des Serbes majoritaires
de lex-Yougoslavie,
les Croates sont devenus majoritaires dans leur nouveau pays, la
Croatie.
L’arrivée au pouvoir
de Franjo Tudjman (1922-1999) à la fin des années 1980 fut grandement avantagée
par son image de martyr de l’histoire et de la langue croates. Après
l'indépendance (1991), il apparut indispensable aux Croates de
mettre en valeur la singularité de la culture, des traditions, de la religion et
de la langue croates. L’une des premières décisions du président Tudjman en 1991
fut de «purifier» la langue pour créer une véritable langue croate distincte qui ne pourrait
plus être
confondue avec la langue serbe.Lorsque la république de Croatie faisait partie de la Yougoslavie,
les Croates et les Serbes formaient deux constituants au sein de la république
de Croatie. Dans la nouvelle république «libre» de Croatie, les Serbes
ne constituent
plus quune minorité parmi dautres. Lofficialisation de langue
croate fait en sorte que celle-ci est devenue la langue de la législature, de
la justice, de léducation et de ladministration publique.
Cependant, comme
nous le verrons dans une autre section (La
politique linguistique à légard des minorités nationales), de
nombreuses modalités sont prévues par la Constitution et la loi pour les minorités
nationales de la Croatie.
1.1 Les textes juridiques
Dans le préambule de la
Constitution de 1990, on pouvait lire que «la république de
la Croatie est par la présente reconnue comme l'État national du peuple croate
et comme l’État des membres des autres peuples et minorités qui en sont ses
citoyens». Le texte constitutionnel établissait une nette distinction entre deux
catégories de citoyens: les Croates et les «autres», ceux-ci étant les Serbes,
les Musulmans, les Slovènes, les Tchèques, les Slovaques, les Italiens, les
Hongrois, les Juifs, etc. Ainsi, l’État était d’abord celui de la seule nation
croate. Bien que l’égalité entre les citoyens soit en principe garantie, l’État appartenait d’abord au «peuple principal». C’est ce qu’on appelle une «démocratie
ethnique». Cependant, la version de 2010 de la Constitution a fait disparaître
la primauté du croate dans le
Préambule au profit
d'un
e Croatie
reconnue comme l'État national du peuple croate et comme le pays des
minorités nationales qui en sont les citoyens:
Préambule
[...]
La République de Croatie est par la présente reconnue comme l'État
national du peuple croate et comme le pays des minorités nationales qui
en sont les citoyens:
les Serbes, les Musulmans, les Slovènes, les Tchèques, les
Slovaques, les Italiens, les Hongrois, les Juifs et les autres, auxquels
sont garantis l'égalité avec les citoyens de nationalité croate, ainsi
que le respect de leurs droits ethniques, en conformité avec les normes
démocratiques des Nations unies et des autres pays du monde libre. |
Comme il fallait s'y attendre, le croate et l’alphabet latin sont
d'usage officiel en Croatie (art.
12 de la Constitution de 2010):
Article 12
1) En république de Croatie, la langue croate et l’alphabet latin sont
d'usage officiel.
2) Dans les collectivités locales, une autre langue et le cyrillique ou
quelque autre alphabet peuvent, avec la langue croate et l’alphabet latin,
être introduits à des fins officielles, selon les conditions prévues par la loi.
|
L'article 1er de la
Loi sur la langue croate (version de
2024) déclare que le croate est la langue officielle de la Croatie et l’une
des langues officielles de l’Union européenne:
Article 1er
Dispositions introductives
1)
La langue croate est la langue
officielle de la République de Croatie
et l’une des langues officielles
de l’Union européenne.
2) Dans son intégralité et son intégrité, la langue
croate est une composante fondamentale de l’identité et de la
culture croates, et la communication orale et écrite dans la vie
publique en Croatie s’effectue en elle. |
C'était la première fois en 2024 que le Parlement croate
légiférait sur sa langue nationale. Au moment de l'adoption de la Loi
sur la langue croate, le Parlement reconnaissait et inscrivait dans la
législation les faits suivants :
– que la langue croate est l’une des
valeurs nationales fondamentales et une composante importante de
l’identité nationale croate;
– que toutes les attaques et tentatives passées visant à supprimer
la langue croate étaient également des tentatives de
dénationalisation et de désintégration du peuple croate;
– que dans le processus de mondialisation il est important de
protéger les spécificités nationales;
– que la culture croate fait partie de la culture européenne et que
la protection, le soin et le développement de la langue croate sont
particulièrement importants pour la préservation du patrimoine
culturel croate et européen;
– que la promotion et la protection de la langue croate constituent
une obligation et un devoir de toutes les institutions de la vie
publique et sociale et de tous les citoyens de la République de
Croatie, la présente loi sur l’usage public de la langue croate est
promulguée.
Il y eut des opposants à cette loi, notamment par des
nostalgiques du serbo-croate, les
ex-communistes entre autres, qui estiment que le croate serait une
langue inférieure par rapport au serbe et surtout au russe.
Bref, cette loi prescrit l'usage officiel de la langue
croate, réglemente la création du Conseil pour la langue croate en tant
qu'organisme consultatif de coordination dont le travail est axé sur la
protection, la préservation et le développement de la langue croate,
ainsi que la création du Plan national de politique linguistique croate
dans le but de préserver le rôle social et la position juridique de la
langue croate.
1.2 Les variantes linguistiques
L'article 2 de la Loi
sur la langue croate reconnaît que le croate se divise en trois
variantes dialectales égales : le cxakavien, le kajkavien et le
sxtokavien, parmi lesquels le sxtokavien a été choisi comme base de la
langue standard:
Article 2
L'étendue et le caractère unique de la langue croate
1) La langue croate comprend la langue standard croate
(traditionnellement appelée à la fois langue littéraire
croate et langue croate) dans tous ses styles fonctionnels,
la langue de l'ensemble du patrimoine littéraire de la
langue croate - dans les écritures glagolitique, cyrillique
croate (Bosančica) et latine (Gajica).
2) Une caractéristique distinctive de la langue
croate est sa division en trois variantes dialectales égales
: le
cxakavien, le kajkavien et le sxtokavien, parmi lesquels le
sxtokavien a été choisi comme base de la langue standard.
3) Outre les
variantes énumérées au paragraphe 2 du présent article,
synthétisés par la formule cxa-kaj-sxto, la langue croate
comprend également leurs variantes et les idiomes utilisés
par certains Croates à l'étranger, tels que les variantes de
Bunjevci et de Boka, le croate de Molise, le croate du
Burgenland ou le croate de Karašev. |
Les variantes dialectales jouent un rôle important
dans la préservation du patrimoine culturel et de l’identité
croates. Elles enrichissent non seulement la langue, mais donnent
également un aperçu de l’histoire et des coutumes de certaines
régions. Par exemple, le dialecte cxakavien, qui est parlé en Istrie
et en Dalmatie, contient de nombreux mots archaïques qui ont disparu
de la langue standard. La préservation de ces variantes est
encouragée par des programmes scolaires et des événements culturels.
1.3 La politique de
croatisation
Au lendemain de l'indépendance en juin 1991, un fort mouvement
de nationalisme linguistique s'est développé en faveur de la langue croate qui
n'était connue que dans le vocable serbo-croate (en croate:
srpskohrvatski jezik;
en serbe:
Српскохрватски језик).
Pour une majorité de Croates, ce terme était perçu comme une politique d'unitarisation
(unitarizacija)
et de serbisation (srbizacija)
de la part de l'ex-Yougoslavie dominée par les Serbes, une langue artificielle
créée et construite par le Parti communiste yougoslave. Cela signifiait que la
langue croate était imprégnée de mots serbes, illustrant la dominance de la
langue serbe.
Le premier président de la République de Croatie
indépendance fut Franjo Tudjman (1990-1999). C'était un nationaliste
croate qui voulait redonner sa légitimité au croate.
 |
Le livre le plus célèbre de cette époque fut celui du président Franjo
Tudjman, publié en 1990: Bespuća povijesne
zbiljnosti. Rasprava o povjesti i filozofji zlosilja («Les
labyrinthes de la réalité historique. Essai sur l'histoire et la philosophie de
la violence»). Le titre même du volume contenait en croate deux mots rares:
zbiljnosti («réalité») et
zlosilja «violence».
