République démocratique fédérale du Népal

Népal

Sanghiya Loktantrik Ganatantratmak Nepāl

Capitale:   Katmandou
Population:  25,8 millions (est. 2003)
Langue officielle:  népali (43 %)
Groupe majoritaire:  aucun
Groupes minoritaires: népali (43 %), maithili (9,5 %), bhojpouri (6 %), néwari (3 %), tamang de l'Est (2,6 %), awandhi (1,6 %), magar de l'Est (1,2 %), limbu (1 %), magar de l'Ouest (0,9 %), tharu (1,3 %), etc.
Système politique: monarchie constitutionnelle abolie
Articles constitutionnels (langue): art. 4, 6, 9, 18, 25, 26 et 113 de la Constitution abrogée du 9 novembre 1990; art. 5, 13, 17, 33, 34, 35, 138 et 142 de la Constitution provisoire de 2007.
Lois linguistiques: 
Loi sur les compagnies (1991); Règlement sur les communications par radio (permis), no 2049 (1992); Loi sur l'éducation, no 2037 (1980); Loi sur la citoyenneté népalaise (1964); Loi sur la citoyenneté népalaise (2006).

1 Situation géographique

orientation map for Nepal Le Népal (officiellement: République démocratique fédérale du Népal) est un pays situé sur les pentes sud de l'Himalaya et se présente comme une étroite bande de terre de 145 à 241 km de large s'étirant sur 800 km de long. C'est un petit État de 140 800 km² (l'équivalent de la Grèce) coincé entre deux géants et superpuissances: d'une part, la Chine (9,5 millions de km²) au nord, d'autre part, l'Inde (3,2 millions de km²) au sud (voir la carte). Les autres voisins proches du Népal sont le Bhoutan à l'est, le Bangladesh au sud et la Birmanie au sud-est.

C'est un pays de hautes montagnes, l'Himalaya, dominé par neuf des plus hauts sommets du monde, dont l'Everest (Sagarmatha en népalais). Le Teraï, la partie la plus au sud du pays, se situe à quelque 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, alors que le sommet de l'Everest au nord atteint 8848 mètres. La capitale du Népal est Katmandou et compte quelque 660 000 habitants (en 2002). Le mot Népal, il dériverait du sanskrit nipalaya signifiant «au pied des montagnes», par allusion à sa situation à proximité de l'Himalaya, ce qui correspondrait au toponyme «Piémont» dans le nord de l'Italie. Quant au terme Himalaya, il provient de deux mots sanskrits: hima signifiant «neige» et alaya, la «demeure des neiges» éternelles servant à désigner la plus haute chaîne de montagnes du monde.

Nepal map Le Népal est divisé en 14 zones appelées anchal (d'ouest en est): Mahakali, Seti, Karnali, Bheri, Rapti, Dhawalagiri, Limbini, Gandaki, Narayani, Bagmati, Janakpur, Sagarmatha, Koshi et Mechi.

Outre Katmandou, la capitale située au cœur d'une vallée fertile dans la partie sud-est du pays, les principaux centres urbains sont Biratnagar (130 129 habitants), dans le sud-est, Patan (117 203 habitants) et Bhaktapur (61 122 habitants), situés près de Katmandou.

Les 75 districts:

Accham, Arghakhachi, Baglung, Baitadi, Bajhang, Bajura, Bake, Baktapur, Bara, Bardyia, Bhojpur, Chitwan, Dadeldhura, Dailekh, Dang, Darchula, Dhading, Dhankuta, Dhanusha, Dolkha, Dolpa, Doti, Gorkha, Gulmi, Humla, Ilam, Jajarkot, Jhapa, Jumla, Kailali, Kalikot, Kanchanpur, Kapilbastu, Kaski, Katmandou, Kavre, Khotang, Lamjung, Mahotari, Makwanpur, Manang, Morang, Mugu, Mustang, Myagdi, Nawalparasi, Nuwakot, Okhaldunga, Palpa, Panchthar, Parbat, Parsa, Patan (Lalitpur), Pyuthan, Ramechhap, Rasuwa, Rautahat, Rolpa, Rukum, Rupandehi, Salyan, Sankhuwasawa, Sarlahi, Sindhuli, Sindhupalchowk, Siraha, Solukhumbu, Sotari, Sunsari, Surkhet, Syanja, Tanahu, Taplejung, Terathum et Udayapur.

De plus, le pays comprend 75 districts (voir l'encadré à gauche) et cinq «régions de développement»: l'Extrême-Ouest (Far West), le Centre-Ouest (Midwest), l'Ouest, le Centre et l'Est (voir la carte détaillée). Ce découpage répond essentiellement à des considérations géographiques.

Par ailleurs, l'armature morphologique du pays s'organise en bandes longitudinales formant cinq grandes régions naturelles :

- Le Téraï, la région basse (quelque 100 mètres au-dessus du niveau de la mer), la plus au sud, faisant partie de la grande plaine du Gange en Inde.

- Les Siwalik, situés juste au-dessus du Téraï, annoncent les premiers sommets montagneux de 1500 mètres environ, pénétrés par la forêt vierge.

- Le Mahabharata Lekh est une véritable chaîne de montagnes dont les sommets atteignent parfois 3000 mètres.
 

- Le plateau népalais, le cœur du pays, constitue le quatrième et plus important niveau; il forme une bande de 100 km de large; des fleuves transversaux viennent partager ce plateau en neuf bassins naturels.

- La chaîne himalayenne : neuf sommets dépassant les 8000 mètres, dont l'Everest; ils sont entourés de plus d'une centaine de sommets de 7000 mètres constituant une muraille géante.

Cette configuration morphologique entraîne des conséquence au point de vue démographique: le plateau népalais est forcément le plus densément peuplé. Dans les secteurs montagneux les plus élevés, seulement 8 % de population y est dispersée, mais les secteurs montagneux inférieurs compte 45 % de la population, alors que les terres du sud, le long de la frontière indo-népalaise, rassemble jusqu'à 47 % de la population. La situation géographique du Népal, bloqué par la haute muraille des Himalaya, rend plus de 90 % des exportations dépendantes du bon vouloir du grand voisin indien, qui bénéficie ainsi d'une emprise économique de taille sur le petit Népal.

2 Données démolinguistiques

La population du Népal était estimée en 2003 à quelque 25,8 millions d'habitants. La densité de population était d'environ 172 habitants au km². Cependant, la majorité des Népalais vivent dans le Teraï (le long de la frontière indo-népalaise) et surtout dans la vallée de Katmandou, là où la densité de population est plus importante, notamment dans les provinces de Bagmati, Janakpur, Koshi, Narayani et Sagarmatha. Dans la plupart des cas, les Népalais habitent dans des villages situés près des sources d'eau; quelques villes seulement comptent plus de 10 000 habitants.

Zone Chef-lieu Population 2003 Superficie
Bagmati Katmandou 2 858 500 9 428 km2
Bheri Nepalganj 1 574 700 10 545 km2
Dhawalagiri Baglung 693 800 8 148 km2
Gandaki Pokhara 1 802 800 12 275 km2
Janakpur Sindhulimadi 2 802 500 9 669 km2
Karnali Jumla 383 800 21 351 km2
Koshi Dharan 2 574 500 9 669 km2
Lumbini Butawal 2 808 000 8 975 km2
Mahakali Dandeldhura 1 395 800 6 989 km2
Mechi Ilam 1 731 800 8 196 km2
Narayani Hetauda 2 626 400 8 313 km2
Rapti Tulsipur 1 413 600 10 482 km2
Sagarmatha Rajbiraj 2 181 100 10 591 km2
Seti Silghari 988 800 12 550 km2
Népal   25 836 100 147 181 km2

2.1 Les ethnies

Le royaume du Népal forme une société multiethnique et multiculturelle. La population est constituée de deux groupes principaux: les Indo-Népalais (appelés aussi Pahari parce qu'ils habitent les vallées du Pahar occidental) et les Tibéto-Népalais.

carte des groupes ethniques Les Indo-Népalais sont d'origine indienne (ou indo-iranienne) et de religion hindoue; ils sont installés au Népal depuis des siècles. Ils comptent de nombreuses ethnies, dont les Népali, les Maithili, les Bhojpouri, les Awadhi, les Tharu, etc. Ces ethnies vivent généralement dans la vallée de Katmandou ou de Pokhara, mais les Tharu résident sur les terres basses terres du Teraï, en bordure de la frontière indienne. Les Népali constituent l'ethnie la plus nombreuse et détiennent la suprématie politique depuis deux siècles. Même s'ils ne constituent que 43 % de la population, ils sont considérés comme l'ethnie majoritaire (nettement dominante) et c'est par rapport à eux que toutes les autres ethnies sont perçues comme des minorités.

