2 Données démolinguistiques
La population du Turkménistan était estimée à 5,9 millions en 2019. Elle était répartie comme suit dans les «régions» (provinces): 8,5 % dans la région de Balkan, 12,9 % à Achgabat (capitale), 13,7 % dans la région d'Ahal, 20,6 % dans la région de Lebap, 21,2 % dans la région de Daşoğuz et 22,8 % dans la région de Mari.
2.1 Les groupes ethniques et leur langue
Le pays compte de nombreux groupes ethniques, environ une cinquantaine, mais les Ouzbeks (7%), les Kazakhs (0,4%) et les Baloutches (0,8%) sont les seules minorités concentrées dans des zones précises. Les Kazakhs résident au nord près du Kazakhstan, les Ouzbeks près de l'Ouzbékistan et les Baloutches au sud-est dans la région de Mari (la plupart des Baloutches résidant au Pakistan, en Iran et en Afghanistan). Il existe d'autres petites communautés généralement disséminées dans les centres urbains: Biélorusses, Allemands, Mordves (de langue erzya), Lituaniens, Kurdes, Tabassarans, Juifs, Géorgiens, Ouïgours, Tadjiks, Lacks, Oudines, Bachkirs, Coréens, etc.
Ethnie |
Population |
Pourcentage |
Langue |
Affiliation |
Religion |
Turkmène |
4,510,000 |
76,1 % |
turkmène |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Ouzbek du Nord |
415,000 |
7 % |
ouzbek du Nord |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Aïmak |
245,000 |
4,1 % |
aïmak |
langue indo-iranienne |
islam |
Russe |
160,000 |
2,7 % |
russe |
langue slave |
orthodoxe |
Arménien |
84,000 |
1,4 % |
arménien |
isolat indo-européen |
orthodoxe |
Tatar |
81,000 |
1,3 % |
tatar |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Turc |
53,000 |
0,8 % |
turc |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Azerbaïdjanais du Nord |
50,000 |
0,8 % |
azéri |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Baloutche de l'Ouest |
49,000 |
0,8 % |
baloutchi occidental |
langue indo-iranienne |
islam |
Kurde kurmanji |
49,000 |
0,8 % |
kurde du Nord |
langue indo-iranienne |
islam |
Kazakh |
29,000 |
0,4 % |
kazakh |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Ukrainien |
22,000 |
0,3 % |
ukrainien |
langue slave |
orthodoxe |
Lesghien |
18,000 |
0,3 % |
lesghien |
famille caucasienne |
islam |
Iranien |
16,000 |
0,2 % |
farsi (iranien) |
langue indo-iranienne |
islam |
Tadjik |
10,000 |
0,1 % |
tadjik |
langue indo-iranienne |
islam |
Pachtoune du Nord |
9,900 |
0,1 % |
pachtoune septentrional |
langue indo-iranienne |
islam |
Bachkir |
7,900 |
0,1 % |
bachkir |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Karakalpak |
5,600 |
0,0 % |
karakalpak |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Biélorusse |
5,000 |
0,0 % |
biélorusse |
langue slave |
orthodoxe |
Lack |
4,400 |
0,0 % |
lack |
famille caucasienne |
islam |
Mordve |
3,900 |
0,0 % |
erzya |
famille ouralienne |
orthodoxe |
Ossète |
3,800 |
0,0 % |
ossète |
langue indo-iranienne |
orthodoxe |
Tchouvache |
3,500 |
0,0 % |
tchouvache |
famille altaïque (turcique) |
orthodoxe |
Moldave |
3,200 |
0,0 % |
moldave |
langue romane |
orthodoxe |
Darguine |
3,000 |
0,0 % |
darguine (dargwa) |
famille caucasienne |
islam |
Chinois |
2,900 |
0,0 % |
chinois mandarin |
famille sino-tibétaine |
bouddhisme |
Ouïgour |
2,300 |
0,0 % |
ouïgour |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Allemand |
1,900 |
0,0 % |
allemand |
langue germanique |
protestantisme |
Géorgien |
1,800 |
0,0 % |
géorgien |
famille caucasienne |
orthodoxe |
Tatar de Crimée |
1,600 |
0,0 % |
tatar de Crimée |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Pachtoune du Sud |
1,500 |
0,0 % |
pachtoune méridional |
langue indo-iranienne |
islam |
Kirghize |
1,400 |
0,0 % |
kirghiz |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Brahoui |
1,200 |
0,0 % |
brahoui |
famille dravidienne |
islam |
Tchétchène |
1,000 |
0,0 % |
tchétchène |
famille caucasienne |
islam |
Coréen |
1,000 |
0,0 % |
coréen |
famille coréenne |
aucune |
Avar |
900 |
