Collectivité française
d'outre-mer
 
Wallis-et-Futuna

(France)

 

 

Capitales: Mata'utu (Wallis) et Leava (Futuna)
Population: 12 058 (2018)
    Wallis: 8333 (69,1%)
   
Futuna: 3225 (26,4 %)
Langue officielle: français
Groupe majoritaire: wallisien (65,7 %)
Langue coloniale: français
Groupes minoritaires: futunien (31,5 %), français métropolitain (2,7 %)
Système politique: statut de collectivité d'outre-mer (COM)
Articles constitutionnels (langue): art. 2 et 75-1 de la Constitution de 1992 de la République française
Lois linguistiques: toutes les lois linguistiques de la République, dont les suivantes: loi no 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l'éducation (loi Haby); loi no 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur; loi d'orientation no 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation (loi Jospin); décret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision française pour l'outre-mer (RFO); loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (1994);Code de l'éducation (2000); Loi d'orientation pour l'outre-mer (2000); Loi no 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école (loi Fillon).

1 Données géographiques

Wallis-et-Futuna est une collectivité d'outre-mer française (COM) située dans le Pacifique-Sud, soit dans la zone géographique de la Polynésie à l’est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de l’Australie, plus précisément au nord des îles Fidji et Tonga, mais à l’ouest des îles Samoa (voir la carte du Pacifique, no 1). Le territoire de Wallis-et-Futuna est formé de deux archipels distincts: d’une part, l’île Wallis, appelée ‘Uvea par les insulaires (77,5 km²) et bordée d’une quinzaine d’îlots (81,5 km²), d’autre part, à 240 km au sud-ouest de Wallis, les îles Futuna (64 km²) et Alofi (51 km²) séparées l’une de l’autre par un chenal de 2 km (voir la carte); seules les îles Wallis et Futuna sont habitées. Ce territoire français d’outre-mer est situé à 2100 km au nord-est de la Nouvelle-Calédonie et à 3200 km de la Polynésie française (voir la carte du Pacifique). 

À quelque 22 000 km de Paris, Wallis-et-Futuna représente sans nul doute le territoire le plus éloigné de la Métropole. Il est à noter que Wallis-et-Futuna constitue l’un des trois «territoires français» du Pacifique-Sud, avec la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

Le territoire de Wallis-et-Futuna est composé de cinq unités territoriales : deux circonscriptions administratives à Futuna, celle de Sigave et celle d'Alo, comprenant l'île Alofi, une circonscription à Wallis (Uvea en wallisien), cette dernière étant elle-même partagée en trois districts: Hihifo, Hahake et Mua). La France a respecté les institutions coutumières de Wallis-et-Futuna, dont l'établissement des trois royaumes: le royaume d'Uvéa à Wallis, le royaume d’Alo et le royaume de Sigave à Futuna, lesquels se confondent avec les circonscriptions administratives.

À l'île Wallis, le roi d'Uvea, appelé «lavelua», est le chef de la hiérarchie coutumière. Il est assisté d'un premier ministre (appelé «kivalu») et de cinq ministres. Il nomme, sur proposition de la population, trois chefs de district («faipule») qui ont autorité sur les 21 chefs de village reconnus par la population. L'île Wallis compte 21 villages répartis dans les trois districts :

- Hihifo : Malae, Alele, Vaitupu, Vailala, Tufuone ;
- Hahake : Liku, Akaaka, Mata’Utu (chef-lieu), Ahoa, Falaleu, Haafuasia ;
- Mua : Lavegahau, Tepa, Haatofo, Gahi, Utufua, Malaefoon, Teesi, Kolopopo, Halalo, Vaimalau.

À Futuna, l’île compte 15 villages :

- Alo : Malae, Taoa, Ono, Kolia, Alofi, Poï, Vele, Tamana, Tuatafa ;
- Sigave : Leava, Nuku, Vaisei, Fiua, Toloke, Tavai.

Le territoire de Wallis-et-Futuna fait partie d’un ensemble plus vaste couvrant une grande partie du Pacifique et formant ce qu’on appelé le «triangle polynésien» dont les sommets sont Hawaï au nord, l’île de Pâques au sud-est et la Nouvelle-Zélande au sud-ouest.

