe libyen en Lybie, etc. Il n'y a donc pas de variété berbère standardisée. En fait, ces variétés dialectales, bien que témoins d’une tradition vivace et très ancienne, n’ont été soumis que tardivement à des tentatives de codification et d’uniformisation; il est possible que le tamazight soit le début d'une variété normalisée et standardisée.
Par ailleurs, selon les pays, le nom de la langue peut être appelé différemment : amazigh au Maroc, tamazight et kabyle en Algérie, amazigh en Tunisie, tamacheq en Libye, amazigh au Niger, zenaga en Mauritanie, tamajeq-kidal au Mali, etc. Dans le même pays, comme en Algérie, chacune des variétés porte une appellation différente: kabyle, chaouia, tamazight, hassaniyya, tumzabt, taznatit, etc.
En Algérie, les berbérophones sont regroupés surtout près de la capitale, Alger, et au centre du pays; on trouve aussi quelques communautés éparpillées dans le Sud. Soulignons également que les Berbères sont présents dans les pays voisins (Maroc, Tunisie, Mauritanie, Mali, Libye, etc.). En Algérie, les berbérophones se sont donné comme nom Imazighen (au pluriel); au singulier, c’est le terme Amazigh (berbère) qui est employé. Le mot tamazight désigne leur langue (berbère) et Tamazgha le territoire auquel ils appartiennent (la Berbérie). On écrit aussi «langue amazighe» (adjectif), mais le «tamazight» (nom). Le terme «tamazight», à l'exemple de «berbère», peut être considéré comme le générique de la «langue mère», mais les mots régionaux sont parfois plus connus: kabyle, chaouia, tamazight, hassaniyya, tumzabt, taznatit, etc. Non seulement, la langue berbère n'est pas uniformisée, mais l'écriture ne l'est guère plus. En effet, l'alphabet utilisé par les berbérophones est complexe et fragmenté en trois types d'écriture : l'alphabet latin, l'alphabet arabe et l'alphabet tifinagh. |
À la fin des années 1960, l'Académie berbère s'est formée en Algérie afin de proposer un alphabet normalisé sur la base des alphabets déjà utilisés ailleurs, notamment au Maroc. L'Académie berbère voulait faire revivre cet alphabet et le faire utiliser par l'ensemble des locuteurs des différentes variétés berbères. Les berbérophones algériens utilisaient jusqu'alors l'alphabet latin pour écrire leur langue.
Les berbérophones utilisent une écriture particulière (le tifinagh) pour transcrire leur langue tout en recourant aussi à l'alphabet latin et à l'alphabet arabe. Ce n'est pas simple, car les berbérophones font usage de trois alphabets: l'alphabet tifinagh, l'alphabet latin et l'alphabet arabe.
Alors que la Kabylie a opté, depuis longtemps, pour l'alphabet latin, la région des Aurès au nord-est, celle des Chaouias, utilise les caractères arabes, mais les Touaregs du Sud préfèrent les tifinaghs. Or, pour beaucoup d'arabophones islamistes, l'alphabet latin, qui a la fâcheuse coïncidence de ressembler au français, peut paraître comme un insulte au caractère officiellement arabo-musulman du pays. Ce sont eux qui ont réussi à influencer les Chaouias d'opter pour l'alphabet arabe.
L’alphabet tifinagh comporte 33 lettres et ne représente aucune des données phoniques d’aucun parler particulier, car il est conçu pour écrire l’amazigh standard. La particularité de cet alphabet est de neutraliser dans la langue écrite les traits phonétiques à caractère particulier. Le sens de la lecture et l’écriture tifinaghe est orienté vers la droite. En ce qui a trait à cet alphabet, on peut consulter le site de Monde berbère.com en cliquant ICI, s.v.p. |
Toutefois, la graphie tifinaghe ne fait pas l'unanimité chez les berbérophones, une écriture à base d'alphabet arabe. L'Association Tamazgha lutte pour la reconnaissance des droits identitaires, linguistiques, politiques et sociaux des berbérophones de tous les pays. Ainsi, l'Association tamazgha accuse l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) du Maroc de «complot visant à freiner l'usage de la graphie gréco-latine largement diffusée». Il s'agirait d'une «stratégie pour propulser l'usage de la graphie arabe, en vue de l'imposer par l'usage». Dans un contexte où l'arabisation est une affaire d'État et où le tamazight a longtemps été combattu par l'État, l'usage de la graphie arabe jouerait en faveur de l'arabisation. Pour l'Association Tamazgha, il ne faudrait pas voir dans l'adoption de la graphie tifinaghe un geste en faveur du tamazight. Rappelons que l'écriture tifinaghe est vieille de trois mille ans et qu'elle a été utilisée à des fins décoratives et artistiques en Égypte, au Niger, au Mali, au Burkina Faso et aux îles Canaries.
