République de Biélorussie |
Biélorussie
4) La politique linguistique
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La Biélorussie compte 9,4 millions d'habitants, dont 8,0 millions de Biélorusses «ethniques» et 779 000 de russophones d'origine, ce qui représente 93,5 % de la population totale. Il reste donc 6,4% de la population pour les 612 000 personnes restantes. Selon le gouvernement, il existerait 112 organisations publiques enregistrées dans le pays, réunissant des citoyens de 26 nationalités. Les minorités les plus nombreuses sont les suivantes:
Il faut mentionner que, conformément à la législation de la Biélorussie, l'appartenance à un groupe ethnique est un choix volontaire de chaque individu. |
La plupart des minorités nationales sont réparties dans toutes les régions du pays, y compris les membres des nationalités polonaise, ukrainienne et lituanienne, qui ont l'avantage d'être concentrées dans des régions particulières. Parmi ces minorités, les Polonais, les Ukrainiens et les Lituaniens (auxquels on pourrait ajouter les Lettons) vivent près des frontières de leur pays d'origine, ce qui peut généralement aider à protéger ces communautés en raison de la proximité avec des groupes similaires: la Russie pour les Russes, l'Ukraine pour les Ukrainiens, la Pologne pour les Polonais, la Lituanie pour les lituaniens, voire la Lettonie pour le letton.
Depuis l'indépendance, plus d'une dizaine d'associations culturelles nationales de citoyens d'origine russe, polonaise, ukrainienne, lituanienne, juive, allemande, tatare, azerbaïdjanaise et moldave vivant dans la république de Biélorussie ont été créées.
1.1 La Constitution
Nous avons déjà une bonne idée des
mesures législatives prévues à l'égard des minorités nationales. Les droits
des minorités nationales sont prévues dans la
Constitution de 1996, la
loi n° 187 sur les langues (1998), la
Loi sur l'éducation
(2002), la
Loi sur les minorités nationales
(2004) et le
Au plan strictement juridique, les minorités nationales de la Biélorussie ont les mêmes droits que la majorité biélorussophone, mais les russophones, en vertu de l'article 17 de la Constitution de 1996, ont l'avantage que leur langue soit co-officielle avec le biélorusse, la langue nationale :
Article 17
(1996) |
Depuis 1996, le russe est donc devenu davantage que la langue des communications interethniques, puisqu'il est une langue co-officielle. L'article 50 de la Constitution de 1996 est consacré à l'«appartenance ethnique» et au droit de chacun de choisir la langue de son instruction et de son enseignement:
Article 50 1) Chacun a
le droit de conserver son appartenance ethnique, tout comme nul ne
peut être contraint de définir ou d'indiquer sa nationalité. 3) Quiconque a le droit d’employer sa langue maternelle et de choisir sa langue de communication. Conformément à la loi, l’État garantit la liberté de choisir la langue de son instruction et de son enseignement. |
Les articles 5 (interdiction de la haine ethnique), 12 (droit d'asile), 14 (relations entre les communautés ethniques), 15 (libre développement des cultures ethniques), 22 (égalité devant la loi), 50 (voir le texte ci-dessus), 52 (respect des traditions nationales) et 53 (respect des libertés d'autrui) de la Constitution jettent en principe les bases de la politique bélarussienne dans ce domaine: l'État réglemente ainsi les relations entre les communautés ethniques sur la base des principes d'égalité devant la loi, le respect de leurs droits et de leurs intérêts; l'État est aussi responsable de la préservation du patrimoine historique, culturel et spirituel, du libre développement des cultures de toutes les communautés nationales vivant sur le territoire de la République; tous sont égaux devant la loi et ont droit, sans aucune discrimination, à une égale protection de leurs droits et intérêts légitimes; chacun a le droit de conserver sa nationalité, tout comme nul ne peut être contraint de déterminer et d'indiquer sa nationalité; les atteintes à la dignité nationale sont poursuivies conformément à la loi; chacun a le droit d'utiliser sa langue maternelle, de choisir la langue de communication.
L'État garantit, conformément à la loi, la liberté de choisir la langue d'enseignement et de formation; il est interdit de créer et de faire fonctionner des partis politiques, ainsi que d'autres associations publiques promouvant la haine nationale, religieuse et raciale; toute personne qui se trouve sur le territoire de la république est tenue, outre la législation, d'observer les traditions nationales des peuples de la Biélorussie. Voilà pour les principes! il reste maintenant à évaluer leurs applications.
