Ahvenanmaa
État libre associé à la Finlande |
Åland(Finlande)
|
Remarque : dans le mot Åland, la lettre
[å] en minuscule ou [Å] en majuscule, accompagnée d'un signe appelé «rond en chef», ne
correspond pas à la voyelle prononcée [a] en français, mais plutôt au son [ô] comme
dans hôtel ; il faut
donc prononcer [ô-lannd] et non comme Hollande ni
Alland.
En réalité, on devrait écrire en français Ôland, pour éviter la
confusion avec la lettre française [a]. De plus, le «rond en chef» en suédois désigne une voyelle
longue, ce qui correspond à [ô--lann-d]. En français, comme dans d'autres
langues, les graphies alternatives Aland et Aaland sont
employées parfois pour éviter l'usage de la lettre å. |
Capitale: Mariehamn
Population: 30 409 (2023)
Langue officielle: suédois
Groupe majoritaire: suédois (88,2 %)
Groupes minoritaires: finnois (4,8 %)
Système politique: province autonome (souveraine associée à la Finlande)
Articles constitutionnels (langue): art. 6, 17, 51,
75 et 79 de la Constitution du 1er mars 2000 et la
Loi sur
l'autonomie d'Åland (1990)
Textes historiques:
Loi
sur l'autonomie
d'Åland
(1920,
abrogée);
Accord sur l'autonomie d'Åland du 27
juin 1921 entre la Finlande et la Suède (abrogé);
Loi sur
les garanties (1922,
abrogée);
Loi sur l'autonomie des
îles d'Åland (1951,
abrogée).
Lois linguistiques:
Ordonnance du Parlement pour la province d'Åland (1972)
;
Ordonnance provinciale sur la conception, l'équipement, l'état, l'emploi
et le chargement des véhicules (1993) ;
Loi provinciale sur les conditions pour les îles Åland de rechercher, de
réclamer et d'exploiter les gisements minéraux (1994)
;
Ordonnance sur l'école primaire pour la province d'Åland (1995)
;
Loi sur l'école primaire dans la province d'Åland (1995)
;
Loi provinciale sur l'Institut de musique d'Åland (1995)
;
Loi provinciale sur l'application à Åland de la réglementation nationale
concernant les matières de plantation et d'ensemencement (1995)
;
Loi provinciale sur les garderies de la province d'Åland (1997);
Loi sur l'administration municipale dans la province d'Åland (1997)
;
Loi provinciale sur la formation en apprentissage (1998)
;
Loi provinciale sur l'école secondaire d'Åland (1999)
;
Ordonnance provinciale sur l'application des dispositions nationales
d'Åland sur l'électricité (2001) ;
Loi provinciale sur l'École polytechnique d'Åland (2002)
;
Loi provinciale sur le Centre maritime d'Åland (2003)
;
Ordonnance provinciale sur la qualité des informations dans les services
d'aide (2006). |
1 Situation générale et historique
|
L'archipel d'Åland (prononcer [ô-land]), située
entre la Suède et la Finlande, compte 6500 îles, pour une
superficie de 1527 km² à l'entrée du golfe de Botnie, dont quelque 80 seulement sont habitées. Aujourd’hui,
de nombreuses îles sont reliées entre elles par des ponts ou des
chaussées. L'ensemble de ces îles constitue
l’une des 19 régions de la Finlande.
Toutefois, seule la
région d'Åland (ô-land) est dotée d’un gouvernement autonome, d’un
parlement local et d’une administration propre. Les documents
officiels utilisent les termes Landskapet (suédois) et Maakunta
(finnois) signifiant «province» pour désigner Åland (ô-land), alors que les autres
«régions» sont appelée lääni en finnois.
La forme longue d'Åland est Landskapet Åland («province d'Åland») en suédois
et
Ahvenanmaan maakunta («province des îles d'Åland»),
maakunta signifiant «province». Mais l'archipel constitue à la fois une province et une région, avec
trois
secteurs distincts.
|
|
On distingue d'abord l'île principale,
appelée Fasta Åland (ô-land),
ce qui signifie en suédois «terre d’Åland» ; c'est dans cette île que se
trouve la capitale, la ville de
Mariehamn (voir la
carte détaillée de l'archipel).
Comme second secteur, ce sont neuf «municipalités rurales» (la campagne) de l'île de Fasta
Åland : Jomala, Finström, Lemland, Saltvik, Hammarland, Sund, Geta,
Lumparland et Eckerö (voir la
carte détaillée de l'archipel).
Enfin, dernier secteur, il faut relever six
autres «municipalités d'archipel» : Föglö, Brändö, Vårdö,
Kumlinge, Kökar et Sottunga (voir la
carte détaillée de l'archipel).
Au total, on compte donc 16
municipalités (une ville neuf municipalités rurales et six municipalités
d'archipel), toutes suédophones dans des proportions variant entre
89 % et 98%. Plusieurs de ces municipalités (ou
communes) comptent de cinq à dix villages. En suédois, on parle de "kommun"
(sing.) ou de "kommuner" (plur.). |
Voici la liste des municipalités
ålandaises (ô-lann-dèze):
Municipalité |
Île |
Sous-région |
Population (2023) |
Densité
(hab./km²) |
Mariehamn |
Fasta |
Mariehamn |
11 785 |
1000 |
Jomala |
Fasta |
campagne |
5 624 |
39 |
Finström |
Fasta |
campagne |
2 611 |
21 |
Lemland |
Fasta |
campagne |
2 130 |
19 |
Saltvik |
Fasta |
campagne |
1 793 |
12 |
Hammarland |
Fasta |
campagne |
1 634 |
12 |
Sund |
Fasta |
campagne |
1 002 |
9 |
Eckerö |
Fasta |
campagne |
942 |
9 |
Geta |
Fasta |
campagne |
502 |
6 |
Föglö |
Föglö |
archipel |
502 |
4 |
Vårdö |
Vårdö |
archipel |
443 |
4 |
Brändö |
Brändö |
archipel |
444 |
4 |
Lumparland |
Fasta |
campagne |
365 |
10 |
Kumlinge |
Kumlinge |
archipel |
301 |
3 |
Kökar |
Kökar |
archipel |
221 |
3 |
Sottunga |
Sottunga |
archipel |
110 |
4 |
Îles d'Åland
2023 |
|
|
30
409 |
18 |
L'île de Fasta Åland occupe 70 % de la surface du
territoire autonome et 90 % des Ålandais vivent sur cette même île. Les habitants d’Åland n’occupent que 65 % de leur territoire; un peu
plus de 40 % de la population — soit quelque 10 000 habitants — est concentrée dans
l’unique ville de l’archipel, Mariehamn (Maarianhamina en
finnois), la capitale (11 400 hab.), qui constitue aussi le centre économique et
politique de la province.
Les 16 municipalités sont autonomes. Leurs
responsabilités comprennent à la fois des questions locales telles que les
transports publics, l’offre de logements et le développement des
entreprises, ainsi que des services sociaux tels que les écoles, les
services de garde d’enfants et les soins aux personnes âgées.
2 Données
démographiques
À l’échelle de l’État finlandais, les Ålandais
eux-mêmes — bien
prononcer [ô-lan-dè] et non comme dans Hollandais, et encore moins comme
[a-landè] — ne
représentent qu’une infirme minorité de quelque 0,5% de la population
totale de la Finlande. Avec les suédophones de Finlande, les Ålandais
constituent à peine 6% de cette minorité linguistique nationale, car les finnophones,
ceux qui parlent le finnois, représentent plus de 90% des locuteurs de la Finlande. Toutefois, à l'intérieur même de l'archipel d'Åland,
les suédophones forment le groupe majoritaire. Par conséquent, les finnophones
habitant ces îles sont considérés comme la minorité linguistique nationale.
En 2023, la province d'Åland comptait un peu plus de 30 000 habitants, dont
88,2% parlaient le
suédois (une langue germanique du Nord)
comme langue maternelle. Il existe une petite minorité nationale de 4,8%, qui a
le finnois comme langue maternelle. Les autres langues (6,8%) proviennent des
nouveaux immigrants, dont le letton, le roumain, l'estonien, le russe,
l'anglais, l'allemand, etc. Les langues non européennes sont le thaï, le kurde,
le philippin, l'arabe, le persan, etc.