Certains journaux
dépeignirent Franjo Tudjman comme le «Moïse croate», arrachant son peuple à
l’adoration trompeuse du «veau d’or», celui du titisme autrefois adulé.
Le célèbre écrivain croate Slobodan Novak décrivait ainsi la «pureté» retrouvée de la Croatie
(cité par Dubravka Ugrešic, The Culture of Lies, Londres, Phoenix
House, 1998, p. 64-65):
La Croatie est en
train de
se laver des
souillures de l’unitarisme yougoslave et grand serbe
qui se sont
répandues à sa surface pendant un siècle. La Croatie ne fait que
revenir à sa forme originelle et retrouver sa nature profonde.
Si aujourd’hui la Croatie en est réduite à opérer des incisions
douloureuses dans sa langue, son histoire, ses savoirs et même
les noms de ses villes et de ses rues, cela montre seulement le
niveau de contamination et à quel point toutes les facettes de
sa vie et de sa connaissance ont été polluées. |
|
- L'épuration de la langue
 |
Il faudrait parler de politique
d'épuration de langue, car l'État croate, sous la
pression du président Franjo Tudjman, a adopté une politique
qui avait pour but d'inciter le public à remplacer les
mots «serbes» par des mots «purement croates». Ces
derniers étaient soit des mots courants dans l'usage, soit des mots
anciens mais oubliés, soit des néologismes fabriqués de
toutes pièces.
Pour les partisans du croate purifié, il s'agissait d'une
façon incontournable de restaurer la particularité et le prestige de la nation
croate, en consacrant la séparation définitive entre les Serbes et les Croates
et en permettant à la Croatie d'occuper la place qui lui revenait en Europe.
C'est pourquoi toute ressemblance entre le serbe et le croate ne pouvait être
que la preuve d’une duplicité et d’une domination serbe.
|
L’État croate prépara une réforme en profondeur du vocabulaire croate. Dans le
but de remplacer d'anciens mots internationaux en cours en ex-Yougoslavie,
comme avion ou helicopter,
les médias officiels — qui appartiennent tous au gouvernement — utilisent
aujourd'hui des synonymes, construits sur de vieilles racines croates. En fait,
ces racines sont empruntées par les Croates aux langues slaves de l'Ouest,
comme le tchèque ou le polonais. Les Serbes de l'ex-Yougoslavie, pour leur part,
avaient
pris l’habitude de puiser plutôt dans les racines russes. Par exemple, le
terme avion, courant en ex-Yougoslavie, est ainsi devenu zrakoplov en
Croatie, littéralement «les voiles de l'air», et helicopter est
remplacé par zrakomlat, littéralement «le batteur de l'air». Mais la
plupart des Croates continuent d’utiliser le mot avion même si les
médias emploient zrakoplov. Des mots comme zrakoplov
existaient depuis longtemps, mais pour des raisons politiques on aurait caché
ces mots parce qu'ils montraient la différence entre le serbe (avion) et
le croate (zrakoplov). Aujourd'hui, toujours pour des raisons politiques
ou idéologiques, le discours officiel est de mettre l'accent plutôt sur cette
différence.
Certains historiens sont même allés très loin dans la paranoïa
linguistique. Dans Croatia : Myth and Reality, un Américain
pro-croate, C. Michael MacAdams, a
fait l’inventaire de milliers de mots apparemment différents entre le croate et
le serbe. Il apporte des exemples pour démontrer que les langues sont
différentes. Ainsi, le mot odojce désigne un «enfant nourri au sein»
en serbe, mais un «porc» en croate. Le mot voz désignerait un «wagon
de train» en serbe, mais un «chariot à foin» en croate. Citons aussi cet
exemple avec le mot deva désignant la «Vierge Marie» en serbe et un
«chameau» en croate. En se fondant sur de nombreuses différences similaires,
l’auteur affirme que le serbe et le croate sont même plus éloignés «que le
norvégien et le danois» ou «que le flamand et le hollandais». Le problème,
c'est que le norvégien et le danois ne sont pas très différents l'un et
l'autre, ni le flamand et le néerlandais.
- La croatisation
intensive
La croatisation préconisée a pénétré dans les documents
officiels et chez certains auteurs. Durant plusieurs années, les journaux
ont publié des rubriques linguistiques dans lesquelles les formes croates
étaient préconisées. Dans les journaux contrôlés par le gouvernement, il y avait
des colonnes de mots «non croates» et des colonnes «croates», ces derniers étant
préconisés, les autres honnis. Des députés zélés pensèrent même à présenter un
projet de loi prévoyait la création d’un Office de la langue croate (Ured za
hrvatski jezik),
dont les fonctions principales auraient été d'imposer des amendes et des peines
d’emprisonnement aux individus coupables de parler un «croate incorrect».
Toutefois, la croatisation intensive
officielle ne connut que peu de succès auprès du grand public et
provoqua, bien souvent, un grand fou rire. Pour beaucoup de gens, les nouveaux
mots sont parfois devenus un sujet de blague courant. Ainsi, on raconte qu’un vélo
pourrait bientôt s'appeler «la chose qu'on pousse entre ses jambes».
Il est vrai que beaucoup de linguistiques et d'historiens croates ont un peu
simplifié les faits et ont fait preuve d'un zèle manifeste en voulant à tout
prix éradiquer les «serbismes» et les «impuretés» introduits dans la langue
croate dans le but de la «déserbiser». Comme
l'écrivit en 1997 le grand linguiste croate Radoslav Katičić
:
Lorsqu'on exige
inconsidérément l'élimination de mots qui sont d'usage courant et
l'introduction massive de mots nouveaux et inconnus, visiblement
fabriqués à la hâte, on rend vraiment un bien mauvais service à la langue
croate dansa le monde. On lui enlève sa dignité. |
Les linguistes croates du gouvernement
travaillèrent à démontrer que le croate et le serbe
constituaient «deux langues distinctes». Dès
1992, le lexicographe Vladimir Bronjak publiait un dictionnaire de distinction
des langues croate et serbe. Pour chaque mot «serbe», il donne l'origine (par
exemple, anglaise, française ou bosniaque), une définition et l'éventuelle
version en «croate pur». Pour plusieurs linguistes croates, cette entreprise
de croatisation est considérée comme normale.
Évidemment, il ne fut plus question dans tout le pays de parler de la
langue serbo-croate, comme on l’appelait à l’époque dans l’ex-Yougoslavie.
Selon certains linguistes croates, le terme serbo-croate n’existait que grâce
à la centralisation de l'État fédéral. Concentrés à Belgrade, les médias
diffusaient des mots d'origine serbe comme saobracaj pour «circulation»
(ou «trafic»); le mot croate promet existait bien, mais plus rare et
plus recherché. Autrefois, tout le monde utilisait saobracaj, sans y
penser, sans savoir que c'était un mot serbe, simplement parce que c'était un
mot de la télé ou de la radio. Cette politique de croatisation portait sur la
langue elle-même, pas nécessairement contre les Serbes, les Bosniaques ou les
Italiens de l'Istrie, sinon elle s'attaquait aux croatophones eux-mêmes. Ansi,
la croatisation voulait épurer la langue croate, pas assimiler les minorités
nationales.
- Un équilibre à
trouver
Après une croatisation intensive, le
gouvernement post-Tudjman semble s'acheminer vers une sorte d'équilibre. Les mots
d'origine croate continuent d'avoir la préférence officielle, mais beaucoup de
mots dits «serbes» ont été réhabilités et le vocabulaire
courant n'est plus bouleversé par des prescriptions tatillonnes. Toutefois, seul
l'alphabet latin est autorisé, car l'alphabet cyrillique est interdit, même dans
l'enseignement. Certains croient que le refus d'enseigner
l'alphabet cyrillique constitue un handicap, puisque la connaissance de cet
alphabet, qui ne requiert que quelques heures, rendra inaccessible les anciens
textes serbes (ou serbo-croates).