1.2 La Loi sur les minorités nationales (2004)
Les articles 1 et 2 de la Loi sur les minorités nationales de 2004 reprennent les grands principes concernant l'appartenance ethnique:
Article 1er
Aux fins de la présente loi, les membres
appartenant aux minorités nationales sont des individus résidant en
permanence sur le territoire de la république de Biélorussie et ayant la
citoyenneté biélorusse,
dont l'origine, la langue, la culture ou
les traditions sont différentes de celles de la population principale de
la République. 1)
L'appartenance à une minorité
nationale est une question de choix personnel de
la part d'un citoyen de la république de Biélorussie. |
Quant aux articles 4 et 5 de cette loi, ils confirment les dispositions précédentes:
Article 4
Toute restriction directe ou indirecte
des droits et libertés des citoyens de la république de Biélorussie,
en raison de leur appartenance à une
minorité nationale,
ainsi que toute tentative d'assimilation contre leur volonté, sont
interdites. Nul ne peut être contraint de déterminer et d'indiquer son appartenance nationale, ou révéler son appartenance nationale et quiconque peut refuser de répondre. |
Faire partie d'une minorité nationale relève donc d'une volonté individuelle.
C'est l'article 6 de la Loi sur les minorités nationales qui définit le plus concrètement les droits linguistiques des minorités:
Article 6 L'État garantit aux citoyens de la république de Biélorussie, qui s'identifient en tant que membres d'une minorités, l'égalité politique, économique et les libertés et droits sociaux établis par la législation de la république de Biélorussie, en particulier:
|
La mise en œuvre des droits des membres appartenant à des minorités nationales a été grandement facilitée par l'adoption de la Loi sur les minorités nationales de 1992 (abrogée), puis remplacée par la Loi sur les minorités nationales de 2004, dont les principales dispositions sont théoriquement conformes aux normes internationales.
La loi garantit à tout citoyen de la République, qui se considère comme une minorité nationale, culturelle, linguistique et religieuse, le droit de recevoir une assistance de l'État pour le développement de la culture et de l'éducation nationales; le droit d'étudier et d'employer la langue maternelle; le droit d'imprimer et de diffuser des informations dans la langue maternelle; le droit d'établir des liens culturels avec des compatriotes en dehors de la république; le droit de pratiquer n'importe quelle religion, d'accomplir des cérémonies nationales et rituelles dans la langue maternelle; le droit de préserver leurs traditions nationales, de développer l'art professionnel et amateur; le droit de créer leurs propres sociétés culturelles nationales (associations); le droit, sur la base d'élections générales, égales et directes, d'être élu aux organismes de l'État; le droit d'occuper n'importe quel poste au sein du gouvernement et des organismes publics. En somme, les membres des minorités nationales bénéficient, sur papier, de beaucoup de droits.
1.3 Les lois sur l'éducation
En matière d'éducation, l'article 5 de la Loi sur l'éducation (2002) autorise l'enseignement dans la langue de la minorité nationale ou dans la langue d'une nationalité:
Article 5 Langues d'instruction et de formation 3) Conformément à la déclaration des représentants légaux des enfants et de la décision des autorités locales et réglementaires, des groupe de classes d'âge préscolaire peuvent être créés dans les écoles publiques, dans lesquelles l'instruction et la formation sont entièrement ou partiellement données dans la langue de la minorité nationale ou dans la langue d'une nationalité. Par décision de l'exécutif local et des organismes de réglementation, en coordination avec le ministère de l'Éducation, des jardins d'enfants ou des écoles maternelles peuvent être mis en place dans lesquels l'instruction et la formation sont données dans la langue de la nationalité. |
De même, l'article 90 du Code de l'éducation (2011) reprend essentiellement la même disposition :
Article 90 6) Conformément aux attentes des élèves, des étudiants et de leurs représentants légaux, par une décision des organismes exécutifs et administratifs locaux, convenue avec le ministère de l'Éducation de la république du Biélorussie, des groupes peuvent être créés dans des établissements d'enseignement préscolaire, des classes, des groupes dans les établissements d'enseignement secondaire général ou les établissements d'enseignement préscolaire et secondaire général dans lesquels l'enseignement et la formation sont offerts dans la langue d'une minorité nationale ou dans la langue d'une minorité nationale sont étudiés. |
Un élève membre d'une «nationalité» (au
sens de l’URSS, une conception conservée par la Biélorussie) autre que
biélorusse (mais de citoyenneté biélorussienne) a le droit de choisir comme
langue de son instruction celle de sa nationalité. L’État doit répondre à
cette demande si les conditions matérielles de cet enseignement sont réunies
(p. ex., un nombre suffisant de demande dans une aire raisonnable). Les
élèves recevront l’enseignement (mathématiques, géographie, etc.) dans leur
langue nationale, mais devront suivre obligatoirement cinq heures par
semaine un enseignement en biélorusse et (et/ou suivant les périodes) en russe (langue de
communication interethnique ou deuxième langue officielle suivant les
périodes).
