République argentine

Argentine

3) Politique linguistique
relative à l'espagnol

Plan de l'article

1 La politique de non-intervention
1.1 Le statut de la langue espagnole
1.2 Les projets de loi avortés
1.3 L'Académie argentine des lettres

2 La politique linguistique en matière de législation et de justice
2.1 La langue du Parlement fédéral
2.2 La langue des tribunaux et la traduction

3 L'administration publique
3.1 La nationalité argentine
3.2 L'enregistrement de documents
3.3 Le commerce et les langues
4 L'éducation en Argentine
4.1 Le système d'éducation argentin
4.2 L'enseignement de l'espagnol
4.3 L'enseignement des langues étrangères
4.4 L'enseignement supérieur

5 Les médias argentins
5.1 La concentration des médias
5.2 La presse écrite
5.3 La presse électronique
5.4 L'autorité de régulation
5.5 La législation sur les médias

 

1 La politique de non-intervention

Il existe deux types de politique linguistique. La première a trait à l'espagnol (ou espagnol argentin), la seconde aux langues autochtones, appelées officiellement en Argentine lenguas aborígenes, littéralement «langues aborigènes» (voir la carte linguistique détaillée).

1.1 Le statut de la langue espagnole

L'Argentine est l'un des pays sans langue officielle déclarée de jure ni par la Constitution nationale, ni par une loi ou un décret. L’espagnol est néanmoins la langue officielle de facto, bien qu'il soit rarissime de trouver dans certains contextes administratifs l'expression «langue officielle».

En réalité, les textes officiels emploient généralement les termes suivants: idioma nacional, idioma español, idioma castellano, idioma oficial, lengua nacional, lengua castellana, lengua española et castellano. Les mots les plus fréquemment employés pour désigner l'espagnol sont, dans l'ordre, idioma nacional, idioma castellano et idioma español. Lorsqu'on lit les textes juridiques argentins, c'est l'expression idioma nacional qui revient la plus fréquemment pour désigner la langue espagnole. Bref, le terme idioma semble préféré à celui de lengua (voir la différence entre les deux termes) et le terme español à celui de castellano (voir la différence entre les deux termes). Pour l'Argentine, le terme espagnol est l'appellation standard utilisée par la majorité des constitutions latino-américaines de langue espagnole. Quant à castillan, c'est le terme qui renvoie à une variété régionale de l'espagnol. Voir à ce sujet le document Accord-cadre pour l'enseignement des langues (1998), article 4.

1.2 Les projets de loi avortés

Avec une population aussi homogène sur le plan linguistique, l’Argentine n’a pas besoin de politique linguistique. Elle n’a qu’à pratiquer la non-intervention en matière linguistique, du moins en ce qui a trait à la langue espagnole. D’ailleurs, la Constitution de 1994 ne contient aucune disposition au sujet de la langue officielle qu'on appelle généralement «langue nationale». 

En 1991, un député, Jorge R. Vanossi, avait présenté un projet de loi au Parlement fédéral. L'article 1er du projet de loi proclamait «le castillan ou l'espagnol avec ses caractéristiques dialectales d'usage perpétuel dans le territoire de la nation» comme la langue officielle:

Article 1er  [non adopté]

La langue castillane ou espagnole avec ses caractéristiques dialectales d'usage perpétuel dans le territoire de la Nation est la langue officielle et nationale de la République argentine et les règles de la présente loi sont de juridiction fédérale.

Article 3 [non adopté]

La langue castillane ou espagnole est d'emploi obligatoire sur tout le territoire de la nation pour la rédaction des lois, décrets et résolutions officielles; les documents publics; les actes et documents notariaux; les prestations et sentences judiciaires; les conventions, les contrats et les accords dans lesquels font partie l'État national, les États provinciaux ou les municipalités, ou dans lesquelles interviennent les ministères publics; s'il s'agit déjà d'instruments à caractère interprovincial, provincial, national ou international.

Cependant, ce projet de loi n'a jamais été adopté, les députés jugeant une telle loi tout à fait inutile et non avenue. On trouvera le texte original (Ley del idioma) et en version française (en traduction) en cliquant ICI, s.v.p.

Quelques années plus tard, en 1994, le secrétaire à la Culture, Jorge Asís, avait présenté un autre projet de loi sur l'espagnol intitulé Ley de Preservación de la Lengua Castellana (''Loi sur la préservation de la langue castillane''). L'article 1er déclarait le castillan comme langue officielle:

Article 1er  [non adopté]

Le castillan, qui est déclaré la langue officielle de la République, est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine culturel de l'Argentine et il doit être protégé dans son intégrité.

Les députés argentins y ont vu dans ce second projet de loi une réaction «nationaliste» face aux dangers appréhendés de la langue anglaise; certains députés y ont vu aussi une imitation de la loi Toubon française adoptée la même année (1994). Si le projet de loi de 1991 a été rejeté dans une certaine indifférence, le projet de loi de 1994 a, au contraire, suscité de violentes polémiques en Argentine. Les politiciens ont par la suite décidé d'exclure l'État de tout rôle dans la réglementation en matière de langue pour transmettre ce type de responsabilité aux intellectuels et communicateurs. On trouvera les versions espagnole et française (en traduction) du texte en cliquant ICI, s.v.p.

1.3 L'Académie argentine des lettres

À la rigueur, il paraissait acceptable que l'Académie argentine des lettres (''Academia Argentina de Letras'') demeure le seul organisme national pour agir sur la langue, et ce, d'autant plus que son activité était cautionnée par l'Académie royale espagnole (''Real Academia Española''), qui détient toujours l'exclusivité de l'autorité en matière d'intervention sur le castillan (espagnol). Or, l'article 3 du Décret créant l'Académie argentine des lettres (1931) ne va pas très loin en ce qui concerne les fonctions de l'Académie argentine des lettres dans la mesure où il s'agit davantage de vœux pieux que de moyens précis visant la promotion de la langue nationale:

Article 3

Les fonctions de l’Académie argentine des lettres sont les suivantes:

a) Donner une unité et une expression à l'étude de la langue et des productions nationales, afin de préserver et d'accroître le trésor de la langue et des formes vivantes de notre culture;

b) Comprendre tout ce qui concerne la création, le discernement et la réglementation des prix littéraires institués ou à instituer par la Nation;

c) Stimuler les moyens de rehausser, dans ses multiples aspects, le concept de théâtre national, en tant que facteur important de l’éducation et de la culture populaire;

d) S'assurer de l'exactitude et de la pureté de la langue, en intervenant seul ou en conseillant tous les départements nationaux, provinciaux ou privés qui en font la demande.

À l'exception d'une Loi sur la langue des signes adoptée en 1995 par la province de Buenos Aires, les politiciens argentins se sont s'est bien gardés d'adopter tout autre projet de loi linguistique ayant trait à la langue espagnole.

2 La politique linguistique en matière de législation et de justice

Toute la vie sociale, politique, culturelle et économique ne se déroule qu’en espagnol. Ainsi, la langue de la législature est l’espagnol et il en est de même dans les cours de justice. C’est donc un pays unilingue espagnol.

2.1 La langue du Parlement fédéral

Rappelons que l'Argentine est une fédération de 23 provinces et d'une ville autonome. Le Congrès est l’organisme qui dispose du pouvoir législatif et il est formé de deux chambres:

• Le Sénat, composé de 72 sénateurs, soit trois par province, a pour but principal la représentation de ces provinces et est présidé de droit par le vice-président de la Nation. Les mandats des sénateurs durent six ans et sont renouvelables par tiers tous les deux ans.

• La Chambre des députés, composée de 257 députés élus également par province, avec un nombre de députés proportionnel à la taille de la province. Les mandats de ceux-ci durent quatre ans et sont renouvelables par moitié tous les deux ans.

Le Règlement de la Chambre des députés (1990) ne compte qu'un seul article portant sur les langues; cet article 213 ne concerne pas l'espagnol, mais plutôt sur les employés du Bureau d'information parlementaire, qui doivent connaître ou l'anglais ou l'allemand, l'espagnol étant sans doute considéré comme un préalable:

Article 213

Personnel d'information parlementaire


Les employés du Bureau d'information parlementaire seront embauchés au secrétariat de la Chambre au moyen d'un concours de sélection, dont les bases régiront la présidence de la Chambre. Ils
doivent également connaître deux langues étrangères, l’anglais ou l’allemand, l’une d’elles.

2.2 La langue des tribunaux et la traduction

En ce qui concerne les tribunaux, l'espagnol (appelé castillan) est de mise partout. Ainsi, l'article 32 du Règlement sur le pouvoir judiciaire (1953) impose cette langue: 

Article 32

1) Tous les documents doivent être présentés exclusivement à l'encre noire. Les avocats et les procureurs doivent apposer leurs signatures et indiquer le numéro d'enregistrement de leur inscription.

2) Les documents soumis doivent être rédigés en castillan avec des lettres claires ou dactylographiées.

3) Les documents dont l'état ou la langue ne permet pas une lecture facile doivent être accompagnés d'une copie ou d'une traduction.

Plusieurs articles du Code civil (2018) traitent de la langue employée. Le document utilise les termes «langue nationale» ("idioma nacional") et «castillan» ("castellano") pour parler de la langue des testaments. Cependant, pour les actes sous seing privé, les parties peuvent les rédiger dans la langue et avec la procédure qu’ils jugent la plus appropriée. De plus, un testament olographe peut être écrit dans n’importe quelle langue.  

Article 190

Lorsqu'une ou les deux parties contractantes ignorent
la langue nationale, elles doivent être assistées par un traducteur public agréé et, en l'absence d'une telle partie, par un interprète reconnu compétent, en abandonnant dans ces cas la preuve de l'inscription.

Article 999

Les documents doivent être rédigés
dans la langue nationale
. Si les parties ne la parlent pas, l'acte doit être fait en totale conformité avec une note signée par les mêmes parties en présence du notaire qui attestera l'acte et la reconnaissance des signatures; si les parties ne l'ont pas signée en sa présence, elle doit être traduite par un traducteur public, et s'il n'y en a pas, le juge doit en désigner un. Les procès-verbaux et leur traduction doivent être notariés.

Article 1020

Pour les actes sous seing privé, il n’y a aucune procédure particulière. Les parties peuvent les rédiger
dans la langue et avec la procédure qu’ils jugent la plus appropriée.

Article 3641

Le testament olographe doit être écrit précisément avec des caractères alphabétiques et peut être rédigé
dans n’importe quelle langue.