Quant aux Tibéto-Népalais, ils sont d'origine sino-tibétaine (plus précisément tibéto-birmane), généralement de race mongoloïde et de religion bouddhiste, ou encore bouddhiste lamaïste, hindoue, voire chamaniste. Ils sont appelés Bhotias (du mot népali Bhot signifiant «Tibet»), mais bhodi désigne la langue parlée par les seuls Ladakhpa. Les Tibéto-Népalais (Tibétains, Sherpa, Tamang, Thakali, etc.) habitent deux grandes régions. Les ethnies les plus importantes par le nombre sont les Néwari, les Tamang, les Magar et les Limbu; même s'ils sont peu nombreux, mentionnons les Sherpa, qui se sont rendus célèbres comme guides de montagnes.

Certaines ethnies tibéto-népalaises sont dispersées dans les hautes montagnes de la chaîne himalayenne, dans le nord du pays marquant la frontière avec la Chine (et la Région autonome du Tibet), d'autres sont réparties dans les vallées de Pokhara et de Katmandou, ainsi que dans les basses montagnes des zones de Sagarmatha, Koshi et du Mechi.

Les Tibéto-Népalais sont généralement perçus par les Indo-Népalais comme des «groupes ethniques» ou des «minorités». Or, la plupart des Tibéto-Népalais refusent cette appellation et préfèrent être appelés janajati, c'est-à-dire «nations» ou «nationalités», car ils affirment correspondre à tous les critères de la nation: ils possèdent une langue, une religion, une culture, un territoire et une histoire. D'ailleurs, il existe au Népal la Nepal Janajati Mahasamgha, la Fédération des nationalités du Népal. On utilise aussi le terme dalit, lequel signifie en népali «opprimé», ce qui en dit long sur le sort des minorités dans ce pays. Beaucoup de Tibéto-Népalais vivent dans un état de grande pauvreté et n'ont pas accès aux services de base tels que l'éducation et la santé, surtout lorsqu'ils habitent dans les régions éloignées des hautes montagnes himalayennes.

Comme on peut le constater sur la carte du haut («Les ethnies»), dans les régions mitoyennes entre le Nord et le Sud se trouvent des ethnies tant tibéto-népalaises qu'indo-népalaises. Le pays compte aussi quelque 14 000 réfugiés tibétains et plus de 100 000 Bhoutanais qui vivent dans des camps aménagés par l’ONU.

2.2 Les langues

La langue officielle du pays est le népali (ou népalais), une langue appartenant à la famille indo-européenne. C'est aussi la langue plus importante par le nombre des locuteurs (9,9 millions); on appelle également cette langue pahari (littéralement «le montagnard»). Le népali est originaire de la langue des Kha dont les royaumes furent florissants dans l'ouest du Népal pendant plus d'un millénaire. Le népali a emprunté peu de mots aux langues sino-tibétaines avoisinantes importantes, telles que le néwari ou le tamang. On trouve davantage de mots d'origine arabe passés au népali par l'ourdou (la variante de l'hindi parlée par les musulmans). Sur le plan de la grammaire, le népali fonctionne tout à fait comme l'hindi. Par exemple, l'infinitif des verbes hindi se forme avec le suffixe -na ajouté à la racine, alors que ce suffixe est -nu en népali. Le verbe  faire  se dit  karna  en hindi et garnu en népali. Comme l'hindi, le népali s'écrit en alphabet devanagari et se lit de gauche à droite.

Mo Népali Siktshou

- Les groupes linguistiques

Mais le pays compte plus d'une centaine de langues. On remarquera que la quasi-totalité des langues parlées au Népal appartiennent à la famille indo-européenne (groupe indo-iranien) et à la famille sino-tibétaine. On compte 93 langues sino-tibétaines, contre seulement 26 langues indo-iraniennes. Cependant, les 26 langues indo-iraniennes rassemblent environ 86 % des locuteurs du pays, contre seulement 13 % pour les langues sino-tibétaines. C'est que le nombre des locuteurs par langue sino-tibétaine est beaucoup plus restreint que celui des langues indo-iraniennes.

En général, les langues sino-tibétaines sont parlées dans les hautes montagnes himalayennes, le long de la frontière sino-népalaise, alors que les langues indo-iraniennes sont plus au sud, dans les plaines du centre et dans le Teraï, le long de la frontière indo-népalaise. Évidemment, les zones mixtes sont fréquentes, par exemple dans la vallée de Katmandou et celle de Pokhara.

Par ailleurs, on relève trois langues n'appartenant à aucune des deux grandes familles linguistiques citées précédemment. Deux langues font partie du groupe munda de la famille famille austro-asiatique, le santali (33 000 locuteurs) et le mundari (5700 locuteurs). Puis une seule langue appartient à la famille dravidienne, le kurux népali, dont on ignore le nombre exact des locuteurs. Outre le népali, seuls le maithili et le bhojpouri comptent plus d'un million de locuteurs. Les langues dépassant les 100 000 locuteurs sont le néwari, le tamang de l'Est, l'awadhi, le magar de l'Est, le limbu, le magar de l'Ouest, le tahru dangaura, le tharu kochila, le tharu rana, le tamang de l'Ouest, l'hindi, le tamang du Sud-Ouest et le gurung de l'Est. 

Langue Locuteurs Pourcentage Famille ou groupe
Népali (népalais) 9,9 millions 43,3 % Indo-iranienne
Maithili 2,1 millions 9,5 % Indo-iranienne
Bhojpouri 1,3 million 6,0 % Indo-iranienne
Néwari 690 000 3,0 % Sino-tibétaine
Tamang de l'Est 600 000 (env.) 2,6 % Sino-tibétaine
Awadhi 374 638 1,6 % Indo-iranienne
Magar de l'Est 288 383 1,2 % Sino-tibétaine
Limbu 238 088 1,0 % Sino-tibétaine
Magar de l'Ouest 210 000 0,9 % Sino-tibétaine
Tharu dangaura 300 000 1,3 % Indo-iranienne
Tharu kochila 250 000 1,0 % Indo-iranienne
Tharu rana 200 000 0,8 % Indo-iranienne
Tamang de l'Ouest 200 000 0,8 % Sino-tibétaine
Hindi 171 000 0,7 % Indo-iranienne
Tamang du Sud-Ouest 109 051 0,4 % Sino-tibétaine
Gurung de l'Est 105 000 0,4 % Sino-tibétaine

Quelques autres langues dépassent les 50 000 locuteurs (rajbangsi, tharu chitwania, tharu deokhuri, tahru kathoriya, gurung de l'Ouest, tibétain, tamang du Nord-Ouest), mais la plupart des autres langues ne comptent que peu de locuteurs. En effet, de nombreuses langues ne sont parlées que par moins de 2000 ou 1000 locuteurs, parfois encore moins. Pour résumer, on peut dire que toutes les langues du Népal, sauf deux ou trois exceptions, appartiennent à la famille indo-européenne ou à la famille sino-tibétaine, les deux pôles majeurs de la population.

Soulignons aussi que le népali, la langue officielle, se divise en de multiples dialectes: baitadi, bajhangi, bajurali (bajura), doteli, soradi, acchami, jumleli (jumla, singja, sijali), darjula. La seconde langue en importance, le maithili, est fragmentée en bantar, barei, barmeli, kawar, kisan, kyabrat, makrana, musar, sadri, tati et dehati. Mais le bhojpouri ne connaît que deux dialectes: le bhojpuri tharu et le teli. La plupart des autres langues sont également fragmentées en de nombreuses variété dialectales. C'est pourquoi le népali sert de langue véhiculaire entre les différentes ethnies, bien que ce ne soit pas l'unique raison, puisque des considérations tant historiques que politiques entrent en ligne de compte.

- Les systèmes d'écriture

Par ailleurs, peu de langues au Népal possèdent une écriture. Ce sont les langues suivantes: d'une part, le ghale (alphabet tibétain), le sherpa (alphabet devanagari), le limbu (alphabet devanagari), le marwari (alphabet devanagari), le néwari (alphabet devanagari) et le tamang (alphabet tamyig) parmi les langues tibéto-birmanes; d'autre part, le népali, l'hindi et le bhojpouri parmi les langues indo-iraniennes.

Précisons que l'alphabet tibétain est dérivé de l'alphabet devanagari, mais il reste quand même très différent. L'alphabet devanagari est l'une des écritures officielles de l'Inde et du Népal. Il a été développé et employé régulièrement au VIIe siècle de notre ère et a atteint sa forme moderne en 1000 de notre ère. L' orthographe de cette écriture reflète la prononciation de la langue. Il est écrit de gauche à droite, a une forte préférence pour les formes arrondies symétriques dans des contours carrés et est reconnaissable à une ligne horizontale.