2 Données démolinguistiques

Le territoire de Wallis-et-Futuna comptait quelque 15 000 habitants en 2005, mais 13 445 au recensement de 2008.

Population des îles Wallis-et-Futuna (2018)

Unité administrative 2003 2008 2018
Circonscription d’Alo 2 993 2 655 1 950
Circonscription de Sigave 1 880 1 583 1 275
Total Futuna 4 873 4 238 3 225
Circonscription d’Uvea : 
 District de Hahake 3 950 3 748 3 415
 District de Hihifo 2 422 2 197 1 942
 District de Mua 3 699 3 262 2 976
Total Wallis 10 071 9 207 8 333
Ensemble de Wallis et Futuna 14 944 13 445 12 058

L'île de Wallis (9207 hab.) comptait pour 68,4 % de la population du Territoire, Futuna (4238 hab.), 31,5 %. Il n'y a pas de résident à l'île Aloti. On peut remarquer que, entre 2003 et 2008, le territoire a perdu quelque 1500 résidents, ce qui correspond à 10 % de la population. Cette diminution du nombre d’habitants serait due à deux facteurs: d'une part, les décès sont plus élevés que les naissances, d'autre part, un mouvement d'émigration a contribué à la baisse de la population. Il s'agirait surtout de jeunes étudiants qui s'expatrient vers la Nouvelle-Calédonie et la France, qui offrent davantage de perspectives universitaires et professionnelles. Ajoutons aussi que l'étroitesse du marché du travail ne permet pas d'absorber la demande d’emploi.  Le gouvernement français a révélé que, depuis 1961, quelque 17 563 Wallisiens et Futuniens se sont installés en Nouvelle-Calédonie, principalement dans la région de Nouméa, mais aussi dans des zones d’extraction minière. En somme, on compte davantage de Wallisiens et de Futuniens hors du territoire (17 563) qu’à l’intérieur du territoire (13 445). On peut estimer que la population continuera de diminuer au cours des prochaines années.

Sur l’ensemble des habitants, 84 % sont nés à Wallis et Futuna; 8 % en Nouvelle-Calédonie; 6 % en France, dans un département d’outre-mer ou dans une autre collectivité d’outre-mer (DOM-COM); et 2 % à l’étranger. Parmi les individus nés à l'extérieur de Wallis et de Futuna, 45 % n’y résidaient pas cinq ans auparavant. La cause de ces mouvements migratoire s'explique, entre autres, par les mutations du personnel de l'Administration, de l’enseignement et du milieu médical (dispensaires et hôpitaux), personnel qui occupe des postes d'une durée de deux ans, renouvelables une seule fois.

2.1 La population autochtone

À part les quelque 400 Français qui vivent à Wallis et à Futuna, les insulaires sont presque tous d'origine polynésienne. La population de ce petit territoire n’est pas linguistiquement homogène puisqu’elle forme deux groupes différents d’origine austronésienne: les Wallisiens et les Futuniens.

2.2 Les langues

Au plan linguistique, Wallis et Futuna connaissent une situation de bilinguisme: la langue maternelle de la quasi-totalité de la population est le futunien à l’île Futuna et le wallisien à l’île Wallis. Le wallisien compte près de 9000 locuteurs, le futunien, presque 4000.

Outre le wallisien et le futunien, ce sous-groupe océanien comprend notamment le tonguien à Tonga, le samoan aux Samoa occidentales et Samoa américaines, le tokelau à Tokelau, le tahitien le marquisien et le tuamotu en Polynésie française, l’hawaïen à Hawaï, le maori en Nouvelle-Zélande, etc. Les différences entre les deux langues polynésiennes du territoire sont importantes au point où l’intercompréhension est difficile, bien qu’elles aient, toutes deux, hérité du proto-polynésien la grande majorité de leur vocabulaire.

