L'expansion des langues
Plan de l'article
1)
Le facteur
démographique et ses variables
1.1 Le nombre des locuteurs
1.2 Les forces migratoires
1.3 La distribution des langues dans l'espace
1.4 La concentration urbaine
2) Le
facteur économique et ses variables
2.1 Les échanges commerciaux
2.2 Le produit intérieur brut et le revenu moyen
3) Le facteur militaire
3.1 Les anciennes puissances militaires
3.2 Les dépenses militaires
3.3 Un facteur de puissance qui a ses limites
4) Le facteur
culturel et ses variables
4.1 Le nombre des volumes édités
4.2 Les publications scientifiques
4.3 La diffusion des médias écrits |
4.4 La diffusion des films et
des vidéos
4.5 Les langues à l'ère de l'Internet
4.6 L'alphabétisation et la scolarisation
5)
Le facteur
politique et ses variables
5.1 Le contrôle des instrument de gouvernement
5.2 Le poids des langues officielles
5.3 L'échec politique: un frein à l'expansion linguistique
6) Le facteur linguistique
6.1 La proximité linguistique
6.2 La normalisation et la codification des langues
7)
Les facteurs idéologiques
7.1 La clarté et la précision des langues
7.2 La richesse et la pauvreté des langues
7.3 Les langues «primitives» et «évoluées»
7.4 La beauté et la pureté des langues
7.5 Les prétendues qualités innées d'une langue |
La longévité d'une langue dépend de sa vitalité, c'est-à-dire
de la distribution de la langue dans l'espace, mais aussi de certains facteurs
d'ordre démographique et social. Plus une langue manifeste de la vitalité, plus
il lui sera possible d'assurer sa longévité; moins elle en a, moins elle aura
des chances de survivre et de s'épanouir.
La durée de vie moyenne d'une langue serait estimée à environ
2000 à 5000 ans. Or, des langues vivent parfois beaucoup plus longtemps, comme
les langues australiennes des aborigènes (durée de 5000 à 6000 ans), tandis que
d'autres vivent à peine quelques siècles, comme le roman, le gothique ou le
dalmate. Certaines langues connaissent une grande expansion (l'anglais, le
français, l'arabe, l'espagnol), alors que des centaines d'autres perdent du
terrain ou tendent à disparaître. Les langues ne détiennent pas toutes la même
puissance, ni la même force d'attraction, ni la même résistance lorsqu'elles se
trouvent en contact. En fait, une langue n'est pas dominante naturellement; elle
l'est parce que ses locuteurs sont puissants et importants.
Parmi les facteurs contribuant à l'expansion d'une langue,
mentionnons les facteurs démographiques, économiques, militaires, culturels,
politiques. Pour une faible part, des facteurs proprement linguistiques peuvent
jouer un certain rôle dans la mesure où les facteurs précédents sont présents.
Par voie de conséquence, il faut comprendre que, si les conflits ne favorisent
pas l'expansion d'une langue, ils entraîneront nécessairement sa régression,
sinon son extinction. Enfin, il faut savoir que l'expansion d'une langue peut se
faire à l'intérieur d'un pays comme elle peut s'étendre en dehors de ses
frontières. Seules quelques rares langues naturelles ont la possibilité de
connaître une grande expansion en raison de la puissance et de la dispersion de
leurs locuteurs. Les langues artificielles comme l'esperanto ne peuvent espérer
vivre un scénario semblable, car la force de ces langues n'est que linguistique et
idéologique.
Le facteur démographique constitue sans nul doute l'un des
éléments les plus importants dans le maintien ou la force d'une langue. Dans les
variables se rattachant au facteur démographique, le nombre des locuteurs d'une
langue constitue certainement un déterminant décisif dans la puissance d'une
langue. Cependant, le nombre n'est pas tout: il faut considérer également
d'autres variables telles la fécondité d'un groupe linguistique, la capacité
d'absorption des forces migratoires et la distribution des langues dans
l'espace.
1.1 Le nombre des locuteurs
Le français a été la première langue du monde à une époque
(du XIIe au
XIVe siècle) où la France était le pays le
plus peuplé d'Europe, ce qui explique sa prépondérance encore aux XVIIe
et XVIIIe siècles.
Aujourd'hui, les langues les plus importantes quant au nombre de leurs locuteurs
sont, dans l'ordre (selon les sources), le chinois, l'anglais, l'espagnol, l'arabe, l'hindi, le
russe, le portugais, le bengali, l'allemand, le japonais, le français, etc.
Si l'on consulte le
tableau 1 (Les 80 premières langues du monde,
langue maternelle), on constatera que
seulement 80 langues sont parlées par 10 millions de locuteurs ou plus, ce qui
constitue 1,1 % des 7097 langues du monde. Ce sont là les langues que l'on
pourrait qualifier de «fortes», si ce terme conserve encore un sens lorsqu'il
sert à désigner tant l'anglais que le grec ou le madourais. Même si l'on
ajoutait les 150 ou 160 langues parlées entre un et neuf millions de locuteurs,
on arriverait à un total de 220 ou 225 langues relativement fortes, soit 3 % des
langues du monde. Ainsi, du point de vue du nombre, nous sommes obligés de
constater l'état d'extrême faiblesse de l'immense majorité (97 %) des langues
parlées sur la planète.
Or, au-dessous d'un certain nombre de locuteurs (moins d'un
million), une langue a généralement du mal à survivre, sauf parfois dans un
contexte d'insularité géographique. Les dix langues numériquement les plus
importantes du monde (chinois mandarin, espagnol, anglais, hindi, arabe,
bengali, portugais, russe, panjabi et japonais) ne se retrouvent pas sur tous les continents et chacune conserve une
solide base géographique: le chinois
en Asie centrale, l'espagnol et le
portugais en Amérique du Sud, l'anglais
en Amérique du Nord, l'arabe dans le
nord de l'Afrique et le Proche-Orient, l'hindi,
le bengali
et le panjabi
dans le
subcontinent indien, le russe en
Europe de l'Est, le japonais au Japon. Parmi les langues ayant un nombre «moyen»
mais important de locuteurs (entre
50 et 150 millions), quatre ont leur base en Europe (l'allemand, le français,
l'italien, l'ukrainien), une au Proche-Orient et en Afrique du Nord (l'arabe),
deux en Amérique du Sud (l'espagnol et le portugais) et les autres en Asie (le
bengali, le japonais, le wu, le javanais, l'ourdou, le panjabi, le coréen, le
marathi, le télougou, le tamoul, le cantonais, le vietnamien). Seuls l'anglais,
l'espagnol et le français sont de véritables
langues
multicontinentales du fait qu'elle sont parlées sur quatre ou cinq
continents.
En Amérique du Nord, le français apparaît en position de
grande faiblesse numérique puisque ses sept millions de locuteurs ne constituent
que 2 % de l'ensemble nord-américain et 25,6 % de la population canadienne. Il
en est ainsi dans les Antilles (Martinique, Guadeloupe, Haïti) et en Amérique du
Sud (Guyane française), et ce, d'autant plus que le français n'est généralement
pas la langue maternelle des habitants. Cependant, la faiblesse numérique du
français en Amérique est quelque peu contrebalancée par son importance ailleurs
dans le monde.
La force numérique n'est pas tout; sinon, à long
terme, le chinois finirait par assimiler le monde entier dès la dixième
génération. En effet, le poids numérique peut être contrebalancé ou stimulé par
d'autres facteurs.
- La fertilité du groupe
Le taux de natalité est également une variable importante,
car il augmente ou affaiblit à long terme le poids numérique d'un groupe
linguistique. Dans les prochaines décennies, certaines langues vont voir leur
vitalité augmenter en raison de l'explosion démographique de leurs locuteurs:
l'espagnol, le portugais et l'arabe, puis l'hindi en Inde, le français et le swahili en Afrique
ou le malais en Asie du Sud-Est.
À l'inverse, d'autres langues vont régresser; c'est
particulièrement le cas pour l'anglais, le russe, l'allemand, le japonais. La
sous-fécondité des anglophones aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, des
russophones en Russie, des germanophones en Allemagne, ainsi que des Japonais
dans leur pays, fera en
sorte que le nombre des locuteurs de ces langues diminuera de plus en plus, sauf
pour les anglophones en Afrique. Le
cas du français semble particulier dans la mesure où le taux de fécondité des
Français est l'un des moins bas du monde industrialisé: plus de 1,94 enfant par
femme. Selon toute vraisemblance, ce taux devrait même s'élever et osciller
autour du taux de remplacement de la population (2,1 enfants par femme).
De
plus, la sur-fécondité des pays francophones d'Afrique fera très certainement
augmenter le nombre des locuteurs du français. Ainsi, si en 2010 on comptait 220
millions de francophones (toutes catégories confondues: langue première et
langue seconde) sur une population de sept milliards, soit 3 % de la population
mondiale, le nombre de francophones approchera en 2050 les 700 millions sur une
population de 9,1 milliards, soit 8 % de la population mondiale. Or, 85 % de ces
francophones habiteront l'Afrique en 2050.
Tel n'est cependant pas le cas dans d'autres régions
francophones où le français est utilisé comme langue maternelle. En effet, la
Belgique wallonne, la Suisse romande et le Québec accusent une sous-fécondité
qui affectera la vitalité de la langue française dans ces régions. Par exemple,
avec une sous-fécondité de 1,5 ou 1,7 enfant par femme, la population québécoise
devait, selon certaines sources, atteindre son sommet vers 2001 (6,9 millions) et décliner par
la suite; la population a atteint dans les faits les 8,4 millions en décembre
2017. Cela ne signifie pas qu'elle ne baissera pas, car elle devrait même tomber en-deçà de cinq millions
vers 2050 et, dans le pire des scénarios, elle pourrait chuter à environ deux
millions vers 2080. Avec un indice qui s'est situé entre 1,6 et 1,7 au fil des
dix dernières années, le Québec traîne de la patte, comparativement à des pays
comme les États-Unis et la France, où on constate un indice de 1,8, 1,9 ou même
2 enfants par femme en moyenne. Quoi qu'il en soit, la dénatalité des francophones du Québec
aura des conséquences déterminantes sur la culture et la promotion de la langue
française en Amérique du Nord.
Bref, en ce qui a trait à la seule question de la fécondité des
locuteurs francophones, on peut affirmer que la vitalité du français augmentera
en Afrique, qu'elle se maintiendra en France, mais qu'elle se diminuera partout
au Canada, ainsi qu'en Belgique wallonne et en Suisse romande.
-
Les mariages mixtes
Les mariages mixtes, que ce soit par exogamie ou par
endogamie, représentent un autre élément appréciable de la vitalité
linguistique. L'exogamie (mariage entre individus de groupes différents)
favorise généralement la langue du groupe majoritaire, car elle facilite
l'assimilation des enfants à la majorité alors que l'endogamie (mariage
entre individus appartenant à un même groupe) permet de maintenir la langue du
groupe minoritaire. Pour la plupart des minorités, que ce soit au Canada ou
ailleurs, les mariages mixtes sont la principale cause de l'assimilation.
L'exogamie peut être fatale pour les petites langues, car elle entraîne
l'affaiblissement, voire l'extinction, du groupe minoritaire.
Dans le cas des langues fortes, l'immigration apporte du sang
nouveau à la majorité et, grâce aux mariages mixtes, l'assimilation vient à long
terme augmenter le nombre de leurs locuteurs.
1.2 Les forces migratoires
Les déplacements de population ont contribué, dans le passé,
à l'expansion de certaines langues. Les États-Unis, le Canada et l'Australie,
par exemple, ont connu une formidable expansion grâce à l'arrivée de milliers
d'immigrants pendant plus de deux siècles; les Européens ont ainsi réussi à
minoriser les populations autochtones et à imposer leur langue à de vastes
portions de l'humanité.
En France, en Belgique (Wallonie et Bruxelles-Capitale) et en
Suisse romande, l'immigration joue en faveur du français dans la mesure où
l'assimilation est relativement forte et la fécondité des immigrants élevée. Il
n'en est pas de même au Canada où les mouvements migratoires ont toujours
favorisé l'anglais au détriment du français. Cette minorisation va s'accroître
au cours des prochaines décennies. Si le Canada anglais a reçu 83,5 % des
immigrants internationaux entre 1971 et 1981, le Québec n'en a accueilli que
16,5 %, alors qu'il représente 25 % de la population canadienne. Pendant que le
Canada anglais a vu croître sa population de 12,4 %, le Québec ne l'a augmentée
que de 4,8 %. Cette minorisation du Québec au sein de la fédération
canadienne constitue, sans nul doute, l'un des facteurs très défavorables au
français en Amérique du Nord, et ce, d'autant plus que la minorisation des
francophones hors Québec est appelée à s'accentuer inexorablement.
1.3 La distribution des langues
dans l'espace
Tableau 5
Langue
(2016) |
Locuteurs L1
(en millions) |
Locuteurs L2
(en millions) |
Nombre de pays |
Nombre des États/territoires |
Anglais |
371 |
611 |
59 |
63 |
Arabe |
290 |
132 |
25 |
25 |
Chinois |
897 |
193 |
3 |
5 |
Espagnol |
436 |
91 |
23 |
23 |
Français |
76 |
153 |
38 |
42 |
Portugais |
218 |
11 |
8 |
11 |
Russe |
153 |
113 |
1 |
21 |
Hindi-ourdou |
329 |
215 |
2 |
16 |
Malais |
77 |
204 |
3 |
16 |
|
La distribution géographique des langues demeure une variable
non négligeable dans la vitalité linguistique. C'est ainsi que 300 millions de
locuteurs d'une langue concentrés dans un seul pays n'auront pas la même
influence globale que 300 millions de locuteurs répartis en nombre suffisant
dans plusieurs pays. La dispersion géographique d'une langue forte s'avère
toujours positive, car elle lui assure le prestige et des fonctions de
communications accrues.
Avec 897 millions de locuteurs (L1), le chinois est une
langue moins forte que l'anglais soutenu par ses 371 millions de locuteurs
(L1) répartis dans 59 pays et 62 territoires. Il en est ainsi avec le français représenté par 76 millions de locuteurs
(L1) répartis dans 38 États et 42 territoires. Selon la variable de la dispersion dans l'espace,
l'anglais et le français seraient les langues les plus puissantes de la planète;
elles seraient suivies de près par l'espagnol (23 États) et l'arabe (23 États). |
Par contre, la dispersion géographique peut être mortelle
pour les langues faibles, c'est-à-dire celles qui ne peuvent compter que sur un
petit nombre de locuteurs. Il s'agit surtout en ce cas de la dispersion
géographique à l'intérieur d'un même État. Par exemple, les francophones des
États-Unis et du Canada anglais (à l'exception du Nouveau-Brunswick) sont
dispersés sur de grandes étendues au sein desquelles ils ne forment que
d'infimes minorités; leur pouvoir d'attraction est nul. Il en est ainsi de
nombreuses petites langues en Inde, au Bangladesh et en Chine.
Compte tenu des
tendances démolinguistiques observées dans le monde, on peut croire que le poids
démographique des langues parlées par plus de 50 millions de
locuteurs va augmenter, alors que les petites langues parlées par
moins d'un millions de locuteurs sont inexorablement condamnées à
disparaître, sauf si elles demeurent isolées géographiquement.
1.4 La concentration urbaine
La concentration urbaine constitue une variable non
négligeable dans l'expansion d'une langue. La ville se transforme en une sorte
de pompe qui
accélère le mouvement des langues en expansion ou en régression. Lorsque les
Romains ont conquis la Gaule
(58-51), les populations celtes parlaient le gaulois.
Les Romains fondèrent des colonies de peuplement qui devinrent des villes. Les
élites locales gauloises exerçaient des fonctions municipales, souvent
honorifiques, mais qui constituaient des sources de privilèges et permettaient
d'accéder à des postes administratifs plus importants. Dans ces villes, c'est le
latin qui servait de langue véhiculaire. L'urbanisation et la municipalisation
des cités furent des facteurs de romanisation et de latinisation. En général,
les Gallo-Romains parlaient leur langue celtique, mais dans les villes ils
apprenaient le latin comme langue seconde pour pouvoir communiquer avec les
autorités. La langue gauloise a commencé par ne plus être utilisée dans les
villes à partir du IIe
siècle, pour gagner ensuite progressivement les campagnes.