0,0 % |
avar |
famille caucasienne |
islam |
Mari des Basses Terres |
900 |
0,0 % |
mari |
famille ouralienne |
orthodoxe |
Polonais |
800 |
0,0 % |
polonais |
langue slave |
catholique |
Bulgare |
700 |
0,0 % |
bulgare |
langue slave |
orthodoxe |
Grec |
700 |
0,0 % |
grec |
langue grecque |
orthodoxe |
Autres |
61,700 |
1,0 % |
|
|
|
Total (2019) |
5,923,500 |
100,0 % |
|
|
|
2.2 La répartition des groupes ethniques
Les populations du Turkménistan sont installées le long des frontières, laissant le centre du pays à peu près inhabité. C'est que la plus grande partie du Turkménistan est couverte par le désert de Karakoum, une terre stérile limitée par le fleuve Amou-Daria et l'Ouzbékistan au nord et bordée au sud par quelques oasis alimentées par le ruissellement des montagnes qui marquent la frontière avec l'Iran et l'Afghanistan.
Chacun des groupes ethniques parle sa langue maternelle. La langue la plus importante du Turkménistan est le turkmène parlé par 77 % de la population. Les autres langues sont l'ouzbek, le russe, le kazakh, l'arménien, l'ukrainien, le tatar, l'azéri (ou azerbaïdjanais), le baloutchi, l'ossète, ainsi que d'autres très petites communautés linguistiques (biélorusse, allemand, moldave, lituanien, géorgien, ouïgour, bachkir, tadjik, kurde, tabassaran, lack, oudine, coréen, etc.).
Le turkmène, l'ouzbek, l'azéri, le kazakh, le tatar sont des langues appartenant à la famille altaïque (groupe turcique), alors que le russe, l'ukrainien, l'arménien et le baloutchi relèvent de la famille indo-européenne; le russe et l'ukrainien font partie du groupe slave, tandis que le baloutchi et l'ossète sont issus du groupe indo-iranien. Parmi toutes les langues minoritaires, c'est le russe
qui demeure le grand gagnant: il est utilisé principalement au gouvernement, au
Parlement, dans le monde du travail et dans les affaires.
Il convient de noter que non seulement les citoyens turkmènes de
nationalité russe sont des locuteurs du russe comme langue maternelle, mais la
plupart du temps le russe est parlé par les Ukrainiens, les Arméniens, les
Coréens, les Allemands et de nombreuses autres diasporas au Turkménistan. La majeure partie de la population russophone vit traditionnellement dans la capitale et les centres régionaux. Du point de vue de l'activité professionnelle, la population russe au Turkménistan est impliquée dans presque tous les domaines.
Mais le projet de turkménisation lancé dans les années 1990 a privé la population russe de la possibilité d'occuper des postes de direction dans la fonction publique. Il n'y a actuellement aucun représentant de la population russe au gouvernement du Turkménistan.
2.3 La langue turkmène
Le turkmène, appelé parfois turcoman, est parlé surtout dans le Sud, mais avec des aires
géographiques dans le Nord-Est; le baloutchi est parlé dans le Sud-Est et l'ouzbek ainsi que le kazakh au nord. Le russe, l'ukrainien, l'arménien et le tatar sont parlés dans les centres urbains. Le turkmène est également parlé en Iran; il est très étroitement apparenté au karakalpak parlé en Ouzbékistan. La langue turkmène du Turkménistan est fragmentée en plusieurs variétés dialectales: le nokhurli, l'anauli, le khasarli, le nerezim, le yomud, le teke (tekke), le goklen, le salyr, le saryq, l'esari et le cawdur. Il existe une multitude d'autres variété dialectales qui proviennent des subdivisions tribales, comme l'abdal, l'agar, l'aleli, l'anau, l'arabadçi, l'änew, le bayat, le burkaz, le çeges, le düyeji, le hamdir, le hatar, le hazar, l'igdir, le kÿaç, le maniþ, le merkit, etc. Toutes ces
variantes demeurent proches les uns des autres, les différences résidant dans le degré d'iranisation du vocabulaire (variétés méridionales), de russification (variétés septentrionales) ou de turquification. Les trois plus grandes tribus turkmènes sont les Tekke dans la partie centrale du pays, les Ersary dans le Sud-Est et les Ϋomud dans l'Ouest.
