République de Biélorussie |
Biélorussie3) La politique des langues officielles |
Au lendemain de l'indépendance en 1991, la Biélorussie avait entrepris une politique de biélorussification. Celle-ci était destinée à normaliser le statut de la langue nationale au sein de la société. La politique se traduisait par une prédominance législative du biélorusse sur le russe afin de contrebalancer la puissance du russe. La Loi sur les langues, n° 46, se voulait un instrument juridique pour garantir aux citoyens de la Biélorussie, qui était encore une république soviétique, le droit d’utiliser leur langue nationale. L'article 2 proclamait que «la langue officielle de la République socialiste soviétique de Biélorussie est la langue biélorusse». Bien que la Loi sur les langues de 1990 ait voulu accorder une priorité à la langue nationale, elle autorisait aussi les mêmes droits aux locuteurs des autres langues de pouvoir employer leur langue maternelle, mais il s'agissait surtout de ne pas réduire les droits des locuteurs du russe. Autrement dit, la Loi sur les langues de 1990 prévoyait la prédominance de la langue bélarusse dans toutes les sphères du fonctionnement de la société d'ici à l'an 2000, mais contrepartie elle garantissait aux citoyens le droit de s'adresser aux autorités dans n'importe quelle langue (article 3) et ne devait en aucun cas porter atteinte aux droits de la population russophone. Si le biélorusse était déclaré la seule langue officielle, rien ne changeait d'un point de vue pratique, car tous les organismes pouvaient continuer à employer la langue russe.
1.1 Le référendum de 1995
De plus, un premier référendum de l'histoire de la Biélorussie eut lieu le 14 mai 1995 sous l'initiative du président Alexandre Loukachenko. L'une des quatre questions portait sur le statut du russe; c'était celle-ci: «Êtes-vous d'accord pour donner à la langue russe un statut égal à la langue biélorusse?»:
Согласны ли вы с приданием русскому языку равного статуса с белорусским? | Êtes-vous d'accord pour donner à la langue russe un statut égal à la langue biélorusse? |
Les citoyens de la Biélorussie ont répondu OUI dans une proportion de 83,3%. Par la suite, la Loi n° 46 sur les langues (1990) et la Loi sur les minorités nationales (1992) furent toutes deux abrogées et remplacées par la Loi n° 187 sur les langues (1998, en vigueur) et la Loi sur les minorités nationales (2004, en vigueur). C'est donc à partir de ces lois et des autres qui suivirent que portera cet article sur la politique des langues officielles.
Le référendum de 1995 organisé par le président Loukachenko visait, entre autres (dont le droit du président de dissoudre le Parlement), à accorder au russe un statut égal à celui du biélorusse et non plus seulement un statut de communication interethnique. Il s'agissait, dans les faits, de faire passer le russe au rang de «seconde langue officielle» sans modifier pour autant la Loi sur les langues de 1990. Rappelons que dont l'attribution du statut de «seconde langue officielle» au russe a été acceptée dans une proportion de 83 % de la population (référendum de 1995). En fait, cette notion de «première langue officielle» ou de «deuxième langue officielle» n'apparait dans aucun texte juridique; la Constitution de 1996 ne modifiait que le paragraphe 2 de l'article 17:
Article 17 (1994)
1) La langue officielle de la république de Biélorussie est le biélorusse. 2) La république de Biélorussie maintient le droit d’employer librement la langue russe comme langue de la communication entée ethnique. |
Article 17 (1996)
1) La langue officielle de la république de Biélorussie est le biélorusse. 2) La langue russe jouira d’un statut égal à la langue biélorusse. |
1.2 La Charte de l'Union avec la Russie
Les partisans de la langue biélorusse auraient souhaité que le gouvernement se rapproche le plus possible des dispositions prévues dans la Loi n° 46 sur les langues (1990). Mais les tentatives d'ouverture vers les pays de l'Ouest ayant toutes échoué, la tentation était grande de se tourner vers l'Est, c'est-à-dire la Russie, donc de la langue russe. D'ailleurs, la politique de retour à l'état antérieur à la Loi sur les langues fut confirmée par l'article 38 de la Charte de l'Union entre la Russie et la Biélorussie, lequel ne prévoit que le russe comme langue de travail dans les instances communes:
Устав Союза Беларуси и России (1997) Статья 38 |
Charte de l'Union de la Biélorussie et de la Russie (1997) Article 38 |
1.3 La co-officialité des langues
La Constitution de 1994 fut donc modifiée en 1996 afin que le russe devienne une langue officielle comme le biélorusse. L'article 17 de la Constitution se lit comme suit:
Article 17 Les langues officielles de la Biélorussie sont le biélorusse et le russe. Article 50 |
L'article 50 laisse la possibilité à tous les citoyens d'employer une autre langue de communication ainsi que dans l'enseignement.
L'article 2 de la Loi sur les langues de 1998 reprend le libellé sur les langues officielles tout en garantissant le droit au développement et au libre emploi de toutes les langues nationales utilisées par la population
Article 2
Les langues officielles et les autres langues dans la république de Biélorussie 2) La république de Biélorussie garantit le développement et le fonctionnement harmonieux des langues biélorusse et russe dans toutes les sphères de la vie publique. |
De plus, l'article 90 du Code de l'éducation (2011) reconnait formellement le droit à tous les citoyens de choisir sa langue d'enseignement, qu'elles soient officielles ou non:
Article 90 Langue d'enseignement et d'éducation. Apprentissage des langues dans les établissements d'enseignement 1) Les principales langues d'enseignement et de formation de la république de la Biélorussie sont les langues officielles de la république de la Biélorussie. L'État garantit aux citoyens le droit de choisir l'éducation et la formation dans l'une des langues officielles de la république de la Biélorussie et crée les conditions pour la mise en œuvre de ce droit. |
En principe, la co-officialité des langues suppose une égalité juridique et un emploi effectif de la part de l'État. Il reste à vérifier dans quelle mesure cette égalité est transposée dans les différents domaines de la vie publique.
Le Parlement de la Biélorussie est connu sous le nom d'Assemblée nationale (en biélorusse: "Nacyjanaĺnaha schodu"; en russe: "Natsional'nogo sobraniya"). C'est l'organisme représentatif et législatif de la République, qui se compose de deux chambres: la Chambre des représentants et le Conseil de la République. La Chambre des représentants comprend 110 députés, tous élus par le peuple; son rôle est d'examiner et de voter les projets de loi, et d'approuver ou de s'opposer aux activités du gouvernement. Quant au Conseil de la République ou Chambre haute, il se compose de 64 membres; le rôle principal du Conseil de la République est d'approuver ou de refuser les projets de loi qui ont été adoptés par la Chambre des représentants.
Interagissant avec le pouvoir législatif, le président de la République a le droit d'introduire une législation et est habilité à signer ou à rejeter des lois. Le président a le droit d'adopter des actes spéciaux ayant force de loi - des décrets. Les décrets
et arrêtés du président sont contraignants dans tout le pays.
2.1 L'emploi de l'une des deux langues
Dans la pratique, l'Assemblée nationale possède peu de pouvoir réel. Le système politique biélorusse concentre presque tout le pouvoir entre les mains du président (Alexandre Loukachenko). L'Assemblée a même très peu de contrôle sur les dépenses du gouvernement, car tout projet de loi qui a pour effet d'augmenter ou diminuer les dépenses de l'État ne peut être adopté qu'avec l'autorisation du président. En fait, les décrets présidentiels ont plus de poids que la législation parlementaire. De toute façon, dans sa forme actuelle, l'Assemblée nationale est entièrement dominée par les partisans de Loukachenko, ce qui fait qu'il ne subsiste aucune véritable opposition aux décisions présidentielles.
La plupart des débats parlementaires à la Chambre des représentants et au Conseil de la République ont lieu en russe, le biélorusse étant beaucoup moins fréquent. De même, la plupart des projets de loi sont adoptés en russe, mais certaines peuvent l'être en biélorusse: les lois sont adoptées dans la langue dans laquelle elles ont été présentées. Il n'existe pas de traduction officielle. L'article 7 de la Loi sur les langues (1998) ne rend obligatoire que l'emploi du biélorusse et/ou du russe, l'une ou l'autre langue étant obligatoire, non les deux:
Article 7
La langue des actes des organismes de l'État, de l'administration locale et du gouvernement local 1) Les actes des organismes de l'État de la république de Biélorussie sont adoptés et publiés en biélorusse et/ou en russe. Article 12 La langue des documents pour l'élection des députés et autres personnes qui sont élus à une fonction publique par le peuple |
En somme, tous les documents provenant du Parlement doivent être publiés dans l'une des deux langues, pas nécessairement dans les deux. Dans les faits, la plupart des lois et des autres documents sont publiés en russe, puis parfois traduits en biélorusse, souvent en anglais. Les pratiques réelles des dirigeants politiques révèlent que le biélorusse serait utilisé surtout dans les communications destinées au public, et que le russe serait systématiquement employé dans l'enceinte du Parlement, notamment dans les comités de travail. Par exemple, en 1998, au moment de l'adoption de la loi n° 187 sur les langues, le Conseil des ministres a publié plus de 2000 résolutions, mais seulement 30 d'entre elles l'ont été en biélorusse. Cette année-là, le premier ministre n'a publié que 1 % de ses directives en biélorusse. Cette pratique n'a guère changé! Le fait de ne pas imposer les deux langues laisse la place à la prépondérance d'une langue, ce qui va à l'encontre de l'égalité des langues dans un contexte d'une politique des langues officielles.
