L'espagnol
L'expansion de la langue espagnole s'est amorcée au XVe siècle à la faveur des visées colonialistes des rois de la Vieille-Castille et de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Les conquêtes militaires se sont étendues sur le continent africain et aux Philippines. Au cours du XXe siècle, l'expansion de l'espagnol s'est poursuivie uniquement aux États-Unis pendant que cette langue déclinait ailleurs dans le monde, notamment en Afrique où il ne reste plus que la Guinée équatoriale à avoir conservé l'espagnol comme langue officielle. Depuis la promulgation de la Constitution de 1986, l'espagnol n'a plus aucun statut aux Philippines. Et paradoxalement, le statut de l'espagnol a été quelque peu réduit en Espagne même où la Constitution espagnole de 1978 a reconnu aux Communautés autonomes le droit d'affirmer leur caractère distinct, notamment en Catalogne, au Pays basque, au Pays valencien, en Galice et aux îles Baléares.
Carte reproduite avec l'aimable autorisation de M. Mikael Parkvall de l'Institutionen för lingvistik, Université de Stockholm.
Contrairement aux anglophones et aux francophones, les locuteurs hispanophones ne sont pas répartis sur les cinq continents; on les trouve principalement en Amérique (Amérique latine) et en Europe (Espagne et dépendances comme les îles Canaries), ainsi qu'en Afrique avec la Guinée équatoriale, sans oublier le Sahara occidental et les enclaves espagnoles de Ceuta (20 km²) et Melilla (12 km²) sur la côte marocaine. Revendiquées par le Maroc, Ceuta (78 862 habitants) et Melilla (72 000 habitants) comptent plus de 50 % d'habitants d'origine espagnole et les autres sont d'origine arabe et musulmane. Du fait de l'accession de l'Espagne à l'Union européenne en 1996, Ceuta (rattachée administrativement à la province de Cadix) et Melilla (rattachée à la province de Malaga) sont considérés comme des territoires espagnols et font partie de l'Union européenne tout en conservant leur statut de ports libres.
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L'ensemble des 21 pays hispanophones
compte quelque 447,6 millions de locuteurs. On peut consulter ici le
tableau
des pays où l'espagnol est la langue officielle. Mais de ce nombre, 380
millions d'individus, soit 85 % des locuteurs hispanophones, utilisent
l'espagnol comme langue maternelle. Autrement dit, la base linguistique
de l'espagnol ne repose pas sur quatre ou cinq pays comme c'est la cas pour
l'anglais (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, etc.) et le français (France,
Congo-Kinshasa, Canada, etc.), mais sur l'ensemble de tous les pays hispanophones, c'est-à-dire
une vingtaine d'États.
En fait, deux pays seulement ne sont pas massivement de langue espagnole: le Paraguay (6,7 M) en Amérique du Sud et la Guinée équatoriale (1,2 M) en Afrique. Au Paraguay, 88 % de la population parle le guarani comme langue maternelle; en Guinée équatoriale, 80 % des Équato-Guinéens parlent le fang, mais les 20% qui restent parlent d'autres langues bantoues. Bref, la population de ces deux pays parle l'espagnol comme langue seconde. Les 21 États ou territoires dont l'espagnol est la langue officielle abritent une population de langue maternelle dans une proportion atteignant 77 % de la population. |
Les pays hispanophones les plus linguistiquement homogènes sont les suivants: l'Argentine (97%), Porto Rico (97%), le Chili (93%), le Salvador (92%), le Venezuela (92%), le Honduras (91%), Cuba (90%), le Costa Rica (90%) et le Nicaragua (90%. Suivent le Mexique (88%), la République dominicaine (87%), l'Uruguay (87%), la Colombie (80%), l'Équateur (78%), le Panama (78%) et le Pérou (76%). Paradoxalement, c'est l'Espagne, l'ex-mère patrie, qui présente une population plus disparate avec une proportion de 64% d'Espagnols qui ont le castillan comme langue maternelle. En Espagne, les minorités parlent le catalan, le galicien ou le basque. En Amérique du Sud, elles parlent des langues amérindiennes.
En Amérique du Sud, l'espagnol est minoritaire en Bolivie (43%) et au Paraguay (20%). En Bolivie, 43% des habitants parlent l'espagnol comme langue maternelle, mais plus de 50 % utilisent l'une des 36 langues amérindiennes dont le quechua (36,4 %), l’aymara (22,5 %). Au Paraguay, 88% de la population utilise le guarani comme langue maternelle. Dans ce pays, près de 97 % de la population parle le guarani soit comme langue maternelle soit comme langue seconde. Selon le paragraphe 2 de l'article 140 de la Constitution paraguayenne (1992): «Ses langues officielles sont le castillan et le guarani.» Cette situation ressemble à celle de plusieurs États francophones ou anglophones d'Afrique: une infime minorité utilise la langue officielle comme langue maternelle.
Quant à la Guinée équatoriale, coincée par le Cameroun et le Gabon (deux États de langue française), l'espagnol y demeure la langue officielle (avec le français), mais 80% de la population parlent le fang et 25 % se partagent les sept autres langues de ce petit État de 1,2 million d'. Durant l’année 1998, le Parlement a adopté la Loi constitutionnelle portant modification de l'article 4 de la Loi fondamentale et établissant que «les langues officielles de la république de Guinée équatoriale sont l'espagnol et le français». Dans les faits, l'espagnol est la première langue officielle, le français, la seconde.
L'analyse de la situation de l'espagnol dans le monde ne serait pas
complète sans un examen de sa présence aux États-Unis. Même si
l'espagnol ne détient pas de statut officiel, le groupe hispanophone
(appelé aussi «hispanique») n'en constitue pas moins la minorité la
plus importante dans ce pays.