La langue turkmène standard correspond à une variété littéraire élaborée par les Soviétiques sur la base des dialectes des tribus ÿomud et tekke, ces deux tribus s'étant partagé à l'époque les postes importants dans la République socialiste du Turkménistan. Généralement , les Tekke se sont accaparé le pouvoir politique, alors que les Ϋomud ont pris le contrôle de l'Administration. Parce que le turkmène a longtemps reposé sur la langue orale, il est demeuré une langue relativement pauvre au plan du vocabulaire. S'il a su conserver ses structures turciques dans sa grammaire et sa syntaxe, il a dû emprunter beaucoup de mots aux langues étrangères, surtout au russe, mais aussi à l'iranien (farsi) et à l'anglais. Néanmoins, le turkmène est demeuré une langue proche du turc dans ses structures fondamentales, surtout depuis que le turkmène a adopté son nouvel alphabet dont les signes diacritiques se rapprochent sensiblement des deux langues.
Le Turkménistan a poursuivi ces dernières années une politique d'éviction de la langue russe dans tous les domaines de la vie politique et publique du pays et, à cet égard, sa distribution et son utilisation continuent de se restreindre.
2.4 Une langue turque
Langues
oghouzes
- occidentales
- orientales
- méridionales |
- turc, azéri ou azerbaïdjanais, gagaouze, etc.
- turkmène, turk du Khorassan,
salar, etc.
- afshar, kachkaï, aynallu, sonqor, etc. |
Langues kiptchak
- occidentales
- septentrionales
- méridionales |
- tatar de Crimée, koumik,
karatchaï-balkar,
karaïm, ouroum, etc.
- tatar, bachkir, tatar de Sibérie, etc.
- kazakh,
kirghiz,
karakalpak,
nogaï, etc. |
Langues
ouïghoures |
ouzbek, ouïghour,
ahinou,
etc. |
Langues oghoures |
tchouvache, avar d'Asie |
Langues sibériennes |
yakoute, dolgane, tofa,
tchoulim, turc altaïen, telengit, etc. |
|
Les langues turques ou turciques comprennent plusieurs sous-groupes.
Le turkmène fait partie des langues
oghouzes avec le turc, l'azéri et le gagaouze. En
principe, le turkmène a plus d'affinités avec le turc et l'azéri
qu'avec le kazakh, le kirghiz ou l'ouzbek.
Les plus grandes langues turciques sont évidemment le
turc (75 millions),
l'ouzbek (27 millions), l'ouïghour
(25 millions), l'azéri
(23 millions),
le kazakh (22 millions),
le turkmène (6,7 millions) et le
kirghiz (4,3 millions). |
Français |
Karakalpak |
Kazakh |
Kirghiz |
Ouzbek |
Turkmène |
Turc |
terre |
jer |
jer |
jer |
yer |
ýer |
yeryüzü |
ciel |
aspan |
aspan |
asman |
osmon |
asman |
cennet |
eau |
suw |
sw |
suu |
suv |
suw |
su |
feu |
ot |
ot |
ot |
olov |
ot |
yangın |
homme |
adam |
adam |
adam |
odam |
adam |
adam |
femme |
hayal |
äyel |
ayal |
ayol |
aýal |
kadın |
manger |
jew |
jewge |
jeş |
yemoq |
iýmek |
yemek |
boire |
ishiw |
işw |
içüü |
ichish |
içmek |
içki |
grand |
u’lken |
uzın boylı |
uluu |
uzun bo'yli |
uzyn |
harika |
petit |
kishkene |
kişkentay |
kiçine |
kichik |
kiçi |
küçük |
nuit |
tu’n |
tün |
tün |
kechasi |
gije |
gece |
jour |
ku’n |
küni |
kün |
kun |
gün |
gün | |
Les exemples du tableau de gauche illustrent les ressemblances écrites entre quelques langues turques. On peut constater que le
kazakh, le kirghiz et le karakalpak ont plus de points communs qu'avec les autres langues, ce qui est normal puisque
ces langues appartiennent au même sous-groupe des langues kipchak méridionales.