Au sein du gouvernement, aucun membre du gouvernement biélorusse, aucun responsable de l'administration du président biélorusse n'ose prendre la parole publiquement biélorusse! On comprend pourquoi: si l'un des ministres ou l'un des hauts fonctionnaires parlait en biélorusse lors d'une réunion, ce serait le dernier jour de sa carrière, parce que ce serait interprété comme un acte de rébellion de la part d'un nationaliste, un ennemi.
2.2 La politique du libre choix
Dans le cas des élections, l'article 12 de la Loi sur les langues (1998) impose le biélorusse ou le russe:
Article 12
La langue des documents pour l'élection des députés et autres personnes qui sont élus à une fonction publique par le peuple |
Le Code électoral (2000) poursuit cette politique du choix des langues:
Article 47 Restrictions à la tenue d'une campagne électorale ou référendaire 2) L'agitation ou la propagande d'une supériorité sociale, raciale, nationale, religieuse ou linguistique, la production et la diffusion de messages et de matériel incitant à la haine sociale, raciale, nationale ou religieuse sont interdites. Article 72 Bulletin sur les élections présidentielles et bulletin sur l’élection des députés 8) Les bulletins doivent être imprimés en biélorusse ou en russe. Au verso du bulletin de vote, les signatures d'au moins deux personnes membres de la commission de circonscription sont apposées. |
Le choix de la langue des bulletins de vote relève de la commission de circonscription, car ce n'est pas celui des citoyens qui pourraient choisir dans quelle langue ils veulent obtenir leur bulletin de vote. Quoi qu'il en soit, les autorités doivent conclure que tout le monde connaît les deux langues! En réalité, tous les biélorussophones connaissent le russe, tandis que la plupart des russophones ne maîtrisent aucunement la langue nationale du pays.
La Constitution bélarusse garantit un système judiciaire indépendant. Toutefois, dans la pratique, les tribunaux peuvent être soumis à l'influence de l'Exécutif et du président. Selon la Banque mondiale, l'indice de faciliter d'exécution des affaires est relativement aisée en Biélorussie: le pays se classe en 29e place. Ce score reflète principalement des procédures rapides et peu coûteuses, car la qualité de la procédure judiciaire est jugée inférieure en Biélorussie par comparaison avec les pays de l'OCDE. Bien que la loi stipule l'égalité de traitement entre les nationaux et les étrangers, un étranger ne peut pas nécessairement s'attendre à un procès gratuit de la part du système judiciaire du pays. Le biélorusse et le russe sont les langues judiciaires utilisées dans le pays. Il est possible de demander un interprète.
La Cour suprême est la principale juridiction de la République pour traiter des affaires civiles, pénales, administratives et économiques, ainsi que pour superviser les activités judiciaires des tribunaux de juridiction générale. |
3.1 Le choix de la langue
Les articles 14 et Loi sur les langues (1998) imposent l'une des deux langues officielles, mais il est possible de demander l'aide d'un interprète:
Article 14
La langue de la procédure La langue de la procédure dans les cas d'infractions administratives |
L'article 16 du Code de procédure civile (1999) n'autorise que le biélorusse ou le russe:
Article 16 La langue de la procédure judiciaire 1) La procédure en république de Biélorussie doit se dérouler en biélorusse et/ou en russe. |
Il en est ainsi à l'article 21 du Code de procédure pénale (1999):
Article 21 Langue dans laquelle les documents et la procédure sont présentés 1) La procédure relative aux documents et aux affaires pénales en république de Biélorussie doit se dérouler en biélorusse et/ou en russe. |
L'article 17 de la Loi sur les langues (1998) laisse la liberté aux procureurs de choisir une langue acceptée par les parties en cause:
Article 17
La langue des poursuites pénales |
Selon l'article 13 du Code sur le pouvoir judiciaire et le statut des juges (2006), les langues des tribunaux sont le biélorusse et/ou le russe:
Article 13
Langue de la justice et de la procédure devant les tribunaux 1) La procédure judiciaire et le travail administratif dans les tribunaux de la république de Biélorussie doivent se dérouler en biélorusse et/ou en russe. |
3.2 La prépondérance du russe
Dans les faits, la majorité des citoyens préfèrent recourir au russe, car ils estiment que le juge sera plus clément à leur égard. Certains juges seraient même enclins à croire que l'emploi du biélorusse par les jeunes dans un tribunal est un indice de leur culpabilité. Tous les juges maîtrisent le russe.
Le Code de procédure et d'exécution sur les infractions administratives (2020) ne fait pas exception dans l'emploi des langues:
Article 2.11 Langue dans laquelle se déroule la procédure administrative 1) La procédure administrative en république de Biélorussie doit se dérouler en biélorusse ou en russe. |
Enfin, l'article 20 du Code de procédure commerciale (1998-2019) est cohérent avec les langues de la procédure:
Article 20 Langue de la procédure judiciaire devant le tribunal traitant des affaires économiques 1) La procédure judiciaire devant le tribunal traitant des affaires économiques doit se dérouler en biélorusse et/ou en russe. 3) Les actes judiciaires (ou les copies de ceux-ci) que le tribunal chargé des affaires économiques est tenu, conformément à la législation sur la procédure judiciaire devant les tribunaux traitant des affaires économiques, de diriger ou de signifier aux justiciables participant au procès, doivent être rédigés dans la langue de la procédure judiciaire devant le tribunal pour les affaires économiques. |
En somme, le choix de la langue devant un tribunal fait en sorte que tous les citoyens peuvent demander un procès en biélorusse ou en russe. Dans la pratique, ce choix favorise l'usage massif du russe. Bref, la langue normale de toute procédure judiciaire est le russe. Fait à noter: la Biélorussie demeure le seul pays d’Europe et de l’ex-Union soviétique à procéder à des exécutions.
Les évaluations procédées par les Nations unies, les États-Unis et diverses organisations européennes et euro-atlantiques démontrent le mépris de la Biélorussie pour les droits de l'homme, la soumission des tribunaux biélorusses à l'administration du président Loukachenko et aux membres du cercle restreint de ce dernier, l'utilisation du système judiciaire biélorusse comme un outil pour atteindre des objectifs politiques inappropriés et tenir compte des intérêts du régime.
En Biélorussie, la fonction publique est politisée, puisque tout le système est contrôlé par le président et son administration. Elle n’est donc pas exempte de l’influence des principales politiques publiques du pays. De plus, il n'existe pas dans le pays d'organisme distinct qui s'occuperait exclusivement de la fonction publique. La fonction publique est par conséquent soumise au népotisme et à la corruption. Selon la pratique locale, la fonction publique souffre d'un grand roulement de personnel. Les fonctionnaires changent d'emploi parce qu'ils ne sont pas satisfaits du bas niveau des salaires, mais aussi par la faible possibilité d'avancement. Au fil du temps, les citoyens sont sous l'impression que les fonctionnaires sont «des gens ennuyeux avec des emplois ennuyeux».
4.1 Les exigences du bilinguisme
Dans un État bilingue, on s'attend à ce que la fonction publique soit bilingue, de façon à que les fonctionnaires puissent répondre dans la langue choisie par les citoyens. L'article 4 de la Loi sur les langues (1998) exige la maîtrise des deux langues officielles chez les fonctionnaires:
Article 4
L'obligation aux responsables et autres fonctionnaires des organismes publics, de l'administration ou du gouvernement local, des entreprises, des institutions, des organisations et associations sociales de maîtriser le biélorusse et le russe |
L'article 5 de la même loi en fait une obligation sous peine de sanction:
Article 5
La garantie des droits des citoyens lors de l'examen de documents déposés devant les organismes de l'État, les administrations locales et l'administration centrale, les entreprises, les institutions, les organisations et les associations sociales |
La Loi sur la fonction publique (2003) oblige les candidats et candidates à la fonction publique de maîtriser les langues officielles:
Article 24
Admissibilité dans la fonction publique 1) Les citoyens de la république de Biélorussie qui ont atteint l'âge de dix-huit ans, qui maîtrisent les langues officielles de la république de Biélorussie et qui satisfont aux autres exigences prévues par la présente loi et d'autres actes législatifs sur la fonction publique ont le droit d'accéder à la fonction publique.
|
Puisque la Biélorussie est un État bilingue, il peut paraître normal que la loi oblige les fonctionnaires à maîtriser les deux langues officielles, mais l'histoire du pays fait en sorte que c'est la connaissance du biélorusse qui peut poser problème, pas celle du russe qui demeure la langue la plus prestigieuse et la plus employée. Les fonctionnaires interprètent ce bilinguisme non pas comme une obligation de répondre à chacune des langues officielles (le biélorusse et le russe), mais plutôt comme la liberté de choisir dans laquelle des deux ils vont répondre. Toutefois, dans le cas des réclamations écrites, l'administration doit répondre dans la langue de l’expéditeur; ce sont les fonctionnaires bilingues qui sont chargés de cette tâche.