Dans l'ancien
Empire inca, la ville de Cuzco, fondée vers le XIe
siècle, avait servi de tremplin à la langue officielle des Incas, le
quechua. On ignore encore quelle langue parlaient les Incas à l'origine de leur
empire, mais on sait qu'ils ont finalement imposé le quechua, une langue parlée
par des peuples conquis. Avec l'arrivée des Espagnols, la même ville de Cuzco a servi à
diffuser la langue du conquérant européen, l'espagnol. On observe ce phénomène aujourd'hui en Afrique
où les gens résidant dans ces villes apprennent plus facilement la langue
officielle que dans les campagnes.
Ce rôle joué par la ville dans la diffusion et l'apprentissage
d'une langue s'explique par différentes raisons. La ville est d'abord le lieu où
se concentrent les fonctionnaires, les juges, les policiers, les professeurs,
les financiers, etc. La ville est également un centre culturel où on retrouve
non seulement les établissements d'enseignement, mais aussi la presse écrite, la
télévision, les salles de spectacle et de cinéma, les bibliothèques, etc.
|
La ville est aussi un centre économique qui diffuse la langue
dominante et qui, grâce aux échanges commerciaux, favorise les contacts entre
les groupes ethniques. Bref, si l'on peut apprendre une langue seconde à la
campagne, c'est généralement dans une ville que l'on apprend une langue
étrangère.
Ce sont aussi dans les villes où se concentrent généralement les
immigrants. S'Ils sont suffisamment nombreux au même endroit, ils conserveront leur langue
d'origine durant une génération, sinon deux, mais s'ils se dispersent dans la
ville ou les
régions rurales, ils favoriseront leur intégration et leur assimilation.
C'est également dans les villes où le marquage
linguistique est le plus visible. Partout, on y trouve des
signalétiques langagières, des affiches, des enseignes, des
panneaux-réclame, des écriteaux, des pancartes,
des plaques odonymiques (rues), etc. Or, ce marquage linguistique
est révélateur, car il témoigne généralement de l'importance de la
langue dominante ou de la langue véhiculaire, au dépens des langues
secondaires.
|
Même dans les situations de bilinguisme
institutionnel, le choix de langue placée en-dessus ou en-dessous est
également un indicateur du statut social des langues à moins que ce genre
d'affichage soit sévèrement réglementé, comme c'est le cas, par exemple, à
Bruxelles.
Bref, c'est dans les villes où la visibilité d'une langue
est la plus révélatrice, car les populations immigrantes y voient la «vraie»
langue qu'ils doivent apprendre. En même temps, les grandes villes peuvent
aussi, pour temps, favoriser le maintien d'une langue immigrante si
ses locuteurs ont pu se regrouper dans un même quartier ou district afin de
communiquer dans leur langue.
On évalue la puissance
économique d'une langue à partir de plusieurs variables telles que la production
industrielle, le niveau technologique, les échanges internationaux, etc. Vers
1200 avant notre ère, les Phéniciens ont contrôlé tout le commerce
méditerranéen, ce qui assura la suprématie de leur langue pendant quelques
siècles; les Grecs ont même adopté l'écriture phénicienne et l'ont transmise aux
Romains, qui ont produit l'alphabet utilisé de nos jours par la moitié de
l'humanité. Aux XVe et
XVIe siècles, la force économique
des Italiens contribua à la dominance de leur langue dans toute l'Europe.
Aujourd'hui comme hier, l'hégémonie économique des pays
riches concourt au prestige et à la diffusion de la langue et de leurs
locuteurs. Faute de données complètes pour évaluer la puissance linguistique en
fonction de tous les facteurs économiques, nous nous limiterons à trois
variables: le volume des échanges internationaux, la production nationale brute
(PNB) et la production nationale par tête d'habitant ou revenu moyen (PNBH),
bien que ce dernier facteur serve davantage à mesurer la richesse individuelle
que la puissance d'une langue.
2.1 Les échanges commerciaux
Rang |
2010 |
Rang |
2020 |
1 |
États-Unis (anglais) |
1 |
Chine |
2 |
Chine (mandarin) |
2 |
États-Unis |
3 |
Japon (japonais) |
3 |
Inde |
4 |
Inde
(hindi-anglais) |
4 |
Japon |
5 |
Allemagne (allemand) |
5 |
Russie |
6 |
Russie (russe) |
6 |
Allemagne |
7 |
Royaume-Uni (anglais) |
7 |
Brésil |
8 |
France (français) |
8 |
Royaume-Uni |
9 |
Brésil (portugais) |
9 |
France |
10 |
Italie (italien) |
10 |
Mexique |
11 |
Mexique (espagnol) |
11 |
Corée du Sud |
12 |
Corée du Sud (coréen) |
12 |
Indonésie |
13 |
Espagne (espagnol) |
13 |
Italie |
14 |
Canada (anglais-français) |
14 |
Canada |
15 |
Indonésie (malais) |
15 |
Espagne |
|
En 2010, cinq pays avaient une importance considérable parce qu'ils accaparaient à eux seuls
environ 40 % des imports et des exports internationaux: les États-Unis,
la Chine, le Japon, l'Inde et l'Allemagne. Si l'on tient compte des dix
premiers pays (incluant la Russie, le Royaume-Uni, la France, le Brésil et
l'Italie), on observe que la langue anglaise revient quatre fois et le
français deux fois. En principe,
selon Euromonitor International 2010,
la position privilégiée de ces 15 pays favorise la
langue de chacun d'eux; dans les faits, l'anglais jouit d'une puissance
nettement supérieure à son importance numérique, puisque certains pays non
anglophones (Allemagne, Japon et Inde) transigent de plus en plus en
anglais.
En 2020,
selon Euromonitor International 2010,
les principaux
acteurs du commerce international seront la Chine, les États-Unis, l'Inde,
le Japon, la Russie, l'Allemagne, le Brésil, le Royaume-Uni, la France, le
Mexique, etc. En somme, ce seront les mêmes pays et les mêmes langues.
Les principales monnaies utilisées pour les transactions
sont encore le dollar américain et l'euro. L'Examen statistique du commerce
mondial, publié par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) confirme la
montée en puissance régulière des économies émergentes dans les échanges
internationaux de biens et services. Ainsi, à la suite des cinq principaux
acteurs traditionnels (États-Unis, Chine, Japon, Allemagne, Royaume-Uni et
France), d'autres pays vont prendre de plus en plus d'importance:
le Brésil (portugais), l'Inde (hindi), l'Indonésie (malais), le Vietnam
(vietnamien), etc.
|
Néanmoins, les États-Unis et la Chine vont demeurer encore les
leaders incontestés en matière d'échanges commerciaux et vont
représenter environ 25 % du marché international, mais nous pouvons
déjà prévoir le début du déclin de l'empire commercial américain au
profit des économies émergentes.
Ce n'est pas surprenant que dans
le domaine commercial l'anglais occupe une place
importante qu'il devrait conserver encore longtemps après le déclin américain. La mondialisation actuelle requiert un ensemble de
compétences bien plus large que celles utilisées il y a quelques décennies. Les
langues étrangères, et la capacité à faire des affaires à l’international, n’ont
jamais été aussi importantes. Comme le disait l’ancien chancelier Allemand Willy
Brandt: «Si je te vends quelque chose, alors je parle ta langue, mais si jamais
je t’achète quelque chose, dann müssen sie Deutsch sprechen.» Cela veut
dire: «Alors, ils doivent parler allemand.» Bref, outre l'anglais, le chinois mandarin, l'hindi,
l'allemand, mais surtout le français, le portugais et l'espagnol, en raison du
nombre de pays impliqués, devraient connaître un avenir prometteur.
2.2 Le produit intérieur brut et le revenu
moyen
Le produit intérieur brut (PIB) est également un indice de la
puissance linguistique, car il sert à mesurer la richesse collective d'un pays.
Le PIB reflète les activités économiques internes d’un pays et la variation du
PIB d’une période à l'autre est censée mesurer son taux de croissance
économique. Quant au PIB par habitant, il mesure le niveau de vie et — de façon
approximative — celui du pouvoir d'achat.
Au plan international, les pays dont le PIB est le plus élevé sont d'abord
des pays de langue anglaise (représentée par
les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie),
chinoise (Chine),
japonaise (Japon), allemande
(Allemagne et Suisse), française (France,
Canada et Suisse), puis coréenne (Corée du
Sud), russe (Russie),
espagnole (Espagne et Mexique), malaise
(Indonésie), néerlandaise (Pays-Bas),
turque (Turquie) et
arabe (Arabie Saoudite). Bref, quinze langues — allemand, anglais,
arabe, chinois, coréen, espagnol, français, hindi, italien, japonais, malais,
néerlandais, portugais, russe, turc — accaparent 90 % de toute la richesse collective mondiale. Compte tenu
du nombre considérable des langues dans le monde (7097), le français (au 6e rang)
demeure dans les tout premiers rangs du palmarès des langues.
Les pays au plus gros PIB
(estimations 2017, prix courants)
Rang |
Pays |
Langue principale |
PIB 2017
(milliards $) |
PIB 2016
(milliards $) |
Évolution |
1 |
États-Unis |
anglais |
19 377 |
18 562 |
+4% |
2 |
Chine |
chinois |
12 362 |
11 392 |
+9% |
3 |
Japon |
japonais |
5 106 |
4 730 |
+8% |
4 |
Allemagne |
allemand |
3 619 |
3 495 |
+4% |
5 |
Royaume-Uni |
anglais |
2 610 |
2 650 |
-2% |
6 |
France |
français |
2 570 |
2 488 |
+3% |
7 |
Inde |
hindi-anglais |
2 458 |
2 251 |
+9% |
8 |
Brésil |
portugais |
1 954 |
1 770 |
+10% |
9 |
Italie |
italien |
1 895 |
1 852 |
+2% |
10 |
Canada |
anglais-français |
1 627 |
1 532 |
+6% |
11 |
Corée du
Sud |
coréen |
1 521 |
1 404 |
+8% |
12 |
Russie |
russe |
1 442 |
1 268 |
+14% |
13 |
Australie |
anglais |
1 344 |
1 257 |
+7% |
14 |
Espagne |
espagnol |
1 303 |
1 252 |
+4% |
15 |
Mexique |
espagnol |
1 124 |
1 064 |
+6% |
16 |
Indonésie |
malais |
1 015 |
941 |
+8% |
17 |
Pays-Bas |
néerlandais |
800 |
770 |
+4% |
18 |
Turquie |
turc |
769 |
736 |
+4% |
19 |
Arabie
Saoudite |
arabe |
689 |
638 |
+8% |
20 |
Suisse |
français-allemand |
684 |
662 |
+3% |
|
Les pays au plus gros PIB par
habitant (estimations 2017, prix courants)
Rang |
Pays |
Langue principale |
PIB 2017
par habitant ($) |
PIB 2016
par habitant ($) |
Évolution |
1 |
Luxembourg |
luxembourgeois |
109 370 |
105 829 |
+3% |
2 |
Suisse |
allemand |
81 314 |
79 578 |
+2% |
3 |
Norvège |
norvégien |
73 591 |
71 497 |
+3% |
4 |
Irlande |
anglais |
69 119 |
65 871 |
+5% |
5 |
Macao |
cantonais |
67 264 |
67 013 |
0% |
6 |
Qatar |
arabe |
63 386 |
60 733 |
+4% |
7 |
Islande |
islandais |
63 033 |
57 889 |
+9% |
8 |
États-Unis |
anglais |
59 407 |
57 294 |
+4% |
9 |
Singapour |
mandarin |
55 252 |
53 053 |
+4% |
10 |
Danemark |
danois |
55 154 |
53 243 |
+4% |
11 |
Australie |
anglais |
54 236 |
51 593 |
+5% |
12 |
Suède |
suédois |
52 311 |
51 604 |
+1% |
13 |
Saint-Marin |
italien |
51 109 |
49 579 |
+3% |
14 |
Pays-Bas |
néerlandais |
46 829 |
45 210 |
+4% |
15 |
Autriche |
allemand |
45 799 |
44 561 |
+3% |
16 |
Finlande |
finnois |
44 852 |
43 492 |
+3% |
17 |
Canada |
anglais-français |
44 412 |
42 319 |
+5% |
18 |
Hong
Kong |
cantonais |
44 094 |
42 963 |
+3% |
19 |
Allemagne |
allemand |
43 686 |
42 326 |
+3% |
20 |
Belgique |
français-néerlandais |
42 662 |
41 491 |
+3% |
|
La répartition de la richesse individuelle se présente de
façon différente de la richesse collective. Première langue du monde par sa
richesse collective (PIB), l'anglais chute au 8e rang au chapitre du
revenu moyen par habitant. Sixième par son PIB, le français n'occupe
plus que le 20e rang pour le revenu annuel. Cette richesse relative de
l'anglais et du français en matière de PIB par habitant s'explique par l'insolvabilité
chronique des États anglophones et francophones du tiers monde, notamment en
Afrique et en Océanie insulaire.
Le fait
d'établir, par exemple, une moyenne entre le revenu annuel d'un Américain et
d'un Ougandais (pour l'anglais) ou celui d'un Français et d'un Haïtien (pour le
français) ne favorise pas le niveau moyen de la richesse individuelle accordée à
l'anglais ou au français. Quoi qu'il en soit, les anglophones et les
francophones des pays industrialisés demeurent des privilégiés quant à leurs
revenus individuels.
Par ailleurs, nous savons que les habitants les plus riches du
monde par le revenu individuel parlent (dans l'ordre) les langues suivantes: le
luxembourgeois, l'allemand, le norvégien, l'islandais, le danois, le suédois, le
finnois, puis parfois, selon le pays, le cantonais et le mandarin, l'anglais ou l'arabe. Plus
précisément, les locuteurs les plus riches du monde habitent donc le nord-ouest de l'Europe,
puis des petits États en Asie comme Macao, Singapour et Hong Kong. Des pays relativement riches par leur PIB (Chine, Inde, États
hispanophones, arabophones et lusophones) connaissent une très grande pauvreté
au plan de la richesse individuelle. Par exemple, en 2013, un Luxembourgeois
gagnait en moyenne 112 400 $US, alors qu'un Mexicain ne gagnait que 10 400 $US.
L'anglais et le français correspondent à des gammes de revenu
très variées qui vont des États les plus riches aux États les plus pauvres. En
2013, l'anglais était officiellement la langue des Américains (53 000$US/année) et des
Libériens (480 $US/année); le
français est une langue parlée par les Luxembourgeois (112 400 $US/année) et les Haïtiens
(820 $US/année). Cette disparité a pour effet de faire baisser considérablement la moyenne de ces deux langues
au plan
mondial.
À l'exception du japonais, les langues riches d'Europe du
Nord n'ont, dans les faits, d'autre puissance celle du revenu individuel : le
Luxembourg, la Suisse, la Norvège, le Danemark, etc.
Or, cela ne suffit pas pour en faire une langue forte, car c'est l'effet conjugué du nombre, de la distribution
démographique, de la richesse collective et individuelle, qui permet à une
langue de s'élever dans la hiérarchie et d'établir sa dominance.
Un célèbre maréchal français, Louis-Hubert Lyautey (1854-1934),
qui contribua à l'expansion coloniale de son pays, fit un jour la déclaration
suivante: «Une langue, c'est un dialecte qui possède une armée, une marine et
une aviation.» Quant au linguiste yiddish, Max Weinreich (1894-1969), il
déclarait: «Une langue est un dialecte avec une armée et une flotte.» Autrement
dit, la réussite d'une langue n'est pas due à des phénomènes linguistiques,
mais, entre autres, à des causes militaires. De fait, les grandes langues du
monde actuel — anglais, français, espagnol, portugais, arabe, russe —
doivent toutes leur réussite première à la conquête militaire et à la
colonisation, suite immédiate de l'occupation.
3.1 Les anciennes puissances
militaires
La colonisation grecque, qui a été précédé par les
conquêtes d'Alexandre le Grand (334-323 avant notre ère) a entraîné la
propagation de la langue grecque. Mais la colonisation romaine, qui a été plus lente
et plus durable,
a eu pour effet de donner
naissance aux langues romanes d'aujourd'hui (français, espagnol, portugais, etc.).
L'expansion fulgurante de l'islam au VIIe siècle amena les Arabes à
envahir toute l'Afrique du Nord, une grande partie de l'Espagne, l'Arabie
Saoudite, la Syrie, la Mésopotamie, la Perse, l'Égypte, etc., et à imposer leur
langue, qui a gardé après treize siècles les mêmes bases géographiques (à
l'exception de l'Espagne). La dynastie des Han régna en Chine de 206 avant notre
ère à 220 de notre ère, puis, dans les siècles suivants, en Mandchourie, au
Tibet, en Mongolie et au Turkestan; c'est la soumission et la répression des
minorités qui assurent aujourd'hui encore la suprématie du chinois.