Article 3663

Si l'auteur d'un testament ne peut pas tester autrement que dans une langue étrangère, la présence de deux interprètes chargés de la
traduction en castillan est requise et le testament doit alors être rédigé dans les deux langues. Les témoins doivent comprendre les deux langues.

Article 3700

Les témoins doivent comprendre
la langue du testateur et la langue dans laquelle le testament est rédigé.

Dans le Code contentieux administratif et fiscal de la ville de Buenos Aires (1999), il est prescrit d'utiliser «la langue nationale» dans tous les actes de la procédure, sinon il faut faire appel à un traducteur agréé:

Article 99

Langue

Désignation d'un interprète

Dans tous les actes de la procédure,
la langue nationale doit être utilisée. Lorsque la personne qui doit faire une déclaration ne connaît pas la langue, le tribunal fait appel à un traducteur public. Un interprète est désigné lorsqu'un sourd, un muet ou un sourd-muet doit être interrogé, ce qui ne peut être compris que par un langage spécialisé.

Article 107

Documents en langue étrangère

Lorsque les documents sont présentés dans une langue étrangère, ils doivent être
accompagnés d'une traduction effectuée par un traducteur agréé du secteur public.

On trouve les mêmes dispositions dans le Code civil et commercial (2015):

Article 115

Langue, désignation de l'interprète

Dans tous les actes de la procédure, la
langue nationale doit être utilisée. Lorsque la personne qui doit faire une déclaration ne la connaît pas, le juge ou le tribunal désignera d'office un traducteur public. Un interprète doit être désigné au moment de l'interrogatoire d'un sourd, d'un muet ou d'un sourd-muet qui ne peut être compris que par un langage spécialisé.

Article 123

Documents en langue étrangère


Lorsque des documents sont présentés dans une langue étrangère, leur
traduction doit être faite par un traducteur public agréé.

L'article 66 du Code de commerce (2010) mentionne que les «livres de commerce» ("libros de comercio") admis au tribunal doivent être «dans la langue du pays», un énoncé pour le moins ambigu, car on peut croire qu'il s'agit de la langue d'un pays étranger. Cependant, si ces livres comptables appartiennent à des hommes d’affaires étrangers et s'ils sont rédigés dans une langue différente, ils devront être préalablement traduits en espagnol :

Article 66

Les livres de commerce à admettre au tribunal doivent être dans la langue du pays. S'ils appartiennent à des hommes d’affaires étrangers, s'ils sont dans une langue différente, ils seront préalablement traduits, dans la partie liée à l'affaire, par un interprète désigné d’office.

Dans le Code de procédure pénale fédérale (2019), il est formellement énoncé que, dans tous les actes de procédure, la «langue nationale» doit être utilisée, et que si le justiciable ne la comprend pas, le recours à un interprète est nécessaire :

Article 70

Liberté de déclaration


[...]

Si, du fait d'une impossibilité physique, l'accusé ne peut pas entendre ou s'exprimer verbalement,
ou qu'il ne comprend pas la langue nationale, il aura le droit de désigner son propre traducteur ou interprète, mais s'il ne le désigne pas il en recevra une aux frais de l'État afin de pouvoir en transmettre le contenu de l'acte ou de l'audience.

Article 106

Langue

Dans tous les actes de procédure,
la langue nationale doit être utilisée. Le cas échéant, un format et un langage accessibles sont utilisés. Si l'un des participants ne pouvait pas l'entendre ou le comprendre en raison de son impossibilité physique, un traducteur ou un interprète doit être nommé et/ou fournir le soutien nécessaire pour garantir sa compréhension et une communication adéquate. Lorsqu'un justiciable ne s'exprime pas dans la langue nationale, sa déclaration doit être enregistrée dans les deux versions dans la mesure du possible.

Article 288

Procédure orale

Toute intervention de ceux qui participent au débat doit se faire oralement. Les résolutions seront dictées et justifiées oralement par les juges et doivent être comprises comme notifiées dès le moment de leur prononcé qui sera enregistré dans le compte rendu du débat.

Les juges n'accepteront pas la présentation d'arguments ou de requêtes par écrit au moment de l'audience, sans préjudice d'autoriser les parties à recourir à des notes comme aide-mémoire.

Toutefois, ceux qui ne peuvent pas parler ou
ne savent pas le faire dans la langue nationale interviendront par écrit ou par l’intermédiaire d'un interprète.

Les articles 5 et 6 de la Loi n° 20.305 réglementant l'exercice de la profession de traducteurs publics (1973) prévoient qu'un traducteur public a pour fonction de traduire les documents d'une langue étrangère vers la langue nationale (espagnol) et que tout document présenté dans une langue étrangère devant un organisme public ou judiciaire doit être accompagné de la traduction correspondante dans la langue nationale :

Article 5

Le traducteur public a pour fonction de traduire les documents de la langue étrangère vers la langue nationale et inversement, dans les cas prévus par la loi ou à la demande d'une partie intéressée.

Article 6

Tout document présenté dans une langue étrangère devant des agences, des entités ou des organismes publics, judiciaires ou administratifs de l'État national, d'une municipalité, de la ville de Buenos Aires ou du territoire national de la Terre de Feu, de l'Antarctique argentine et des îles de l’Atlantique-Sud, doit être accompagné de la traduction correspondante dans la langue nationale, souscrite par un traducteur public enregistré dans la juridiction où le document est présenté.

Finalement, l'article 150 du Règlement sur les tribunaux nationaux (1953) prescrit pour les traducteurs la nationalité argentine, l'âge de 25 ans au minimum et les compétences linguistiques dans la langue concernée:

Interprètes

Article 150

Pour la désignation d'un interprète officiel, la nationalité argentine est exigée. Celui-ci doit être âgé de 25 ans et avoir prouvé ses compétences par un titre national, le cas échéant, dans les langues pour lesquelles le pouvoir exécutif le désigne.

Bref, la langue des tribunaux argentins est l'espagnol, hormis certaines dispositions éventuellement prévues, comme nous le verrons, à l'égard des langues autochtones. Dans le cadre de cet article, il s'agit des tribunaux sous la juridiction du gouvernement fédéral, pas ceux des provinces ou des municipalités.

3 L'administration publique

Étant donné que la vaste majorité des citoyens argentins parlent l'espagnol, il ne faut pas se surprendre que cette langue soit obligatoire dans l'administration publique. Tant au plan administratif que judiciaire, les documents écrits doivent être présentés sous une forme lisible dans la «langue nationale», alors que les documents étrangers doivent être traduits par un traducteur public agréé. Le Décret n° 1883/91 sur la réglementation de la procédure administrative (1991) est très clair à ce sujet :
 

Article 15

Présentation des documents

1)
Les documents doivent être écrits à la main ou dactylographiés à l’encre, sous une forme lisible, dans la langue nationale, en conservant toutes les modifications testamentaires et les mots interlinéaires. Ils porteront dans la partie supérieure le tarif ou le résumé de la requête.

[...]

Article 28

Documents certifiés de juridiction étrangère. Traduction.

Les documents émis par une autorité étrangère doivent être dûment certifiés s'il est exigé par l'autorité administrative. Les textes rédigés dans une langue étrangère doivent être accompagnés d'une traduction correspondante effectuée par un traducteur agréé.

Au besoin, l'Office des brevets ("Oficina de patentes"), un organisme de l'INPI, l'Instituto Nacional de la Propiedad Industrial (l'Institut national de la propriété industrielle), peut demander le document original avec sa traduction correspondante en espagnol s'il est présenté dans une autre langue. Par exemple, l'enregistrement d'une marque ou d'une raison sociale est nécessaire pour différencier les produits ou les services détenus par une entreprise, ce qui permet l'obtention d'un titre de propriété et le droit exclusif sur celui-ci.

3.1 La nationalité argentine

La législation argentine offre une variété de mécanismes pour accorder la citoyenneté aux ressortissants étrangers : par la naissance, par le droit foncier, par un mariage légal avec un citoyen du pays ou par naturalisation. L'article 3 de la Loi organique sur la nationalité argentine (2004) énonce que la citoyenneté est refusée aux individus qui ne peuvent pas lire, ni écrire et ni s’exprimer de manière intelligible dans la «langue nationale» :

Article 3

Ne peuvent pas obtenir la naturalisation:

a) Ceux qui n’ont pas de profession, d’emploi ou de métier connu, ni de revenus, ni de moyens de subsistance honnêtes;

b) Ceux qui ne peuvent pas lire, ni écrire et ni s’exprimer de manière intelligible dans la langue nationale;

c) Ceux qui ne connaissent pas, bien que sous une forme élémentaire, le contenu de la Constitution nationale, l'histoire et la géographie argentines;

Par contre, la Loi n° 21.795 sur la nationalité et la citoyenneté (1978) accorde la citoyenneté à toute personne qui, entre autres, certifie savoir lire, écrire et s’exprimer, sous une forme intelligible, dans la «langue nationale» :

Article 3

Sont des citoyens argentins:

e) Les personnes nées à l'étranger, originaires de mère ou de père argentins, à la demande de l'auteur de l'autorité parentale.
La même requête doit être déposée devant le tribunal fédéral compétent au domicile du demandeur dans les cinq années suivant la date de naissance. Toute personne intéressée peut également régulariser sa demande dans un délai de trois ans après l’expiration de l’âge de dix-huit ans,
si elle certifie savoir lire, écrire et s’exprimer, sous une forme intelligible, dans la langue nationale.
Dans tous les cas, le requérant devra établir son domicile dans la République depuis deux ans sans interruption au moment de l'officialisation de la demande.

Article 5

Les étrangers peuvent obtenir la nationalité argentine, lorsqu'ils peuvent attester:

a) être âgé de plus de dix-huit ans;
b) avoir deux années de résidence légale continue sur le territoire de la République;
c) avoir un bon comportement;
d) avoir des moyens de vivre honnêtement;
e)
être capable de lire, d’écrire et de s’exprimer sous une forme intelligible dans la langue nationale;
f) connaître, de manière élémentaire, les principes de la Constitution nationale;

À des fins d'immigration, l'article 9 du Décret national n° 616/2010 réglementant la loi n° 25.871 sur la politique migratoire argentine (2010) exige que la Direction nationale des migrations (Dirección Nacional de Migraciones) doive fournir aux ressortissants étrangers des informations en employant leurs langues d'origine et en recourant à des interprètes :
 

Article 9

La Direction nationale des migrations, seule ou en vertu d’accords signés avec des organismes relevant de la compétence des gouvernements national, provinciaux, municipaux ou de la Ville autonome de Buenos Aires, et avec les autres organismes ou institutions qui pourraient correspondre, doit déployer les actions suivantes :

c) Fournir aux étrangers des informations sur les questions migratoires, notamment pour faciliter les procédures nécessaires pour se conformer à leur classement. À cette fin, l'emploi de leurs langues d'origine et l'aide d'interprètes linguistiques et de médiateurs culturels doivent être envisagés.

