République d'Albanie | Les dispositions constitutionnelles(Seconde partie) |
Lors du régime communiste, larticle 42 de la Constitution de 1976 reconnaissait, du moins théoriquement, les minorités nationales de lAlbanie:
Neni 42
1) Pakicave kombëtare u sigurohet mbrojtja e
zhvillimi i kulturës dhe i traditave popullore, përdorimi i gjuhës
amtare dhe mësimi i saj në shkollë, zhvillimi i barabartë në të gjitha
fushat e jetës shoqërore. |
Article 42 1) Il est garanti aux minorités nationales la protection et le développement de la culture et des traditions populaires, l'usage de leur langue maternelle et l'enseignement de cette langue à l'école, ainsi que des chances égales de développement dans tous les domaines de la vie sociale. 2) Tout privilège national, toute inégalité et tout acte qui viole les droits des minorités nationales est contraire à la Constitution et punissable en vertu de la loi. |
On sait que cette disposition constitutionnelle na été que très partiellement appliquée dans le domaine scolaire, et ce, par la ghettoïsation des minorités grecques et macédoniennes.
Puis la Constitution transitoire, connue sous le nom de Loi sur les principales dispositions constitutionnelles (Ligji Nr. 7491, datë 29.4.1991 për Dispozitat-kryesore-kushtetuese-1991) et promulguée le 29 avril 1991, est restée en vigueur jusquen août 1998. Étant donné que cest à partir de cette constitution provisoire qua été appliquée la politique linguistique de la république dAlbanie, il est important de relever ces dispositions même si elle ont été abrogées. Quoi quil en soit, nous verrons que la plupart de ces dispositions ont été reprises en des termes plus ou moins similaires dans la nouvelle Constitution de 1998.
La Constitution de 1991 reconnaissait la primauté du droit (art. 2.1):
Neni 1 |
Article 2 1) La république d'Albanie est un État démocratique fondé sur le principe de la légalité. 2) La dignité de l'individu, ses droits et libertés, le libre développement de sa personnalité, ainsi que l'ordre constitutionnel, l'égalité devant la loi, la justice sociale, la protection sociale et le pluralisme sont les fondements de l'État qui a pour devoir de les respecter et les protéger. |
Larticle 4 garantissait les droits fondamentaux et les libertés de l'individu ainsi que ceux des minorités ethniques:
Neni 4 Republika e Shqipërisë njeh dhe garanton të drejtat dhe liritë themelore të njeriut, të pakicave kombëtare, të pranuara në dokumentat ndërkombëtare. |
Article 4 La république d'Albanie reconnaît et garantit les droits fondamentaux et les libertés de l'individu et des minorités ethniques consacrés par les textes internationaux. |
Puis un projet dune nouvelle Constitution a été élaboré. Après bien des tergiversations, la nouvelle Constitution a été adoptée le 4 août 1998.
Suite à un référendum auprès de la population albanaise, le Parlement a adopté, le 4 août 1998, une nouvelle Constitution. Cette Constitution comprend 183 articles. Cest larticle 183 qui abroge la loi no 7491 (ainsi que toute autre loi constitutionnelle) datée du 29 avril 1991 et connue sous le nom de Loi sur les principales dispositions constitutionnelles. Plusieurs articles de la Constitution de 1998 sont consacrés à la question linguistique. Toutefois, comme on le constatera, la plupart de ces dispositions reprennent celles de 1991 à lexception de larticle 14.1. En effet, pour la première fois en Albanie, une clause particulière (art. 14.1) est prévue à légard de la langue officielle:
Neni 14 1) Gjuha zyrtare në Republikën e Shqipërisë është shqipja. |
Article 14 1) La langue officielle de la république d'Albanie est l'albanais. |
La Constitution de la république d’Albanie de 1998 consacre les principes universellement reconnus des droits de l'homme et voit dans «le pluralisme, l’identité nationale et le patrimoine national, la coexistence religieuse et la coexistence et l’entente avec les Albanais appartenant à une minorité» (article 3) les fondements de l’État albanais. Elle considère les libertés et droits fondamentaux comme «indivisibles, inaliénables et inviolables, et comme l’ossature de l’ordre juridique tout entier» (article 15), entérinant en même temps l’égalité, loin de toute discrimination, de tous les ressortissants albanais vivant sur le territoire de la république d’Albanie, des Albanais de souche, des membres des minorités nationales et des apatrides pour ce qui tant de l’exercice des libertés et droits fondamentaux que de l’exécution des obligations prévues par la Constitution et les autres lois.
