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Région autonome hui du Ningxia Chine |
La Région autonome hui du Ningxia (en pinyin: "Níngxià huízú zìzhìqū") est un territoire de 66 400 km², soit l'équivalent du Sri Lanka, de la Lituanie ou de la Lettonie ou encore deux fois la superficie de la Belgique, mais en Chine même le territoire apparaît tout petit. Le Ningxia est limité au nord par la Région autonome de Mongolie intérieure, à l'est par la province du Shaanxi et, pour le reste, il est totalement enclavé par la province du Gansu.
La ville de Yinchuan (578 362 hab.) est la capitale du Ningxia. Les autres villes importantes sont Sizuishan (314 296 hab.), Wuzhong (218 525 hab.), Qingtongxia (105 122 hab.), Zhongwei (71 230 hab.), Guyuan (67 013 hab.) et Lingwu (65 276 hab.). La Région autonome hui du Ningxia compte cinq villes départementales administratives (Yinchuan, Shizuishan, Wuzhong, Guyuan et Zhongwei) dans lesquelles on dénombre 21 cantons (2 villes-comtés, 11 arrondissements et 8 districts) et 229 divisions de niveau canton ou comté (bourgs, cantons et sous-districts). |
En principe, le statut de région autonome s'applique aux provinces comptant historiquement d'importantes minorités nationales, tels que les Hui (le Ningxia), les Mongols (la Mongolie intérieure), les Zhuang (le Guangxi), les Tibétains (le Tibet) et les Ouïghours (le Xinjiang). En plus de ces cinq régions autonomes, la Chine compte aussi 30 départements autonomes et 124 cantons autonomes et, dans certains cas, des districts autonomes.
Les régions autonomes s'occupent techniquement de leurs affaires intérieures, le pouvoir central chinois se réservant généralement la défense, les affaires étrangères et une foule d'autres prérogatives. Les matières suivantes sont réglementées par la province ou la région autonome: l'éducation, la santé publique, les industries et communications provinciales, l'administration et la mise en vente des propriétés de la province, l'administration des municipalités sous juridiction provinciale, les coopératives provinciales, l'agriculture et les forêts, la conservation des eaux, la pêche et l'élevage, etc. Dans les faits, les pouvoirs dont sont dotées les régions autonomes demeurent très limités dans la mesure où le pouvoir central possède un droit de veto sur toutes les décisions de la part des autorités locales. En plus de la Région autonome hui du Ningxia, les Hui disposent de deux départements et de neuf districts autonomes. |
Rappelons les cinq régions autonomes «égales en statut à la province»:
Nom |
Date |
Capitale |
Superficie |
Population |
Ethnie |
Ethnies |
Région autonome de Mongolie intérieure |
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Mongols (17%), Mandchous (2%), Hui (0,9%), Daur (0,3%) |
Région autonome zhuang du Guangxi |
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Zhuangs (32%), Yao (3%, Hmong (1%), Dong (0,7%), Gelao (04%) |
Région autonome du Tibet |
1er septembre 1965 |
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Hans (6,1 %), Hui (0,3 %), Monba (0,3 %), autres (0,2 %) |
Région autonome hui du Ningxia |
25 octobre 1958 |
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Hui (20 %), Mandchous (0,4 %) |
Région autonome ouïghoure du Xinjiang |
1er octobre 1955 |
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Hans (41 %), Kazakhs (7 %), Hui (5 %), Kirghizes (0,9 %), Mongols (0,8 %), Dongxiang (0,3 %), Tadjiks (0,2 %), Xibe (0,2 %) |
En principe, les régions autonomes s'occupent de leurs affaires intérieures, le pouvoir central chinois se réservant généralement la défense, les affaires étrangères et une foule d'autres prérogatives. Les matières suivantes sont réglementées par la province ou la région autonome: l'éducation, la santé publique, les industries et communications provinciales, l'administration et la mise en vente des propriétés de la province, l'administration des municipalités sous juridiction provinciale, les coopératives provinciales, l'agriculture et les forêts, la conservation des eaux, la pêche et l'élevage, etc. Dans les faits, les régions autonomes n'ont qu'une faible marge de manœuvre, car les autorités chinoises demeurent omniprésentes.
2 Données démolinguistiques
En 2020, la population du Ningxia était estimée à 6,0 millions d'habitants.
Le Ningxia compterait une vingtaine d'ethnies minoritaires. Les Chinois han forment la très grande majorité de la population, avec plus de 98 %. Cependant, au moins 20 % de ces derniers appartiennent à l'ethnie des Hui, une communauté musulmane chinoise. Les musulmans de Chine sont des sunnites, de rite hanafite, à l’exception de ceux de la minorité tadjike ismaélienne dans le Xinjiang (les Ouïghours). Bien que les Hui soient linguistiquement des Hans, ils sont considérés comme une ethnie particulière en raison de leur religion, d'où la distinction entre Hans et Hui. Donc, ce qui distingue cette région autonome, c'est que la minorité «tutélaire» pratique la religion musulmane et parle le mandarin. Il reste une foule de petites minorités non chinoises, dont des Mandchous, des Mongols, des Tibétains, des Dongxiangs, etc.2.1 Les Hui
Les Hui ne forment qu'environ 15 % de la population dans la capitale, Yinchuan. En général, les Hui sont regroupés dans les départements de l'Est: Yinchuan (au sud), Wuzhong et Guyuan. Ils vivent souvent dans les régions montagneuses du Sud et de Wuzhong dans les zones d'irrigation. Partout ailleurs, ce sont les Chinois hans qui dominent. Il existe des différences entre la pratique religieuse des Hui du Nord et ceux du Sud. En effet, les Hui du Nord privilégient le soufisme (intériorisation et contemplation) avec un peu de taoïsme (religion chinoise ancienne), alors que les Hui du Sud sont plus familiers avec le confucianisme («enseignement des lettrés»). C'est pourquoi le gouvernement local de Yinchuan a souvent favorisé les Hui du Sud dans l'embauche des fonctionnaires parce qu'ils étaient plus près des Chinois han de par leur culture.