L'article 9 de Loi 25.871 sur la politique migratoire de l'Argentine (2004) prévoit que les immigrants et leurs familles ont le droit de demander à l'État de leur fournir des informations sur leurs droits et obligations de sorte que l'autorité de contrôle prenne toutes les mesures appropriées pour que ces informations soient fournies gratuitement aux étrangers qui en font la demande et, dans la mesure du possible, «dans une langue qu'ils comprennent». Quant à l'article 14, il oblige toutes les instances de l'État (nationales, provinciales ou municipales) à prendre toutes les initiatives «à la mise en œuvre de cours d’espagnol dans des écoles et institutions culturelles étrangères légalement reconnues». Enfin, l'article 86 de la loi 25.871 accorde le droit aux étrangers de bénéficier d'une assistance juridique gratuite et de faire appel à un interprète :
 

Article 86

Les étrangers qui se trouvent sur le territoire national et qui manquent de moyens économiques auront droit à une assistance juridique gratuite dans le cadre de procédures administrative et judiciaire pouvant entraîner un refus d'entrée, le retour dans leur pays d'origine ou leur expulsion du territoire argentin. Ils auront également le droit de faire appel à un interprète s’ils ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue officielle. Les dispositions du présent règlement, qui sont dictées dans leur cas, garantissent l’exercice du droit constitutionnel de se défendre.

Toutefois, l'article 24 du Décret n° 70 modifiant la loi n° 25.871 (2017) modifie cet article 86 de la façon suivante:

Article 24

L'article 86 de la loi n° 25.871 est remplacé et modifié par le texte suivant:

"ARTICLE 86.- Les étrangers qui se trouvent sur le territoire national et qui manquent de moyens économiques ont droit à une assistance judiciaire gratuite dans les procédures administrative et judiciaire pouvant entraîner le déni de leur résidence légale ou leur expulsion du territoire argentin. Ils auront droit à l'assistance d'un interprète s'ils ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue officielle. [...] "

L'Argentine témoigne qu'il est un pays d'accueil en immigration et qu'il prend des mesures pour aider les immigrants à s'intégrer dans la société argentine en favorisant l'apprentissage de l'espagnol, la «langue officielle». C'est l'une des rares fois où un document officiel emploie l'expression "el idioma oficial."

3.2 L'enregistrement de documents

Étant donné que l'espagnol est la langue nationale (ou officielle), il faut s'attendre à ce que les documents des entreprises destinés à l'administration publique soient reçus dans cette langue. Effectivement, l'article 48 du Décret 466/1999 du pouvoir exécutif national sur le registre de la propriété foncière (1999) impose la langue nationale:

Article 48

Les documents doivent être dactylographiés dans la langue nationale et sur du papier officiel, signés par le pétitionnaire et en ayant enregistré chaque essai, toutes les modifications et tous les mots interlinéaires. Ils doivent porter dans la partie supérieure le tarif ou le résumé de la requête.

Il en est ainsi aux articles 68 et 266 du Décret n° 911/96 sur la santé et la sécurité dans l'industrie de la construction (1996) dans l'emploi de la langue nationale, appelée soit «espagnol» (art. 68: "idioma español") soit «castillan» (art. 266: "idioma castellano"):

Article 68

Les signaux visuels doivent être présentés de manière à être facilement visibles à distance et dans les conditions prévues pour être regardées.

Il doit être utilisé des légendes
en langue espagnole, des pictogrammes, des idéogrammes, etc., qui ne permettent pas de douter de leur interprétation ni de l'usage des couleurs contrastantes avec l'arrière-plan.

Article 266

Les grues et les appareils fixes et mobiles équivalents doivent tous comporter les données techniques de l'équipement (tables, abaques et courbes) permettant de calculer les charges maximales admissibles pour différentes conditions d'utilisation, le tout rédigé en castillan et dans le système métrique, et présentés dans un endroit visible ainsi que sur la plaque d'origine.

L'Argentine est l'un des pays de l'Amérique latine qui privilégie souvent l'emploi du mot «castillan» au lieu de «espagnol» (voir le document à ce sujet).

3.3 Le commerce et les langues

Les activités commerciales en Argentine doivent se dérouler dans la «langue nationale». L'article 4 de la Loi n° 22 802 sur la loyauté commerciale (1983) ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet dans la mesure où toutes les inscriptions sur les produits étiquetés doivent être dans la «langue nationale», sauf pour les exceptions prévues :

Article 4

Les inscriptions apposées sur les produits et les fruits visés à l'article 2, ou sur leurs emballages, leurs étiquettes ou leurs colis doivent être rédigés
dans la langue nationale, à l'exception des mots étrangers couramment utilisés dans le commerce, des marques de commerce, des symboles enregistrés et d'autres signes qui, même s'ils ne sont pas enregistrés en tant que marques de commerce, sont utilisés en tant que tels et possèdent des caractéristiques de marque.

Des traductions complètes ou partielles dans d’autres langues peuvent être incluses dans la forme et dans des caractères qui ne sont pas plus prédominants que les indications
dans la langue nationale.

Ceux qui commercialisent des fruits ou des produits d'origine étrangère dans le pays doivent se conformer aux dispositions de l'article 1er de la présente loi dans la langue nationale.

L'article 3 de la Loi sur les marques de commerce (1981) énonce que les appellations d'origine étrangère ou provenant d'autres pays ou nations ne peuvent pas être enregistrées en Argentine:

Article 3

Ne peuvent pas être enregistrés:

c) les appellations d'origine nationale ou étrangère.

L'
appellation d'origine est comprise en tant que nom d'un pays, d'une région, d'un lieu ou d'une zone géographique spécifique servant à désigner un produit selon sa provenance et dont les qualités et les caractéristiques sont exclusivement dues à l'environnement géographique. Tout ce qui fait référence à une certaine zone géographique aux fins de certains produits est également considéré comme une appellation d'origine;

f)
les lettres, les mots, les noms, les insignes, les symboles utilisés ou employés par la nation, les provinces, les municipalités, les organisations religieuses et les organismes de la santé;

g)
les lettres, les mots, les noms ou les insignes utilisés par des nations étrangères et des organismes internationaux reconnus par le gouvernement argentin;

h)
le nom, le pseudonyme ou le portrait d'une personne, sans son consentement ni celui de ses héritiers, jusqu'au quatrième degré inclus;

i) les désignations d'activités, y compris
les noms et les raisons sociales, descriptives d'une activité pour distinguer les produits. Toutefois, les sigles, les mots et les autres signes ayant une capacité distinctive, qui en font partie, peuvent être enregistrés pour distinguer les produits ou les services;

j)
les phrases publicitaires
qui manquent d'originalité.

Or, selon l'article 4 de la même loi, la propriété d'une marque de commerce et l'exclusivité de son emploi sont obtenues avec son enregistrement. Dans une demande de brevet, l'article 14 de la Loi sur les brevets et les modèles utiles (1995) exige que toute requête soit au moins accompagnée d'une traduction en castillan:
 

Article 14

Le droit de priorité énoncé dans l'article précédent doit être invoqué dans la demande de brevet. Le requérant doit soumettre, de la manière et dans les délais fixés par règlement, une déclaration de priorité et une copie certifiée conforme par le bureau d'origine de la requête antérieure, accompagnées de sa traduction en castillan, lorsque cette demande est rédigée dans une autre langue.

Enfin, la Loi n° 24.240 sur la protection du consommateur (1993) impose au fournisseur des biens ou des services à transmettre au consommateur, de manière claire, précise et détaillée, les caractéristiques essentielles de ceux-ci, ainsi que les conditions de leur commercialisation. L'article 6 prévoit que tout mode d'emploi soit rédigé dans la langue nationale, c'est-à-dire en castillan :

Article 6

Objets et services à risque

Les objets et les services, y compris les services publics à domicile, dont l'utilisation peut présenter un risque pour la santé ou l'intégrité physique des consommateurs ou des utilisateurs, doivent être commercialisés en respectant les mécanismes, les directives et les règles établies ou raisonnables pour assurer leur sécurité.

Dans ce cas,
un manuel dans la langue nationale sur l'usage, l'installation et l'entretien de l'objet ou du service en question, et fournissant des conseils adéquats, doit être prévu. La même obligation s’appliquera dans tous les cas où il s'agit d'articles importés tel qu'il est mentionné à l’article 4 avec la responsabilité du
contenu de la traduction.

Article 10

Contenu du document de vente

Le document qui comprend la vente d'objets mobiliers ou immobiliers, sans préjudice des informations requises par d'autres lois ou d'autres normes, doit comprendre:

a) La description et la spécification du produit.
b) Le nom et l'adresse du vendeur.
c) Le nom et l'adresse du fabricant, du distributeur ou de l'importateur, le cas échéant.
d) La mention des caractéristiques de la garantie, conformément aux dispositions de la présente loi.
e) Les conditions de livraison.
f) Le prix et les conditions de paiement.
g) Les frais supplémentaires, précisant le prix final à payer par l'acheteur.

Le document doit être rédigé en castillan, sous une forme complète, claire et facilement lisible, sans transmission de textes ni de documents qui n'ont pas été livrés auparavant ou simultanément. Lorsque des clauses supplémentaires sont ajoutées à celles indiquées ou requises en vertu des dispositions de la présente loi, elles doivent être écrites en lettres apparentes et signées par les deux parties.

Article 14

Certificat de garantie

Le certificat de garantie doit être rédigé dans la langue nationale, avec une description facile à comprendre, avec une écriture lisible [...].

La législation argentine est sans équivoque: la langue nationale, qu'elle soit appelée «espagnol» ou «castillan», est obligatoire.
 

Lorsqu'on jette un coup d'œil sur les quelques affiches de la figure ci-contre, on ne peut que constater l'emploi massif de l'espagnol. Si l'on tient compte de certaines exceptions, par ailleurs rarissimes, toutes les affiches, tous les panneaux de signalisation sont dans cette même langue. Le mot «Stop», courant en français et en anglais, ainsi que dans beaucoup d'autres langues, est remplacé en Argentine par le terme "Pare", alors que c'est "Alto" qui serait privilégié au Mexique.