Mais le plus important, c'est que la persistance des variations régionales
entre des mots ne suffit pas à créer des langues différentes. Les
différences entre le serbe, le croate, le monténégrin et le bosniaque
relèvent davantage de variations régionales et dialectales que des structures
linguistiques. N'oublions pas qu'il existe de multiples exemples du genre
entre le français de France et le français du Canada, ou entre l'anglais
britannique et l'anglais américain, ou encore entre le portugais brésilien
et celui du Portugal.
Dans le futur, la politique en fera des «langues» différentes
grâce au
nom de la langue: croate, serbe, bosniaque, monténégrin. D'ailleurs, en 1999, les membres de la Fondation du patrimoine croate
déclaraient que «tout comme l’Espagne démocratique reconnut, après la chute
du fascisme, que le galicien était une langue différente de l’espagnol et du
portugais, de même le croate et le serbe peuvent être considérés comme deux
langues différentes en raison de leurs développements historiques culturels
séparés et de leurs différences fonctionnelles». Néanmoins, après plusieurs
décennies, les différences vont se faire sentir de plus en plus.
2 La langue de la législation
Le Parlement croate (en croate : Hrvatski sabor)
ou le Sabor est le pouvoir législatif monocaméral de la Croatie. En
vertu de la Constitution croate, le Sabor est composé de 151 membres
élus pour un mandat de quatre ans au suffrage universel direct et égal
au scrutin secret. Le mot croate «Sabor» est utilisé uniquement pour
désigner le Parlement croate; pour les parlements des autres pays, les
Croates emploient les termes parlament (parlement) ou
skupština (assemblée).
Les minorités nationales disposent de huit sièges
réservés au Parlement, y compris les groupes «non déclarés»,
«inconnus» ou autres que ceux reconnus par la Constitution. Le
Parlement croate publie toutes ses décisions dans le Narodne
Novine, le journal officiel de la République de Croatie publié
uniquement en croate et en alphabet latin. Toutes les lois sont
discutées en croate et ensuite rédigées en croate. Le Règlement
intérieur du Parlement ne traite pas de la langue employée.
Mais les articles 8 et 10 de la Loi sur la langue
croate semblent suffire pour reconnaître le croate en tant que
langue officielle:
Article 8
Emploi officiel de la langue croate
1) La langue officielle en Croatie est la langue
croate standard et l'écriture latine (gajica).
2) La communication écrite et orale entre les
autorités de l'État, les organismes de l'administration
de l'État, les collectivités locales et régionales
autonomes et les personnes morales dotées de l'autorité
publique, c'est-à-dire tous les organismes de droit
public en Croatie, doit être effectuée dans la langue
croate standard.
Article 10
«Lecteurs»
et services de relecture
1) Les organismes visés à l'article 8, paragraphe 2
de la présente loi sont tenus d'assurer la rédaction
linguistique des actes normatifs, des actes de
planification stratégique, des publications officielles
et de leurs annexes, ainsi que des rapports et autres
documents relevant de leur compétence dans la langue
croate standard. |
Le Parlement croate a adopté, le 26 janvier 2024, la Loi sur la langue
croate (Zakon o hrvatskom jeziku) qui, pour la première fois
dans l'histoire croate, réglementait l'usage officiel et public de
la langue croate et en garantissait l'entretien systématique et
professionnel. Lors du vote, 95 voix ont voté pour, 17 voix contre
et 10 députés présents se sont abstenus, alors que 122 des 151
députés présents étaient présents. Bien que ce soit apparemment un excellent
résultat, le fait que seulement 95 des 151 députés possibles, soit
62%, aient voté pour son adoption demeure un résultat un peu inquiétant; on se
serait attendu à un score écrasant de 95 % au moins, et ce, d'autant
plus que 91 % des Croates sont des croatophones. En fait, il y a
encore de nombreux Croates serbophones et autres qui sont des nostalgiques de lex-Yougoslavie
et du serbo-croate et pas seulement
chez les Serbes. La
Loi sur l'élection des représentants au Parlement croate (2003-2010)
ne fait aucune allusion à la langue croate, car elle est consacrée
plutôt sur les droits des minorités nationales à être représentées.
3 Les langues des tribunaux
Le système judiciaire croate comprend la Cour suprême, les tribunaux
d'instance, les tribunaux de grande instance, les tribunaux correctionnels,
les tribunaux de commerce, les tribunaux administratifs, la Haute Cour
pénale, la Haute Cour correctionnelle, la Haute Cour de commerce et la Haute
Cour administrative. Dans le cadre de cet article, il semble inutile de
faire autant de distinction portant sur la ou les langues employées.
3.1 La procédure civile
En ce qui concerne les tribunaux, la Loi sur la procédure civile
(2023) prescrit que «la
procédure civile doit se dérouler en croate et avec l'alphabet
latin, à moins que pour certains tribunaux la loi ne
prévoie l'usage d'une autre langue ou d'un autre
alphabet» (art. 6). Cette prescription vaut pour les
assignations, les décisions et les communications de la cour (art. 103), les
parties et autres participants à la procédure (art. 104), sinon il faut
recourir à un interprète (art. 245):
Article 6
La procédure civile doit
se dérouler en croate et
avec l'alphabet latin,
à moins que pour certains tribunaux la loi ne prévoie l'usage d'une
autre langue ou d'un autre alphabet.
Article 103
Les assignations,
les décisions et les communications de
la cour sont envoyés aux parties et aux
participants à la procédure en croate et avec l'alphabet
latin.
Article 104
Les parties et autres participants à la
procédure présentent leurs
plaintes, appels et autres soumissions à la cour
en croate et l'alphabet latin.
Article 245
1) Un témoin qui ne parle pas la langue dans laquelle
se déroule la procédure doit être entendu au moyen
d'un interprète.
2)
Si le témoin est malentendant, les questions doivent
être formulées par écrit. S'il est muet, il est invité à répondre par écrit. S'il n'est pas
possible de mener l'audience de cette manière, une personne
doit être convoquée pour agir comme interprète en
mesure de communiquer avec le témoin.
3)
La cour avertit l'interprète de l'obligation de
traduire fidèlement la question posée au
témoin et les déclarations données par celui-ci.
|
Tout ce qui concerne les tribunaux étrangers, la loi exige
une traduction autorisée en croate (art. 184). Des mesures particulières
sont prévues pour les minorités nationales (art. 102).
3.2 La procédure pénale
Quant à la
Loi sur la procédure pénale (2008-2013),
l'article 7 prévoit que «la langue croate et l'alphabet latin doivent être
utilisés dans la procédure pénale, sauf si la loi a prévu une autre
langue ou un autre alphabet pour certaines zones sur le territoire relevant
de la compétence des tribunaux»:
Article 8
1)
La
langue croate et l'alphabet latin doivent être
utilisés dans la procédure pénale,
sauf si la loi a prévu une autre langue ou un
autre alphabet pour certaines zones sur le
territoire relevant de la compétence des tribunaux.
2) Les parties, les
témoins et les autres participants à la procédure
ont le droit d'utiliser leur propre langue. Si la
procédure ne se déroule pas dans leur langue,
l'interprétation des déclarations et la traduction
des documents et de toute autre preuve écrite
doivent être prévues. L'interprétation et la
traduction doivent être effectuées par un
interprète.
3) La personne visée
en vertu du paragraphe 2 du présent article a le
droit à la traduction de la procédure avant le
premier interrogatoire; elle peut renoncer à ce
droit si elle connaît la langue de la procédure.
L'information et la réponse doivent être
enregistrées par le tribunal.
4)
Les décisions et les lettres (convocations et autres
documents écrits) sont envoyées par l'organisme
chargé de la procédure
en langue croate et en caractères latins.
Les réclamations, les appels et d'autres
observations doivent être présentés au tribunal en
langue croate et en caractères latins. Si une autre
langue ou une autre écriture a été introduite dans
l’usage officiel par la loi dans une zone judiciaire
particulière, les observations peuvent également
être soumises au tribunal dans cette langue ou cette
écriture.
Une fois l'audience commencée, le requérant ne peut,
sans l'autorisation du tribunal, revenir sur sa
décision relative à la langue à employer lors de la
procédure.