Étant donné que la province n'abrite qu'
une petite population de 30 000 personnes, chacune des langues immigrantes ne
comptent qu'un petit nombre de locuteurs. Près de 2000 personnes ont
d'autres langues que le suédois et le finnois, mais le nombre de résidents nés en
dehors d'Åland continue de croître. En 2014, ils avaient augmenté de 235 et
avaient
atteint pour la première fois plus de 10 000 personnes, soit 35% de la
population des Åland au 31 décembre 2014. Le nombre de personnes nées à Åland a
augmenté de 15 et atteint un peu plus de 18 800 personnes.
Pour l'ensemble de la population, on peut consulter le tableau élaboré par l'Agence statistique et d'enquête d'Åland
en cliquant ici, s.v.p.
La proportion de la population qui a le plus grand
groupe d’âge concerne les individus de 30 à 64 ans, qui représente plus
de 40 % des habitants. À Mariehamn, la capitale, plus de la moitié des
habitants de ces groupes d'âge sont nés en dehors d'Åland. Parmi les
immigrants les plus âgés, ce sont les personnes nées en Finlande qui
dominent, tandis que celles qui sont nées en Suède et dans les pays non
nordiques appartiennent à plusieurs groupes d'âge plus jeunes. Par
exemple, parmi les 60 à 64 ans, 33 % sont nés en Finlande, 7 % en Suède
et dans le reste de la région nordique et 4 %, sauf dans les pays
nordiques. Parmi les 30 à 34 ans, les non-nordiques constituent le
groupe le plus important avec 18 % de la population, tandis que la
Finlande représente 17 % et la Suède 10 %. Au total, ils se sont
installés dans 95 pays d'origine différents, dont 36 pays européens, 23
pays asiatiques, 18 pays africains et 14 pays d'Amérique latine.
2.1 Le suédois d'Åland
Les suédophones de l'archipel d'Åland ne parlent pas
le suédois standard de la région de Stockholm en Suède. D'ailleurs, c'est aussi
le cas des Suédois qui pratiquent majoritairement une variété dialectale locale,
que ce soit le suédois méridional, le suédois
oriental, le götalandais, le gotlandais, le svealandais ou le norrlandais. Dans
les îles d'Åland, le suédois local est considéré comme la variété du
«suédois oriental» ou östsvenskamål,
appelé aussi le suédois d'Österland
(du «pays de l'Est», la Finlande).
En français, on dira qu'il s'agit du
suédois ålandais (en suédois: Åländska
prononcé [ô-lènd-ska].
En principe, le suédois ålandais est une variété plus proche du suédois parlé en
Suède que de celui utilisé par la minorité suédophone
de la Finlande, bien que le suédois ålandais — prononcé [ô-lan-dè] — apparaisse plus archaïsant par
comparaison à celui de la Suède. On y trouve de nombreux mots et de plusieurs expressions
archaïques qui ne sont toujours compréhensibles pour un suédophone. Par
exemple, la phrase suivante signifie autre chose pour un suédophone de Suède
et un suédophone d'Åland:
Suédois standard |
Suédois ålandais
|
Gå till
tvättstugan och hämta en hink |
Gå
till bykstugan och hämta ett ämbar |
«Allez
à
la salle
de lavage
et
prenez
un seau.» |
«Aller à la salle de blanchisserie et cherchez une baignoire.» |
Par ailleurs,
certains
mots, qui sont
identiques en Suède et à
Åland, peuvent avoir
des sens
légèrement différents.
Voici quelques exemples de différences entre le suédois standard et le suédois
ålandais :
Suédois ålandais
|
Suédois standard |
Traduction de l'ålandais
|
Explication |
ämbar
|
hink |
sceau |
archaïsme suédois dérivé du latin
amphora |
batting
|
regel |
poutre de bois |
signifie
«frappeur» en suédois standard |
batteri |
värmeelement |
radiateur |
signifie
«élément chauffant» en suédois standard |
butka |
fängelse |
prison |
emprunt du
finnois putka: «prison»; mot inexistant en suédois
standard |
bykmaskin |
tvättmaskin |
machine à
laver |
archaïsme
byk «lavage» + maskin «machine» |
jo |
ja |
ouais (oui) |
variante
locale du «oui» |
småkusin |
syssling |
cousin au
second degré |
influence de
l'anglais «small cousin» |
stöpsel |
stickpropp |
fiche
électrique |
emprunt de
l'allemand Stöpsel |
L'une des particularités du suédois ålandais concerne
non seulement des archaïsme du suédois, mais aussi les emprunts au finnois
et au russe, que le suédois standard ne connaît pas.
De plus, il existe aussi des
variantes locales du suédois ålandais, particulièrement entre la côte est
(près de la Finlande) et
la côte ouest (près de la Suède). Ainsi, les locuteurs des îles occidentales (municipalités
d'Eckerö et de Hammarland) s'expriment plutôt en «suédois de Suède» qu'en
«suédois ålandais». Par ailleurs, dans les îles orientales (p. ex., la municipalité
de Brändo), les locuteurs emploient davantage le «suédois de Finlande». Dans
toutes les variantes, on peut aussi déceler à des degrés divers des influences
du finnois, de l'anglais et du russe dans le vocabulaire. Autrement dit, la
situation géographique d'Åland, située entre la partie continentale de la
Finlande et de la Suède, se reflète dans les variétés linguistiques où
certaines variétés ålandaises sont similaires au suédois de Finlande et au
suédois de Suède.
Néanmoins, les habitants des îles d'Åland
apprennent à l'école le suédois standard et n'écrivent que dans cette
langue, car c'est aussi la langue officielle de l'archipel.
2.2 Les finnophones
Il n’existe qu’une petite minorité de 4,8
% (environ 1200 personnes) parlant le finnois, une langue de la
famille
ouralienne. C'est la minorité nationale de l'archipel et elle est fortement
majoritaire sur le continent finlandais (88,2%). Les finnophones n'ont
aucun droit linguistique dans l'archipel, sauf celui de communiquer
individuellement en finnois avec le gouvernement central d'Helsinki et
s'exprimer dans cette langue devant un tribunal ålandais.
2.3 Les immigrants
Les immigrants sont un phénomène récent dans l'archipel.
Les langues les plus importantes sont le letton (0,8 %), le roumain (0,8 %),
l'estonien (0,5 %), le thaï (0,4 %), le russe (0,4 %), l'anglais (0,3 %),
l'allemand (0,3 %), le kurde (0,2 %), etc. Forcément, plus le nombre
d'immigrants augmente, plus celui des suédophones
diminue proportionnellement. Les locuteurs du suédois formaient 93,7 % de la population en 2000,
mais 89,1 % en 2012. Les immigrants viennent de plus de 85 pays différents.
3 Données
historiques
Les premiers humains semblent avoir habité l’archipel dès 4000 ans avant
notre ère. Au VIe siècle de notre ère, de nouvelles immigrations
amenèrent des peuples d’origine germanique du Nord: des Vikings suédois. Les
Vikings suédois sont arrivés en Finlande du Sud-Ouest par les îles d'
Åland.
3.1 La période suédoise
Le royaume de Suède fut fondé entre 1000 et 1300. L'archipel d'Åland fut
soumis à la juridiction de l'évêché de Linköping, ville principale de la
province historique d'Östergötland en Suède. Faisant partie de ce diocèse, les
habitants de l'archipel furent graduellement christianisés. À
partir du XIIIe siècle, l’archipel d’Åland fit partie
intégrante du
royaume de Suède, comme d’ailleurs le reste de la Finlande, sauf que l’ensemble
de la population ålandaise parlait le suédois, alors que les Finlandais
du continent parlaient le finnois. En raison de sa situation stratégique dans le
golfe de Botnie, l'archipel acquit une grande importance pour la Suède qui y
construisit une forteresse. Dans les siècles qui suivirent, Åland servit
essentiellement à des fins militaires pour la Suède. Les insulaires durent
constamment loger des soldats et payer de lourds impôts pour s'assurer la
protection des autorités suédoises. L'insularité des Ålandais favorisa les
particularismes phonétiques et lexicaux du suédois des îles. Non seulement, les
habitants conservèrent un certain nombre d'archaïsmes, mais empruntèrent aussi
des mots au finnois parlé sur le continent.
3.2 La période russe
|
En 1714, les Russes envahirent l’archipel d'Åland
et étendirent leur domination militaire jusqu'en 1721, ce qui eut pour effet de
faire fuir une grand partie de la population suédophone, qui se réfugia temporairement en
Suède. Ayant utilisé les îles d'Åland comme base militaire contre les
Suédois, les Russes étaient conscients de leur importance
stratégique. Ces îles furent de nouveau occupées par les Russes en 1742 et en 1808.