Le wallisien a subi l’influence du tongien, alors que le futunien est resté plus proche du samoan. Néanmoins, d'une part, suite aux premiers contacts avec les baleiniers et autres commerçants anglo-saxons, et à la présence de nombreux "marines" américains (à Wallis seulement) pendant la Seconde Guerre mondiale, et, d'autre part, suite à la christianisation à partir du XIXe siècle, le wallisien et le futunien ont tous deux emprunté à l'anglais et au latin d'église; à partir de 1961, les emprunts se sont surtout faits à partir du français.

Enfin, précisons que le wallisien et le futunien présentent tous deux des variantes locales. À Futuna, il existe des variantes de parler, tant phonétiques que lexicales entre le royaume de Sigave à l'ouest et le royaume d'Alo (voir la carte) au sud-est. À Wallis, des variantes moins manifestes existent aussi entre les trois districts de l'île: Hihifo au nord, Hahake au centre et Mu’a au sud (voir la carte). Cependant, il ne s’agit pas de différences majeures et celles-ci ne nuisent pas à l’intercompréhension dans la même langue; elles permettent surtout de déterminer l’appartenance à l’un des deux royaumes de Futuna ou l’appartenance sociale à Wallis. Le wallisien, et dans une moindre mesure, le futunien, présentent en outre un registre de langue noble, qu'on utilise pour s'adresser aux rois ou aux ministres, ou encore au Dieu chrétien.

Le français est la langue officielle du Territoire. C'est la langue maternelle des Français, mais une langue véhiculaire pour les Wallisiens et les Futuniens.

3 Données historiques

Le peuplement dans cette partie de l'Océanie commença quelque 1500 ans avant notre ère. Auparavant, à partir d'abord de l'Asie du sud-est, des populations avaient peuplé la Nouvelle-Guinée, le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie. Le peuplement s'est ensuite poursuivi vers l'est avec les îles Fidji, Wallis, Futuna, Tonga et les Samoa. Des fouilles archéologiques ont mis au jour des sites wallisiens datant de 1400 avant notre ère et des sites futuniens datant de 800 ans avant notre ère. On sait aussi que des Tongiens, habitants du royaume de Tonga, colonisèrent plusieurs archipels de la région, dont Wallis, vers le XVe siècle. À Futuna, c'est une migration d'origine samoane qui exerça une forte influence sur l'île. Le système de “chefferies à titres” toujours en vigueur aujourd'hui serait d'origine tongienne.

3.1    Les Hollandais

La première présence européenne se manifesta le 28 avril 1616 alors que les Hollandais Jacob Le Maire et William Cornélius Schouten découvrirent Futuna et Alofi qu'ils appelèrent îles Horn, du nom de leur ville natale, qu'ils ont aussi donné au cap Horn. Mais l’île Futuna ne servit que de lieu de ravitaillement et les Hollandais ne s’y installèrent pas.

3.2    Les Anglais

En juin 1767, la frégate du navigateur anglais Samuel Wallis aborda le rivage de l’île de Tahiti en Polynésie; le capitaine Wallis en prit possession au nom du roi d’Angleterre. Le 16 août de la même année, le navigateur anglais passa une journée à l’île d’Uvéa qui fut alors baptisée Wallis par ses officiers. Mais son passage se limita à quelques échanges de vivres et la découverte du capitaine Wallis ne connut pas de suite.

3.3    Les Français

L'influence européenne se fit sentir plus nettement en novembre 1837 avec l'implantation de missions catholiques françaises. Les archipels de Wallis et de Futuna furent rapidement convertis au christianisme par les pères maristes. Le père Chanel, l'un des fondateurs de la Mission de Futuna, fut assassiné le 28 avril 1841, ce qui entraîna des conflits entre les royaumes. Dès le 5 avril 1842, les autorités coutumières firent une première demande de protectorat à la France; quelques mois plus tard, les royaumes d'Alo et de Sigave (Futuna) firent de même. Cette demande ne fut ratifiée qu'en 1887, sous le règne, à Wallis, de la reine Amélia. Le traité signé consolidait les positions françaises dans le Pacifique, tout en assurant la protection des Wallisiens et des Futuniens en cas de conflit. Cependant, Wallis et Futuna restaient rattachées administrativement à la Nouvelle-Calédonie. Le statut de protectorat fut remanié en mai 1910 et ratifié à nouveau en novembre de la même année. Ce n'est qu'en 1931 que Wallis-et-Futuna connut sa première liaison maritime avec la Nouvelle-Calédonie ainsi que l'introduction du franc français dans l'économie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, en juin 1942, l’île Wallis fut utilisée comme base aérienne stratégique par les États-Unis. Les Américains créèrent, le 28 mai 1942, la base «Navy 207»: ce furent 6000 soldats qui s'installèrent à Wallis et dotèrent l'île d'infrastructures modernes.