En Europe, les Espagnols, les Portugais, les Britanniques,
les Français et les Hollandais ont envahi le monde entre les XVIe
et
XIXe siècles en imposant leur langue sur les cinq continents,
principalement en Amérique, en Océanie et en Afrique. Longtemps soumis aux
Mongols, les Russes étendirent progressivement leurs conquêtes au détriment des
Turcs et des Chinois pour devenir le plus grand empire contemporain, avec la
langue russe qui suivait. Finalement, en tant que langue principale des
vainqueurs occidentaux de la Seconde Guerre mondiale, l'anglais accrut
immédiatement sa puissance dans le monde, particulièrement en Asie et dans le
Pacifique (Océanie).
Le phénomène des conquêtes militaires demeure un facteur
majeur dans l'expansion ou la régression des langues en contact. La colonisation
fait le reste en tentant d'assimiler les vaincus. La langue de l'armée, c'est la
langue du commandement, celle du fer et de l'acier, celle de la force indiscutée
et indiscutable. Voici à ce sujet le témoignage d'un Algérien, Kateb Yacine,
extrait d'une entrevue reproduite dans la revue Jeune Afrique (1983):
J'écris en français
parce que la France a envahi mon pays et qu'elle s'y est taillé un
position de force telle qu'il fallait écrire en français pour
survivre; mais en écrivant en français, j'ai mes racines arabes ou
berbères qui sont encore vivantes.
Il y a des contradictions des chocs entre les
peuples. Le choc du peuple algérien, avec le peuple français ça été un choc
d'armes, un choc de sang, un choc d'hommes et de cultures, et c'est
cela le plus important. Finalement, l'essentiel des rapports entre les
Algériens et les Français, après une guerre de cent trente ans, c'est
l'affrontement entre les hommes à travers une langue.
|
Par voie de conséquence, les grandes défaites militaires
peuvent aussi entraîner la régression d'une langue. Ainsi, le
14 octobre 1066, lors de la bataille de Hastings, qui ne
dura qu'une journée, le duc Guillaume II de Normandie battit le roi anglais
Harold II. Le jour de Noël suivant, Guillaume fut couronné roi sous le nom
de Guillaume Ier d'Angleterre en l'abbaye
de Westminster; le nouveau roi s'imposa progressivement comme le maître du
pays, évinça la noblesse anglo-saxonne et favorisa ses barons normands.
Lorsque les Normands prirent le pouvoir en Angleterre, la population du pays
se situait à environ un million et demi d'habitants, lesquels parlaient pour
la plupart l'une des variétés d'anglo-saxon:
le northumbrien, le kentois, l'anglien de l'Ouest et l'anglien de l'Est.
Avec le temps, ces langues, totalement exclues des sphères administrative et
politique, s'imprégnèrent de mots normands, français et latins. On estime à
environ 65 000 le nombre de Français qui se fixèrent en Angleterre à la
suite du Conquérant. Les Normands imposèrent de nouvelles règles dans leur
langue, le «dialecte français de Normandie» ou franco-normand, avec comme
conséquence que la langue anglaise recula en Angleterre. La langue anglaise
allait péricliter durant de longues décennies au profit du français.
3.2 Les dépenses militaires
Selon le rapport du Stockholm International Peace
Research Institute (SIPRI), l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm,
les dépenses militaires ont atteint 1686 milliards de dollars (1544,3 milliards
d’euros) dans le monde en 2016. C'est l’équivalent du PIB de 2,2 % du PIB
mondial. Malgré le manque de communication de
certains États, le SIPRI publie chaque année les données les
plus complètes sur les dépenses publiques pour les forces et
les activités militaires, y compris les salaires et les
avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les achats de
matériel militaire et d’armes, les infrastructures militaires,
la recherche et développement, l’administration centrale, le
commandement et le soutien», précise l’institut dans un
document.
1 |
États-Unis |
326,1 |
611 |
50 % |
2 |
Chine |
1,386 |
215 |
15,8 % |
3 |
Russie |
146,5 |
69,2 |
5,0 % |
4 |
Arabie
Saoudite |
30,1 |
63,7 |
4,6 % |
5 |
Inde |
1,338 |
55,9 |
4,1 % |
6 |
France |
67,5 |
55,7 |
4,0 % |
7 |
Royaume-Uni |
65,3 |
48,3 |
3,5 % |
8 |
Japon |
126,8 |
46,1 |
3,3 % |
9 |
Allemagne |
82,8 |
41,1 |
3,0 % |
10 |
Corée du Sud |
51,5 |
36,8 |
2,7 % |
11 |
Italie |
61,3 |
27,9 |
2,0 % |
12 |
Australie |
24,0 |
24,6 |
1,8 % |
13 |
Brésil |
207,0 |
23,7 |
1,7 % |
14 |
Émirats arabes unis |
9,1 |
22,8 |
1,6 % |
15 |
Israël |
8,3 |
18,0 |
1,3 % |
|
Total |
3 930 300 000 |
1359,8 |
100 % |
|
En 2016, les dépenses militaires de 184 pays ont
été de 3131,7 milliards de dollars US. Les États-Unis demeurent le pays dont les
dépenses militaires sont les plus élevées au monde.
Les dépenses
militaires américaines ont augmenté de 1,7 % entre
2015 et 2016 à 611 milliards de dollars, ce qui
représente 50 % des dépenses militaires des 14
autres puissances (tableau ci-contre), mais
20 % de toutes les dépenses militaires des 184 pays.
Les
dépenses
militaires de la Chine, deuxième plus grand
dépensier en la matière, ont augmenté à 215
milliards de
dollars en 2016, soit un taux de croissance beaucoup plus
faible que les années précédentes. La Russie a
augmenté ses dépenses de 5,9 % en 2016 à 69,2
milliards de dollars, ce qui la place au 3e
rang parmi les plus grands
dépensiers. L’Arabie Saoudite passait au 4e rang en 2016.
Les
dépenses de l’Arabie Saoudite ont diminué de 30 % en
2016 à 63,7 milliards de dollars, malgré sa
participation continue dans les guerres régionales.
Les dépenses militaires de l’Inde se sont situées
en 2016 à 55,9 milliards de dollars, ce qui en fait
la 5e puissance dépensière. La France
(6e)
dépense
quelques milliards de plus que le Royaume-Uni
(7e), soit
55,7 contre 48,3 milliards.
|
Selon les données fournies en 2016 par l'Institut
international d'études stratégiques de Londres (IISS), à l'exception de quelques micro-États et de pays
dont l'indépendance n'est reconnue que par un nombre
très restreint de pays, on comptait 2 167 778
milliards de dollars US en dépenses militaires pour
les 184 pays recensés.
En 2016, on comptait 25,8 millions de militaires à plein temps dans le monde,
c'est-à-dire des membres des forces armées régulières en uniforme. Mais si l'on
comptabilise les réservistes, les milices privées et ceux qui travaillent
pour les forces armées, on en arrive à 73,2 millions de personnes, l'ensemble
générant des dépenses de 3131,7 milliards US pour cette seule année. Parmi tous
les pays du monde, les États-Unis, à eux seuls, concentrent encore le quart des
dépenses militaires mondiales. Outre la Chine, l'Inde et l'Arabie Saoudite, ce sont des pays européens qui suivent. Or,
les dépenses militaires permettent aux industriels de bénéficier d'une plus
grande marge de man
œuvre
commerciale en ce qui a trait à leur chiffre d’affaires, notamment dans les
ventes d’ordre aéronautique. À l'heure actuelle, les langues les plus puissantes de par leur budget
militaire et leur nombre de soldats sont, dans l'ordre, les suivantes:
l'anglais, le chinois, le russe, l'arabe, l'hindi, le français, la japonais,
l'allemand, le coréen, etc.
Principaux pays
importateurs d'armes
Rang |
Pays |
Population
(en million) |
En
milliards
de $ US |
%
des achats mondiaux |
1 |
Arabie Saoudite |
30,1 |
36,7 |
16 % |
2 |
Inde |
1,338 |
30,9 |
14 % |
3 |
Émirats arabes unis |
9,1 |
15,3 |
7 % |
4 |
Chine |
1,386 |
12,9 |
6 % |
5 |
Égypte |
90,4 |
12,3 |
5 % |
6 |
Pakistan |
207,7 |
11,8 |
5 % |
7 |
Israël |
8,3 |
7,1 |
3 % |
8 |
Syrie |
18,0 |
6,5 |
3 % |
9 |
Venezuela |
30,2 |
5,8 |
3 % |
10 |
Algérie |
41,4 |
4,9 |
2 % |
|
Autres
pays |
3,060 |
80,9 |
36 % |
|
Total |
3 162 260 000 |
225,1 |
- |
|
En 2016, selon les estimations de
la CIA, les principaux exportateurs d'armes, les fournisseurs,
étaient les États-Unis (29%), la Russie (27%), l'Allemagne (6%), la
Chine (6%), la France (5%), le Royaume-Uni (4%), l'Espagne (3%),
l'Ukraine (3%), l'Italie (3%) et Israël (2%). Ce sont là les
pays qui fabriquent le plus d'équipements militaires dans le monde.
Ils parlent surtout l'anglais, le russe, le chinois, le français,
l'allemand, etc. Selon le
Congressional Research Service, une agence
fédérale américaine dépendant du Congrès des États-Unis,
les dix principaux
importateurs de matériel militaire, c'est-à-dire ceux qui achètent,
étaient les suivants (entre 2009 et 2014): l'Arabie saoudite (16 %),
l'Inde (14%), les Émirats arabes unis (7%), la Chine (6%), l'Égypte
(5%), le Pakistan (5%), Israël (3%), la Syrie (3%), le Venezuela
(3%) et l'Algérie (2%).
L'Arabie Saoudite, le plus gros
client en armement, a acheté aux États-Unis en 2016 pour 13
milliards de dollars d'armement, ce qui représente le montant le
plus élevé des pays du monde entier durant la même période.
|
L'Inde suit de près l'Arabie Saoudite,
mais elle achète surtout de la Russie. Quant à l'Algérie, elle était le
premier pays importateur d'armement du continent africain. Ces pays achètent
généralement du matériel blindé, des avions de chasses et des frégates. Les acheteurs d'armes parlent
l'arabe (Arabie Saoudite, Égypte, Syrie, Algérie), l'hindi (Inde),
l'ourdou (Pakistan), l'hébreu (Israël) et l'espagnol (Venezuela). En somme, les langues les plus puissantes sur le plan militaire restent
l’anglais, le français, l'arabe, l’allemand, le chinois, l'hindi, l'ourdou, le
coréen. En Afrique, les principaux exportateurs sont les États-Unis
et la France; certains spécialistes interprètent cette rivalité par le désir de
la France de maintenir son influence sur les pays francophones, tandis que les
Américains semblent vouloir étendre leur propre influence au départ des pays
anglophones. Quoi qu’il en soit, les dépenses militaires des grands pays
anglophones et francophones contribuent à assurer la suprématie de leur langue.
3.3 Un facteur de puissance qui a ses limites
Cependant, la seule puissance militaire ne suffit pas à assurer la suprématie
d'une langue. En ce cas, le sultanat d’Oman, qui dépense en armement
l’équivalant de 293 % de ses dépenses d’éducation et de santé, serait une grande
puissance. Le cas de plusieurs langues d’importance moyenne, comme le
coréen, l'italien, le portugais ou l'hébreu, montre bien que, malgré leur importance
au plan militaire, ces langues se révèlent faibles quant aux autres facteurs
de puissance. Or, seuls des facteurs combinés d'ordre démographique, économique,
militaire et culturel assurent la prédominance d'une langue. C'est là où le
français gagne plusieurs points, mais où l'anglais conserve toujours la première
place.
La puissance culturelle d'une langue constitue un autre
facteur (non économique) pouvant assurer indéniablement sa vitalité. Le grec et
le latin se sont répandus en Occident et sont restés des langues de culture
pendant plusieurs siècles même après avoir perdu leur puissance démographique,
militaire et économique. Le degré de normalisation d'une langue, le nombre de
livres édités ou de publications scientifiques, le nombre et le tirage des
journaux, la production cinématographique, la quantité des postes émetteurs et
récepteurs de radio ou de télévision, etc., sont des variables sûres pour
mesurer la force culturelle d'une langue. Il est possible d'accéder à la culture
par la musique, les beaux-arts ou la gastronomie, mais il s'agit là de
manifestations culturelles qui n'ont à peu près aucun rapport avec le
rayonnement d'une langue. Aussi est-il préférable de s'en tenir aux vecteurs
directement reliés à la langue comme les publications écrites (littéraires,
scientifiques, utilitaires, journalistiques, etc.) pour évaluer la puissance
culturelle.
Vers 1500 avant notre ère, l'invention de l'écriture
alphabétique a favorisé la diffusion du phénicien et de l'araméen, qui
s'écrivaient avec cette technique graphique nettement supérieure et plus commode
par rapport aux caractères cunéiformes complexes tracés sur de l'argile. Il
semble évident que seules les langues écrites (entre 300 et 400 sur 7097 langues) peuvent
aujourd'hui prétendre à un rayonnement culturel le moindrement important. De ce
nombre, les langues officielles normalisées occupent presque tout le terrain de
la production écrite.
4.1 Le nombre des volumes édités
Selon l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation,
la science et la culture), il se publie près de deux millions de volumes par
année dans le monde. Seulement une trentaine de langues, parmi les 7097,
publient annuellement au moins 1000 volumes.
Les dix premières langues d'édition
sont les suivantes: l'anglais (517 146 titres/année: USA, R.-U. et Australie),
le chinois (440 000 titres/année), le russe (101 900), l'allemand (93 600),
l'hindi et le tamoul (90 000), le japonais (82 500), le français (77 900), le
persan (72 800), et l'italien (61 300). Suivent le turc (50 700), le coréen (47
500), l'espagnol (72 000, Espagne et Argentine),
le vietnamien (24 500), le malais et le javanais (24 000), le portugais (20 700) et le polonais
)21 100).
Certaines données peuvent surprendre. L'Égypte avec une
population de 90,4 millions publie 9000 titres/année, alors que
le Danemark (pop.: 5,7 millions) en publie 12 000. L'Afrique du
Sud (pop.: 54,8 millions) publie 5400 titres contre 2000 pour le
petit Luxembourg (pop.: 576 200). Le Maroc (pop.: 33,6 millions)
en publie 900 en une année, alors que le Canada avec une
population similaire (36,1 millions) en produit près de 20 000,
dont 7000 uniquement au Québec.
Rang |
Pays |
Langue |
Population |
Titres |
Année |
1 |
Chine |
chinois |
1 386 027 71 |
440 000 |
2013 |
2 |
États-Unis |
anglais |
326 112 814 |
304 912 |
2013 |
3 |
Royaume-Uni |
anglais |
65 382 556 |
184 000 |
2011 |
4 |
Russie |
russe |
146 544 710 |
101 981 |
2013 |
5 |
Allemagne |
allemand |
82 800 000 |
93 600 |
2013 |
6 |
Inde |
hindi / anglais /tamoul |
1 338 115 311 |
90 000 |
2013 |
7 |
Japon |
japonais |
126 820 000 |
82 589 |
2013 |
8 |
France |
français |
67 595 000 |
77 986 |
2016 |
9 |
Iran |
persan |
82 801 633 |
72 871 |
2014 |
10 |
Italie |
italien |
61 302 519 |
61 966 |
2013 |
11 |
Turquie |
turc |
80 274 604 |
50 752 |
2014 |
12 |
Corée du Sud |
coréen |
51 541 582 |
47 589 |
2014 |
13 |
Espagne |
espagnol |
46 438 422 |
44 000 |
2011 |
14 |
Australie |
anglais |
24 000 300 |
28 234 |
2014 |
15 |
Taiwan |
chinois |
23 449 287 |
28 084 |
2010 |
16 |
Argentine |
espagnol |
43 590 400 |
28 010 |
2014 |
17 |
Vietnam |
vietnamien |
91 700 00 |
24 589 |
2009 |
18 |
Indonésie |
indonésien / javanais |
264 905 894 |
24 000 |
2009 |
19 |
Pologne |
polonais |
37 967 209 |
21 130 |
2015 |
20 |
Brésil |
portugais |
207 096 196 |
20 792 |
2012 |
|
- |
- |
|
1 827 085 |
|
Si l'on additionne les titres de l'Égypte (9000), de l'Algérie (4000), de
l'Arabie Saoudite (4000), du Liban (3600), de la Syrie (1000), du Maroc (900),
de la Tunisie (720), de la Jordanie (500), du Koweït (200) et du Qatar (200), on
en arriver à un total de 23 220 titres pour une population de 242,4 millions
d'arabophones. Avec une population de 36,1 millions, la Canada en publie 20 000;
le Vietnam (pop.: 91,7 millions), pour sa part, en publie 24 500.