Les Hui (en chinois: Huízú) sont à la fois des Chinois hans et des musulmans. Leurs lointains descendants étaient des marchands arabes de la «route de la soie». Au cours des siècles, à la suite de nombreux mariages inter-ethniques, ils ont acquis des caractéristiques physiques asiatiques un peu distinctes des Chinois han. On ignore quelle langue ils pouvaient parler à l'origine. Après avoir fait partie de la province du Gansu en 1954, le Ningxia est devenu une région autonome en 1958. Au nombre de 10 millions, les Hui sont éparpillés dans plusieurs provinces: Gansu, Henan, Hebei, Qinghai, Shandong, Yunnan, Xinjiang, Anhui, Liaoning, Heilongjiang, Jilin, Shaanxi, Beijing et Tianjin. Ils sont surtout concentrés dans la Région autonome du Ningxia et dans la province voisine du Gansu. En somme, les Hui ne constituent pas une minorité linguistique, mais une minorité religieuse.
2.2 Les langues
Les Hans, les Hui et les Mandchous parlent des langues chinoises. Au nord du Ningxia, c'est le mandarin lanyin qui est la langue dominante chez les Hans. Au sud, c'est le mandarin zhongyuan (littéralement le «mandarin de la plaine centrale». Cette variété de mandarin est considérée comme le mandarin le plus authentique, son aire originelle, les provinces du Henan et du Shaanxi coïncidant avec celle des premiers peuplements han.
Quant aux Hui du Ningxia, ils parlent plus généralement le putonghua, le mandarin officiel, et utilisent l'arabe pour lire le Coran, mais le mandarin standard des Hui est diversifié et contient un certain nombre de termes issus de l'arabe et du persan. En réalité, une grande partie des Hui parle la variété du mandarin de Zhongwei, une ville de l'ouest du Ningxia. Les différences entre la variété de Zhongwei et le putonghua se manifestent principalement dans la prononciation et le vocabulaire, car la différence de la grammaire n'est généralement pas grande. Le système phonétique de Zhongwei implique de nombreuses différences dans les initiales, les finales et les tons. Quant aux caractéristiques lexicales de Zhongwei, elles sont relativement importantes en raison de la migration de la population de Zhongwei et des origines d'isolement au cours de l'histoire: de nombreux mots vernaculaires anciens des dynasties Yuan, Ming et Qing sont conservés dans le système lexical de Zhongwei. Les non-musulmans écrivent leur langue avec les caractères chinois, mais les Hui avec l'alphabet arabe.
Dans le reste de la Chine et à l'extérieur du Ningxia, le mandarin hui (ou huiyu) comprend cinq grandes variétés linguistiques :
1) le jixi-shexian, parlé dans la province de l'Anhui (canton de Jixi, canton de She, canton de Jingde, district de Huizhou et Ningguo) et dans la province du Zhejiang (canton de Chun'an);
2) le xiuning-yixian, parlé dans dans la province de l'Anhui, (district de Tunxi, district de Huangshan, canton de Xiuning, canton de Yi et canton de Qimen) et dans la province du Jiangxi (canton de Wuyuan); 3) le qimen-dexing, parlé dans la province de l'Anhui (cantons de Qimen et de Dongzhi) et dans la province du Jiangxi (canton de Fuliang, canton de Wuyuan et Dexing); 4) le yanzhou, parlé dans la province du Zhejiang (canton de Chun'an et Jiande); 5) le jingde-zhanda, parlé dans la province de l'Anhui (cantons de Jingde, de Qimen, de Shitai, de Yi et Ningguo). |
Bref, les Hui ne connaissent pas d'unité linguistique, car chaque région possède sa propre variété. Les petites minorités du Ningxia parlent surtout le tibétain et le mongol. En 1969, le Ningxia s'est vu attribuer une minime partie du territoire de la Région autonome de la Mongolie intérieure.
La religion musulmane serait apparue en Chine au cours du VIIe siècle, d'une part par la route de la Soie, d'autre part, par le port très actif de Quanzhou et l'embouchure du fleuve Jing Jiang, face à l'île de Taiwan. Les circuits de la route de la Soie passaient par des régions où vivent encore aujourd'hui au moins une douzaine des 55 minorités ethniques de la Chine, notamment le long de la frontière actuelle des républiques du Tadjikistan et du Kirghizistan de l'Asie centrale.
La route de la Soie connut une grande effervescence sous la dynastie des Tang (618-907), alors que la ville de Chang’an était devenue, à la fin du VIIe siècle, un carrefour cosmopolite de deux millions d’habitants. L'âge d'or de la route de la Soie eut lieu sous le régime de l'Empire mongol au XIIIe siècle, alors que se développaient activement les échanges artistiques et commerciaux entre la Chine, la république de Gênes et la république de Venise. Il s'agissait surtout de marchands, de messagers et de missionnaires de l'islam. Ces immigrants s'établirent dans leur grande majorité à X'ian (Shanxi) et à Luoyang (Henan), alors que ceux qui venaient par mer se concentrèrent le long du littoral et notamment à Guangzhou (Guangdong), Quanzhou (Fujian) et Hangzhou (Zhejiang).