Puis, le 27 décembre 1959, les insulaires de Wallis et de Futuna choisirent le statut de territoire français d'outre-mer (TOM). Cette décision fut prise par une très large majorité dans le cadre d'un référendum avec une réponse positive de 94,3 % des suffrages exprimés. Le référendum a été confirmé juridiquement un an et demi plus tard par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer. Puis, le décret no 62.288 du 14 mars 1962 fixa les attributions du Conseil territorial des îles. Enfin, la loi no 73.549 du 28 juin 1973 modifia l'article 12 de la loi no 61.814 du 29 juillet 1961. Dans tous ces documents juridiques, aucune disposition n'a été prévue au sujet de la langue. En fait, le territoire de Wallis-et-Futuna, en tant que territoire français d'outre-mer, dépend de la Constitution française et des lois françaises, avec quelques ajustements liés au droit coutumier local (les chefferies).

Contrairement aux deux autres territoires français du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, les deux îles de Wallis et Futuna semblent ne connaître aucun mouvement autonomiste. Les Wallisiens et les Futuniens ont conservé leurs traditions polynésiennes. C'est le Lavelua, le roi de Wallis, qui veille sur la coutume, avec sa «grande chefferie», ainsi que les deux souverains de Sigave et d’Alo (île de Futuna). Dans ce territoire français d’un autre monde, l'Église et la monarchie se partagent le pouvoir: la coutume des clans et les conflits familiaux supplantent aisément les usages politiques de la Métropole. De plus, la petite aristocratie locale bloque toute réelle modernisation, mais elle profite largement des subventions métropolitaines, qui sont considérables et impossibles à chiffrer avec précision.

4 La politique linguistique

Étant donné que le territoire de Wallis-et-Futuna fait partie de la France, la politique linguistique qui y est appliquée tient compte de cette réalité juridique incontournable. Ainsi, en vertu de l’article 2 de la Constitution, le français demeure la langue officielle de ce territoire: «La langue de la République est le français.» Comme dans les départements d’outre-mer (DOM) et les autres territoires d’outre-mer (TOM), tous les textes nationaux de la République y sont applicables, mais certaines adaptations ont été prévues par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer. Cependant, aucune disposition particulière n’est prévue en matière linguistique.

4.1    L’Administration

Tout le système politique, administratif et judiciaire de Wallis-et-Futuna fonctionne en français. Le territoire est représenté au Parlement français par un sénateur, un député et par un conseiller au Conseil économique et social. Depuis 1987, l'administrateur supérieur du territoire a le rang de préfet. Il préside le Conseil territorial composé des trois chefs traditionnels, c'est-à-dire les rois de Wallis-et-Futuna: le Lavelua (roi de Wallis), le Tui Agaifo (roi d'Alo) et le Keletaona (roi de Sigave), membres de droit, et de trois membres nommés par l'administrateur supérieur du territoire. Ce sont, en quelque sorte, les derniers rois de France.