Selon la législation, les Polonais, les
Ukrainiens, les Lituaniens ou les Lettons
Article 24 Documentation religieuse et dispositions sur les objectifs religieux 1) Les citoyens et les organisations religieuses ont le droit d'acquérir et d’utiliser la documentation religieuse dans la langue qu'ils ont choisie, aussi bien que d'autres objets et matériaux à des fins religieuses. |
La loi garantit le droit des citoyens de déterminer et d'exprimer leur attitude à l'égard de la religion. L'article 4 de cette loi se lit comme suit:
Article 4
Droit à la liberté de conscience |
Toute restriction directe ou indirecte des droits et l'établissement de tout avantage des citoyens en fonction de leur attitude à l'égard de la religion, ainsi que l'incitation à l'hostilité et à la haine associées à cela ou l'insulte aux citoyens en relation avec leurs convictions religieuses, entraînent une responsabilité prévue par la loi.
1.4 La législation sur la culture
Le
Code sur la culture (2016),
dans son article 27, reconnaît la
Article 27 Principes de la coopération internationale dans le domaine de la culture Les sujets des activités culturelles dans la mise en œuvre de la coopération internationale dans le domaine de la culture sont guidés par les principes suivants:
Article 33 Obligations
des citoyens de la république de Biélorussie dans le domaine de
la culture
|
L'article 39 du
Article 39
Droit à l'identité culturelle, à la renaissance,
à la préservation et au développement des traditions culturelles
nationales |
Ce sont là des droits importants
accordés aux membres des minorités nationales, mais il subsiste une
restriction: «S
1.5 La non-discrimination
Dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 2012, les sections 21, 22 23 de l'article 2 semblent les plus pertinents en ce qui a trait aux minorités natioanles:
21.
La république de Biélorussie applique systématiquement les principes de
sa politique nationale démocratique visant le libre développement des
cultures, des langues et des traditions de
toutes les communautés nationales, la
pleine égalité, le respect et la prise en compte des droits et intérêts
de leurs représentants, ainsi que leur soutien de l'État dans la mise en
œuvre de ces droits et la suppression de toute manifestation de racisme,
de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance, qui y est
associée. 22. Tous sont égaux devant la loi et ont droit, sans aucune discrimination, à une égale protection de leurs droits et intérêts légitimes. Nul ne peut bénéficier d'avantages et de privilèges qui portent atteinte aux intérêts d'autrui. Chacun a droit à la liberté d'association et à la préservation de sa nationalité, comme nul ne peut être contraint de déterminer et d'indiquer sa nationalité. L'insulte à la dignité ethnique est condamnée par la loi. Chacun a le droit d'employer sa langue maternelle, de choisir la langue de communication, d'éducation et de formation. 23. La législation de la république de Biélorussie prévoit l'égalité des membres appartenant aux communautés nationales, sans les diviser selon le principe du lieu de résidence. Les droits des représentants des peuples biélorusse, russe, ukrainien, polonais, tatar, rom et autres vivant en Biélorussie depuis plusieurs siècles ne diffèrent pas des droits des migrants ces dernières années. |
Un fait intéressant à noter est la désignation des nationalités suivantes: biélorusse, russe, ukrainienne, polonaise, tatare et rom (tsigane).