2.3 Les castes

Auparavant, la population était officiellement divisée en castes. La loi Muluki Ain («loi du Royaume»), introduite en 1964, a en principe aboli le système des castes et abrogé toutes les dispositions législatives basées sur ce système. En vertu de la nouvelle Constitution de 1990, toute infraction à cette loi est punissable. Néanmoins, le système des caste continue d'exister et semble faire partie intégrante de certains aspects de la culture népalaise, même si son application semble moins rigide que par le passé.

En vertu de ce système, on appartient à une caste de façon héréditaire: on y naît, on s'y marie et on y meurt. La caste dicte la conduite à adopter avec ses semblables et avec ceux des autres castes. Les castes à l'intérieur des différentes classes se fondent généralement selon la catégorie socio-professionnelle et se subdivisent en sous-castes.

L'origine de ce système provient de l'Inde lors de l'arrivée massive des Indiens hindouistes (les Licchavi) fuyant les invasions musulmanes au Moyen Âge. Dans la religion hindoue, le système des caste était la seule façon de réglementer les rapports sociaux. Les descendants des premiers hindous au Népal se virent ainsi «assignés» à la caste Chhétri; de nombreuses familles de statut élevé appartenant aux ethnies «anciennes» ont accédé à cette caste. Les membres des groupes ethniques de souche sino-tibétaine furent considérés par les Paharis (Népali) comme des Népalais de castes inférieures.

La société népalaise est marquée par un système de castes hindouistes apparenté à celui de l’Inde. Le système des castes, qui s'applique essentiellement aux populations hindouistes, peut être décrit de la façon suivante :

1) La caste la plus élevée : les Bahun (ou brahmines) sont souvent des brahmanes (prêtres) ou des enseignants, mais ils peuvent choisir une autre profession s'ils le désirent. 

2) La seconde caste : les Chhétri ou Kshatryas sont les administrateurs et les militaires du pays (mais parfois agriculteurs); ils étaient autrefois appelés Kha et ont presque le monopole des hauts grades militaires tout en fournissant également leur contingent de politiciens, de soldats et de paysans.

3) La troisième caste : les Vaisyas sont des commerçants ou des agriculteurs.

4) La caste la plus basse : les Sudras font ce qu'on appelle les «petits métiers».

Il y a aussi les intouchables (ou dalits, une classe en principe abolie depuis 1964), c'est-à-dire ceux qui ne font même pas partie des castes et dont le contact est considéré comme une «souillure» (ce sont des individus «impurs»). Les dalits réalisent généralement les travaux dits «de nettoyage» ou «dégradants» (p. ex., balayeurs, éboueurs, porteurs, pousseurs, bourreaux, danseuses, tanneurs, forgerons, cordonniers, tisserands, etc.). Or, ces dalits sont économiquement exploités, socialement «intouchables» et n’ont pas accès aux ressources sociales, économiques et politiques du pays. En réalité, c'est davantage la discrimination que le nouveau gouvernement veut combattre que la classe des dalits elle-même. Au Népal, toutes les femmes sont considérées comme «intouchables» pendant leur menstruation.

N'oublions pas non plus les Thakuri (des Néwars) qui composent la caste royale, des membres issus de la dynastie Gorkha et les héritiers des Malla. Les Bahun et les Chhétri forment ensemble environ 30 % de la population du Népal. Toutefois, en dehors de la vallée de Katmandou, Chhétri et Bahun ne sont considérés que comme de simples paysans. De façon générale, les castes les plus élevées sont les plus «pures» et les plus basses, les «impures». Évidemment, les intouchables et les castes impures continuent de souffrir de cette différenciation héréditaire quant à leur statut dans la société népalaise. Quant aux étrangers (les Mleehcha), ils n'ont guère de rôle positif dans le système des castes, mais ce rôle reste néanmoins plus élevé que celui des intouchables locaux.

2.4 Les religions

L’hindouisme est religion officielle du Népal; c'est le seul royaume hindou au monde. D'ailleurs, seul un monarque de religion hindouiste peut monter sur le trône. Il faut quand même préciser que, en raison de l'histoire, l’hindouisme népalais est caractérisé par des influences bouddhistes.  La population est, dans sa grande majorité, hindoue (86,5 %), mais elle compte un grand nombre de membres appartenant à d'autres religions telles que le bouddhisme (7,7 %), l'islam (3,5 %) et le christianisme (0,17 %).

Répartition de la population par religion (1991)

Religion Pourcentage
Hindous 86,5 %
Bouddhistes 7,8 %
Musulmans 3,5 %
Kirantis 1,72 %
Chrétiens 0,17 %
Jains 0,04 %
Autres 0,14 %
Sans déclaration 0,10 %
Total 100 %

À l'exception de l'hindouisme et du bouddhisme, toutes les religions du Népal ne sont pas considérées comme de «vraies religions»: ce sont de «simples croyances» tolérées avec restriction. Ces groupes de population sont dispersés dans différentes parties du pays. La plupart des nationalités sino-tibétaines ne se considèrent pas hindoues et remettent en même temps en question le caractère hindou de l'État. Les populations indo-népalaises sont généralement hindoues, alors que les populations sino-tibétaines sont bouddhistes, bouddhistes lamaïstes (ou bouddhistes tibétaines) et parfois musulmanes ou chrétiennes. Les bouddhistes lamaïstes (du mot lama servant à traduire le sanskrit gourou) ont adopté des éléments de la religion prébouddhique, issus du chamanisme. Malgré la répression opérée par les autorités chinoises depuis 1959, le bouddhisme lamaïste est toujours pratiqué par la majorité des Tibétains, que ce soit au Tibet (Chine), au Népal et au Bhoutan. Rappelons que leur chef spirituel, le dalaï-lama, vit en exil depuis 1959.

3 Données historiques

AVIS: Certains paragraphes de cette section sont tirés presque intégralement de l'Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, art. «Népal».

L'actuel Népal n'a que deux cents ans d'existence. Pourtant, la présence humaine dans la vallée de Katmandou est attestée dès le néolithique. De plus, l'histoire de ce pays est deux fois millénaire et a marqué la région himalayenne par le rayonnement de sa culture et de ses arts. Mais l'histoire ancienne du Népal demeure mal connue. N'oublions pas que, jusqu'au XVIIIe siècle, le mot Népal désignait un tout petit territoire au cœur du pays qu’est la vallée de Katmandou et qu'il ne s'appliquait pas au pays d'aujourd'hui.

3.1 L'histoire ancienne

Le Népal a une histoire qui semble se confondre avec la légende. La région aurait été gouvernée à partir du IIIe siècle avant notre ère par la dynastie des rois Kirat, d'origine sino-tibétaine et venue de l'est, sous laquelle fut introduit le bouddhisme.

La dynastie des Licchavi (IVe-VIIIe), d'origine indienne, succéda à la très longue lignée des rois Kirat. L'histoire de l’époque licchavi est parvenue jusqu’à nous grâce à de nombreuses inscriptions sanskrites qui ont été répertoriées et dont la première remonte à 464 et la dernière en 756 de notre ère. Le bouddhisme déclina au profit de l'hindouisme devenue la religion officielle, puis la population autochtone, les Néwars (d'origine sino-tibétaine) adoptèrent le modèle social de l'Inde, c'est-à-dire le système de castes, qui découpait la société en quatre grandes catégories sociales: les brahmanes (prêtres), les kshatrias (guerriers), les vaishyas (agriculteurs, commerçants, artisans, etc.) et les sudras (ouvriers). Une dernière catégorie regroupait les hors-caste ou «intouchables», ceux qui exerçaient les métiers dits «dégradants» (p. ex., chaudronniers, forgerons, tailleurs, balayeurs, etc.). Tous les individus furent catalogués dans l'une des nombreuses ramifications du système et héritèrent de la caste de leurs parents, tout comme de leurs gènes. Les Néwars constituèrent le premier pôle de l'histoire du Népal.

On sait ensuite que des seigneurs thakuri (des Néwars) s'emparèrent successivement du pouvoir. La fondation de Katmandou à la fin du Xe siècle par le roi Gunakama Deva furent les signes d'une certaine prospérité. Au XIIIe siècle, une nouvelle dynastie fut fondée: la dynastie des Malla, qui dura de 1200 à 1769.

 3.2 La dynastie des Malla

Les rois se firent appeler Malla et se dirent les descendants de princes indiens Rajput. Leur richesse économique et artistique suscita la convoitise des royaumes voisins. C'est pourquoi les Kha Malla (qui n’avaient aucun lien de parenté avec la dynastie des Malla), qui étaient des Indiens dont l'empire se trouvait à l'extrémité ouest du Népal, pillèrent la vallée plusieurs fois entre 1287 et 1336.