5)
La personne arrêtée, le prévenu en détention
provisoire ou dans un centre de détention
provisoire, ainsi que la personne purgeant une peine
doivent recevoir une traduction des décisions, des
lettres et des convocations dans la langue employée
lors de la procédure. |
Dans le cas où une partie ou un témoin ne comprend pas la langue de la
procédure, il faut recourir à un interprète (8.2 et 8.3).
3.3 Les interprètes judiciaires
Dans le cas d'une procédure judiciaire où un justiciable ou un témoin ne
peut employer la langue de la cour, des interprètes sont nécessaires. La
Loi
sur les tribunaux (2013-2024) régit ainsi la fonction d'interprète
judiciaire qui doit posséder un niveau élevé de compétence dans une langue
étrangère appropriée:
Article 123
Les
interprètes judiciaires permanents
traduisent, à la
demande d'un tribunal, d'un organisme public, d'une personne
morale ou d'un citoyen, un texte parlé ou écrit du croate vers
une langue étrangère, d'une langue étrangère vers le croate ou
d'une langue étrangère vers une autre langue étrangère.
Article 124
1) Une personne qui répond aux exigences suivantes peut être
nommée interprète judiciaire permanent :
1. est citoyen de la République de Croatie, citoyen d'un
État membre de l'Union européenne ou citoyen d'un État
partie à l'accord sur l'Espace économique européen;
2. a terminé des études universitaires de premier et de
deuxième cycles ou des études universitaires intégrées de
premier et de deuxième cycles ou des études professionnelles
supérieures spécialisées, ou a terminé études universitaires
de premier cycle ou études professionnelles de premier
cycle;
3. possède
un niveau élevé
de compétence dans une langue étrangère appropriée,
c'est-à-dire qu'il a suivi un cours de langue étrangère, a
suivi un cours dans une langue étrangère ou possède
un certificat de
compétence dans une langue étrangère au niveau C-2
selon le Cadre européen
commun de référence pour les langues, ou un autre niveau
le plus élevé pour lequel il existe un examen reconnu, et
maîtrise la langue croate (2024);
|
De cette manière, l'État croate a su concilier les intérêts des
croatophones et des allophones (les minorités nationales) vivant dans la
république de Croatie.
4
L'administration croate
La langue officielle de l'administration publique est le croate,
conformément à l'article 12 de la
Constitution (2010)
qui déclare qu'en
république de Croatie, la langue croate et l’alphabet latin sont
d'usage officiel». Cependant, le même article énonce aussi que «dans les collectivités locales, une autre langue et le cyrillique ou
quelque autre alphabet peuvent, avec la langue croate et l’alphabet latin,
être introduits à des fins officielles».
4.1 L'officialisation du croate
L'article
8 de la
Loi sur la langue croate
(2024) énonce le caractère officiel de la langue croate :
Article 8
Emploi
officiel de la langue croate
1) La langue officielle en Croatie est
la langue croate
standard et l'écriture latine (gajica).
2) La communication écrite et orale entre les autorités
de l'État, les organismes de l'administration de l'État, les
collectivités locales et régionales autonomes et les personnes
morales dotées de l'autorité publique, c'est-à-dire tous les
organismes de droit public en Croatie, doit être effectuée dans
la langue croate standard.
3) Par dérogation au paragraphe 2 du présent article, des
idiomes locaux peuvent être employés dans des situations
spécifiques.
4) Les actes normatifs, les documents administratifs et
autres documents officiels ne peuvent être adoptés
dans d'autres langues
que s'ils ont une version juridiquement valable dans la langue
croate standard.
|
L'article 11 étend l'officialité du croate dans tout l'usage
public :
Article 11
Usage public de la langue croate
1) L'usage public de la
langue standard croate correspond à
toute communication
linguistique orale ou écrite dans un espace destiné au public
ou
à un large public, y compris la communication par voie
électronique.
2) Outre l'usage de la langue croate standard dans des
occasions non officielles, l'usage public d'idiomes dialectaux
de la langue croate est également possible afin d'encourager et
de respecter les particularités régionales.
3) La langue standard croate est un moyen d’informer le
public et les consommateurs sur les produits et services
présents sur le marché en Croatie.
4) Les avis publics et les messages publicitaires sous
forme orale, écrite (imprimée ou manuscrite) ou électronique
sont publiés en langue croate.
5) Les
avis publics et les messages promotionnels
multilingues, y compris le contenu des panneaux de signalisation
routière et touristique, doivent être conçus d'abord en langue
croate, puis dans d'autres langues, y compris les noms locaux.
6) Dans le contenu médiatique, outre l'usage de la langue
croate standard, des idiomes dialectaux croates peuvent
également être employés, notamment lorsqu'il existe des raisons
artistiques pour cela et dans le doublage de films en langue
étrangère et de pièces de théâtre pour tous les groupes d'âge.
|
L'article 15 de la Loi sur la langue croate
prévoit des dispositions spéciales concernant les toponymes, les événements
culturels ou sportifs, les communications internationales, les publications
multilingues, etc.:
Article 15
Dispositions spéciales sur l'usage
officiel et public de la langue croate
1) Les toponymes
croates (noms de lieux et de lieux géographiques) font partie du
patrimoine linguistique croate et sont protégés dans leur
apparence à tous les niveaux d'utilisation officielle et
publique.
2) Dans l'usage public, les noms des
événements culturels, sportifs, des
divertissement et des ordres professionnels, des conférences
scientifiques, des spectacles et des installations doivent être
mis en évidence en langue croate, et dans le cas d'une
traduction dans une langue étrangère, la version croate doit
être mise en évidence en premier.
3) Dans les communications
officielles internationales, la version en langue étrangère peut
être employée en premier lieu.
4) Un
texte en langue étrangère publié dans une
publication cofinancée par le budget de l'État de la République
de Croatie doit également comporter un résumé en langue croate
standard.
5) Dans les
publications multilingues
cofinancées par le
budget de l'État de la République de Croatie, le texte en langue
croate standard est mis en avant en premier lieu.
6) Les manuels de langue croate et le contenu textuel du
patrimoine linguistique croate financés par le budget de l'État
de la République de Croatie sont publiés sur des sites Web sous
forme électronique gratuite qui garantit leur utilisation
gratuite.
|
4.2 L'emploi du croate
L'article 14 de la
Loi sur la
procédure administrative générale de 2009 reprend
les mêmes dispositions, ce qui signifie que toute procédure administrative doit
être «en croate et avec l'alphabet latin», mais que celle-ci
«peut se dérouler dans une autre langue ou un autre alphabet d'usage officiel
dans les organismes gouvernementaux»:
Article 14
Usage officiel de la langue et de l'alphabet
1) Toute procédure
administrative doit être formulée en croate et avec l'alphabet latin.2)
La procédure peut se dérouler dans une autre langue ou un autre alphabet
d'usage officiel dans les organismes gouvernementaux, là où les travaux
sont menés en conformité avec les conditions fixées par les règlements
adoptés en vertu de l'usage officiel de la langue et l'écriture. |
- La citoyenneté croate
La
Loi sur la citoyenneté croate (1991-2019) prévoit que pour
acquérir la citoyenneté croate, il faut, entre autres, connaître
la langue croate et l'alphabet latin:
Article 8
Un étranger qui a déposé une demande d’admission à la
nationalité croate peut acquérir la nationalité croate par
naturalisation s’il remplit les conditions préalables
suivantes :
1. qu'il
a atteint l'âge de 18 ans ;
2. qu'il soit libéré de la nationalité étrangère ou
qu'il fournisse la preuve qu’il recevra une libération
s’il est admis à la nationalité croate ;
3. qu'il a résidé de manière continue sur le territoire
de la République de Croatie pendant au moins cinq ans
avant la présentation de la demande ;
4.
qu'il connaît la langue croate et l’alphabet latin
;
5. qu'il respecte l'ordre juridique de la République de
Croatie, qu'il a payé les cotisations publiques dues et
qu'il n'existe aucun obstacle de sécurité à son
admission à la citoyenneté croate.
|
- Les cartes d'identité
L'article 8 de la
Loi sur les cartes d'identité (2002-2013) prescrit l'emploi de l'anglais
et du croate avec l'alphabet latin sur les cartes d'identité; même la
demande d'émission pour cette carte doit être rédigée en croate:
 |
Article 8
1)
Les cartes d'identité doivent être imprimées en anglais
et en croate avec l'alphabet latin, et rédigées uniquement en
croate et en alphabet latin.