Dans l'administration gouvernementale, les pratiques semblent peu systématiques: les documents de travail paraissent surtout en russe dans les ministères «techniques», en biélorusse dans les ministères «culturels» (comme l'Éducation, la Justice, etc.). En fait, la législation à cet effet s'est révélée peu applicable, car de très nombreux fonctionnaires ne connaissent pas suffisamment le biélorusse, y compris chez les biélorussophones, au point de ne pouvoir exercer adéquatement leurs fonctions.
Dans les villes, les gens parlent majoritairement russe et, dans les campagnes, biélorusse. Dans les villes, le biélorusse est considéré par certains comme l’apanage de l’opposition politique ou par d’autres comme la langue des paysans. En milieu urbain, le biélorusse est parlé par moins de 10 % de la population, selon une étude publiée en mars 2021 par le Centre for East European and International Studies, un groupe de réflexion basé à Berlin. L’UNESCO qualifie même le biélorusse de «langue vulnérable». De façon courante, il est d'usage de saluer une connaissance en biélorusse pour poursuivre la conversation en russe.
4.2 L'une ou l'autre langue
Les articles 7 et 8 de la Loi sur les langues exigent que les documents et toute procédure soient en biélorusse et/ou en russe
Article 7
La langue des actes des organismes de l'État, de l'administration locale et du gouvernement local 1) Les actes des organismes de l'État de la république de Biélorussie sont adoptés et publiés en biélorusse et/ou en russe. Article 8 La langue de la procédure et de la documentation 1) En Biélorussie, la langue de la correspondance d'affaires et de la documentation, celle des relations entre la langue organismes de l'État, de l'administration locale et des collectivités locales, des entreprises, des institutions, des organisations et des associations sociales, doit être le biélorusse et/ou le russe. |
Il faut remarquer que dans ces articles il est fait mention du biélorusse et/ou du russe. En biélorusse, on emploie беларускай і (або) ou рускай мовах, c'est-à-dire "bielaruskaj i (abo) ruskaj movach". Cela signifie en principe l'une ou l'autre langue!
Les articles 29 et 30 de la Loi sur les langues reprennent la même formulation:
Article 29
La langue des annonces, des avis et de la publicité La langue de l'étiquetage |
Dans les documents officiels, ce ne sont pas les deux langues qui sont généralement utilisées, car c'est dans la pratique l'une des deux langues, très massivement le russe. La langue biélorusse est principalement employée par le ministère de la Culture.
L'article 14 de la Loi sur la citoyenneté (2003) énumère comme l'une des conditions pour obtenir la citoyenneté de maîtriser l'une des langues officielles:
Article 14
|
La plupart des personnes qui demandent la citoyenneté biélorusse de contente de connaître les rudiments du russe puisque c'est la langue dominante dans le pays. D'ailleurs, il est plus aisé de vivre en Biélorussie en parlant uniquement le russe plutôt que le seul biélorusse.
4.3 La langue des toponymes
En général, les noms de lieux d'origine slave (biélorusses et/ou russes, sinon en ukrainien) prédominent sur le territoire de la Biélorussie dans une proportion d'environ 82%. Quelque 3% des toponymes sont des noms d'origine clairement non slave (généralement baltique ou polonaise) et jusqu'à 15% sont d'origine obscure, probablement des noms transformés ou traduits. La politique toponymique est gérée par la Commission toponymique du Conseil des ministres. La procédure d'attribution de noms aux objets géographiques ou de leur changement de nom est régie par la Loi sur les noms géographiques.
L'article 32 de la Loi sur les langues (1998) énonce les dispositions suivantes à cet effet:
Article 32
La langue des toponymes et de la cartographie |
La Loi sur les noms géographiques (2010) précise les modalités de transcription (translittération) du biélorusse vers le russe et vice versa:
Article 16 Conditions obligatoires pour nommer et renommer les objets géographiques 1) Le nom attribué à une entité géographique doit refléter le point de vue des citoyens vivant dans une région. En outre, il devrait, en règle générale, indiquer les caractéristiques de cet objet, prendre en compte les conditions et les caractéristiques géographiques, historiques, naturelles, nationales, ethnographiques, sociales, culturelles et autres de la zone dans laquelle il est situé, et répondre aux règles de dérivation, de prononciation et de style des langues biélorusse et russe. Article 17 |
Cela n'empêche pas un grand nombre de toponymes d'avoir des appellations bilingues, à la fois en biélorusse et en russe: Babrujsk/Bobrujsk, Brèst/Brest, Dnjapro/Dnepr, Hlybokae/Glubokoe, Homyel/Gomel, Horki/Gorki, Horodna/Grodno, Mazyr/Mozyr, Navahrudak/Novogrudok, Polack/Polotsk, Sluck/Slutsk, Svetlahorsk/Svetlagorsk, Vicebsk/Vitebsk.
- Les modalités d'inscriptions
Certaines dispositions dans la réglementation biélorusse indiquent que sur les panneaux les inscriptions dans la signalisation doivent être présentées en biélorusse ou en russe (de préférence en biélorusse); sur d'autres panneaux, les inscriptions doivent être rédigées en biélorusse; comme troisième possibilité, les inscriptions peuvent être en biélorusse et en anglais; finalement, les inscriptions peuvent être en anglais seulement. Les trois premières modalités ne parviennent pas à toujours transmettre correctement les appellations de la langue biélorusse et la quatrième manière est une norme unique employée par les linguistes biélorusses et les étrangers. Pour la majorité des Biélorusses, la translittération du russe en lettres latines est la plus courante. Bien que le ministère de l'Intérieur permette de translittérer un nom à sa guise, la translittération limite les possibilités aux seules lettres latines «anglaises» et exclut les lettres comme [š] (= sh), [č] (= ch) ou [ ў] (= ou très ouvert).
Pour de nombreux étrangers, l'orthographe latinisée des désignations et des noms biélorusses présente de réelles difficultés ou semble tout simplement imprononçable: Лукашэнка > Lukašenka. Les Biélorusses eux-mêmes semblent contrariés par la façon dont leurs noms sont transformés de l'alphabet cyrillique à l'alphabet latin. C'est devenu encore plus compliqué depuis que la Biélorussie possède deux langues officielles. Actuellement, les Biélorusses utilisent quatre orthographes différentes pour les dénominations des toponymes: (1) une translittération du russe, (2) l'orthographe utilisée par le ministère biélorusse de l'Intérieur, (3) une translittération aléatoire, (4) la réglementation adoptée par les Nations unies. |
- L'unilinguisme biélorusse
De façon générale, l'unilinguisme biélorusse règne sur les édifices gouvernementaux. La signalisation routière est unilingue biélorusse, sauf pour les anciens panneaux bilingues, mais apparemment en cours de remplacement. Depuis un certain temps, le biélorusse demeure plus présent que le russe. Un étranger peut croire, en regardant tous ces panneaux d'affichage, que le russe est peu important dans ce pays, mais c'est davantage un symbole qu'une réalité. Par exemple, lorsque Vladimir Poutine est devenu président de la fédération de Russie en 2008, Alexandre Loukachenko avait alors décidé de remplacer les panneaux indicateurs bilingues par d'autres, rédigés exclusivement en biélorusse.
En fait, le biélorusse est une langue visuellement présente dans toute la capitale, bien que peu de locuteurs utilisent cette langue en public. Pour les enseignes commerciales, elles sont généralement en biélorusse, mais il en a également en russe, en anglais et en allemand. Les raisons sociales sont massivement en russe, mais de plus en plus en anglais. Progressivement, on voit apparaître des inscriptions en lettres latines, ce qui fait concurrence au cyrillique. |
- La brève décommunisation
Au début des années 1990, au moment où les capitales des anciennes républiques soviétiques (Ukraine, Estonie, Arménie, Kazakhstan, etc.) entamaient un processus de décommunisation et de dérussification des noms de rue et de nombreuses sculptures qui glorifiaient les dirigeants communistes, la situation fut très différente en Biélorussie. Par exemple, à Minsk, le processus de décommunisation et de dérussification du paysage urbain fut très limité: seules 14 rues et une place furent renommées et aucune des sculptures communistes ne fut supprimée, et ce uniquement entre 19900 et 1993. Après la victoire d'Alexandre Loukachenko aux élections de 1994, le climat politique du pays s'est modifié, tandis que le nouveau président qualifiait l'effondrement de l'URSS de «catastrophe géopolitique» et promettait même de restaurer l'Union soviétique. Pourtant, de nombreux habitants de Minsk sont aujourd'hui mécontents des noms soviétiques dans les rues de Minsk. C'est un sujet régulièrement débattu dans les médias indépendants; de nombreux intellectuels de Minsk expriment parfois leur opinion pour réformer la toponymie de Minsk. Cependant, les autorités biélorusses veulent clairement préserver les mythes et les références au passé soviétique.