2.4 Les autres communautés linguistiques
Il reste quelques petites communautés parlant des langues indo-européennes et nilo-sahariennes. Parmi les langues indo-européennes, signalons le français parlé par environ 10 000 Français et 600 Juifs, ainsi que par presque environ la moitié de tous les Algériens en tant que langue seconde. Avant l'indépendance, on comptait plus d’un million de colons français en Algérie et près de 150 000 de Juifs parfois de souche très ancienne; presque tous ces gens ont quitté le pays dans les années qui ont suivi l’indépendance. En 1986, on recensait encore près de 52 000 Français en Algérie; ils étaient environ 24 500 en 1992 et étaient estimés à 8300 (dont les trois quarts possèdent la double nationalité) en 1996. L’Algérie peut être considérée, à tort ou à raison, comme «le second pays francophone du monde» avec près de 21 millions de personnes qui ont une connaissance plus ou moins grande du français, soit environ 67 % de la population (32,2 millions).
Les petites communautés linguistiques de l'Algérie sont les Tsiganes (env. 3300) parlant leur langue indo-iranienne (le tsigane), les Hausas parlant le haoussa (groupe tchadique) avec quelque 8700 locuteurs et les Belbali et les Idaksahaks parlant le tadaksahak, une langue nilo-saharienne du groupe songhaï, avec quelque 1800 locuteurs.
2.5 La langue française en Algérie
Le français est une langue seconde en Algérie : c'est la première langue étrangère. Cependant, sa présence est importante dans la société algérienne, bien que ce ne soit pas une langue officielle. Par exemple, toutes les lois sont traduites en français; il est connu de tous que l’essentiel du travail dans les structures de l’administration publique s’effectue en français; l'enseignement universitaire est, en grande partie, assuré en français, surtout pour les disciplines médicales et techniques. La langue française reste en Algérie un véhicule de transmission du savoir et continue à façonner l'imaginaire collectif. Le français est également un moyen d’enrichissement culturel qui véhicule une certaine idée de prestige. C'est pourquoi, pour la plupart des Algériens, le français est davantage perçu comme une langue seconde plutôt qu'une langue étrangère. En général, ils parlent plus souvent le français dans les grandes villes, par exemple dans la capitale, dans les villes côtières et en Kabylie, plutôt que dans les zones rurales.
Toutefois, pour certaines catégories d'Algériens, notamment les islamistes et les politiciens de droite, le français devrait être éliminé de la scène linguistique, car il représenterait une menace contre l'identité religieuse des Algériens. Pour la plupart des Algériens, la référence au colonialisme vient en dernière position dans leur perception de la langue.
2.6 Le multilinguisme algérien
L’Algérie constituerait la seconde communauté francophone du monde, avec environ 16 millions de locuteurs : un Algérien sur deux parlerait français (Rapport de l’OIF, Le français dans le monde, 2006-2007). Selon les résultats d'un sondage effectué pour le compte de la revue Le Point (article du 3 novembre 2000, n° 1468, l'Algérie serait, outre la France, le premier pays francophone au monde, avec plus de 14 millions, d'individus de 16 ans et plus, qui pratiquent le français, soit 60 % de la population. Cette enquête fait ressortir le fait que beaucoup d'Algériens, sans rejeter leur arabité, estiment que le français leur est nécessaire ou utile.
Lors d'une enquête du Centre national d'études et d'analyse pour la planification (CNEAP) effectuée en 1999 à l'Université de Constantine, on a demandé aux étudiants quelles étaient les langues qu'ils utilisaient à la maison, avec leurs amis et à l'université, entre l'arabe algérien, le français, l'arabe classique, le tamazight, l'anglais et l'allemand:
Bien que cette enquête puisse dater de plusieurs années, les proportions ne devraient pas avoir changé radicalement : 84 % s'expriment en arabe algérien à la maison, contre 49 % pour le français, 3,4 % pour l'arabe classique, 5,1 % pour le tamazight et 2,2 % pour l'anglais. On peut comprendre pourquoi le comédien et humoriste algérien, Mohamed Fellag, décrit ainsi sa langue : «L'algérien de la rue est une langue trilingue, un mélange de français, d'arabe et de berbère.» Le président Abdelaziz Bouteflika, pour sa part, déclarait en 2009 : «Je ne parviens pas à déterminer quelle langue parlent les Algériens. Ce n’est ni de l’arabe, ni du français ni même de l'amazigh… ce n'est qu'un mauvais mélange, des propos hybrides que l'on comprend à peine.»