Article 9
1)
Toute demande d'émission des cartes d'identité doit être
présentée selon le formulaire prescrit auprès des autorités.
2)
Toute demande d'émission des cartes
d'identité doit être rédigée en croate et en alphabet
latin. |
|
Sur le côté supérieur de la carte d'identité, la
dénomination «République de Croatie» doit apparaître comme suit:
REPUBLIKA HRVATSKA /
REPUBLIC OF CROATIA, avec en-dessous les indications
suivantes:
OSOBNA ISKAZNICA / IDENTITY CARD. Par
ailleurs, une carte d'identité
peut être rédigée en croate et en alphabet latin ainsi que dans
les langues et alphabets des minorités nationales, ce qui
signifie que ladite carte sera en trois langues: en anglais, en croate
et dans la langue d'une minorité donnée.
Il existe
une loi appelée Loi
sur le prénom (1992-2017) qui régit l'emploi des prénoms:
Article 2
1) Le nom de personne est composé d'un nom et d'un prénom.
2) Le nom et le prénom peuvent être constitués de plusieurs mots. La personne
dont le nom ou le prénom ou le nom complet se compose de plus d'un
mot, est tenue d'utiliser le même nom personnel dans les
transactions juridiques.
3) Le nom et le prénom de cette personne dans les transactions juridiques
peuvent comprendre pour elle-même plus de deux mots. |
Cependant, la loi ne porte pas sur les noms en croate ou
en d'autres langues, mais elle prescrit une procédure particulière dans le choix des prénoms des
citoyens croates. Normalement, un enfant porte le patronyme (nom de famille)
d’un ou des deux parents qui choisissent le nom complet (prénom et patronyme)
«par mutuel agrément», conformément aux dispositions de la loi. Cette même loi
autorise aussi les citoyens croates à changer de prénom, mais la demande doit
être justifiée.
4.3 Le Conseil de la
langue croate
Le gouvernement croate s’est engagé
à créer le Conseil de la langue croate (en croate: Vijeće za hrvatski
jezik) en tant qu’organisme consultatif dont le travail est axé sur la
protection, la préservation et le développement de la langue croate dans les
six mois suivant la date d’entrée en vigueur de la loi sur la langue croate
(art. 17 de la
Loi sur la langue
croate). Conformément à la loi, le champ d'action du Conseil, en
tant qu'organisme consultatif auprès du gouvernement de la République de
Croatie, comprend les éléments qui suivent:
Article 18
Champ d'action du Conseil
Le champ d’action du Conseil, en
tant qu’organisme consultatif auprès du gouvernement, comprend
les activités suivantes:
a) la protection de la
langue croate;
b) la promotion de la culture de la langue croate dans
l'usage officiel et public;
c) les questions de protection de la richesse de la langue
croate, de la diversité des idiomes dialectaux et de leur
usage fonctionnel spécifique;
d) les propositions de mesures visant à protéger, à garantir
la liberté d'usage et à encourager le développement de la
langue croate;
e) la participation à l'élaboration du Plan national visé à
l'article 16 de la présente loi;
f) le suivi de l’application de la présente loi.
|
La loi prévoit certains domaines d'activité, comme le rôle
de la langue croate à l'étranger, ainsi que le développement de la
terminologie dans la langue croate, parce que le croate est
régulièrement éclipsé, entre autres, par divers types d'anglicismes.
4.4 Les sociétés commerciales
Au lendemain de l’indépendance, les Croates ont politisé le problème de
la langue en affirmant le caractère prépondérant du croate et en
pratiquant une politique très nationaliste à l’égard de leur langue
nationale. Constatant que des milliers de sociétés, tant nationales
qu’étrangères, portaient des noms «étrangers», c’est-à-dire non croates,
le gouvernement de la Croatie a procédé par la voie législative pour
corriger la situation. Ainsi, juste dans la capitale (Zagreb), plus de
21 000 sociétés portaient des raisons sociales américaines, italiennes,
françaises ou serbes.La politique linguistique porte donc sur les entreprises privées,
notamment sur les raisons sociales. Selon la
Loi
sur les sociétés commerciales (1993-2024), il est obligatoire
que la raison sociale d'une entreprise ou d'une société soit en croate
et en lettres latines, sauf s'il n'y a pas d'équivalent en croate; la
raison sociale dans une autre langue n'est légale qu'avec l'appellation
en croate:
Article 20
1) L'indication de la raison sociale d'une société
doit être
en langue croate et en caractères latins
ou dans la
langue officielle d'un État membre de l'Union européenne et
en caractères latins; des chiffres arabes peuvent également
être employés. Les autres éléments de l’entreprise doivent
être en
langue croate et en écriture latine.
2) Le nom d'une société peut contenir des mots
étrangers individuels provenant d'autres langues s'ils
constituent le nom, ou la raison sociale d'un membre de la
société, ou la marque de commerce ou de service d'un membre
protégée en République de Croatie, ou sa société enregistrée
en République de Croatie,
ou s'ils sont
courants dans la langue croate, ou s'il n'y a pas de mot
correspondant pour eux dans la langue croate, ou s'il s'agit
de mots dans une langue morte.
3) Une société peut être inscrite au registre et
traduite en une ou plusieurs langues.
Article 21
1) Toute société est tenue d'employer la raison sociale
et la dénomination sociale abrégée sous la forme et le
contenu sous lesquels elle est inscrite au registre.
2) Si, en plus de la raison sociale ou de la
dénomination sociale abrégée, une raison sociale ou une
dénomination sociale abrégée
traduite dans
une langue et une écriture étrangères est inscrite au
registre,
la raison sociale ou la dénomination sociale abrégée dans
une langue et une écriture étrangères ne peut être utilisée
par la société qu'avec la raison sociale
en langue croate
et en écriture latine. |
L'article 4 du
Règlement
sur l'étiquetage, la publicité et la présentation des aliments
(2011) impose le croate sur les produits alimentaires:
Article 4
1) Les denrées alimentaires mises
sur le marché de la République de Croatie doivent être
marquées avec les informations et de la manière prescrites
par la présente ordonnance et d'autres réglementations
spéciales relatives à ces denrées alimentaires.
2) Les données visées au paragraphe 1 du présent
article doivent être :
– rédigées en langue croate et en alphabet latin ;
– facilement compréhensibles et perceptibles, facilement
visibles, clairement lisibles et indélébiles, elles ne
doivent pas être masquées ou interrompues de quelque manière
que ce soit par d’autres textes ou images.
3) L’étiquetage multilingue des aliments est
autorisé. |
Malgré ce règlement cela n'a pas
empêché les raisons sociales étrangères telles que Blue System, Style Unlimited,
Café
français et autres, de fleurir près de la gare de Zagreb et dans tout le pays. Les commerçants
de Zagreb admettent que la loi n'est pas vraiment appliquée. Comme
beaucoup de ces noms «étrangers» restent difficiles à prononcer
pour les Croates, ceux-ci se sont tournés depuis longtemps vers
les langues de communication internationale, au premier chef l'anglais,
pour réussir leur percée dans le monde du commerce occidental.

La chasse aux américanismes sest
poursuivie dans les médias, notamment dans les stations de radio
et à la télé. En novembre 1997, le gouvernement croate
dénonçait la programmation très anglo-saxonne de plusieurs
stations de radio, dont Radio 101 (intrigant comme nom pour les
Québécois en raison de la Charte de la langue française appelée aussi «loi 101»), et de leurs nombreuses
émissions aux dénominations américaines. Pour beaucoup de journalistes,
ces interventions gouvernementales ne constitueraient que des prétextes
pour limiter la liberté dexpression dans le pays.
C'est d'ailleurs souvent ce qu'invoque les instances
judiciaires pour s'opposer à ce qu'une langue minoritaire tente de
s'imposer malgré la force d'attraction d'une langue majoritaire.