Contrairement à la Biélorussie, l'Ukraine a adopté en avril 2015 quatre lois de déclassement, dites de «décommunisation» (Декомуніза́ція > dekommunizatsia), interdisant toute propagande concernant les régimes totalitaires communistes et national-socialiste (nazis) en Ukraine. Dans ce pays, le processus de «décommunisation» a touché les écoles (dénominations et programmes scolaires), le nom des villes et des rues désignées en l’honneur des dirigeants ou des héros soviétiques. À la bataille des noms s'est ajoutée une «guerre des monuments». Le démantèlement des monuments à la gloire des responsables soviétiques n'a pas eu lieu en Biélorussie.
4.4 La langue des usagers
La Biélorussie est un État officiellement bilingue, nous le savons. Cependant, il ne s'agit pas d'un bilinguisme où un usager peut simplement indiquer sa langue de communication préférée et l'employer auprès d'un fonctionnaire de l'État. Ce n'est pas de cette manière que le bilinguisme est mis en application dans ce pays. Dans les faits, les fonctionnaires n'interprètent pas le bilinguisme comme une obligation de répondre dans l'une ou l'autre des langues officielles (biélorusse ou russe), mais comme leur liberté de répondre dans l'une ou l'autre des langues; ce sont les fonctionnaires qui choisissent la languie de communication orale. . Autrement dit, un citoyen peut s'adresser oralement en biélorusse à un employé, mais celui peut répondre en russe. Dans les grandes villes, le fait de s'adresser en biélorusse peut entraîner une discrimination dans les services à un citoyen. Toutefois, dans le cas des documents écrits, il existe une obligation de répondre dans la langue employée par l'expéditeur.
L'article 14 du Code du travail (1999) interdit la discrimination selon la langue, entre autres:
Article 14 Interdiction de la discrimination dans les relations de travail |
Selon l'article 687 du Code civil (1998), tout entrepreneur est tenu de fournir au client les informations nécessaires et fiables dans l'une des langues officielles:
Article 687 Octroi d'informations au client des informations sur les travaux proposés 3) Les informations spécifiées dans le présent article doivent être transmises au client dans l'une des langues officielles. Les informations communiquées ou transmises dans une langue étrangère sont considérées comme non nulles, sauf dans les cas où les informations ont été communiquées ou transmises dans une langue étrangère à la demande du client. |
Dans la pratique, il suffit que les informations soient transmises en biélorusse ou en russe pour que l'entrepreneur respecte la loi. D'ailleurs, c'est ainsi que la Loi sur la protection des droits des consommateurs (2002) est libellée (art. 7):
Article 7 Informations sur les biens (travaux, services) 9) Les informations prévues aux paragraphes 1 à 8, 10 et 12 du présent article dans les langues biélorusse et/ou russe doivent être présentées dans une police claire et lisible pour être portées à l'attention du consommateur dans la documentation jointe aux produits (travaux, services), sur les emballages de consommation, les étiquettes ou de manière différente, adoptée pour certains types de biens (travaux, services), sauf disposition contraire dans les actes juridiques internationaux constituant le droit de l'Union économique eurasienne. La date de fabrication et la date de péremption des produits alimentaires doivent être apposées sur l'emballage et/ou sur l'étiquette pour le consommateur, dont le retrait de l'emballage est difficile pour le consommateur. Les informations communiquées ou transmises dans une langue étrangère sont considérées comme nulles, sauf si elles ont été signalées ou transmises dans une langue étrangère à la demande du consommateur. |
Notons que les informations communiquées ou transmises dans une langue étrangère sont considérées comme nulles, sauf dans les faits si elles sont en anglais.
En vertu de l'article 34 de la Loi sur les marchés publics des marchandises (2019), les soumissions peuvent être présentées en russe ou en biélorusse:
Article 34 Offre, conditions d'une soumission, modifications et/ou ajouts et retraits |
L'une des rares lois à accepter la langue des usagers, c'est la Loi sur la liberté de religion et les organisations religieuses (2002):
Article 24 Documentation religieuse et dispositions sur les objectifs religieux 1) Les citoyens et les organisations religieuses ont le droit d'acquérir et d’utiliser la documentation religieuse dans la langue qu'ils ont choisie, aussi bien que d'autres objets et matériaux à des fins religieuses. |
Il s'agit ici d'une question de principe, car tout citoyen a le droit de lire des documents, par exemple, en polonais, en ukrainien ou en anglais. Dans la pratique liturgique, l'Église orthodoxe et les organisations protestantes ont recours au russe, mais l'Église catholique utilise principalement les langues biélorusse et polonaise.
L'éducation en Biélorussie est gratuite à tous les niveaux, à l'exception de l'enseignement supérieur. Le ministère qui supervise le fonctionnement des établissements d'enseignement est le ministère de l'Éducation, mais chacune des régions (ou voblasts) supervise le réseau de l'éducation. La structure actuelle du système d'éducation a été instituée par décret en 1994. Elle comprend l'enseignement préscolaire, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.
Quant aux élèves et aux étudiants, ils peuvent fréquenter une école publique ou privée. Selon des estimations approximatives, il y aurait une cinquantaine d'écoles privées dans le pays. Un peu plus d'une douzaine ont été accréditées, l'accréditation donnant le droit d'émettre des certificats basés sur les résultats des 9e et 11e années. |
L'article 21 de la Loi sur les langues (1998) précise qu'il s'agit d'un droit en biélorusse ou en russe à tous les niveaux de l'éducation:
Article 21
Le droit à l'éducation et à la formation dans la langue nationale 2) Ce droit est assuré par un système d'écoles maternelles, d'écoles primaires et secondaires, d'écoles professionnelles, d'établissements secondaires spécialisés et d'enseignement supérieur. 3) Le droit à l'éducation et à la formation dans leur langue maternelle est reconnu aux citoyens des autres nationalités vivant dans le pays. |
Dans le domaine de l'éducation, l'État a également choisi des mesures qui tiennent compte de la grande importante du russe dans ce domaine, tout en essayant de rendre le biélorusse plus «officiel». L'éducation a constitué entre 1990 et 1995 le fer de lance de la politique linguistique du gouvernement.
5.1 L'enseignement de la maternelle
L'éducation préscolaire n'est pas obligatoire en Biélorussie, mais environ 70% des enfants fréquentent la crèche (de 1 à 2 ans) et la maternelle (de 3 à 5 ans) avant de commencer l'école primaire. Les langues d'enseignement sont normalement le biélorusse ou le russe. Le nombre d'établissements d'enseignement préscolaire en Biélorussie est passé de 4064 au cours de l'année scolaire 2012-2013 à 3812 au cours de l'année scolaire 2017-2018. Dans les agglomérations rurales, le nombre d'établissements d'enseignement préscolaire a diminué (de 2036 à 1729 sur la même période), dans les villes et agglomérations de type urbain, il augmente légèrement (de 2028 à 2083).
L'article 22 de la Loi sur les langues (1998) énonce que l'enseignement dans les écoles maternelles doit être offert en biélorusse et/ou en russe:
Article 22
Les langues d'enseignement dans les écoles maternelles |
Le développement linguistique des enfants bélarusses se déroule dans une situation de bilinguisme russo-biélorusse étroitement lié. La première langue que les enfants d'âge préscolaire apprennent est le russe. En même temps, l'enseignement de la langue biélorusse aux enfants a également lieu assez tôt, car ceux-ci l'entendent à la radio, à la télévision e à la maternelle (classes séparées, jours fériés). Les élèves développent habiletés dans les langues russe et biélorusse. Ainsi, le système d'éducation préscolaire en Biélorussie se veut bilingue, que ce soit dans les établissements préscolaires, dont la principale langue d'enseignement est le biélorusse ou le russe. Dans la pratique des établissements préscolaires avec le russe comme langue d'enseignement, la méthode la plus courante est un «immersion douce», qui prévoit l'introduction progressive de la langue biélorusse dans le processus d'apprentissage.
Cependant, le niveau le plus élevé de compétence linguistique des enfants est toujours assuré au moyen de la langue russe, car le biélorusse sert surtout de langue d’identification nationale. Bref, à la fin de la maternelle, les enfants maîtrisent généralement mieux le russe que le biélorusse parce que les situations langagières dans lesquelles les enfants se trouvent, en particulier en dehors de la maternelle, ne créent pas un besoin vital pour eux de communiquer en langue biélorusse. De plus, la maîtrise spontanée de deux langues en bas âge conduit généralement à un mélange du russe et du biélorusse dans les discours d'enfants.