Ce sont les descendants des Kha qui, plus tard, constitueront la majorité de la population népalaise actuelle. La langue des Kha, d'origine indo-iranienne, est d'ailleurs l'ancêtre du népali moderne et possède son alphabet, le devanagari. L'arrivée massive de brahmanes et de kshatriyas indiens fuyant les invasions musulmanes au Moyen Âge favorisa le métissage entre les nouveaux arrivants et les ethnies de souche indo-européenne et tibéto-birmane, déjà installées au Népal. Afin de se protéger des Kha, le roi Jayastithi Malla installa en 1382 sa capitale à Bhadgaon, qui supplanta ses rivales Katmandou et Patan, restaura l'autorité royale et réorganisa la société néware en 64 castes. La dynastie Malla connut son apogée vers 1450, alors que le royaume s'étendait du Gange à la bordure du Tibet.

À la mort du roi Yaksha Malla en 1482, le Népal fut divisé en trois royaumes: Katmandou, Bhadgaon et Patan. Les souverains qui régnèrent sur ces royaumes furent de grands bâtisseurs dont la culture et les arts rayonnèrent sur toute la région de l'Himalaya. À la fin du XVe siècle, le bouddhisme, qui était attesté pendant le règne des Malla, disparut pratiquement et fut remplacé par l'hindouisme traditionnel.

3.3 Les Kha

Toutefois, devenus trop nombreux dans l'Ouest, les Kha commencèrent à coloniser les royaumes des Malla.  Ils créèrent une confédération de 24 principautés qu'ils finiront par conquérir en 1768. Ces États étaient tous indépendants et constituaient des royaumes aux nationalités distinctes. À partir de ce moment, les Kha, de culture indo-iranienne, constitueront le second pôle de l’histoire du Népal. Plus précisément, le pays devint une terre de rencontre entre deux mondes: d'une part, des populations d'origine mongoloïde et sino-tibétaine venant du Nord, notamment de l'Asie centrale et du Tibet, d'autre part, des populations de souche indo-iranienne venant de l'Inde. Les deux groupes ont donné à ce pays une diversité culturelle peu commune. 


Prithvi Narayan Shah (1742-1774)

Prithvi Narayan Shah (1742-1774), roi de Gurkha, dernier-né de ces 24 petits royaumes, était doté d'une grande ambition. Il employa les trente années de son règne à créer un État capable de résister à la Chine et surtout à l'Inde des Anglais. Il s'empara de Katmandou en 1768, puis de Patan et de Bhadgaon en 1769, les «trois joyaux» si convoités. L'armée gurkhalie mit fin non seulement à la dynastie régnante des Malla (d'origine sino-tibétaine), mais aussi aux visées britanniques sur la vallée par la défaite infligée aux soldats anglais venus au secours des rois Malla. Prithvi Narayan Shah étendit son royaume vers l'est.

Considéré comme le père fondateur du Népal moderne, il confia à ses successeurs la tâche de poursuivre ses conquêtes afin que soit parachevée son œuvre : la création d'un royaume hindou (de culture indienne). Sous le règne de la dynastie Shah, le roi du Népal se présentait systématiquement comme une réincarnation du dieu Vishnou.

C'est sous son règne que la langue népali, c'est-à-dire la langue des Kha, commença à jouer un rôle important dans l'unification du Népal; elle fut même modernisée et normalisée. La langue néwari fut aussi reconnue comme l'une des langues dominantes du Népal, mais personne ne sut régulariser la situation pour les autres langues. Le roi Prithvi Narayan proclama son pays comme la «vraie terre des hindous» (Asali Hindustan).

En 1810, les territoires annexés d’ouest en est s’étendaient du Kumaon et du Garhwal (aujourd'hui indiens) au Sikkim. Toutefois, les relations s'envenimèrent avec les voisins, tant chez ceux du Nord que ceux du Sud. Le petit-fils de Prithvi Narayan, lors d’un conflit avec le Tibet, fut repoussé par les forces chinoises qui exigèrent la restitution des territoires conquis sur le Tibet.

En dépit des rapprochements tactiques avec les Britanniques, ceux-ci décidèrent de mettre fin aux avancées expansionnistes des Gurkhas dans le Téraï. Après deux ans de guerre, le traité de Segauli de 1816 reprit au Népal un tiers des territoires annexés, fixa les frontières actuelles de l’Est et de l’Ouest, et imposa l'installation permanente d'un «résident anglais» à Katmandou.

3.4 La tutelle britannique et les Rana

À partir de 1815, le régime passa sous la tutelle britannique. L'année suivante, un traité avec les Britanniques, présents sur le sous-continent indien, mit fin à l'expansion népalaise et à son rôle d'intermédiaire commercial. Les Britanniques récupèrent le Sikkim et la majeure partie du Teraï (la bande de terre fertile, d'une largeur approximative de 30 km, longeant la frontière indo-népalaise et représentant actuellement 23 % de la superficie du Népal). Progressivement, le Népal se ferma à tous les étrangers. En 1923, la Grande-Bretagne reconnut l’indépendance du Népal, mais continua d'exercer le contrôle des affaires extérieures.

En 1846, Jang Bahadur Rana, un jeune général de la famille Rana, prit le contrôle du gouvernement népalais à la suite d'un coup d'État sanglant (massacre de Kot). La fonction de «régent», donc celle de premier ministre, devint héréditaire, le roi ne disposant plus que de prérogatives très limitées. En fait, la fonction de «régent» ou de premier ministre se transmit au frère ou au parent le plus âgé et non au fils (jusqu’en 1951). Les Rana établirent solidement leur pouvoir en faisant persécuter ou assassiner leurs ennemis tout en adoptant une attitude de respect et de défiance à l'égard des Britanniques. Les Rana (Rana sasan) imposèrent leurs «premiers ministres héréditaires» au Népal de 1841 jusqu'en 1951.

Bien que, sous l’influence anglaise, furent abolis à la fois l'esclavage et le sacrifice de sati (qui exigeait que les veuves soient brûlées en même temps que leur défunt mari), le pays resta, durant une centaine d'années, livré à l’arbitraire de la famille Rana, une période où la répression et la censure firent la loi. Devant le toute-puissance du pouvoir anglais en Inde, les Rana cherchèrent des accommodements pour sauvegarder l’indépendance du Népal. Par exemple, les Britanniques eurent la permission de recruter des Népalais pour constituer les fameux régiments de Gurkhas, reconnus pour leur bravoure et leurs grandes qualités de combattants.

La langue anglaise pénétra dans les sphères de l'administration et dans certaines écoles, mais les langues des autochtones continuèrent d'être utilisées par les populations tant sino-tibétaines qu'indiennes. Néanmoins, les Rana encouragèrent la promotion du népali au détriment des autres langues locales, qui finirent par être perçues comme des instruments de subversion. Les Rana favorisèrent la mainmise des Kha et de la caste des Chhrétri sur les autres nationalités; les lois furent basées sur la religion hindouiste, ignorant ainsi le caractère multireligieux, multilingue et multiculturel des populations locales. Durant toutes ces années, il n'existait pas de système d'éducation publique pour les minorités.

Au cours des années 1930, le gouvernement népalais a commencé à adopter le nom de Népal afin de faire du pays un État moderne.  De façon générale, les Britanniques laissèrent les Rana s'occuper des affaires nationales ou intérieures, mais en échange ils dominèrent fortement la politique étrangère du Népal.

3.5 Le Népal contemporain 

Après l'indépendance de l'Inde, en 1947, l’autoritarisme des Rana fit l'objet d'une contestation politique et populaire croissante. Le roi Tribhuvan Bir Bikram, plus favorable que ses ministres à une démocratisation du régime, approuva la création du Parti du Congrès népalais (le Nepali Congress Party) opposé au régime des Rana. Mais incapable d'agir, Tribhuvan se réfugia à New Delhi en 1950 et fomenta depuis l’Inde une révolte contre les Rana avec l'appui du premier ministre indien Jawaharlal Nehru. En 1951, les Rana furent évincés. Le roi rentra à Katmandou et tenta de mener une politique démocratique, mais mourut en 1955, l’année même où le Népal adhérait à l'Organisation des Nations unies et commençait à établir des relations diplomatiques avec les autres pays.

Le fils de Tribhuvan, Mahendra Bir Bikram, succéda à son père et instaura une monarchie constitutionnelle en 1959 avec, pour la première fois, l’élection au suffrage universel d’un parlement. Le Parti du Congrès forma le gouvernement. En décembre 1960, inquiet de la personnalité charismatique de son premier ministre (Bishewar Prasad Koirala), et des réformes préconisées, le roi déclara le régime «corrompu et inefficace», dissout le gouvernement et le parlement, puis procéda à l’arrestation des ministres et chefs de parti. Deux ans plus tard (1962), une nouvelle constitution entrait en vigueur, la parenthèse démocratique étant terminée, tandis que le roi Mahendra détenait tous les pouvoirs et avait restauré la monarchie absolue.

