1 Le statut des langues
Outre les dispositions de la
Constitution de 1992, la politique
de l’Ouzbékistan est définie essentiellement dans la version de 1995 de la
Loi sur
la langue officielle (1989). Cependant, il existe aussi une assez
grand nombre de lois faisant référence à la langue, c'est-à-dire la
langue officielle et/ou parfois les langues des minorités nationales,
principalement le russe, le tadjik, le kazakh, le karakalpak, le kirghiz
et le turkmène .
1.1 Les
dispositions constitutionnelles
La
Constitution a été adoptée le 8
décembre 1992. L’article 4 déclare que la langue officielle est l’ouzbek, mais le paragraphe 2 précise que «la république
d'Ouzbékistan
veille au respect des langues, des coutumes et des traditions de toutes les
nationalités et des groupes ethniques vivant sur son territoire, et crée les
conditions pour leur développement»:
Article
4
1)
La langue officielle de la république d'Ouzbékistan est l'ouzbek.
2)
La
république d'Ouzbékistan veille
au respect des langues, des
coutumes et des traditions de toutes les nationalités et des groupes
ethniques vivant sur son
territoire, et crée les conditions pour leur développement.
|
De son côté, la
Loi sur
la langue officielle déclare également
que la langue officielle de la république d'Ouzbékistan est l'ouzbek, mais
que «l'octroi du statut de langue officielle à l'ouzbek ne doit pas léser les
droits constitutionnels des nations et des peuples résidant sur le territoire de
la République dans l'usage de leur langue maternelle»:
Article 1er
La
langue officielle de la république d'Ouzbékistan est l'ouzbek.
Article 2
L'octroi du statut de langue officielle à l'ouzbek ne doit pas léser
les droits constitutionnels des nations et des peuples
résidant sur le territoire de la République dans l'usage de leur langue
maternelle.
|
Dans la version de 1989, les autorités de la RSS
d'Ouzbékistan avaient aussi proclamé l'ouzbek comme langue officielle,
mais le russe était dotée du statut de «langue de communication
interethnique) qu'il a conservé officiellement jusqu'au 21 décembre
1995. Bien que la nouvelle version de la
Loi sur
la langue officielle ne mentionne aucunement la langue
russe, l'article 3.4 déclare que «les citoyens ont le droit de choisir
à leur discrétion la langue des relations
interethniques», avec le résultat que certaines langues minoritaires,
dont le russe, ont été préservées et continuent de fonctionner
normalement dans le pays, que ce soit dans les écoles, les formalités
administratives, la publicité, les journaux, etc.
De façon générale, on peut affirmer que la
politique linguistique du gouvernement ouzbek correspond à une valorisation
de la langue officielle, mais sans en assurer une véritable promotion et
sans interdire d’autres langues. Lorsqu’on lit les 24 articles de la
Loi sur
la langue officielle
de 1995, force est de
constater que cette loi prône une politique d’affirmation de l’identité
nationale, laquelle passe nécessairement par la langue ouzbèke, sans nuire aux
autres langues parlée en Ouzbékistan, que ce soit le russe, le tadjik, le
kazakh, le karakalpak, etc.
Ainsi, sur le territoire de la
République autonome du Karakalpakstan,
la langue karakalpak est également officielle avec l'ouzbek, du moins
juridiquement. Dans le district de Sokh
de la région de Ferghana, laquelle est entourée de tous côtés par le
territoire du Kirghizistan, 99,4% de la population (environ 58 000
personnes) sont des Tadjiks de souche. Dans le centre du district de
Sokh, un hebdomadaire tadjik, Sadoi Sokh, est publié. Il y a 24
écoles, 2 lycées et 2 collèges dont le tadjik est la langue
d'enseignement. Les médias, les écoles, les lycées, les collèges et les
départements universitaires fonctionnent en langue tadjike à
Surkhandarya, à Samarcande, à Boukhara, à Namangan et dans d'autres
régions à population tadjike compacte. Dans les régions de Tachkent et
de Navoï, ainsi qu'en Karakalpakie, il existe des écoles et des
départements d'universités avec le kazakh comme langue d'enseignement.
Les écoles avec la langue d'enseignement turkmène fonctionnent dans la
région de Khorezm et en Karakalpakie.
Quant au russe, il existe un réseau d'établissements
d'enseignement publics dans cette langue dans près de 850 écoles avec
quelque 372 000 élèves. Depuis le 1er
novembre 2012, par arrêté du ministère de la Justice, la langue
russe a de nouveau été autorisée à être employée dans les formalités
administratives. La langue russe est dans les faits largement utilisée
même dans les documents et les rapports officiels; elle est dans les
faits considérée comme
la langue officielle de facto du pays avec la langue ouzbèke.
Dans un contexte de concurrence linguistique, plus les langues
minoritaires sont protégées, notamment le russe, plus il est difficile
pour la langue ouzbèke de s'affirmer.
Il y a quelques années, le gouvernement émettait
l'hypothèse que, au lieu du russe, la fonction de la langue de
communication interethnique serait assurée par l'anglais, mais cette
hypothèse n'est manifestement pas confirmée par la pratique, bien que le
nombre de personnes qui connaissent bien l'anglais ait augmenté ces
dernières années. Il est
vraiment prématuré de parler de la pertinence sociale de l'anglais, au
stade actuel, comme
langue de communication interethnique en Ouzbékistan.
Normalement, la langue commune des citoyens, c'est-à-dire la langue des
communications interethniques, devrait être la langue officielle, non
une langue étrangère!
1.2
La purification linguistique
ou l’ouzbékisation
de la langue
La langue ouzbèke est devenue depuis une ou
deux décennies le
symbole le plus apparent de l’indépendance nationale; elle sert également de
point de rupture avec le passé soviétique. Cette valorisation n’aurait pu
se faire sans agir sur le code linguistique lui-même, car il allait de soi
que le gouvernement ouzbek devait non seulement réglementer le statut de l’ouzbek,
mais également la langue elle-même. Ainsi, en plus de la forme standard
fixée pour l'ouzbek, l'article 7 de la Loi sur la langue officielle précise que «dans
le domaine du fonctionnement administratif de la langue
officielle,
les règles scientifiques existantes et les normes de la langue littéraire
ouzbèke doivent être respectées»:
Article 7
1) Dans le domaine du fonctionnement administratif de la langue
officielle,
les règles scientifiques existantes et les normes de la langue littéraire
ouzbèke
doivent être respectées.
2) L'État assure l'enrichissement et le perfectionnement de la
langue ouzbèke, y compris, entre autres, en présentant
la terminologie scientifique, technique, sociale et
politique
universellement reconnue.
4)
Les
nouveaux termes scientifiques créés sont introduits en
ouzbek après discussion publique et avec l'accord des comités
respectifs des Chambres du Parlement (Oliy Majlisse).
|
L’article 7 énonce également que
«l'État assure l'enrichissement et le perfectionnement de la langue ouzbèke, y
compris, entre autres, en présentant la terminologie scientifique,
technique, sociale et politique universellement reconnue.» Les nouveaux termes créés ne
seront acceptés dans la langue ouzbèke qu’après discussion publique et l’approbation
d’un comité chargé des questions linguistiques et soumis à la juridiction
du Parlement.
1.3 Le retour aux sources linguistiques
En fait, l’objectif du gouvernement d'Islam Karimov était de parvenir à
une nécessaire «purification» de la langue ouzbèke. Pour ce faire, deux
moyens étaient privilégiés: l’élimination ou la réduction des emprunts au
russe et le retour à l’alphabet latin.
Nous savons que la langue persane
s'est répandue sur le territoire de l'Ouzbékistan entre 500 et 300 avant
notre ère au moment où les peuples d’Asie centrale ont été en contact
étroit avec l’Iran, berceau de la langue persane. Cette influence a duré
longtemps, même lorsque l'ancienne langue turque s'est imposée au VIe
siècle dans la région. En même temps, les Arabes ont conquis l'Asie
centrale au VIIe siècle en imposant leur religion et leur langue aux
peuples conquis. De ce fait, la langue arabe fut prédominante dans les
écritures jusqu'aux XIe et XII siècles. Quand on parle de retour aux
sources, il s'agit donc des langues persane et arabe, parce que la
langue ouzbèke, une langue turque, s'est également développée sous
l'influence du persan et de l'arabe, bien avant l'arrivée au XVIIIe
siècle de la langue russe.
Pendant environ deux siècles, la
langue russe a acquis une position dominante dans les nations de
l'ex-Union soviétique. Il était prioritaire de savoir le russe, car
c'était une langue de communication entre les différentes ethnies. Dans le cas des emprunts au russe, il
a semblé nécessaire de remplacer
les mots d’origine russe par de nouveaux mots formés ceux-là à partir des
racines de l'ouzbek ou d’éléments perçus comme culturellement proches, par
exemple, les termes turcs (ou turciques) ou
indo-iraniens. Cependant,
plusieurs années après l'indépendance, la plupart des Ouzbeks se sont
désintéressés de cette question, l'engouement pour les nouveaux mots
turciques ou indo-iraniens s'étant rapidement estompé. Les emprunts au russe
sont demeurés encore très nombreux dans la langue parlée.
S'ajoute aujourd'hui le recours aux
emprunts à la langue anglaise. Comme la plupart des langues actuelles,
l'ouzbek est également sous l'influence constante des emprunts. Nous
vivons une époque de développement technologique et scientifique. De
nouvelles découvertes, de nouvelles inventions, de nouvelles notions
apparaissent dans les langues modernes et l'ouzbek ne fait pas
exception. Les mots liés au développement de la technologie ont pénétré
dans la langue ouzbèke à partir d'autres langues, en particulier de
l'anglais, mais également à partir de n ombreuses langues européennes.
Quelques exemples de mots relativement nouveaux en raison des progrès de
la science suffit à illustrer l’importance du vocabulaire dit
«international»: algorithme, antenne, antibiotique, automatisation,
bionique, cybernétique, entropie, gène, génétique, code, graphique,
laser, micro-électronique, etc. Tous ces éléments présentent une
similitude évidente en anglais, en français, en russe, en ouzbek et en
plusieurs autres langues.
Le développement des contacts entre
les nations et la domination de la langue anglaise comme langue des
affaires a entraîné un grand flux de mots étrangers dans la langue
ouzbèke, enrichissant ainsi son stock de mots. Bien sûr, les mots
empruntés en ouzbek ont été pris en compte dans de nombreux travaux
scientifiques, dans les monographies et les publications, mais une
analyse détaillée des mots empruntés en ouzbek à l'anglais, par exemple,
n'a pas été entreprise jusqu'à présent.