Rappelons que tous les présidents de l'Algérie ont toujours ouvertement méprisé l'arabe algérien, à l'exception de Mohamed Boudiaf qui l'utilisait amplement. En fait, les Algériens parlent l'arabe algérien (ou l'une de ses variantes locales) ou le berbère (ou l'une de ses variantes locales) comme langue maternelle, puis le français et l'arabe littéraire comme langues secondes. Tout Algérien moyen est au moins trilingue, avec une aisance limitée en arabe littéraire. L'arabe littéraire (classique) est rarement employé comme langue véhiculaire quotidienne au sein de la société algérienne; l'arabe algérien d'abord (ou le berbère) et le français ensuite assurent généralement cette fonction. Tous les dirigeants algériens ont prôné la disparition de l'arabe dialectal (algérien) au profit de l’arabe classique, mais ils ont tous été obligés de reconnaître que l'arabe algérien est bien vivant et indélogeable.
Dans les faits, les Algériens sont aux prises avec un quadrilinguisme qui façonne leur identité collective. C'est d'abord l'arabe algérien (dialectal) pour les uns, le tamazight pour les autres, puis le français et l'arabe classique. Les frontières entre ces langues ne sont ni géographiquement ni linguistiquement établies ni fixes. Ces quatre langues semblent constituer une sorte de continuum dans lequel le français et l'arabe algérien oui le tamazight trouvent leur place légitime au même titre que le tamazight et l'arabe classique. Les rôles et les fonctions de chaque langue, qu'elle soit dominante ou minoritaire, s’inscrivent dans un processus complexe qui échappe à toute tentative d'élimination. Personne ne veut perdre l'une ou l'autre de ces langues.
Dans une enquête menée en mai 2011, le professeur Bessai
Bachir de l'Université de Béjaia (Algérie) révèle ainsi les tendances dans
les attitudes de quelque 225 élèves à l'égard des langues en usage en
Algérie. La question était celle-ci: «Dans quelle mesure trouvez-vous
importantes ces langues?»
Langue |
Très important | Assez importante | Peu importante | Sans importance | Total |
Kabyle | 37,4 % | 22,7 % | 30,8 % | 9,0 % | 100 % |
Arabe dialectal | 12,1 % | 21,7 % | 45,9 % | 20,3 % | 100 % |
Arabe classique | 25,1 % | 29,6 % | 30,0 % | 15,3 % | 100 % |
Français | 66,2 % | 23,5 % | 6,1 % | 4,2 % | 100 % |
Anglais | 63,2 % | 17,2 % | 9,1 % | 10,5 % | 100 % |
La majorité des élèves croient que les langues française et anglaise sont «très importantes» (66 % pour le français et 63 % pour l’anglais), ce qui place loin derrière l'arabe dialectal et l'arabe classique. Par voie de conséquence, le nombre des élèves qui disent que ces deux langues n’ont «aucune importance» est très faible (4,2 % pour le français et 10,5 % pour l’anglais). Le tableau fait aussi remarquer qu’un peu plus d’un tiers des élèves déclarent que la langue kabyle est «très importante» contre 22 %, qui déclarent qu’elle est «assez importante». De plus, le pourcentage des élèves qui considèrent l’arabe classique et l'arabe dialectal comme des langues «très importantes» apparaît comme relativement faible (12,1 % pour l’arabe dialectal, contre 25,1 % pour l’arabe classique). Bref, les élèves considèrent le français et l’anglais plus importants que le kabyle, l'arabe dialectal et l'arabe classique. Plus précisément, la langue française jouit d’une image très positive dans l’imaginaire des élèves, ce qui est probablement le cas pour la majorité de la population.
Dans cette perspective, Rabeh Sebaa parle
de la situation du français en Algérie en ces termes (dans Culture et
plurilinguisme en Algérie, 2000):
La réalité empirique indique que la langue française occupe en Algérie une situation sans conteste, unique au monde. Sans être la langue officielle, elle véhicule l’officialité, sans être la langue d’enseignement, elle reste une langue de transmission du savoir, sans être la langue d’identité, elle continue à façonner de différentes manières et par plusieurs canaux, l’imaginaire collectif. Il est de notoriété publique que l’essentiel du travail dans les structures d’administration et de gestion centrale ou locale, s’effectue en langue française. |
Contrairement aux islamistes et à la
plupart des politiciens, le français ne semble pas avoir de connotation
colonialiste à un point tel que cette langue est perçue comme
un véhicule neutre, sans marques culturelles ou idéologiques propres.
Il existe quatre langues principales en Algérie: l'arabe
littéraire, l'arabe algérien, le tamazight et le français. L'arabe
algérien n'a aucun statut juridique, bien qu'il soit parlé par la
quasi-totalité des Algériens, soit comme langue maternelle par les
arabophones soit comme langue seconde par les berbérophones. L'arabe
classique est la «langue officielle
de l'État» qui s'engage à l'utiliser dans ses communications avec les
citoyens; c'est une langue seconde pour tous les Algériens. Le
tamazight est également une langue
officielle, mais ce n'est pas une langue que l'État s'est engagé à employer;
celui-ci a le devoir de promouvoir cette langue, mais ne l'utilise pas dans
ses communications avec les citoyens. Autrement dit, l'Algérie n'est pas un
État bilingue. D'ailleurs, dans un discours prononcé le 4 octobre 2005, le
président Abdelaziz Bouteflika avait déclaré à Constantine que le tamazight
ne serait pas officialisé et que la langue arabe resterait la seule langue
officielle en Algérie:
Il n’y a aucun pays
au monde possédant deux langues officielles et ce ne sera jamais
le cas en Algérie où la seule langue officielle, consacrée par
la Constitution, est l’arabe.