De plus, le territoire est doté d’une Assemblée territoriale qui comprend 20 conseillers (13 pour Wallis et sept pour Futuna) et est élue pour cinq ans au suffrage universel. Le chef-lieu de Wallis est Mata-Utu et celui de Futuna est Leava.  Le territoire est partagé en trois circonscriptions: Uvéa (à Wallis), Alo (à Futuna), Mata’utu (à Wallis) et Sigave (à Futuna), dont l'organisation administrative intègre les institutions coutumières. Les conseils coutumiers se déroulent, selon le cas, en wallisien ou en futunien. Lors des rencontres officiels entre chefs coutumiers et délégués ou fonctionnaires français, un interprète assure la traduction.  Bien que le français soit la langue administrative, le wallisien et le futunien sont utilisés dans les communications orales entre les représentants d’une même ethnie. Dans les services administratifs de Wallis, les gens s'adressent en wallisien si l'employé est wallisien; à Futuna, c'est en futunien si l'employé est futunien.  Si l'employé est un Métropolitain, tout se déroulera en français.

Il existe depuis 2015 une Académie des langues wallisienne et futunienne (ALWF), dont la mission est de sauvegarder, protéger, valoriser et promouvoir les langues wallisienne et futunienne. L'ALWF est un établissement territorial, doté de la personnalité morale, de l’autonomie administrative et financière. Quoi que créée en 2015, l’ALWF ne fut inaugurée que le 5 mars 2019, par la ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin, lors de sa visite officielle sur le territoire du 4 au 8 mars 2019.

Dans le but de répondre à ses différents objectifs, l'Académie des langues wallisienne et futunienne dispose de deux antennes correspondantes aux deux langues respectives des îles Wallis et Futuna.

4.2    L’éducation

Dans le domaine de l’éducation, le français occupe évidemment la première place et le système  est placé sous l'autorité d'un vice-recteur. Les écoles maternelles enseignent dans la langues locale tout en structurant l'apprentissage du français.  

L'enseignement primaire public, entièrement en français, est concédé à la Mission catholique qui accueille plus de 5200 enfants. Toutefois, la Direction de l'enseignement catholique (DEC), qui a en charge l'enseignement des premiers cycles, a fait depuis quelques années une analyse des besoins en vue de créer des classes d'accueil en langue vernaculaire à l'école maternelle. Les écoles consacrent entre une heure à une heure trente à la langue vernaculaire. Au second cycle, la priorité est donnée à l’expression orale et à l’acquisition du vocabulaire en français, alors qu’au troisième cycle l'apprentissage est étendu à la syntaxe, à la grammaire, à la production de phrases, notamment à l’écrit (avec l’existence d’un cahier de wallisien ou de futunien). Les langues locales peuvent aussi être utilisées au quotidien par l’enseignant pour compléter une explication, notamment en cas de difficulté de compréhension, ou par l’élève pour répondre s’il n’arrive pas à le faire en français, le maître ou un autre élève traduisant ensuite en français afin qu’il puisse répéter.

En 1995, quelque 2142 élèves étaient scolarisés au secondaire. L'enseignement du second degré, de statut entièrement public, présente la particularité d'offrir un cours d’une heure par semaine en langue wallisienne ou en langue futunienne afin de tenir compte du particularisme local. Les enfants scolarisés vont en classe jusqu'à 14 ans dans près de 100% des cas et la scolarisation élémentaire est assurée à 90%. Toutefois, le taux de scolarisation à la fin du secondaire s'élève à 40 % de la population scolaire. Il existe sur le territoire un lycée, plusieurs collèges qui dispensent un enseignement général, technologique et professionnel, ainsi que le CETAD (Centre d'enseignement technique adapté au développement). Hormis l’heure hebdomadaire facultative allouée au wallisien et au futunien, l’enseignement ne se donne qu’en français. Jusqu'à tout récemment, il n'existait pas de documents pédagogiques dans ces langues; la Direction de l'enseignement catholique a publié quelques manuels en wallisien, notamment des catalogues de légendes pour les enseignants du primaire. Le Service des Affaires culturelles de Wallis-et-Futuna demande à maintes reprises à l'État et à l'Assemblée territoriale la création d'une Académie des langues wallisienne et futunienne à l'image de ce qui se fait à Tahiti. Pour le moment, c'est toujours mentionné dans les contrats de développement avec l'État, mais rien de concret encore.