5.2 L'enseignement primaire et secondaire
L'éducation dans les écoles primaires et secondaires est obligatoire pour les enfants de 6 à 15 ans et dure neuf ans. Après avoir terminé l'enseignement de base, chaque élève doit réussir le programme d'enseignement de base et se voit remettre un certificat de l'État. Ensuite, les élèves peuvent être admis dans des institutions techniques professionnelles où ils peuvent se concentrer sur la fin de leurs études secondaires et étudier pour obtenir un certificat professionnel.
Lorsque le biélorusse a été adopté comme la seule langue officielle du pays en 1990, les enfants de langue maternelle biélorusse durent apprendre le biélorusse dès l'école primaire; la langue russe, l'histoire et la littérature devaient être remplacées par la langue, l'histoire et la littérature biélorusses. Cependant, le russe est resté la langue principale de l'éducation dans les établissements d'enseignement général et les établissements d'enseignement supérieur.
L'article 23 de la Loi sur les langues (1998) énonce que les activités pédagogiques doivent se donner en biélorusse et/ou en russe:
Article 23
La langue d'enseignement et de formation, l'apprentissage des langues dans les écoles 2) Conformément aux souhaits des citoyens, les organismes administratifs exécutifs locaux peuvent décider et créer des écoles ou des classes dans lesquelles l'enseignement et la formation sont offerts dans la langue minoritaire ou dans celle des minorités nationales. |
Cette réglementation constitue le fondement du «bilinguisme dans l'enseignement», à tous les niveaux scolaires primaires et secondaires, y compris dans les établissements universitaires. L'article 90 du Code de l'éducation (2011) énonce les mêmes principes concernant l'enseignement des langues officielles:
Article 90 Langue d'enseignement et d'éducation. Apprentissage des langues dans les établissements d'enseignement 1) Les principales langues d'enseignement et de formation de la république de la Biélorussie sont les langues officielles de la république de la Biélorussie. L'État garantit aux citoyens le droit de choisir l'éducation et la formation dans l'une des langues officielles de la république de la Biélorussie et crée les conditions pour la mise en œuvre de ce droit. La langue d'enseignement et de formation est déterminée par le fondateur de l'établissement d'enseignement (ou une organisation qui met en œuvre des programmes pédagogiques de formation postuniversitaire, une autre organisation qui se voit accorder le droit de pratiquer des activités pédagogiques, conformément à la législation), un entrepreneur individuel qui, conformément à la loi, a le droit de pratiquer des activités pédagogiques, en tenant compte des attentes des étudiants (ou des représentants légaux des étudiants mineurs). 2) Le droit des citoyens de choisir un enseignement et une formation dans l'une des langues officielles de la république de la Biélorussie est garanti par le développement d'un réseau d'établissements d'enseignement (classes, groupes, filières) avec les langues d'enseignement et de formation du biélorusse et du russe, la publication d'une littérature, des manuels et des ouvrages didactiques en biélorusse et en russe. |
- La prédominance du russe
Mais de façon générale, le russe continue de prévaloir dans les pratiques scolaires. C'est la langue d'instruction pour quelque 69 % des élèves et des étudiants; à Minsk, ce pourcentage atteint les 89 %.
D'après le tableau ci-contre, la part des enfants ayant étudié en biélorusse pendant les années scolaires de 2005-2006 à 2018-2019 est passée de 23,3% à 11,1% (de 280,200 à 111 000). L'enseignement en russe, quant à lui, est passé de 76,7% à 88,8% (de 888 800 à 922,900). Parmi ceux qui ont reçu un enseignement en biélorusse, 90,6% des élèves résidaient dans des écoles rurales, alors que 91,8% des élèves ayant étudié en russe vivaient dans les villes. En outre, au cours de l'année scolaire 2012-2013, quelque 670 enfants ont suivi un enseignement en polonais et 57 en lituanien ; d'ici l'année scolaire 2018-2019, le nombre d'enfants qui étudient dans des langues autres que la langue officielle est passé à 1100 élèves.
D'année en année, l'enseignement du biélorusse a continuellement baissé au profit du russe, avec la complicité des autorités biélorusses. |
Comment expliquer que, tant du côté des autorités que de la population, les Biélorusses puissent délaisser à ce point leur langue nationale? Probablement parce qu'elle ne sert plus! En ce cas, les autorités auraient une responsabilité devant une telle catastrophe appréhendée. Alors que les années qui ont suivi immédiatement la proclamation de l’indépendance furent caractérisées par une période de biélorussisation du domaine scolaire, de sorte qu’au cours de l’année scolaire 1993-1994, environ 75 % des élèves de première année ont commencé leur scolarité en biélorusse. Mais les résultats du référendum de 1995, qui autorisait l’égalité de statut à l’enseignement pour le russe et le biélorusse, ont favorisé un glissement tout à fait prévisible de l’enseignement vers la langue russe.
Le 30 mai 1995, le ministère de l’Éducation ordonnait que la langue et la littérature russes soient ajoutées à la liste des examens d’entrée des établissements d’enseignement secondaire, ce qui a libéré les élèves de l’obligation de passer l’examen de langue et de littérature biélorusses. En 1995, quelque 62 % des élèves de première année étudiaient en russe, comparativement à 25 % l’année précédente. En conséquence, le pourcentage de ceux qui étudiaient en biélorusse est passé de 75% à 38%. En 1996, cette tendance s’est poursuivie, 68 % des élèves de première année optant pour l’enseignement de la langue russe et seulement 32 % des élèves de première année choisissant le biélorusse comme langue d’enseignement. Fait intéressant, le nombre d’élèves qui étudient dans la langue biélorusse a également diminué dans les classes supérieures.
- La langue d'enseignement souhaitée
En 2005, un sondage a été effectué pour savoir dans quelle langue les parents désiraient qu'on enseigne à leurs enfants. La question du tableau 1 était la suivante: «Avec quelle langue d'enseignement vos enfants étudient-ils à l'école?» Dans le tableau 2, la question précise était celle-ci: «Si cela ne dépendait que de vous, dans quelle langue aimeriez-vous faire instruire vos enfants?»
Les réponses dans le tableau 1 témoignent de l'attitude des parents à l'égard de la langue d'enseignement à l'école plutôt que de révéler la vraie langue d'enseignement. Plusieurs répondants ont même déclaré que la langue dans laquelle leurs enfants reçoivent leur instruction est le trasianka, la langue mixte du russe et du biélorusse. Manifestement la perception est meilleure pour le russe. |
Le tableau 2 indique que les préférences des parents sont différentes de la situation réelle. Le nombre de répondants souhaitant que leurs enfants étudient uniquement dans des écoles de langue russe ou uniquement dans des écoles de langue biélorusse est inférieur au nombre de ceux dont les enfants fréquentent réellement ces écoles. L'option souhaitable la plus populaire est l'école bilingue, ce qui correspond au choix politique du statut officiel des langues (49,7% contre 29,5% au tableau 1). |
|
Comme nous pouvons le constater, les parents dont les enfants étudient dans les écoles russes sont plus incités dans le choix des écoles que ceux dont les enfants étudient dans les écoles biélorusses. Plus de la moitié de ceux qui ont envoyé leurs enfants dans les écoles russes souhaitent faire un choix. Cependant, même parmi eux, un tiers souhaiterait que leurs enfants étudient dans des écoles bilingues et connaissent aussi la langue biélorusse. La réalité et les souhaits ne coïncident que pour ceux dont les enfants apprennent les deux langues.
En résumé, il faut dire que, dans le domaine pratique de l'enseignement aux enfants, les citoyens bélarussiens sont les plus enclins au bilinguisme et à l'égalité de statut des deux langues. Ces données pourraient aider les politiciens qui prônent la position dominante de la langue biélorusse ou qui réduisent le nombre d'écoles biélorusses en les transformant en écoles russes, le choix de la majorité des Biélorussiens étant les deux langues dans le domaine de l'éducation. |
- Le bilinguisme = choix entre deux langues
Il faut comprendre le bilinguisme en Biélorussie comme étant le choix libre de la part des parents pour la langue d'instruction pour leurs enfants. Très souvent, notamment dans les centres urbains, lorsque les parents biélorussophones, par exemple, désirent que leurs enfants suivent des cours dans leur langue nationale, ils doivent les envoyer dans les écoles situées dans des zones ou des régions plus éloignées, sans qu'ils soient indemnisés pour les frais de transport. Dans les faits, leurs souhaits ne peuvent tout simplement pas être satisfaits dans des écoles situées plus à proximité de leur lieu de résidence. Les écoles dont la langue principale d'enseignement est le biélorusse n'existent pas partout, contrairement aux écoles russes. La législation scolaire précise que l'enseignement doit se donner en biélorusse et/ou en russe. Le fait que seulement l'une des deux langues officielles soit possible dans une ville ou une région donnée satisfait aux exigences du «bilinguisme scolaire» dans ce pays. C'est un bilinguisme qui a permis à la Biélorussie de devenir le pays le plus russifié de tous ceux qui étaient autrefois sous domination soviétique. Dans les années qui ont suivi l'effondrement des États voisins de l'URSS en 1991, la Biélorussie, la Lituanie, la Lettonie et l'Ukraine œuvrèrent activement à la transition des écoles russophones vers l'enseignement dans la langue nationale (biélorusse, lituanien, letton et ukrainien). En revanche, à partir de 1995, les autorités biélorusses adoptèrent une russification du système d'éducation, la «langue titulaire» de la Biélorussie étant apparue comme une menace pour les autorités.