Lors du traité de Fredriksham (actuellement
Hamina
en Finlande)
du 17 septembre 1809, la Suède perdit la Finlande et les
îles d’Åland au profit de la Russie; par ce traité, la Suède reconnait
l’annexion de la Finlande et des îles d'Åland par la Russie, alors
que ce pays devenait un
grand-duché autonome de l'empire
russe, auquel vinrent s’ajouter en
1812 la
Carélie (au sud-est) et une partie du
Nyland
(Uusimaa en finnois)
et de la
Savonie (aujourd'hui la
Finlande orientale) sous le nom de comté de Vyborg
(Viipurin en finnois). |
|
Les Russes construisirent sur les îles la
célèbre forteresse de Bomarsund, qui fut prise et détruite en 1854 par les forces
anglo-françaises. Après la guerre de Crimée, la Grande-Bretagne et la France
exigèrent que les îles d'Åland soient démilitarisées. Lors du traité de Paris de 1856,
les négociations
entre les puissances alliées et les Russes aboutirent à la démilitarisation de l’archipel.
Les Ålandais fondèrent
la ville de Mariehamn en 1861 et en firent leur centre politique
et économique. Le nom de la ville fut choisi en l'honneur de l'épouse du tsar
Alexandre II (1818-1881), Maria Alexandrovna
(1824-1880). Celle-ci avait épousé en 1841 Alexandre II, dont elle eut huit
enfants. À cette époque, le tsar
Alexandre II était perçu en Finlande et aux îles d'Åland
comme un réformateur ouvert à l'autonomie de la Finlande. |
Lors de la Première Guerre mondiale, les Russes occupèrent encore l’archipel et
construisirent des batteries d’artillerie et des fortifications, mais
cette fois avec l'accord de la France et de la Grande-Bretagne, qui étaient
devenus des alliés. Au cours de toute la période russe,
notamment au XIXe siècle,
les Ålandais ont dû emprunter une grande nombre de mots russes (durak:
«imbécile»; Kramoj < khromoi : «boiteux»;
tjut:
«hurlement»; tarakán: «cafard»; saráj : «grosse construction»,
etc.) qu'ils intégrèrent dans leur langue, ce qui contribua à modifier le
suédois insulaire des habitants par rapport au suédois de Suède.
3.3 La province autonome finlandaise
Durant la guerre de 1914-1918, les Ålandais (ô-landè) furent particulièrement
actifs dans la préparation d'une pétition en faveur du retour de l'archipel sous
la domination suédoise. Après la révolution russe de 1917, la Finlande retrouva
sa souveraineté et, le 6 décembre, proclama son indépendance. L’année suivante,
l’archipel d'Åland se trouva confronté à la guerre civile qui sévissait en
Finlande. Les habitants de l'archipel en profitèrent pour demander leur
rattachement à leur ancienne patrie, le royaume de Suède. Pendant la guerre
d'indépendance, la Suède avait occupé militairement Åland qui, selon le traité
de Paris, devait pourtant être démilitarisé, en revendiquant ces îles sur la
base de considérations politiques et ethniques, mais surtout sur le fait que les
Ålandais avaient réclamé leur rattachement à l'ancienne mère patrie. Or, la
Finlande n'accepta ni cette requête ni cette occupation. En plus des forces
finlandaises, des troupes suédoises et des troupes allemandes étaient intervenus
dans les îles ålandaises. Les Suédois furent contraints de les quitter, car les
négociations avec la Finlande paraissaient la seule issue pour pouvoir espérer
acquérir les îles.
|
Au cours des négociations, la Finlande s'était
montrée peu
réceptive aux revendications des Ålandais. Néanmoins, elle tenta de
les satisfaire en adoptant, en 1920,
une loi sur l'autonomie, qui leur accorderait une certaine
liberté dans les affaires intérieures. Étant donné que la question ålandaise impliquait plusieurs pays, la
Finlande dut, sur proposition de la Grande-Bretagne, faire appel à
la Société des Nations, récemment créée (1919).
Lors de la
conférence du 25 juin 1921 à Genève, la Société des Nations prit
la décision de rattacher l'archipel à la Finlande plutôt qu'à la
Suède; le compromis trouvé garantissait à l'archipel un espace
autonome, démilitarisé et neutre. De plus, l'identité culturelle des
habitants était affirmée grâce à la reconnaissance de sa spécificité
linguistique. Autrement dit, l’État finlandais devait s’engager à
respecter et à garantir aux Ålandais l’usage de leur langue
suédoise, de leur culture et de leurs coutumes locales.
|
Les principales garanties impliquant
dix pays (Allemagne, Danemark, Empire britannique, Estonie, Finlande, France,
Italie, Lettonie, Pologne, Suède — sans la Russie) étaient les suivantes:
1) La langue de l'enseignement dans les écoles aux îles d’Åland devait
rester le suédois.
2) Le droit de propriété de biens fonciers devait être réservé aux
seuls habitants des îles d’Åland. Cependant, cette disposition a pris
effet en 1975 dans une nouvelle législation remplaçant une loi devenue
caduque. Cette nouvelle loi stipule que toute personne ne jouissant pas du
droit de domicile aux îles d’Åland, et toute société ou organisation, y
compris celles domiciliées aux îles d’Åland, doivent solliciter auprès
du gouvernement de la province une licence pour l'acquisition de biens
fonciers dans cette province.
3) Le droit de vote aux élections locales et aux élections au Parlement
des îles d’Åland devait être réservé à la population résidente. Toute
personne jouissant du droit de domicile susmentionné est autorisée à voter
lors de ces élections. Le droit de domicile est accordé à tout enfant dont
le père ou la mère possède le droit de domicile aux îles d’Åland. Les
citoyens finlandais qui s'installent aux îles d’Åland se voient accorder
le droit de domicile sur demande, à condition d'avoir eu leur résidence
principale et habituelle dans la province au moins pendant cinq ans sans
interruption et qu'ils possèdent une connaissance satisfaisante de la langue
suédoise.
4) Seule une personne qui a été acceptée par les habitants des îles d’Åland
peut être nommée au poste de gouverneur de la province, c'est-à-dire le
plus haut représentant de la république de Finlande dans l’archipel. Avant
de nommer un gouverneur dans la province, le président de la Finlande doit
consulter le président du parlement d'Åland, qui soumet des propositions de
candidats valables après discussion avec les membres du parlement d'Åland.
5) L’archipel obtint enfin le statut de zone démilitarisée et neutre
(cf. la Convention relative à la non-fortification et à la neutralisation
des îles d'Åland du 20 octobre 1921).
On peut consulter la version française officielle complète de la
Décision du Conseil de la Société des Nations (25 juin 1921),
dont les trois points ci-dessous :
1°
La souveraineté des îles d'Åland
est reconnue comme appartenant à la Finlande ;
2° Toutefois, la paix générale, l'avenir des relations cordiales
entre la Finlande et la Suède, la prospérité et le bonheur des îles
elle-même ne peuvent qu'être confirmés par des mesures portant :
a) sur des garanties nouvelles données à la population des îles ;
b) sur la neutralisation et la non-fortification de l'archipel ;
3° Les garanties nouvelles à insérer dans la loi d'autonomie
devront avoir notamment pour objet de conserver la langue suédoise
dans les écoles, de maintenir les propriétés foncières entre les
mains des habitants ; de fixer des limites raisonnables à
l'acquisition du droit de vote par les immigrants et d'assurer la
nomination d'un gouverneur jouissant de la confiance de la
population ; |
Le 21 juin suivant, la Finlande et la Suède signèrent un
Accord sur l'autonomie des îles d'Åland (voir
le texte). En août 1922, la Finlande adoptait la
Loi
sur les garanties, qui confirmait
l'autonomie culturelle, linguistique et politique des îles d'Åland en
reprenant les termes de l’accord conclu avec la Société des Nations. Mais
la première
Loi
sur l'autonomie
d'Åland
(124/1920)
se révéla peu applicable.
La fin de la
Seconde Guerre mondiale fut l'occasion de remettre sur le tapis la question du
statut des îles et du problème politique entre la Finlande et la Suède. Les
autorités publiques de l'archipel d'Åland se
montrèrent encore
favorables à un
rapprochement avec la Suède.
La
Loi
sur l'autonomie de 1920 fut révisée
en octobre 1951,
avec une
définition de la nationalité ålandaise : ce fut la
Loi sur l'autonomie d'Åland,
n° 670, aujourd'hui abrogée. La
loi de 1951 reconnaissait le suédois comme langue officielle pour les différents
organismes administratifs de l'archipel, ainsi que dans les écoles municipales
publiques (art. 35).