Nous pouvons constater également que l'ouzbek présente plus de différences que les langues précédentes (karakalpak, kazakh et kirghiz) et que ces différences sont encore plus accentuées avec le turkmène et le turc, ces dernières faisant partie des langues oghouzes, tandis que l'ouzbek est une langue ouïghoure.
C'est le turkmène qui présente le plus d'affinités avec le turc. |
Néanmoins, toutes ces langues appartiennent à la grande famille altaïque, dont font partie
toutes les langues turciques. Il faut aussi comprendre qu'il s'agit ici de mots écrits, alors que leurs prononciations peuvent s'avérer différentes d'une langue à l'autre, car l'écrit ne rend pas compte des différences phonétiques.
2.5 L'anglais
Quant à l'anglais, en tant que langue étrangère, il n'est pas encore très répandu; il n'est parlé que dans les hôtels et
les lieux touristiques les plus fréquentés. Cela dit, comme dans la plupart des pays qui ont connu un changement rapide de tutelle, la langue anglaise est encouragée avec détermination par les Américains. Ceux-ci ont été parmi les premiers à tisser un réseau diplomatique dans les nouveaux États de l'Asie centrale. Il faut aussi compter sur le turc qui, depuis l'indépendance, a pris du poil de la bête. C'est que la Turquie investit beaucoup au Turkménistan, notamment dans l'immobilier, les infrastructures et l'éducation.
2.6 Religion et alphabet
Les Turkmènes sont de religion musulmane sunnite. Lors de l'adoption de l'islam aux VIIe et VIIIe siècles, l'alphabet arabe s'implanta dans la région. Quand la population fut turquifiée après le Xe siècle, c'est naturellement dans cet alphabet que fut écrit le turkmène, et ce, jusqu'en 1920.
Pour ce qui est de la liberté de religion, les autorités du Turkménistan semblent manifester une grande intolérance vis-à-vis la dissidence religieuse. Depuis 1997, la Loi sur la liberté de conscience et d'organisation religieuse oblige les communautés religieuses à s'enregistrer auprès du gouvernement. Pour être reconnue, une religion doit prouver qu'elle compte au moins 500 croyants habitant un même district. Seuls deux groupes, l'Église orthodoxe russe et les musulmans sunnites, ont obtenu cet enregistrement officiel. Les individus appartenant à des groupes religieux non reconnus officiellement, par exemple l'Église arménienne apostolique, les baha'i, les bouddhistes, les haras Krishna, les témoins de Jéhovah et les juifs, se sont vu refuser le droit d'exercer des activités religieuses publiques. Selon Amnesty International, il est très fréquent que des membres de minorités religieuses soient torturés ou maltraités par la police. De nombreuses personnes d'ethnie turkmène ayant exprimé une croyance religieuse différente de celles officiellement reconnues ont été forcées à l'exil ou réinstallées de force dans une autre région du pays.
|
Les autorités turkmènes justifient leur loi pour des raisons de sécurité et de lutte antiterroriste, mais il s'agissait en fait d'un moyen pour l'ex-président Niazov — le Turkmenbachi, c'est-à-dire «le père des Turkmènes» — d'exercer un contrôle accru sur sa population, notamment dans le domaine religieux.
La langue turkmène s'écrit avec plusieurs alphabets. Si l'alphabet latin est employé de nos jours au Turkménistan, c'est l’alphabet cyrillique qui était utilisé auparavant, lequel avait remplacé un ancien alphabet arabo-persan. D'ailleurs, c'est cet alphabet
arabe qu'on utilise encore pour le turkmène en Afghanistan et en Iran. |