4.2 Les publications scientifiques
Production de revues savantes par
langue
Rang
(2007) |
Langue |
Titres |
Pourcentage
du total |
Cumulatif |
1 |
anglais |
28 131 |
45,2 % |
45,2 % |
2 |
allemand |
6 848 |
11,0 % |
56,2 % |
3 |
chinois mandarin |
4 047 |
6,5 % |
62,7 % |
4 |
espagnol |
3 522 |
5,6 % |
68,3 % |
5 |
français |
3 074 |
4,9 % |
73,3 % |
6 |
japonais |
2 149 |
3,4 % |
76,6 % |
7 |
italien |
1860 |
2,9 % |
79,5 % |
8 |
polonais |
1 060 |
1,7 % |
81,2 % |
9 |
portugais |
1 055 |
1,7 % |
82,9 % |
10 |
néerlandais |
922 |
1,4 % |
84,3 % |
11 |
russe |
808 |
1,3 % |
85,6 % |
|
Les publications scientifiques sont l'un des résultats de
l'expansion des langues. Les données qui suivent sont tirées d'une étude ("Top
languages in global information production") de Partnership: The
Canadian Journal of Library and Information Practice and Research (2016),
une revue canadienne de la pratique et de la recherche en bibliothéconomie et en
sciences de l'information. Ainsi, au plan international, les cinq premières
langues — l'anglais, l'allemand, le chinois, l'espagnol et le français — assurent
73,3 % de toute la production
scientifique mondiale. En cumulant les six autres langues — le japonais,
l'italien, le polonais, le portugais, le néerlandais et le russe —, on
arrive à 85,6 %. C'est énorme quand on sait qu'il existe 7097 langues.
Néanmoins, on constate que l'anglais accapare à lui
seul près de la moitié des publications scientifiques. De façon générale, on assiste à un recul de toutes
les langues nationales devant l'anglais. Le français et l'allemand ont également
beaucoup reculé. Si 30 % des chercheurs français publient en anglais, c'est
90 % pour l'ensemble du Canada et 80 % au
Québec. Même si le français
demeure encore une langue scientifique (au 5e
rang à l'échelle mondiale), l'avenir paraît plutôt modeste de ce
côté, à moins qu'une action concertée au plan de la francophonie internationale
réussisse finalement à modifier le déterminisme qui joue contre le français...
et les autres langues.
|
Il
n'est alors pas surprenant que, dans le domaine scientifique, la puissance
linguistique des grandes langues nationales (allemand, français, espagnol,
arabe, russe, hindi, etc.) soit devenue secondaire comparativement à l'anglais
dont les positions sont probablement assurées pour quelques siècles. Même des
langues numériquement très importantes telles l'hindi et l'arabe sont passés
respectivement des 12e et 22e rangs dans les titres
édités.
Un fait est indéniable, l'anglais est en train de prendre
toute la place. Pour sa part, M. Maurice Allais (1911-2010), un prix Nobel d'économie
(1988), croit
que l'utilisation du français et des autres langues est encore appelée à baisser:
«L'anglais est devenu pour les élites le seul support pour la transmission de la
pensée scientifique dans le monde.» Et, à court terme, il ne faut pas trop
compter sur la détermination de la France à cet égard: l'affaire de l'Institut
Pasteur a bien montré où se situaient les chercheurs de ce pays au chapitre de la langue.
Maurice Allais n'hésite pas à ajouter : «À vouloir s'obstiner à défendre la langue
française, on finit par empêcher la diffusion de la pensée française.» On
se trouve dans la situation du latin scientifique au Moyen Âge, alors que tous
les savant ne publiaient qu'en cette langue.
4.3 La diffusion des médias écrits
Production de
journaux et de magazines par langue
Rang
(2017) |
Langue |
Nombre de titres |
Pourcentage du total |
1 |
anglais |
2499 |
62,5 % |
2 |
espagnol |
277 |
6,9 % |
3 |
allemand |
236 |
5,8 % |
4 |
chinois mandarin |
156 |
3,9 % |
5 |
hindi |
117 |
2,9 % |
6 |
français |
95 |
2,3 % |
7 |
polonais |
44 |
1,1 % |
8 |
russe |
38 |
0,9 % |
9 |
italien |
36 |
0,9 % |
10 |
portugais |
35 |
0,8 % |
|
Les médias sont liés au développement d'un pays. L'information
est aujourd'hui essentiellement transmise par les médias, que ce soit la radio,
la télévision, les journaux ou l'Internet. Pour les populations analphabètes, la
radio (surtout) et la télévision jouent un rôle extrêmement important. C'est
ainsi que les programmes de santé, l'assistance à l'agriculture et les
avertissements concernant les catastrophes naturelles peuvent servir de liens
essentiels auprès des citoyens. Néanmoins, les médias restent un moyen utile
seulement si l'information est transmise d'une façon compréhensible pour la
population.
Si tous les médias d'un pays se servent de l'unique langue
officielle (anglais, espagnol, français, arabe standard, etc.), seule une minorité
instruite pourra profiter de cette connaissance. Le plus souvent, la langue
officielle demeure la seule langue utilisée dans les différents médias.
Le tableau ci-contre illustre que l'anglais (62,7%) occupe de loin
le premier rang dans la production de journaux et de magazines.
Suivent l'espagnol (6,9%), l'allemand (5,8%), le chinois (3,9%),
l'hindi (2,9%), le français (2,3%), le polonais (1,1%), le russe
(0,9%), l'italien (0,9%) et le portugais (0,8%) pour un total de
24,7% pour ces langues; avec l'anglais, on arrive à 87,4%. Cela
signifie qu'il ne reste que 12,5% pour toutes les autres langues du
monde. |
4.4 La diffusion des films et des
vidéos
Production cinématographique et vidéo par langue
Rang
(2007) |
Langue |
Titres |
Pourcentage
du total |
1 |
anglais |
158 611 |
34,8
% |
2 |
espagnol |
23
256 |
5,2
% |
3 |
allemand |
16
523 |
3,6
% |
4 |
français |
15
171 |
3,3
% |
5 |
japonais |
7
811 |
1,7
% |
6 |
italien |
4
927 |
1,0
% |
7 |
danois |
3
967 |
0,8
% |
8 |
néerlandais |
3
445 |
0,7
% |
9 |
portugais |
3
213 |
0,7
% |
10 |
russe |
2
715 |
0,6
% |
11 |
hindi |
2
357 |
0,5
% |
|
La ressource la plus complète au sujet de la production de
films et de vidéos est l'Internet Movie Database (IMDb) qui couvre
plus de 1,2 million de films et de téléséries. Les données
sont collectées au moyen de soumissions volontaires d'informations
par les personnes de l'industrie cinématographique et les
internautes
du site Web. L'exactitude des entrées est vérifiée par un personnel
professionnel qui s'appuie sur des dossiers de presse, des
biographies officielles, des interviews et des droits à l'écran
(Internet Movie Database).
L'échantillonnage révèle que l'anglais accapare le premier rang avec
34,8% de la production mondiale. Suivent l'espagnol (5,2%),
l'allemand (3,6%), le français (3,3%), le japonais (1,7%) et
l'italien (1%). Ces six langues comptent pour 49,6% de la
production mondiale. Ce sont là, en principe, les langues les
plus utilisées dans l'industrie couvrant la période de 1990 à 2007.
Pourtant, l'Inde demeure le plus
grand producteur de films dans le monde. En 2009 seulement,
l'Inde a produit un total de 2961 films. L'Inde est aussi l'industrie
la plus importante au monde en termes de ventes de billets. Il
ne faudrait pas oublier les productions considérables faits en Chine
(chinois), en Égypte (arabe), en Iran (persan), au Nigeria
(anglais), en Corée du Sud (coréen), en
Turquie (turc), au Bangladesh (bengali) et en Indonésie (malais
indonésien). |
4.5 Les langues à l'ère de
l'Internet
En septembre 2002, on estimait qu'au plan mondial il y avait quelque 605
millions d'internautes, dont 190 millions en Europe, 187 en Asie/Pacifique, 182
en Amérique du Nord (USA et Canada), 33 en Amérique latine, 6 en Afrique et 5 au
Proche-Orient. Au 31 décembre 2011, la firme
Internet Word Stats les estim
ait
à
1,966 milliard.
- Le nombre des
internautes
Sur l’autoroute de l’information de 2017, l’anglais règne
en maître avec 985 millions d'internautes, soit 25,3% des internautes
du monde. Suivent le chinois (771 millions: 19,8%),
l'espagnol (312 millions: 8,0%), l'arabe
(185 millions: 4,7%), le portugais (158 millions:
4,0%), le malais (157 millions: 4,0%), le japonais
(118 millions: 3,0%), le russe (109 millions: 2,8%), le français (108 millions:
2,7%), l'allemand (85 millions: 2,1%). Toutes les
autres langues comptent 897 millions d»'usagers, soit
23,1%.
Depuis une décennie, le nombre d'utilisateurs de
l'anglais n'a jamais reculé, mais il en est ainsi de certaines autres langues
dont le chinois, l'espagnol, le portugais, le japonais, l'arabe, le
russe, etc. Le français comptait 74 millions d'internautes en 2009, mais
59,3 millions en 2010 et 108 millions en 2017. Les «autres langues» ont aussi augmenté en passant de 258
millions en 2009 à 350,6 millions en 2010 et à 897 millions en 2017.
|
Les 10 premières
langues en 2017 |
Pourcentage des
internautes par langue |
Anglais |
25,3% |
Chinois |
19,8% |
Espagnol |
8,0% |
Arabe |
4,8% |
Portugais |
4,1% |
Malais |
4,1% |
Japonais |
3,0% |
Russe |
2,8% |
Français |
2,8% |
Allemand |
2,2% |
Total des 10 langues |
76,9% |
Les autres
langues |
23,1% |
Total mondial 2017 |
100,0% |
|
Ces résultats laissent deviner que le chinois
pourrait probablement dépasser l'anglais dans un proche avenir, car
le nombre d'internautes du chinois augmente quatre fois plus
rapidement que celui de l'anglais. Mais il faut aussi comprendre que beaucoup
d'internautes, qui n'ont pas l'anglais comme langue maternelle,
utilisent l'anglais dans leurs recherches sur l'Internet, ce qui
fait gonfler l'usage de l'anglais.
|
Pour le moment, l’anglais occupe une place probablement démesurée sur la
Toile. Il est possible que cette place soit plus ou moins
irréversible, dans la mesure où des habitudes se créent et risquent de
s’installer définitivement. On peut croire aussi que la dominance de l'anglais
est temporaire et que, tôt ou tard, d'autres langues émergeront. Il n’en demeure
pas moins qu’à l’heure actuelle on peut présumer que les dix premières
langues deviendront à peu près les seules à connaître une grande diffusion. Mais
la situation peut évoluer rapidement dans un domaine aussi fluctuant,
car les statistiques sur l'usage d'Internet montrent une croissance beaucoup
plus rapide dans les pays où l'anglais n'est pas la langue dominante.
- Le nombre des pages Web
Rang |
Langue |
Pages web
en millions (2004) |
Pourcentage du total |
1 |
anglais |
1142,5 |
56,4 % |
2 |
allemand |
156,2 |
7,7 % |
3 |
français |
113,1 |
5,5 % |
4 |
japonais |
98,3 |
4,8 % |
5 |
espagnol |
59,9 |
2,9 % |
6 |
chinois mandarin |
48,2 |
2,3 % |
7 |
italien |
41,1 |
2,0 % |
8 |
néerlandais |
38,8 |
1,9 % |
9 |
russe |
33,7 |
1,6 % |
10 |
coréen |
30,8 |
1,5 % |
11 |
portugais |
29,4 |
1,4 % |
|
Il existe d'autres moyens pour mesurer la
puissances des langues sur l'Internet. On peut aussi comptabiliser
le nombre en millions de pages Web.
Peu d'études ont été faites pour vérifier le nombre des pages Web
rédigées dans les langues nationales. Certaines recherches ont été
néanmoins publiées entre 1997 et 2004 par Global-Reach, une société
de marketing international, par Alis Technologies, une entreprise
canadienne, par Vilaweb, un journal électronique catalan, et le site
Web éducatif Netz-tipp. Ces recherches semblent démontrer que la
proportion de contenu en anglais aurait diminué au fil du temps.
Le tableau ci-contre représente les
statistiques concernant la distribution des langues sur Internet en
fonction du nombre des pages Web. Les données ont été présentées en
anglais en 2016 dans The Canadian Journal of Library and
Information Practice and Research.
Ainsi, en 1997, les pages Web en
anglais représentaient 82,3% du World Wide Web, mais en 2002, elles
ne comptaient plus que 56,4%. Suivent l'allemand (7,7%), le français
(5,5%), le japonais (4,8%), l'espagnol (2,9%), le chinois (2,3%),
l'italien (2%), le néerlandais (1,9%), le russe (1,6%), le coréen
(1,5%) et le portugais (1,4%).
En 1996, plus de 80 % des internautes étaient anglophones, mais en
2010 ce pourcentage avait déjà chuté à 27,3 %. Alors que le nombre
d'internautes anglophones a presque triplé depuis 2000, quatorze
fois plus de Chinois utilisent Internet aujourd'hui qu'en 1996; la
croissance est encore plus importante dans le monde arabophone, où
vingt cinq fois plus de personnes sont en ligne comme en 1996.
|
- La progression des langues sur
l'Internet
Le tableau qui suit («Les dix premières langues
de l'Internet») montre les dix premières langues utilisées sur
l'Internet (2011). Par exemple, on compte pour le japonais 99,1
millions de personnes parlant cette langue, ce qui représente
4,7 % de tous les utilisateurs d'Internet dans le monde
("Pourcentage des internautes"). Mais la
population totale estimée utilisant le japonais est de 126,4
millions, alors que 78,4 % des locuteurs du japonais ont accès à
l'Internet. En une décennie (2000-2011), le nombre des
utilisateurs du japonais sur l'Internet a augmenté de 110,7 %
("Progression de l'Internet").
Prenons le cas du français. On compte pour cette langue 59,7
millions de locuteurs, ce qui représente
3,0 % de tous les utilisateurs d'Internet dans le monde
("Pourcentage des internautes"). Mais la
population totale estimée utilisant le français est de 347,9
millions, alors que 17,2 % des locuteurs du français ont accès à
l'Internet. En une décennie (2000-2011), le nombre des
utilisateurs du français sur l'Internet a augmenté de 398,2 %
("Progression de l'Internet").
Par comparaison, la progression de l'anglais (301,4 %) et du
français (398,2 %) est trois fois plus considérable. Cette
progression a explosé pour le chinois (1478,7 %), l'arabe 2501,2%
et le russe (1825,8 %), sans oublier les «autres langues» avec
une augmentation de 588,5 %, soit davantage que les dix premières
langues réunies.
Les dix premières langues de l'Internet |
Les 10 langues les
plus utilisées sur Internet |
Nombre d'internautes
par langue |
Taux de pénétration
par langue |
Progression de l'Internet (2000 - 2011) |
Pourcentage des
internautes |
Population mondiale
de la langue utilisée (estimation 2011) |
Anglais |
565 004 126 |
43,4 % |
301,4 % |
26,8 % |
1,302,275,670 |
Chinois |
509 965 013 |
37,2 % |
1478,7 % |
24,2 % |
1,372,226,042 |
Espagnol |
164 968 742 |
39,0 % |
807,4 % |
7,.8 % |
423,085,806 |
Japonais |
99 182 000 |
78,4 % |
110,7 % |
4,7 % |
126,475,664 |
Portugais |
82 586 600 |
32,5 % |
990,1 % |
3,9 % |
253,947,594 |
Allemand |
75 422 674 |
79,5 % |
174,1 % |
3,6 % |
94,842,656 |
Arabe |
65 365 400 |
18,8 % |
2501,2 % |
3,3 % |
347,002,991 |
Français |
59 779 525 |
17,2 % |
398,2 % |
3,0 % |
347,932,305 |
Russe |
59 700 000 |
42,8 % |
1825,8 % |
3,0 % |
139,390,205 |
Coréen |
39 440 000 |
55,2 % |
107,1 % |
2,0 % |
71,393,343 |
TOTAL des 10 premières langues |
1 615 957 333 |
36,4 % |
421,2 % |
82,2 % |
4,442,056,069 |
Autres langues |
350 557 483 |
14,6 % |
588,5 % |
17,8 % |
2,403,553,891 |
TOTAL DES LANGUES DU MONDE |
2 099 926 965 |
30,3 % |
481,7 % |
100,0 % |
6,930,055,154 |
Source: Internet World Stats -
www.internetworldstats.com/stats.htm
- 31 mai 2011. |
- Les régions utilisatrices
d'Internet
|
En chiffres absolus, la région du monde qui
utilise le plus l'Internet demeure l'Asie (44,8%) et l'Europe (22,1%). Suivent l'Amérique du Nord (12,0%), l'Amérique latine et les Antilles (10,4%), l'Afrique (3,4%), le Proche-Orient (3,4%) et l'Océanie/Australie (1,1%).