Il en est ainsi de l'article 6 de la
Loi sur la protection du
consommateur (2022) concernant
l'étiquetage des produits de consommation:
Article 6
Étiquetage des
produits
1) Les produits proposés aux consommateurs sur le
territoire de la République de Croatie doivent contenir les
éléments suivants sur leur emballage, leur étiquette, leur
label ou sur le produit lui-même:
1. les
caractéristiques de base du produit dans la mesure
nécessaire au consommateur pour prendre une décision
d'achat, telles que le nom du produit, le type et le
modèle du produit, le nom sous lequel le produit est
vendu, la composition du produit, les propriétés et les
caractéristiques techniques du produit;
2. le nom et le siège social du fabricant ou de
l'importateur établi dans l'Union européenne.
2) Les informations visées au paragraphe 1 du présent
article doivent être claires, visibles et lisibles et
rédigées en
langue croate et en écriture latine,
ce qui n'exclut pas la possibilité d'employer d'autres
langues en même temps, et ces informations peuvent inclure
des signes et des pictogrammes facilement compréhensibles
pour le consommateur.
3) Si elles sont rédigées
en plusieurs
langues,
les informations visées au paragraphe 1 du présent article
doivent être rédigées de la même manière.
4) Les dispositions du présent article ne
s'appliquent pas aux produits dont l'étiquetage est
réglementé par un règlement particulier. |
La Croatie a dû œuvrer pour imposer sa langue depuis
son indépendance en 1990. Elle n'a adopté sa loi sur la langue qu'en
2024. Par conséquent, les dispositions concernant les activités
commerciales auprès des citoyens semblent normales.
5
Les écoles
Le système scolaires comprend la maternelle, le primaire
et le secondaire en deux cycles. La dernière année de la maternelle ("predškole")
est obligatoire et se déroule dans les jardins d’enfants ou intégrée
dans les écoles primaires. Le primaire
(dès l'âge de sept ans) et le premier cycle du secondaire sont organisés
dans un système à structure unique et pris en charge par les écoles
primaires ("osnovna škola"). Le second cycle du secondaire commence à 15
ans et est d'une durée de trois à cinq ans. La voie
professionnelle est fortement privilégiée à cette étape. La Croatie
compte quelque 90 lycées généraux et plus de 300 écoles
professionnelles. Le taux de participation aux programmes de formation
professionnelle dans les études secondaires du second cycle est l'un des
plus élevés d’Europe.
Sont tenus d'utiliser la langue croate de manière
officielle et conformément à la loi les autorités de l'État, les organismes
de l'administration publique, les collectivités locales et régionales
autonomes et les personnes morales dotées de pouvoirs publics,
c'est-à-dire tous les organismes de droit public en Croatie.
5.1 La responsabilité de
l'État
En vertu de l'article 12 de la
Loi sur la langue
croate (2024), l'État assure que l'enseignement est offert à tous
les niveaux scolaires dans la langue croate standard et autorise la
communication dans les variantes locales du croate:
Article 12
Usage de la langue croate
dans l'éducation
1) L'enseignement
et les autres formes des activités pédagogiques dans les
établissements d'enseignement en Croatie sont offerts à
tous les niveaux dans la langue croate standard.
2) Dans les cas où la communication en variante
dialectale est plus compréhensible pour les élèves, le
personnel pédagogique et les élèves peuvent utiliser
certaines des autres formes de la langue croate dans une
partie de la communication, la matière de langue croate
étant entièrement enseignée dans la langue standard,
sauf lorsque cela est requis par le modèle linguistique
et méthodologique, le texte littéraire ou médiatique, et
dans les activités spontanées.
4) L'enseignement et d'autres formes d'activités
pédagogiques peuvent également être offerts dans une
langue étrangère, conformément à la réglementation
régissant l'éducation en Croatie. |
L'article 6 de la
Loi sur l'éducation et l'enseignement
au primaire et au secondaire (2008-2021) impose le croate
dans l'enseignement et els activités pédagogiques:
Article 6 Enseignement en langue croate
L'enseignement et les
autres activités pédagogiques doivent être donnés dans les écoles
en croate et avec
l'alphabet latin.
|
L'article 13 de la
Loi sur la langue
croate fixe le contenu de la discipline du croate dans les écoles:
Article 13
Promotion de l'apprentissage de la langue croate
2) Le
ministère chargé de l'Éducation (ci-après : le
Ministère) adopte des programmes destinés à
l'enseignement ordinaire et des programmes relatifs
à l'enseignement préparatoire et complémentaire pour
les élèves qui ne connaissent pas ou ont une
connaissance insuffisante de la langue croate, ainsi
que des programmes destinés aux étrangers et aux
descendants d'émigrés croates en Croatie et à
l'étranger.
3) Les institutions nationales et publiques
compétentes doivent, par diverses formes d'activités
pédagogiques,
soutenir l'apprentissage du croate
comme langue étrangère (étrangère, maternelle,
seconde) et la culture croate pour tous ceux qui
souhaitent apprendre la langue croate.
4) La matière de langue croate dans
l'enseignement primaire et secondaire est mise en
œuvre de telle manière que dans chaque année
scolaire, au moins la moitié de son contenu soit
directement axée sur des sujets linguistiques,
c'est-à-dire l'expression orale et écrite (écouter
et parler, lire et écrire) dans la langue croate
standard, son vocabulaire, sa grammaire et son
orthographe, ses styles fonctionnels, son histoire,
ses idiomes dialectaux, son usage littéraire et sa
traduction.
5) Le
gouvernement veille
particulièrement à l'apprentissage et à la
préservation de la langue et de la culture croates
parmi les Croates et leurs descendants vivant hors
de Croatie, ainsi qu'à la promotion de la langue
standard croate dans le monde en encourageant son
enseignement dans les établissements d'enseignement
étrangers. |
La
Loi sur l'éducation et l'enseignement
au primaire et au secondaire (2008-2021) autorise les
citoyens de l'Union européenne à acquérir des connaissances de
la langue et de la culture de leur pays d'origine:
Article 44 (1)
Les élèves pour lesquels l'enseignement est
obligatoire en vertu de la présente loi et qui
demeurent sur le territoire croate, ainsi que les
jeunes qui sont citoyens de l'Union européenne, qui
travaillent ou ont travaillé comme travailleurs
autonomes, qui sont employés ou ont été employés sur
le territoire croate,
ont le
droit d'acquérir des connaissances de la langue et
de la culture de leur pays d'origine.
(2) Le bureau
du comitat ou le bureau municipal du lieu de résidence des élèves,
en vertu du paragraphe 1 du présent article, doit fournir et, en
conformité avec les possibilités de collaboration avec les autorités
de l'école et du pays d'origine des étudiants,
soutenir un enseignement de la langue maternelle
et de la culture du pays d'origine des élèves. Le bureau du comitat
ou le bureau municipal doivent prévoir un soutien pour la
préparation des enseignants qui mettront en œuvre l'enseignement de
la langue maternelle et de la culture du pays d'origine des élèves.
(3) Les programmes et les contenus
de l'enseignement de la langue maternelle et
de la culture du pays d'origine, conformément aux paragraphes 1 et 2
du présent article, sont déterminés par le Ministre.
|
Le problème, c'est de mettre en pratique
cette possibilité.
L'article 51 de la
Loi sur l'éducation et l'enseignement
au primaire et au secondaire fixe le nombre d'heures de
l'enseignement pour le primaire et le secondaire:
Article 51
1) Pour la durée quotidienne des
cours destinés aux élève, il est établi un calendrier à la
condition que les cours pour les élèves des écoles primaires ne
puissent excéder quatre heures par jour, et pour les autres élèves
du primaire pas plus de six heures par jour.
2) Pour les élèves du secondaire,
le nombre annuel d'heures ne peut excéder 1120 heures, et 32 classes
par semaine, sauf dans les programmes dont une grande partie est
réalisée sous la forme d'exercices et de pratiques
dans l'enseignement.