Les locuteurs de l'espagnol, des Latinos-Américains pour la plupart, sont sont appelés des «Hispaniques» du fait qu'il sont originaires des différents pays hispanophones de l'Amérique latine. En 2015, ils représentaient 17,6% de la population totale des États-Unis et environ 23% des naissances. Les Hispaniques sont aujourd'hui la première minorité ethnique devant les Afro-Américains. Leur identité est principalement basée sur la pratique de la langue espagnole, même si la deuxième ou la troisième génération des Hispaniques utilise généralement l'anglais. On estime à près de 50 millions environ le nombre d'hispanophones aux États-Unis, dont les trois quarts se regroupent dans cinq États: le Nouveau-Mexique, l'Arizona, le Texas, la Californie, la Floride. De plus, la Louisiane, le Mississipi, la Géorgie, la Caroline du Sud et l'État de New York accueillent d'importantes minorités hispanophones. La carte ci-dessous montre bien que les États américains les plus concernés — certains Américains de droite diraient «les plus gravement atteints» — par le multilinguisme sont d'abord situés au sud-ouest, à l'ouest et au sud. Ce sont les États suivants: la Californie (40 )%, le Nouveau-Mexique (36 %), le Texas (32 %), l'État de New York (28 %), Hawaï (26 %), l'Arizona (26 %), le New Jersey (26 %), la Floride (22 %), le Nevada (22 %), le Rhode Island (20 %) et l'Illinois (19 %). |
Juste entre 1990 et 2000, la minorité hispanique a augmenté de 58%, tandis que la croissance démographique générale s'élevait seulement à 13,4%. Les Hispaniques sont donc devenus la première minorité du pays, dépassant de peu la communauté noire. On peut donc s'attendre encore à une augmentation considérable de la population hispanophone au cours des prochaines décennies. Le poids des Latinos inquiète de plus en plus les White Anglo-Saxon Protestants qui craignent de voir leur pays leur échapper ou plutôt de perdre leur contrôle de leur pays en raison du raz-de-marée mexicain! C'est pourquoi
, malgré le ressac des anglophones blancs («White Ethnics»), l'espagnol finira probablement par acquérir un statut officiel dans l'un ou l'autre des quelques États américains où il deviendra la langue majoritaire.Le tableau 1 révèle que, parmi les 7097 langues du monde (2016), seules dix sont parlées par plus de 100 millions de locuteurs: le chinois mandarin (897), l’espagnol (436), l’anglais (371), l’hindi-ourdou (329), l'arabe (290), le bengali (242), le portugais (218 millions), le russe (153), le panjabi (148) et le japonais (128 millions). En somme, l'espagnol est la deuxième langue du monde avec 436 millions de locuteurs, tout de suite après le chinois (897 millions), mais avant l'anglais (371 millions), l'arabe (290 millions), le portugais (218 millions), le russe (153 millions) et le français (76 millions). On peut consulter le tableau des pays où l'espagnol est la langue officielle.
Étant donné que l'espagnol n'est pas fortement enraciné dans l'ensemble de l'Europe (contrairement à l'Amérique du Sud où il est omniprésent, sauf au Brésil, et qu'il n'est que symboliquement représenté en Afrique (en Guinée équatoriale où il est langue officielle avec le français), il apparaît comme une langue essentiellement américaine. C'est pourquoi son impact au plan international, quoique non négligeable, reste probablement sous-utilisé. De plus, aucun pays hispanophone ne constitue présentement une grande puissance industrielle au plan mondial; aucun, même pas le Mexique, ne peut espérer pour le moment acquérir un poids équivalant à celui de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la France ou de l'Italie. Il en résulte une certaine dépendance industrielle et technologique, mais également au plan linguistique. L'espagnol, comme la plupart des autres langues du monde, souffre d'un certain sous-développement du vocabulaire scientifique et d'un sous-rayonnement dans les sciences et la technologie aux dépens de l'anglais.
En 1951, l'Association des académies de langue espagnole (Asociación de Academias de la Lengua Española) fut fondée à Mexico; elle comprend les 22 académies de la langue espagnole existant dans le monde. Elle comprend actuellement les Académies espagnoles de 23 États : l'Espagne, 18 États latino-américains indépendants, Porto Rico, la Guinée équatoriale, les Philippines et les États-Unis. L'espagnol est langue officielle (en droit ou en fait) dans les 21 premiers États (éventuellement avec d'autres langues), mais non aux Philippines ni aux États-Unis.
Par ailleurs, les nombreuses commissions de terminologie, qui existent un peu partout en Amérique latine, et la célèbre Académie royale d'Espagne (Real Academia de España) tentent de palier aux prétendues déficiences linguistiques. Ainsi, l'Académie royale d'Espagne mène des travaux afin de contrer la prolifération des termes anglo-saxons. Mentionnons, entre autres, la constitution d’un Corpus de Referencia del Español qui comporte, dans sa première phase, un total de 100 millions de mots recueillis dans des textes en provenance de tous les pays hispanophones. À la fin de ce projet, on dénombrera 200 millions de mots — 50 % en provenance d’Espagne et les 50 % restants provenant des pays hispanophones d’Amérique —, dont 180 millions de textes écrits. L'Académie espagnole publie régulièrement une nouvelle version de son dictionnaire, le Diccionario de la Real Academia Española (DRAE), qui comprend quelque 13 000 américanismes, dont un certain nombre de mexicanismes.
Par ailleurs, le 28 juillet 1960, à Bogota en Colombie, 22 pays ont adopté la Convention multilatérale sur l'Association des académies de la langue espagnole a été adoptée par les 22 membres à Bogota (Colombie), le 28 juillet 1960. Les États-Unis et les Philippines font partie de cette association internationale sur la langue espagnole, mais pas la Guinée équatoriale.
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