L’Algérie ne tolérera jamais cela et qu’il soit clair une fois
pour toutes que la langue nationale officielle est l’arabe. Ceci
ne nous empêche pas d’apprendre la langue amazighe avec toutes
ses variantes et dialectes.
Évidemment, le président Bouteflika ignore que 46 États souverains sont officiellement bilingues. Le tamazight est devenu une langue officielle en 2016, mais l'État est demeuré officiellement unilingue arabe.
Quant au français, il a acquis le statut de première langue seconde dans l'enseignement. Normalement, dans un État bilingue, on s'attendrait à ce que le tamazight soit la première langue seconde dans l'enseignement pour les arabophones et l'arabe la première langue seconde pour les berbérophones. En Algérie, le français est la langue seconde obligatoire pour les arabophones et les berbérophones.
En ce qui a trait à la religion, la Constitution de 1996 a proclamé l'islam religion d'État à l'article 2 : «L'islam est la religion de l'État.» L'article 36 de la Constitution déclare que «la liberté de conscience et la liberté d'opinion sont inviolables». Cependant, la Constitution ne mentionne pas la liberté religieuse. Dans les faits, les autorités algériennes ne conçoivent pas que l’on puisse être algérien et non musulman.
- Les musulmans
Étant donné qu'il n'existe pas de recensement officiel en matière de religion en Algérie, il est impossible d'établir avec certitude le nombre exact des adeptes d'une religion ou d'une autre, mais les estimations font état de 98 % des Algériens, arabophones comme berbérophones, qui seraient de confession musulmane. Selon une étude effectuée par un organisme américain, le Pew Research Center, la répartition des religions en Algérie se présenterait de la façon suivante :
1. l'islam : 97,9 %;
2. les «sans religion»: 1,8 %;
3. les chrétiens : 0,2 %;
4. les autres : 0,1 %.
Bref, les non-musulmans ne représentent qu'une proportion infime de la population. La très grande majorité des Algériens est de confession sunnite, généralement de rite malékite. Cependant, il existe une communauté kharidjite ibadite active dans le pays. Ajoutons aussi la présence de très petites communautés chrétiennes et juives. Des données officieuses sur le nombre de citoyens chrétiens et juifs varient entre 12 000 et 50 000 individus, mais la grande majorité des chrétiens et des juifs aurait fui le pays à la suite de l’indépendance obtenue de la France en 1962. Pour des raisons de sécurité, les chrétiens algériens se sont concentrés dans les grandes villes comme Alger, Annaba et Oran.
- La liberté de religion
Le 28 février 2006, le président Abdelaziz Bouteflika a publié l'ordonnance n° 06-03 fixant les conditions et règles d'exercice des cultes autres que musulmans. Cette ordonnance réitère le libre exercice du culte religieux, mais le limite à la condition qu'il se fasse en conformité avec l’ordonnance, la Constitution et les autres lois et règlements, ainsi que dans le respect de l’ordre public et de la moralité. L'ordonnance n° 06-03 restreint les réunions publiques à des fins religieuses et demande la création d’une commission nationale pour la réglementation du processus d’enregistrement. En réalité, l'ordonnance 06-03 rend passibles de poursuites les activités religieuses non régies par l'État et exige des confessions religieuses autres que l'islam qu'elles ne pratiquent leur culte que dans des lieux agréés par l'État. Le texte de l'ordonnance institue également une commission nationale des cultes, chargée de réglementer l'enregistrement des associations religieuses. À cela s'ajoutent de lourdes amendes et d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans.
Certains journaux locaux mettent régulièrement en garde les lecteurs contre les communautés chrétiennes, car elles pourraient être une menace pour l'ordre public. Des hommes politiques et des responsables religieux affirment que l'Algérie fait face à une vague d'évangélisation menaçante pour la sécurité du pays. Depuis la promulgation de l'ordonnance n° 06-03, de nombreux chrétiens et musulmans convertis au christianisme ont été poursuivis pour avoir enfreint les dispositions de ladite ordonnance.
Pourtant, en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l'Algérie est tenue de respecter le droit à la liberté de religion, qui inclut, comme indiqué dans l'article 18 «la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement». En Algérie, il y a toujours une distorsion entre le texte d'une loi et son application.