1.4 La romanisation de l’alphabet
Un autre moyen de «purification» consistait à
remplacer l’alphabet cyrillique par une autre: l’alphabet latin ou l’alphabet
arabo-persan. On sait que, sous le régime soviétique, l’alphabet cyrillique
avait été imposé et avait remplacé l’alphabet latin qui avait lui-même
remplacé l’alphabet arabo-persan. La décision de retourner à l’alphabet latin
fut prise en 1993 par le gouvernement ouzbek. Au moment de l’indépendance,
la population de l’Ouzbékistan était presque totalement alphabétisée et
il était prévisible que la population puisse éventuellement mal réagir à
un changement aussi important dans l’usage de sa langue. De son
côté, la Turquie invitait les républiques turcophones (Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan,
Kazakhstan, etc.) à suivre son modèle et reprendre sa
graphie latine, ce qui aurait été interprété comme un signe important de l’influence
de la Turquie dans la région. Mais cette prétention de la Turquie à exercer
un tel leadership fut mal perçu en Ouzbékistan.
Le gouvernement de l’Ouzbékistan décida plutôt de
remanier l’alphabet à graphie latine, tandis que la durée de la transition
fut reportée jusqu’en 2005. Durant l’année scolaire 1993-1994, seuls les
enseignants furent touchés par l’apprentissage du nouvel alphabet qui
devait remplacer le cyrillique. Finalement, l’arrivée d’une nouvelle
version de l’alphabet en juin 1995 est venue compliquer le processus d’implantation.
L’alphabétisation des enfants ne commença qu’avec la rentrée de
1996-1997 pour se poursuivre avec les enfants scolarisés lors des années
ultérieures, de telle sorte que chaque enfant puisse poursuivre ses études
en utilisant l’alphabet avec lequel il avait appris à lire et à écrire.
Le choix du nouvel alphabet latin révèle l’intention
du gouvernement de se démarquer pour passer dans la sphère américano-européenne afin de contrer l'influence russe où l’alphabet cyrillique
reste toujours en vigueur. Ce choix semble également montrer une certaine
distanciation vis-à-vis de la la Turquie dont l’alphabet diffère
sensiblement et de l’Iran (très actif en Ouzbékistan), ainsi que des pays
musulmans qui ont souvent incité l’Ouzbékistan à réutiliser l’alphabet
arabo-persane. Depuis, plusieurs maisons d’édition ont commencé à publier des
livres dans le nouvel alphabet latin destinés aux enfants des classes
primaires. Mais les adultes se trouvent confrontés avec un nouvel usage qui
risque d’ériger des barrières culturelles considérables entre eux et les
nouvelles générations.
De son côté, le gouvernement continue
d'implanter l'alphabet latin, mais il existe certaines résistances dans
la population. Si les plus jeunes ont appris à fonctionner dans les deux
alphabets, ce n'est pas le cas pour les gens plus âgés.
2
Les langues de la législation
Le Parlement de l'Ouzbékistan a comme
nom Oliy Majlis; il remplace le Soviet suprême depuis 1995 et il
est devenu bicaméral en 2005 avec la création d'une seconde chambre, le
Sénat. L'Assemblée législative compte 150 députés élus dans des
circonscriptions territoriales, alors que le Sénat compte 100 élus : 84
élus au suffrage universel et 16 autres nommés par le président de
l'Ouzbékistan.
2.1 La langue officielle
Selon l'article 8 de la
Loi sur
la langue officielle, les lois de la République,
ainsi que tout autre document
des pouvoirs publics et de l'administration, doivent être adoptées et publiées
dans la langue officielle:
Article 8
1) Les lois de la république d'Ouzbékistan, ainsi que tout autre
document des pouvoirs publics et de l'administration,
doivent
être adoptées et
publiées dans la langue officielle.
La
traduction
de ces documents est également publiée
dans d'autres
langues. |
2.2 Le russe
et l'anglais
Cependant, la traduction de la
plupart de ces
documents est également publiée
dans d'autres
langues. Sur les 250 députés à la Chambre législative, seule une vingtaine d'entre
eux sont des représentants des minorités, dont cinq Russes, trois 3
Ukrainiens, un Arménien, un Kirghiz et un Coréen. Étant donné que
certains députés ne connaissent pas la langue officielle, les
assemblées sont donc assurées d'une traduction simultanée de
l'ouzbek en russe et en anglais. La langue russe ainsi que la langue
officielle, parfois l'anglais, sont utilisées dans la publication des lois et de divers
documents des autorités de l'État. La plupart des lois et règlements
sont encore rédigés en russe et en anglais, mais ces documents n’ont aujourd’hui
aucune valeur juridique, car ils ne considérés que comme des
traductions. C'est la version ouzbèke des textes législatifs qui
prévaut et constitue la seule référence légale. Quant à l’article 23
de la
Loi sur la langue officielle,
il énonce que «les textes des traités internationaux de la
république d'Ouzbékistan sont rédigés dans la langue officielle et
dans la langue de la partie contractante, à moins que le traité ne
le prévoie autrement».
Article 23
Les textes des traités internationaux de la république d'Ouzbékistan
sont rédigés
dans la langue officielle et
dans la langue de la partie contractante,
à moins que le traité ne le prévoie autrement. |
De plus, l'article 3 de la Loi sur les
partis politiques (1996-2019) interdit la formation de partis politiques
fondés sur l’appartenance ethnique ou religieuse. Plusieurs représentants
des minorités nationales, dont les russophones, affirment que cette loi
constitue pour le gouvernement un moyen de contrôler les groupes ethniques
et de les empêcher d’exprimer publiquement leurs intérêts.
L’article 90 de la
Constitution oblige tout candidat à la présidence d’avoir au
moins 35 ans et de parler couramment l’ouzbek. On rapporte que
l’ancien président Islam Karimov avait dû donner l’exemple — il avait été formé en russe et avait
fait toute sa carrière dans cette langue — et suivre des cours en
ouzbek. Au début de sa présidence, son manque d’aisance et sa
maladresse d’expression lui attiraient bien des plaisanteries, mais
il avait fini par manier l’ouzbek avec habileté et prononcer tous
ses discours en ouzbek.
3 Les langues de la justice
En matière de justice, rappelons que l’article 115 de
la
Constitution énonce que la procédure judiciaire dans la république
d'Ouzbékistan doit se dérouler en ouzbek, en karakalpak ou dans la
langue de la majorité de la population d’une région donnée. Quiconque ignore la
langue de la procédure judiciaire est assuré d’obtenir les moyens d’avoir
recours à un interprète et a le droit de s'adresser à la cour dans sa
langue maternelle.
Article 115 Toute procédure judiciaires dans
la république d'Ouzbékistan doit se dérouler e n ouzbek, en karakalpak ou dans la langue parlée par la majorité de
la population de la région. Quiconque participant à un procès qui ne
parle pas la langue dans laquelle se déroule la procédure a le
droit d'avoir pleinement accès aux documents du procès
par
l'intermédiaire d'un interprète,
de
participer à la procédure et de s'exprimer dans sa
langue maternelle. |
Quant au
Code pénal
(1994-2019), il proclame le principe
d'égalité
des citoyens devant la loi:
Article 5
Principe
d'égalité des citoyens
devant la loi
Les
personnes qui ont commis
des crimes ont les mêmes
droits et obligations,
et elles sont égales
devant la loi
sans distinction de
sexe, de race, de
nationalité, de langue,
de religion, d'origine
sociale, de croyances,
de statut personnel et
social. |
Comme c'est souvent le cas, le principe d'égalité des
langues et des peuples peut aussi avoir des effets pervers. Puisque toutes
les langues sont égales en droit, aucune ne devrait bénéficier de quelque
privilège qu'il soit... sauf la langue officielle. Cette égalité juridique
peut aussi être un moyen de n'accorder aucun droit aux langues minoritaires.
Par exemple, sous prétexte d'égalité juridique proclamée dans la
Constitution, la France a toujours relégué l’enseignement de ces langues au
domaine strictement privé. C'est pourquoi il n'existe aucun texte accordant
un véritable statut aux langues régionales ou minoritaires dans ce pays.
3.1 Le bilinguisme et la traduction
Par ailleurs, l’article 11 de la
Loi sur
la langue officielle précise également
que la procédure judiciaire sera effectuée dans la langue officielle ou dans
la langue de la majorité de la population d’une localité donnée. Les
citoyens qui ignorent la langue dans laquelle est instruite la procédure sont
assurés d’obtenir les services d’un interprète et ont le droit de faire
des déclarations devant la cour dans leur langue maternelle.
Article 11
1)
La procédure judiciaire se déroule
dans la langue officielle ou dans la langue de la majorité de la
population dans une localité donnée.
Les participants à une cause ne possédant pas la langue dans laquelle la
procédure se déroule sont assurés d'avoir le droit de consulter leur
dossier, de participer au litige par le moyen d'un interprète, ainsi que
le droit de faire des déclarations au tribunal dans leur langue
maternelle. |
L'article 20 du
Code de procédure pénale (1994-2019) énumère formellement deux langues
(l'ouzbek et le karapalpak) dans toute procédure pénale, en plus de la langue de la majorité de la population de la région:
Article 20
Langue de la procédure pénale1) La procédure pénale doit se dérouler dans les langues ouzbèke, karakalpak ou dans la langue de la majorité de la population de la région.
2) Les participants au procès, qui ne parlent pas ou ne maîtrisent pas suffisamment la langue de la procédure se voient garantir le droit de faire des déclarations orales ou écrites, de témoigner et d'expliquer, de déposer des requêtes et des plaintes, de s'exprimer en justice dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'ils connaissent. Dans ces cas, ainsi que lorsqu'ils se familiarisent avec le dossier, les participants au procès, de la manière prescrite par la loi, ont le droit de recourir aux services d'un interprète.3) Les documents d'enquête et judiciaires à signifier à l'accusé, au défendeur ou aux autres participants au procès doivent être traduits dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'ils maîtrisent.
|
L'article 11 du Code de
procédure civile (2018) est similaire:
Article 11
Langue dans
laquelle la
procédure
judiciaire se
déroule
1)
L'administration
civile de la justice
en république
d'Ouzbékistan doit
se dérouler
dans les
langues ouzbèke, karakalpak ou dans
la langue de la
majorité de la
population de la
région.