Article 37
Le suédois est la langue
des autorités de l'État sur le territoire de la province d'Åland
ainsi que celle de la Délégation d'Åland sur les transferts fiscaux.
Le droit d'une personne de langue finnoise de plaider sa cause dans
sa langue auprès des autorités et d'obtenir réponse dans cette
langue est le même que celui dont jouit la population de langue
suédoise dans les régions unilingues finnophones selon la
législation linguistique générale.
Article 38
Le suédois est la langue
des communications écrites entre les organismes relevant de
l'administration provinciale et ceux relevant de l'État sur le
territoire d'Åland, ainsi qu'entre ces organismes, d'un côté, et, de
l'autre côté, le Conseil d'État, les organismes de l'administration
centrale, les cours de justice ou tout autre organisme dont le
territoire de juridiction ou d'administration comprend la province
d'Åland.
Les décisions et les avis de la Cour suprême dans des matières
qui touchent la province d'Åland doivent être rédigés en suédois.
Article 39
Nul ne peut être employé
au service de l'État dans la province d'Åland s'il n'a pas fait la
preuve qu'il maîtrise entièrement la langue suédoise parlée et
écrite.
|
Cette nouvelle loi d'autonomie venait aussi préciser les champs de juridiction du
Parlement
régional, c'est-à-dire de l'Assemblée départementale (Lagting) par
rapport à l'Assemblée nationale d'Helsinki. Certains articles de la loi
accordaient à la Délégation d'Åland (Ålandsdelegationen : sorte de comité des sages et de
commission d'arbitrage) un droit de veto tel qu'ils mettaient les Ålandais à
l'abri de toute mesure que ceux-ci n'approuveraient pas eux-mêmes. Cette mesure
disposition rendait effective la souveraineté exceptionnelle dont jouit depuis
lors l'archipel d'Åland.
En 1962, la
question de l'enseignement des langues souleva une controverse au sein de
l'archipel. Un groupe de parlementaires finlandais s'était appuyé sur la
convention de l'Unesco de 1960 concernant les droits des minorités afin de
revendiquer l'enseignement du finnois dans les écoles des îles d'Åland. Or, la
Constitution finlandaise ne s'applique pas dans l'archipel en matière de langue,
car seul le suédois est la langue officielle, ce qui garantit la spécificité
ålandaise.
|
En 1954, les Ålandais avaient obtenu le droit d'arborer leur propre drapeau.
Celui-ci est basé sur le
drapeau de
la Suède, formé par une croix scandinave or sur fond azur (bleu); une
seconde croix rouge à l'intérieur de la croix dorée symbolise, cette
fois-là, la
Finlande. Les Ålandais ont obtenu en 1970 le
droit de déléguer leurs représentants au Conseil nordique, tout en
élisant leur unique député au Parlement d'Helsinki et d'émettre leurs
timbres (1984).
Entretemps, des mouvements en faveur de l'indépendance des îles se
levèrent au cours des années 1970; un mouvement nommé "Fria Åland"
revendiqua cette idéologie politique, mais il n'obtint alors aucun
siège au Parlement local (Lagtinget).
|
En 1990, la Finlande et l'archipel d'Åland entérinèrent une nouvelle loi
sur l'autonomie: la Loi sur l'autonomie d'Åland. Aujourd’hui, la
province d’Åland reste un territoire démilitarisé membre de l’Union
européenne depuis 1993 et qui a conservé sa propre représentation au Conseil
nordique. Ainsi, la province d'Åland, à l'instar de Porto Rico, bénéficie
d'un statut très privilégié, celui d'un «État libre associé» à la
Finlande. Selon un sondage mené par
le journal
Tidningen Ålands les 13 et 14 novembre 2002, la moitié des personnes interrogées se sont prononcées pour
le maintien du
statu quo, un quart pour l'«autonomie renforcée» et moins
de 10 % pour l'indépendance. Les autres personnes sondées suggéraient d'autres
possibilités. En somme, les mouvements en faveur d'une indépendance de
l'archipel semblent pour le moment très minoritaires.
4 Une
autonomie exceptionnelle
Comme on le sait, la
Loi sur l’autonomie des îles d'Åland
fut à l'origine adoptée par le Parlement de la Finlande en 1920, mais sa
première version avait été rejetée par les Ålandais. Ce n’est qu’après
l’implication de la Société des Nations qu’une nouvelle législation a pu entrer
en
vigueur en 1922. Cette loi sur l’autonomie fut modifiée à deux reprises, une
fois en 1953 et une seconde fois en 1993. De plus, elle a été retouchée à
plusieurs reprises, ce qui témoigne de la flexibilité du régime et de son
adaptation aux réalités contemporaines.
Grâce à leur grande autonomie politique, les Ålandais ont le droit de légiférer dans les
domaines reliés à leurs affaires internes, et de voter leur propre budget.
L'Assemblée législative ou Parlement d'Åland est appelé Ålands Lagting ou
simplement Lagtinget (Lagting) qui
désigne le gouvernement d'Åland (Landskapsstyrelse).
Il existe aussi une autre instance: la Délégation d'Åland
(en suédois:
Ålandsdelegation). Celle-ci
correspond à un conseil d'arbitrage, qui se compose de cinq membres, dont deux
sont choisis par le Conseil d'État finlandais et deux par le Parlement d'Åland.
La Délégation d'Åland sert d'organisme de relation entre le gouvernement
national et celui de l'archipel. Ce dernier est présidé par le landshövding,
le gouverneur des îles. En plus de superviser la législation, la délégation
d'Åland s'occupe de certaines tâches concernant la répartition financière entre
les îles d'Åland et l'État finlandais. Le président de la Finlande peut opposer
son veto des lois promulguées par le Parlement d'Åland, si celles-ci
outrepassent l'autorité législative d'Åland ou si elles sont contraires à la
sécurité extérieure ou intérieure de la République. Avant que le président
puisse utiliser son pouvoir de veto, il doit obtenir l'avis de la Cour suprême
sur la loi. Selon la Loi sur l'autonomie, le président doit faire connaître sa
décision dans les quatre mois suivant la présentation de la loi. Une fois passé
ce délai, le gouvernement d'Åland peut promulguer la loi, lui donnant ainsi
force de loi.
Les dispositions sur
l'autonomie d’Åland sont contenues dans la Loi sur l'autonomie d'Åland
de 1990, et peuvent être éventuellement modifiées par le Parlement
finlandais, mais uniquement avec l’accord du Lagting ålandais. La
présente Loi sur l'autonomie d'Åland est entrée en vigueur le 1er
janvier 1993.
Le principe fondamental de cette loi consiste à donner aux habitants de ces
îles la plus grande liberté possible pour gérer leurs affaires internes en
tenant compte de «la sécurité interne et externe du pays», pour reprendre
les termes de la loi. La
Loi sur l'autonomie de 1990 accorde un élargissement des compétences de la
province dans le domaine de la législature, de l'administration et de l'économie
avec une diminution de la supervision par l'État finlandais de l'exercice de
l'autonomie. La responsabilité législative et administrative est transférée à la
province dans des domaines d'une importance particulière quant à son autonomie
et aux champs de compétence exigeant une réglementation conforme aux intérêts de
la province. Dans certains secteurs, le pouvoir législatif a été transféré de la
province vers l'État. De plus, un nouveau système fiscal procure une plus grande
liberté économique à la province.
Cette loi sur l'autonomie précise les domaines dans lesquels l'Assemblée
législative des îles d'Åland, le Lagting, a le droit de légiférer.
Parmi ces domaines de compétences exclusives, les plus importants sont les suivants:
• enseignement et la culture;
• services de police et de pompiers;
• administration locale de district;
• environnement;
• infrastructures routières (maritimes et terrestres); |
• santé publique et services médicaux;
• législation sociale;
• services postaux;
• propriété immobilière;
• prospection et utilisation des fonds minéraux; |
• développement de l'emploi;
• droit du travail; • communications internes; • droit d'émission radiophonique. |
|
Dans les domaines qui sont de la compétence législative du
Lagting,
ce sont les lois adoptées par le Lagting qui sont d'application dans les
îles d’Åland et non pas les lois correspondantes adoptées par le Parlement
finlandais. Par exemple, les lois linguistiques de la Finlande, dont l’importante
Loi sur les langues, ne s’appliquent pas à Åland. Cependant, dans les
domaines qui échappent à la compétence législative du Lagting, les
lois de la Finlande s'appliquent tout comme dans le reste du pays.