Compte tenu des langues utilisée dans l'Internet, on peut
présumer que les Asiatiques emploient surtout l'anglais, le
chinois, le japonais et le coréen.
Les Européens utilisent certainement
l'anglais, l'allemand, le français, l'espagnol, le portugais et le russe, sans
compter les autres langues nationales. En 2011, la
Commission européenne a publié une étude démontrant
que 90% des Européens préfèrent consulter un site dans leur langue nationale
plutôt que dans une autre. Toutefois, 55% d'entre eux déclarent utiliser des
sites dans une autre langue dans le cadre de leurs recherches sur l'Internet.
|
Dans les faits, les Européens les moins «ouverts» aux autres langues sont
ceux qui n'ont pas besoin d'utiliser une autre langue que l'anglais,
c'est-à-dire les Britanniques et les Irlandais, qui ne sont respectivement que
15 % et 19 % à naviguer sur des sites non anglophones. Les pays les plus
«ouverts» à d'autres langues sont Malte, Chypre, le Luxembourg, la Slovénie
et la Grèce (à plus de 90 %). La France se situe un peu au dessus de la
moyenne européenne avec 57 % des internautes qui déclarent naviguer sur des
sites non francophones. L'anglais demeure ainsi la grande langue véhiculaire
de la Toile.
Il faut néanmoins comprendre que l'emploi de la langue
anglaise n'est en fait qu'une pratique occasionnelle, car 61 % des individus
qui visitent des sites anglophones le font seulement «occasionnellement».
Seuls 13 % d'entre eux le font «tout le temps» (des Britanniques et des
Irlandais?) et 26 %, le font «fréquemment». Finalement, 44 % des Européens
naviguent uniquement dans leur langue maternelle. Selon
la firme
Global Reach, seulement 15 %
des Européens (qui représentent 500 millions d'habitants) sont de langue
maternelle anglaise, alors que 28 % peuvent s'exprimer en anglais.
Actuellement, près de 90 % des contenus accessibles sur l'Internet ne sont
disponibles que dans une douzaine de langues. Ce phénomène a pour effet
d'exclure la plupart des langues écrites du monde, environ 200 sur près de
7000 langues.
Dans les faits, il y a aussi d'autres langues sur l'Internet que les
langues précédemment citées, notamment l'italien, le malais, le néerlandais, le polonais, le
suédois, le thaï, le turc, le vietnamien, le farsi (persan), le roumain, le
tchèque, l'hébreu, le danois, le finnois, le hongrois, le grec, le catalan, le
norvégien, le slovaque, l'espéranto, le serbe, l'ukrainien, etc. Par contre,
l'hindi, la langue officielle de l'Inde, n'apparaît pratiquement jamais dans les
statistiques; c'est là le résultat, d'une part, du manque d'accès à l'Internet
par la grande majorité de la population indienne, d'autre part, d'une préférence
pour l'anglais par les internautes qui ont accès à l'Internet.
Avec le temps, l'anglais perd un peu de
ses acquis en raison de l'augmentation des langues comme le chinois (cantonais,
mandarin et wu) et d'autres langues émergentes telles l'arabe ou le russe, qui
représentaient en 2010 quelque 37 % des langues. En 2010, sur les 1750 millions
d'internautes, 480 millions de personnes communiquaient en anglais, 390 en
chinois, 136 en espagnol, 80 en français, 65 en allemand, 50 en arabe et 45
en russe.
- Le taux de pénétration
|
Il existe un autre problème dans l'accès à l'Internet: le taux
de pénétration selon les régions. Les statistiques démontrent que
l’utilisation de l’Internet dépend en grande partie des
ressources disponibles de la technologie. En effet, 78,6 % des
Nord-Américains (Canada, USA et Mexique) utilisent l'Internet, contre 67,5 %
pour l'Australie, 61,3 % pour l'Europe, 39,5 % pour l'Amérique du Sud et les
Antilles, 35,6 % pour le Proche-Orient, 26,2 % pour l'Asie et
13,5 % pour
l'Afrique (voir le tableau de gauche).
En juin 2008, on dénombrait environ 6,5 milliards de citoyens,
dont seulement 1,4 milliard de ceux-ci avaient accès à l’Internet,
ce qui représentait moins de 25 % de la population. Bref, l’accès à
l’information varie beaucoup selon les pays et les langues
utilisées. Le réseau mondial de l’Internet favorise encore nettement
les pays développés, mais les pays en développement accroissent
leurs connexions.
Au problème de la langue, la connaissance de l'anglais par
exemple, s'ajoute le problème de la technologie disponible.
Ainsi, un étudiant haïtien qui n'a pas l'électricité dans son
village doit faire face à diverses difficultés: pas d'ordinateur
disponible, pas de serveur disponible, pas de services, etc. En
plus de savoir lire, il lui faut savoir le français et/
l'anglais. Il lui faudrait aussi de l'argent pour avoir accès à
cette technologie.
Pendant ce temps, en Amérique du Nord, la question cruciale
est de savoir si les internautes ont accès à un réseau à haute
vitesse (haut débit) ou non. Contre toute attente, les
États-Unis, le Canada et le Mexique sont largement devancés par
le Japon, la Corée du Sud et les pays scandinaves (Danemark,
Norvège, Suède, Islande), en matière de fibre optique ; suivent
l'Europe de l'Ouest, l'Amérique du Nord, l'Australie et la
Nouvelle-Zélande. |
Plus de 450 millions d'utilisateurs ont
actuellement accès à un haut débit. Ce haut-débit devait atteindre le
milliard d'abonnés au niveau mondial en 2013, selon In-Stat.
Aujourd'hui,
l'Internet à haut
débit est considéré comme une nécessité, non plus comme un luxe.
Dans les faits, la ligne DSL (Digital Subscriber Line ou ligne numérique
d'abonné), qui utilise les lignes téléphoniques en cuivre, demeure le mode
de connexion Internet le plus couramment utilisé, avec 64,6 % de part de
marché dans le monde. Dans les années à venir, il se créera
vraisemblablement une fracture numérique entre les continents. Avec
l’émergence de la Chine et de l’Inde, l’écart entre l’Asie et le reste du
monde devrait croître de manière spectaculaire.
Rang |
Langues utilisées |
Taux de progression 2000-2011 |
1 |
arabe |
x 25 |
2 |
chinois |
x 14 |
3 |
japonais |
x 10 |
4 |
portugais |
x 9 |
5 |
espagnol |
x 8 |
6 |
russe |
x 8 |
7 |
autres
langues |
x 6 |
8 |
français |
x 4 |
9 |
anglais |
x 3 |
10 |
allemand |
x 1,7 |
|
Le tableau ci-contre montre la progression des langues
sur l'Internet entre 2000 et 2011.
Alors que le nombre d'internautes anglophones a presque
triplé depuis 2000, quatorze fois plus de Chinois utilisent
Internet aujourd'hui qu'en 2000; la croissance est encore
plus importante dans le monde arabophone, où 25 fois plus de
personnes sont en ligne. L'emploi du japonais a progressé de
10 fois, le portugais de 9 fois, l'espagnol et le russe de 8
fois.
Le français n'a progressé que de quatre fois, mais
l'anglais, de trois fois, pendant que les autres langues ont
progressé de six fois. Les langues
émergentes sur la Toile sont le
chinois
mandarin, le chinois cantonais, le chinois wu, l'arabe, le
malais, le russe, le portugais, les langues indiennes
(hindi, bengali, télougou, tamoul, marathi, etc.),
l'italien, le polonais, le néerlandais, le turc, le suédois,
le coréen.
Pour conclure sur cette question, on peut croire que, dans le
monde moderne d'aujourd'hui, une langue qui n'est pas utilisée dans le réseau
Internet est non seulement exclue du commerce, mais qu'elle est simplement «hors
circuit», bref qu'elle n'existe tout simplement pas. Enfin, ajoutons qu’il reste
au moins 17 % pour toutes les autres langues utilisées (mais non
mentionnées) sur la planète. En 2017, on comptait 39 langues utilisée
sur l'Internet représentant au moins 0,1 % du contenu total.
Plus de 140 autres langues, souvent très minoritaires, mais
pas toujours, avaient au moins un site sur la Toile. |
4.6 L'alphabétisation et
la scolarisation
On sait que le degré de scolarisation d'une population
entraîne des
incidences culturelles, sociales et économiques extrêmement importantes. C'est
pourquoi l'analphabétisme et la sous-scolarisation engendrent la pauvreté et le
sous-développement économique et culturel. Il est difficile de se tirer d'une
telle impasse lorsqu'un pays est aux prises avec ce cercle vicieux.
- L'analphabétisme
Le haut taux d'analphabétisme de plusieurs pays anglophones
(Liberia, Malawi, Nigeria, Sierra Leone, etc.), arabophones (Djibouti, Irak,
Tchad, Yémen, etc.), hispanophones (Guinée équatoriale) et francophones (Guinée,
Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Burundi, Rwanda, etc.) nuit à la vitalité de
l'anglais, de l'arabe, de l'espagnol et du français dans le tiers monde. Il
faudrait, par exemple, que les États arabophones, anglophones et francophones plus riches
aident les pays pauvres à réduire leur analphabétisme chronique et à hausser
leur niveau de scolarisation. Il ne faut pas oublier que, pour tirer parti de la
majorité des sources d'information dans les médias écrits et électroniques, et
sur l'Internet, il importe de comprendre les textes, les paroles et les images.
Autrement dit, il faut être alphabétisé. Traditionnellement, l
'alphabétisation est définie comme la capacité de lire et d'écrire de courtes
phrases simples dans n'importe quelle langue. Lorsqu'on consulte la carte
ci-dessous, force est de constater que les pays du Nord (Amérique, Europe et
Eurasie), ainsi que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud,
l'Argentine et le Chili, sont des régions très alphabétisées. À l'opposé,
beaucoup de pays en Afrique, au Proche-Orient et en Asie du Sud-Est bénéficient
d'une alphabétisation plus limitée.
Selon les données de l'Unesco (2015), l’Asie du Sud et l'Asie de
l’Ouest abritent plus de la moitié de la population analphabète mondiale (51%),
suivie de 25% par l'Afrique subsaharienne, 12% par l'Asie de l’Est et le
Pacifique, 7% dans les États arabes et 4% en Amérique latine et dans les
Antilles. On estime que moins de 1% de la population analphabète mondiale vit
dans les régions restantes réunies.
Pays |
Population totale |
Pourcentage d'analphabètes |
Nombre d'analphabètes
(en millions) |
Langue officielle |
Éthiopie |
91,7 |
64,1 % |
58,7 |
amharique |
Nigeria |
186,9 |
45,4 % |
84,8 |
anglais |
Bangladesh |
160,3 |
44,1 % |
70,6
|
bengali |
Égypte |
90,4 |
34,6 % |
31,2 |
arabe |
Congo-Kinshasa |
86,8 |
33,2 % |
28,8 |
français |
Soudan
|
37,9 |
29,8 % |
11,2 |
arabe |
Tanzanie |
55,1 |
27,1 % |
15,0 |
anglais-swahili |
Inde |
1,338 |
25,9 % |
346,5 |
anglais-hindi |
Brésil |
207,0 |
10,0 % |
20,7 |
portugais |
Indonésie |
264,9 |
8,0 % |
21,1 |
malais indonésien |
Iran |
82,8 |
9,0 % |
7,4 |
persan (farsi) |
Birmanie |
54,3 |
8,0 % |
4,3 |
birman |
Philippines |
102,8 |
6,7 % |
6,8 |
filipino-anglais |
Chine |
1,386 |
4,1 % |
56,8 |
chinois mandarin |
|
Les taux d’alphabétisme nationaux les plus faibles sont observés en
Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l’Ouest. Moins de la
moitié de la population adulte ne sait ni lire ni écrire une phrase
simple dans les pays suivants : l’Afghanistan, le Bénin, le Burkina
Faso, la République centrafricaine, le Tchad, la Côte d’Ivoire,
l’Éthiopie, la Guinée, Haïti, le Libéria, le Mali, la Mauritanie, le
Niger, le Sénégal, la Sierra Leone et le Soudan du Sud.
De plus, les
taux d’alphabétisme des jeunes âgés entre 15 et 24 ans sont
généralement supérieurs à ceux des adultes, reflétant l’accès accru
à la scolarité des générations plus jeunes. Bien que le taux
d’alphabétisme des jeunes ait régulièrement augmenté, il n’en reste
pas moins faible en Afrique subsaharienne (70%) et en Asie du Sud et
de l’Ouest (84%).
|
Bref, selon les données de l'Unesco (2015), 75% des 962 millions
d'adultes analphabètes dans le monde vivent dans 15 pays seulement:
Bangladesh, Brésil, Chine, Inde, Nigéria, Indonésie, Soudan du Sud,
Égypte, Iran, Philippines, Éthiopie, Congo-Kinshasa, Tanzanie,
Birmanie. Plus le taux d'analphabétisme est
élevé dans un pays, plus grande est la pauvreté et moins les
locuteurs de ces pays peuvent s'informer adéquatement.
Utilisateurs d'information et production d'information dans les
langues parlées
Rang |
Langue (2016) |
Population
alphabète |
Pourcentage
du total |
Cumulatif |
1 |
anglais |
10,58 % |
44,29 % |
44,29 % |
2 |
allemand |
1,74 % |
7,60
% |
51,89
% |
3 |
espagnol |
5,47 % |
5,91
% |
57,8
% |
4 |
chinois mandarin |
14,68 % |
4,85
% |
62,65
% |
5 |
français |
4,07 % |
4,21
% |
66,86
% |
6 |
japonais |
2,33 % |
3,34 % |
70,20
% |
7 |
italien |
1,09 % |
2,16 % |
72,36
% |
8 |
russe |
3,59 % |
1,96 % |
74,32
% |
9 |
portugais |
3,54 % |
1,68 % |
76,00
% |
10 |
néerlandais |
0,43 % |
1,67 % |
77,67
% |
11 |
coréen |
1,36 % |
1,20 % |
78,87 % |
12 |
hindi |
4,26 % |
0,96 % |
79,83 % |
13 |
arabe |
4,24 % |
0,43 % |
80,26 % |
14 |
bengali |
1,99 % |
0,12 % |
80,38
% |
|
Comme le montre le tableau ci-contre (dans The Canadian Journal of Library and
Information Practice and Research,
2016), près de 78% des
informations dans le monde sont produites dans les dix langues
suivantes: l'anglais (44,2%), l'allemand (7,6%), l'espagnol (5,9%),
le chinois (4,8%),
le français (4,2%), le japonais (3,3%), l'italien (2,1%), le russe
(1,%), le portugais (1,6) et le néerlandais (0,4%).
Il reste 2% pour les quatre autres langues:
L'anglais domine l'espace de l'information universelle et constitue
plus de 44% des documents imprimés et électroniques, mais seulement
10,5% de la population mondiale est alphabétisée dansa cette langue. L'allemand suit
l'anglais et représente 7,6% de la production mondiale
d'informations. Plus de
14% de la population mondiale est alphabétisée en mandarin, la
langue la plus parlée au monde, mais seulement 4,85% des ressources
mondiales d'information sont produites dans cette langue.
D'autres langues importantes comme
le coréen, l'hindi, l'arabe et le bengali, ne reçoivent que 2% de la
production mondiale, ce qui signifie qu'en
même temps le nombre de ressources
d'information dans ces langues demeure relativement faible. Par exemple,
il y a 230 millions de personnes qui savent lire et écrire en arabe,
ce qui représente 4,24% de l'ensemble de la population alphabète du
monde, mais seulement 0,43% de toutes les informations sont
disponibles en langue arabe.