2) Le droit de
connaître pleinement
les pièces du
dossier, le droit de
fournir des preuves
et des explications,
de comparaître
devant le tribunal,
de faire des
déclarations et de
déclarer des
requêtes dans sa
langue maternelle,
ainsi que d'utiliser
le service de
traduction selon la
procédure établie
par le présent code
sont reconnus aux
justiciables
qui ne connaissent
pas la langue dans
laquelle se déroule
la
procédure
judiciaire.
3) Les documents
judiciaires sont
remis aux personnes
participant au
procès en cours
de transfert dans
leur langue
maternelle ou dans
une autre langue
qu'elles
connaissent. |
Quant au
Code de procédure administrative (2018),
il va un peu plus loin dans la mesure où il reconnaît aux justiciables, aux
témoins et aux experts de s'exprimer dans leur langue maternelle en
recourant aux services d'un traducteur:
Article 12
Langue de la procédure administrative
1)
La procédure judiciaire administrative doit se dérouler
dans les
langues ouzbèke, karakalpak ou dans la langue de la majorité de
la population de la région.
2)
Le droit de connaissance des documents
d’affaires, la participation à des actions judiciaires par
l’intermédiaire d'un traducteur et le droit de comparaître devant un
tribunal dans sa langue maternelle
ou la langue de communication librement choisie sont reconnus
aux participants de la procédure judiciaire qui ne connaissent pas la
langue dans laquelle se déroule la procédure administrative.
3) Les résolutions des tribunaux adoptées au cours de
la
procédure judiciaire sont rédigées dans la même langue dans
laquelle s'est tenu le procès.
Article 51
Droits et obligations d'un témoin
Le témoin a le droit de recourir à l'assistance d'un avocat, de
témoigner
dans sa langue maternelle,
s'il ne parle pas ou ne maîtrise pas couramment la langue dans
laquelle se déroule la procédure administrative et, dans ce cas,
il peut recourir aux services d'un interprète, exprimer son
propre témoignage, utiliser des notes et des documents écrits
lors de sa déposition. [...]
Article 53
Droits et obligations d'un expert
L'expert a le droit: [...] de soumettre un avis et de témoigner
dans sa langue
maternelle
s'il ne parle pas ou ne maîtrise pas couramment la langue dans
laquelle se déroule la procédure administrative et, dans ce cas,
de recourir aux services d'un interprète; [...]
|
Il faut aussi comprendre que les tribunaux ne sont pas tenus
de comprendre une autre langue que l'ouzbek. Autrement dit, un membre d'une
minorité nationale le droit de s'exprimer dans sa langue, mais pas celui
d'être compris dans cette langue, sauf par le biais de la traduction.
3.2 L'usage des
langues minoritaires
En pratique, la langue généralement employée dans
les tribunaux demeure l’ouzbek. Les langues des membres des minorités nationales, à l’exception
des Russes et des Karakalpaks de la République autonome de Karakalpakstan,
demeurent peu utilisées, les justiciables préférant recourir à l’ouzbek qu’ils
connaissent déjà. En raison de leur ignorance de la langue ouzbèke, seuls les
Russes, les Ukrainiens et les Karakalpaks choisissent davantage leur langue maternelle
devant les tribunaux. Précisons encore une fois que le juge n'est pas tenu de connaître une
autre langue que l'ouzbek, d'où le recours à l'interprétariat.
Enfin, l'article 11 de la
Loi sur
le notariat (1997-2020) impose la langue officielle, mais à
la demande d'un citoyen le texte de l'acte établi par un
notaire doit être émis en russe ou, si possible, dans une autre langue
acceptée par les parties:
Article 11
Langue dans laquelle les actes notariés
sont effectués
1) En république d'Ouzbékistan, les actes notariés sont effectués
dans la langue officielle.
2) À la demande d'un citoyen, le texte de l'acte établi
par un notaire ou une personne habilitée à le faire doit être émis
en russe
ou, si possible, dans
une autre langue acceptée.
|
En définitive, par le biais de la
traduction, plusieurs langues peuvent être
employées en matière de justice.
4 Les langues dans
l'administration publique
Le domaine de la vie politique et administrative semble
la première cible concernée par la
Loi sur
la langue officielle, parce
qu’il constitue un élément essentiel de l'affirmation d'une identité
nationale au sein de l'État. En tant que langue officielle, l’ouzbek reste, en principe, la seule
langue employée ou au moins privilégiée par les organismes et les institutions
du gouvernement de l'Ouzbékistan.
Toutefois, il subsiste des problèmes qui
handicapent grandement l'usage de la langue officielle, l'ouzbek. La
plupart des hauts fonctionnaires du gouvernement ne maîtrisent pas bien la
langue officielle parce qu'ils maîtrisent mieux le russe, une langue dans
laquelle ils ont été instruits et formés. En Ouzbékistan, le russe est
demeurée une langue administrative quasi sacrée pour la population, car la
connaissance de cette langue est devenue un signe d'appartenance à une caste
privilégiée spéciale. De plus, en dépit des travaux terminologiques réalisés
jusqu'à présent en Ouzbékistan, le processus de modernisation de l'ouzbek
n'est pas complété avec le résultat que que celui-ci est encore perçu comme
la langue des «simples gens». Par ailleurs, la réforme de l'alphabet latin
est restée au point mort et a conduit à la coexistence de deux alphabets
dans la vie quotidienne et dans l'administration. Enfin, l'ouzbek doit aussi
entrer en concurrence avec le russe, parfois avec l'anglais, et aussi
certaines langues des minorités nationales. C'est beaucoup pour une langue
qui n'existe administrativement que depuis trois décennies à peine.
4.1 La langue de l'État
L'article 9 de la
Loi sur
la langue officielle impose l'usage de la langue officielle, mais
autorise aussi la traduction en d'autres langues:
Article 9
1) Le travail de bureau dans les pouvoirs publics et
l'administration est effectué
dans la langue officielle
et, en cas de force majeure, les dispositions sont prises
pour la traduction en d'autres langues.
2) Les langues de travail des forums internationaux tenus en
Ouzbékistan
sont la langue officielle, ainsi que dans les langues choisies par leurs
participants eux-mêmes.
|
Évidemment, les «cas de force majeure» sont
nombreux, surtout pour la langue russe. Par le fait même, l'article 14 de la
Loi sur
la langue officielle garantit aux
personnes résidant sur le territoire de l'Ouzbékistan le droit de s'adresser
aux institutions et organismes publics dans la langue officielle et en
d'autres langues:
Article 14
Il est garanti aux personnes résidant sur le territoire de la république
d'Ouzbékistan le droit de s'adresser aux institutions et organismes
publics, ainsi qu'aux associations publiques, avec des demandes, des
suggestions, des plaintes
dans la langue officielle et
en d'autres langues. |
L'article 35 de la
Loi portant sur les modifications et les additions à la Loi sur les
élections à l'Olly Majlis (2019) prescrit l'emploi de la langue
officielle sur les bulletins de vote, mais autorise aussi,
par décision de la
commission électorale de district, l'usage des langues utilisées par la
majorité de la population de la circonscription:
Article 35
Bulletin électoral
2)
Le
bulletin de vote
doit indiquer, dans
l'ordre
alphabétique, le
nom, le prénom, le
patronyme du
candidat au poste de
député avec le nom
de l'année de
naissance, le poste
occupé (profession)
et le parti
politique qui l'a
désigné comme
candidat aux
élections.
3) Le
bulletin de vote
doit contenir une
explication de la
procédure à suivre
pour le remplir.
4) Les
bulletins de vote
sont imprimés
dans la langue
officielle,
ainsi que, par
décision de la
commission
électorale de
district,
dans les langues
utilisées par la
majorité de la
population de la
circonscription. |
Dans
Loi sur
la langue officielle, l'article 19 impose l'usage de la langue
officielle dans les sceaux, les tampons, les en-têtes des
organisations, des associations et des établissements publics, tout en
permettant l'usage d'une autre langue dans les centres culturels:
Article 19
1)
Les textes des sceaux, tampons, en-têtes
des organisations, des associations et des établissements publics sont
rédigés dans
la langue officielle.
2)
Les textes des sceaux, tampons et en-têtes des organisations,
associations, entreprises et établissements communs installés sur le
territoire de la république d'Ouzbékistan, ainsi que des sociétés et
centre nationaux et culturels sont
rédigés en double dans la
langue officielle et une autre langue.
|
Il existe en Ouzbékistan un organisme appelé
«L'Inspection nationale de contrôle dans le domaine de l'informatisation et
des télécommunications de la république d'Ouzbékistan» (O'zbekiston
Respublikasi Axborotlashtirish va telekommunikatsiyalar).
C'est un organisme public doté d'un statut spécial
qui contrôle le respect des actes législatifs dans le domaine des
communications, des technologies de l'information et des télécommunications,
de la distribution des périodiques, des droits d'auteur dans la distribution
des phonogrammes, des œuvres audiovisuelles, des programmes pour les
ordinateurs électroniques. Selon le
Règlement sur l'Inspection nationale de contrôle dans le domaine de
l'informatisation et des télécommunications (2019), l'Inspection
nationale porte trois appellations officielles: l'une en ouzbek ("O‘zbekiston va telekommunikatsiyalar sohasida nazorat
bo‘yicha davlat inspeksiyasi, qisqartirilgan nomi", une autre en russe ("Gosudarstvennaya
inspektsiya po kontrolyu v sfere informatizatsii i telekommunikatsiy") et une autre en anglais ("The State Inspection for
control in the field of informatization and telecommunication"). De plus, sauf en anglais, l'Inspection nationale
porte aussi un nom abrégé.