Les noms de rue sont massivement en espagnol, les termes génériques comme Avenida, Calle, Bulevar, Plaza, Pasaje, etc., étant tous dans la langue nationale. Quant aux termes spécifiques (Cabildo, Casares, Córdoba, Corrientes, de los Incas, de los Italianos, del Libertador, Elcano, Eva Perón, Infanta Isabel, etc., ils sont rarement en une autre langue. 

Dans les endroits touristiques, on peut trouver parfois un peu plus d'anglais, par exemple "Toilet" au lieu de "BañosBaños públicos".

L'Argentine fait partie du Mercosur, le Marché commun du Sud (espagnol: Mercado Común del Sur) ou Mercosul (portugais: Mercado Comum do Sul). C'est une communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud. Il est composé de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l'Uruguay et du Venezuela (suspendu depuis 2016). On trouve aussi quelques pays associés: le Chili, la Colombie, le Pérou ou l’Équateur. La Bolivie a signé son acte d'adhésion le 7 décembre 2012, mais il manque encore les ratifications du Brésil et du Paraguay. Actuellement, le Mercosur permet la libre circulation des citoyens. Les langues officielles sont l'espagnol et le portugais, en vertu de l'article 46 du Protocole d'Ouro Preto de 1994 :
 

Artículo 46

Idiomas

Los idiomas oficiales del MERCOSUR son el español y el portugués. La versión oficial de los documentos de trabajo será la del idioma del país sede de cada reunión.

[Article 46

Langues

Les langues officielles du MERCOSUR sont l'espagnol et le portugais. La version officielle des documents de travail sera rédigée dans la langue du pays hôte de chaque réunion.

Il existe aussi une version anglaise du Protocole signé à Ouro Preto au Brésil. 

4 L'éducation en Argentine

L'Argentine connaît deux systèmes en éducation: le système public et le système privé. C'est la Loi fédérale sur l'éducation (Ley Federal de Educación, N° 24.175) de 1993 qui, jusqu'ici, régissait les établissements d'enseignement argentins. Cette loi a été complétée par une nouvelle loi fédérale sur l'éducation en 2006: la Loi sur l'éducation nationale (Ley de Educatión Nacional, N° 26.206). Les écoles privées offrent un éventail énorme: on y trouve des écoles italiennes, des écoles allemandes, des écoles suisses, des écoles arméniennes, des écoles coréennes, etc. S'y ajoutent des écoles essentiellement religieuses (catholiques, adventistes, protestantes, juives, mormones, etc.). Les établissements d'enseignement privés sont autorisés par le ministère de l’Éducation. L'importance des écoles privées demeure considérable en Argentine et elles sont fréquentées par des élèves appartenant à la classe moyenne et la classe aisée. 

4.1 Le système d'éducation argentin

Le système argentin distingue différents niveaux d'enseignement (voir la figure):

1) le niveau initial (Educación Inicial): c'est ce qu'on appelle ailleurs la maternelle (Jardín de Infantes) dans laquelle les enfants de trois à cinq ans peuvent débuter leur scolarité préprimaire. Seule la dernière année est obligatoire. L'espagnol est la seule langue utilisée.

2) le niveau d’enseignement général de base (Educación General Básica) ou EGB: ce niveau, pour les cinq à seize ans, est divisé en trois cycles de trois ans (neuf ans au total) et porte sur l’acquisition des compétences de base. Les langues enseignées sont l'espagnol (langue d'enseignement) et l'anglais (à partir de la 3 EGB) ou le français. Il y a donc en tout dix ans d’école obligatoire (treize avec la nouvelle loi de 2006).

3) le niveau polymodal (Educación Polimodal): ce niveau (apparenté au secondaire dans d'autres pays), non obligatoire, est offert aux jeunes de 15 à 18 ans. Il correspond à un enseignement destiné à préparer les jeunes au monde du travail: questions humanistes, sciences sociales, économie de l’entreprise et gestion des opérations, sciences naturelles, productions des produits et services, communication, art et conception, etc. Les langues étrangères enseignées sont l'anglais, le français, l'allemand et le portugais.

4) le niveau supérieur (Educación Superior): il comprend les écoles non universitaires de formation des enseignants, les instituts de formation technique pour tous les secteurs professionnels avec des programmes qui vont de deux à quatre ans, ainsi que tous les établissements universitaires.

- La législation fédérale

Voici le texte de la Loi fédérale sur l'éducation à ce sujet :

Article 10

La structure du système d'éducation, qui sera mise en place de façon graduelle et progressive, doit être composée ainsi:

a) L'éducation initiale, constituée par le jardin d'enfants pour les enfants de 3 à 5 ans, est obligatoire la dernière année. Les provinces et la municipalité de Buenos Aires mettront en place, si nécessaire, des services de maternelle pour les enfants de moins de 3 ans et fourniront un soutien aux établissements communautaires afin qu’elles puissent leur offrir et aider les familles qui en ont besoin.

b) L'éducation générale de base, obligatoire, à partir de 9 ans à compter de 6 ans, compris comme une unité pédagogique intégrale et organisée en cycles, conformément à celui établi à l'article 15.

c) L’éducation polymodale, après l’achèvement de l’enseignement général de base, offerte par des institutions spécifiques d’une durée d’au moins trois ans.

d) L'enseignement supérieur, de grade professionnel et universitaire, une fois l’éducation polymodale achevée, sa durée sera déterminée par les établissements universitaires et non universitaires, selon le cas.

On peut illustrer ce système par le schéma suivant, lequel correspond aux normes de la Loi fédérale sur l'éducation :

AUPARAVANT Loi fédérale sur l'éducation
Niveau (Nivel) Structure (Estructura) Âge (Edad)

Structure (Estructura)

Niveau (Nivel)
Préscolaire
(Preescolar)
Jardin d'enfants
(Jardín de Infantes)
- de 3 Maternelle (Jardín Maternal) Initial
(Inicial)
3 / 5 Jardin d'enfants (Jardín de Infantes)
Primaire
(Primario)
1º degré (grado) 6 1º année (año) 1º cycle (ciclo) E.

G.

B.

2º degré 7 2º année
3º degré 8 3º année
4º degré 9 4º année 2º cycle
5º degré 10 5º année
6º degré 11 6º année
7º degré 12 7º année 3º cycle
Secondaire
(Medio / secundario)
1º année (año) 13 8º année
2º année 14* (non obligatoire) 9º année
3º année 15 1º année Polymodal
(Polimodal)
4º année 16 2º année
5º année 17 3º année

- L'enseignement polymodal

L'éducation appelée «polymodale» ─ on dirait davantage en français «multimodale» ─ était un type d’enseignement utilisé il y a quelques années en Argentine pour remplacer ce qui correspondrait à un lycée en France. Depuis 2012, cet enseignement a été remplacé par le cycle supérieur de l'enseignement secondaire, lequel est achevé une fois le cycle inférieur de l'enseignement secondaire terminé. L'enseignement dit polymodal, aujourd'hui aboli, faisait partie de l’enseignement secondaire, mais il n'était pas obligatoire, ni pour les élèves ni pour les autorités provinciales. Dans les provinces d'Argentine qui ont adopté cet enseignement, sa durée était de trois ans. Une fois le niveau polymodal terminé, l’étudiant âgé de 15 à 17 ans, pouvait en principe entrer à l'université.

L'enseignement polymodal est apparu en 1993, lors de la mise en œuvre de la Loi fédérale sur l'éducation. La principale innovation du «polymodal» fut de modifier la distinction entre l'enseignement primaire (sept ans) et celui du secondaire (cinq ans), puis de mettre en place une EGB (Educación General Básica) obligatoire d'une durée de neuf ans, avec une «polymodale» non obligatoire de trois ans. Cet enseignement voulait offrir différentes orientations en fonction de l'intérêt de l'élève. Les matières étudiées dans l'éducation polymodale étaient les suivantes: l'espagnol, les mathématiques, les sciences sociales, les sciences humaines, l'éducation physique, les langues étrangères, les sciences de la nature, l'éthique et la formation à la citoyenneté et les technologies.

De nombreux éducateurs argentins ont critiqué le système polymodal depuis ses débuts parce qu'il prolongeait l'enseignement fondamental sans toutefois permettre l'incorporation de disciplines spécifiques et nécessaires en vue de l'intégration future des étudiants sur le marché du travail. De fait, on a reproché à cet enseignement de ne pas préparer correctement l'étudiant à entrer pleinement dans le marché du travail, ni lui assurer la formation nécessaire pour pouvoir poursuivre des études supérieures à l'université.

Ce type d'enseignement a été remplacé en 2006, mais sa pratique a été maintenue pendant plusieurs années, jusqu'à ce que les différentes cohortes d'élèves qui l'avaient commencé puissent le compléter. La coexistence du «polymodal» avec le système d'éducation traditionnelle (primaire/secondaire) au niveau national a aussi créé une confusion et de nombreuses complications diverses. Enfin, l'abolition de ce cycle scolaire a été bien accueillie dans le monde de l'éducation en Argentine.

4.2 L'enseignement de l'espagnol

En matière d'éducation, l'État central a développé une activité intense, surtout dans le cadre de la réforme scolaire (''Reforma Educativa''). Dans de nombreux documents et les assemblées de consultation avec des intervenants en éducation, les autorités du ministère de l'Éducation nationale ont explicité les orientations de la politique linguistique. Dans les grandes lignes, il est convenu d'inculquer à tous les habitants du pays, que ce soit les hispanophones (''hispanoablantes'') ou les allophones (''alófonos''), un savoir pratique en communication orale et écrite (''comunicación verbal y escrita''), ce qui signifie en sous-entendu en castillan. Il est également prévu que l'anglais doit être une matière obligatoire enseignée à partir de la quatrième année de la scolarité, bien que la politique soit déclarée favorable au plurilinguisme (''plurilingüismo''). Le document officiel le plus explicite en matière d'éducation demeure, outre la Loi fédérale sur l'éducation de 1993 (qui est complété par la Loi sur l'éducation nationale de 2006), l'Accord-cadre pour l'enseignement des langues de 1998. Voici ce qu'indique le document du ministère la Culture et de l'Éducation au sujet de l'espagnol dans l'Accord-cadre de 1998 (art. 4):

Article 4

L'espagnol

L'espagnol est l'appellation standard utilisée par la majorité des constitutions latino-américaines de langue espagnole. Le castillan est le terme qui renvoie à une variété régionale de l'espagnol.