Néanmoins,
bien que les affaires étrangères relèvent du gouvernement finlandais, tout
traité international concernant les compétences d’Åland doit obtenir l’assentiment
du Parlement ålandais pour s’appliquer dans l’archipel. Voici les domaines
qui sont sous la juridiction exclusive de la Finlande: |
• la promulgation, la modification, l'interprétation ou l'abrogation d'une
loi constitutionnelle ainsi que la dérogation à une loi constitutionnelle;
• les services douaniers et la monnaie;
• les tribunaux et le Code pénal;
• la plupart des aspects du droit civil, comme le droit de la famille, le
droit sur l'héritage et le droit commercial;
• la législation sur les étrangers;
Afin de veiller aux intérêts des Ålandais (ô-lann-dè), dans ces domaines, un député
siège au Parlement finlandais. Quant à l'État finlandais, il est représenté dans
les îles par un gouverneur, dont le principal rôle est d’assurer la coordination
de l’administration locale dans les domaines relevant du gouvernement central
(tribunaux de l'État, impôts, douanes, garde-côtes, etc.). Le président de la
Finlande doit choisir le gouverneur après entente avec le président du Parlement ålandais
(Lagting). Autrement dit, le gouverneur finlandais doit bénéficier de la
confiance de la population locale. Occasionnellement, celui-ci peut être appelé
à jouer un rôle de médiateur entre Mariehamn et Helsinki. Parallèlement à l’autonomie politique, la province d’Åland conserve
toute son autonomie linguistique. La seule langue officielle demeure le suédois
dans cette région aux frontières linguistiques imperméables.
|
Pour contrer son insularité, Åland conserve des
liens étroits avec ses voisins. En effet, plus de 180 navires
transbordeurs (au Canada: traversiers) circulent chaque semaine
sur 10 itinéraires différents afin de relier l'archipel avec la Suède
(Stockholm et Kapellskär), la Finlande (Helsinki, Turku et Naantali) et
l'Estonie (Talinn). Dans les deux ports d'Åland, on pourra voir de façon
exceptionnelle des inscriptions en anglais.
Les temps de traversée d'Åland ou vers Åland —
Mariehamn et Eckerö — durent généralement entre 1 h 45 (Eckerö -
Turku), 5 h 15 minutes (Mariehman - Stockholm), et 14 h et 25 (Mariehman
- Helsinki), selon les
itinéraires. |
Par ailleurs, l'Union européenne considère les îles
d'Åland comme «un pays tiers», qui ne jouissent pas des mêmes règles fiscales.
Ce territoire n'est pas simplement une zone détaxée entre la Finlande et la
Suède, il a développé une culture spécifique revendiquant une non-assimilation à
ses deux pays voisins.
Si l'archipel a
longtemps manifesté son désir de vouloir être rattaché à la Suède, elle a fini
par mettre en valeur une spécificité culturelle qui n'en fait pas plus une
région suédoise que finlandaise. Dan les faits, l'insularité a indubitablement
favorisé ce type particulier de communauté linguistique et culturelle. Dans le
futur, il est probable que les îles d'Åland vont encore renforcé leur autonomie
politique et obtenir une quasi-indépendance au sein de la Finlande.
5 La
politique d'unilinguisme
Dans la Constitution finlandaise de mars 2000, aucune disposition d’ordre
linguistique ne s’applique à la province d’Åland. En effet, seul l’article
75 intitulé «Lois spécifiques de la province d'Åland» concerne
précisément l’archipel et il ne fait aucune référence à la langue. Mais cet article
rappelle que c’est la Loi sur l'autonomie d'Åland qui s’applique:
Article 75
1) Les dispositions spécifiques en vigueur sur la procédure d'adoption de la
Loi sur l'autonomie d'Åland et de la Loi sur l'acquisition des biens fonciers à Åland sont fixées dans les lois précitées.
2) Les dispositions en vigueur sur le droit de l'Assemblée législative d'Åland de proposer une motion et sur l'adoption des lois provinciales de la province d'Åland sont fixées dans la
Loi sur l'autonomie d'Åland. |
La Loi sur l'autonomie d'Åland
(1990) constitue avec la Constitution
de la Finlande le texte juridique le plus important. En effet, selon l'article
50 de la Loi sur l'autonomie d'Åland: «Cette loi constitue une loi
fondamentale»; elle a donc valeur de constitution interne. Elle ne peut être
modifiée, complétée ou abolie «qu'après décision concordante du Parlement
et de l'Assemblée de la province».
Conformément à l’article 36 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland, l’unilinguisme
suédois est de rigueur, mais le statut du suédois n’est pas défini
explicitement:
Article 36 Langue officielle
1) La province est unilingue suédoise. La langue
employée dans l'administration de l'État, celle d'Åland
et celle de ses municipalités est le suédois.
|
Bien qu'aucun texte constitutionnel ou aucune loi linguistique locale ne
définisse explicitement le statut du suédois, cette langue reste la seule
employée dans l'enclave ålandaise, avec quelques minimes exceptions: Parlement local, tribunaux, écoles,
inscriptions gouvernementales, signalisation routière, toponymie, noms des
rues, enseignes commerciales, messages publicitaires, etc. Soulignons aussi que
la loi finlandaise sur les langues de
2004 ne s'applique pas aux îles d'Åland, qui ne sont pas soumises au
bilinguisme finnois-suédois.
Par ailleurs, la province d'Åland n'a jamais adopté de loi
linguistique, bien qu'un grand nombre de lois ålandaises contienne des
dispositions sur l'emploi de la langue suédoise ou d'autres langues.
5.1 La langue de la législation
Le parlement d’Åland, appelé Lagting, ne légifère et ne proclame ses
lois qu’en suédois, comme le prévoit l'article 44 de l'Ordonnance
du Parlement pour la province d'Åland:
Article 44
Les délibérations du
Parlement doivent se dérouler dans la langue suédoise. Les
délibérations constituent une propriété publique à moins qu'une
disposition sur des cas particuliers n'en prévoie autrement. |
Le paragraphe 2 de l'article 36 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland
prévoit que les avis et décisions de la Cour suprême de Finlande applicables dans la province
doivent être
disponibles en version suédoise:
Article 36 2)
La langue officielle de la
Délégation d'Åland est le suédois. Les avis et les décisions de la Cour suprême mentionnés
dans la présente loi doivent être rédigés en suédois.
3)
Les dispositions pertinentes de
la présente loi concernant la langue de l'administration de l'État s'appliquent
également aux autorités de l'Église évangélique luthérienne,
à moins qu'il n'en soit prévu autrement dans la Loi sur
l'Église.
|
De plus, conformément à l’article 59 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland,
les traités internationaux de la Finlande qui doivent être soumis à
l'Assemblée de la province peuvent être présentés en langue originale
lorsque le traité, selon la loi, n'est pas publié en suédois.
Article 59 (30 janvier 2004/68)
Entrée en vigueur des traités internationaux
1)
Si un traité ou toute autre obligation internationale
engageant la Finlande contient une clause qui, en vertu de la
présente loi, porte sur une question de juridiction de la provinces,
le parlement d'Åland doit consentir à la loi mise en œuvre de cette
clause afin qu'elle entre vigueur dans la province.
2)
Si la clause est contraire à la
présente loi, elle entrera en vigueur dans la province seulement si
le parlement d'Åland donne son consentement par une majorité
qualifiée des deux tiers des voix exprimées et si la mise en œuvre
de la loi a été traitée au Parlement conformément à la procédure
prévue au paragraphe 2 de l'article 95 de la Constitution sur la
mise en œuvre des obligations internationales avec ses implications
constitutionnelles. Toutefois, si la clause ne concerne que la
langue de communication entre les autorités de la province et les
étrangers ou les autorités étrangères, la mis en œuvre de la loi
peut être traitée au Parlement, conformément à la procédure
régulière. 3)
Le parlement
d'Åland peut autoriser le gouvernement d'Åland à accorder le
consentement visé au paragraphe 1. |
Précisons que les lois adoptées par l’assemblée régionale, le Lagting,
sont soumises à l’approbation du président de la république de Finlande,
qui peut exercer un droit de veto. Rappelons que celui-ci ne peut être utilisé que dans deux
cas (qui n’ont aucun rapport avec la langue): lorsque le Lagting
excède ses compétences législatives et lorsqu’une loi porte atteinte à la
sécurité interne ou externe du pays.