3.1 L'implantation de l'islam
C'est à cette époque que l'implantation de l'islam fut la plus importante par l'apport d'immigrants musulmans, dont des Perses, des Turcs d'Asie centrale et des Arabes, qui s'allièrent progressivement aux Hans, ainsi qu'aux Mongols et aux Ouïghours, ce qui donnera naissance à l'ethnie hui. Le terme Hui serait une abréviation de «Huihui» apparu pour la première fois sous la dynastie des Song du Nord (960-1127). Ce mot désignait les Huihe, c'est-à-dire des Ouïghours qui avaient vécu à Anxi dans l'actuelle Région autonome ouïgoure du Xinjiang sous la dynastie des Tang (618-907). Ces Huihui étaient en réalité les ancêtres des Ouïghours actuels, lesquels n'ont plus rien de commun avec les Hui d'aujourd'hui, sauf l'appartenance à l'islam.
Les ancêtres des Hui étaient des immigrants venus en Chine pour faire du commerce, mais plusieurs s'installèrent en permanence dans des villes comme Guangzhou, Quanzhou, Hangzhou, Yangzhou et Chang'an (l'actuelle Xi'an). La première mosquée de Chine fut construite à Chang’an en 742 sous la dynastie Tang, suivie d’une autre à Canton et une troisième à Tankin sous la dynastie Song. En général, les Hui se sont concentrés dans des colonies autour des mosquées qu'ils avaient construites.
La dynastie des Yuan (1271-1368) donna un essor certain à la propagation de l'islam, mais c'est sous la dynastie de Ming (1368-1644), alors que les mosquées s'étaient multipliées, que les Hui ont commencé à émerger comme groupe ethnique en Chine. Le nombre des Hui augmenta considérablement dans les provinces du Shaanxi et du Gansu, tandis que de plus en plus de Hui s'installèrent dans d'autres parties du pays; la plupart se sont mis à pratiquer l'agriculture, mais aussi l'élevage du bétail, les travaux manuels et le commerce à petite échelle. Le commencement du déclin de la route de la Soie se situe au milieu du XIVe siècle, au moment où s’effondrait l’Empire mongol (dynastie des Yuan) et que progressait l’islam en Asie centrale.
Pour simplifier, on peut dire que l'islam s'est répandu à partir de la région littorale au sud pour s'étendre ensuite vers la région continentale. Mais l’expansion de l’islam en Chine est aussi liée à l’enseignement de la langue arabe. C'est ainsi que se sont implantés en Chine la lecture des préceptes du Coran, la maîtrise de la terminologie du droit musulman et les connaissances nécessaires de l'arabe à la vie religieuse. |
3.2 L'intégration à la Chine sinophone
Au cours de leurs longues pérégrinations, les ancêtres des Hui ont dû parler l'arabe, le persan ou le mandarin, ou un mélange des trois langues. Cependant, progressivement, ils ont fini par parler la langue des Hans du fait qu'ils cohabitaient avec eux. Ajoutons aussi que les immigrants musulmans ont épousé des Chinoises afin de fonder des familles et se fondre dans une sorte de métissage ethnique. Après diverses phases de bilinguisme, les Hui ont adopté définitivement certaines langues chinoises, tout en sauvegardant des influences arabes et persanes.
Les Hui se confinèrent surtout dans l'agriculture, ce qui leur permit de sauvegarder durant plusieurs siècles leur culture musulmane et de construire des moquées. À partir du XVIe siècle, les Hui ouvrirent des écoles dans les mosquées afin de dispenser un enseignement religieux appelé jingtang jiaoyu, un enseignement dit «de la salle des classiques» caractéristique de l’islam traditionnel. Dans ces écoles, les élèves (des garçons) apprenaient l’arabe et le persan, et lisaient le Coran ainsi que divers ouvrages religieux fondamentaux. En général, l'accent était davantage mis sur le persan que sur l'arabe classique. Dans la vie quotidienne, les Hui parlaient des langues chinoises, surtout le mandarin.
Les dirigeants de la communauté hui prirent parti pour l'intégration à la Chine parce que, à l'époque, ils ne subissaient pas de représailles ni de persécutions de la part des Chinois. Devenus entièrement chinois tout en demeurant musulmans, les Hui purent pratiquer leur religion en toute liberté et même garantir leur statut en dehors des frontières chinoises, par exemple, dans le Xinjiang actuel et en Mongolie.
Au début du XXe siècle, un courant musulman fondamentaliste et réformiste (ikhwan) favorisa la modernisation de l’éducation en offrant un apprentissage du mandarin et en encourageant l’éducation des femmes. Des réformateurs musulmans fondèrent des écoles, dont l'école normale de Chengda, laquelle privilégiait l'enseignement conjoint du mandarin et de l’arabe, puis de l’histoire, des mathématiques, des sciences. Dans toutes les écoles modernes où l'on formait des imams dans les mosquées ainsi que des instituteurs, l'arabe et le mandarin furent enseignés en parallèle. De plus, les activités liées à la traduction des ouvrages de l'arabe au mandarin ont grandement contribué à l’évolution de l’exégèse, de la philosophie, de l’éthique et de la pensée islamiques. La production intellectuelle des musulmans ne s’est pas limitée à la traduction du Coran ou d'autres textes sacrés, elle s'est aussi étendue à de nombreux ouvrages de tradition islamique qui ont ensuite été traduits en chinois. Des ouvrages originaux furent également publiés et des savants musulmans chinois entreprirent de collecter et de rééditer les anciennes traductions en chinois d’ouvrages islamiques afin de prévenir la perte ou la détérioration du patrimoine musulman.