Les autorités biélorusses n'écrasent pas les initiatives populaires qui favorisent la langue nationale, mais cette non-intervention ne signifie pas qu'elles les soutiennent. Par exemple, il existe en Biélorussie de nombreux monuments qui rappellent les périodes de l'histoire du grand-duché de Lituanie ou de l'Union de la Pologne et de la Lituanie, dont la Biélorussie faisait partie. Ces monuments sont érigés aux côtés de ceux d'autres personnages honorés sous la domination soviétique, généralement des Russes. Comme pour les monuments, il n'y a toujours pas de soutien systématique à la langue nationale dans l'éducation de la part de l'État.
Néanmoins, en 2015, le ministère de l'Éducation a émis une directive dans le but de dérussifier quelque peu l'enseignement dans deux matières générales, soit l'histoire et la géographie de la Biélorussie, de sorte qu'elles soient enseignées exclusivement en langue biélorusse, et ce, dans toutes les écoles du pays, y compris les écoles russophones. Ce changement dans les programmes, qui avait déjà été envisagé en 2006-2007, devait se faire progressivement en considérant qu'il paraissait inconvenant d'enseigner aux enfants dans la langue d'un autre État. Même le président Loukachenko approuvait alors cette nouvelle politique dans les programmes scolaires. Mais les opposants russophiles ont eu tôt fait de rappeler qu'une directive du Ministère ne constitue pas un document juridique contraignant dans la mesure où la législation garantit que les établissements d'enseignement russophones, dont la durée d’études est de douze ans, puissent offrir un enseignement uniquement en russe. Quoi qu'il en soit, en décembre 2016, le président Alexandre Loukachenko congédia le grand responsable de ce nouveau programme scolaire, qui fut remplacé par un membre du Comité central du Parti communiste de Biélorussie, un organisme très critique contre toute tentative de remettre en question l'héritage soviétique.
À l'heure actuelle, la quasi-impossibilité de recevoir une éducation préscolaire en langue bélarusse préoccupe certains parents. En raison de la pénurie de biélorussophones, les jardins d'enfants accueillent des russophones qui deviendront plus tard une majorité; la clientèle, les enfants devenant des russophones. D'autres s'accrochent à la moindre possibilité d'assurer l'éducation de leurs enfants dans la langue nationale, tandis que d'autres se demandent pourquoi la question se pose en pensant qu'il serait préférable d'enseigner l'anglais ou le chinois aux enfants.
De moins en moins d'enfants étudient aujourd'hui en biélorusse: en raison de la baisse du nombre d'élèves biélorussophones, des écoles ont fermé et les élèves restants sont envoyés dans des écoles russophones. Sur les six centres régionaux, les écoles de langue biélorusse n'existent qu'à Minsk. Dans certaines villes régionales, les écoles ouvrent des «écoles du dimanche» en langue biélorusse. Cependant, la plupart des écoles de langue biélorusse sont situées dans des villages. Au total, seulement 13,3% de tous les élèves du primaire étudient en biélorusse contre 86,6%, selon le Comité national de statistique de la Biélorussie. La situation semble tout aussi problématique dans l'enseignement supérieur, puisque jusqu'à présent la Biélorussie ne dispose d'aucune université offrant un enseignement en biélorusse. |
Finalement, la situation des langues en Biélorussie témoigne de certaines questions préoccupantes, dont le problème devenu majeur et scandaleux, celui de ne pas recevoir, sinon avec beaucoup de difficultés, son instruction dans la langue nationale, celle de la «nation titulaire», la langue biélorusse. Pour beaucoup de biélorussophones, il apparaît plus utile et plus réaliste d'apprendre l'anglais ou le chinois que le biélorusse, car cela peut même paraître dangereux en raison des associations en rapport avec les activités de l'opposition contre le régime. Aujourd'hui, la langue nationale est devenue un instrument politique: soutenir le biélorusse est perçu comme une critique nationaliste contre le président Loukachenko. Celui-ci considère que la principale menace pesant sur son pouvoir réside dans l'opposition des biélorussophones; il a donc méthodiquement réduit l'espace pour l'étude de la langue et de la culture biélorusse. Alors que 21,5% des élèves étudiaient en biélorusse en 2006, la proportion en 2016 était tombée à 13,3%.
- Les langues étrangères
D'après l'article 5 de la Loi sur l'éducation (2002), l'étude du biélorusse, du russe et d'une langue étrangère est obligatoire dans tous les établissements d'enseignement de la République:
Article 5 Langues d'instruction et de formation 1) Les principales langues d'instruction et de formation dans les établissements d'enseignement de la république de Biélorussie sont le biélorusse et le russe. L'État garantit aux citoyens le droit de choisir la langue d'instruction et crée les conditions appropriées pour la réalisation de ce droit. L'instruction est offerte dans la langue biélorusse, ainsi que la publication de la littérature, des manuels scolaires, des soutiens pédagogiques dans la république de Biélorussie. |
Le Code de l'éducation (2011) énonce également cette obligation d'enseigner une langue étrangère:
Article 90 3) Au moment de l'enseignement secondaire général, ainsi que de l'enseignement professionnel et secondaire avec un enseignement simultané d'un enseignement secondaire général, l'étude du biélorusse, du russe et de l'une des langues étrangères par les élèves, à l'exception de certaines catégories de personnes dans leur développement psychophysique, est obligatoire. |
Au cours de l'année scolaire 2012-2013, plus de 724 000 élèves de la 3e à la 11e année ont étudié les langues étrangères. La première langue étudiée est l'anglais pour 78,1% d'entre eux (569 500, puis l'allemand pour 17,1 % (124 700), le français pour 3,5% (25 400) et l'espagnol pour 0,7 % (4900).
5.3 L'enseignement supérieur
L'enseignement supérieur est en croissance constante depuis 1991. La Biélorussie compte 55 établissements d'enseignement supérieur, dont 45 établissements appartenant à l'État et 10 au privé). Pour être admis dans un établissement d'enseignement supérieur, un étudiant doit passer trois tests centralisés (et obtenir jusqu'à 100 points par test). Dans les établissements d'enseignement supérieur, 65 % des étudiants étudient en russe, près de 8 % en biélorusse et plus de 27 % dans les deux langues. Le bilinguisme russo-biélorusse est généralisé pour les établissements d'enseignement supérieur qui forment des professeurs pour les lycées généraux.
L'article 24 de la Loi sur les langues (1998) englobe les universités:
Article 24
La langue d'enseignement et de formation dans les écoles professionnelles, les collèges et les universités 1) L'instruction et la formation dans les écoles professionnelles, les établissements secondaires et d'enseignement supérieur sont offertes en biélorusse et/ou en russe. |
Compte tenu de la formulation courante, l'enseignement doit être donné en biélorusse ou en russe, ou dans les deux langues. Ces trois modalités étant légales, n'importe quelle université peut donner ses cours uniquement en biélorusse, uniquement en russe ou dans les deux langues dans des proportions sans aucune contrainte.
- La langue russe
Bien que l'éducation supérieure en Biélorussie soit devenue bilingue après l'introduction de la langue biélorusse durant le régime soviétique, la langue d'enseignement dans les universités conserve une forte tendance à être principalement le russe en raison d'un système qui s'est développé à partir du modèle russo-soviétique. Pour cette raison, le bilinguisme semble une condition incontournable d'accès à l'université pour les biélorussophones, mais non pour les russophones. Bien sûr, la langue russe jouit d'un prestige plus grand, ce qui fait que les plus grandes universités du pays n'enseignent qu'en russe.
Étant donné qu'il n'existe aucune continuité entre les établissements d’enseignement de différents niveaux d’enseignement, il n'y a pas de garantie qu'un biélorussophone puisse poursuivre ses études dans sa langue maternelle dans les établissements supérieurs. S'il est possible, quoique rare, de bénéficier d'un enseignement en biélorusse au premier cycle, il n'y a pratiquement aucune possibilité de recevoir une éducation supérieure dans la langue biélorusse dans la plupart des domaines d’études, le volume de l'enseignement en russe se situant près de 99%. En somme, il n'est pas possible de poursuivre des études supérieures dans la langue maternelle d'un biélorussophone!