3) Les élève impliqués dans l'enseignement de la langue et
l'alphabet des minorités nationales, par dérogation aux
paragraphes et 2 du présent article, peuvent recevoir un horaire
supérieur au plan quotidien, hebdomadaire et annuel, en conformité avec
les normes pédagogiques nationales.
|
5.2 Les établissements supérieurs
L'enseignement supérieur en Croatie est assuré par quelque 120
établissements. Il y a huit universités ("sveučilišta")
publiques, des écoles polytechniques ("veleučilišta"),
des écoles de sciences appliquées ("visoke škole") publiques, et
de nombreuses institutions privées se sont récemment implantées.
La plupart des écoles de sciences appliquées sont des
établissements privés, alors que les écoles polytechniques sont
très majoritairement publiques; les types de programmes y sont
identiques, mais leur nombre peut varier. La langue
d'enseignement est généralement le croate, mais dans certains
domaines, comme en médecine, les cours peuvent être donnés en
anglais, sinon en d'autres langues.
La
Loi sur
l'enseignement supérieur et les activités scientifiques (2022) ne traite
que fort peu de la langue. L'article 50 concerne en fait les
professeurs de langue et de littérature croates qu'on nomme "lektor".
On peut traduire ce mot par «lecteur», «tuteur», «correcteur»,
«instructeur» ou «professeur».
Article 50
Tuteurs de langues étrangères et tuteurs de
langues croates
1) Aux fins de la réalisation d'études
universitaires en langue et littérature dans un
établissement d'enseignement supérieur, il est
possible de faire appel à un tuteur en langue croate
ou étrangère. Les critères de sélection pour le
poste de lecteur de langue croate ou étrangère sont
déterminés par l'établissement d'enseignement
supérieur dans une loi générale.
2) Un professeur de langue et de littérature
croates peut être employé dans un établissement
d'enseignement supérieur à l'étranger sur la base
d'un contrat de travail à durée déterminée conclu
avec un établissement d'enseignement supérieur en
République de Croatie ou avec le ministère. Les
critères de sélection pour le poste de professeur de
langue et de littérature croates dans un
établissement d'enseignement supérieur à l'étranger
sont réglementés par le ministre dans une
ordonnance.
3) Une personne employée à un poste visé au
paragraphe 2 du présent article qui a été employée
en République de Croatie pour une durée indéterminée
a la garantie de reprendre son poste dans les 30
jours suivant la date de fin du contrat de travail
dans un établissement d'enseignement supérieur à
l'étranger. |
Dans les universités croates, le titre de «lektor»
peut ressembler à celui de «lecteur» en France, qui serait un
«maître de conférence». On trouve des "lektora" dans toute
l'Europe centrale, c'est un degré hiérarchique du type «chargé
de cours» en attendant d'être reconnu "učitelj" (professeur).
Bref, en Croatie, il s'agit d'un (jeune) enseignant qui donne
ses cours dans sa langue maternelle soit en Croatie ou à
l'étranger, mais nécessairement dans un type établissement
supérieur.
5.3 La croatisation de lhistoire officielle
Comme la langue, l'enseignement de l'histoire
dans les écoles secondaire est l'objet des plus grands soins de
la part du gouvernement croate. Depuis l'indépendance en 1991, des
historiens poursuivent un travail ininterrompu de révision des programmes
et des manuels scolaires. L'histoire de l'ex-Yougoslavie, qui constituait
le point central du programme sous le régime communiste, est aujourd'hui
réduite à une peau de chagrin: seulement quelques pages dans
le livre dhistoire destiné aux lycées techniques. Les nouveaux
manuels se concentrent sur le rôle de Tito (un Croate!) avant et pendant la Seconde
Guerre mondiale. Certains manuels de classe ne le montrent même plus
en photo. Les nouveaux livres d'histoire affirment que
les autorités communistes «yougoslaves»
avaient délibérément entrepris d’exploiter la proximité linguistique du serbe et
du croate afin de tenter de les fondre en une seule langue aux dépens de leurs
différences et de leurs traditions littéraires respectives.
Maintenant, les manuels de la jeune république
de Croatie mettent en avant-scène les périodes où
la Croatie a connu l'indépendance: l'État indépendant
croate, entre 1941 et 1945, la République depuis 1990. Ces périodes
finissent, dans certains manuels, par occuper la même place que toute
la période yougoslave, de 1945 à 1990.
Presque oublié sous le régime
communiste, le Moyen Âge est aujourd'hui à l'honneur, car il
permet de montrer l'ancienneté du peuple croate. Chaque république
de l'ex-Yougoslavie avait auparavant ses livres d'histoire, mais avec pratiquement
aucun détail sur l'histoire croate. Maintenant, on ne parle que
de Knin, la capitale des rois croates, et presque aucun détail sur
les Serbes, sauf pour montrer leurs caractéristiques dagresseurs
reconnus.
Aujourd'hui, les livres dhistoire montrent
que la Croatie est un «pays beau et riche», que les gens qui y vivent sont «compétents et travailleurs», que la langue croate est une
«langue originale et distincte du serbe». Évidemment, tous ceux qui sécartent
de cette idéologie, cest-à-dire les résistants, sont
présentés comme des «communistes». Les auteurs des livres
présentent ces changements comme un «rattrapage» nécessaire. À l’époque du président Franjo Tudjman (1990-1999), la ferveur nationaliste avait
même poussé l'épuration des bibliothèques jusqu'à faire disparaître des livres
écrits en alphabet
cyrillique. Néanmoins, beaucoup de Croates savouent désorientés
par cette histoire «revisitée» et ils ont du mal à trouver
où se situe la vérité.
En 2011, dans le but de réformer en profondeur le
système d'éducation, le ministère des Sciences, de l'Éducation et
des Sports a mis en œuvre le Cadre national programme de travail
(NOK). Il a été conçu comme une base pour la restructuration des
programmes d'études pour toutes les disciplines, dont celle de
l'histoire nationale. L'enseignement de l'histoire nationale en
Croatie a fait évidemment l'objet de débats. Les tentatives de
changement de paradigme de l'enseignement de l'histoire, passant du
transfert d'une «vérité unique» à un engagement critique avec le
passé, ont reflété les points de vue des historiens croates sur le
rôle public de l'histoire. La représentation de la guerre de
1991-1995 dans les supports pédagogiques a fait l'objet d'analyses,
critiquant le double objectif de l'enseignement de l'histoire. Le
conflit entre différentes approches de l'enseignement de l'histoire
s'est manifesté dans les manuels d'histoire croates. Les tentatives
de réforme de l'enseignement de l'histoire ont également fait partie
du «Cadre». On en est arrivé à une vision plus équilibrée de
l'histoire politique croate moderne et de la distancer du récit
historique nationaliste contemporain.
6 Les médias
croates
Lentreprise de croatisation ne pouvait
se passer des médias. Or, étant donné que la plupart
des médias appartiennent à lÉtat ou du moins sont
largement subventionnés par celui-ci, il est préférable
pour eux de saligner sur lidéologie de lheure. Dabord, cest
par les médias que s'est poursuivi de façon évidente la
chasse aux américanismes et le retour à la pureté
de la langue croate. Les journaux, la radio et la télé ont diffusé
les nouveaux mots. En ce sens, il nest pas nécessaire de passer par une
loi pour modifier
la langue, presque tous les médias appartenant au gouvernement.
La radiotélévision croate fait souvent
l'objet des critiques les plus vives tant de la part de la population que
de la part des organismes internationaux. Plusieurs journalistes avouent
que la télévision n'est plus un véritable moyen d'information
en Croatie, c'est la «réalité virtuelle». Quant à
lagence de presse croate HINA, elle est également en partie contrôlée
par le pouvoir en place.
La
Loi sur la langue croate
(2024) ne traite pas spécifiquement des médias, si ce n'est dans des
considérations générales:
Article 11
Usage public de la langue croate
1) L'usage public de la
langue standard croate correspond à toute communication
linguistique orale ou écrite dans un espace destiné au public ou
à un large public, y compris la communication par voie
électronique.