Article 7
Le nom officiel de l'Inspection nationale
est:
a) dans la langue officielle:
Au complet: O‘zbekiston Respublikasi Axborotlashtirish va
telekommunikatsiyalar sohasida nazorat bo‘yicha davlat inspeksiyasi,
qisqartirilgan nomi ;
En abrégé : O‘zaloqanazorat
b) en russe:
Au complet: Государственная инспекция по контролю в сфере
информатизации и телекоммуникаций Республики Узбекистан;
En abrégé : Госинспекциясвязи;
c) en anglais:
Au complet: The State Inspection for control in the field of
informatization and telecommunication of the Republic of Uzbekistan;
|
Ce qu'il y a de commun dans
toutes ces lois, c'est une certaine ambiguïté dans le caractère officiel de
l'ouzbek: ou bien l'ouzbek est la langue officielle ou bien il y en a
plusieurs. Si tous les administrés ont le droit de s'adresser à
l'administration dans une autre langue, on se demande pourquoi il y a une
seule langue officielle et non pas deux ou trois, surtout qu'on ne mentionne
pas ces langues. S'agit-il du russe, de l'anglais, du tadjik, du karakalpak,
du turkmène? Manifestement, le gouvernement encourage le bilinguisme, ce qui
incite moins les administrés à maîtriser la langue officielle puisqu'elle ne
semble pas nécessaire.
|
Cette inscription du ministère de
l'Éducation est bilingue, en ouzbek et en anglais. La loi permet
le bilinguisme à la condition que l'ouzbek soit présent. Or, il
n'existe pas d'Ouzbeks anglophones dans le pays! |
La traduction et la publication des documents
administratifs sont prévues dans d'autres langues, mais la loi ne précise
pas lesquelles. Dans les faits, il semble s'agir essentiellement du russe et,
par ce moyen, il est possible en théorie de s’adresser également ceux dont la langue n’est
ni l’ouzbek ni le russe. La version de la
Loi sur
la langue officielle de 1995 évite de mentionner
explicitement la langue russe, alors que l’ancienne loi de 1989 lui
attribuait le rôle de «langue de communication entre les peuples». Les
autorités ouzbèkes ne veulent plus accorder au russe un statut particulier et
refusent dorénavant de légaliser cet état de fait considéré par plusieurs
comme relevant d’une époque coloniale révolue et appelée à disparaître.
En réalité, ce refus symbolique d’une
reconnaissance juridique n'empêche pas la traduction régulière de tous les
textes officiels et leur publication en russe. Cependant, les documents
originaux doivent obligatoirement être rédigés et publiés en ouzbek.
4.2 La citoyenneté et l'état civil
L'Ouzbékistan n'oblige pas les candidats à la citoyenneté de
connaître la langue officielle. Tout au plus, l'article 17 de la
Loi
sur la citoyenneté (1992-2016) interdit toute discrimination à cet
égard:
Article 17
Admission à la citoyenneté de la
république d'Ouzbékistan
Les citoyens étrangers et les apatrides peuvent obtenir la citoyenneté
de la république d'Ouzbékistan à leur demande conformément à la présente
loi, sans distinction d'origine,
de race, de nationalité, de sexe,
d'éducation, de langue, de religion, de convictions politiques ou
autres. |
Cependant, l'article 184 du
Règlement sur l'enregistrement des actes d'état civil (2016) prescrit
l'emploi de la langue officielle avec l'alphabet latin:
Article
184
1) Les actes sont enregistrés en double exemplaire.
2) Chaque type d'enregistrement des actes est numéroté
séquentiellement dans l'ordre, du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.
3) Les actes doivent être consignés
dans la langue officielle
avec
des graphismes latins,
une écriture manuscrite lisible ou par ordinateur.
Article
187
1) Si une personne qui a demandé au greffe l'enregistrement
d'un acte ne connaît pas la langue officielle, elle peut
recourir aux services d'un interprète. Ceci est rapporté dans la
colonne "Pour les marques".
|
De plus, l'article 6 de la
Loi sur les actes de l'état civil (2018) reprend les exigences
concernant l'emploi de la langue officielle dans les registres d'état civil:
Article 6
Tenue des registres des autorités de l'état civil
1) La gestion des dossiers par les
autorités de l'état civil doit s'effectuer
dans la langue officielle.
2) La procédure à suivre pour procéder à l'enregistrement
des actes d'état civil est fixée par l'Agence des services
publics du ministère de la Justice de la république
d'Ouzbékistan. |
Bien que la règlementation exige l'emploi de la langue
officielle et l'alphabet latin dans les formulaires d'enregistrement
civil, les formulaires utilisés pour l'enregistrement des actes de
naissance, de mariage, de divorce, de décès, etc., apparaissaient encore
jusqu'à récemment en deux colonnes, dont l'une en ouzbek (latin),
l'autre en russe (cyrillique). Il fut même un temps où les formulaires
n'étaient disponible qu'en ouzbek avec l'alphabet cyrillique.
4.3 La toponymie
Par leur origine, de nombreux toponymes
d'Asie centrale indiquent les peuples qui vivaient auparavant sur ce
territoire. Pour des raisons historiques, la toponymie iranienne y est
abondamment représentée, et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, le
tadjik-persan dominait parmi les noms géographiques. En Ouzbékistan, il y a
eu dans la toponymie l'influence des langues araméenne, sogdienne, turque,
chinoise, mongole, arabe, persane et slave, sans oublier des termes hybrides
composés de différentes langues. Mais ce ne sont pas les noms géographiques
anciens qui font problème, ce sont les termes plus récents d'origine russe.
De plus, dans la toponymie de l'Ouzbékistan, la plupart des noms sont
associés aux conditions physiques et géographiques du territoire: relief,
rivières, montagnes, minéraux, flore, animaux, etc. En général, ces noms
sont d'origine ancienne et en langue ouzbèke.
Cependant, l'adoption de l'idéologie
communiste dans les espaces ouverts de l'Asie centrale au début et au milieu
du XXe siècle a introduit ses propres modifications à la toponymie de
l'Ouzbékistan. Beaucoup de rues et de places publiques dans les villes
se sont vu octroyer de noms associés à des thèmes ou à des personnages
révolutionnaires ou communistes. C'est ainsi que sont apparus des toponyme
du genre «place Lénine», «rue Karl-Marx», «rue Engels», etc. Par exemple, la
«place de la cathédrale» s'est appelée «place Lénine», la «place Kaufmansky»
(du nom de Constantin Petrovitch von Kaufmann, premier gouverneur général du
Turkestan russe) est devenue la «place de la Révolution», la «rue Kaufmanskaya» a
été renommée «rue Karl-Marx», etc. Après l'indépendance, de nombreux noms de
lieux avec la composante «russe» ont été réduits au minimum par décision des
autorités. Bien souvent, les changements de nom ont vu réapparaître d'anciens termes
inconnus des Ouzbeks.
Ainsi, l'article 22 de la
Loi sur la langue officielle
exige que les noms des entités géographiques soient rédigés dans la langue
officielle:
Article 22
Les noms des entités géographiques doivent être rédigés
dans la langue officielle. |
Quant à la
Loi sur les noms d'objets géographiques (2011), elle prescrit que les
inscriptions sur les panneaux de signalisation, les enseignes et les autres
signes des noms d'objets géographiques situés sur le territoire de
l'Ouzbékistan soient rédigés dans la langue officielle:
Article 17
Emploi des noms d'objets géographiques
1) L'emploi usage des noms enregistrés d'objets géographiques est
obligatoire:
- pour les organismes du pouvoir et de l'administration de l'État, les
organismes autonomes des citoyens, les entreprises, les
institutions et les organisations dans la mise en œuvre de leurs
activités;
-
dans les publications pédagogiques et cartographiques, les références,
les encyclopédiques, les annonces, la publicité, la signalisation routière
et le
courrier.
2) Les noms enregistrés d'objets géographiques peuvent être
utilisés dans d'autres cas en conformité avec la loi.
3)
Les inscriptions sur les panneaux de signalisation, les
enseignes et les autres signes des noms d'objets géographiques
situés sur le territoire de la république d'Ouzbékistan doivent
être rédigés
dans la langue officielle.
4)
Les organismes du pouvoir et de l'administration de l'État, les
entreprises, les institutions et les organisations, en leur
pouvoir, en accord avec le Comité foncier de l'État de la
république d'Ouzbékistan, doivent publier des catalogues et des répertoires
officiels des noms d'objets géographiques. |
Bref, la dérussification entraînait aussi
une désoviétisation et une décommunisation afin de parvenir à une plus
grande ouzbékisation des toponymes.
4.4 Le matériel
religieux
En Ouzbékistan, l'importation de matériel
religieux est sévèrement réglementée. Il s'agit de livres, de brochures,
de magazines, de journaux, de dépliants, etc., ainsi que des œuvres
audiovisuelles (télévision, films cinématographiques et vidéo, clips,
enregistrements de programmes de concerts, dessins animés, etc.), de
supports d'information électroniques (disquettes, CD, DVD, documents publiés
sur Internet, etc.) reflétant les fondements, l'histoire, l'idéologie et la
pratique des cérémonies des différentes religions du monde. Le gouvernement
vise ainsi à restreindre l'influence de l'islam radical.
Il existe à cet effet un
Règlement sur les mesures visant à améliorer la procédure d'exécution des
activités dans le domaine de la production, de l'importation et de la
distribution de matériel religieux (2014-2019). L'article 3 énonce que
la présence sur le matériel d'un contenu religieux
d'informations doit être dans la langue officielle :
Article 1er
Le présent règlement détermine la
procédure de production, d'importation et de distribution de matériel à
caractère religieux sur le territoire de la république d'Ouzbékistan.
Article 3
La fabrication, l'importation et la
distribution de matériel à caractère religieux sur le territoire de la
république d'Ouzbékistan ne sont autorisées qu'après un examen religieux
de l'État.
La présence sur le matériel d'un contenu religieux d'informations doit
être dans la langue officielle
en indiquant le nom complet et le contenu du matériel, les données sur
l'auteur, le fabricant, la date et le lieu de fabrication, la
circulation et d'autres informations obligatoires. [...] |
L'importation sur le territoire de
l'Ouzbékistan par des personnes morales et des personnes physiques est
autorisé pour leurs propres besoins pour un maximum de trois exemplaires de
chaque objet du matériel, s'ils ne figurent pas sur la liste des matériaux
interdits. Répétons-le, l'une des conditions préalables à l'importation de
ce type de matériel est la présence d'informations dans la langue
officielle. L'importation de matériel religieux en Ouzbékistan constitue
l'est l'un des rares cas à ne pas autoriser le bilinguisme.
5.5 Les sanctions
administratives
L'Ouzbékistan a adopté le
Code sur la responsabilité administrative en 1994 (et modifié en 2019).
C'est un ensemble systématique d'infractions et de
sanctions administratives de toutes sortes. L'une de ces infractions
concerne la violation de la Loi sur la langue officielle. Ainsi, l'article
42 du Code impose une amende
d'une à
deux fois le salaire minimum pour le non-respect de la langue officielle et
celui des autres langues parlées par les nations du pays:
Article
42
Violation de la Loi
sur la langue
officielle
La
violation du droit
des citoyens
au libre choix de la
langue
dans l'enseignement
et la formation, la
création d'obstacles
et de restrictions
dans l'emploi de la
langue,
le non-respect de la
langue officielle,
ainsi que d'autres
langues
des nations et des
nationalités vivant
en république
d'Ouzbékistan
doivent être
sanctionnés d'une
amende d'une à deux
fois le salaire
minimum. |
Dans les conditions actuelles, les services offerts par l’administration
de l’État dans une langue minoritaire autre que le russe sont rarissimes,
sauf dans la République autonome de Karakalpakstan et, dans certaines villes,
pour les Tadjiks. Le gouvernement ouzbek accorde également aux Tadjiks un
certain nombre d'avantages; par exemple, là où ils sont majoritaires, ces
derniers contrôlent l'administration locale et la gestion des kolkhozes, tout
en employant leur langue maternelle. Pour les autres minorités, les services
laissent grandement à désirer.