5.2 La langue de la justice
Les cours de justice établies dans la province d’Åland
doivent se dérouler en
suédois. Mais, en vertu de l’article 39 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland, il est possible pour un citoyen finlandais domicilié
à Åland d’avoir recours aux services d’un traducteur:
Article 39
Traductions
1)
À la demande d'une partie, les
tribunaux et le gouvernement de la province doivent joindre une
traduction finnoise dans leurs documents.
2)
Si un document adressé à une
cour de justice ou à une autre autorité de l'État est rédigé en
finnois, l'autorité en question devra, s'il y a lieu, assurer sa
traduction en suédois.
3)
Tout administré particulier de la province a le droit d'obtenir une
version suédoise de la réponse dans une cause traitée par une
autorité centrale de l'État, conformément au paragraphe 1 de
l'article 38, et lorsque cette réponse, selon la législation
linguistique générale, doit être rédigé en finnois.
|
L'article 36 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland prévoit que «les avis et les décisions de la
Cour suprême» de Finlande «doivent être rédigés en suédois». Par ailleurs, tout administré ålandais peut demander une version suédoise
dans une cause traitée par l’État finlandais (art. 39):
Article 36
Langue officielle
1)
La province est unilingue suédoise. La langue
employée dans l'administration de l'État, celle d'Åland
et celle de ses municipalités est le suédois.
2)
La langue officielle de la
Délégation d'Åland est le suédois. Les avis et les décisions de la Cour suprême mentionnés
dans la présente loi doivent être rédigés en suédois.
|
Dans certains cas, un justiciable accusé ou un témoin
finnophone dans un tribunal d'Åland peut demander de s'exprimer en finnois,
et la cour ne doit pas s'y opposer. Au besoin, on a recourt à un interprète.
5.3 La langue de l’Administration
|
La province d’Åland est une entité juridique
autonome par rapport à la Finlande. L'expression "Ålands Landskapsregering"
signifie «gouvernement provincial d’Åland». |
Rappelons l’article 36 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland qui
énonce que l’unilinguisme suédois est de rigueur pour tout ce qui relève de
l’administration de l’État finlandais, de la province d’Åland et des
municipalités de l’archipel:
Article 36 Langue officielle
1) La province est unilingue suédoise. La langue
employée dans l'administration de l'État, celle d'Åland
et celle de ses municipalités est le suédois.
|
Le dernier paragraphe de l’article 29 de cette même loi étend cette disposition à l’Église
luthérienne établie dans la province d’Åland:
Article 36
3)
Les dispositions pertinentes de
la présente loi concernant la langue de l'administration de l'État s'appliquent
également aux autorités de l'Église évangélique luthérienne,
à moins qu'il en découle autrement de la Loi sur
l'Église.
|
Dans les administrations municipales, la
Loi sur l'administration municipale dans la province d'Åland (1997)
prescrit la maîtrise orale et écrite du suédois pour les fonctionnaires:
Article 60
Exigences concernant les aptitudes linguistiques
1)
Seule la maîtrise orale et écrite du suédois peut être employé
par un fonctionnaire municipal.
2)
Des dispositions supplémentaires sur les exigences de la maîtrise du
suédois pour divers services dans la charte du personnel sont examinés
par le Conseil municipal pour chaque cas.
3)
Tout employé doit
effectuer les modifications nécessaires comme il est prévu pour les
fonctionnaires. |
Quant au gouvernement finlandais, il est tenu de n’utiliser que le
suédois dans l’archipel.
- L’affichage
Dans le domaine de l'affichage, le suédois demeure l'unique langue employée
dans l'archipel d'Åland: inscriptions gouvernementales, signalisation
routière, toponymie, noms des rues, enseignes commerciales, messages
publicitaires, etc.
Quelques exemples de noms de rue: Ålandsvägen,
Skeppargatan, Ostra Skolgatan, Norragatan, Diktargränd, Mangelgränd,
Österleden, Styrmansgsatan, Villagränd, Skarpansvägen, etc. De façon exceptionnelle, il est possible de lire des inscriptions
en anglais du type "Welcome", "Customs", etc. Bref, l'archipel d'Åland est un pays unilingue suédois tout en
faisant partie de la Finlande qui, elle, est bilingue.
Il doit y avoir des exceptions,
car le panneau "Just ahead" est manifestement en anglais.
L'unilinguisme suédois est considéré
comme un «comportement normal» par les Finlandais, tant à Åland que sur le
continent, et il n'est pas remis en question. Seuls les produits manufacturés hors
des îles d'Åland peuvent présenter des inscriptions en langue finnoise.
Même les organismes officiels du gouvernement
central d'Helsinki
représentés dans l'archipel n'affichent qu'en suédois.
- Les produits et services
Pour tous les produits et services dans la
province d'Åland, l'emploi du suédois est de rigueur, comme en fait foi la
Loi provinciale sur l'application à Åland de la réglementation nationale
concernant les matières de plantation et d'ensemencement (1995):
Article 3
Exigences linguistiques
Les instructions, les avis et autres informations exigés par la
réglementation visée à l'art. 1 en matière végétale doivent être
rédigés au moins en suédois, sauf si le gouvernement
provincial accorde des exemptions à cette obligation pour des raisons particulières. |
Il en est ainsi pour l'Ordonnance
provinciale sur l'application des dispositions nationales d'Åland sur
l'électricité (2001) pour les services d'électricité:
Article 7
Exemptions de l'application des dispositions visées au § 3
Les équipements électriques vendus ou mis en
circulation dans la province
doivent être accompagnés d'un texte en suédois ou des instructions en
suédois.Article 8
Directives émises en vertu des règlements nationaux
1)
Les instructions
relatives aux installations électriques de sécurité
émies en vertu des dispositions nationales visées au présent
règlement, aux articles 2 et 3, doivent être accompagnées d'une
version suédoise.
2)
Les normes incluses dans la liste visée
à l'art. 4 de la décision du ministère du Commerce et de
l'Industrie sur la sécurité et à l'art. 29 de la décision du ministère
du Commerce et de l'Industrie relatives aux emplois dans le secteur de l'électricité
s'appliquent si elles sont disponibles en suédois.
|
Les exigences linguistique sont les mêmes
dans l'Ordonnance
provinciale sur la qualité des informations dans les services d'aide
(2006) pour les équipements en cas d'incendie:
Article 4
Exigences linguistiques
Les manuels et toute autre information que
celles prévues au paragraphe 1 de l'art. 1 dans la législation
relative au feu et aux
dispositifs d'extinction et autres équipements, à l'intérieur
des bâtiments et aux structures adjacentes doivent être rédigés
dans la province au moins en suédois, sauf si le gouvernement
provincial accorde des exemptions à cette obligation pour des raisons particulières. |
Ces quelques exemples démontrent que la législation
concernant l'emploi du suédois est omniprésente et touche tous les
secteurs.
- Le bilinguisme de l’État finlandais
Contrairement, par exemple à Porto Rico où le gouvernement fédéral
américain demeure unilingue anglais, l'État central de la Finlande assume en
principe le
fardeau du bilinguisme institutionnel et c'est la province qui demeure unilingue
suédoise. Cette pratique est conforme à l'article 38 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland:
Article 38 Langue de la correspondance
1)
Les lettres et autres documents entre
les autorités de la province
et les autorités de l'État dans la province
doivent être rédigés en suédois. La même disposition s'applique aussi à la
correspondance entre les autorités mentionnées et la Délégation d'Åland, d'une part, ainsi
que le Conseil d'État, les
autorités du gouvernement central de Finlande et les tribunaux
supérieurs et d'autres autorités de l'État, d'autre part, dont la juridiction
comprend la province en tout ou en partie.
|
De même, le Conseil des ministres finlandais est chargé de veiller à ce
que toute réglementation concernant la province soit
disponible en langue suédoise. L'État finlandais doit également fournir en
langue suédoise la formation pour ses employés dans la province, car
ceux-ci sont tenus de connaître le suédois.
Cependant,
le gouvernement finlandais semble parfois oublier cette obligation du
bilinguisme, à un point tel point que le gouvernement d’Åland estime qu'il
devrait rechercher de nouvelles garanties internationales pour son statut
ancré dans le droit international et dans la protection des langues en
général. De plus, le contexte réel est que la langue suédoise éprouve des
difficultés de plus en plus grandes en Finlande, malgré les lois
linguistiques et les déclarations politiques rassurantes. De fait, certaines
municipalités ne respectent pas la loi linguistique, censée garantir la
survie du suédois comme langue officielle.