Bref, ces chiffres révèlent que
le rang d'une langue particulière n'est pas nécessairement lié à un
pourcentage de la population alphabétisée, car cela dépend plutôt du
niveau de développement culturel et économique des pays où la langue
est utilisée. |
De plus, ces résultats
soulignent l'écart entre les utilisateurs de l'information et les ressources
d'information disponibles. Les pays ayant un faible taux d'alphabétisation et un
faible niveau d'instruction sont appelés à être exclus du savoir universel. Pour
être informé aujourd'hui dans notre monde, il vaut mieux connaître l'anglais,
l'allemand, l'espagnol, le chinois et le français.
- La scolarisation et
l'expansion linguistique
De façon générale, on peut affirmer que les pays qui ne
réussiront pas à scolariser leur population freineront l'expansion de leur
langue nationale. C'est pourquoi des langues comme l'arabe et l'espagnol
accusent un déficit dans les facteurs d'expansion linguistique. Cela dit, de
nombreuses langues d'Afrique connaîtront un sort identique. Il ne faut pas
oublier que la scolarisation constitue à long terme une facteur de développement
économique. Les
pays avec un grand nombre d'analphabètes ont un PIB très bas et un très haut
taux de naissance. Par exemple, en 2002-2004, les pays développés avaient un
taux d'alphabètes de 98 % contre 67 % dans les pays en voie de développement
(Unesco 2005). Les faits démontrent que la
capacité à lire et à écrire est liée à trois aspects du développement
socio-économique : la pauvreté, la transformation socio-économique et la
croissance économique.
L'alphabétisation des citoyens est donc nécessaire pour
le développement du pays. C'est pourquoi, par exemple, la situation en Haïti est préoccupante.
Plus de 70 % de la population de ce pays est
analphabète et 500 00 enfants ne vont pas aller à l'école, faute de moyens. Par
comparaison, le Nicaragua est tout aussi pauvre, mais il compte beaucoup moins
d'analphabètes. L'État haïtien ne débourse que 13 % des montants associés à
l'éducation, le reste étant assumé par les parents. Si l'école en Haïti est
obligatoire, elle n'est pas vraiment gratuite, et de moins en moins publique. La
qualité variable de l'enseignement, les problèmes de malnutrition, les piètres
conditions matérielles, l'analphabétisme des parents (au moins de 70 %),
l'absence de bibliothèques publiques ou scolaires, l'éloignement des écoles et
l'absence d'électricité dans les foyers sont d'autant d'éléments responsables du
taux de scolarisation peu élevé. C'est un cercle vicieux:
parce que l'État haïtien est pauvre, la population demeure sous-scolarisée;
parce que la population est sous-scolarisée, le pays reste pauvre.
- Les variables
culturelles
Les variables culturelles montrent avec évidence que la
puissance culturelle d'une langue dépend directement de la puissance économique.
Un sous-développement économique entraîne invariablement un sous-développement
culturel. C'est ce qui explique, d'une part, la force des langues du nord-ouest
de l'Europe et de l'Amérique du Nord; d'autre part, le sous-développement
économique explique aussi la faiblesse culturelle des langues importantes par
leur démographie comme l'arabe, l'hindi, le bengali, le portugais, etc., dont
les locuteurs sont aux prises avec un taux d'analphabétisme élevé. L'Asie et
l'Afrique sont particulièrement touchées par cette carence culturelle.
Ce sont les langues des nations riches et puissantes
— États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie, etc.) qui
peuvent se permettent de diffuser la quasi-totalité du savoir universel sur de
vastes territoires. Les personnes qui étudient une langue étrangère choisissent
de préférence une langue dans laquelle elles trouveront beaucoup de
publications; la plupart du temps, elles choisiront l'anglais, le français, le
russe ou l'allemand, contribuant ainsi à renforcer l'hégémonie culturelle du
«club des riches».
5)
Le
facteur politique et ses variables
Dans les textes précédents, nous avons noté que la langue
et la politique étaient intimement liées. À l'instar des autres facteurs, le
pouvoir politique constitue l'une des forces les plus puissantes dans la vie des
langues.
5.1 Le contrôle des instrument de
gouvernement
Si elle veut survivre et s'épanouir, une langue doit
idéalement exercer le contrôle des instruments de gouvernement, établir sa
dominance et rechercher l'exclusivité sur un territoire donné. Or, cette
dominance et cette exclusivité s'obtiendront d'autant plus facilement qu'une
langue aura le contrôle d'un État souverain ou, à tout le moins, le contrôle
d'un État associé (cadre fédératif) ou d'un gouvernement autonome. Une langue
sans État ou sans gouvernement est une langue à l'avenir fort compromis.
Or, parmi les 7097 langues du monde, quelque 83 langues (21
langues multi-étatiques et 62 langues mono-étatiques) bénéficient de la protection
d'un gouvernement central ou d'un État souverain, alors qu'un peu plus d'une
centaine d'autres dépendent de celle d'un État non souverain, comme dans les
cantons suisses, les républiques autonomes de la fédération de Russie, les
régions autonomes d'Espagne et d'Italie, les États de l'Inde, les États d'Afrique du Sud,
les États du Nigeria, etc.
Évidemment, le rayonnement d'une langue est beaucoup mieux
assuré dans le cas d'un État souverain que dans celui d'un État régional
(ou non souverain), parce qu'un groupe contrôle ainsi entièrement son destin
linguistique. Un État régional voit généralement ses frontières
linguistiques devenir perméables à la langue majoritaire du pays; sauf
exception, il est assujetti à des doses plus ou moins massives de bilinguisation
parce qu'il n'est pas entièrement maître de ses politiques linguistiques. Quoi
qu'il en soit, on ne peut que donner raison à Louis-Jean Calvet lorsqu'il énonce
ainsi le caractère privilégié des langues étatiques: «Les langues sont au
pouvoir politique ou ne sont pas des langues». Grâce à l'appareil de l'État et
de ses institutions (Parlement, justice, école, armée, police, médias, etc.),
les gouvernements peuvent influencer le destin des langues et augmenter ou
réduire la puissance de celles-ci.
5.2 Le poids
des langues officielles
Les États souverains du monde ont tous adopté une ou plus
d'une langue officielle (maximum de quatre) à l'intérieur de leurs frontières
respectives. Dans plusieurs cas, la langue officielle correspond à la langue
majoritaire de la population comme aux États-Unis, en Allemagne, au Danemark, au
Japon ou en Thaïlande. Parfois, c'est une langue minoritaire nationale que l'on
impose à l'ensemble de la population: l'indonésien (bahasa indonesia) en Indonésie,
le chinois mandarin à Taïwan, l'anglais à l'île Maurice, l'hindi en Inde.
Souvent, c'est une langue minoritaire étrangère qui fait office de langue
officielle de la nation: tel est le cas de tous les États d'Afrique noire — à
l'exception de la Somalie, de l'Éthiopie et de l'Érythrée —, ainsi que de tous
les petits États de l'Océanie (Guam, Kiribati, Samoa occidentales, Tonga,
Tuvalu, Nauru), dont la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Et dans tous les États où la
langue officielle ne correspond pas à la langue de la majorité de la population,
la langue imposée est celle de l'élite politique; à Taïwan, plus de 80 % de la
population parle le chinois taïwanais, mais c'est le mandarin qui est la langue
dominante, comme c'est le cas du malais en Indonésie, de l'amharique en
Éthiopie, de l'hindi en Inde. Enfin, il arrive que des États reconnaissent plus
d'une langue officielle, c'est-à-dire qu'ils accordent au moins juridiquement le
statut d'égalité à deux ou plusieurs langues: c'est le cas au Canada, en
Finlande, en Afghanistan, en Suisse, en Belgique et en ex-Yougoslavie.
-
Les langues multi-étatiques
On trouvera au tableau 1 la liste des
langues officielles multi-étatiques,
c'est-à-dire celles adoptées par plus d'un État souverain ou plus d'un
gouvernement central. Ce tableau montre que seulement 22 langues sur 7097, soit
0,2 % des langues du monde, sont officielles dans au moins deux États. L'astérisque
désigne un État régional, alors que les mots en rouge indiquent un État
bilingue.
Rang |
Langues
multi-étatiques |
Locuteurs(millions) |
Nombre
des États |
Liste des États |
1 |
anglais |
371 |
62 |
Afrique du Sud,
Antigua et Barbuda, Australie, Bahamas, Barbade, Belize, Botswana,
Cameroun,
Canada,
Dominique, États-Unis,
Fidji,
Gambie, Ghana, Gibraltar*,
Grenade, Guyana, Hong
Kong*,
Inde,
Irlande, Jamaïque,
Kenya, Kiribati,
Lesotho, Liberia,
Malawi, Malte,
Marshall, Maurice, Micronésie, Namibie, Nauru, Nigeria,
Nouvelle-Zélande, Ouganda,
Palau, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée,
Philippines,
Porto Rico*, Royaume-Uni,
Rwanda, Saint-Vincent,
Sainte-Lucie, Salomon, Samoa américaines*,
Samoa
occidentales,
Seychelles,
Sierra Leone,
Singapour,
Saint-Christophe et Nevis, Soudan du
Sud, Swaziland,
Tanzanie,
Tonga,
Trinité et Tobago,
Tuvalu,
Vanuatu,
Vierges américaines, Vierges britanniques, Zambie, Zimbabwe. |
2 |
français |
76 |
42 |
Belgique, Bénin, Burkina Faso,
Burundi,
Cameroun,
Canada,
Centrafrique, Comores*,
Congo, Congo-Kinshasa, Côte d'Ivoire,
Djibouti,
France, Gabon, Guadeloupe*,
Guinée, Guinée
équatoriale, Guyane
française*,
Haïti, Luxembourg,
Madagascar,
Mali, Martinique*,
Mauritanie,
Mayotte*,
Monaco, Niger, Nouvelle-Calédonie*,
Polynésie française*,
Réunion*,
Rwanda,
Saint-Barthélemy*,
Saint-Martin*,
Saint-Pierre-et-Miquelon*,
Sénégal,
Seychelles,
Suisse,
Tchad,
Togo, Vallée d'Aoste*,
Vanuatu,
Wallis-et-Futuna*. |
3 |
arabe |
280 |
23 |
Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn,
Comores*,
Djibouti,
Égypte, Émirats arabes unis, Irak,
Israël,
Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc,
Mauritanie,
Oman, Palestine, Qatar, Soudan, Syrie,
Tchad,
Tunisie, Yémen. |
4 |
espagnol |
436 |
23 |
Açores*, Argentine, Bolivie, Canaries*, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Équateur, Espagne, Guatemala,
Guinée équatoriale,
Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou,
Porto Rico*, République Dominicaine,
Salvador, Uruguay, Venezuela. |
5
|
portugais |
218 |
9 |
Angola, Brésil, Cap-Vert, Guinée-Bissau,
Madère*,
Mozambique, Portugal, Sao Tomé-et-Principe; Timor oriental. |
6
|
allemand |
76 |
6 |
Allemagne, Autriche,
Belgique,
Liechtenstein,
Luxembourg,
Suisse. |
7
|
malais |
77 |
4 |
Brunei, Indonésie, Malaisie,
Singapour. |
8
|
néerlandais |
21 |
4 |
Belgique, Pays-Bas, Surinam,
Territoires néerlandais d'outre-mer*. |
9 |
italien |
63 |
4
|
Italie,
Suisse, Saint-Marin, Vatican. |
10 |
chinois |
897 |
3 |
Chine,
Singapour, Taiwan.
|
11 |
serbe
|
21 |
3 |
Bosnie-Herzégovine,
Kosovo,
Serbie.
|
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
|
coréen
tamoul
turc
swahili
roumain/moldave
persan
grec
suédois
créole
danois
albanais |
76 67
71
16
26
24
12
9
10
5,2 4,0 |
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2 2 |
Corée du Nord, Corée du Sud.
Sri Lanka,
Singapour;
Chypre du Nord, Turquie.
Kenya,
Tanzanie.
Roumanie, Moldavie.
Afghanistan, Iran.
Chypre du Sud, Grèce.
Finlande, Suède.
Haïti,
Seychelles.
Groenland*,
Danemark. Albanie,
Kosovo |
|
|
|
|
Source: National
Encyklopedin, Wikipedia 2017 |
Ces 22 langues compte 2,854 milliards de
locuteurs pour 203 États, ce qui représente 38% des locuteurs du monde. L'anglais ravit facilement la première position puisqu'il jouit du statut de langue officielle dans
62 États. Il
est suivi par le français dans 42 États, puis par l'arabe et l'espagnol dans 23
États chacun. Ce sont là les trois langues les plus internationales qui soient
parce qu'elle sont utilisées et parlées dans de nombreux pays.
Par ailleurs, le portugais est la langue officielle dans
neuf États,
l'allemand dans six, le malais, le néerlandais et l'italien dans quatre, le
chinois et le serbe dans trois. Les dix langues suivantes sont
officielles dans deux États: le coréen, le tamoul, le turc, le swahili, le
roumain, le persan (appelé farsi
ou dari), le grec, le suédois, le créole et le danois. Bref, de toutes les
langues multiétatiques, l'anglais (62), le français (42), l'arabe (23) et
l'espagnol (23) occupent des positions privilégiées, car ces langues sont parlées
dans plus de 20 États et sur plus d'un continent.
Cependant, certains États non souverains (Hong Kong,
Porto Rico, Guyane française, Martinique, Canaries, etc.) font partie de la
liste pour des raisons d'ordre géopolitique: ce sont des États associés, des
départements ou territoires d'outre-mer appartenant surtout aux États-Unis, à la
France ou au Royaume-Uni. Soulignons aussi que le nombre total des locuteurs
d'une langue dépasse parfois celui des habitants du pays dont c'est la langue
officielle: par exemple, le créole, l'azéri, le hongrois, le catalan, etc.
Cela signifie que le nombre total des locuteurs de ces langues est supérieur à
celui où ils sont concentrés.
- Les langues mono-étatiques
Le tableau 2 montre
les 60 langues officielles mono-étatiques, c'est-à-dire utilisées officiellement
dans un seul État. Or, ces 60 langues ne sont pas équivalentes. Par exemple,
l'hindi (pays de 1 419 milliard
d'individus) ne peut se comparer avec l'islandais
(323 675 locuteurs).
Nombre |
Langue
officielle
mono-étatique |
Pays |
Population locale |
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 |
afrikaans
amharique
arménien
azerbaïdjanais
bengali
bichlamar
biélorusse
birman
bokmål
bulgare |
Afrique du Sud
Éthiopie
Arménie
Azerbaïdjan
Bangladesh
Vanuatu
Biélorussie
Birmanie
Norvège
Bulgarie |
54 956 900
102 374 044
3 060 631
9 762 200
160 339 154
286 434
9 498 700
54 363 000
5 214 890
7 153 784 |
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20 |
cantonais
catalan
chamorro
dzongkha
estonien
filipino/tagalog
hongrois
finnois
géorgien
hébreu |
Hong Kong
Andorre
Guam
Bhoutan
Estonie
Philippines
Hongrie
Finlande
Géorgie
Israël |
7 167 403
71 732
162 896
733 643
1 315 944
102 815 800
9 830 485
5 499 514
4 490 500
8 334 000 |
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30 |
hindi
irlandais
islandais
japonais
kazakh
khmer
kinyarwanda
kirghiz
kiribati
kirundi |
Inde
Irlande
Islande
Japon
Kazakhstan
Cambodge
Rwanda
Kirghizie
Kiribati
Burundi |
1 338
115 311
4 664 156
323 675
126 820 000
17 541 200
15 458 332
12 337 138
5 895 062
104 488
9 420 248 |
|
Nombre |
Langue
officielle
mono-étatique |
Pays |
Population
locale |
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40 |
laotien
letton
macédonien
maldivien
malgache
maltais
mongol
népali
nynorsk
ourdou |
Laos
Lettonie
Macédoine
Maldives
Madagascar
Malte
Mongolie
Népal
Norvège
Pakistan |
6 803 699
1 968 957
2 064 032
393 595
21 842 167
434 403
2 953 190
28 000 000
5 214 890
207 774 520 |
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50 |
ouzbek
pachtou
polonais
russe
samoan
sésotho
singhalais
slovaque
slovène
somali |
Ouzbékistan
Afghanistan
Pologne
Russie
Samoa occidentales
Lesotho
Sri Lanka
Slovaquie
Slovénie
Somalie |
30 492 800
32 207 685
37 967 209
146 544 710
196 628
1 942 008
20 675 000
5 407 910
2 064 188
12 316 895 |
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60 |
swati
tadjik
tchèque
thaï
tingrinya
tonguien
turkmène
tuvaluan
ukrainien
vietnamien |
Swaziland
Tadjikistan
République tchèque
Thaïlande
Érythrée
Tonga
Turkménistan
Tuvalu
Ukraine
Vietnam |
1 419 623
8 354 000
10 445 783
65 242 920
6 380 803
106 440
5 171 943
10 782
42 774 605
91 700 000 |
|
La puissance politique, et donc la capacité de diffusion, est nécessairement
moindre pour les petites langues que pour les grandes langues telles le russe,
l'hindi, le japonais ou l'ourdou. Le russe ne contrôle qu'un seul État (la
Russie), mais celui-ci s'étend sur un très vaste territoire réparti sur deux
continents avec une puissance démographique, économique, militaire et culturelle
indéniable. Quant au japonais, sa faiblesse politique et la faible superficie du
Japon sont compensées par une très forte puissance économique, culturelle et
démographique produisant un impact sur tout le continent asiatique. L'hindi
demeure la langue de 295 millions de personnes dans un pays (l'Inde) qui reste une
puissance non négligeable, voire enviable, aux plans politique, commercial et
culturel.