3.3 La région autonome
Après 1949, les autorités chinoises décidèrent d'appliquer une politique d'autonomie ethnique régionale dans les zones où habitaient les Hui. Toutefois, comme les Hui étaient répartis dans diverses provinces, donc le Ningxia, le Gansu, le Henan, le Hebei, l'Anhui, voire le Yunnan, cette autonomie prit diverses formes. Le Ningxia devint un département autonome, mais il en créa d'autres surtout dans la province du Gansu. En tout, six districts autonomes hui furent prévus et établis. En 1949, la population du Ningxia était seulement de 1,1 million d'habitants. C'est en 1958 que fut créée officiellement la Région autonome hui du Ningxia. Aussitôt, les écoles maternelles publiques furent étendues parmi la population hui. La République populaire de Chine fonda aussi une première université dans la région autonome.
- La Révolution culturelle
Lorsque Mao Tsé-toung lança en 1966 la Grande Révolution culturelle prolétarienne, laquelle fut plus couramment appelée «la Grande Révolution culturelle», puis simplement «la Révolution culturelle», les Gardes rouges chinois accélérèrent les persécutions antireligieuses, dynamitèrent les mosquées et les monuments musulmans et brûlèrent les écrits religieux. Les Hui se sentirent persécutés dans leur identité à la fois chinoise et musulmane. Les Hui furent dans l'obligation d’élever des porcs, chaque foyer devant fournir deux porcs par an à la nation, et d'en manger. Même les mosquées restées ouvertes durent pratiquer l'élevage des porcs. Pékin considérait que toute demande visant la liberté de religion correspondait à des velléités sécessionnistes. L'Armée populaire de libération intervint violemment en juillet 1975, en détruisant les maisons et en faisant, du côté hui, plus de 1600 victimes. Comme dans toute la Chine, la campagne «À bas les Quatre Vieilleries», c'est-à-dire les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes culturelles, détruisit de grandes richesses culturelles, y compris dans le Ningxia. De très nombreux livres, beaucoup de calligraphies et de peintures originales et uniques, que des intellectuels avaient réunies, périrent dans les flammes ou furent réduites en pâte à papier. |
- Le renouveau islamique
Après la mort de Mao en 1976, la politique de Deng Xiaoping entraîna un renouveau de l'islam dans le Ningxia et dans d'autres provinces. Deng Xiaoping (1904-1997) avait décidé de conserver la religion et avait lancé pour la première fois le slogan «la religion et le socialisme sont mutuellement compatibles». Le Parti communiste trouva des compromis acceptables afin que les Hui puissent vivre en conformité avec leurs croyances et assurer ainsi dans la région autonome une certaine paix sociale. Un institut pour l'étude des textes sacrés musulmans fut même fondé en 1982. En mai 1984, 1400 mosquées avaient été reconstruites dans le Ningxia. La même année, des Chinois arabisants créèrent l'Académie de la langue arabe afin de promouvoir l'arabe dans les domaines de l’enseignement et de la recherche.
Une vingtaine d'années après l'assouplissement de la politique religieuse chinoise, l'islam connut encore un grand essor en Chine, mais il fit aussi l'objet d'une surveillance très étroite de la part des autorités centrales qui redoutèrent le «séparatisme» dans les régions à majorité musulmane, notamment dans le Ningxia. Tous les imams «patriotiques» durent obtenir l'autorisation du gouvernement central pour exercer leur pratique et reconnaître la primauté de l'État sur la religion. |
Les imams «patriotes» recevaient une rémunération de l'État variant de 200 à 500 yuans (25 $ à 62 $ US, ou 16 € à 40 €), contrairement aux imams non autorisés qui font généralement l'objet d'une répression systématique. En 1987, le gouvernement chinois créa l'Institut des études coraniques d'Urumqi, la plus haute école coranique chinoise pour former en cinq ans des «responsables musulmans patriotes». Plus de 2700 mosquées ont été construites ou restaurées. Quelque 6000 minarets et 3000 mosquées ont été recensés pour une population musulmane qui est de l’ordre de 10 % de la communauté musulmane de Chine. Même dans les districts méridionaux les plus pauvres, tout village possède sa mosquée et son ahong, son imam, sans compter les enseignes en arabe, les versets coraniques transcrits à l’entrée des maisons et des boutiques. De plus, les Hui ont perpétué une tradition rare pour des musulmans, l'institution de mosquées féminines (nüsi) et le statut d'imams pour les représentantes des femmes. Il y aurait une trentaine de mosquées pour femmes dans le Ningxia. Il s’agit là d’une pratique imposée au nom de l’égalité des sexes par le gouvernement communiste.
Bien que les Hui aient toujours pratiqué un islam modéré — certains fumaient et buvaient, peu se laissaient pousser la barbe et les femmes portaient rarement le hijab —, l'accroissement des contacts avec le Proche-Orient a apporté certains changements plus près de l'orthodoxie musulmane. Non seulement des centaines d'étudiants hui ont fait leurs études dans des pays arabes, mais des enseignants arabes sont venus dans le Ningxia donner un enseignement religieux plus strict. De plus, des milliers de travailleurs hui ont été embauchés au Yémen, en Égypte ou au Koweït. Par la suite, les mosquées du Ningxia ont recommencé à recevoir des fidèles cinq fois par jour, les femmes se sont mises à porter le voile et les calottes chez les hommes sont devenues monnaie courante. Les Hui ont également retrouvé le droit de faire un pèlerinage à la Mecque où ils furent de plus en plus nombreux à se rendre: de 13 000 à 14 000 fidèles annuellement.