Compte tenu des dispositions législatives qui
accordent autant de droits au russe qu'au biélorusse, on ne peut réellement
considérer le russe comme une langue minoritaire du point de vue
fonctionnel. Dans les faits, les droits de la langue russe sont tels que les
russophones ont même plus de droits réels que les locuteurs du biélorusse. Quant
aux
Il ne faut pas oublier que la Biélorussie est sans nul doute le pays le moins démocratique (un euphémisme) de toute l'Europe, ce qui pose des problèmes à l'Union européenne et à d'autres institutions européennes et occidentales, en particulier dans le domaine de la protection des minorités. Dans un régime politique autoritaire comme celui de la Biélorussie, il est presque courant de négliger les minorités, car le système conduit normalement à une conformité accrue aux règles en vigueur, ce qui favorise une discrimination à l'égard des minorités. Dans le cas d'une quasi-dictature comme la Biélorussie, pour employer un autre euphémisme, il devrait être plus difficile de protéger efficacement les droits des minorités.
2.1 Les droits en matière de justice
Pendant toute procédure judiciaire, il est garanti aux justiciables qui ne maîtrisent pas la langue de la procédure (le biélorusse ou le russe) d’avoir connaissance de leur dossier à l’aide d'un traducteur ou d'un interprète et de s’exprimer dans sa langue maternelle devant le tribunal. La procédure d’arbitrage entre des parties qui résident en Biélorussie se fait aussi en biélorusse ou en russe.
Il convient de noter que le droit d'utiliser la langue nationale est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Dans l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (signé par la Biélorussie), il est reconnu que, dans les pays où existent des minorités linguistiques, les membres appartenant à ces minorités ne peuvent se voir refuser ce droit, avec d'autres membres du même groupe, d'employer leur langue maternelle. L'article 21 du Code de procédure pénale (1999) énonce ce principe reconnu:
Article 21 Langue dans laquelle les documents et la procédure sont présentés 1) La procédure relative aux documents et aux affaires pénales en république de Biélorussie doit se dérouler en biélorusse et/ou en russe. 2) Les justiciables qui ne parlent pas ou ne maîtrisent pas la langue dans laquelle la procédure pénale se déroule ont le droit de faire des déclarations, à l'oral ou à l'écrit, de donner des explications et de livrer des témoignages, de présenter des requêtes, de déposer des plaintes, de se familiariser avec une affaire pénale, de comparaître devant les tribunaux dans leur langue maternelle ou dans la langue qu’ils maîtrisent. Dans ces cas, ils ont le droit d’utiliser gratuitement les services d’un interprète, conformément au présent code. |
Si le tribunal a des doutes pour savoir si un témoin ou un justiciable parle la langue dans laquelle la procédure se déroule, le juge doit être informé du choix de la langue dans laquelle le témoin ou le justiciable souhaite s'exprimer. Si le témoin ou le justiciable ne parle pas la langue de la procédure, le tribunal doit s'assurer qu'un interprète est disponible. Dans ce cas, le traducteur doit répondre aux exigences suivantes : maîtriser la langue dans laquelle le témoin dépose et la langue dans laquelle se déroule la procédure; être une personne qui ne s'intéresse ni directement ni indirectement aux résultats de l'examen du procès et mériter la pleine confiance du tribunal. Il est convenu que la violation des garanties procédurales établies par la loi pour la protection des droits des individus qui ne parlent ni russe ni biélorusse est une base inconditionnelle pour annuler la décision ou la décision du tribunal.
Dans les faits, la majorité des citoyens issus des minorités préfèrent recourir au russe, car ils estiment, à l'exemple des biélorussophones, que le juge sera plus clément à leur égard. Certains juges seraient même enclins à croire que l'emploi par les justiciables du biélorusse ou de toute langue minoritaire autre que le russe dans un tribunal est un indice de leur culpabilité. Étant donné que tous les juges et la plupart des justiciables maîtrisent le russe, il est plus commode d'employer cette langue.
Néanmoins, il est possible
de faire appel à un interprète pour la langue ukrainienne dans certaines
municipalités des régions de Brest et de Homiel, un interprète pour le lituanien
ou le polonais dans certaines municipalités de la région de Grodno (Hrodna).
Cependant, ce droit est rarement appliqué parce qu'il irrite tout le monde. En outre, les observateurs du
département d'État américain ont souvent signalé les abus commis par les forces
de sécurité, les mauvaises conditions de détention, les arrestations à
motivation politique, l'ingérence politique dans le travail de la justice, les
restrictions des libertés civiles et bien d'autres problèmes courants.
Quant à la liberté de religion, elle est souvent bafouée. Les juifs ne sont pas
la seule minorité religieuse qui aurait vu ses droits humains violés en Biélorussie.