Il faut ajouter également une loi plus récente adoptée par l’Assemblée nationale française: la Loi d'orientation pour l'outre-mer (ou loi 2000-1207 du 13 décembre 2000) entrée en vigueur le 14 décembre 2000. Ce sont les articles 33 et 34 de cette loi qui concernent tous les DOM-TOM. À l’article 33, on apprend que «l’État et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales fondées sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent à la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversité biologique» et qu’à l’article 34 que «les langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation» et qu’elles «bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en faciliter l'usage». D’après la Loi d’orientation d’outre-mer, la loi no 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable.

N’oublions pas tout de même que le système actuel, tel qu’il est appliqué dans le territoire, passe sous silence les difficultés pédagogiques qu’entraînent l’enseignement quasi exclusif de la langue française et l’importation du moule pédagogique métropolitain. La quasi-totalité des élèves n’étant pas d’origine francophone, de sérieux problèmes d’apprentissage surgissent, vu que les méthodes pédagogiques sont peu appropriées à des élèves dont le français constitue une langue seconde. Comme dans les autres DOM-TOM, la question des manuels scolaires cause également des problèmes d’intégration socioculturelle. Le territoire de Wallis-et-Futuna vit une situation de dépendance quasi exclusive de la France, non seulement pour ce qui concerne son système éducatif, mais aussi pour son approvisionnement en manuels et autres documents pédagogiques. Tous les enfants d’origine non européenne — la quasi-totalité — évoluent dans un milieu naturel et humain tout à fait différent de celui qui est représenté dans les manuels de classe européens et la plupart d’entre eux se perçoivent facilement comme étrangers dans leur propre pays. Cette situation a favorisé un fort taux d’analphabétisme et d’illettrisme, ce qu’on peut considérer comme une honte pour un territoire français.

Enfin, le système scolaire du Territoire assure l’enseignement gratuit jusqu’au lycée. Les jeunes qui souhaitent poursuivre des études supérieures au baccalauréat ou bénéficier de formations complémentaires sont dans l’obligation de partir, en général en Nouvelle-Calédonie ou en France. Bref, l'augmentation du niveau de scolarité entraîne aussi à davantage de départs. Il existe aussi des publications en wallisien et en futunien pour les enfants bilingues.

4.3    Les médias

Du côté des médias, le français règne encore en maître, mais le bilinguisme et le trilinguisme sont tout de même assez fréquents. Depuis 1995, il existait un hebdomadaire trilingue (français + wallisien + futunien) d'information nommé Te Fenua Fo’ou (TFF), mais il a cessé ses publications en 2002. En Nouvelle-Calédonie, le quotidien de Nouméa, Les Nouvelles calédoniennes, fait paraître en raison de deux à trois fois par semaine quelques articles en français sur le territoire, essentiellement pour de l'information destinée à l'importante colonie wallisienne et futunienne résidant en Nouvelle-Calédonie (plus de 17 000 personnes).

Le service public de la radiotélévision est assuré par Wallis-et-Futuna La Première (auparavant par la RFO, Société nationale de radio et télévision pour l'outre-mer) qui diffuse sur un seul canal. La chaîne retransmet en français des programmes de TF1, France 2, France 3, et la Cinquième en direct ou en différé: ce sont des reprises des journaux télévisés, des jeux, des feuilletons, ainsi que des films diffusés par les grandes chaînes nationales. Wallis-et-Futuna La Première produit quotidiennement un journal télévisé en français et en wallisien à Wallis, en français et en futunien à Futuna, sinon alternativement dans l'une des deux langues, selon la langue maternelle de l'employé(e).

C’est le premier magazine audiovisuel dans l'histoire de la télévision wallisienne; les danses et coutumes des deux îles font également l'objet de plusieurs magazines télévisée. Les émissions culturelles comme "Talanoa" ou "Filifaiva" sont entièrement en wallisien ou futunien. Conformément aux articles 19 et 29 du décret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision française pour l'outre-mer, RFO peut en effet diffuser en wallisien et en futunien:

Article 19

La Société contribue à l'expression des principales langues régionales parlées dans chaque département, territoire ou collectivité territoriale.