Larticle 18 reprend les dispositions dégalité et de non-discrimination prévues à larticle 25 de lancienne Constitution:
Neni 18 1) Të gjithë janë të barabartë përpara ligjit. 2) Askush nuk mund të diskriminohet padrejtësisht për shkaqe të tilla si gjinia, raca, feja, etnia, gjuha, bindjet politike, fetare a filozofike, gjendja ekonomike, arsimore, sociale ose përkatësia prindërore. 3) Askush nuk mund të diskriminohet për shkaqet e përmendura në paragrafin 2, nëse nuk ekziston një përligjje e arsyeshme dhe objektive. |
Article 18 1) Tous sont égaux devant la loi. 2) Nul ne peut être injustement victime de discrimination pour des motifs fondés sur le sexe, la race, la religion, lorigine ethnique, la langue, les opinions philosophiques, religieuses ou politiques, la situation économique, éducative, sociale ou l'ascendance familiale. 3) Nul ne peut être victime de discrimination pour les motifs mentionnés au paragraphe 2, sauf pour des justifications raisonnables et objectives. |
Le nouvel article 20 est consacré aux minorités nationales :
Neni 20 1) Personat që u përkasin pakicave kombëtare ushtrojnë në barazi të plotë para ligjit të drejtat dhe liritë e tyre. 2) Ata kanë të drejtë të shprehin lirisht, pa u ndaluar as detyruar, përkatësinë e tyre etnike, kulturore, fetare e gjuhësore. Ata kanë të drejtë t'i ruajnë e zhvillojnë ato, të mësojnë dhe të mësohen në gjuhën e tyre amtare, si dhe të bashkohen në organizata e shoqata për mbrojtjen e interesave dhe të identitetit të tyre. |
Article 20 1) Les membres appartenant à des minorités nationales ont le droit dexercer en toute égalité devant la loi les droits fondamentaux et les libertés individuelles. 2) Ils ont le droit dexprimer librement, sans interdiction ni contrainte, leur appartenance ethnique, culturelle, religieuse et linguistique. Ils ont le droit de préserver et de développer, denseigner et dêtre instruits dans leur langue maternelle, ainsi que de créer des organisations et des associations dans le but de protéger leurs intérêts et leur identité. |
En outre, le chapitre II de la Constitution de 1998 prévoit plusieurs nouvelles dispositions au sujet des libertés et des droits individuels. Ainsi, larticle 22 garantit la liberté d'expression, la liberté de la presse, de la radio et de la télévision, ainsi que la liberté de religion (art. 24). Larticle 23 garantit le droit à linformation, ce qui entraîne le droit pour chacun, conformément à la loi, dobtenir de linformation au sujet des organismes de lÉtat ainsi que des personnes qui exercent des fonctions au sein de l'État. Les articles 28 et 31 traitent de la langue des cours de justice. Ainsi, quiconque est arrêté a le droit de connaître dans une langue quil comprend les raisons de son arrestation et la nature de laccusation qui pèse contre lui (art. 28).
Neni 28 1) Kushdo, të cilit i hiqet liria, ka të drejtë të njoftohet menjëherë në gjuhën që ai kupton, për shkaqet e kësaj mase, si dhe për akuzën që i bëhet. Personi, të cilit i është hequr liria, duhet të njoftohet se nuk ka asnjë detyrim të bëjë ndonjë deklaratë dhe ka të drejtë të komunikojë menjëherë me avokatin, si dhe t’i jepet mundësia për realizimin e të drejtave të tij. |
Article 28 1) Quiconque est privé de sa liberté a le droit d'être avisé immédiatement, dans une langue qu'il comprend, des motifs de cette mesure, ainsi que de l'accusation portée contre lui. La personne privée de sa liberté doit être informée qu'elle n'a aucune obligation de faire une déclaration et a le droit de communiquer immédiatement avec son avocat et avoir la possibilité d'exercer ses droits. |
Dans un procès criminel, chacun a droit, sans frais, à lassistance dun interprète lorsquil ne comprend pas ou ne parle pas la langue albanaise (art. 31).