L'agence Associated Press a rapporté qu'il existait une interdiction du culte à
domicile dans le pays et que des membres de quatre églises protestantes avaient
demandé au gouvernement d'abroger la
2.2 Les services publics
Il n'est pas si simple pour les membres d'une minorité de recevoir des services publics dans leur langue, car les employés de l'État ne sont pas tenus de connaître d'autres langues que le biélorusse et/ou le russe; dans de nombreuses municipalités, le russe suffit. Pour recevoir des services, par exemple une communication orale, dans une langue minoritaire, il faut qu'une minorité (polonaise ou ukrainienne) soit suffisamment concentrée dans une municipalité et que le fonctionnaire disponible soit un représentant de cette minorité. C'est peu souvent le cas, car les fonctionnaires comprennent la loi selon leurs intérêts : ils estiment qu'ils doivent connaître l'une ou l'autre des langues officielles, pas nécessairement les deux; cette interprétation vaut surtout pour les fonctionnaires russophones. Quant aux documents écrits, étant donné qu'ils ne sont déjà pas toujours disponibles en biélorusse, il est illusoire de les obtenir en polonais ou en ukrainien.
Des représentants de l'Union biélorusse des Polonais affirment que les fonctionnaires du Comité d'État pour les religions et les minorités nationales essaient constamment de discréditer et de détruire leur association. Il semble que les autorités locales interdisent à la plupart des minorités de protester contre les violations de leurs droits et les accusent de «provocation d'actions illicites». Des polices spéciales «dispersent» simplement des réunions non autorisées par les organisations minoritaires.
Bref, malgré la législation qui prévoit prévoit l'égalité des membres appartenant aux minorités nationales, notamment les droits des peuples, ukrainien, polonais, tatar, rom et autres résidant en Biélorussie depuis plusieurs décennies, ces droits ne sont jamais transposés dans la réalité.
2.3 Les droits en éducation
La Biélorussie garantit la réalisation du droit des minorités nationales d'étudier dans leur langue maternelle, en même temps que l'étude obligatoire du bélarusse et du russe, les langues officielles de la République. Le système d'éducation pour les minorités est intégré dans le système national. Les écoles ayant une éducation complète ou partielle dans les langues des minorités nationales (comme toutes les autres écoles) sont sous la supervision de comités pédagogiques locaux. Les fonds nécessaires au développement de l’éducation des minorités nationales sont alloués à partir des budgets de l’État et des collectivités locales dans le cadre intégral des dépenses totales de l'éducation.
Dans les faits, il semble qu'il n'y ait pas assez d'écoles pour les minorités de Biélorussie afin que ces dernières puissent réussir à faire étudier leurs enfants dans leur langue maternelle. Généralement, les enfants des membres des minorités nationales reçoivent leur instruction en biélorusse et/ou en russe, plus généralement en russe parce que les écoles de langue biélorusse, contrairement aux écoles russes, n'existent pas partout.
- La minorité polonaise
Selon le dernier recensement de la population de 2019, la
Biélorussie abrite 291 000 Polonais d'origine, ce qui représente 3% de la
population du pays. Près de 80 % des Polonais résident dans la région de
Hrodna (Grodno) au nord-ouest, où la proportion de la population d'origine
polonaise s'élève à 21,5%. Un tel nombre de Polonais devrait normalement
disposer de plusieurs douzaines d'écoles avec le polonais comme langue
d'enseignement afin de desservir une population scolaire d'environ 22 000
jeunes.
Cependant, on ne compte que deux écoles de ce type en Biélorussie, l'une est à Hrodna (Grodno) et l'autre est à Vaukavysk dans la même région. De plus, la construction de ces écoles et de leurs infrastructures a été financée par la Pologne dans les années 1990 tout en fonctionnant dans le cadre du système d'éducation public de la Biélorussie. |
Depuis l'année scolaire 2017-2018, seuls 840 élèves peuvent étudier dans ces deux établissements d'enseignement. Les deux tiers d'entre eux fréquentent l'école de Hrodna (Grodno) et l'autre tiers, celle de Vaukavysk. Évidemment, ce très petit nombre d'écoles ne peut répondre aux besoins de tous les jeunes Polonais pour s'instruire dans leur langue maternelle.