- La langue anglaise
Cela dit, la situation est en train de changer en Biélorussie avec comme résultat la fin probable de la prédominance du russe. En effet, quelque 25 000 étudiants étrangers en provenance de plus d'une centaine de pays du monde viennent étudier en Biélorussie. L'une des priorités de la politique de l'État biélorusse est d'attirer des étudiants étrangers dans les universités. Or, ces étudiants ne sont guère intéressés à poursuivre des études en russe; ils préfèrent l'anglais. Le plus grand nombre d'étudiants qui étudient en anglais sont originaires du Sri Lanka, de l'Inde, du Nigéria, de la Namibie, de l'Iran et de l'Irak.
On comprendra que le ministère de l'Éducation y ait vu une occasion de prendre des distances avec le russe en intégrant l'anglais tout en renflouant les coffres de l'État avec des devises étrangères. En 2019, le ministère de l'Éducation annonçait que la Biélorussie s'était fixé un objectif ambitieux, celui de commencer une formation en anglais dans 50% des spécialités de l'enseignement supérieur. Autrement dit, la moitié des spécialités des universités biélorusses seront disponibles en anglais. |
L'anglais est désormais non seulement approprié, mais nécessaire pour les spécialistes d'une grande variété de domaines. Cette langue est devenue obligatoire pour l'admission aux spécialités liées à la jurisprudence, à la médecine légale, aux relations internationales, aux affaires, à la publicité, à l'aviation civile, aux douanes, etc.
Il est même envisagé d'offrir des formations en allemand et en français parce que la valeur d'un salarié sur le marché du travail augmente d'autant plus qu'il parle plusieurs langues étrangères. Si la langue russe demeure encore incontournable en Biélorussie, elle risque d'être déclassée à long terme par l'anglais!
La Biélorussie accueille des médias publics et privés. En 2009, on comptait 1314 médias dans le pays, dont 414 appartenant à l'État et 900 au privé. L'État détient le monopole de l'infrastructure de radiodiffusion et n'autorise pas les câblodistributeurs à diffuser des chaînes sans autorisation préalable. Les systèmes de distribution postale et de kiosque appartenant à l'État, les installations d'impression et les contrats publicitaires appartenant à l'État sont souvent interdits aux médias indépendants. Le réseau Internet du pays est contrôlé par Beltelecom, la société nationale de télécommunications de la Biélorussie, détenue à 100% par le gouvernement et gérée par le ministère des Télécommunications. La plupart des médias dominés par l'État font l'éloge du président Alexandre Loukachenko et vilipendent toute opposition. L'autocensure est omniprésente dans les points de vente privés. Le gouvernement biélorusse maintient un «monopole virtuel» sur les médias audiovisuels nationaux. La propriété étrangère est limitée à un maximum de 20 %. Les diffuseurs indépendants des pays voisins comprennent Belsat TV, Radio Racyia et Radio européenne pour la Biélorussie (en anglais: European Radio for Belarus).
6.1 La liberté de presse
Le cadre juridique des médias biélorusses comprend la Constitution de 1996, la Loi sur les médias (2008), les obligations et les traités internationaux. La Loi sur les médias exige l'enregistrement des médias. La Constitution garantit en principe la liberté d'expression, bien que cette disposition soit en contradiction avec des lois répressives et restrictives. Par exemple, critiquer le président ou le gouvernement constitue une infraction pénale en Biélorussie; la diffamation est passible d'amendes et d'emprisonnement. Il n'existe pas de sources d'information alternative au régime, le président Loukachenko ayant signé un décret condamnant toute personne qui discréditerait la République; autrement dit, toute critique du régime est passible de prison. Un système juridique politisé et des réglementations obscures sont employés pour harceler les médias indépendants. Les détentions arbitraires, les arrestations et le harcèlement de journalistes sont fréquents en Biélorussie. La législation anti-extrémiste cible le journalisme indépendant, y compris le matériel considéré comme défavorable au président. En 2018, Reporters sans frontières a classé la Biélorussie au 155e rang sur 180 pays dans son Index de la liberté de la presse.
6.2 La législation
La législation sur la langue des médias est très limitée. L'article 27 de la Loi sur les langues (1998) autorise le biélorusse et/ou le russe, ainsi que les langues des autres nationalités dont les représentants vivent dans le pays, mais interdit de renoncer aux règles «généralement acceptées de la langue», sans en préciser ni la langue ni les règles:
Article 27
La langue des médias 1) Dans la république de Biélorussie, la langue des médias est le biélorusse et/ou le russe, ainsi que les langues des autres nationalités dont les représentants vivent dans le pays. |
Quant à l'article 9 de la Loi sur les médias (2008), il autorise n'importe quelle langue tout en interdisant les mots obscènes:
Article 9
Langue des médias |
6.3 La presse écrite
En 2015, les sources officielles avaient enregistré 713 journaux et 808 magazines. La plupart des médias imprimés en Biélorussie sont en langue russe, soit au moins 88 % contre 11% en biélorusse. Parmi les journaux en biélorusse, citons le Zviazda (Звязда), le Novy Chas (Новы Час), le Nasha Slova (Наша Слова), le BelaPan (БелаПАН) et le Narodnaya Gazeta (Народная газета). Le Belorusskaya Delovaya Gazeta (БДГ ou BDG), le plus grand journal indépendant sur la politique et les affaires, et opposé au président a été fermé en 2006. Parmi les journaux de langue russe, le plus grand journal national est la Sovetskaya Belorussia (Советская Белоруссия) avec un tirage de plus de 500 000 exemplaires et journal officiel du président de la Biélorussie; le titre en français est «Biélorussie soviétique», un titre éminemment significatif! Les autres quotidiens comprennent la Respublika (Рэспубліка), un journal officiel du gouvernement; le Vo Slavu Rodiny (Во славу Родины «Pour la gloire de la Patrie»), journal officiel du ministère biélorusse de la Défense; le Narodnaya Gazeta (Народная Газета : «Journal du peuple»), le journal officiel du Parlement; le BelGazeta (БелГазета), journal national indépendant pour les affaires et la politique; le Belorusy i rynok (Белорусы и Рынок : «Les Biélorusses et le marché»), un journal hebdomadaire d'affaires indépendant. Les journaux bilingues russo-biélorusses sont la Narodnaja Volia (Народная воля : «La Volonté du peuple»), le plus grand journal national pro-opposition sur la politique; le Hazeta Slonimskaya (Газета Слонімская; Газета Слонимская :«Le Journal Slonimskaya»), un journal local indépendant; l'Intex-Press (Интекс-пресс), un journal local indépendant; le Zhodzinskiya Naviny (Жодзінскія Навіны; Zhodino News) et le Vecherniy Brest (Вечерний Брест; Evening Brest). |
Comme on compte maintenant plus de 1500 publications en Biélorussie, les journaux locaux sont davantage rédigés en biélorusse, mais on trouve des journaux ou des magazines en russe à travers tout le pays. Dans un pays comme la Lituanie, par exemple, une telle situation serait jugée comme tout à fait inacceptable. Grâce à une enquête menée en 1990 à Minsk pour l'Académie des sciences de Russie, 35 % des citoyens de la capitale (Minsk) disent ne lire que des journaux en russe, 35 % à la fois en russe et en biélorusse, 18 % plutôt en russe et 2 % plutôt en biélorusse. Depuis 1995, on assiste à une baisse importante de l'utilisation du biélorusse dans les journaux, la radio et la télévision.
6.4 Les médias électroniques
En février 2009, il y avait 158 stations de radio en Biélorussie: 137 appartenant à l'État et 21 privées. Les médias électroniques sont diffusés en biélorusse et en russe, mais aussi en anglais et en d'autres langues. Quelques stations de radio diffusent à la fois en biélorusse et en russe: Radio Dva-AM (russe et biélorusse), Radio 103.7-FM et Radio Minsk; d'autres sont en russe (Radio B/A-FM, Radio FM 101,2), mais Radio Racyja est en biélorusse. Fait à noter, Radio Poland-5 diffuse en biélorusse, mais aussi en plusieurs autres langues (anglais, espéranto, tchèque, slovaque, allemand, russe, ukrainien et lituanien).
Contrairement à d'autres États post-soviétiques après l'éclatement de l'Union soviétique au début des années 1990, la Biélorussie a laissé en place le contrôle et la propriété de l'État sur la plupart des médias nationaux. La principale infrastructure de radio et de télévision de la Biélorussie est régie par la Société nationale de télévision et de radio d'État de la Biélorussie ("Нацыянальная дзяржаўная тэлерадыёкампанія Рэспублікі Беларусь" = "Nacyjanaĺnaja dziaržaŭnaja telieradyjokampanija Respubliki Bielaruś"), laquelle fonctionnait à l'époque soviétique. Elle comprend cinq chaînes de télévision thématiques biélorusses: le produit phare Bélarus 1, ainsi que le réseau de divertissement Bélarus 2, le réseau culturel Bélarus 3, la chaîne d'informations régionale Bélarus 5, la chaîne sportive Bélarus 5 et la station satellite Bélarus 24. La chaîne diffuse généralement ses émissions en langue biélorusse, mais quelques plages horaires sont réservées à des émissions en russe, en polonais, en ukrainien, en tatar, etc. Toutefois, la plupart des Biélorussiens préfèrent les émissions russes en provenance de la Russie. Dans la partie occidentale de la Biélorussie, les téléspectateurs peuvent recevoir des émissions de la Lituanie et de la Pologne.