En 2007, Pékin a autorisé des vols nolisés depuis Yinchuan, la capitale de la région autonome, jusqu'à Médine en Arabie Saoudite. Selon les autorités gouvernementales, seulement 1% des musulmans chinois observeraient de façon stricte et en toutes circonstances les préceptes de leur religion. Autrement dit, les Hui feraient partie des musulmans les moins orthodoxes du monde! |
- La sinisation de la religion
Dans la Région autonome hui du Ningxia, ce n'est pas la langue qui fait l'objet de répression, mais la religion musulmane. En novembre 1995, le secrétaire du Parti communiste du Xinjiang affirmait dans un quotidien officiel du Ningxia (Le Quotidien du peuple): «Notre succès dans la promotion de l'unité nationale dépend du contrôle que nous exerçons sur la religion et sur notre capacité à faire cesser les activités religieuses illégales.» En janvier 1996, Ismaïl Amat, alors conseiller d'État de la République populaire de Chine déclarait: «Ceux qui veulent diviser le pays sous couvert de la religion doivent être réprimés.» L'ouverture de mosquées non autorisées et la distribution de documents religieux diffusés à l'étranger font dorénavant partie des «activités religieuses illégales» sanctionnées par les autorités chinoises.
En 2012, Xi Jinping est devenu secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et président de la République populaire de Chine. Aussitôt, celui-ci s'est montré très préoccupé par les questions religieuses, bien que son approche diffère de celle de Deng Xiaoping. En effet, Xi croit que la religion est une question de sécurité nationale. Sa solution à ce problème est de «siniser» la religion, c'est-à-dire que la religion doit «soutenir la direction du Parti communiste chinois et le système socialiste». Xi Jinping s'est rendu compte qu'une grande partie du marché religieux chinois ne s'adaptait pas au PCC; sa méthode pour assurer la sécurité nationale est de réprimer et de persécuter sévèrement toutes les religions qui ne s'intégreraient pas au PCC. Dans les faits, ce sont les communautés musulmanes qui sont visées, notamment les Hui du Ningxia, les Ouïghours, les Kazakhs, etc., du Xinjiang, ainsi que les bouddhistes tibétains et mongols. C'est Xi Jinping qui a introduit en 2015 la théorie de la «sinisation de la religion», une politique visant à aligner les religions avec la culture chinoise et à les placer sous l’autorité absolue du PCCi.
Xi Jinping fit adopter en 2017 le Règlement sur les affaires religieuses (Zōngjiào shìwù tiáolì). Ce règlement déclare solennellement que les religions doivent «pratiquer les valeurs socialistes fondamentales et maintenir l'unité nationale (article 4, paragraphe 2 ). Par conséquent, il n'y a pas de place pour les religions qui ne veulent pas répandre l'idéologie socialiste et du Parti communiste chinois (PCC). La réglementation mentionne formellement «l'extrémisme religieux» (paragraphe 4), un concept qui a peut-être été introduit en Chine depuis la Russie, mais sa définition demeure très vague.
Article 4
1) L'État protège les activités religieuses normales conformément à la loi, guide activement les religions pour qu'elles s'adaptent à la société socialiste et protège les droits et les intérêts légitimes des groupes religieux, des écoles religieuses, des sites d'activités religieuses et des citoyens religieux. |
De plus, le règlement demeure très strict sur l'établissement de nouveaux sites religieux. L'une des parties les plus préoccupantes précise que les lieux autres que les églises, les mosquées, les temples bouddhistes ou les temples taoïstes ne peuvent être utilisés comme des «lieux de culte temporaires» qu'avec l'approbation expresse du gouvernement chinois (article 35). Enfin, il est strictement interdit aux groupes qui ne font pas partie du marché religieux officiel de se rendre à l'étranger à des fins religieuses ou d'ouvrir des écoles religieuses en Chine (article 41).
Les religions touchées par le nouveau Règlement sur les affaires religieuses sont écartelées entre la soumission et la résistance. Pour les religions, se conformer aux nouvelles réglementations signifie choisir l'euthanasie, et résister implique une persécution brutale. En tout cas, la situation religieuse en Chine ne s'est en rien améliorée. La situation s'est aggravée avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi religieuse de 2017 entrée en vigueur en 2018. D'après le règlement, la religion est aisément associée à l'extrémisme et au terrorisme. Sous cette accusation, les groupes religieux seront sanctionnés et peuvent se voir imposer une amende d'au moins 100 000 yuans (env. 14 000$US), mais pas plus de 300 000 yuans (env. 42 000$US).
Bref, toute minorité, qu'elle soit linguistique, ethnique et/ou religieuse, devient suspecte auprès des dirigeants chinois. Dans le cas de ses musulmans, la Chine craint particulièrement l'apparition d'un mouvement islamiste radical inspiré du Pakistan ou de l'Afghanistan, deux pays accusés par Pékin de vouloir répandre leur influence sur les musulmans chinois, notamment les Hui. En Chine, les politiques pratiquées à l'égard des nationalités ont des objectifs louables de protection, mais elles cachent toujours une stratégie de contrôle destinée à les intégrer de force dans la Grande Nation chinoise.
Dans cette perspective, les autorités chinoises favorisent une approche de la religion qui se conforme le plus possible au dogme communiste. Cela étant dit, les relations entre les Hui musulmans et les Hans non musulmans se sont nettement détériorées, car les premiers font souvent l'objet de railleries ou de mépris de la part de la majorité non musulmane.
Dans le Ningxia, les autorités considèrent dans la région autonome une «tendance inquiétante» à l’islamisation et à l’arabisation. Ainsi, l'architecture islamique et les inscriptions en arabe sont retirées des rues et plus aucune mosquée de «style arabe» ne peut être construite. Le gouvernement prévoit convertir les mosquées existantes dans un style évoquant les temples chinois (voir l'illustration à gauche). Les appels à la prière sont désormais interdits dans le Ningxia pour cause de pollution sonore, les livres sur l’islam et les exemplaires du Coran ont disparu des étals des boutiques de souvenirs. De nombreuses mosquées ont été forcées d’annuler leurs cours d’arabe et plusieurs écoles arabes privées ont été contraintes à la fermeture. |
Après la visite du président Xi Jinping dans la région du 6 au 8 juin 2020, une nouvelle série de rectifications a été lancée. Selon un rapport publié sur le site Internet du PCC , les autorités du Ningxia ont décidé de répondre positivement à l'appel du président à «freiner résolument l'extrémisme religieux et rectifier en permanence le problème des trois -ations : arabisation, saoudisation et généralisation du halal. La photo de gauche illustre les nouvelles «mosquées à la chinoise».