Cependant, il existe aussi des écoles de langue biélorusse ou russe où le polonais est enseigné comme matière supplémentaire. Depuis l'année scolaire 1999-2000, quelque 15 000 élèves auraient ainsi appris le polonais, surtout dans les «écoles du dimanche» au nombre d'une vingtaine. Dans tous les cas, le gouvernement biélorusse ne fournit pas aux écoles le matériel et l'équipement nécessaires. En vertu d'un accord de coopération entre le ministère biélorusse de l'Éducation et le ministère polonais de l'Éducation, des enseignants de Pologne viennent périodiquement enseigner dans les écoles polonaises, ce qui implique surtout les «écoles du dimanche». Ces écoles (en anglais: "Sunday school") sont généralement gérées par des organisations religieuses, en l'occurrence l'Église catholique qui est davantage préoccupée par l'enseignement de la religion et de la Bible que de la langue polonaise. Grâce à des subventions de la Pologne, les adultes d'origine polonaise reçoivent des cours spéciaux de polonais dans les villes et villages de la région de Grodno (Porozovo, Kemelishki, Lida, Oshmiani, Shchuchin).
En général les jeunes Polonais sont
pratiquement obligés de poursuivre leurs études dans les écoles biélorusses
quand cela est possible, sinon ce sont plus souvent des écoles russes. On
comprend pourquoi les représentants de l'Union des Polonais de Biélorussie font
de multiples demandes pour créer d'autres école d'enseignement en polonais, et
ce, tant à Hrodna (Grodno) qu'à Vaukavysk ainsi que dans la ville de Navahrudak. À cet effet, il subsiste plusieurs obstacles. D'abord, le ministère biélorusse de l'Éducation prévoyait depuis 2017 réduire le nombre de matières enseignées en polonais dans les écoles polonaises de Grodno et de Vaukavysk. Au cours des dernières années, les Polonais biélorussiens ont été victimes des tentatives de l'État de restreindre leurs droits en matière d'éducation et de religion. En 2015, les autorités ont fermé le dernier groupe de jardins d'enfants de langue polonaise à Hrodna (Grodno). |
Or, restreindre l'usage de la langue polonaise peut fortement faire régresser le développement futur de la communauté polonaise dans la région de Hrodna (Grodno). En conséquence, l'Union indépendante des Polonais a recueilli quelque 6000 signatures pour protester contre la décision ministérielle et a envoyé une pétition au ministère de l'Éducation, une pétition aussitôt rejetée par les fonctionnaires. Ceux-ci traitèrent les Polonais et leurs demandes avec suspicion et réticence en leur créant des obstacles bureaucratiques pour les activités des associations et des institutions polonaises. Néanmoins, les motifs de ces décisions ne sont jamais très clairs, et ce, d’autant plus que les coûts pour la construction des écoles demandées devaient être fournis par la diaspora polonaise.
Quant au gouvernement de Loukachenko, il lance régulièrement, depuis presque deux décennies, des campagnes contre la minorité polonaise en prétendant que ses membres tentent de déstabiliser l'équilibre du pouvoir et qu'ils constituent une «cinquième colonne». Ces accusations ne sont guère surprenantes dans un pays où le président s’est publiquement déclaré nostalgique de l’époque soviétique, mais ces campagnes anti-polonaises se sont traduites par une interdiction d’un journal en langue polonaise, par l’expulsion d’un diplomate polonais et par le remplacement des représentants démocratiquement élus de l'Union des Polonais de Biélorussie (ZPB : Związek Polaków na Białorusi) par des fidèles de Loukachenko.
Bien sûr, cette politique de durcissement pousse la minorité polonaise vers la russification et c'est justement ce que désire le gouvernement qui invoque parfois des motifs économiques plutôt qu'idéologiques, l'État étant empêtré dans des difficultés économiques. Pourtant, les écoles polonaises ne coûtent pas cher à la Biélorussie puisque les coûts de fonctionnement sont assumés par la Pologne et la diaspora polonaise. Ainsi, les écoles polonaises ne devraient pas être un fardeau financier pour les autorités bélarussiennes responsables de l’Éducation. Finalement, l'État est en flagrante contradiction avec sa propre législation qui prétend assurer un enseignement dans la langue des minorités nationales. Le régime de Loukachenko mène non seulement la vie dure à la majorité biélorussophone, mais il fait pire contre sa minorité polonaise.