- Une politique linguistique d'assimilation

Le népali continua de jouer le rôle dominant dans les sphères de l'administration gouvernementale. Cependant, l'hindi conserva des positions tout aussi fortes dans les plaines du sud du Népal, notamment dans le Taraï où l'hindi était devenu la langue d'enseignement dans la plupart des écoles et des universités (jusqu'à 1957). Dans la plupart des université du pays, le népali, l'hindi (Teraï), l'anglais ou le néwari (vallée de Katmandou) servaient de véhicule d'enseignement. À partir de 1957, toutes les langues locales furent interdites dans l'enseignement pour laisser la place au népali. Au nom de l'intégration nationale, le processus de népalisation fut étendu à l'ensemble du pays, surtout au début des années soixante. La quasi-totalité des communautés linguistiques conservèrent leur langue locale, mais le népali devint la langue véhiculaire de la plupart des Népalais. L'article 4 de la Constitution de 1962 a accordé un statut de langue nationale au népali, sans mentionner aucune autre langue: «La langue nationale du Népal est le népali avec l'écriture devanagari.»

En 1971, le nouveau programme d'enseignement a supprimé toutes les langues népalaises, sauf le népali, le néwari, la maithili, l'hindi et l'anglais. Il ne restait plus, avec le népali, que quatre langues autochtones dans les écoles. Mais, à l'exception du népali et de l'anglais, la Commission du service public n'a reconnu dans les faits aucune autre langue. Le gouvernement découragea l'enseignement du néwari, du maithili et de l'hindi, qui devinrent des langues facultatives dans les écoles. Il en fut de même dans les journaux et la radio, où il ne subsista plus que le népali et l'anglais. Cette période fut donc caractérisées par la liquidation des langues des nationalités.

- Un régime autoritaire

Le régime continua d'être autoritaire sous la règne de Birendra Bir Bikram, le fils du précédent Shah. Mais après de violentes émeutes antimonarchistes en 1979, le monarque accepta de soumettre au vote populaire une réforme politique qui introduisait le suffrage universel pour l'élection des conseils locaux (système des Panchayats: avec une démocratie sans partis). Les 112 membres de l’Assemblée législative furent élus au suffrage universel direct et le roi ne désigna plus le premier ministre, puisque celui-ci était automatiquement le chef du parti politique ayant la majorité au Parlement. En 1988, l’agitation sociale reprit et les arrestations succédèrent aux manifestations, alors que la crise avec l’Inde renforçait les revendications.

Les leaders des différentes communautés linguistiques se mirent à critiquer la politique linguistique du gouvernement et exigèrent la mise en oeuvre d'une politique plus libérale en accordant une protection égale à toutes les langues de la nation. Durant les trente ans de politique des Panchayats, les questions touchant les minorités et leurs droits furent évacuées au profit de l'hindouisme de du népali.

- La libéralisation du régime

En 1990, un large mouvement populaire mit fin au pouvoir absolu du roi. Celui-ci fut contraint de céder aux revendications et autorisa les partis politiques. La nouvelle Constitution de 1990 accorda à toutes les langues parlées comme langue maternelle dans les diverses parties du Népal le statut de «langues nationales népalaises».  Les gouvernements démocratiquement élus essayèrent d'encourager le développement et la promotion des langues à la radio, notamment en néwari, en hindi, en magar et en tamang.

La télévision commença la production de quelques téléfilms en langues diverses locales. En mai 1991, le Parti du Congrès remporta les premières élections multipartites, mais la seconde force politique restait le Parti communiste du Népal-Union marxiste-léniniste (CPN-UML). À partir de 1994 commença une période instable où se succédèrent les démissions des premiers ministres, les dissolutions du Parlement et les élections anticipées.

En juillet 1994, de nouvelles élections eurent lieu en novembre et donnèrent 88 sièges au Parti communiste unifié (PCU) contre 83 au Parti du Congrès. Le premier gouvernement communiste de l’histoire du Népal lança une vaste campagne de développement, accordant d'importantes ressources à chaque communauté villageoise. Mais à partir de 1997 la succession des premiers ministres, avec une épisode maoïste, se poursuivit jusqu'à ce que les élections législatives de mai 1999 confirment la victoire du Parti du Congrès.

Le 1er juin 2001, au cours d’un dîner familial, la quasi-totalité de la famille royale était massacrée au cours d'un carnage, dont le roi Birendra, la reine Aishwarya, et au moins huit autres personnes. Le prince héritier Dipendra avait abattu ses parents et ses proches, avant de retourner l’arme contre lui; il mourut trois jours plus tard, mais fut quand même proclamé roi avant de succomber à ses blessures le 4 juin. Son oncle, le régent Gyanendra, frère de Birendra, devint roi du Népal. Contre la thèse officielle du «moment de folie due à une peine de coeur», beaucoup de Népalais crurent à un complot; ce fut aussi la thèse, jamais étayée, des maoïstes qui dénoncèrent une conspiration contre le roi Birendra, trop libéral pour accepter d’utiliser l’armée contre les insurgés.

Le nouveau roi, très impopulaire, a été accusé d’être opposé au multipartisme accepté par le roi Birendra en 1990, et soupçonné de vouloir rétablir un système de monarchie absolue. C’est dans ce contexte plutôt délicat que s'est installée la guérilla maoïste qui semble être soutenue par de nombreuses nationalités sino-tibétaines (Magar, Tamang, Néwari, etc.) et les castes les plus basses de la société népalaise. En fait, la négligence légendaire du gouvernement népalais à l'égard des nationalités dans les zones rurales ou montagneuses favorise l'adhésion aux mouvements maoïstes qui critiquent ouvertement le gouvernement et exigent d'importantes réformes. Des sondages récents révèlent que seulement 2 % des membres des minorités nationales ont vu des changements significatifs à leur égard depuis la promulgation de la Constitution de 1990.

Le roi Gyanendra fit intervenir l’armée pendant que la ronde des premiers ministres démissionnaires continuait. Le climat politique s'est détérioré, pendant que le Népal décrétait l’état d’urgence dans tout le pays et faisait intervenir l’armée contre la guérilla maoïste. Le 1er février 2005, le roi Gyanendra annonçait la dissolution de l'Assemblée nationale pour s'octroyer les pleins pouvoirs, imposait l'état d'urgence et coupait son pays du reste du monde. Toutes les communications furent interrompues, alors que les stations de radios privées en FM ont été contraintes d'annuler leurs programmes d'information. Face à ce coup de force, les partis d'opposition déclenchèrent, le 6 avril 2006, une grève générale destinée à faire plier le souverain et réclamant la convocation d'une assemblée constituante. En mai 2006, le Parlement adopta à l’unanimité une proclamation privant le roi Gyanendra de la quasi-totalité de ses pouvoirs. En vertu de cette proclamation, le Parlement devenait l’autorité suprême du pays et tous les pouvoirs exécutifs de l’État étaient assumés par le Conseil des ministres.

- L'avènement de la République

Dans le cadre d'un accord politique avec les ex-rebelles maoïstes, le gouvernement népalais a accepté d'abolir le régime monarchique, mais cette décision n'entrait en vigueur qu'après les élections prévues en avril 2008. «Le Népal sera une république démocratique fédérale [...] et cette décision sera mise en œuvre après la première réunion de l'Assemblée constituante», avait annoncé un communiqué conjoint des six partis de la coalition gouvernementale et des maoïstes. Cette assemblée constituante a été élue le 10 avril 2008, ce qui assurait la victoire relative des maoïstes en remportant plus du tiers des 601 sièges. La séance inaugurale de l'Assemblée constituante du 28 mai 2008 a aboli la monarchie hindouiste et l'a remplacée par une république. Le 21 juillet suivant, cette assemblée a élu Ram Baran Yadav à la présidence de la République.

Bref, le Népal poursuit son difficile et chaotique apprentissage de la démocratie. La tâche est compliquée en raison de la fragilité du système économique, l'extrême pauvreté, l'analphabétisme, les dissensions ethniques et le taux de croissance démographique. Au point de vue économique, le Népal reste l'un des pays les plus pauvres et les plus sous-développés au monde.

4 La politique linguistique

Le Népal n'a pas une politique linguistique écrite très élaborée.  Elle est partiellement décrite dans la Constitution du 9 novembre 1990, aujourd'hui abrogée.