Quant à plusieurs autres langues mono-étatiques, elles diffèrent aussi
par leur poids relatif d'ordre démographique, culturel, militaire, etc. Par
exemple, le vietnamien (76 millions de locuteurs), le polonais (40 M) et l'ukrainien (30
M)
ne sauraient se comparer au kirundi (8,8 M) du Burundi, au swati (2,3 M) du
Swaziland ou au chamorro (30 300) de l'île Guam. Les 60 langues bénéficiant du
statut d'officialité dans leur pays respectif n'ont pas le même poids parce que
leur force politique est contrebalancée ou renforcée par leurs forces ou leurs
faiblesses sur d'autres plans. Ainsi, le poids relatif du maldivien aux
Maldives, du dzongkha au Bhoutan, du tonguien à Tonga, ou du tuvaluan à Tuvalu
n'atteindra jamais celui du catalan parlé par 9,2 millions de locuteurs et dont
la langue n'est officielle que dans la petite principauté d'Andorre (État
souverain); toutefois, le catalan est non seulement la langue co-officielle dans
plusieurs régions d'Espagne (Catalogne, Pays valencien et îles Baléares), mais
il peut compter sur une force numérique plus élevée.
5.3 L'échec politique: un frein à
l'expansion linguistique
Dans l'avenir, les langues les mieux à même de progresser
seront celles qui contrôlent au moins un État. Comme le soulignait Jean Laponce
dans Langue et territoire (CIRAL, 1984, p. 105), celles qui demeureront
sans État souffriront d'un handicap difficilement surmontable:
Les langues qui n'ont pas d'État sont en
très mauvaise posture pour la phase à venir du conflit des langues,
conflit qu'intensifient les communications universelles et rapides
qui mobilisent de grandes masses de population dans des ensembles
culturels, économiques et politiques multilingues.
|
Même si le pouvoir politique constitue une force
incontestable, l'histoire offre pourtant des cas où l'exercice du pouvoir
politique a abouti à un échec. L'Inde n'a pas encore réussi depuis 1947 à
remplacer l'anglais par l'hindi; l'Irlande a échoué complètement dans sa
politique d'implanter l'irlandais depuis 1949; Haïti n'applique qu'un
bilinguisme déclaratoire à l'égard du créole; le statut «officiel» de l'arabe
aux Comores est tout aussi symbolique; le kirundi au Burundi et le kinyarwanda
au Rwanda n'ont pas encore trouvé la place qui leur revient en tant que langues
co-officielles avec le français (et l'anglais au Rwanda). Et il existe bien d'autres cas similaires.
Dans tous ces cas, des considérations politiques viennent
contrecarrer l'interventionnisme linguistique. En Inde, c'est le nationalisme
linguistique de plusieurs États fédérés de langue dravidienne (le sud du pays), qui
refusent la prépondérance de l'hindi venant du Nord. En Irlande (république), l'omniprésence
de l'anglais est telle qu'elle écrase les quelque 55 000 irréductibles qui
utilisent encore l'irlandais à la maison (sur une population de 4,6 millions).
Quant à Haïti (créole), au Burundi (kirundi) et au Rwanda (kinyarwanda), la faiblesse du pouvoir politique est
telle que l'État ne peut que difficilement imposer sa langue nationale. Enfin, aux
Comores où l'arabe n'a qu'une fonction religieuse, on ne trouve à peu près aucun
locuteur parlant l'arabe coranique (dit classique), mais plutôt
le comorien, une langue apparentée au swahili de la
famille bantoue. On pourrait
parler aussi de l'Algérie, du Maroc, de l'Érythrée, de la Libye, de la
Mauritanie, du Soudan, du Tchad, etc., tous des pays dont la population utilise
quotidiennement un arabe local.
Le facteur politique ne peut pas agir seul; il ne peut que
renforcer un statut déjà créé par d'autres facteurs. Ainsi le malais n'aurait pu
devenir la langue officielle en Indonésie s'il n'avait été au préalable la langue
de l'économie dès 1928; l'observation vaut pour le malgache à Madagascar,
l'amharique en Éthiopie ou le mandarin à Taiwan qui, au départ, ont été des
langues dominantes sur les plans économique et militaire; quant au cas
particulier de l'hébreu, celui-ci représentait une telle force symbolique et
religieuse que le pouvoir politique n'a eu qu'à récupérer.
Le facteur politique se révèle un instrument extrêmement
puissant s'il se combine à d'autres facteurs, mais il devient inutile ou
seulement symbolique s'il agit
seul. Contrairement aux facteurs d'ordre économique, culturel ou militaire, la
puissance politique doit compter sur le consensus social; dans le cas contraire,
elle court le risque d'opérer à vide.
Le facteur proprement linguistique est principalement relié à
la proximité ou la distance génétique (ou typologique) des langues, puis aux
problèmes relatifs à leur codification ou à leur normalisation. Cependant, comme
nous le verrons, les variables associées à la proximité des langues ont un
impact moindre que celles rattachées à la codification et à la normalisation.
6.1 La proximité linguistique
On sait que la plupart des idiomes du monde appartiennent à
des familles de langues. Certaines langues sont plus apparentées entre elles
qu'avec d'autres; par exemple des langues romanes comme le français, l'italien
et l'espagnol sont différentes des langues germaniques comme l'anglais,
l'allemand et le néerlandais. Les linguistes, on le sait, ont élaboré des
méthodes de classification des langues en fonction de certaines caractéristiques
communes de leurs structures. Lorsque les langues présentent des ressemblances,
on parle de proximité linguistique; au contraire, lorsqu'elles sont très
différentes, on parle de distance linguistique.
La proximité linguistique facilite le passage d'une langue à
une autre, par exemple de l'espagnol au français, et vice versa. Elle favorise donc l'apprentissage de l'une à partir de l'autre, et
même la compréhension mutuelle avec peu d'efforts préalables. Cette proximité
favorise aussi les transferts linguistiques et, par voie de conséquence, les
langues fortes aux dépens des langues faibles. C'est ainsi que, en Espagne, la
proximité du catalan et de l'espagnol, ainsi que celle moindre du galicien et de
l'espagnol, facilite l'apprentissage de la langue officielle de l'État espagnol,
mais aussi l'assimilation des Catalans et des Galiciens, ce qui ne peut que
contribuer à l'expansion de l'espagnol (appelé castillan en Espagne).
La distance linguistique, au contraire,
en compliquant en principe l'apprentissage et la compréhension mutuelle, nuit à
l'expansion de certaines langues. C'est ce qui peut expliquer que les Basques,
qui parlent une langue très différente de l'espagnol, s'assimilent moins que les
Catalans. Pour les Québécois, la distance linguistique du français par rapport à
l'anglais constitue une sorte de rempart à l'anglicisation. Ces variables jouent
un rôle important dans la mesure où évidemment d'autres facteurs économiques et
politiques sont prépondérants.
La proximité linguistique explique, mais seulement en partie,
soulignons-le, que les Catalans et les Galiciens apprennent sans grand effort
l'espagnol et que les Espagnols peuvent réussir à savoir le catalan en six mois
seulement. Par contre, l'apprentissage du basque se révèle extrêmement difficile
pour l'Espagnol moyen, même après plusieurs années d'études. D'ailleurs, comment
expliquer que plus de 99 % des Catalans soient bilingues alors que moins de 30 %
des francophones du Québec le soient. La ressemblance des langues telles
l'espagnol et le catalan favorise nettement le bilinguisme catalan-espagnol,
tandis que la distanciation entre le français et l'anglais freine la
bilinguisation. En France, les immigrants portugais et espagnols s'intègrent
plus facilement à la majorité que ceux qui proviennent du Maghreb (Maroc,
Algérie, Tunisie), notamment grâce à la similitude des langues. Mais les
facteurs linguistiques n'expliquent pas tout et ils ne suffisent généralement
pas à faire apprendre ou à empêcher d'apprendre une langue.
6.2 La normalisation et la
codification des langues
Les langues diffèrent non seulement par leur distance
structurelle, mais aussi par le niveau de développement qu'elles ont atteint.
Certaines langues ont pu accéder à un haut degré de normalisation et à un haut
degré de codification; d'autres, non.
- La codification
La codification est une
intervention politique qui consiste à élaborer et à produire un appareil de
références des usages linguistiques; ceux-ci sont alors rassemblés, fixés,
recommandés ou prescrits par des spécialistes en matière de langue. Grâce à la
codification, on peut créer un système d'écriture ou un alphabet, rédiger des
grammaires, des dictionnaires ou des lexiques, des manuels d'enseignement,
susciter la création d'
œuvres littéraires, de livres utilitaires, de livres
scientifiques ou techniques, etc. Généralement, on est plus porté à apprendre
une langue qui dispose de tels ouvrages; à l'opposé, on n'apprend pas une langue
pour laquelle on ne trouvera que peu ou aucun document de référence. C'est ce
qui explique que, dans le monde, on apprend un nombre limité de langues et que
ce sont toujours les mêmes: l'anglais, le français, le russe, l'allemand,
l'espagnol.
Les langues codifiées correspondent la plupart du temps à des
langues standardisées, c'est-à-dire officielles, donc investies de l'autorité et
de la légitimité d'un corps de spécialistes en la matière. Codifié dans les
grammaires, les dictionnaires et autres ouvrages de correction de la langue, de
même que dans les textes littéraires, l'usage prescrit est le résultat d'une
sélection rigoureuse, d'une épuration, puis d'une uniformisation, d'une
stabilisation et, finalement, d'une diffusion sur de grandes distances.
- La normalisation
Une fois codifiée, il est plus aisée pour une langue de
devenir normalisée. Une langue est
normalisée lorsque son usage codifié est étendue à l'ensemble d'une société.
Cette normalisation se fait par l'entremise de l'appareil gouvernemental et de
l'administration publique, du système d'enseignement, des médias, de la
publicité, etc., et concerne toutes les communications institutionnalisées.
Toute langue qui passe par le processus de codification et de normalisation est
assurée d'un avenir prometteur. Après avoir prescrit un usage linguistique dans
les communications institutionnalisées, il s'agit ensuite d'étendre cette
pratique dans les communications individualisées. On développe alors des
institutions normalisatrices de la langue, c'est-à-dire un système et des
établissements d'enseignement, mais aussi des commissions de terminologie et des
organismes chargés de veiller sur la langue. Une langue codifiée et normalisée
jouit nécessairement d'un statut institutionnel qui est imposé par l'État à tous
les citoyens. Cette langue devient comme la seule légitime, et cela, d'autant
plus impérativement qu'elle est proclamée langue officielle.
- L'écriture
L’écriture est un moyen de communication permettant la
représentation du langage humain par l'inscription de signes linguistiques. Dans
les sociétés humaines, l'écriture rend possible la transmission et l'échange
d'informations, la codification des lois, la tenue de comptes financiers, sinon
l'enregistrement de l'histoire. C'est à partir du IVe
millénaire avant notre ère que la complexité du commerce et de l'administration
dans la région de la Mésopotamie ont favorisé l'apparition de l'écriture. Dès
lors, il n'était plus possible de se contenter de la mémorisation jusque là
seule connue pour conserver les transactions. L'écriture devenait une méthode
beaucoup plus fiable pour enregistrer et conserver les données. Ainsi, dans
l'Égypte antique et en Mésopotamie, l'écriture a pu évoluer afin d'élaborer des
calendriers et de consigner les événements historiques et commerciaux. De ce
fait, l'écriture a joué un rôle décisif dans la conservation de l'Histoire, dans
la diffusion de la connaissance et dans la formation du système juridique. Par
voie de conséquence, la généralisation de l'écriture a eu des effets importants
pour la pérennité de certaines langues, bien que cela n'ait pas nécessairement
empêché des langues de disparaître (sumérien, akkadien, hittite, phénicien,
latin, etc.).
Au XXIe siècle,
sur environ 7000 langues parlées dans le monde, environ 300
d'entre elles sont écrites réparties dans une cinquantaine de types
d'écriture. Cela signifie que la plupart des langues du monde
n'existent pas sous une forme écrite, elles n'ont ni orthographe ni
littérature permettant d'apprendre à lire aux locuteurs qui parlent ces
langues ou de leur ouvrir l'accès au patrimoine universel des connaissances
en mathématiques, en médecine, en physique, en histoire, etc. Évidemment,
les langues non écrites ont non seulement beaucoup moins de chances de
prendre de l'expansion, mais elles risquent davantage de se faire évincer
par les langues écrites. Bref, tous les langues fortes sont des langues
écrites.
- L'officialisation
Or, on a tendance à apprendre prioritairement une langue
officielle parce qu'elle jouit d'un prestige dont ne bénéficient pas les autres
langues. Le norvégien, le malgache, l'hébreu et le catalan constituent des exemples
intéressants.
Ce n'est pas par hasard que le norvégien, dominé par le danois de
1397 à 1814, a pu reprendre graduellement sa place en Norvège à partir du moment
où il a été codifié, normalisé puis déclaré langue officielle.
Mais c'est après le plébiscite d'août 1905 que le peuple
norvégien opta par une large majorité pour la séparation de la Suède; le
Parlement suédois (le Riksdag) ratifia l'indépendance de la Norvège en
octobre. Par la suite, le mouvement nationaliste éveilla chez les Norvégiens le
désir d'avoir une langue qui soit vraiment la leur. Ce faisant, les divers
gouvernements norvégiens pratiquèrent des politiques de «norvégianisation» à
l'égard de leurs minorités nationales. En 1929, une loi du Parlement changea le
nom des deux langues norvégiennes: le landsmål devint le
nynorsk (prononcer [nu-norsk] comme dans
flûte), c'est-à-dire le «nouveau norvégien», et le riksmål
s'appela le bokmål (prononcer [bouk-môl]
comme dans bouc et pôle), c'est-à-dire la «langue
des livres». Aujourd'hui, le nynorsk et le bokmål constituent les deux langues
officielles du pays à égalité de statut.
Ce n'est pas
l'effet du hasard qui a permis au malgache de Madagascar de se libérer du français sur le
plan linguistique. Colonie française de 1895 à 1960, Madagascar a utilisé le
français comme seule langue officielle durant toute cette période. Au lendemain
de l'indépendance, le français et le malgache sont devenus les deux langues
officielles de la République malgache, engendrant une véritable situation néo-coloniale, où les firmes françaises et les Français conservaient la plupart
de leurs privilèges. À partir de 1972, le gouvernement a entrepris la
nationalisation des grandes compagnies françaises et a proclamé ensuite le
malgache seule langue officielle de la République. L'imposition du malgache ne
s'est pas réalisée sans difficultés, mais de tous les pays du tiers monde
Madagascar est l'un de ceux qui ont le mieux réussi à codifier et à normaliser
sa langue nationale.
L'exemple de l'hébreu en Israël paraît encore plus frappant.
Cette langue a cessé d'être utilisée comme langue parlée dès le IIe
siècle de notre ère. Déclarée langue morte, l'hébreu a pu renaître de ses
cendres quelque 1700 ans plus tard pour devenir la langue officielle de l'État
d'Israël. Faire renaître une langue morte n'était pas une mince affaire avec une
population de 13 millions de personnes dispersées dans 102 pays et ignorant tout
de celle-ci. La renaissance de l'hébreu aurait été impossible sans les travaux
terminologiques de Ben Yehouda et de son équipe, menés pendant plus de 40 ans. L'État d'Israël a démontré qu'il était possible d'intervenir
pour promouvoir une langue que tous les dictionnaires et encyclopédies
classaient parmi les langues mortes. Pour y arriver, il a fallu intervenir sur
deux plans: le code et le statut. Les responsables juifs de la planification
n'ont jamais improvisé: un long travail lexicographique préliminaire a dû être
entrepris pendant que des stratégies furent mises au point pour valoriser et faire
apprendre la langue hébraïque. Le cas de l'hébreu ne fait pas exception à la règle: la
main de Dieu n'a jamais réussi, toute seule, à sauvegarder une langue. D'autres
facteurs, notamment d'ordre politique et idéologique, ont également joué.