5
La langue et la vie économique
En Ouzbékistan, comme dans les autres
États d'Asie centrale, la vie économique
a été soviétisée et russifiée. Dans les conditions de l'ancien système
totalitaire, la vie économique était subordonnée à des politiques et à des
objectifs idéologiques. La base économique de ce système était la propriété
dite «sans propriétaire» autre que l'État qui possédait plus de 90% des
principaux actifs de production de façon à exercer un monopole sur
l'économie.
Après l'indépendance, l'Ouzbékistan a mis en œuvre des réformes
fondamentales pour créer une économie de marché. Par voie de conséquence,
la vie économique s'est dérussifiée en s'ouzbékisant, mais la Russie représente
encore environ 20%
du commerce extérieur de l'Ouzbékistan; elle est demeurée aussi le principal
partenaire commercial et économique du pays. L'Ouzbékistan reste un marché
pour les produits russes, sans oublier que le pays est le plus grand
fournisseur de main-d'œuvre bon marché sur le marché russe. Ce n'est pas
pour rien que le président Mirziyoyev a déclaré en avril 2029 : "Великая
русская культура всегда была и будет неотъемлемой частью духовной жизни
узбекского общества", c'est-à-dire «la grande culture russe a toujours été
et sera une partie intégrante de la vie spirituelle de la société ouzbèke».
5.1 La
non-discrimination linguistique
Afin de promouvoir la langue ouzbèke, il
fallait que le gouvernement intervienne et impose cette langue tout en
autorisant néanmoins toute autre langue. Le première mesure consistait à
interdire au moyen du
Code du travail
(1995) toute discrimination dans le domaine du
travail:
Article 6
Interdiction de
la discrimination
dans les relations
de travail
Tous les citoyens ont des chances égales d'avoir et d'utiliser leurs droits du travail. Le fait d'imposer des restrictions ou des contraintes dans le domaine des relations de travail en fonction du sexe, de l'âge, de la race, de la nationalité, de la langue, de l'origine sociale, des biens et du statut officiel de l'attitude à l'égard de la religion, des croyances, de l'affiliation à des associations publiques, ainsi que d'autres circonstances qui n'ont à voir avec les qualités commerciales des employés et aux résultats de leur travail, est inacceptable et constitue une discrimination.
|
C'est une chose de déclarer la
non-discrimination, c'en est une autre de l'appliquer. Par exemple, ignorer
la langue officielle peut compromettre l'avenir de tous les membres des
minorités nationales . En matière d'égalité des sexes, la politique de
l'Ouzbékistan suit le modèle soviétique. Bien que l'URSS ait été le premier
pays au monde à proclamer la pleine égalité des sexes, de nombreuses
professions étaient fermées aux femmes uniquement en raison de leur gravité
et de leur nocivité. Ainsi, il était interdit aux femmes de réparer les
moteurs et les unités fonctionnant à l'essence au plomb. C'était similaire
pour d'autres métiers non féminins: fabricant de bitume, fonderie de quartz,
producteur d'os, distributeur de métaux non ferreux, sidérurgie, etc. En
Ouzbékistan, il existe une discrimination à l'égard des femmes, y compris de
la part de l'État et de ses organismes. Les traditions locales exigent que
le sexe soi-disant plus faible occupe toujours le deuxième, voire le
troisième rôle; il faut placer les intérêts du mari et de sa famille
au-dessus des ceux des femmes, tolérer silencieusement toutes les formes de
violence conjugale, etc. Il existe aussi plein de petits détails
contraignants pour les femmes et non pour les hommes: pour l'obtention d'un
passeport, les séjours à l'étranger, les salaires, les pensions de retraite,
etc. Généralement, ce genre de mesure de non-discrimination demeure peu
efficace il n'y a pas de lois et des pénalités.
5.2 Le bilinguisme
autorisé
La pratique du bilinguisme est une donnée
courante en Ouzbékistan. Les articles 20 et 21 de la
Loi sur
la langue officielle prescrivent l'usage de la langue officielle
tout en autorisant une autre langue:
Article 20
Les textes des enseignes, annonces, tarifs et d'autres informations
visuelles aussi bien qu'orales sont rédigés et annoncés
dans la langue officielle,
mais peuvent être faits en double en d'autres langues.
Article 21
1)
Les produits fabriqués par
les entreprises doivent être
pourvus d'étiquettes, de
modes d'emploi et de labels
dans la langue officielle et
dans d'autres langues.
|
L'article 13 de la
Loi
sur la communication (1992-2014) exige que les communications soient
conformes aux dispositions de la Loi sur
la langue officielle:
Article 13
Langue de communication officielle, adresse de
correspondance, délai de comptabilité et rapport
1) Sur le territoire de la
république d'Ouzbékistan, la
communication officielle dans les systèmes de gestion
opérationnelle et de communication des expéditions, ainsi que
l'adressage de tous les types de courrier et de correspondance
télégraphique doivent être effectués conformément aux dispositions de la
Loi sur la langue officielle de la
république d'Ouzbékistan.
|
Or, la
Loi sur
la langue officielle déclare ce qui suit
au sujet des types de courrier et des correspondances télégraphiques :
Article 17
Les publications sont tenues
dans la langue officielle,
mais, compte tenu des besoins,
également dans une autre langue.
Article 18
La poste et les messages de télégraphe sont
dans la langue
officielle ou, au
choix des citoyens,
dans une autre langue.
|
En réalité, le bilinguisme consiste à
maîtriser à la fois l'ouzbek et le russe, rarement l'anglais. Quand la
loi mentionne une «autre langue», il s'agit généralement du russe, et
non du kazakh, du tadjik ou du
karakalpak.
5.3 La publicité
et l'affichage
La publicité
est peut-être un bon moyen de faire utiliser l'ouzbek,
mais également un moyen pour perpétuer l'usage du russe. Comme
on le constate, l'article 6 de la
Loi sur
la publicité (1998-2019) autorise le bilinguisme pourvu que l'ouzbek
soit employé:
Article 6
Langue de la publicité
1) Sur le territoire de la république d'Ouzbékistan, la
publicité doit être présentée
dans la langue officielle de la république
d'Ouzbékistan et/ou, à la demande de l'annonceur,
en plus dans
d'autres langues.
2) La présente disposition ne s'applique pas à la radio, à la
télédiffusion, à la presse écrite et à l'Internet exclusivement
en langues étrangères, ainsi qu'aux marques (marques de service)
enregistrées de la manière établie, aux lettres syllabiques dans
un ensemble typographique (logo).
2) La
traduction de contenu
publicitaire ne doit pas altérer sa signification fondamentale. |
Il faut dire que la publicité a toujours
été en russe. Il a fallu la loi pour faire changer l'ordre
traditionnelle dans l'affichage.
|
Ce montage illustre que les panneaux d'affichage, les
enseignes, les publicités, etc. sont présentés généralement en
langue ouzbèke et avec l'alphabet latin, à l'exception des lieux
touristiques ou des organismes internationaux. Il subsiste
encore des inscriptions en russe ou en ouzbek avec l'alphabet
cyrillique, mais elles sont en nette régression.
Il y a quelques années, les panneaux publicitaires, surtout dans
la capitale, Tachkent, et dans certaines autres
grandes villes étaient principalement en russe. La plupart des entrepreneurs
préféraient faire leur publicité en russe afin de couvrir un segment de
marché plus important. Toutefois, cette pratique est en régression et
l'alphabet latin s'impose lentement, mais sûrement.
Dans les lieux touristiques, c'est
l'ouzbek et l'anglais qui priment, non le bilinguisme
ouzbek-russe qui semble en voie de disparition.
Bref, en dépit de difficultés d'implanter le
nouvel alphabet latin, l'emploi de celui-ci tend à se
généraliser d'année en année. |
5.4 Les entreprises
L'Ouzbékistan, un pays qui a connu de grandes turbulences politiques tout au
long de son histoire, commence enfin à ouvrir ses marchés et à attirer des
investissements du monde entier. Le pays bénéficie de ressources naturelles
abondantes, avec une population ayant un d'instruction assez élevé, ce qui
en fait une occasion d'affaires idéale pour les entreprises nationales ou
étrangères. En ce sens, on peut s'attendre à ce que certaines langues
puissent jouer un rôle essentiel telles que l'ouzbek, le russe et l'anglais.
L'ouzbek et toute autre langue sont autorisés à l'article 28 de la
Loi
sur les marchés publics (2018):
Article 28
Langue des marchés
publics
Les informations sur les marchés publics doivent être publiées
et diffusées
dans la langue officielle, ainsi que dans d'autres langues,
à la discrétion du client public. |
Finalement, cet article 6 de la
Loi sur les agences d'emploi privées (2018)
préconise aussi le bilinguisme:
Article
6
Nom
commercial et sceau
de l'agence d'emploi
privée
1) Toute agence
d'emploi privée doit
avoir un nom
commercial et
contenir la mention
"Xususiy bandlik
2) La marque
«Xususiy bandlik
agentligi» ne peut
être utilisée que
conformément aux
dispositions de la
présente loi. Les
personnes morales
qui ne satisfont pas
aux exigences de l'
article 3 de la
présente loi ne sont
pas autorisées à
utiliser
l'expression «Xususiy
bandlik agentligi»
dans leur nom et les
expressions formées
sur leur base.
3) Une agence
d'emploi privée doit
avoir un sceau
contenant le nom
complet de sa
société
dans la
langue officielle
et
une indication de
son emplacement. Le
sceau peut indiquer
simultanément le nom
de l'entreprise
dans
une autre langue. |
Manifestement, le bilinguisme
fait partie de la vie économique de l'Ouzbékistan. Il faut
également ajouter que l’ouzbékisation du
secteur économique se fait avec une extrême lenteur. La langue russe jouit
encore d’un prestige qui risque de durer de nombreuses années, à moins que
l’anglais n’assure éventuellement la relève, ce qui ne semble pas près
d'arriver à court terme. Dans de nombreuses entreprises, dont l'Uzbekistan
Airways, la langue de travail demeure le russe.