Il arrive donc que le gouvernement d'Helsinki «oublie» de communiquer en
suédois avec les autorités ou les résidents de l'archipel, ce qui provoque
aussitôt des revendications de la part du gouvernement provincial. Pour que les
îles d’Åland puissent participer aux discussions du Parlement finlandais sur
des questions relatives à l'intégration européenne, la législation sur la
procédure parlementaire a été modifiée pour permettre aux membres des îles
d’Åland d'être toujours présents lors des réunions du Grand Comité.
Chaque ministère finlandais possède aussi un fonctionnaire doté d'une
responsabilité spéciale pour les affaires parlementaires européennes qui
touchent les îles d’Åland. Enfin, le gouvernement des îles d’Åland
possède son propre conseiller spécial au sein de la représentation permanente
finlandaise à Bruxelles.
5.4 La langue de l’éducation
La province d’Åland jouit d’une très grande autonomie en matière d’éducation.
C’est l’article 40 de la Loi sur l'autonomie d'Åland
qui précise la
langue employée dans le domaine de l’éducation:
Article 40
Langue d'enseignement
La langue d'enseignement dans les écoles maintenues par des fonds
publics ou subventionnées par lesdits fonds doit être en suédois,
sauf par une disposition contraire prévue par une loi de la
province. |
L'ancienne version de la loi (art.
31) précisait ce qui suit en matière d'emploi du suédois:
Article 31 1) La province et les municipalités d'Åland ne sont pas tenues de
maintenir ou de subventionner des écoles dont la langue d'enseignement
est autre que le suédois.
2) La langue d'enseignement des écoles de l'État est le suédois.
3) L'enseignement ne peut être donné dans une autre langue que le
suédois dans les écoles d'enseignement obligatoire financées par les
fonds publics.
4) L'État [finlandais] doit fournir en langue suédoise la formation pour ses
employés dans la province.
5) Un diplômé d'une maison d'enseignement dans la province peut,
selon les dispositions à établir par règlement, être admis et
obtenir son diplôme dans un établissement de langue suédoise ou
bilingue, maintenu et subventionné par l'État, même s'il n'a pas la
connaissance du finnois qui peut être exigée normalement pour
l'admission ou pour l'obtention du diplôme.
|
L'article 12 de la
Loi provinciale sur les garderies de la province d'Åland (1997) prescrit le
suédois comme langue administrative dans les garderies:
Article 12
Langue des garderies
La langue administrative dans les garderies municipales
et autres services de garde soutenus par la municipalité est le
suédois. La langue
administrative est le suédois, mais aussi dans les services de
garde organisés par la municipalité lorsqu'elle recourt aux services de garde
d'une autre municipalité. |
Article 35
Compétences linguistiques
1)
Les dirigeants réguliers à l'école primaire doivent
maîtriser parfaitement le suédois.
2)
Le personnel occasionnel doit employer le suédois autant à l'oral
qu'à l'écrit.
3)
Par dérogation aux paragraphes 1 et 2, les employés en charge
de l'éducation visés aux paragraphes 3 et 4 de l'art. 17 doivent comprendre le
suédois. |
Åland bénéficie d'un bon réseau de formation. Chacune des 16
municipalités dispose d'une école primaire au sein de laquelle les écoliers
peuvent effectuer les neuf premières années de leur scolarité, et donc
l'ensemble de la scolarité obligatoire. Tous les établissements d'enseignement
secondaires, et notamment les lycées, sont concentrés dans la capitale
Mariehamn.
De nombreuses formations professionnelles y sont
également proposées. Les étudiants ont une haute-école spécialisée à
leur disposition, la Haute-école d'Åland (Högskolan på Åland en
suédois).
En ce qui a trait au personnel enseignant, l'Ordonnance
sur l'école primaire pour la province d'Åland (1995) précise que celui-ci est évalué en fonction de la connaissance des langues suédoise et finnoise
(art. 27):
Article 27
Compétences linguistiques
Les compétences linguistiques d'un employé doivent être évaluées en
conformité avec la réglementation sur la démonstration de la
connaissance des langues suédoise et finnoise. |
De plus, l'article 12 de la
Loi provinciale sur l'école secondaire d'Åland (1999) impose
également l'usage du suédois comme langue d'enseignement:
Article 12
Langue
d'enseignement
1)
La langue d'enseignement de l'école secondaire est le suédois.
2) En plus de la langue
d'enseignement normale une autre langue peut être utilisée
comme langue d'enseignement. De façon provisoire, l'enseignement
portant sur un sujet particulier dans une langue peut être
dispensé dans cette langue.
3)
Sauf dans le cas prévu au paragraphe 2, une autre langue que le
suédois peut être employée comme langue d'enseignement en conformité avec
l'autorisation du gouvernement provincial, si elle est
compatible avec les objectifs de l'enseignement.
|
Ce n'est pas tout. Il doit en être ainsi pour
l'École polytechnique
d'Åland (art. 18 de la
Loi provinciale sur l'École polytechnique d'Åland), l'Institut de musique
d'Åland (art. 10 de la
Loi provinciale sur l'Institut de musique d'Åland) et le Centre
maritime d'Åland (art. 7 de la
Loi provinciale sur le Centre maritime d'Åland).
En fait, seuls la durée de l’enseignement obligatoire et le niveau des
exigences nécessaires aux études universitaires relèvent de l’État
finlandais. Même si la seule langue de l'enseignement dans les écoles est le
suédois, cela n'empêche pas que le finnois soit enseigné dans les écoles des
îles d’Åland, au même titre que d'autres matières, en tant que langue
étrangère. De fait, le finnois est considéré aux îles d’Åland comme une
langue étrangère: il est même moins connu et moins utilisé que l’anglais.
L’anglais est une matière obligatoire dans le programme d’enseignement dans le
premier cycle, tandis que le finnois, le français et l’allemand sont des langues
facultatives.
Pour ce qui est des études universitaires, les étudiants ålandais ont la
possibilité de faire leurs études dans les universités suédophones de la
Finlande. La plupart des jeunes qui font des études universitaires doivent
quitter temporairement l'archipel pour aller poursuivre leurs études soit en
Suède ou en Finlande. De plus, il existe une école supérieure à Åland, la
Högskolan på Åland, qui dispense une formation sanctionnée par des examens
d’université dans les mêmes secteurs comme les écoles professionnelles.
5.5 Les médias suédophones
|
Il n’existe aucune disposition concernant le domaine des médias. La presse
est libre et peut être diffusée en principe autant en suédois qu’en
finnois. Néanmoins, les finnophones sont tellement peu nombreux dans la
province que les médias n’apparaissent qu’en suédois. Même avec une
petite population de 25 000 habitants, on compte deux quotidiens suédophones:
L'Ålandstidningen (fondé en 1891) identifié par seulement Åland et le Nya Åland (fondé en
1981); les deux journaux ne paraissent que cinq jours/semaine. |
Du côté des médias électroniques, des programmes locaux de la
télévision sont diffusés depuis 1980 à travers le réseau d'Åland. Radio
Åland et TV Ab, appartenant à la province d’Åland, émettent
depuis 1996. Les radios privées diffusent depuis 1993. Évidemment, les
Ålandais peuvent capter les chaînes en provenance de la Finlande et de la
Suède.
Certaines chaînes de radio suédoises, qui sont également captées
à Åland, offrent également des programmes spécifiques pour
l'archipel d’Åland. Par ailleurs, deux télévisions privées sont disponibles à Åland depuis
le mois d'octobre 2007 : TV Åland et Åland 24.
5.6 Les droits de la minorité finnoise
Dans ces conditions, qu'en est-il des droits de la minorité finnoise de la
province? Les quelque 1300 finnophones d'Åland, tous bilingues, ont donc droit
à employer leur langue, mais ce droit n'est pas imposé par la Finlande; de toute
façon, il se réduit à peu de chose dans l'archipel même si aucune loi
particulière ne restreint l'usage du finnois: il s'agit des tribunaux (par l'interprétariat),
des communications avec l’administration centrale finlandaise venant du continent et
du recours
aux médias. On rapporte néanmoins des cas d’interdiction d’employer la langue
finnoise dans la province, mais aussi des pratiques interdisant le suédois sur
le continent.
6 Le titre de «résident d'Åland»
Selon l'article 7 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland, pour avoir droit
au titre de «résident d'Åland», il faut posséder la citoyenneté
finlandaise, avoir domicilié dans l'archipel «sans interruption depuis au
moins cinq ans» et démontré «une connaissance acceptable de la langue
suédoise». Or, il est nécessaire de posséder le titre de «résident d'Åland»,
une sorte de citoyenneté locale ålandaise, pour voter et être éligible aux
élections législatives du Lagting, acquérir et posséder des biens
immobiliers dans l’archipel et exercer une activité commerciale. Voici l'article 7 sur le titre de «résident d'Åland»:
Article 7
Titre de résident sur demande
1)
Le pouvoir d'accorder le titre de résident est perçu par le
gouvernement d'Åland (30 janvier 2004/68).