En Argentine, l'espagnol est la langue parlée par la majorité des habitants du pays; c'est la langue d'usage courant dans les documents officiels, à l'école et le monde du travail, et c'est pourquoi son acquisition et son maniement efficace est une condition fondamentale de l'équité et de la participation à la communauté nationale. En outre, l'espagnol est l'une des deux langues officielles du Mercosur; il permet l'intercompréhension avec le reste des pays de l'Amérique latine et constitue la seconde langue véhiculaire en Occident, avec un vertigineux rythme de croissance.

L'acquisition de l'espagnol dans les registres et les variétés normalisées, qui permet une insertion sociale positive au sein de la communauté nationale, doit être accompagnée du respect et de l'évaluation des règles linguistiques et culturelles dans son contexte familial et social.

Dans notre pays, il y a des communautés pour lesquelles l'espagnol n'est pas une langue maternelle, et c'est pourquoi l'intégration sociale de leurs membres suppose l'apprentissage de l'espagnol comme langue seconde au moyen de méthodologies spécifiques.

Pour le gouvernement de l'Argentine, l'espagnol est jugé nécessaire pour les communautés allophones du pays parce que, d'une part, c'est «la langue parlée par la majorité des habitants du pays», d'autre part, c'est «la langue d'usage courant dans les documents officiels, à l'école et le monde du travail». Surtout, selon les autorités, l'acquisition de l'espagnol «permet une insertion sociale positive au sein de la communauté nationale».

L'article 27 de la Loi sur l'éducation nationale (2006) énonce que l'enseignement primaire a pour but d'offrir des possibilités équitables à tous les enfants pour l'apprentissage, entre autres, de la  langue (nationale) et des langues étrangères:

Article 27

L'enseignement primaire a pour but d'offrir une formation intégrale, fondamentale et commune, et dont les objectifs sont :

c) d'offrir des possibilités équitables à tous les enfants pour l'apprentissage de savoirs significatifs dans les divers domaines de la connaissance, spécialement pour la langue et la communication, les sciences sociales, les mathématiques, les sciences naturelles et l'environnement, les langues étrangères, l'art et la culture, ainsi que la capacité de les appliquer dans des situations de la vie quotidienne.

L'article 30 de la Loi sur l'éducation nationale est plus précis, car elle énonce que l'un des objectifs de cet enseignement est de développer les compétences linguistiques, orales et écrites, de la langue espagnole ("lengua española") et de comprendre et s'exprimer dans une langue étrangère ("una lengua extranjera"):

Article 30

L'enseignement secondaire dans toutes ses modalités et ses orientations a pour but d'habiliter l'adolescent et le jeune au plein exercice de la citoyenneté par le travail et la poursuite des études.

Les objectifs de cet enseignement sont :

d) de développer les compétences linguistiques, orales et écrites, de la langue espagnole et de comprendre et s'exprimer dans une langue étrangère.

L'article 13 de la Loi n° 14.473 sur le statut d'enseignant (1958) impose la maîtrise de la langue castillane ("el idioma castellano") aux enseignants :

Article 13

Pour entrer dans l'enseignement selon les modalités fixées par la présente loi et ses règlements, le candidat doit remplir les conditions générales et simultanées suivantes:

a) Être un citoyen argentin, de naissance ou par naturalisation. Dans ce dernier cas, il faut avoir au moins cinq ans de résidence continue dans le pays et maîtriser la langue castillane;

Il s'agit là d'une disposition normale pour enseigner dans la langue officielle d'un pays.

4.3 L'enseignement des langues étrangères

De nombreux parents considèrent que l'apprentissage d'une ou de plusieurs langues étrangères est un élément central de l'éducation de leurs enfants. Ainsi, les langues, en particulier l'anglais, seraient une exigence incontournable dans le monde d'aujourd'hui, car elles permettraient un grand nombre de possibilités d'emplois pour l'avenir des jeunes. L’importance de l’apprentissage des langues paraît donc indiscutable. Cependant, il n'y a pas d'accord sur ce que cet enseignement doit comprendre et quand il doit commencer. Il existe différentes manières d'apprendre une langue étrangère à l'école :

1. La méthode «Langues vivantes» ("Lenguas Vivas") : les élèves suivent cinq heures d’enseignement en anglais ou en français par semaine. Au niveau secondaire, le latin (3 heures d'enseignement) et une seconde langue étrangère (3 heures supplémentaires) sont incorporés pendant trois ans.

2. Les écoles plurilingues ("Escuelas Plurilingües") : au primaire, les élèves ont 8 heures hebdomadaires de cours de langues étrangères commençant en 1re année. À partir de la 4e année, une deuxième langue étrangère est incorporée avec un apprentissage supplémentaire de 3 heures par semaine. En 6e et en 7e année, la première langue est réduite d'une heure par semaine, ce qui permet d'augmenter la charge de travail destinée à la deuxième langue étrangère.

3. Les cours intensifs en langues étrangères ("Intensificación en lenguas extranjeras") : principalement dans les écoles privées. Ce type d'enseignement dispose de 15 heures hebdomadaires consacrées à l’enseignement de la langue étrangère. Il commence au niveau initial et met l'accent sur le développement des compétences linguistiques.

4. Les écoles bilingues (Colegios bilingües ) : dans les écoles privées, leur charge de travail est plus importante (15 à 20 heures par semaine), car cet enseignement commence au niveau initial, alors que le contenu des cours est généralement enseigné dans la langue étrangère. Dans de nombreux cas, ces écoles offrent la possibilité de passer des examens internationaux.

En ce qui concerne le moment opportun pour commencer à enseigner une langue étrangère, il est proposé d'exposer les enfants aux langues étrangères dès leur plus jeune âge, car la croyance populaire laisse entendre qu’à ce moment les enfants sont plus réceptifs pour apprendre une ou plusieurs langues. En d’autres termes, tant que l’apprentissage d’une première langue étrangère commence avant la puberté, il devrait être possible d’atteindre d’excellents résultats, pourvu que certaines autres conditions soient remplies, que ce soit par exemple une exposition suffisante ou une motivation minimale, des méthodes d’enseignement adéquates, des enseignants qualifiés, etc.

L'Accord-cadre pour l'enseignement des langues (art. 2) de 1998 propose, dans le cas des communautés allophones, de «concevoir une organisation de la diversité linguistique et culturelle, permettant la participation effective des communautés linguistiques à travers les apprentissages formels de l'école», de «favoriser la pluralité linguistique et culturelle», de «favoriser l'interculturalité en facilitant la communication et l'intercompréhension avec les personnes parlant cette langue dans les différentes communautés d'origine étrangère»:

Article 2

Les objectifs

Le présent accord ordonne : [...]

c. De concevoir une organisation de la diversité linguistique et culturelle permettant la participation effective des communautés linguistiques au moyen des apprentissages formels de l'école.

d. De favoriser par la suite la pluralité linguistique et culturelle, en respectant le rôle social de chaque langue par la promotion de processus d'éducation, d'apprentissages et d'acquisitions efficaces.

e. De faciliter l'enseignement de l'espagnol comme langue seconde tout au long des niveaux du système d'éducation argentin (Éducation initiale, Éducation générale de base et Éducation polymodale) dans les cas de communautés qui n'ont pas l'espagnol comme langue maternelle.

g. De favoriser l'interculturalité en facilitant la communication et l'intercompréhension entre les locuteurs parlant la langue des différentes communautés d'origine étrangère, qui habitent le pays.

h. D'établir les critères généraux pour l'enseignement de trois niveaux des langues étrangères tout au long du système d'éducation argentin (Enseignement initial, Enseignement général de base et Enseignement polymodal).

Pour la réalisation des dispositions prévues dans les cycles de base pour l'enseignement des langues étrangères les provinces du pays doivent promouvoir l'introduction progressive de programmes disposant, d'une part, d'un minimum de deux niveaux d'enseignement des langues étrangères, dont un qui doit être en anglais (EGB: Educación General Básica); d'autre part, d'un autre niveau d'enseignement dans une des langues étrangères adoptées dans l'enseignement général de base ou un niveau d'une autre langue étrangère (enseignement polymodal).  Les options sont les suivantes (art. 6) :

a) au moins un niveau d'anglais comme langue des communications internationales et de deux niveaux dans une autre langue étrangère choisie;
b) au moins deux niveaux d'anglais et un niveau dans une autre langue étrangère choisie;
c) au moins trois niveaux d'anglais.

De façon générale, l'apprentissage d'une langue étrangère débute dès la 4e année de l'école primaire. En fonction des choix présentés, les provinces et la Ville de Buenos Aires doivent garantir l'enseignement progressif des langues étrangères à partir de la 7e année de l'enseignement général de base (EGB: Educación General Básica).

- L'anglais

En 2010, les élèves du primaire apprenaient l'anglais dans une proportion de 96 %, ce qui laissait peu de place à l'enseignement des autres langues telles que l'italien, le français, le portugais ou l'allemand. Au secondaire, la proportion de ceux qui étudiaient l'anglais était de 91%, le reste des 9 % se répartissait entre les autres langues. En Argentine, aucune langue étrangère en particulier, que ce soit l'anglais ou une autre langue, n'est obligatoire en vertu de la loi, bien que les écoles soient dans l'obligation d'enseigner au moins une langue étrangère, sans en préciser une en particulier. L'article 87 de la Loi sur l'éducation nationale (2006) impose «l'enseignement d'au moins une langue étrangère est obligatoire dans toutes les écoles primaires et secondaires du pays»:

Article 87

L'enseignement d'au moins une langue étrangère est obligatoire dans toutes les écoles primaires et secondaires du pays. Les stratégies et les modalités d'application de la présente disposition seront fixées par des résolutions du Conseil fédéral de l'éducation.

L’Argentine est le seul pays d’Amérique latine à connaître un niveau relativement élevé de maîtrise de l’anglais. Selon la First English Proficiency Index, qui mesure l'indice de compétence en anglais, l'Argentine atteint 58,40 points (2018), ce qui est considéré comme «très bon», quand on sait que la France atteint 55,49 points; la Russie, 52,96; le Portugal, 60,02; la Suisse, 61,77; l'Allemagne, 63,74; la Finlande, 65,86; la Suède, 70,72. Cela signifie que les adultes en Argentine peuvent en principe «faire une présentation au travail» en anglais, «comprendre une émission de télévision» ou «lire un journal» dans cette langue.