6 Les langues de
l'éducation
En général, le système d'éducation ouzbek
comprend les niveaux suivants:
• la formation préscolaire
(préscolaire - de trois à six ans);
• l'enseignement secondaire général (de 6 à 15 ans);
• l'enseignement professionnel secondaire (de 15 à 18 ans);
• l'enseignement supérieur (premier cycle et cycle supérieur à partir de
18 ans).
Les filles et les garçons sont légalement
considérés comme égaux et étudient dans les mêmes classes et les mêmes
écoles. De plus, les écoles sont ouvertes à tous les groupes ethniques et à
toutes les minorités.
6.1 La
non-discrimination
La
Loi sur
l'éducation (1997-2018) prescrit l'égalité des droits à l'éducation,
sans discrimination, et mentionne que la
procédure d'emploi
de la langue
d'enseignement dans
les établissements
d'enseignement est
régie par la
Loi sur la
langue officielle:
Article
4
Droit
à l'éducation
L'égalité des droits
à l'éducation
indépendamment du
sol, de la langue,
de l'âge, de la
race, de l'identité
nationale, des
croyances, de la
relation avec la
religion, de
l'origine sociale,
de la profession, du
statut social, de la
résidence, de la
durée de séjour sur
le territoire de la
république
d'Ouzbékistan est
garantie à
toutes
les personnes.
[...]
Article 8
Langue
d'enseignement
La
procédure
d'emploi
de la langue
d'enseignement dans
les établissements
d'enseignement est
régie par la
Loi de
la république
d'Ouzbékistan sur la
langue officielle. |
Lorsque l’Ouzbékistan faisait partie de l’Union
soviétique, le système scolaire prévoyait des établissements où
l'enseignement était offert dans plusieurs langues, afin que tout citoyen
soviétique
puisse recevoir son instruction dans sa langue maternelle. La législation
soviétique garantissait ce droit aux populations dont la concentration en une
même région permettait l'ouverture d'une ou de plusieurs écoles, mais les
enfants des minorités dispersées recevaient généralement leur instruction
en russe.
6.2 Le libre choix de la
langue
Aujourd'hui, en Ouzbékistan, la plupart des écoles
primaires et secondaires offrent un enseignement en ouzbek, bien qu’il
existe des établissements où sont enseignées d'autres langues d'Asie
centrale, dont le kazakh ou le tadjik, mais l'ouzbek demeure toujours une matière
obligatoire. Pour ce qui est du russe, son enseignement comme langue étrangère reste
obligatoire dans toutes les écoles du pays. Dans les zones urbaines, des
parents ouzbèks préfèrent même inscrire leurs enfants dans des écoles
russes en raison du prestige encore associé à une bonne maîtrise de cette
langue. Néanmoins, le gouvernement de l’Ouzbékistan cherche à modifier
cette tendance: il a ainsi recommandé d'ouvrir des classes en ouzbek dans les
écoles dont l'enseignement est exclusivement en russe; souvent, ces écoles
sont situées dans des
quartiers à forte population ouzbèke.
Il ne faut pas oublier que l’article 6 de
la Loi sur
la langue officielle n’impose
pas l’ouzbek comme unique langue d’enseignement, bien au contraire, puisque
les citoyens ont le libre droit de choisir leur langue d’enseignement :
Article 6
1) Les citoyens résidant dans la république d'Ouzbékistan ont
le libre
droit de choisir leur langue d’enseignement.
2)
La république d'Ouzbékistan assure la formation générale,
professionnelle, spécialisée et l'enseignement supérieur
dans la langue officielle
ainsi que dans d'autres langues.
|
Les autorités ouzbèkes perpétuent
le principe du libre choix de la langue d'enseignement, parce que celui-ci est
implanté
dans les mentalités depuis fort longtemps. D’ailleurs, personne ne semble
considérer que ce principe entre en contradiction avec l'affirmation de la
primauté de la
langue officielle. Le paragraphe 2 de l’article 6 de la loi stipule par
ailleurs que la république d'Ouzbékistan assure la formation générale,
professionnelle, spécialisée et l'enseignement supérieur dans la langue
officielle ainsi que dans d'autres langues. Interdire le libre choix dans
l'enseignement entraînerait probablement des réactions incontrôlables dans
la population qui y verrait une façon de restreindre les facilités d'emploi.
L’article 4 de la
Loi sur
la langue officielle prévoit que la
république d'Ouzbékistan assure les conditions à tous les citoyens d'apprendre
la langue officielle et le respect pour les langues des nations et des peuples
résidant sur son territoire, et crée les conditions pour le développement de
ces langues; il est bien précisé également que «l’enseignement de la langue
officielle pour les citoyens est gratuit»:
Article 4
1)
La république d'Ouzbékistan assure les conditions à tous les citoyens
d'apprendre la langue officielle
et le respect pour les langues
des nations et des peuples
résidant sur son territoire, et crée les conditions pour le
développement de ces langues.
2) L'enseignement
de la langue officielle
pour les citoyens est
gratuit.
|
Selon l'article 5 de la
Loi sur
la langue officielle, les établissements préscolaires doivent
offrir un enseignement dans la langue officielle,
Article 5
La république d'Ouzbékistan assure la création d'établissements
d'enseignement préscolaires
employant la langue
officielle, ainsi que dans leur langue
pour les groupes nationaux
résidant dans des zones compactes de peuplement.
|
En ce qui a trait aux minorités, il est possible pour
les enfants appartenant à ces communautés de faire leurs études dans leur
langue maternelle. Si l’on fait exception des Russes,
les minorités les plus
aptes à recevoir un enseignement au primaire et au secondaire dans leur langue
sont les suivantes: les Karakalpaks, les Tadjiks, les Kazakhs, les Turkmènes et
les Kirghizes. Cependant, l’offre d’enseignement dans ces langue varie
beaucoup d’une municipalité à l’autre; dans certains cas, le nombre des
élèves demeure si peu important qu'il est préférable de supprimer ces écoles. Pour les autres
minorités, il vaut mieux ne pas en parler. Il faut dire que la plupart des
membres des minorités nationales sont au moins bilingues et connaissent tous
l’ouzbek, sinon le russe, et que beaucoup d’entre eux ne manifestent pas d’empressement
considérable à l’égard de leur langue.
6.3 L'enseignement du
russe
Au début des années 1990, le pays
comptait 312 écoles russophones et 1505 écoles mixtes russo-ouzbèkes, dont
l'enseignement est offert en deux langues. Au total, 636 000 écoliers
étudiaient en russe à la veille de l'effondrement de l'URSS. Après 20 ans,
tous ces chiffres ont changé. Au tournant des années 2010, on comptait 119
écoles russes et 580 écoles mixtes, dans lesquelles 221 000 écoliers
étudiaient. Pendant que la population russe diminuait, la demande pour les
écoles russes augmentait.
En 2013-2014, il existait un peu moins de
10 000 écoles en Ouzbékistan. Selon le ministère de l'Éducation, on compte
9628 établissements d'enseignement dans le pays, dont 903 avec un
enseignement en russe, ce qui correspond à 524 000 étudiants. De plus, la
plupart de ces écoles sont mixtes, alors que les Russes représentent un
petit pourcentage. Quant à l'enseignement secondaire spécial, dans 1195
lycées et collèges, les groupes russes représentent respectivement 90% et
50%.
Dans les écoles publiques d'Ouzbékistan,
la langue russe est étudiée de la première à la deuxième année pour une
durée de deux heures par semaine; le même nombre d'heures est alloué à
l'apprentissage de la langue officielle dans les écoles russes. Selon les
souhaits des parents, un cours facultatif de russe peut être ajouté dans les
écoles ouzbèkes en raison d'une heure supplémentaire par semaine. Dans les
communautés minoritaires autres que les Russes, l'étude obligatoire de la
langue russe a été réduite, puis complètement annulée, au profit de
l'ouzbek.
Pour l'année scolaire 2013-2014,
on comptait 886 écoles de
langue russe, alors que 8,95% des écoliers du pays y avaient
étudié cette langue. Pour l'année scolaire 2017-2018, il y avait 903 écoles
en russe, tandis que 10% des écoliers du pays y ont étudié. En
fait, il faudrait distinguer les écoles mixtes et les écoles proprement
russes. Dans les écoles mixtes, il y a deux langues d'enseignement, l'ouzbek
et le russe. Dans les écoles dites «russes», l'étude de la langue et de la
littérature russes est allouée de 8 à 10 heures par semaine dans les classes
inférieures et de 5 heures dans les classes supérieures, ce qui représente
en moyenne une à deux heures par semaine de moins que le programme russe
pour les écoles dans la fédération de Russie.
Voici comment se présentait la répartition des écoles mixtes
et des écoles russes selon les régions en 2010 (voir
la carte de l'Ouzbékistan):
|
Région |
Écoles mixtes |
Écoles russes |
|
Région |
Écoles mixtes |
Écoles russes |
|
|
Karakalpakie
Andijan
Boukhara
Ferghana
Djizak
Namangan
Navoï |
44
40
31
29
22
31
30 |
0
12
3
4
2
9
8 |
|
Kachkadaria
Samarcande
Syr-Daria
Sourkhan-Daria
Tachkent
Tachkent (ville)
Khorezm |
22
71
52
19
183
174
14 |
3
1
3
1
33
62
11 |
|
|
Total |
227 |
38 |
|
|
535 |
114 |
|
Au total, on compte 762 écoles mixtes et
152 écoles russes. Étant donné que les russophones représentent 2,3 % de la
population, il s'agit bien de 914 écoles où l'on offre un enseignement en
russe, ce qui correspond à 9,4 % des écoles. Cela signifie que ce sont les
jeunes ouzbeks qui remplissent les écoles russophones.
6.4 L'enseignement
supérieur
Pour
accéder à l'enseignement supérieur et obtenir certains emplois, la
connaissance de l'ouzbek demeure aujourd’hui obligatoire. Il est possible
que certains citoyens non ouzbékophones aient souffert d’une certaine
discrimination, mais dans les faits il semble que celle-ci ait touché uniquement
les russophones qui ignorent encore la langue officielle. En général, on
estime que quiconque ignore l’ouzbek ou n'a pas été scolarisé dans cette
langue aura certaines difficultés à postuler un emploi. Dans les établissements
universitaires, la pensée du président Karimov, appelée «karimologie»,
constitue aujourd'hui une discipline obligatoire sanctionnée par des examens
oraux. Cet enseignement est complété par une autre discipline dite de
«spiritualité nationale», censée exalter le sentiment national et la fierté
pour la culture ouzbèke.