Le président chinois Xi Jinping fait la promotion d'une «politique de sinisation», composée d’au moins quatre points principaux :
Rappelons que l'article 36 de la Constitution chinoise de 1982 énonce que «les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de croyance religieuse.» |
Il en résulte une religion bâtarde, qui conserve les effets extérieurs des pratiques de l'islam, voire du christianisme, du bouddhisme ou du taoïsme, mais qui remplace un noyau banal de croyances et d’attitudes dans toutes les religions. Le résultat final de la «sinisation de la religion» serait un rituel patriotique, contrôlé par l’État, vêtu d'apparences différentes dans des lieux différents, mais adorant finalement le même dieu : la nation et l’État chinois. Dans certains cas, ce sont les images du président Xi Jinping ou de Mao Tsé-toung que les croyants doivent adorer. Alors que les autorités resserrent leur emprise sur le Ningxia, les observateurs redoutent que la région ne soit bientôt sujette aux mêmes mesures répressives que les musulmans ouïghours du Xinjiang. Ils craignent que Pékin utilise le Ningxia comme un terrain d’essai pour les politiques du Xinjiang avant de commencer à les mettre en œuvre ailleurs. Bien sûr, les églises chrétiennes sont également confrontées à une série d’obstacles et de persécutions, allant de la destruction de croix et d’images religieuses à l’interdiction de vendre la Bible, ou en passant par l’impression d’une version révisée de la Bible. On installe même des postes de police ou des commissariats près de mosquées (voir la photo de gauche), afin de les surveiller. Cet acte de «siniser» les grandes religions du monde n’est pas l’acte d’un pays qui se sent en sécurité et en confiance, c'est plutôt un effort d’un pays paranoïaque et désespéré, qui s’efforce de maintenir les populations sous sa bride de peur d'en perdre le contrôle. |
Précisons que les lois et règlements de la République populaire de Chine s'appliquent dans toutes les régions autonomes bien que celles-ci puissent adopter des dispositions supplémentaires concernant leur territoire dans la mesure où leur réglementation n'entre pas en contraction avec celle du gouvernement central. Dans le cadre du présent article, il est apparu inutile de reprendre intégralement le texte de l'article intitulé «5. La politique à l'égard des minorités nationales». On tiendra compte surtout des dispositions qui caractérisent plus particulièrement la Région autonome zhuang du Guangxi.
4.1 La garantie constitutionnelle
Cette région autonome ne dispose pas d'une politique linguistique propre, puisque c'est le gouvernement central qui prend toutes les décisions à ce sujet. Rappelons l'article 4 de la Constitution chinoise qui reconnaît le droit aux minorités de conserver et d'enrichir leur langue, mais cette question n'intéresse pas les Hui puisqu'ils parlent le mandarin comme langue maternelle:
Article 4Nationalités, minorités, régions, langues 1) Toutes les nationalités sont égales en droits en République populaire de Chine. L'État garantit les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques, il maintient et développe les rapports entre les nationalités selon les principes d'égalité, de solidarité, d'entraide et d'harmonie. Toute discrimination et oppression à l'égard d'une nationalité, tout acte visant à saper l'unité des nationalités et toute activité séparatiste sont à proscrire.[Modifié par le 5e amendement, al. 38, le 11 mars 2018]
2) L'État aide les régions de minorités nationalités à accélérer leur développement économique et culturel en tenant compte de leurs particularités et de leurs besoins. |
L'une des parties du premier paragraphe est importante, car elle peut servir à limiter ou à supprimer des droits accordés: «Tout acte visant à saper l'unité nationale et établir un séparatisme ethnique est proscrit.» Le gouvernement central a adopté plusieurs lois à portée linguistique, mais les principales lois sont la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001), la Loi sur l'éducation (12015) et à la Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001).
4.2 L'administration et la justice
Toute l'administration gouvernementale se fait en mandarin standard dans la région autonome hui. Comme la langue officielle est le mandarin, c'est donc dans cette unique langue que se déroulent toutes les activités administratives.
Il est ainsi pour les tribunaux. Il est vrai que, d'après l'article 139 de la Constitution chinoise, les citoyens des différentes les nationalités du pays ont le droit d'utiliser leur propre langue parlée et écrite au cours des procès, mais puisque les Hui parlent le chinois comme langue maternelle, il n'y a pas lieu de tenir compte de cette mesure de protection. Cependant, les autorités chinoises ont accepté la présence de tribunaux coraniques au sein des mosquées. L'arabe est alors employé.
Toutefois, les autorités chinoises veillent au grain. Elles ne veulent pas que des sectes religieuses ou sectaires se développent librement. Elles acceptent l'islam à la condition d'exercer un contrôle sur les activités religieuses. Selon l'agence Chine-Nouvelle, la loi demande aux tribunaux, aux procureurs, à la police et à toutes les instances judiciaires d'être attentifs à toutes les activités des sectes et de les écraser avec rigueur, conformément à la loi. De plus, la loi fixe un cadre juridique à la répression des mouvements sectaires. Par exemple, manifester ou «troubler l'ordre public», publier ou diffuser des textes «répandant des idées fausses et malveillantes» correspondent à des délits passibles de peines allant de trois à sept ans de prison. Les auteurs de délits plus graves, comme «créer des organisations ou recruter des adeptes», encourront, pour leur part, des peines d'au moins sept années de réclusion criminelle.