Les bons résultats des jeunes Argentins en anglais contrastent cependant avec l'une des conclusions importantes que le classement mondial démontre: l'Argentine et le Brésil sont les deux pays d'Amérique latine, parmi les dix pays étudiés, avec les pires politiques d'enseignement public en matière d'apprentissage de l'anglais dans les écoles primaires et secondaires. Par exemple, les politiques publiques concernant la performance des élèves et des étudiants ne prévoient pas d'instrument de mesure pour la maîtrise des langues, que ce soit pour l'anglais ou pour toute autre langue, ni d’objectifs de maîtrise de la langue conformes à des normes prévues. Il n’existe pas non plus d’évaluations standardisées de l’apprentissage de l’anglais ou d'une autre langue dans le système scolaire. Enfin, la qualification des enseignants en anglais laisserait grandement à désirer, car ces derniers démontrent en général un faible niveau de maîtrise de cette langue.  

- Le portugais

Nous savons que l'Argentine et le Brésil sont les deux plus importants pays en termes de superficie et de population en Amérique du Sud: 2,7 millions de km² pour l'Argentine et 8,5 millions de km² pour le Brésil. Ces deux pays sont relativement voisins et ont comme langue officielle, l'espagnol pour l'un et le portugais pour l'autre. Cependant, les deux pays ont des populations très différentes: 44 millions pour l'Argentine et 175 millions pour le Brésil.

Or, l'Argentine et le Brésil ont signé un accord pour l'enseignement de leur langue officielle dans l'autre pays. En Argentine, la Loi n° 25.181 approuvant l'Accord de coopération en matière d'éducation avec la République fédérative du Brésil (1997) rendait effective la convention entre les deux pays. L'article IV de la Convention stipulait que «chaque partie doit promouvoir [...]  l'introduction dans l'enseignement du contenu des cours d'éducation fondamentale et/ou moyenne la langue officielle de l'autre partie». Les deux États s'engageaient à offrir pour 2016 des cours d'espagnol ou de cours de portugais, selon le cas. C'était l'offre de cours qui était obligatoire, pas le cours de langue lui-même, car celui-ci devait demeurer facultatif pour les élèves et les étudiants du primaire et du secondaire.  Autrement dit, chaque État s'engageait à offrir une deuxième langue étrangère facultative dans le programme officiel de leur ministère de l'Éducation. C'était l'objet en Argentine de la Loi n° 26.468 établissant que toutes les écoles secondaires du système d'éducation nationale doivent inclure une offre de programme d'enseignement du portugais en tant que langue étrangère, conformément à la loi n° 25.181 (2009).

Voici quelques articles de la loi n° 26.468 de 2009 :

Article 1er

Toutes les écoles secondaires du système d'éducation nationale, dans leurs différentes modalités, doivent inclure une offre de programme d'enseignement de la langue portugaise en tant que langue étrangère, conformément à la loi n° 25.181. Dans le cas des écoles situées dans les provinces limitrophes de la République fédérative du Brésil, cette offre doit être incluse dès le primaire.

Article
3

Le cursus de l'offre de programme d’enseignement de la langue portugaise doit avoir un caractère facultatif pour les étudiants.

En accord avec le Conseil fédéral de l’éducation, le
ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie doit organiser des mesures propres à stimuler leur participation à cette offre de programme.

Article 5

Conformément à l'article 139 de la loi n° 26.206, l'Institut national de formation des enseignants doit élaborer et mettre en œuvre un plan pluriannuel visant à promouvoir la formation des enseignants de langue portugaise pour la période 2008-2016, comprenant un programme de formation continue en service, d'application progressive, pour l'enseignement du portugais.

Le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie, par l'intermédiaire des organismes compétents, doit inviter les universités à promouvoir des offres universitaires pour la
formation des enseignants de portugais, lesquelles seront intégrées au plan pluriannuel susmentionné.

Cette loi parrainée par des représentants de divers partis politiques et de différentes provinces, et soutenue par le ministère de l'Éducation, fut approuvée le 5 novembre 2008 à l'unanimité et sans modifications par la Commission de l'éducation du Sénat argentin, puis elle s'est rendue au Sénat pour approbation. La promulgation de la loi n° 26.468 a ouvert une série de possibilités pour améliorer la coopération entre le Brésil et l'Argentine, acquérant ainsi un caractère stratégique dans la relation bilatérale à long terme, et non seulement dans les domaines de l'éducation et de la culture. En effet, la loi implique des défis importants, notamment en ce qui concerne la formation et la qualification des enseignants de langue portugaise en Argentine, ainsi que la définition de l'échelle des programmes à appliquer.

Il convient de rappeler qu’en vertu de la loi brésilienne n° 11.161 du 5 août 2005, d’une durée de cinq ans pour parachever son application, le gouvernement brésilien avait déjà rendu obligatoire l’offre d’espagnol dans les contenus de ses programmes scolaires de niveau secondaire dans toutes les écoles brésiliennes, cela étant entendu que le cours lui-même demeurait facultatif pour les élèves.

À la fin des années 2010, le portugais occupait la seconde place (8,3 %) après l'anglais, et il était suivi par le français (7,6 %) et l'italien (6,9 %).
Malgré les apparences, le développement des relations commerciales entre l’Argentine et le Brésil, surtout depuis le Mercosur, ont fait en sorte que beaucoup d'entreprises exigent maintenant de leurs employés qu'ils parlent le portugais. Par conséquent, le nombre d’étudiants universitaires qui souhaitent le connaître a augmenté, tandis que les postes vacants dans les instituts sont complets et les enseignants font défaut. Néanmoins, si le portugais vient en deuxième place après l'anglais, il traîne très loin derrière.

- Le français

La politique d'enseignement du français à l’égard de l’Argentine peut être divisée en deux grandes parties à partir de 1960. Auparavant, la France avait soutenu l’Alliance française et la formation d'enseignants, alors que la Maison de l'Argentine avait créé à la Cité universitaire de Paris en 1928 et le Collège français à Buenos Aires en 1934, puis l’Institut français d’études supérieures en 1942. Il s'agissait 'initiatives non encore inscrites dans une politique de l'État français. En revanche, vers 1959, une véritable politique linguistique du gouvernement français fut élaborée. Dans le cadre de la volonté gaulliste de renforcer l’image de la France à l’étranger et de promouvoir ses échanges commerciaux, la Ve République avait développé les échanges culturels et linguistiques. L'Argentine, engagée dans la modernisation de l'éducation, accueillit positivement les initiatives françaises visant à fournir des ressources pédagogiques en échange de la garantie de l'option de trois années de français et de deux années d'anglais dans les écoles d'enseignement secondaire.

Cependant, l’avenir de l'enseignement du français en Argentine ne dépend plus aujourd'hui des initiatives de la France, mais uniquement de la politique linguistique argentine. Après la réforme de l’enseignement de 1993, il a été décidé de remplacer le français par le portugais dans les écoles. Les influences du français parurent minimes comparativement au portugais du Mercosur, particulièrement pour l'intégration sud-américaine. Pour l'instant, toutes les enquêtes montrent que la connaissance du français va de pair avec l'âge et le statut social des individus, ce qui indique que la connaissance du français demeure limitée à une faible proportion de la population argentine.

Cette réalité met en quelque sorte en échec certaines dispositions de la Loi fédérale sur l'éducation (1993) sur la nécessité de promouvoir le multilinguisme dans les écoles. Il en résulte que, dans certaines provinces, l'enseignement du français a été supprimé, que des heures en français ont été réduites et ont été attribuées à d’autres matières, que dans de nombreuses écoles le français est devenu une matière optionnelle, que des enseignants ont dû se recycler pour ne pas perdre leur emploi, etc. La situation semble être aggravée par d'autres facteurs conjoncturels, notamment par la demande constante de la langue anglaise sur le marché du travail. Le résultat final pour les élèves et les étudiants fait en sorte que leur langue maternelle, l'espagnol, est employée avec beaucoup d'anglicismes: cool, outfit, thriller, crossfit, tablet, baby sitter, boom, CD, mouse, email, snob, break, marketing, comics, casting, gasfitter, jogging, lunch, meeting, shopping, running, etc.

Selon la Fundéu BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria), la «Fondation de l'urgence espagnole», les anglicismes connaîtraient une augmentation exponentielle. L'objectif principal de la Fondation est d'assurer l'emploi correct de la langue espagnole dans les médias, en particulier dans l'actualité; elle bénéficie des conseils de l'Académie royale espagnole. La Fondation publie des recommandations ou des conseils sur une base quotidienne concernant l'emploi correct de l'espagnol. Ces conseils sont publiés sur son site Web et distribués au moyen des réseaux sociaux, des lignes de l'agence de presse internationale EFE et d'une liste de diffusion gratuite comptant plus de 50 000 abonnés.

D'autres langues sont également enseignées en Argentine, notamment l'italien et l'allemand, en raison de la présence de descendants et des liens bilatéraux existants avec d'autres pays, dont l'Italie et l'Allemagne. Nous trouvons également des écoles liées aux communautés juive, arménienne, japonaise et coréenne, qui enseignent respectivement l'hébreu, l'arménien, le japonais, le chinois ou le coréen. Dans ces établissements, différentes langues sont enseignées pour accéder aux cultures concernées, mais les contenus des matières ne sont pas nécessairement enseignés dans ces langues. Ce sont, autrement dit, des écoles bilingues, du type espagnol-arménien, espagnol-japonais, etc.

4.4 L'enseignement supérieur

L’Argentine est dotée de plusieurs catégories d’établissements d’enseignement supérieur, chacun ayant une fonction précise. L’offre est répartie presque équitablement entre les établissements publics, presque gratuits, et les établissements privés qui demandent des frais d’inscription nettement plus importants.

- Les universités

Elles offrent des formations de premier, de deuxième et de troisième cycle, et proposent des enseignements théoriques dans les domaines généraux de l’économie, du droit, de l’ingénierie, des sciences sociales, de la médecine, etc. On compte au moins 47 universités publiques en Argentine et 46 universités privées, auxquelles il convient d'ajouter une université étrangère et une université internationale offrant des cours en anglais. Sauf cette exception, tous les cours se donnent en espagnol.