Dans 68 universités d'Ouzbékistan (sur un
total de 96), l'instruction est donnée en langue ouzbèke pour 81,2% des
étudiants (20 602 étudiants), mais 66 universités offrent des cours en russe
(14,2% des étudiants), puis six universités les offrent en karakalpak
(3,6% des étudiants), sept en kazakh (0,5%), quatre en tadjik (0,3%), une en
kirghiz (0,003%) et une en turkmène (0,02%). Soulignons que les élèves
tadjiks ont l'obligation de poursuivre les études supérieures en ouzbek ou
en russe depuis que le gouvernement de Tachkent a décidé de ne plus
reconnaître les diplômes émis par l'Université de Douchambé au Tadjikistan.
Les plus grands établissements
d'enseignement supérieur, dans lesquels fonctionnent des facultés de
philologie russe ou des groupes russophones, sont situés à Tachkent (ville),
puis dans les régions de Tachkent, de Samarcande, de Navoï, d'Andijan et de
Ferghana (voir
la carte de l'Ouzbékistan).
6.5 Les difficultés du système d'éducation
Le manque d'investissement dans
l'éducation affecte négativement la base matérielle et technique des
établissements d'enseignement. Selon les experts, le manque d'eau et
d'électricité, ainsi que le manque de cours d'informatique dans les
établissements d'enseignement de toutes les régions plus éloignées des
centres urbains,
constituent des problèmes importants. Entre 2008 et 2015, le coût moyen de
l'éducation par élève a augmenté de plus de deux fois, mais il reste
nettement inférieur à des indicateurs similaires dans d'autres pays
développés. En Ouzbékistan, il existe une tendance générale à réduire le
nombre d'établissements d'enseignement et la nécessité de leur refonte, ce
qui affecte négativement le potentiel pédagogique. Au cours des huit
dernières années, 72 établissements d'enseignement ont été fermés en
Ouzbékistan. Dans certaines écoles, le nombre d'élèves dans
les classes atteint 45 à 50 individus, ce qui empêche de recevoir une
instruction de qualité. Ajoutons aussi qu'un grand nombre d'écoles n'ont pas
été rénovées depuis 35 à 45 ans, ce qui signifie que la plupart des écoles
n'ont pas les conditions de vie de nécessaires pour mener leurs activités
pédagogiques à bien.
Le système scolaire en ouzbek accuse des retards
en raison du manque de manuels et d'enseignants formés dans cette langue. De
plus, malgré l'existence de programmes de soutien de l'État aux enseignants et d'un examen annuel du montant des salaires, ceux-ci
sont inférieurs de 20
à 30 fois à ceux des autres pays.
La proportion de la population étudiante
dans le système d'enseignement supérieur en Ouzbékistan est d'environ 9,5 %,
ce qui apparaît relativement faible par rapport aux normes
internationales. Si la tendance mondiale est d'augmenter l'offre de
l'enseignement supérieur, le processus inverse est observé en Ouzbékistan:
une baisse de 9% sur les 25 dernières années. À titre de comparaison: les
inscriptions dans l'enseignement supérieur en Russie est de 79% et de 46% au
Kazakhstan.
Il faut relever aussi le manque d'indépendance des universités dans la
définition des programmes, l'acceptation des étudiants, la répartition des
ressources financières.
Un grave problème relève de l'inadéquation du système d'éducation
en regard des
besoins de l'économie. Selon une étude de la Banque mondiale, 35% des
entreprises en Ouzbékistan ont du mal à trouver des spécialistes qualifiés
dans l'enseignement supérieur. Le déficit atteint près de 50% dans les
entreprises industrielles. La principale raison de la difficulté, selon les
employeurs, est le «nombre insuffisant de spécialistes» sur le marché du
travail.
7 Les langues des médias
L'état de la presse en Ouzbékistan doit
être considéré dans le contexte d'un régime russe répressif vieux d'un
siècle. Il y eut d'abord un régime tsariste autoritaire, lequel a été suivi
par l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) tout aussi
autoritaire. Le 1er septembre 1991,
l'Ouzbékistan s'est détaché de l'Union soviétique et s'est proclamé une
république souveraine. Bien que la Constitution de l’Ouzbékistan et la Loi
sur les médias interdisent la censure, celle-ci demeure relativement
présente dans le pays. Le Comité pour la protection des secrets d’État,
dirigé par de vieux bureaucrates soviétisés, agit comme censeur officieux et
a autorité pour approuver les projets de journaux avant qu'ils ne soient
diffusés.
L'Ouzbékistan possède donc la
particularité d'être l'un des pays les plus autoritaires de l'Asie
centrale, sans réelle opposition intérieure; ses médias sont en général
étroitement contrôlés malgré les dispositions constitutionnelles pour une
presse libre sans censure. Tous les journaux qui ont tenté de
critiquer les autorités ont été réprimés et leur personnel emprisonné. En
fait, le pays n'a jamais connu la liberté de presse depuis l'accession à
l'indépendance. Le système a simplement perduré jusqu'à aujourd'hui.
7.1 La censure et la
liberté d'expression
La Constitution de l'Ouzbékistan prévoit
clairement la liberté de pensée et de parole. L'article 67 proclame que «les
médias sont libres et agissent conformément à la loi» et que «la censure est
interdite».
67-modda
Ommaviy axborot vositalari erkindir
va qonunga muvofiq ishlaydi. Ular axborotning to‘g‘riligi uchun
belgilangan tartibda javobgardirlar.
Senzuraga yo‘l qo‘yilmaydi.
|
Article 67
Les
médias sont libres
et agissent
conformément à la
loi.
Ils
sont responsables de
l'exactitude des
informations selon
la manière
prescrite.
La censure est
interdite.
|
La loi fondamentale régissant les médias
a été adoptée le 14 juin 1991, soit trois mois avant l'indépendance de
l'Ouzbékistan de l'Union soviétique. Cette loi fut complété par plusieurs
décrets et règlements, dont le décret n° 244, qui fixait les règles
d'enregistrement. Le 26 novembre 1996, le Parlement ouzbek promettait de
libéraliser la presse pour la mettre en conformité avec les normes
internationales. En février suivant, celui-ci a adopté plusieurs lois sur
les relations entre le gouvernement et les médias.
Ainsi, la
Loi sur les
médias (2007) semble très claire en ce qui concerne la liberté des
médias (art. 2), la liberté d'expression (art. 3) et l'irrecevabilité de la
censure (art. 4):
Article 2
Liberté des
médias
1) En république d'Ouzbékistan,
les médias sont libres
et
exercent leurs activités conformément à la Constitution de la
république d'Ouzbékistan, à présente loi et à d'autres actes
législatifs.
2) Les médias ont le droit de rechercher, de recevoir, de
diffuser des informations et sont responsables de la véracité et
de la fiabilité des informations publiées, conformément à la
manière prescrite par la loi.
Article 3
Liberté
d'expression
Chacun a le droit de s'exprimer dans les médias, d'exprimer
ouvertement ses opinions et ses convictions.
Article 4
Irrecevabilité
de la censure
En république d'Ouzbékistan,
la censure des médias est interdite.
Nul n'a le droit d'exiger le consentement préalable des messages
ou des documents publiés, ainsi qu'une modification du texte ou
leur suppression complète de l'impression (diffusion). |
Pourtant, dans les faits, la presse et
les autres médias subissent la censure. De plus, il existe des conditions
d'inscription qui sont utilisées dans le but de «filtrer» les individus ou
les entreprises qui veulent créer un journal ou un magazine, ou renouveler
leur permis.
Bien que la Constitution et les lois sur
les médias interdisent la censure, le gouvernement impose une «censure
virtuelle». Le Comité pour la protection des secrets d’État contrôle le Comité
d'État de l’impression, lequel agit comme un censeur non officiel, ayant le pouvoir
d’approuver les textes des journaux avant qu’ils ne soit imprimés. De
manière significative, la Loi sur les médias ne prévoit pas la résolution
des litiges devant les tribunaux; elle confère ce pouvoir au Comité d'État de
l'impression, plaçant en fait ce dernier au-dessus des procédures d'appel ou
d'arbitrage. En fait, ce comité censure les journaux avant leur publication,
ainsi que les textes et les images radiophoniques et télévisés avant leur
diffusion. Les stations de télévision et de radio pratiquent si bien
l'autocensure que le Comité, dans l'ensemble, ne juge pas nécessaire de
censurer quotidiennement les émissions.
Même les journaux et les magazines du
secteur privé ne sont pas exempts de «contraintes éditoriales». Les journaux
d'opposition ont cessé d'exister en 1993, lorsque de sévères restrictions
furent imposées aux médias. Par le fait même, l'autocensure est fortement
encouragée par un certain nombre de mesures administratives. En effet, la
«susceptibilité» du gouvernement se manifeste par des retards interminables
dans l'enregistrement et le renouvellement des permis, par la
non-disponibilité du papier-journal, par des décrets judiciaires ou par des
obstacles au moment de l'achat des journaux. Par conséquent, il n'existe
guère d'opposition dans le pays et les médias indépendants du secteur privé
s'abstiennent simplement de faire des reportages politiques. Les médias s'en
tiennent généralement à rester «fidèle aux autorités».
En matière de langue, la
Loi sur les
médias (2007) s'en remet à la
Loi sur
la langue officielle:
Or, la
Loi sur
la langue officielle fait des médias une obligation concernant le
multilinguisme:
Article 16
La transmission de la télévision et des émissions radiophoniques est
produite
dans la langue officielle
ainsi que dans d'autres langues.
Article 17
Les publications sont tenues
dans la langue officielle,
mais, compte tenu des besoins,
également dans une autre
langue.Article 18
La poste et les messages de télégraphe sont
dans la langue
officielle ou, au choix des
citoyens, dans
une autre langue.
|
Cela ne signifie pas que les médias
soient bilingues, mais qu'ils doivent permettre la publication ou la
diffusion de produits d'information ou de produits culturels ou sportifs
dans n'importe quelle langue.
Quant à la
Loi sur
la radiodiffusion (2018), elle concerne notamment le traitement
d'examen des demandes de licences individuelles dans le
domaine de la radiodiffusion, dont le temps prévu dans la langue officielle:
Article 19
Traitement d'examen des demandes de licences
individuelles dans le domaine de la radiodiffusion
1) Les demandes d'obtention de licences individuelles dans le
domaine de la radiodiffusion sont examinées avec un rendez-vous
dans une période ne dépassant pas un mois de l'année civile.