En définitive, Pékin veut éviter et les «déviances religieuses» qui feraient en sorte que la religion devienne un «instrument de subversion». L'islam est généralement appelé par les Han «la religion des Hui» ou huijiao; les mosquées se nomment «temple de pureté et de vérité» ou qingzhensi.
4.3 L'éducation
L'État chinois a élaboré des principes généraux en matière de protection linguistique, tout en mettant en vigueur un enseignement de la langue nationale à tous les citoyens du pays. En fait, l'usage des langues minoritaires dans le Guangxi en éducation fait face à de sérieux problèmes dans la mesure où l'éducation a été perçue comme le moyen privilégié pour inculquer la fidélité à l'État chinois. D'où le dilemme suivant : comment maintenir les langues ethniques et assurer l'apprentissage de la langue commune officielle.
- La protection juridique
Conformément à l'article 36 de la Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001), les organismes autonomes peuvent décider de la langue enseignée dans les écoles de leur localité:
Article 36 Les organismes autonomes des zones autonomes ethniques doivent, conformément à la politique éducative de l'État et conformément aux dispositions de la loi, décider de la planification de l'éducation de la localité, de la création d'écoles de tous niveaux et types, le système d'éducation, la forme de gestion des écoles, le contenu de l'enseignement, les termes utilisés pour l'enseignement et les méthodes d'inscription des élèves. |
Il en est ainsi de l'article 12 de la Loi sur l'éducation (2015), sauf qu'il est clairement énoncé que le chinois ou putonghua demeure obligatoire:
Article 12
1) La langue chinoise parlée et écrite commune doit être la langue de base utilisée par les écoles et autres établissements d'enseignement dans l'éducation et l'enseignement, et les écoles et autres établissements d'enseignement doivent utiliser la langue chinoise parlée et écrite standard dans l'éducation et l'enseignement. |
La Chine a signé, le 2 mars 1992, la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. Les autorités centrales se sont engagées à faire bénéficier tous leurs citoyens d’un enseignement primaire gratuit. Toutefois, malgé les efforts du gouvernement central, les écoles publiques continuent d’imposer des frais de scolarité, qui rendent l’éducation primaire parfois inabordable, notamment pour les enfants des minorités et ceux provenant de l'immigration.
Par ailleurs, la Chine a signé, le 2 mars 1992, la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989. L'article 30 énonce:
Article 30
Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe. |
La Chine est ainsi obligée de s'assurer que ses minorités religieuses, les Hui, bénéficient de la protection concernant d'avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur religion.
- L'éducation religieuse
Dans le Ningxia comme dans toute autre province, les enfants âgés de moins de 18 ans n'ont pas le droit de recevoir une instruction religieuse dans les écoles publiques. Conformément aux directives de l'État sur l'éducation et aux dispositions applicables de la loi, les organismes de la Région autonome hui du Ningxia doivent décider des programmes en éducation pour l'ensemble de la région, de l'établissement des écoles dans les différents ordres d'enseignement, y compris les formes d'enseignement, les programmes, la langue d'enseignement et les modalités d'inscription. Dans ce cas-ci, les responsables des écoles primaires publiques ne peuvent dispenser une quelconque éducation religieuse.
Cependant, il est possible de fonder des écoles confessionnelles privées. Ces écoles ne sont pas gratuites, mais certaines d'entre elles reçoivent des subventions importantes de la part des pays arabes. Cet enseignement confessionnel représente une solution à une certaine crise de l’enseignement public en Chine. Depuis la décentralisation administrative, l'éducation est devenue onéreuse pour les familles pauvres, surtout dans les zones rurales. Les jeunes abandonnent de plus en plus tôt leurs études, souvent même avant d'arriver au secondaire. Or, ces écoles confessionnelles servent, entre autres, à récupérer ces jeunes, d'offrir gratuitement des études et un hébergement gratuit aux plus pauvres. Ces établissements scolaires sont appelés «écoles de langue arabe» (ayu ou alaboyu xuexiao), «écoles sino-arabes» (zhong a xuexiao) ou minban («écoles instituées par les minorités») ou encore «écoles de culture musulmane» (musilin wenhua xuexiao). Ces écoles privées ont acquis une importance considérable et certaines d'entre elles sont réputées pour la diversité de leur formation (garçons et filles) et la possibilité qu’elles offrent de poursuivre des études universitaires en Chine ou à l’étranger.
Non seulement ces établissements d'enseignement privés sont tolérés par les autorités chinoises, mais ils sont même encouragés. Au cours des dernières années, la Région autonome du Ningxia a reçu des dons d'une valeur de plusieurs millions de dollars de la part de l'Islamic Development Bank, un établissement saoudien, ce qui a permis à l'Université islamique de Yinchuan d'effectuer d'importantes rénovations, mais aussi de créer plusieurs écoles de langue arabe.
Cela étant dit, les autorités chinoises se sont dotées de moyens de contrôle pour vérifier le contenu des matières enseignées dans les écoles confessionnelles. Selon la revue Zhongguo musilin (no 3, 2001), l'objectif est de «supprimer dans les masses les mauvaises interprétations (wujie) et les confusions (hunluan) sur les questions religieuses». C'est pourquoi les manuels scolaires des écoles confessionnelles sont identiques à ceux des écoles publiques. Le contenu de l'enseignement est aussi de vérifier périodiquement de façon à rester conforme à l'idéologie communiste en matière de religion. Toutefois, étant donné que les autorités centrales ne sont pas toujours en mesure d’exercer un contrôle total sur les idées qui circulent, elles doivent confier leur surveillance aux musulmans eux-mêmes, ce qui exige une certaine collaboration.