- Les instituts universitaires

Ce sont des établissements spécialisés dans un seul domaine d’enseignement, contrairement aux universités qui sont multidisciplinaires. On retrouve des instituts spécialisés en espagnol dans l’aéronautique, la technologie, la santé, le commerce, l’informatique, etc. Ils proposent des diplômes de niveau "Licenciatura" ou "Maestria" dans des domaines précis d'ordre professionnel. Des "Doctorados" peuvent aussi être proposés, mais de façon plus limitée. On compte 7 instituts universitaires publics et 12 instituts universitaires privés.

L'article 2 de la Loi n° 24.521 sur l'enseignement supérieur (1995) reconnaît qu'il est de la responsabilité de l'État et des organismes sous sa juridiction de «garantir l'égalité des chances et des conditions d'accès», et des «promouvoir des politiques d'inclusion dans l'enseignement, qui reconnaissent également les différentes identités de genre et les démarches multiculturelles et interculturelles»: 

Article 2

La responsabilité principale et non transférable de l’État national, des provinces et de la ville autonome de Buenos Aires, en matière d’enseignement supérieur, implique:

a) de garantir l'égalité de chances et des conditions d'accès, de permanence, de grade et d'accès dans les différentes alternatives et trajectoires d'enseignement du niveau pour tous ceux qui en ont besoin et qui remplissent les conditions légales établies dans la présente loi;

 b) d'assurer équitablement, dans l'enseignement supérieur, la gestion de l'État, des bourses, des conditions d'infrastructures adéquates et des ressources technologiques appropriées pour tous ceux qui souffrent de déficiences économiques vérifiables;

 c) de promouvoir des politiques d'inclusion dans l'enseignement, qui reconnaissent également
les différentes identités de genre et les démarches multiculturelles et interculturelles
;

Dans l'enseignement supérieur, l'Argentine a toujours pratiqué une politique à caractère élitiste et exclusif en raison d'examens d'entrée très exigeants, ce qui ne peut que favoriser l'accès universitaire à des groupes économiquement aisés, alors que la société argentine présente un contexte avec différents groupes sociaux, parmi lesquels on trouve des immigrants et des peuples autochtones.  Ainsi, il n'existe guère de mesures pour promouvoir des politiques d'inclusion dans l'enseignement, qui reconnaissent également les différentes identités de genre et les démarches multiculturelles et interculturelles. Il faudrait plutôt recourir à des mesures d'action positive ou de discrimination positive dans le but de favoriser l'accès à l'enseignement supérieur pour tous les citoyens, y compris les autochtones. Dans la situation actuelle, les Argentins se perçoivent comme un pays blanc, culturellement homogène et lié aux valeurs et aux traditions des immigrants européens.

5 Les médias argentins

À l’heure actuelle, les médias jouissent d’une entière liberté d’expression en Argentine. Depuis l’instauration de cette mesure dans la Constitution, la presse joue un rôle important dans le développement social et politique du pays. En plus de cette croissance avérée, les médias contribuent au déploiement de l’économie en Argentine qui bénéficie d'un large secteur de médias présentant une pluralité de points de vue. Après le Brésil, l'Argentine représente le second marché en termes de lectorat en Amérique latine. Rappelons que l'Argentine est un pays très étendu, car il s'agit du deuxième plus grand pays d'Amérique latine (2,7 millions km²; France : 547 030 km²)) et du huitième plus grand pays du monde. D'ailleurs, l'Argentine est la deuxième économie d'Amérique du Sud à faire partie du G20, ce qui la place parmi les pays les plus développés au monde.

5.1 La concentration des médias

La propriété des médias argentins demeure un domaine où la concentration est élevée. Les principaux médias sont aux mains de quelques sociétés qui déterminent ce que les Argentins vont lire, voir et entendre, et ce, pour la grande majorité des 44 millions d’Argentins. En effet, les quatre plus grands conglomérats concentrent près de la moitié de l'audience nationale dans tous les médias, et 25 % de cette audience est dans les mains du Groupe Clarín. Celui-ci détient, outre le journal Clarín («clairon» en français), le quotidien au plus fort tirage du pays (avec 400 000 exemplaires), Canal 13, la principale chaîne de télévision argentine, ainsi qu'une part significative des marchés de l'impression, de la diffusion et des services Internet.

Selon une enquête menée par le Media Ownership Monitor (MOM) en Argentine, la plupart des médias appartiennent à quelques sociétés situées dans la zone métropolitaine de Buenos Aires. Ces sociétés concentrent des clientèles, des revenus de la publicité privée et officielle, ainsi que des réseaux de production et de distribution d’informations. Pendant ce temps, les médias nationaux deviennent moins influents. Les quatre secteurs de l'étude MOM (télévision, radio, presse et Internet) témoignent d'un niveau élevé de propriété et de concentration des médias.
Le Groupe Clarín (Grupo Clarín) est le seul conglomérat à occuper une position dominante dans tous les secteurs de l'industrie des médias et des télécommunications. Sous la dictature militaire de 1976-83, Clarín fut soutenu par la junte; aujourd’hui, le groupe de presse détient une position quasi monopolistique sur les médias en Argentine, et il s’est senti particulièrement visé par la Loi n° 26.522 réglementant les Services de communication audiovisuelle sur tout le territoire de la République argentine, promulguée par le gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner en octobre 2009. Les autres groupes moins importants, mais il y a d'autres entreprises moins grandes: le Groupe America, qui se consacre à la télévision et à la radio depuis la vente de sa chaîne de télévision Supercanal en 2018, le Groupe Indalo, qui a des intérêts dans la radio, la télévision et la presse, et le Groupe Viacom, qui jouit d’une vaste expérience dans les domaines de la production et de la programmation.

À l'exception du réseau de télévision exploité par le Groupe Clarín, presque tous les signaux de télévision sont gérés par des investisseurs étrangers, notamment Viacom qui possède le plus grand réseau de télévision du pays.
 

De plus, la crise économique actuelle et l'absence de politique de l'État visant à atténuer ses effets, associées à une législation qui favorise les grands groupes de médias, étouffe économiquement le journalisme critique et limite le droit des Argentins à avoir accès à la pluralité de voix. En raison de la fermeture de petits médias et de la perte d'emplois dans ce secteur, de plus en plus de journalistes ont décidé de créer des coopératives de nouvelles autogérées.

5.2 La presse écrite

La presse écrite compte plus de 150 titres de journaux, dont La Prensa (le plus vieux du pays), La Nación, Clarín, El Cronista (journal économique), Tiempo, El Crónista, La Gaceta, La Capital, El Diaro, El Mundo, La Jornada, etc. Il existe aussi un journal en anglais, le Buenos Aires Herald.

Parmi les dix journaux les plus importants, trois appartiennent au Groupe Clarín: Clarín, La Voz (Córdoba) et Los Andes (Mendoza). Ensemble, ils représentent 47,8% des lecteurs à travers le pays. La Nacion et le Diario Popular sont également des acteurs importants dans le domaine.

En plus des journaux papier, les journaux en ligne comme La Nacion, Clarín, et Pagina 12 occupent également une place importante dans la presse écrite. Dans toutes les provinces, les journaux en ligne sont accessibles aux citoyens. La majorité de la population argentine a actuellement accès à une connexion Internet; parmi les États du continent américain, le pays se trouve en cinquième position en termes de nouvelles technologies d’information grâce aux 20 millions d’internautes y étant connectés chaque jour, et ce, à 85% en espagnol. Parmi les journaux numériques en Argentine, nous devons mentionner en premier lieu Infobae. C’est le principal portail d’information du pays qui est également lu dans d’autres pays, dont le Mexique. C'est non seulement l'un des journaux les plus lus en espagnol en Amérique latine, mais aussi dans le monde, car il propose plusieurs versions adaptées (en espagnol) de son portail en ligne.

Ce sont surtout les jeunes travailleurs et les étudiants universitaires qui font usage de l’internet pour s’informer.  Ces derniers ont le choix entre la connexion à haut débit, la fibre optique et la connexion par satellite pour obtenir les informations dont ils ont besoin le plus rapidement possible. Les fournisseurs d’accès Internet sont nombreux afin de répondre aux besoins respectifs des internautes, en fonction de leur budget. Les "locutorios" (cybercafés) sont également nombreux sur place pour ceux qui ne disposent pas d’un Smartphone ou d’un ordinateur pour naviguer sur la Toile.

Outre sa politique de réglementation favorable aux entreprises, l’État argentin est l’un des principaux bailleurs de fonds directs (au moyen de directives officielles) et indirects (par le biais de l’aide, de la remise et de l’échange de dettes sociales et fiscales et de l’extension de licences, entre autres mécanismes) dans les entreprises de communication. En conséquence, l'influence du gouvernement est considérable, les lignes éditoriales de nombreux médias sont fortement influencées et de nombreux entrepreneurs en médias dépendent des changements de gouvernement.

5.3 La presse électronique

La radio a fait sa première apparition en Argentine à la fin du XIXe siècle. Jusqu’à ce jour, la radio garde encore sa place de pionnière auprès des Argentins en termes de média. Depuis le retour de la démocratie, les censures ne sont plus à l’ordre du jour et les radios sont ainsi devenues incontournables pour toute forme de propagandes, de débats, et de campagnes. Toutes les chaînes se sont réorientées vers l’information, car les divertissements n’accaparent plus totalement les antennes.

On dénombre plus d'un millier de stations de radio en Argentine, presque toutes en espagnol. Nombre d'entre elles opèrent sur des licences temporaires dans l'attente d'une réforme réglementaire. Les stations de radio les plus écoutées en Argentine sont actuellement Radio Mitre et Radio Continental. Pour les habitants de la capitale, c’est surtout Espacio Buenos Aires qui prend la tête. Quant aux inconditionnels de la musique, les chaînes Metro et PoP s'assurent d'émissions en permanence.

La radio est le média ayant le plus de diversité et le plus de propriétaires, bien qu'elle soit plus concentrée en termes d'audience. Quatre groupes (Clarín, América, Indalo et Cadena 3) contrôlent une grande partie du marché de la radio au pays.

La LRA Radio Nacional, également appelée Radio Nacional Argentina, diffuse tout les jours des bulletins d'information de 9 à 12 minutes en anglais à partir de sa station du Río Grande (en Tierra del Fuego); ce "Boletín Malvinas" est destiné aux îles Malouines dans le but de témoigner de la présence de l'Argentine dans ces îles britanniques.

De plus, de nombreuses émissions sont produites à des fins d'apprentissage des langues: anglais, français, portugais, italien, allemand, etc.