4.1 Les dispositions constitutionnelles de 1990

Les dispositions constitutionnelles de 1990 sont abrogée depuis l'avènement de la Constitution provisoire de 2007. Néanmoins, ces dispositions demeurent en partie valides. Le paragraphe 1 de l'article 4 de la Constitution de 1990 définissait l'État comme un royaume multiethnique, multilingue et hindou:

Article 4
Le Royaume

1) Le Népal est un royaume multiethnique, multilingue, démocratique, indépendant, indivisible, souverain, hindou, ainsi qu'une monarchie constitutionnelle.

Évidemment, le Népal n'est plus un royaume et l'État népalais n'est plus hindouiste.

L'article 6 était plus précis parce qu'il accordait un statut aux langues népalaises, tout en distinguant la «langue officielle» et les  «langues nationales» :

Article 6

Langue nationale

1) La langue népali dans l'écriture devanagari est la langue nationale du Népal. La langue népali est la langue officielle.
2) Toutes les langues parlées comme langue maternelle dans les diverses parties du Népal sont les langues nationales népalaises.

En effet, le népali, langue maternelle de 43,3 % de la population, est appelé à la fois «langue nationale» (rastra bhasa) et  «langue officielle» (sarkari kamkajko bhasa). Les autres langues sont définies comme les «langues nationales népalaises» (Nepalka rastriya bhasa). Malheureusement, les dispositions constitutionnelles ne précisent pas ce que signifient ces déclarations et les distinctions qui pourraient s'appliquer entre la notion de «langue nationale» et celle de «langue officielle». Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce genre de dispositions peut occasionner des conflits d'interprétation. Par exemple, l'article 9 traitait de la citoyenneté népalaise; selon cette disposition, la loi pourrait exiger qu'un étranger puisse parler et écrire «la langue nationale du Népal» (laquelle?):

Article 9

4) Une fois la Constitution entrée en vigueur, l'acquisition de la citoyenneté népalaise par un étranger peut être réglementée conformément à la loi qui peut, entre autres, exiger les conditions nécessaires suivantes :

(a) qu'il puisse parler et écrire la langue nationale du Népal; [...]

On peut se demander de quelle «langue nationale» il s'agit, mais tout porte à croire que c'était le népali et non toute autre «langue nationale népalaise». Dans les faits, le gouvernement monarchique avait avoir reconnu seulement une douzaine de «dialectes ethniques» (sic) comme langues nationales. De plus, dans ce pays où régnaient les inégalités sociales, la discrimination fondée sur la caste, la religion, la langue ou la race était interdite :

Article 25
Principes directeurs de l'État


3) L'objectif social de l'État sera d'établir et de développer, sur la base de la justice et de la moralité, une saine vie sociale, en éliminant tous les types d'inégalités économiques et sociales et en établissant l'harmonie entre les diverses castes, tribus, religions, langues, races et communautés.

L'article 113 reprenait ce principe de la non-discrimination au sujet des organisations politiques:

Article 113

3) La Commission électorale n'enregistrera pas d'organisation ou de parti politique si un citoyen népalais a été discriminé pour en devenir membre sur la base de la religion, la caste, la tribu, la langue ou le sexe ou si le nom, les objectifs, les insignes ou le drapeau sont d'une telle nature, religieux ou communs, ou tendent à fragmenter le pays.

Quant à l'article 25, il semblait correspondre à une déclaration symbolique dont l'application est demeurée bien aléatoire dans la mesure où il apparaît peu probable de réussir à éliminer les inégalités sociales dans ce pays :

Article 25
Principes directeurs de l'État


3) L'objectif social de l'État sera d'établir et de développer, sur la base de la justice et de la moralité, une saine vie sociale, en éliminant tous les types d'inégalités économiques et sociales et en établissant l'harmonie entre les diverses castes, tribus, religions, langues, races et communautés.

4.2 Les dispositions linguistiques de la Constitution provisoire

Le Népal est aujourd'hui une «république démocratique fédérale», mais les États régionaux n'ont pas encore été constitués. Depuis l'avènement de la République, la lutte contre la discrimination (castes, intouchables, religion, langue, sexe, etc.) semble être devenue le fer de lance du nouveau gouvernement. Cependant, il n'est pas aisé d'éliminer un système traditionnel discriminatoire qui fonctionne depuis plusieurs siècles. La Constitution de 1990 a été abolie et remplacée en 2008 par une constitution provisoire.  La nouvelle Constitution  de la «République fédérale du Népal» devrait être introduite le 28 mai 2010. Sur la base de la Constitution provisoire, le népali demeure encore la langue officielle, mais nul n'est autorisé à empêcher l'usage d'une autre langue maternelle dans les bureaux et organismes locaux de l'État :

Article 5

Langue de la Nation

1)
Toutes les langues parlées comme langue maternelle au Népal sont les langues nationales du Népal.

2) La langue népali avec l'alphabet devanagari est la langue officielle.

3) Nonobstant toute disposition figurant à l'article 2, il ne doit pas être considéré d'empêcher l'usage de la langue maternelle dans les bureaux et organismes locaux. L'État doit traduire les langues ainsi employées comme langue de travail officielle et maintenir un registre à ce sujet.

Toutes les autres dispositions de la Constitution provisoire ne concerne que l'élimination de la discrimination, sauf l'article 17 relatif à l'éducation dans sa langue. 

4.3 La langue officielle

En vertu des Règlements relatifs au Parlement, le népali doit être la langue des écrits et des débats parlementaires à l'Assemblée nationale (Rashtriya Panchayat). Toutefois, certains députés représentant des nationalités s'expriment parfois dans leur langue maternelle, bien que leurs propos ne soient pas traduits. Le problème est quelque peu similaire dans l'administration et la justice.

La langue officielle de l'État demeure le népali. C'est dans cette langue que les juges rendent la justice et que l'Administration fonctionne. Cependant, dans les zones ou régions d'implantation des minorités, surtout sino-tibétaines, les juges se font assister d'interprètes pour faciliter leur tâche lorsqu'il est impossible de faire autrement. Les fonctionnaires, lorsqu'ils sont eux-mêmes membres d'une minorité, s'expriment oralement dans cette langue. Mais les documents écrits ne sont généralement pas disponibles dans les langues minoritaires, sauf dans les services municipaux de quelques municipalités où sont concentrées des minorités. On peut donc affirmer que, au plan du droit, les services dans les langues nationales minoritaires sont quasiment nuls. C'est pourquoi des leaders des communautés ont réclamé plus de services en se basant sur l'article 6 de l'ancienne Constitution de 1990, qui déclarait que «toutes les langues parlées comme langue maternelle dans les diverses parties du Népal sont les langues nationales népalaises».

L'ancienne Loi sur la citoyenneté népalaise (1964), aujourd'hui abrogée, précisait à l'article 6 que, dans le cas où un ressortissant étranger a satisfait aux conditions et aux exigences requises, il peut présenter une demande selon la forme prescrite par l'autorité compétente pour l'obtention d'un certificat de citoyenneté népalaise :
l'une des ces conditions était de pouvoir parler et à écrire dans la langue nationale du Népal. La nouvelle Loi sur la citoyenneté népalaise (2006) accorde la citoyenneté népalaise si la condition suivante est respectée: être capable de lire et d'écrire le népali ou toute autre langue pratiquée au Népal:

Article 5

Acquisition de la citoyenneté par naturalisation

(iv) Le gouvernement du Népal peut accorder la naturalisation tel qu'il est prescrit pour ces citoyens étrangers qui ont contribué spécialement à la promotion de la science, de la philosophie, des arts, de la littérature, de la paix dans le monde, du bien-être humain ou de l'industrie népalaise, des finances ou du développement social, et ont satisfait aux conditions ou aux exigences suivantes:

a. être capable de lire et d'écrire le népali ou en toute autre langue pratiquée au Népal.

L'expression « toute autre langue pratiquée au Népal» paraît ambiguë. Il est possible que ce soit une façon d'autoriser l'usage de l'anglais. Ainsi, l'article 91 de la Loi sur les compagnies (1991) oblige les entreprises à employer le népali, mais pour des raisons de commodité celles-ci ont la possibilité de maintenir leurs compte également en anglais:

Article 91

Comptes de l'entreprise

1) Toute compagnie doit tenir dûment ses comptes en népali. Pour la commodité de la société, les comptes peuvent être maintenus en anglais également. Mais au cas où les comptes soient maintenus dans ces deux langues, ceux maintenus en népali doivent être considérés comme officiels.