2) Outre l'usage de la langue croate standard dans des
occasions non officielles, l'usage public d'idiomes dialectaux
de la langue croate est également possible afin d'encourager et
de respecter les particularités régionales.
|
6.1 Les médias électroniques
La Croatie est desservie par un grand nombre de stations de
radio (158 stations de radio actives : 6 titulaires d’une
licence nationale et 152 locales et régionales : 50), avec huit
chaînes diffusées au niveau national. Quatre d’entre elles sont
exploitées par la HRT (Hrvatska radiotelevizija),
la société de radiodiffusion publique croate, en plus de deux
chaînes religieuses (la Radio catholique croate (Hrvatski
Katolički Radio, HKR) et Radio Marija) et de deux stations
privées à but lucratif (Otvoreni Radio et Narodni Radio, la
deuxième ne diffusant que de la musique en croate).
La
Loi sur la radiotélévision
croate (2017) porte nécessairement sur la radiotélévision, dont la HRT
qui exploite ses chaînes de radio et de télévision, sur un
réseau d’émetteurs ainsi que par satellite. La HRT est divisée
en trois sociétés conjointes : la Radio croate (Hrvatski radio),
la Télévision croate (Hrvatska televizija) et la Production
musicale (Glazbena proizvodnja), qui comprend trois orchestres (Symphony,
Jazz et Tamburitza) et une chorale. L'article 8 de la Loi sur la radiotélévision
croate énonce les règles concernant les conditions sur l'emploi
obligatoire du croate et celles où il est possible de recourir à
d'autres langues:
Article 8
1) La HRT [Hrvatska radiotelevizija] est
tenue d'employer
la langue croate et l'écriture latine dans ses émissions,
sauf disposition contraire de la présente loi ou d'une autre
loi.
2) La HRT est tenue de promouvoir la créativité
dans les
variantes de la langue croate.
3)
L'usage
de la langue croate n'est pas obligatoire
:
– si des
films et autres œuvres audio et audiovisuelles sont
publiés dans leur forme originale;
– si des
œuvres musicales sont publiées avec un texte
partiellement ou entièrement rédigé dans une langue ou
une écriture étrangère;
– si des
émissions sont partiellement ou entièrement destinées
à
l'apprentissage des langues et des écritures
étrangères,;
– si des
émissions sont partiellement ou entièrement destinées
aux citoyens étrangers ou aux émigrants qui ne peuvent
pas écouter ces émissions en langue croate;
– si des
émissions, pour des raisons de crédibilité de
l'information, publient des parties ou des documents ou
des déclarations entiers dans leur forme originale.
4)
L’usage de la langue croate n’est pas obligatoire dans les
émissions destinées à informer les
membres des
minorités nationales,
conformément à
la Loi constitutionnelle sur les droits des minorités
nationales.
Article 10
1) La
HRT est tenue de veiller à ce que les œuvres européennes
constituent la majorité de son temps de diffusion annuel.
2) La HRT est tenue de diffuser au moins 40 % des
œuvres visées au paragraphe 1 du présent article
en langue originale croate sur
chaque chaîne d'émissions de télévision générale de la HRT.
Article 11
1) La
HRT est tenue d'allouer au moins 15 % de son budget annuel
de programmation à l'acquisition d'œuvres européennes de
producteurs indépendants, dont la moitié doit être allouée à
des
œuvres produites à l'origine en langue croate. |
Effectivement, l'usage du croate n'est pas obligatoire pour les
films ou d'autres productions audiovisuelles diffusées dans leur forme
originale, dans le cas d'émissions d'œuvres musicales avec le texte rédigé
partiellement ou entièrement dans une langue ou un alphabet étrangers, si des
émissions sont en partie ou en totalité destinés à l'étude des langues et des
alphabets étrangers. De plus, l'emploi du croate n'est pas obligatoire dans les
émissions destinées à informer les membres des minorités nationales.
6.2 La presse écrite
La Croatie
compte plus de 800 publications imprimées enregistrées, dont neuf quotidiens
nationaux et à peu près le même nombre d’hebdomadaires et de bihebdomadaires.
Dans la presse écrite, le marché est dominé par les sociétés croates
Europapress Holding et autrichienne Styria Media Group, qui publient
leurs quotidiens phares Jutarnji list, Večernji list et 24sata.
Parmi les autres quotidiens nationaux les plus lus, citons Novi list et le
journal d’État Vjesnik. L’hebdomadaire d’actualité le plus populaire est Globus,
ainsi qu’un certain nombre de publications spécialisées, dont certaines sont
publiées par des institutions culturelles parrainées par le gouvernement. Dans
le secteur de l’édition de livres, le marché est dominé par plusieurs grandes
maisons d’édition telles que Školska knjiga, Profil, VBZ, Algoritam et Mozaik.
Presque tous les journaux sont publiés en croate, à l'exception de ceux destinés
aux minorité nationales.
De plus, le gouvernement a fait adopter
en 1996 une loi qui introduisait le «délit
de presse». Cette offensive gouvernementale faisait en sorte que
les journalistes étaient passibles d'un à trois ans
de prison sils offensaient le président de la République,
le premier ministre, le président du Parlement, celui de la Cour
suprême et celui de la Cour constitutionnelle. Dailleurs, ces entraves
à la liberté de la presse ont été à
l'origine du report de l'adhésion de la Croatie au Conseil de l'Europe:
cette adhésion avait été demandée en 1992,
elle n'a été entérinée qu'en 1996. Selon certains
juristes croates, cette loi sur les délits de presse pénal
allait à l'encontre de la loi générale sur les médias
adoptée aussi en octobre de la même année et modifiée par la suite afin de la
rendre
plus conforme aux standards démocratiques européens. Néanmoins, en Croatie, les
discours de haine sont passibles d’une peine maximale de cinq ans
d’emprisonnement. Par exemple, l’insulte à «la République de Croatie, à ses
armoiries, à son hymne national ou à son drapeau est également passible
d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Il s'agit encore d'une
réminiscence du nationalisme de la décennie de 1990 issue de la guerre
de Croatie contre l'Armée populaire yougoslave, laquelle entraînera
l'effondrement de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie.
La politique de croatisation fut
jugée comme une étape normale par les dirigeants croates et les autorités
compétentes, mais elle a comporté parfois une dose de fanatisme dont ont pu faire les frais les minorités et, au premier chef, les
Serbes de Croatie. Malgré les beaux discours et les bonnes
intentions des autorités croates, les ratés de la politique
de croatisation sont nombreuses. La minorité serbe peut en témoigner, de même
que plusieurs autres.
Néanmoins, l'État croate a pu, ces dernières années, supprimer
un certain nombre d'irritants dont se plaignaient les représentants des
minorités nationales. Tout en assurant la primauté de la langue officielle par
une politique de valorisation du
croate, l'État croate tente malgré tout de concilier les intérêt de la majorité
et ceux des minorités. Il s’agit de deux mouvements qui vont de pair et l’un ne
se fait pas sans l’autre.
La Croatie a demandé en 2003 son adhésion à l'Union européenne.
Or, les critères politiques exigeaient de la Croatie qu'elle veille à se doter
d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les
droits de la personne, ainsi que le respect et la protection des minorités, ces
exigences étant inscrites dans le Traité sur l'Union européenne et la Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne. En janvier 2012, les Croates ont
approuvé par 67 % des voix l'adhésion de leur pays à l'Union européenne, cette
adhésion étant prévue pour le 1er juillet 2013, après ratification dans chacun
des États membres. Pour sa part, en mars 2012, le Parlement croate a
ratifié à l'unanimité le traité d'adhésion du pays à l'Union européenne. La
Croatie est membre des Nations unies depuis mai 1992 et du Conseil de l'Europe
depuis 1996. Elle est également membre de l'OTAN depuis 2009. Elle a par
ailleurs obtenu au
Sommet de Ouagadougou en novembre 2004 le statut d'observateur au sein de
l'Organisation internationale de la Francophonie, malgré le faible nombre de
personnes parlant le français.
En somme, les lois actuelles ont
toutes été modifiées de sorte qu'elles tiennent compte de la nécessaire
valorisation de la langue nationale parlée par plus de 90 % de la population,
tout en respectant les principes démocratiques de base, sans mettre en péril les
droits linguistiques minimes des minorités nationales.