Neni 31 Gjatë procesit penal kushdo ka të drejtë: a) të vihet në dijeni menjëherë dhe hollësisht për akuzën që i bëhet, për të drejtat e tij, si dhe t’i krijohet mundësia për të njoftuar familjen ose të afërmit e tij; b) të ketë kohën dhe lehtësitë e mjaftueshme për të përgatitur mbrojtjen e vet; c) të ketë ndihmën pa pagesë të një përkthyesi, kur nuk flet ose nuk kupton gjuhën shqipe; |
Article 31 Au cours d'une procédure pénale, chacun a le droit : a. d'être informé rapidement et en détail des accusations portées contre lui, de ses droits et d'avoir la possibilité de prendre contact avec sa famille ou ses parents; b. d'avoir suffisamment de temps et de moyens nécessaires pour préparer sa défense; c. d'avoir l'aide gratuite d'un traducteur s'il ne parle pas ou ne comprend pas la langue albanaise; |
De plus, la république d'Albanie a ratifié les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, puis la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention de l'UNESCO contre la discrimination dans l'éducation. Cela dit, l’un des traités les plus importants à avoir été signés par l’Albanie (le 29 juin 1995) fut la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (Conseil de l’Europe) de 1994, qui constitue pour l’Albanie une véritable loi linguistique.
En 1998, l’Albanie signait aussi la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives, le Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, la Charte européenne de l'autonomie locale et la Charte sociale européenne (révisée), ainsi que l'Accord partiel élargi pour le Centre européen pour les langues vivantes à Graz en Autriche (ratifié par la loi 8706, en date du 1er décembre 2000). Tous ces faits démontrent que l’Albanie s’est rapprochée de l’Europe occidentale. Mentionnons à ce sujet que les articles 121 et 122 de la Constitution disposent que tout instrument international ratifié fait partie intégrante de l’ordre juridique interne.
Mentionnons également que les articles 121 et 122 de la
Constitution précisent que tout instrument international ratifié fait partie intégrante de l’ordre juridique interne. Ces instruments sont directement applicables, sauf dans les cas où ils n’ont pas automatiquement force de loi et où, par conséquent, leur application est subordonnée à l’adoption d’une loi. En cas d’incompatibilité, les traités internationaux priment
sur les lois du pays, lorsque l’application directe des règles élaborées par une organisation internationale est expressément prévue dans le traité.
En acceptant les nombreux textes juridiques internationaux ci-haut mentionnés, l’Albanie indique,
en principe, sa détermination à respecter et défendre, sans discrimination aucune, les droits fondamentaux de tous les ressortissants albanais, y compris les membres des minorités nationales.
En application de l’article 5 de la loi 8137 du 31 juillet 1996, relative à la
«ratification de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales», l’Albanie reconnaît, «sous réserve de réciprocité, la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d’interprétation et d’application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales» et des Protocoles supplémentaires no 1, no 4 et no 7, s’agissant des affaires
«où la violation des droits garantis par ces instruments est intervenue après que ces derniers sont entrés en vigueur en
république d’Albanie». L’article 4 de la même loi précise que l’Albanie reconnaît que la Commission européenne des droits de l'homme peut être saisie d’une requête adressée par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation des droits reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans les Protocoles supplémentaires no 1, no 4 et no 7, s’agissant des affaires
«où la violation des droits garantis par ces instruments est intervenue après que ces derniers sont entrés en vigueur en République d’Albanie».
- Décision n° 396 sur l'instruction primaire donnée aux personnes appartenant à des minorités nationales dans leur langue maternelle (1994);
- Loi n° 7952 du 21 juin 1995 relative au système d'éducation pré-universitaire (abrogée);
- Loi sur la liberté de réunion (1996);
- Code de procédure civile (1996);
- Loi sur la radiotélévision publique et privée (1998);
- Loi sur la nationalité albanaise (1998);
- Loi sur les droits et le traitement des détenus et des prisonniers (1998);
- Code électoral (1998);
- Ordonnance conjointe pour l'adoption du règlement interne sur la police municipale et communale (2003);
- Loi sur le patrimoine culturel (2003);
- Décision n° 127 sur la création du Comité national pour les minorités (2004);
- Loi sur le Centre national d'enregistrement (2007);
- Code pénal (2010);
- Loi sur la protection contre la discrimination (2010);
- Loi sur les banques (2011);
- Loi n° 69 relative au système d'enseignement pré-universitaire (2012);
- Code de procédure pénale (2013);
- Loi sur les étrangers (2013);
- Loi sur les médias audiovisuels (2013);
- Loi sur l’asile (2014);
- Code de procédure administrative (2015);
- Loi sur l'enseignement supérieur et de la recherche dans les établissements d'enseignement supérieur (2025);
- Loi sur les services (2016);
- Décision n° 104 relative à l'approbation du règlement sur les licences et le fonctionnement des associations d'épargne et de crédit, et de leurs syndicats (2016).
On trouvera les applications de ces lois dans la section intitulée «La politique linguistique».
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Informations
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(4) Bibliographie |