De plus, L'article 6 du Règlement sur les communications par radio (permis) de 1992 exige comme condition pour obtenir un permis de radio amateur de bien parler et d'écrire les langues népali et anglaise:

Article 6

Radio amateur

(1) L'autorité responsable des permis peut émettre un permis d'opérateur de contrôle ou de radio amateur à toute personne ayant les qualifications suivantes:

(a) être un citoyen népalais citoyen et avoir atteint l'âge de 16 ans;

(b) être capable de bien parler et d'écrire les langues népali et anglaise;

La Cour suprême du Népal a rendu un important jugement le 1er juin 1999.  Dans son arrêt, la Cour a décidé que l'utilisation des «langues ethniques» dans les bureaux administratifs de l'État était «inconstitutionnelle et illégale». Elle a donc interdit l'usage des langues locales dans les municipalités et les comités de développement des zones minoritaires.  Cette décision a causé un grand ressentiment parmi les leaders des différentes nationalités. À présent, tous les groupes ethniques au Népal estiment qu'ils sont éclipsés par le «chauvinisme linguistique et culturel des Kha». Cette situation a certes entraîné des sentiments hostiles de la part des nationalités. D'ailleurs, des incidents sanglants ont récemment eu lieu au Népal oriental, où des habitants ont chassé des brahmanes de leurs villages et ont brûlé leurs maisons. Il s'agit là de rares incidents violents, car jusqu'ici les soulèvements ethniques avaient été pacifiques.

De plus, les services gouvernementaux auprès de la population sont très critiqués par les représentants des communautés ethniques. La plupart estiment que leurs membres ne sont pas suffisamment représentés dans les services publics. Par exemple, 97 % des Dhimal, 85 % des Lepcha, 83 % des Yolmo et des Satar, 78 % des Thakali et 71 % des Magar croient qu'ils n'ont pas une juste représentation de leur communauté dans l'Administration, mais seulement 27 % des Gurung et 23 % des Limbu partagent cet avis. Les emplois préférés par les nationalités sont, dans l'ordre, la fonction publique (34 %), les forces armées (17 %), la police (12 %), le service militaire à l'étranger (10 %), les organisations publiques (9 %) et les postes à l'étranger (8 %). Évidemment, les minorités nationales non indo-iraniennes sont pratiquement exclues de la plupart de ces postes. Cela dit, tous les groupes estiment qu'il devrait y avoir des quotas pour les membres des minorités dans l'Administration. N'oublions pas que moins il y a d'employés appartenant aux minorités dans les services gouvernementaux, moins il y a de services dans les langues minoritaires.  Le nouveau gouvernement de 2008 veut réorganiser le pays et instaurer des mesures positives à l'égard des minorités.

L'aspect le plus positif de la mobilisation ethnique a entraîné la fondation de la Fédération des nationalités du Népal (Nepal Janajati Mahasamgha) afin de combattre le chauvinisme des Kha. En mars 2000, cette fédération a organisé une Conférence nationale sur les droits linguistiques, alors que quelque 75 organisations ethniques ont adopté quatre résolutions importantes: adoption d'une Déclaration nationale sur les droits linguistiques, rejet du verdict de la Cour suprême comme étant non démocratique et contre les normes universelles et les valeurs des droits humains, réalisation immédiate d'une enquête sur les langues minoritaires et formation d'un comité des langues afin de coordonner les actions à entreprendre. Les nationalités comptent beaucoup sur les mesures prévues dans l'éventuelle nouvelle Constitution de 2013.

4.2 La politique relative à l'éducation

L'école est obligatoire pour tous les enfants népalais entre la 6e et la 11e année, du moins en principe. Comme dans de nombreux pays en voie de développement, les garçons fréquentent plus régulièrement l'école que les filles. En 1990, un tiers des enfants âgés entre 12 et 17 ans étaient scolarisés; en 1995, le taux d’alphabétisation était de 61 %, mais trois Népalais sur quatre, âgés de plus de 15 ans, ne savaient ni lire ni écrire, et les femmes représentaient plus des deux tiers des analphabètes. 

- La politique éducative générale

La politique de l'État népalais en matière d'éducation paraît assez nébuleuse, particulièrement en ce qui concerne les langues. Les objectifs de l'enseignement, tels qu'ils ont été définis par la Commission nationale de l'éducation, sont les suivants :

1) favoriser les possibilités d'épanouissement du talent et de la personnalité propres à chacun;
2) œuvrer en faveur d'une vie sociale saine grâce à la promotion de normes sociales universelles comme des valeurs sociales et des croyances nationales;
3) renforcer la cohésion de la société en favorisant l'intégration sociale de tous ses membres;
4) aider les individus à vivre en harmonie au sein de la société moderne en s'assurant que le contexte national soit le reflet de leur propre identité;
5) valoriser les ressources humaines en vue de moderniser et de développer le pays;
6) promouvoir la sauvegarde de la nature et des ressources nationales et faire en sorte qu'elles soient utilisées au mieux;
7) aider les catégories peu avancées et défavorisées à participer à l'évolution générale du pays.

Rien pour la langue! Le 9e programme en éducation de 1998 précisait, entre autres, les stratégies suivantes: développer l'école maternelle, développer et étendre l'enseignement primaire et secondaire (premier et deuxième cycles), instaurer l'enseignement primaire obligatoire, lancer une campagne nationale d'alphabétisation, décentraliser la gestion de l'enseignement pour permettre l'amélioration des compétences et la participation active de la population locale. Dans le cadre de sa politique adoptée, le gouvernement veut améliorer l'enseignement primaire, puis le rendre obligatoire et le répandre dans tout le pays.  Par ailleurs, des dispositions seraient prises pour dispenser l'enseignement primaire aux enfants dans leur langue maternelle. 

Malheureusement, les écoles népalaises ne sont guère en bonne santé. D'abord, la politique de l'enseignement obligatoire n'est pas toujours appliquée, la fréquentation de l'école primaire souffre d'une grande disparité entre les filles et les garçons, le taux d'abandons scolaires parmi les élèves est élevé et la qualité de l'enseignement dans les établissements publics laisse beaucoup à désirer, sans oublier que les écoles manquent de locaux, d'équipements et de personnel. Les résultats obtenus dans l'enseignement primaire se révèlent plutôt médiocres: en raison du grand nombre d'abandons scolaires et de redoublements, il faut plus de 11 ans en moyenne pour terminer les cinq années d'études primaires. Le système d’éducation public semble dans état tellement lamentable que les Népalais qui peuvent se le permettre placent toujours leurs enfants dans des écoles privées, avec la garantie de réussite à l’inscription. Pour leur part, les classes privilégiées de la société, c'est-à-dire les politiciens, les fonctionnaires et autres élites, préfèrent envoyer leurs enfants dans les pays étrangers où ils obtiendront une instruction de qualité, car toutes ces élites n'ont aucune foi dans leur propre système d'éducation.

- La politique éducative à l'égard des nationalités

La Constitution de 1990 prévoyait protéger la langue maternelle des différentes communautés linguistiques du pays.  En effet, l'article 18 de la Constitution énonçait ce qui suit:

Article 18
Droit culturel et éducatif


1) Toute communauté résidant dans le royaume du Népal a le droit de préserver et de promouvoir sa langue, son écriture et sa culture.

2) Toute communauté a le droit de faire fonctionner des écoles jusqu'au niveau primaire dans sa propre langue maternelle pour la communication de l'éducation à ses enfants.

L'article 17 de la Constitution provisoire de 2007 reprend à peu près les mêmes dispositions:

Article 17

Droit à l'éducation et à la culture

1)
Chaque communauté a le droit de recevoir une instruction de base dans sa langue maternelle, tel qu'il est prévu par la loi.

2) Tout citoyen a le droit de recevoir une éducation gratuite de l'État jusqu'au niveau secondaire, tel qu'il est prévu par la loi.

3) Chaque communauté résidant au Népal a le droit de préserver et de promouvoir sa langue, son écriture, sa culture, son patrimoine culturel et ses coutumes.

Cela signifie qu'en principe tous les membres de minorités nationales ont le droit de recevoir leur instruction primaire dans leur langue. Pour toutes sortes de raisons, ces droits ne se transposent pas nécessairement rarement même dans la réalité. D'abord, la langue d'enseignement est généralement le népali, alors que la langue seconde étudiée est, à part le sanskrit, l'anglais. Ce régime est appliqué normalement dans toutes les écoles, surtout dans les villes. Les minorités indo-iraniennes, parlant le maithili, le bhojpouri, l'adwadhi, le tharu et l'hindi, bénéficient d'un enseignement dans leur langue dans la plupart des écoles primaires. C'est plus difficile pour les communautés sino-tibétaines, car seules quelques langues sont enseignées durant les premières années du primaire. Citons le néwari, le limbu, le magar, le tamang, le sherpa et le gurung pour les communautés importantes (plus de 30 000 locuteurs); le baragaunle, le bujhyal, le chepang, le nubri, le tsum et le keccya pour les petites communautés (moins de 5000 locuteurs). Au secondaire et à l'université, les langues minoritaires sont inexistantes, sauf évidemment pour le népali (majoritaire).