En fait, pour le peuple hui, l'arabe est principalement un symbole culturel national transmis depuis des milliers d'années, plutôt qu'un produit de l'invasion de la culture arabe. La nationalité hui elle-même est une race mixte de «culture étrangère», et l' Arabie est l'une des sources. L'arabe occupe donc une place importante dans l'éducation de la foi musulmane des Hui, parce que l'arabe est la langue des classiques islamiques, non parce que l'arabe est la langue des Arabes. Les musulmans doivent apprendre d'abord l'arabe, puis l'islam, ce qui, en raison de la difficulté de l'arabe, limite en fait la capacité d'apprendre la foi. Dans le même temps, les systèmes arabe et islamique hui étaient plus systématiques avant la création du PCC et n'étaient pas nouveaux.
Même dans les écoles arabes privées de niveau intermédiaire, les diplômés ne sont pas nécessairement capables d'apprendre à quel point l'arabe courant, ni de maîtriser beaucoup de connaissances religieuses. Quoi qu'il en soit, les autorités se méfient de l'islam et, par voie de conséquence, de la langue arabe.
- Les disparités du système
Soulignons que le taux d'analphabétisme est relativement élevé dans le Ningxia. Il est de 26 % pour les Hans, mais de 50 % pour les Hui, contre 7,5 % pour l'ensemble de la Chine (mais 21 % pour les femmes). Il existe aussi un problème criant entre les zones urbaines et les campagnes, comme un peu partout en Chine. Selon les spécialistes hui en éducation, la situation des écoles publiques hui s’est beaucoup détériorée, en particulier avec la décentralisation de 1993. L’un d’eux (cité par Élizabeth Allès) fait cette description au sujet d'une école primaire dans un quartier hui de Xi’an: «Afin de pouvoir subvenir aux besoins de l’école dont les frais ont considérablement augmenté, la cour est devenue un entrepôt pour marchandises, un parking pour taxis et camions, les toilettes de l’école ont été transformées en toilettes publiques.» De plus, il constate aussi que les autorités locales éprouvent des difficultés à payer une partie du salaire des enseignants et que la plupart des élèves doivent travailler après les heures de classe: «Ils ne peuvent donc ouvrir leurs livres que pendant les classes.» Il n'est pas rare que des écoles perdent une proportion importante de leurs effectifs en une seule année. De façon générale, les Hui, qu'ils soient des intellectuels laïcs ou religieux, déplorent le faible niveau d’éducation, qui les handicape.
4.4 Les médias
Comme dans toute la Chine, la presse n'est pas plus libre au Ningxia qu'ailleurs. Les autorités chinoises contrôlent totalement les médias tant écrits qu'électroniques. Les principaux journaux tels que le Huaxing Shibao (Yinchuan), le Ningxia Ribao (Yinchuan), le Wuzhong Ribao (Wuzhong), le Yinchuan Wanbao (Yinchuan) et le Zhongwei Ribao (Zhongwei) sont tous en mandarin. Toutes les stations de radio et de télévision du Ningxia émettent en chinois mandarin, ou dans l'un de ses dialectes.
Comme dans toutes les provinces chinoises et les autres régions autonomes, les stations de télévision et de radios demeurent d'importants outils de propagande pour les autorités chinoises. Ainsi, les discours des principaux dirigeants chinois sont régulièrement retransmis, généralement en chinois, afin de contrer les «activités contre-révolutionnaires» au nom de la «nécessaire dictature du prolétariat». Les journalistes de la radio et de la télévision sont dans l'obligation d'appliquer la «politique de sinisation» tant culturelle que linguistique.
La Région autonome hui du Ningxia n'a jamais été contrôlée par les Hui, mais par les autorités centrales de Pékin. Les représentants hui doivent composer avec une politique chinoise qui les ignore totalement, sauf lorsqu'il s'agit de les amadouer de peur qu'ils tentent de revendiquer quoi que ce soit. Il n'existe pas de politique linguistique particulière dans le Ningxia puisque la langue ne cause pas de problème.
Les administrations locales tentent bien, lorsque la situation s'y prête, de présenter un caractère identitaire hui à la région autonome. Elle s'appuie alors sur les chansons folkloriques, les instruments de musique, les costumes traditionnels, mais rarement la religion depuis quelques années. Malgré les déclarations officielles, la Région autonome hui du Ningxia n'est jamais présentée comme musulmane, mais comme un territoire avec une minorité ethnique, les Hui.
Comme ailleurs en Chine, il semble que les lois de protection ne soient là que pour masquer les pratiques de sinisation culturelle et de «nettoyage ethnique». Ces instruments juridiques, qui ne servent pas à protéger l'identité minoritaire, sont là pour amadouer la communauté internationale et protéger théoriquement les petites minorités nationales ne constituant pas une menace pour la Nation chinoise. Il convient toujours de se rappeler qu'en Chine les politiques ethniques pratiquées à l'égard des nationalités ont des objectifs apparents de protection, tout en dissimulant une stratégie de contrôle destinée à les intégrer de force dans la Grande Nation chinoise. Dans le Ningxia, la politique d'assimilation ne semble pas avoir réussi, mais elle a permis de contrôler sévèrement le chauvinisme local des Hui musulmans.
Chine |
(1) Région autonome zhuang du Guangxi |
(3) Région autonome hui du Ningxia |
(4) Région autonome ouïgoure du Xinjiang | |
(5) Région autonome du Tibet |
(6) La politique linguistique à l'égard des minorités nationales |
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(8) Loi sur l'autonomie des régions ethniques (2001) |
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