Un autre exemple intéressant d'officialisation est celui du
catalan en Catalogne. Après la Reconquête espagnole sur les Arabes, les
comtes catalans se rendirent indépendants dès le Xe siècle.
En 1137, le royaume de Catalogne et celui d’Aragon furent réunis, mais le
catalan devint, conjointement à l'aragonais, la langue officielle du royaume
d'Aragon, lequel s'étendit dans tout leur empire arago-catalan, qui comprenait
la Catalogne (Catalunya Nova), le pays de Valence (Païs Valenciana),
les îles Baléares (Majorque, Ibiza et Menorca), la Sardaigne (ville d’Alguero),
la Sicile et la Corse. Durant tout le Moyen Âge, le catalan resta la langue
véhiculaire de ce vaste empire jusqu'à ce que, en 1469, Ferdinand d’Aragon
épousa Isabelle de Castille. La dynastie catalane d’Aragon s’éteignit en 1516.
Ce fut le début de la rude concurrence du catalan avec le castillan. L’Espagne
unifiée imposa la castillanisation du royaume, tandis que s'amorçait un long
déclin de la langue catalane. En 1659, les Catalans perdirent même la Catalogne
du Nord au profit de la France. Après la guerre civile espagnole (1936-1039) et
la victoire du général Franco, l'usage public du catalan fut interdit, et ce,
jusqu’en 1975, l’année de la mort du dictateur. En 1978, l'Espagne redevint un
État démocratique en délégant une partie de ses
pouvoirs à des gouvernements locaux: les Communautés
autonomes. C'est ainsi que le catalan redevint la langue officielle de la
Catalogne avec le castillan. Toutefois, la Catalogne s'est retrouvée avec deux
langues officielles, le catalan et le castillan, qui se font nécessairement
concurrence. Étant donné que le castillan est la langue officielle de toute
l'Espagne et que le Catalan n'est officiel que dans trois communautés autonomes
(Catalogne, Valence et îles Baléares), le catalan est en situation
d'infériorité, mais bénéficie néanmoins d'une protection juridique efficace.
Le fait que la plupart des langues du monde ne soient ni
codifiées ni normalisées explique leur faible diffusion, sinon leur
non-diffusion. Au contraire, les langues très codifiées et très normalisées
jouissent toutes d'une très grande propagation et d'un enseignement généralisé.
C'est une opinion très largement répandue que la force
d'attraction d'une langue résiderait dans sa valeur intrinsèque.
Contrairement à ce que plusieurs pourraient croire cependant, il n'y a pas de
langues en soi plus aptes que d'autres à s'étendre dans l'espace. L'idéologie de
la glorification des vertus de la langue n'a jamais favorisé l'expansion ou la
survie d'une langue sauf dans l'esprit de quelques idéalistes. Les jugements de
valeur qui portent sur l'esthétique d'une langue, ses qualités ou ses défauts,
ses prétendues dispositions et sa facilité d'apprentissage, relèvent de critères
fort discutables et reposent sur des considérations arbitraires.
7.1 La clarté et la précision des
langues
Certains affirment que le français, l'anglais et l'espagnol
sont des langues importantes en raison de leur clarté et de leur précision. Cela signifierait que les locuteurs de ces langues seraient
privilégiés. On pourrait bien se demander en vertu de quoi ce privilège n'a pas
été étendu aux 6700 autres langues de la planète. Aucun peuple n'accepterait de
changer de langue sous prétexte qu'une autre paraît plus performante.
On voit mal les Américains se mettre à apprendre l'apache ou
les Blancs d'Afrique du Sud le zoulou parce qu'une équipe de savants linguistes
aurait réussi à prouver que ces deux langues sont plus précises et plus claires
que l'anglais. En réalité, la clarté et la précision ne relèvent pas de la
langue elle-même, mais de la logique et de la pensée, c'est-à-dire de
l'utilisation personnelle du code.
7.2 La richesse et la pauvreté des
langues
D'autres soutiennent que l'anglais et le français sont des
langues riches par rapport à l'apache ou au zoulou, réputés pauvres.
On se fondera, pour porter un tel jugement, sur le nombre plus ou moins
important de mots spécifiques servant à désigner la réalité. Le français et
l'anglais compteraient quelques centaines de milliers de mots alors qu'on n'en
relèverait que quelques milliers en apache et en zoulou.
En ce sens, une langue serait riche ou pauvre selon le nombre
total de mots inscrits dans les dictionnaires. Cela suppose que les langues
écrites ont, au départ, un avantage sur les langues non écrites: celui de
pouvoir consigner les mots, même disparus, dans un répertoire. Dans la vie
courante, un anglophone moyennement instruit connaît vraisemblablement à peu
près le même nombre de mots qu'un Apache ou un Zoulou moyennement instruits.
Voici à ce sujet l'opinion de Pierre Alexandre, un africaniste (Langues et
langages en Afrique noire):
Il semble bien qu'en fait, on doive
admettre que le vocabulaire dont disposent tous les hommes est, à
quotient intellectuel égal des locuteurs, à peu près équivalent
d'une langue à l'autre, et que pour une langue utilisée dans une
civilisation technologiquement complexe, il faille parler de
différents dialectes spécialisés, inintelligibles d'une catégorie
professionnelle à l'autre. |
Selon le psychologue John Macnamara (The Bilingual's Linguistic
Performance. A Psychological Overview), la langue courante, c'est-à-dire
celle que nous utilisons sans avoir recours au dictionnaire, ne dépasse pas 6000
mots. Il faut dire aussi que la prétendue pauvreté des langues amérindiennes ou
africaines provient en grande partie de l'ignorance et de l'incompétence des
lexicographes (les auteurs des dictionnaires) occidentaux face aux langues
«exotiques» qu'ils étudient. De toute façon, ce n'est pas parce que certaines
langues sont «riches» qu'elles s'étendent, mais plutôt parce que leurs locuteurs
le sont, économiquement.
7.3 Les langues «primitives» et
«évoluées»
De même, plusieurs croient à l'existence de langues
primitives par rapport à des langues dites évoluées. Or, aussi loin
que l'on remonte dans l'histoire des langues, on n'a toujours affaire qu'à des
langues évoluées, c'est-à-dire développées, achevées, qui ont donc derrière
elles un passé considérable dont on ne sait rien, bien souvent. Toute langue
évolue nécessairement dans le temps, sinon elle meurt.
On associe les concepts de langue primitive et de
langue évoluée au développement du progrès scientifique ou technologique
occidental. En ce sens, dire que le zoulou est moins évolué que
l'anglais, c'est comme dire que la trajectoire d'un DC-9 est plus primitive et
moins évoluée que celle d'un Concorde. D'après le linguiste William Labov: «Il ne semble pas
que les langues se fassent toujours meilleures, et rien ne montre l'existence
d'un progrès dans l'évolution linguistique.» Il est vrai que toutes les langues
évoluent dans le temps, mais cela ne leur confère pas en soi une supériorité. Ce
sont des événements extérieurs à la langue qui la feront évoluer dans un sens ou
dans un autre. Autrement dit, les peuples «primitifs» me parlent pas des langues
«primitives» et les peuples «civilisés» ne parlent pas des langues «civilisées».
7.4 La beauté et la pureté des
langues
D'autres encore soutiennent que telle ou telle langue est
plus belle, plus douce, plus musicale qu'une autre. De là à prétendre que la beauté supposée d'une langue favorise son expansion, il n'y a qu'un pas...
Mais les critères de la beauté correspondent à des clichés culturels, sujets à
des discussions dont l'issue est toujours aléatoire. En fait, on confond souvent
la langue et le sentiment que l'on éprouve pour le peuple qui la parle; un
peuple que l'on estime aura une belle langue, un peuple méprisé, une langue
laide. Pour un francophone, l'anglais, l'espagnol, l'italien et le
suédois sont généralement considérés comme de belles langues; il est peu
probable que les mêmes personnes considéraient avec la même perception le créole
haïtien, l'apache, le zoulou ou... l'allemand des films de guerre («une langue
dure, rude, militaire», diraient plusieurs). Pourtant, beaucoup de locuteurs
sont convaincus de la grande beauté de leur langue. Par exemple, lors de
rencontres scientifiques, certains érudits arabophones peuvent s'émerveiller de
la beauté de la langue arabe classique, ce qui fait sourciller plus d'un
linguiste. Comme le soulignait le grand linguiste André Martinet:
[Ces jugements] se fondent en fait sur les
sentiments qu'on éprouve pour la nation qui fait usage de la langue
en cause, sur la nature des contacts qu'on a établis avec ses
usagers, sur le goût que l'on a pour le pays où on l'a entendue, sur
l'attrait de la littérature dont elle est le support.
|
D'autres croiront que la survie d'une langue dépend de sa
pureté. Une langue pure, c'est-à-dire
non corrompue par des éléments étrangers au cours de son évolution, aurait plus
de chance de faire face à la concurrence des autres langues. Cela n'explique pas
comment il se fait que l'anglais, après avoir emprunté près de 60 % de son
vocabulaire au français dans les siècles passés, soit devenu la première langue
du monde.
Il n'existe évidemment pas de langue pure, corrompue,
dégénérée ou bâtarde, ou alors toutes les langues le sont, car elles résultent
de transformations antérieures: le français contemporain serait un français
dégénéré du XVIIe siècle,
celui-ci étant une corruption du
français du XIIe siècle, produit
abâtardi
du latin, lui-même dégradé de
l'indo-européen primitif, et ainsi de
suite jusqu'à Adam (dans la Bible), le seul humain à avoir pu parler une langue
absolument «pure». Il n'y a pas de langue pure: toutes les langues sont
profondément métissées sans que la communication en soit pour autant altérée.
Par exemple, le français est une langue issue du latin qui, au passage, a
emprunté au grec, à l'arabe, au néerlandais, à l'allemand, à l'espagnol et au
portugais, à l'italien, à l'anglais, et à une multitude d'autres langues.
L'anglais, pour sa part, est issu du germanique, mais a emprunté des milliers de
mots au vieux-norrois, au grec, au latin, au français (massivement) et à une
multitude d'autres langues. On n'en finirait plus...
7.5 Les prétendues qualités innées
d'une langue
Ce n'est pas non plus en vertu de quelque disposition
naturelle qu'une langue s'impose dans des domaines prestigieux comme le
commerce, les sciences ou la musique. Par exemple, rien dans le système
linguistique de l'anglais ne le prédispose à dominer les affaires ou les
sciences. Ce n'est pas à cause de qualités innées que l'anglais est la
langue internationale du commerce et des sciences. L'apache ou le zoulou
pourrait tout aussi bien faire l'affaire si l'empire commercial et scientifique
de notre temps était apache ou zoulou.
On sait que, dans les siècles passés, l'égyptien, le
babylonien, le phénicien, le grec, le latin, le français et l'italien ont déjà
joué le rôle que joue l'anglais aujourd'hui. Au Moyen Âge, la plupart des
intellectuels anglais étaient même convaincus que la langue anglaise allait
régresser devant le latin qui, d'après eux, était destiné à un avenir
prometteur. Non seulement le français a devancé le latin, mais celui-ci a été
supplanté par toutes les langues vernaculaires; on connaît aujourd'hui le sort
qu'ont connu le latin et l'anglais par la suite.
Un autre point que l'on soulève souvent:
le degré de difficulté d'une langue. On
semble accepter généralement l'idée que certaines langues sont plus difficiles
ou plus faciles à apprendre que d'autres. Nombreux sont ceux qui croient que
l'anglais doit à sa prétendue facilité d'apprentissage son pouvoir d'attraction
à l'heure actuelle. Le degré de difficulté d'une langue demeure toujours une
question très discutable et arbitraire, parce que l'on doit se placer du point
de vue de la personne qui l'apprend comme langue seconde.
Les difficultés d'apprentissage dépendent d'un ensemble de
facteurs relativement complexes. Abstraction faite de tout contexte
sociologique, un francophone devrait apprendre assez facilement les langues
suivantes: l'italien, l'espagnol, le roumain, le portugais, le malais et le
turc, sans compter un assez grand nombre de langues africaines. Bien que ces
langues soient techniquement faciles pour un francophone en raison d'affinités
ou de compatibilités typologiques, c'est l'anglais, plus difficile pour
plusieurs, qui est appris. Un anglophone peut apprendre l'espagnol, alors qu'il
lui serait plus aisé de faire l'apprentissage du néerlandais ou du frison.
Mais pourquoi un anglophone apprendrait-il le frison, une langue pourtant très proche de
l'anglais? Or, le frison n'a aucun pouvoir d'attraction en dehors de son aire
géographique restreint. Si le chinois paraît insurmontable à un Américain, il n'en est pas de
même pour un Tibétain ou un Birman. Pour un francophone, le basque, le birman,
le chinois, le coréen, le géorgien paraîtront des langues extrêmement complexes
et posent des problèmes techniques redoutables. Pas nécessairement pour un
arabophone ou un hindiphone!
La plus grande force d'attraction d'une langue seconde dépend
en fait de la motivation. On n'apprend pas
le basque, le swahili, l'apache ou le zoulou, simplement parce qu'on n'a
généralement aucune raison de les apprendre. Qu'une multinationale américaine
propose à l'un de ses employés unilingues de quadrupler son salaire moyennant la
connaissance du chinois, du basque ou du zoulou, et notre Américain viendra à
bout de toutes les difficultés. C'est pour des raisons utilitaires qu'un
Américain du sud des États-Unis apprendra l'espagnol de préférence à toute autre
langue, qu'un Frison préférera le néerlandais à l'anglais, qu'un Sénégalais
choisira le français avant l'anglais, qu'un Québécois francophone préférera
l'anglais ou l'espagnol avant le portugais ou l'italien, etc.
Par ailleurs, on peut aussi décider de
ne pas apprendre une langue en
raison de facteurs psycho-affectifs. Il devient à peu près impossible à un
Arménien d'apprendre le turc s'il n'oublie pas le génocide dont son peuple a été
victime de la part des Turcs en 1915. Lors de la Seconde Guerre mondiale,
l'apprentissage de l'allemand a connu une chute remarquable aux États-Unis
pendant que sa cote remontait en France; les Américains refusaient d'apprendre
l'allemand pour des raisons idéologiques, alors que des raisons pratiques
incitaient les Français à le parler; depuis, ces derniers se sont mis à
l'anglais, comme le reste de la planète. On peut présumer que l'anglais va
progressivement remplacer le russe dans tous les anciens pays de l'Est et ce ne
sera pas pour faire plaisir aux Américains ou parce que les populations les aiment. Suite aux
attentats de New York du 11 septembre 2001, les Américains ont appris avec
stupeur qu'ils pouvaient être détestés, alors qu'ils croyaient être admirés
béatement par le monde entier. Bref, on apprend l'anglais pour des raisons
pratiques: espérer communiquer avec le monde entier. Même la disparition des États-Unis
n'entraînerait plus maintenant la déchéance de l'anglais, car la disparition
d'une grande langue est toujours très lente, comme l'ont démontré les exemples
du latin, du grec, du sanskrit, de l'araméen, etc. Comme on peut le constater,
le degré de difficulté d'une langue relève d'un phénomène complexe qui n'a que
peu à voir avec le pouvoir d'attraction ou de répulsion de cette langue.
Quoi qu'il en soit, les langues prennent de l'expansion et
accroissent le nombre de leurs locuteurs en fonction d'un ensemble de facteurs
d'ordre militaire, économique, culturel, linguistique, etc. Un seul facteur
d'expansion est insuffisant pour assurer la diffusion d'une langue. Mais
l'accumulation de toute une série de facteurs en favorisera la pérennité... pour
quelques siècles. Dans le cas des langues artificielles, le seul facteur
d'attraction repose sur leur prétendue facilité d'apprentissage. Mais c'est
nettement insuffisant! Dans la situation actuelle,
seules quelques langues peuvent prétendre jour un rôle véhiculaire dans le monde
entier. Il s'agit des
langues internationales (anglais,
arabe,
chinois,
espagnol,
français,
portugais,
russe) dont on traitera dans la
section suivante.
Dernière mise à jour:
17 déc. 2023
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Vitalité et mort des langues
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