- La minorité ukrainienne
Les Ukrainiens sont répartis dans toute
la Biélorussie, mais il existe d'importantes concentrations de
cette communauté dans le Sud-Ouest. Les problèmes vécus par la
minorité polonaise se sont nécessairement transposés chez la
minorité ukrainienne forte de quelque 154 000 membres. Le plus
grave problème auquel font face les Ukrainiens en Biélorussie
concerne la fermeture progressive de toutes leurs écoles. La raison officielle invoquée par le gouvernement serait le manque d'espace disponible et le nombre insuffisant d'élèves. Le ministère de l'Éducation a simplement autorisé un programme de cours facultatifs de «langue ukrainienne» pour les classes de la cinquième à la neuvième année dans des écoles dont les langues d'enseignement sont généralement en russe. Il existe aussi des «écoles du dimanche» où l'on enseigne aux enfants des rudiments de la langue ukrainienne, ainsi que la culture, l'histoire et la géographie de l'Ukraine. |
Les seuls établissements où l'on enseigne en langue ukrainienne sont le département de Philologie slave (ukrainienne) à l'Université d'État de Minsk et le département d'Études ukrainiennes à la Faculté de philologie de l'Université d'État Alexander Pushkin à Brest. Paradoxalement, on compte plus d'écoles ukrainiennes en Argentine (une quinzaine), au Portugal (près d'une vingtaine) et au Canada (une trentaine) qu'en Biélorussie, proche voisin de l'Ukraine.
- La minorité lituanienne
La plupart des Lituaniens sont concentrés près de la frontière
lituano-biélorusse. En 1990, les gouvernements de la Biélorussie et de la
Lituanie ont signé un accord pour l'ouverture de la seule école lituanienne
dans le village Peliasa (dans la région de Grodno) dans le but de desservir
la minorité lituanienne de quelque 4900 membres. Il existe quelques classes
dans cinq écoles de la région de Grodno où l'on enseigne le lituanien, ainsi
que l'histoire de la Lituanie et l'histoire de la culture lituanienne. Au
cours de l'année scolaire 1999-2000, quelque 390 enfants auraient étudié
la langue lituanienne dans les «écoles du dimanche». La langue et la
littérature lituaniennes peuvent être étudiées par les élèves dans les municipalités
de Lida et de Grodno. Les représentants de la communauté lituanienne qualifient l'appui de l'État biélorusse à leur égard comme strictement symbolique en raison du manque de mécanismes spéciaux pour la mise en œuvre des principes constitutionnels et législatifs. |
- Les autres minorités
En ce qui concerne les autres minorités, il faut plutôt compter sur les «écoles du dimanche» et sur un enseignement facultatif dans les week-ends. Ce système d'éducation à rabais, qui s'applique au polonais, à l'ukrainien et au lituanien, s'étend aussi au letton, à l'arménien, au géorgien, à l'hébreu (et non au yiddish), au romani, etc. La capitale, Minsk, compte plusieurs de ces «écoles du dimanche». Les Juifs disposent même d'une école primaire où l'on enseigne en hébreu, en russe et en biélorusse. Il y a aussi des externats à Gomel, à Moguilev et à Pinsk, mais aucun d’entre eux n’est géré par l’État, mais plutôt financé par le ministère israélien de l’Éducation. En 2002, les autorités ont refusé une demande de création d'une école secondaire juive à Minsk.
En fait, plusieurs petites langues minoritaires sont enseignées en tant que matières dans les écoles ordinaires, mais la plupart d’entre elles ne peuvent qu'offrir des cours extrascolaires non intégrés dans le programme officiel, principalement dans les «écoles du dimanche». Il existe des dizaines d'écoles de ce type dans plusieurs villes du pays. Il semble évident qu'il n'y a pas assez d’écoles pour les minorités en Biélorussie, afin que les membres de ces communautés aient la possibilité d’étudier dans leur langue ainsi qu'en russe et en biélorusse.
Alors que théoriquement les représentants des citoyens peuvent demander la mise en place de programmes d'enseignement, complets ou partiels, dans la langue de leur communauté linguistique, la mise en œuvre réelle est normalement compromise par une lourde bureaucratie totalement inefficace. Si la législation biélorusse prévoit la protection des droits scolaires pour toutes les minorités linguistiques, elle manque de mécanismes concrets de mise en œuvre de ces droits. Le caractère déclaratoire de la politique linguistique officiellement formulée et la dépendance des responsables locaux à l’égard de l'approbation du ministère de l'Éducation ont pour effet d'annuler dans la plupart des cas l’objet de la garantie constitutionnelle. À cela s'ajoutent les problèmes de profilage racial de la part des forces de l'ordre à l'égard, entre autres, des minorités roms/tsiganes qui sont souvent victimes des discours de haine. Ce n'est sûrement pas un hasard si les enfants roms/tsiganes détiennent des taux élevés d’analphabétisme et d’absentéisme scolaire.