Dans les régions éloignées, surtout lorsqu'il n'y a pas d'écoles, des programmes scolaires sont régulièrement diffusés dans quelques langues locales par la radio nationale. Cependant, dans les zones urbaines, l'enseignement au primaire (et au secondaire) est dispensé presque exclusivement en népali. Les groupes des droits de l'homme protestent parce que beaucoup de petites communautés sont en train de s'éteindre et que les nationalités non hindoues (généralement bouddhistes) perdent leur culture. Les groupes ethniques du Népal tentent de combattre la discrimination dont ils font l'objet en raison de l'imposition obligatoire du sanskrit comme matière dans les écoles et l'utilisation exclusive du népali comme langue véhiculaire du pays. Les mouvements maoïstes, pour leur part, se montrent compatissants envers les minorités et exigent que celles-ci aient une plus grande autonomie dans les secteurs où elles sont en majorité, par exemple en éducation.

Malgré l'éducation gratuite et obligatoire dans les écoles primaires du Népal, le taux de participation de la part des minorités ethniques n'atteint que les 30 %, soit deux fois moins élevé que pour l'ensemble du pays. Chez les filles, le taux d'alphabétisation est presque dérisoire: parfois moins de 15 %. Autrement dit, les minorités sont nettement sous-scolarisées. Pourtant, depuis le recensement de 1991, le nombre des locuteurs parlant des «langues indigènes» (comprendre les langues sino-tibétaines) aurait connu une augmentation de 36,4 %, contre seulement 22 % pour les populations de langues indo-européennes. Certaines raisons expliqueraient cette situation quelque peu anormale. Plusieurs communautés ne possèdent aucune tradition culturelle en matière d'éducation et empêchent souvent les filles de s'instruire en les incitant à quitter l'école vers l'âge de 12 ans afin de s'occuper des plus jeunes ou aider aux travaux des champs, les filles étant encore utilisées comme une source de revenu pour la famille. Les écoles rurales sont généralement sous-équipées et manquent de tout, même d'eau potable. De plus, ces écoles souffrent d'une pénurie d'enseignants (surtout chez les femmes) ou reçoivent du personnel mal formé et ignorant tout de la langue et de la culture locale. Il y aurait aussi la question des castes: les enseignants appartenant à des castes plus élevées ne s'intéressent pas aux enfants des castes basses ou impures, ce qui créée des problèmes insurmontables.

De façon générale, les enseignants préfèrent demeurer dans les villes plutôt que de s’installer dans de petits villages de montagne; beaucoup de ces écoles n’ont pas de professeurs.  Pour l'école obligatoire, on repassera, d'autant plus qu'elle reste ségrégationniste en raison du système des castes, mais également en raison de l'appartenance ethnique et de la langue. La disparité dans l'éducation est si flagrante dans le cas des communautés ethniques que qu'elles ne comptent pas 6 % de la clientèle universitaire, alors qu'elles auraient techniquement la possibilité d'atteindre les 20 %. Au Népal, l'éducation sert à intensifier la disparité entre les classes et probablement accentuer les conflits sociaux, économiques et politiques. Une étude a démontré que le facteur économique, spécifiquement les dépenses scolaires (comme les vêtements, les livres, la papeterie, etc.), restait l'obstacle principal à l'accès aux écoles. Il faut dire aussi que, d'après un sondage effectué à la fin des années quatre-vingt-dix, 42 % des parents appartenant aux minorités nationales préféraient que leurs enfants reçoivent leur instruction en népali, 29 % en anglais et seulement 28 % dans leur langue maternelle. Toutefois, seuls les membres des minorités parlant le népali pouvaient répondre au sondage, ce qui laisse planer quelques doutes sur la représentation du sondage et sur l'intérêt que porte le gouvernement aux politiques concernant les nationalités.

Par ailleurs, selon le gouvernement népalais, des programmes conçus à l'intention des groupes autochtones devraient être lancés prochainement dans les régions exposées à la pauvreté. On peut citer, entre autres, le programme de développement des «régions reculées», le programme visant à améliorer la situation des «groupes ethniques peu avancés», les programmes en faveur des «groupes démunis», les programmes d'aide aux «familles rurales sans terre», un programme visant à offrir des facilités de prêt aux «petits propriétaires terriens», un programme visant à procurer des logements et des terres arables à des «groupes ciblés», un programme d'emploi à l'intention des pauvres et des personnes sans emploi des zones urbaines. Il reste peu pour la promotion des langues nationales népalaises. Ce n'est pas pour rien que les petits groupes ethniques vivant dans les montagnes reculées demeurent les plus vulnérables. Souvent, les enfants des minorités sont illettrés et deviennent des victimes faciles pour le régime.

4.3 Les médias

Au cours des années cinquante, le gouvernement népalais a tenté d'éliminer la concurrence entre les langues en privilégiant le népali et l'anglais. Depuis, le gouvernement est revenu à une politique plus libérale en reconnaissant d'abord sept langues (le népali, l'anglais, le néwari, l'hindi, le gurung, le limbu et le gorkha), puis plusieurs autres ensuite, dans les médias électroniques. 

Radio-Népal, qui diffuse essentiellement en népali, émet des bulletins d'informations à intervalles réguliers, soit à toutes les heures, à partir de 6 heures jusqu'à la fin des transmissions. Les bulletins d'informations sont en anglais à 8 h, 14 h et 20 h. D'autres bulletins sont diffusés en d'autres langues nationales, notamment en magar, gurung, tamang, rai bantawa, limbu, néwari, bhojpouri, hindi, ourdu, tharu de l'Est et tharu de l'Ouest, awadhi, sherpa, maithili, sanskrit, kham magar et doteli. La Nepal Television (NTV) diffuse, elle aussi, en népali, mais des bulletins d'informations paraissent en anglais.

Dans les médias écrits, on comptait en avril 2001 quelque 185 journaux et magasines. La plupart des journaux sont diffusés en népali, dont Bimarsha, Gatibidi, Gorkhapatra, Janadharana, Janmabhoomi, Kantipur, Kosheli, Mahanagar, Samachar Patra, Sandhya Times, Saptahik, Satyagraha, etc. Plusieurs paraissent en anglais: Kathmandu Post, The Rising Nepal, The Explore Nepal Weekly, The Nepali Times, The Sunday Post, etc. La plupart des hebdomadaires sont publiés en langue népali (Deshanter, Chalphal, Dristi, Budhabar, Jana Aastha et Sapthahik Bimarsha. Les hebdomadaires de langue anglaise sont Spotlight, Sunday Despatch, Sunday Post, The Independent, The Telegraph, The People's Review, The Nepali Times, etc. Pour les journaux publiés dans les langues minoritaires, il faudra repasser, car ils sont pratiquement inexistants.

Le Népal n'a pas développé jusqu'ici une attitude très positive à l'égard de ses langues minoritaires. En effet, toute la politique linguistique est axée sur le népali, la langue officielle du pays, puis sur l'anglais. Il en résulte une politique extensive pour le népali, restrictive pour les autres langues nationales. Le fait que le népali soit à la fois langue officielle et langue nationale réduit ainsi le statut des autres langues nationales avec les conséquences que l'on constate.  Les différentes nationalités du Népal tentent bien de combattre la discrimination dont elles font l'objet en raison de l'imposition obligatoire du népali dans les écoles, mais jusqu'ici les résultats semblent avoir été médiocres. Ce n'est pas par hasard si les mouvements maoïstes connaissent beaucoup de succès auprès de ces mêmes communautés. C'est pourquoi, également, les minorités espèrent que la nouvelle Constitution prévue en 2013 contiennent des mesures plus positives à leur égard. Après tout, elles ont appuyé le nouveau régime.

Par ailleurs, dans un pays où règne encore de grandes discriminations, les langues des minorités indo-iraniennes semblent mieux tolérées que celles des minorités sino-tibétaines. Le sort que le régime monarchique réservait à ces dernières dans les écoles, les tribunaux et les services étaient inacceptables, car les droits linguistiques étaient nettement insuffisants. En fait, la non-intervention légendaire des anciens gouvernements népalais a réservé des surprises de taille, car les maoïstes y ont trouvé là un terreau fertile au mécontentement. Maintenant que le régime monarchique féodal a été abolie, beaucoup de Népalais espèrent trouver dans le nouveau régime des réponses à leur espoir. Mais les humains restent des humains: d'une part, il ne sera pas possible de combler les désirs de chacun, d'autre part, il y aura beaucoup de Népalais déçus du nouveau régime.  Il ne sera pas aisé de bouleverser des siècles de discrimination, qu'elle soit linguistique ou autre.

Dernière mise à jour: 23 déc. 2023

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