2)
À défaut de
raisons particulières pour l'obtention du titre de résident,
ledit tire est accordé sur demande à tout citoyen finlandais :
1. qui est domicilié à
Åland;
2. qui a été sans interruption habituellement domicilié à Åland
depuis au moins cinq ans; et
3. qui possède une connaissance suffisante de la langue
suédoise.
Pour une raison
particulière, il est possible d'accorder le titre de résident à
toute personne qui ne répond pas aux conditions des alinéas 2 et 3
du paragraphe 2, sous réserve des dispositions de la Loi d'Åland.
|
La citoyenneté ålandaise est acquis à
la naissance lorsque l’un des parents est lui-même citoyen ålandais.
Tout immigrant ayant vécu cinq ans dans l'archipel et qui a une
connaissance suffisante de la langue suédoise peut, s’il le souhaite,
déposer sa demande de citoyenneté ålandaise. Ce droit de citoyenneté
ålandaise est toutefois exclusivement réservé aux ressortissants
finlandais. Il existe aussi des restrictions au droit d’acquisition des
propriétés et de possession immobilière, et ce, dans le but de conserver
les terres entre les mains des citoyens ålandais.
Les articles 72 et 73 de la
Loi sur l'autonomie d'Åland précisent que,
pour avoir le droit de pratiquer une activité commerciale, il faut être
résident de la province, donc avoir une connaissance suffisante du
suédois:
Article 72
Titre de résident
1) Toute personne résidant habituellement à Åland
au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi doit, à la
demande du gouvernement d'Åland, obtenir le titre de résident,
conformément aux dispositions de la loi précédente (30 janvier
2004/68).
2) Le titre de résident à un enfant adopté est
déterminé par les parents adoptifs également dans le cas où
l'adoption a eu lieu avant l'entrée en vigueur de la présente
loi.
Article 73
Activité commerciale
1) Toute personne résidant habituellement à Åland
au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi doit, après
avoir résidé à Åland pendant cinq ans sans interruption, avoir
le droit de pratiquer une activité commerciale à Åland,
conformément aux dispositions de la loi précédente.
2) Les personnes particulières, les sociétés,
coopératives, associations et autres sociétés ainsi que les
fondations qui, au moment de l'entrée en vigueur de la présente
loi, pratiquent une activité commerciale
à Åland en conformité avec les
dispositions de la loi précédente ont le droit de pratiquer
continuellement le commerce en conformité avec les dispositions
de la loi précédente. |
L'ancien article 8 de la
précédente
version de la Loi sur l'autonomie d'Åland énonçait ce qui suit:
Article 8 1) Les personnes qui, au moment de l'entrée en vigueur de cette loi,
possèdent le titre de résident d'Åland d'après la Loi sur
l'autonomie d'Åland (du 28 décembre 1951) conservent ce titre en
vertu de la présente loi.
2) À défaut de raisons particulières, le Conseil de la province [Landskapsstyrelsen]
accordera, sur demande, le titre de résident d'Åland à toute personne
ayant la citoyenneté finlandaise, qui est installée dans la province,
qui y est domiciliée sans interruption depuis au moins cinq ans et qui
a une connaissance acceptable de la langue suédoise. Le Conseil de la
province peut accorder ce titre à une personne domiciliée dans la
province depuis moins de cinq ans.
3) Un enfant de moins de 18 ans ayant la citoyenneté finlandaise et
qui est domicilié dans la province reçoit le titre de résident d'Åland
si le père ou la mère a ce titre.
4) Des dispositions plus détaillées touchant l'obtention du titre
de résident d'Åland sont données par la loi provinciale.
5) Celui qui perd sa citoyenneté finlandaise perd également son
titre de résident d'Åland. La personne qui quitte la province peut
perdre son titre de résident d'après les dispositions qui sont fixées
par loi provinciale.
|
En réalité, la seule véritable loi à caractère linguistique du
gouvernement ålandais est la Loi de la province d'Åland modifiant la Loi de
la province sur le droit d'exercer des activités de commerce; elle fut
promulguée à Mariehamn (capitale d'Åland) le 5 juillet 1979. Selon l'article
23a de la loi, tout commerçant doit s'assurer que la marchandise qu'il
met en vente est accompagnée d'indications claires sur l'utilisation et la
fonction de la marchandise, et ces indications doivent être données en
suédois.
Cependant, le gouvernement d’Åland peut
exceptionnellement assouplir les restrictions sur la loi régionale relative
à l’acquisition de propriétés ou le droit d’exercer une activité à caractère
économique. Tout citoyen ålandais qui séjourne plus que cinq ans hors
d’Åland perd sa citoyenneté ålandaise.
La protection exceptionnelle dont jouit la langue suédoise dans cet archipel
constitue un cas peu fréquent de souveraineté sans indépendance politique. La
langue majoritaire à l'échelle nationale ne pourrait s'implanter qu'avec
l'assentiment de la minorité ålandaise. Il en résulte une sécurité
linguistique analogue à celle que l'on retrouverait normalement dans un État
souverain, et ce, sans qu'il ne soit nécessaire d'établir une législation de
type protectionniste ou coercitif.
Dans les faits, la protection dont bénéficient les Ålandais est telle
qu'elle interdit en principe l'usage de la langue majoritaire finnoise. Cette protection est
renforcée par le caractère insulaire de l'archipel, ce qui consacre
l'imperméabilité des frontières linguistiques. En ce sens, les Ålandais
constituent sans aucun doute la minorité la mieux protégée du monde.
C’est pour cette raison que le modèle que nous venons de décrire peut
être une source d'inspiration pour la résolution de conflits, tant au plan
national qu’international, et pour trouver des solutions à des problèmes
d'autonomie régionale ou de certaines minorités. Au cours de ces dernières
années, et surtout à la suite de la fin de la guerre froide et de
l'effondrement de l'Union soviétique, les îles Åland ont fait l'objet d'un
intérêt toujours plus grand de la part des responsables politiques,
journalistes, fonctionnaires et scientifiques, qui ont étudié le statut
d'autonomie de la province d’Åland. De nombreux observateurs considèrent les
îles Åland comme un modèle exemplaire de relations entre un État souverain
et une minorité. Citons ici l’ex-secrétaire général adjoint de l'ONU à
Genève, M. Vladimir Petrovsky, qui, lors d'une visite qu'il effectuait aux
îles d’Åland en 1995, déclarait:
L'ONU s'intéresse beaucoup au cas des îles d’Åland. Pour
l'organisation mondiale, qui est engagée aujourd'hui dans des actions de
diplomatie préventive dans près de 80 foyers de crise, tout exemple de
réussite revêt une grande valeur. |
À cet égard, la liste des régions du monde et des minorités qui suscitent
l’intérêt de ces acteurs pour Åland est longue: pensons à Israël et la
Palestine, le Haut-Karabagh en Azerbaïdjan, la Géorgie dans le
Caucase, le
Kosovo et ses Serbes, la province d’Aceh en Indonésie, le Cachemire frontalier
de l’Inde et du Pakistan, l'île de Zanzibar en Tanzanie, sans oublier de façon
différente la Catalogne en Espagne et le Québec au Canada, etc. Certains de ces
pays ou entités au sein d’un pays ont examiné le modèle ålandais dans un esprit
de prévention d’une possible crise, tandis que d’autres sont engagés dans une
démarche visant à trouver une solution à un conflit qui s’est déjà déclaré à ce
jour.
Parmi tous les États non souverains du monde, la province d’Åland
constitue l’un des rares cas où l’autorité locale reste le seul maître de
ses politiques linguistiques et peut se défendre de la langue concurrente: le
finnois. Cette condition n'est rendue réalisable que dans le cadre d'une
réelle autonomie politique assortie de frontières linguistiques étanches et
accentuée par l'insularité. L’Histoire a fait le reste!
Dernière mise à jour:
19 déc. 2023
Bibliographie
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EYTHÓRSSON, Grétar, Gestur HOVGAARD
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LECLERC, Jacques. Langue et société, Laval, Mondia Éditeur,
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Presses de l'Université Laval, CIRAL, 1994, 223 p.
PREMAT, Christophe. «Géopolitique des espaces
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Loi sur
l'autonomie d'Åland et
autres lois à portée linguistique
Finlande
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