Par ailleurs, les médias audiovisuels semblent tous inféodés au pouvoir politique et tous les moyens dont disposent les autorités seraient mis en œuvre pour étouffer la presse indépendante: saisies de tirages, fermetures d'imprimeries, confiscation de matériel, menaces de fermeture de médias, agressions et intimidations de journalistes, etc. Selon Reporters sans frontières, le président Alexandre Loukachenko ferait partie des «prédateurs» de la liberté de la presse. En 1996, le président a signé un décret ordonnant que tous les rédacteurs en chef des journaux soutenus par l'État soient dorénavant des fonctionnaires officiels et deviennent, au plan local, des membres du conseil du gouvernement. En fait, les émissions de télévision provenant des stations russes représentent la seule source d'information indépendante dans les médias et constituent une source fréquente d'irritation pour le gouvernement de Loukachenko. Les discours en direct du président interrompent ipso facto les émissions télévisées en cours et passent à la fois sur toutes les chaînes du pays.
La politique linguistique de la Biélorussie en est une de bilinguisme (de façade) depuis le référendum de 1995. Ce pays est dans une situation telle qu'il accorde non seulement les mêmes droits à sa «minorité» russophone, mais lui donne le privilège d'être la véritable langue dominante dans la société. Comme à l'ère soviétique, la vie est facile pour tous les russophones vivant en Biélorussie. En effet, ces derniers bénéficient de tous les avantages d’une majorité fonctionnelle qui n’a pas besoin d’être bilingue; ils détiennent les clés de la domination politique, économique, sociale, culturelle, etc. Mais cette situation des russophones semble anachronique dans le monde d'aujourd'hui.
C'est un phénomène qu'on ne trouve normalement que dans les situations coloniales ou les situations de majorité régionale, comme on peut le constater, par exemple, au Pays basque (prédominance du castillan), en Vallée d'Aoste et en Sardaigne (prédominance de l'italien), en Corse ou en Martinique (prédominance du français) ou à Taïwan (prédominance du mandarin). Généralement, le pouvoir local est incapable d'imposer la langue régionale majoritaire parce qu'il ne contrôle pas suffisamment les centres décisionnels qui se trouvent hors de la région. Pourtant, tel n'est pas le cas en Biélorussie dans la mesure où il s'agit d'un État souverain.
Cette situation est aggravée par la politique du libre choix. Cette politique est généralement envisagée sous l’angle individuel. Tout individu peut se sentir valorisé de pouvoir ainsi faire ses choix et influer davantage sur sa vie, que ce soit dans les domaines du social, de la santé, de la langue, de l’éducation ou de la formation. Si le libre choix constitue une liberté, il implique aussi une responsabilité qui n'est pas qu'individuelle dans une société en situation de fragilité, puisque la collectivité s'efface au profit de l'individu. Dans cette perspective et en l’absence d’un cadre politique approprié, il paraît peu probable que les individus soient capables d'adopter un comportement visant le bien collectif. Le libre choix entraîne ipso facto le retrait du pouvoir politique qui n'est plus en mesure de jouer son rôle de «producteur de normes» susceptible d'orienter la société vers des objectifs qui avantageraient l'ensemble de tous les individus, afin de construire une société forte et égalitaire. En ce sens, le libre choix tous azimuts est une illusion dans la mesure où il prive la collectivité de prendre des décisions pour l'avantage de tous! À la limite, le libre choix devient une obligation si presque tous font le même choix, par exemple, si la quasi-totalité des citoyens envoie ses enfants à l'école russe, si la société choisit d'être informée dans cette langue, si les loisirs sont en russe! Bref, les Biélorusses n'ont plus d'autre choix que de se russifier!
En ce sens, il ne faudrait pas trop accuser les Biélorusses de leur trop grande propension pour la langue russe. Dans une situation de libre choix, bien d'autres peuples agiraient de la même façon, car les individus sont généralement plus préoccupés par leur bien-être matériel que par des questions de langue ou de symbole. Par exemple, si les francophones du Québec, particulièrement à Montréal et dans d'autres grandes villes, avaient le choix d'envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises, ils feraient exactement comme les biélorussophones de Minsk. Et il y aurait belle lurette que la plupart écoles montréalaises seraient devenues massivement anglophones. On pourrait aussi parler de la langue des loisirs, de la langue de la lecture, de la langue de la radiotélévision, de la langue d'Internet, etc.
Il s'agit là du syndrome du «mimétisme de la puissance», c'est-à-dire une attitude consistant à renoncer à sa langue maternelle, non par une hostilité interne à cet égard, mais pour faire partie des pays ou de ceux qui sont considérés comme riches ou puissants. Adopter le russe (ou l'anglais?), c'est en quelque sorte faire partie des «privilégiés», des «riches» et des puissants». Finalement, il s'agit aussi d'un esprit d’asservissement chez les individus qui accordent une promotion à la langue dominante supérieure à ce que les dominants eux-mêmes pourraient souhaiter.
Le paradoxe de l'identité linguistique de la Biélorussie est que la plupart des Biélorusses parlent le russe quotidiennement. La question de la langue dans la Biélorussie contemporaine est devenue extrêmement politisée. L'identification de sa langue implique inévitablement une «classification politique»: le russe est généralement considéré comme la langue officielle, tandis que le biélorusse est devenu la langue de l'opposition politique et culturelle. Paradoxalement, des arguments de «discrimination» des deux côtés sont déployés pour justifier l'idéologie privilégiée par les politiques linguistiques. En Biélorussie, tout individu qui s’aventure à parler en biélorusse en public s’expose à une arrestation arbitraire, laquelle peut se terminer derrière les barreaux.
Parmi tous les anciennes républiques de l'ex-URSS, la Biélorussie est le pays d'Europe le plus russophile et le plus russifié. Ce pays est demeuré sous le contrôle réel de la Russie dont il partage non seulement la langue et la culture, mais aussi l'économie. La Biélorussie est devenue tellement dépendante de la Russie qu'elle permet à ce pays d'installer son armée sur son territoire afin d'attaquer un pays voisin. La langue biélorusse n’est employée aujourd'hui que par une fraction de la population avec le résultat qu'elle est devenue une langue minoritaire dans son propre pays. Chose certaine, la Biélorussie n'est pas un modèle pour les nations à la recherche de l'autonomie, surtout quand on sait que les biélorussophones constituent une minorité fonctionnelle, alors qu'ils sont numériquement majoritaires! C'est pourquoi on parle de la Biélorussie comme d'une «indépendance à la dérive»! Une politique linguistique axée sur le libre choix dans une situation de forte concurrence linguistique ne peut que favoriser la langue qui manifeste la plus grande vitalité. À ce jeu-là, c'est le biélorusse qui est toujours perdant. À long terme, le libre choix va empêcher tout retour en arrière en vue d'une éventuelle biélorussification! En somme, on peut surtout reprocher aux dirigeants biélorusses, notamment la clique d'Alexandre Loukachenko, de n'avoir pas su regarder plus loin que leur nez avec leur politique du libre choix. Ce sont eux qui porteront le blâme d'une politique de repli destinée à servir davantage leurs intérêts que ceux de leur peuple. Après deux siècles de domination tsariste, puis soviétique, la russification a fait son œuvre, et elle se poursuit sous la gouverne d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. À l'heure actuelle, la Biélorussie est perçue comme un laboratoire pour les chercheurs du monde entier, qui examinent les causes du dépérissement d'une langue officielle majoritaire dans le but d'en trouver des moyens de sauvetage.
Certes, la disparition du biélorusse, une langue numériquement majoritaire, n'est pas pour demain, mais sa lente dégradation sociale laisse présager un avenir plutôt sombre si la politique du libre choix se poursuivait. D'ailleurs, l'UNESCO considère le biélorusse comme une langue «potentiellement en danger». Malheureusement, la Biélorussie ne constitue pas un cas unique dans l'histoire de l'humanité! Ce sont des décisions politiques qui font en sorte que les individus acceptent de changer ou de perdre leur langue parce qu'ils n'en voient plus la nécessité!
(1) Considérations générales |
(2) Données historiques |
(3) Politique des langues officielles |
(4) Politique des minorités nationales |
(5) Bibliographie |
Loi sur les langues (1998) Loi sur les minorités nationales (2004) |