La télévision est également fortement représentée avec des dizaines de chaînes de télévision. L'Argentine est le pays d'Amérique latine où l'accès à la télévision par câble est le plus répandu. C’est au début des années 1950 que les Argentins ont commencé à s’informer par l’intermédiaire de la télévision. À l’époque, ce sont la TV Publica et la chaîne Canal 7 qui ont assuré la diffusion des évènements marquants dans toute l’Argentine. Depuis quelques décennies, au moins cinq stations de télévision privées se sont mises en place. Il s’agit, entre autres, de Telefe du groupe Telefonica, d’El Trece du Groupe Clarin, de l’America TV appartenant à Multimedios América, de Canal 9 du Goupe Prime Argentina S.A, et de la TV Pública Digital, une chaîne de télévision publique argentine. Les deux premières chaînes citées sont les plus regardées avec un taux d’auditoire de 8,3 %.

5.4 L'autorité de régulation

La Constitution de l'Argentine prévoit la liberté d'expression et des médias; elle empêche le Congrès d'adopter une législation qui affecterait ces libertés. Sous la présidence de Mauricio Macri (depuis 2015), les relations entre le gouvernement et les médias privés se sont améliorées. Il a été à l'origine d'une loi sur les médias visant a réduire la concentration des médias, et notamment l'influence du Groupe Clarín. Le but de la loi était de briser les monopoles de certains groupes de médias et d’améliorer la concurrence et la qualité des services, ce qui a valu au président d'être accusé de visées politiques partisanes.

L'autorité de régulation des médias argentins est l'ENACOM (Ente Nacional de Comunicaciones : Agence nationale des communications). Cette entité décentralisée qui opère dans le cadre du ministère argentin de la Modernisation a été créée en 2016 par décret présidentiel. La responsabilité de la Loi n° 26.522 réglementant les Services de communication audiovisuelle sur tout le territoire de la République argentine (2009) et de la Loi n° 27.078 sur les technologies de l'information et des communications (2014), dite Loi sur les télécommunications, jusque-là sous la responsabilité de l'AFSCA (Autoridad Federal de Servicios de Comunicación Audiovisual) et de l'AFTIC (Autoridad Federal de Tecnologías de la Información y las Comunicaciones), a été transférée à ce ministère. La législation actuelle a supprimé des restrictions sur le nombre de licences de radiodiffusion qu'un groupe de médias peut posséder et a permis aux sociétés de télécommunications de fournir des services de télévision par câble. Par ailleurs, le secteur de la publicité est réglementé par le CONARP (Consejo de Autorregulación Publicitaria : Conseil d'autorégulation de la publicité).

La législation fédérale vise à protéger l’industrie nationale, d'où la fixation de quotas de diffusion : les services de télévision hertzienne doivent transmettre un minimum de 60 % de productions nationales, avec un minimum de 30 % de productions propres qui contiennent des informations locales et 10 % de productions indépendantes. Quant aux services de télévision par câble non satellitaire, ils doivent inclure au minimum une diffusion de productions locales en espagnol. De plus, ces entreprises doivent prévoir dans leur grille des émissions diffusées par les pays du MERCOSUR et par des pays latino-américains, ce qui peut inclure des émissions en portugais.

5.5 La législation sur les médias

L’Argentine fait partie des pays les plus avancés du monde dans le domaine de la presse. Que ce soit sur papier ou sur le plan virtuel, les informations y passent à la vitesse de l’éclair et les Argentins disposent d’un large choix de supports pour se renseigner. De plus, le Congrès a adopté une législation dont les dispositions d'ordre linguistique sont contraignantes. En 1980, l'article 15 de la Loi n° 22.285 fixant les objectifs, les politiques et les bases à respecter par les services de radiodiffusion imposait l'emploi du castillan ("en idioma castellano") ou le doublage en castillan dans le cas de séries ou de films en langues étrangères:

Article 15 [abrogé]

Emploi de la langue

Les émissions de radiodiffusion doivent être diffusées
en castillan. Celles qui sont diffusées en d'autres langues doivent être traduites dès que possible ou simultanément, à l’exception des cas suivants;

a) Les paroles des compositions musicales;
b) Les émissions destinées à l'enseignement des langues étrangères;
c) Les émissions de la Radiodiffusion argentine aux étrangers (RAE);
d) Les émissions des communautés étrangères et celles dans lesquelles les peuples autochtones sont utilisés, avec l'autorisation préalable du Comité fédéral de la radiodiffusion.

Les séries ou les films en langues étrangères diffusés à la télévision doivent être doublés en castillan, de préférence par des professionnels argentins.

En 1998, l'article 1er du Décret de nécessité et d'urgence n° 1062 du pouvoir exécutif national modifiait quelque peu ainsi cet article 15 :
 

Article 1er

L'article 15 de la loi n° 22.285 et ses modifications sont remplacés par le texte suivant:

"Article 15

Emploi de la langue


Les titulaires des services de radiodiffusion peuvent diffuser des émissions en langues étrangères avec l'autorisation du Comité fédéral de radiodiffusion (COMFER), sans préjudice du fait qu'ils doivent orienter leurs émissions par la diffusion de
la langue castillane dans le but de promouvoir les langues autochtones de notre pays. Pour le doublage de films ou de séries parlés dans des langues étrangères qui doivent être doublés en castillan pour être diffusés à la télévision, la priorité doit être donnée aux professionnels argentins.

Mais la loi la plus importante en la matière est manifestement la Loi n° 26.522 réglementant les Services de communication audiovisuelle sur tout le territoire de la République argentine (2009). Cette loi impose l'usage de la langue officielle ("el idioma oficial") ou les langues des peuples autochtones ("los idiomas de los Pueblos Originarios") dans la programmation télévisuelle, ce qui inclut les annonces publicitaires. De plus, les émissions produites en langues étrangères doivent être sous-titrées ou traduites:

Article 9

Langue

La programmation diffusée au moyen des services visés par la présente loi, y compris les annonces publicitaires et les promotions de programme, doit être faite dans la langue officielle ou dans les langues des peuples autochtones, à l’exception des cas suivants:

a) Les émissions destinées à des publics situés au-delà des frontières nationales;
b) Les émissions d'enseignement
en langues étrangères;
c) Les émissions diffusées
dans une autre langue et traduites ou sous-titrées simultanément;

d) Les émissions spéciales destinées aux habitants des communautés étrangères ou aux résidents du pays;
e) Toute programmation issue d'accords réciproques;
f) Les paroles des compositions musicales, poétiques ou littéraires;
g) Les signaux à portée internationale qui sont reçus sur le territoire national.

Article 70

La programmation des services fournis dans la présente loi doit éviter les contenus qui encouragent ou incitent à un traitement discriminatoire basé sur la race, la couleur, le sexe, l'orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou toute autre nature, l'origine statut national ou social, le statut économique, la naissance, l'apparence physique, la présence d'un handicap ou portant atteinte à la dignité humaine ou induisant des comportements préjudiciables à l'environnement ou à la santé des personnes et à l'intégrité des enfants ou des adolescents.

Dans les Technologies de l'information et de la communication (TIC), la Loi sur les technologies de l'information et des communications (2014) oblige les titulaires de licences de services TIC de fournir à l'usager des informations dans la langue nationale ("idioma nacional") :

Article 62

Obligations


Les titulaires de licences de services TIC ont les obligations suivantes:

a) Fournir le service dans le respect des principes d’égalité, de continuité et de régularité dans le respect des niveaux de qualité établis par la réglementation en vigueur.

e) Fournir à l'usager des informations
dans la langue nationale et de manière claire, nécessaire, honnête, ponctuelle, suffisante, fidèle et libre, qui ne conduisent pas à l'erreur et qui contiennent toutes les informations sur les caractéristiques essentielles du service fourni au moment de l'offre, de la conclusion du contrat, pendant et après son exécution.

Il en est ainsi à l'article 14 du Règlement sur les services TIC à la clientèle (2017)

Article 14

Le fournisseur doit prévoir pour la clientèle toutes les informations associées aux caractéristiques essentielles des services qu’il commercialise. Les informations doivent être fournies de manière claire, détaillée, vraie, rapide, gratuite et
dans la langue nationale, afin que le client puisse prendre des décisions éclairées.

En somme, la législation sur les médias précise que la programmation, y compris la publicité, doit être faite dans la langue officielle ou dans les langues des peuples autochtones et, à défaut, de la doubler, sauf pour certaines exceptions : les émissions destinées à des publics situés au-delà des frontières nationales, les émissions d'enseignement des langues étrangères, les émissions diffusées dans une autre langue et traduites ou sous-titrées, les émissions spéciales destinées aux habitants des communautés étrangères ou aux résidents du pays, les paroles ou textes des compositions musicales, poétiques ou littéraires, ainsi que les signaux de portée internationale qui sont reçus sur le territoire national.

La politique linguistique de l'État fédéral d'Argentine en est une d'unilinguisme en faveur de la langue espagnole ("idioma español"), appelée aussi «castillan» ("idioma castellano") ou «langue nationale» ("idioma nacional"), très rarement «langue officielle» ("idioma oficial"). Quoi qu'il en soit, on réfère toujours à la même langue, l'espagnol. Que ce soit au Congrès, dans les tribunaux, l'administration publique, l'éducation, les affaires et le commerce, les médias, l'espagnol règne en maître absolu, sans qu'il soit nécessaire d'avoir fait adopter une quelconque loi sur la langue nationale (ou officielle). La quasi-totalité de la population s'exprime dans cette langue, soit comme langue maternelle, soit comme langue seconde. C'est pourquoi l'école a pour mission de favoriser l'hispanisation des autres langues et de construire un imaginaire argentin apte à réunir les différences marquées dans un idéal commun de la Nation argentine.

En Argentine, la notion de «minorités nationales» est inexistante, mais l’article 75 (paragraphe 17) de la Constitution nationale reconnaît aujourd'hui la «préexistence ethnique et culturelle des peuples indigènes argentins». C’est un peu court, car aucune mesure n’a suivi pour appliquer cette disposition. Il reste maintenant à analyser la politique linguistique concernant les peuples autochtones de l'Argentine. C'est l'objet de la partie 4 qui suit.

Dernière mise à jour: 01 juil. 2019
     
   L'Argentine      
(1) Données démolinguistiques (2) Données historiques (3) Politique relative à l'espagnol
(4)
Politique relative aux langues autochtones
 
(5) Les législations linguistiques provinciales (6) Bibliographie


 

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