2) Au moment de l'évaluation des propositions sur
la création, les techniques,
le personnel et les finances et l'économie, le Conseil prend en
compte les critères suivants:
1. les aspects créatifs de la radiodiffusion, tels que le volume
de diffusion des émissions du titulaire de licence, le
temps de diffusion (quotidien, 24h/24), le ratio linguistique
de la diffusion, le temps de diffusion prévu
dans la langue
officielle;
2. la disponibilité d'options supplémentaires de transfert
d'informations utilisant diverses méthodes et divers moyens (télétexte,
accompagnement sonore bilingue, langue des signes, etc.);
|
7.2 Les journaux
Avant l’indépendance, les journaux en russe et en
ouzbek étaient nombreux. Beaucoup d’organismes de presse avaient une
version russe et une version ouzbèke, et ce système s'est maintenu pour les
principaux journaux dits «officiels». Depuis, la presse a subi un
effondrement général des tirages, quelle que soit la langue utilisée.
On compterait aujourd'hui plus de 400 journaux en Ouzbékistan et
environ une vingtaine sont lus à travers tout le pays. La plupart sont en
ouzbek ou en russe, mais peu de journaux diffusent à plus de 20 00
exemplaires, en général 5000 à 10 000 exemplaires. Les journaux publiés
en
ouzbek sont les suivants: Ouzbékistan Ovozi, Ouzbekistan Adabieti Va
Sanati, Marifat, Adolat, Turkiston, Toshkent Hakikati, Mulkdor, Hurriyat,
Savdagor, Fidokor, Respiblika. Les journaux russes les plus
connus sont les suivants: Pravda Vostoka, Tashkentsaya Pravda,
Business Partner Uzbekistana, Golos Uzbekistana, Uchitel Uzbekistana,
Norodnoe Slovo, Molodyozh Uzbekistana, Vechernij Tashkent, Business-vestnik
Vostoka, Novly Vek, Chastnaya Sobstvennost.
D'autres journaux sont
bilingues
(ouzbek-russe): Narodnoe, Biznes Vestnik Vostoka, Novosti
Nedeli, Na postu / Postda, Soliqlar va Bojhona I Tamojennie
Vesti et Vechernly Tashkent / Tashkent Oqshomi. Quelques-uns sont
en anglais: Good Morning, Uzbekistan Ovozi Times, Business Partner et
Business Review. Le Delovoy Partner est un journal bilingue
publiée en russe et en anglais.
Le gouvernement, les sociétés d'État, les
partis politiques et quelques organismes possèdent des journaux. Il existe
quelques journaux privés, surtout dans le domaine des affaires, mais dans l’ensemble
presque tous les journaux sont publiés d’une façon ou d’une autre par l’État
ou l’une de ses entreprises, surtout en ouzbek, mais également en russe
relativement omniprésent. Il n'y a que deux journaux régionaux: Tashkent
Truth et Tashkentskaya Pravda.
De façon générale, les revenus engendrés par la publicité demeurent peu
importants.
Les journaux des minorités ethniques importantes,
telles que le Avaz-i Tadjik, un tri-hebdomadaire en tadjik, et le Nurli
Djol en kazakh, sont entièrement financés par l'État, sans
considération de rentabilité. Le gouvernement espère ainsi assurer la
cohésion du pays et respecter la diversité ethnique et linguistique. Bref,
les journaux en langue minoritaire sont peu nombreux, et plusieurs
publications russes ont cessé, surtout depuis 1996 et 1997.
7.3 La radio
Il existe des stations de radio publiques
et indépendantes en Ouzbékistan. La radio nationale propose des
transmissions FM, à ondes moyennes et à ondes courtes; elle compte quatre
chaînes, chacune ayant sa propre spécialité: la Chaîne Radio 1 (Ouzbékistan)
est la chaîne la plus importante, parallèlement à Uzbek TV 1 dans sa
programmation (fréquences; LW, MW, SW, FM); la Chaîne Radio 2, populairement
connue sous le nom de "Mashal" (MW et FM), s'adresse aux jeunes et propose
plus de programmes de divertissement que les autres. La Chaîne Radio 3,
connue sous le nom de "Dostlik" (MW et FM) se concentre sur les minorités du
pays; La Chaîne Radio 4, connue sous le nom de "Yoshlar" (MW et FM),
s'adresse aux jeunes. Pourtant, une autre station de radio appartenant au
gouvernement, Radio Tachkent, diffuse sur une courte longueur d'onde dans de
nombreux pays en 12 langues.
Il existe des stations de radio privées et des
stations appartenant à l’État. On compte sept stations de radio à
Tachkent et une station indépendante dans la vallée de Ferghana, qui émet
dans trois régions (Andijan, Ferghana et Namangan). Cinq stations de
Tachkent sont indépendantes; elles diffusent en ouzbek, mais des bulletins de
nouvelles sont transmis à toutes les heures en russe et en anglais. La radio
d’État diffuse sur ondes courtes des émissions en une douzaine de langues.
La radio Dostlik (Chaîne Radio 3) émet en diverses langues parlées par les
nationalités résidant en Ouzbékistan. Il arrive que le gouvernement ouzbèke
brouille les ondes lorsque les stations en provenance de la Russie critiquent
trop les politiques ouzbèkes. Parmi les autres stations FM privées, il y
a la radio Sezum, une coentreprise ouzbèke-américaine.
Certains médias étrangers sont représentés en
Ouzbékistan: Reuters, la BBC, la VOA, l'Associated Press, l’Agence
France-Presse, l’United Press International, ainsi que des agences de
nouvelles russes, chinoises, et le bureau des nouvelles de l’ORT.
7.4 La
télévision
De façon générale, la télévision sert d'instrument
d'information et de propagande pour le gouvernement, et joue un rôle
fondamental dans la diffusion de la langue et de la culture ouzbèkes. Sous l’Union
soviétique, la télévision diffusait déjà des émissions en ouzbek, mais
la majorité d'entre elles étaient en russe.
Les chaînes nationales émettent presque
exclusivement en ouzbek, à l'exception d'un journal d'informations en russe
en raison d'une demi-heure par jour. Ces stations copient beaucoup de films
occidentaux (américains) et russes pour les doubler en ouzbek avant de les
rediffuser sur leurs réseaux. La télévision d'État dispose de quatre
chaînes, chacune avec une couverture, une langue de diffusion et un contenu
différents.
La chaîne ouzbèke 1 est la chaîne principale et ressemble à C-SPAN,
en mettant l'accent sur toutes les activités gouvernementales, les discours
et les événements publics, avec un parti pris politique et économique
prononcé. Elle diffuse en ouzbek (à l'exception des informations en russe)
et est la plus censurée de toutes les chaînes de télévision d'État. La
Chaîne ouzbèke 2 s'appelle «Yoshlar», ou «chaîne jeunesse»; elle couvre la
moitié de l'aire géographique du pays. Bien que la chaîne soit censée
concurrencer la Chaîne 1, sa couverture, outre l'accent mis sur le
«divertissement des jeunes», couvre des événements politiques tels que les
élections présidentielles et parlementaires, des événements politiques et
des "talk-shows" sur des questions politiques et économiques. La chaîne
utilise à la fois l'ouzbek et le russe dans ses émissions. Elle est, comme
la chaîne 1 soumise à une censure stricte. Les chaînes 3 et 4 sont axées sur
le divertissement avec des films et des sports; la chaîne 3, également
connue sous le nom de TTV en raison de sa couverture axée sur Tachkent, crée
parfois ses propres programmes. Les quatre chaînes retransmettent des films
et autres programmes occidentaux et russes piratés en les téléchargeant
depuis des satellites et en les doublant en ouzbek et/ou en russe. Les
violations du droit d'auteur sont monnaie courante en Ouzbékistan malgré
l'appartenance du pays à l'Organisation internationale de la propriété
intellectuelle.
Afin de ne pas priver les personnes qui souhaitent continuer
à regarder la télévision russe ainsi que pour répondre à la population
russophone importante dans les villes, le gouvernement a encouragé la
croissance de la télévision par câble, qui fonctionne comme de petites
stations offrant aux individus un tel service pour une redevance mensuelle.
Ces chaînes de télévision par câble fournissent souvent des programmes
internationaux avec des chaînes telles que CNN, TNT, ESPN et BBC. La plus
grande des chaînes de télévision par câble est Kamalak TV, avec pas moins de
10 chaînes russes et internationales.
De plus, les médias basés à Moscou, notamment la télévision
publique russe (ORT), sont disponibles partout et sont presque toujours plus
populaires que la chaîne de télévision nationale contrôlée par l'État. La
chaîne russe 1, RTR, ainsi que les chaînes privées TV-6 et NTV, sont assez
populaires grâce à la plus grande liberté de diffusion de leurs émissions
d'information et d'actualité, principalement politiques. Une autre raison de
leur popularité est que l'ORT et le RTR incluent tous les deux des
feuilletons américains dans leur programmation, ce qui rend les chaînes
populaires auprès d'un large public. Certains membres de la CEI, cependant,
comme l'Ouzbékistan, ont pris des mesures pour retarder et censurer la
transmission russe parce qu'ils craignent l'impact des discussions sur les
affaires courantes qui ne sont pas acceptables pour le régime au pouvoir en
Ouzbékistan.
Selon l'organisation non gouvernementale américaine
Internews, il existe environ 35 chaînes de télévision indépendantes en
Ouzbékistan. Les stations indépendantes
diffusent principalement dans les zones provinciales. Même ainsi, ils
pratiquent l'autocensure, moins que la télévision d'État. La plupart des
stations indépendantes ont un équipement dépassé et dépendent des Internews
américains, qui les aident en leur fournissant du matériel et une formation.
Parce que la plupart des stations indépendantes ne disposent pas et ne
peuvent pas se permettre une rédaction sophistiquée, Internews recueille les
informations de la plupart de ces stations, les développe en programme, puis
redistribue le programme d'actualités aux stations prêtes à être diffusées
en ouzbek et en anglais.
Bien que toutes les stations indépendantes soient, par définition,
financièrement indépendantes, certaines d'entre elles, comme celles de
Samarkand et d'Andijan, sont bien financées et peuvent se permettre des
plans d'expansion et d'amélioration de la qualité. Ils ont leurs propres
programmes d'information au niveau local et ne sont pas, dans cette mesure,
totalement dépendants des Internews. En outre, ils ont leurs propres
talk-shows, qu'ils diffusent également sur leurs propres stations de radio
FM.