Article 29

1) La Société veille à illustrer toutes les formes d'expression de la musique en ouvrant largement ses programmes aux retransmissions de spectacles vivants.

2) Dans ses programmes de variétés pris dans leur ensemble, la Société donne une place majoritaire à la chanson d'expression française ou régionale et s'attache à promouvoir les nouveaux talents.

3) Elle s'efforce de diversifier l'origine des oeuvres étrangères diffusées.

Télé Wallis-et-Futuna utilise à la fois le français, le wallisien et futunien, afin de répondre aux besoins locaux. L'émission «Talalogo» diffuse quotidiennement à 19 h 15 un journal local de quinze 15 minutes, présenté en langue wallisienne; «Lea ote Temi» ("Parole d’aujourd’hui") est une émission de trente minutes diffusée tous les mercredis à 20 heures; en fonction de l’invité, cette émission est diffusée soit en français soit en wallisien; «Temi ote Agaifenua» ("La minute de la Chefferie") est diffusé durant trente minutes tous les vendredis à 20 heures; cette émission est présentée en wallisien ou en futunien.

À la radio, Radio Wallis-et-Futuna présente des émissions en futunien, alors que Radio-Matin s’intéresse au troisième âge et traite du vocabulaire et de l’emploi de la langue wallisienne par les aînés, en wallisien uniquement. Tous les jours, des émissions sont offertes en wallisien et en futunien. Une émission religieuse est animée par un prêtre, en français et en wallisien ou en futunien durant une heure. Le mercredi, «Parole aux enfants» est présenté aux jeunes pour approfondir leur expression orale, en français ou en wallisien.

Tout compte fait, la politique linguistique du gouvernement français consiste simplement à ignorer les langues locales, le wallisien et le futunien, dans le cadre de l’administration de l’État et de l’éducation institutionnalisée. Cette pratique est relativement similaire à celle de bien des pays où la langue coloniale a supplanté les langues locales. À cet égard, la France n’a pas fait pire que la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les Wallisiens et les Futuniens vivent dans un environnement culturel et linguistique où leur langue et le français ne sont guère en concurrence, le wallisien et le futunien servant aux communications informelles, le français pour les communications officielles; quant à l’anglais, c’est la langue des pays voisins.

Cependant, puisque la France vient de signer (mais n’a toujours pas ratifié) la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la politique linguistique pratiquée à Wallis-et-Futuna devrait être profondément révisée. Sur le plan de l’éducation et de l’administration, la France pourrait laisser une place plus significative à l’utilisation et à l’enseignement des langues locales. C’est avant tout une question de reconnaissance d’une identité pour ces insulaires, sinon le situation actuelle pourrait hypothéquer leur développement socioculturel et économique.

Dernière mise à jour: 31 déc. 2023

Bibliographie

ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Wallis-et-Futuna», pour la partie historique.

GRAU, Richard, Le statut juridique de la langue française en France. Québec, Éditeur officiel du Québec, 1981, 154 p.

GRAU, Richard, Les langues et les cultures minoritaires en France, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1985, 471 p.

MOYSE-FAURIE, Claire. «Une introduction au wallisien et au futunien» dans Bienvenue sur le site de Wallis-et-Futuna, 3 octobre 1999,
http://wallis-islands.com/langage.htm

MOYSE-FAURIE, Claire. Échange important de lettres et de documents par courrier électronique (Wallis-et-Futuna).

MOYSE-FAURIE, Claire. «Wallis et Futuna» dans Les langues de France, Paris, PUF, sous la direction de Bernard Cerquiglini, 2003, p. 333-345.

ROUQUETTE, Rémi. «Le régime juridique des langues en France», Paris, Université de Paris X (Nanterre), thèse de doctorat, septembre 1987, 702 p.

SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’OUTRE-MER. «Wallis-et-Futuna» dans L'outre-mer ou la respiration de la France dans le monde, Paris, 24 février 1999,
[http://www.outre-mer.gouv.fr/domtom/wallis/index.htm].

SELLIER, Jean. «Les langues d'Océanie» dans Une histoire des langues, Paris, Éditions La Découverte, 2020, p. 529-544. 

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