Bref, toutes les minorités en Biélorussie, à l'exception des russophones, constituent des groupes vulnérables toujours exposés à la discrimination. Dans les centres urbains, de nombreux témoignages conforment le fait que même les biélorussophones peuvent être victimes de discrimination de la part des russophones et des russophiles, ce qui démontre l'état dans lequel la langue russe a pris le pas sur la langue nationale du pays.
2.4 Les médias
Le gouvernement affirme à l'article 7 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (2012) que les médias biélorusses accordent une attention accrue à la couverture concernant la tolérance, la promotion des différentes cultures, les traditions et les religions en tant que facteurs d'interaction stable entre les groupes nationaux et ethniques du pays.
- Les journaux et magazines
Selon le gouvernement, il existe dans les principaux journaux nationaux de l'État des documents favorisant «une culture élevée des relations interethniques», ainsi que des expressions de tolérance et d'internationalisme. Ces documents sont classés sous des titres tels que "Vo mne" («En moi»), "Mneniye" («Opinions»), "Kontekst" («Contexte»), "Rakurs" («Vue»), "Traditsii" («Traditons»); "Sobytiya. Fakty. Kommentarii" («Événements. Faits. Commentaires»), "Po povodu" («À propos»), "Tochka zreniya" («Points de vue»), etc. On peut citer encore de nombreux titres, mais ce sont là de brefs articles à l'intention de certaines minorités, qui semblent paraître dans les journaux russes ou biélorusses.
Les
journaux
Zvyazda,
Narodnaya Gazeta, Belorusskaya Niva et
Respublika
publieraient les résultats de recherches sociologiques sur les
relations ethniques et interconfessionnelles menées pendant
plusieurs années par le Centre
d'information et d'analyse sous l'administration du président de la
république de Biélorussie. La principale
conclusion qui en ressort, c'est que les citoyens de la Biélorussie
sont convaincus que les droits et libertés des membres des
nationalités sont pleinement réalisés dans le pays et qu'il n'y a
pas de tension pour des raisons nationales et religieuses. La réalité semble un peu différente, car les services à l'intention des minorités nationales sont médiocres. Par exemple, au 1er janvier 2014, il n'y avait que deux périodiques en langue ukrainienne: le journal «Ukrainets in Bularusi» créé en 1992 (non publié entre 1993 et 2001) avec un tirage de 500 exemplaires et le bulletin "Ukrayinsʹkyy visnyk". En ce qui concerne le polonais, l'Union des Polonais de Biélorussie réussit tant bien que mal à publier des magazines mensuels tels que "Głos znad Niemna", "Magazyn Polski" et le trimestriel "Echa Polesia". |
- La radiotélévision
Selon des sources officielles, la Société nationale de télévision et de radio d'État de la république de Biélorussie ("Нацыянальная дзяржаўная тэлерадыёкампанія Рэспублікі Беларусь" = "Nacyjanaĺnaja dziaržaŭnaja telieradyjokampanija Respubliki Bielaruś") coopère activement avec des partenaires étrangers (53 partenaires de 23 pays: 27 sociétés de télévision et de radio de la CEI et de pays éloignés de l'étranger et 26 sociétés de télévision et de radio de la Fédération de Russie), ce qui permet également d'échanger du matériel d'information sur les relations interethniques. La station Belarus fonctionne en permanence, dont le volume total de diffusion est de 16 heures par jour en sept langues, dont le russe, le biélorusse, le polonais, l'allemand, l'anglais, le français et l'espagnol, ainsi que la diffusion sur Internet en anglais.
La diffusion dans les bandes MW et HF est effectuée dans 20 pays d'Europe orientale, centrale, méridionale et occidentale, dans la bande FM - 24 heures sur 24 en biélorusse, en russe et en polonais dans les régions frontalières de Brest, de Grodno, de Minsk et de Vitebsk. Conformément à l'accord conclu avec la station de radio allemande "Broadcasting Center Eiskirchen", les émissions de la station de radio "Belarus" en allemand sont retransmis sur le territoire d'un certain nombre de pays européens, et sont également placés sur le serveur allemand.