République
de Panama
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Panama
República de Panamá
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Capitale: Panamá
Population: 3,4 millions (2010)
Langue officielle: espagnol
Groupe majoritaire: espagnol (77,7 %)
Groupes minoritaires: moins d’une dizaine de langues amérindiennes
Système politique: république unitaire formée de neuf provinces
et de territoires autonomes particuliers («comarcas»)
Articles constitutionnels (langue):
art.
7, 10, 78, 84, 86, 96 et 104 de la
Constitution de 1972 modifiée en 1983 et 1994
Lois linguistiques:
Code civil (1916);
Loi
générale sur les sociétés anonymes (1927);
Code du travail (1971);
Loi n° 1 du 3 février 1994 sur la législation du travail;
Loi n° 3 du 17 mai adoptant le Code de la famille (1994 );
Loi n° 8 du 14 juin favorisant les activités touristiques dans la république de
Panama (1994);
Loi
n° 34 modifiant la Loi organique sur l'éducation, n° 47, de 1946
(1995);
Loi n° 29 édictant les règles sur la défense de la concurrence et adoptant
d'autres mesures (1996);
Décret exécutif n° 94 du 25 mai 1998 créant l'unité de coordination technique
pour la mise en œuvre des programmes spéciaux dans les régions indigènes
;
Règlement de la loi n° 20 du 26 juin 2000
;
Loi n° 36 du 19 juillet favorisant l'industrie cinématographique et
audiovisuelle, et édictant toute autre disposition (2007);
Loi n° 45 sur le protection du consommateur et la défense de la concurrence
(2007);
Décret exécutif n° 274 du 31 août 2007 créant la Direction nationale de
l'éducation interculturelle bilingue et lui attribuant des fonctions;
Décret
exécutif n° 52 du 30 avril 2008 ;
Code judiciaire (2010). Lois des comarques:
Loi n° 16 du 19 février 1953
instituant la comarca de San Blas (1953);
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque de Ngöbe-Buglé
(1999);
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque
d'Embera-Wounaan (1999);
Loi instituant la comarque kuna de Wargandi (2000);
Loi fondamentale de la comarque de Kuna Yala (2006). |
1
Situation générale
|
Le Panama (en esp.: Panamá) est un petit pays de pays de 75 517 km² (sept fois
plus petit que la France et 132 fois plus petit que le Canada, mais 2,5 fois
plus grand que la Belgique) situé sur l'isthme reliant l'Amérique du Sud à
l'Amérique centrale.
Le pays est limité au nord par la
mer des Caraïbes, à l'est par la Colombie, au sud par l'océan Pacifique et à
l'ouest par le Costa Rica; il est traversé par le canal de Panama. Quelque
51 km séparent l'Atlantique du Pacifique.
1.1 Les divisions administratives
en provinces Le Panama est divisé en neuf provinces
administratives appelées "provincias": Bocas del Toro, Coclé, Colón, Chiriquí, Darién,
Herrera, Los Santos, Panamá et Veraguas (voir
la carte détaillée des provinces). La capitale et plus grande ville du pays
est Panama (Ciudad de Panamá). |
Le tableau qui suit présente la population résidente
par province ainsi que la superficie de chacune d'elles. La province de
Panama est la plus importante au point de vue numérique (1,6 million
d'habitants) et l'une des plus grandes par sa superficie (avec les provinces
de Varaguas et de Darién).
Province |
Capitale |
Population (2010) |
Superficie |
Panama |
Panama |
1 663 913 |
11 670 km² |
Chiriquí |
David |
409 821 |
6 547 km² |
Colón |
Colón |
232 748 |
4 868 km² |
Coclé |
Penonomé |
228 676 |
4 927 km² |
Veraguas |
Santiago |
226 641 |
10 629 km² |
Bocas del Toro |
Bocas del Toro |
121 952 |
4 643 km² |
Herrera |
Chitré |
107 911 |
2 340 km² |
Los Santos |
Las Tablas |
88 487 |
3 804 km² |
Darién |
La Palma |
46 951 |
11 896 km² |
Total |
- |
3 127 100
|
61 324 km²
/ 78 200 km² |
Source: Panama, Censos
Nacionales 2010
Cependant, la population de ces neuf provinces ne
correspond pas à la population totale du pays, soit 3,3 millions en 2010,
puisqu'il manque encore la population des "comarcas" (195 476 en 2010).
1.2 Les comarcas ou régions autonomes indigènes
Les droits des indigènes du Panama sont reconnus par la Constitution
et par un ensemble de lois et de règlements précisant les modalités reconnues
lors de la création des régions autonomes indigènes, soit les "Comarcas
Indígenas" ou comarques autochtones. Dans ces régions autonome, l'État panaméen reconnaît la structure politique et administrative
traditionnelle des indigènes. Nous pouvons définir les comarcas comme des
territoires réservés aux populations indigènes qui
bénéficient d'une certaine autonomie politique et administrative. Aux
États-Unis et au Canada, on parlerait de «réserves». D'ailleurs, au
Brésil, on emploie en portugais l'expression "reservas indígenas autônomas» pour
désigner les comarques du Panama. Dans d'autres pays,
ce type de division administrative correspondrait, selon le cas, à un comté, une région,
un district, un regroupement de municipalités, une municipalité régionale de comté,
etc. Cependant, l'autonomie des régions indigènes reste bien relative, car les
pouvoirs demeurent limités. Par exemple, les grands projets d’investissements
sur ces territoires indigènes ne sont pas destinés à ces les populations et les
retombés de ces investissement ne contribuent pas au développement de ces
régions. D'ailleurs, les indigènes ne sont guère consultés.
On compte cinq
comarques indigènes. Trois comarques ont le statut de «province» et
possèdent les mêmes prérogatives que les provinces:
la comarca de Kuna Yala, la comarca de Ngöbe-Buglé et la comarca de
Emberá-Wounnan (voir la carte
des provinces et des comarcas indígenas).
Comarque |
Capitale |
Population (2010) |
Superficie |
Ngöbe-Buglé (1997) |
Buabidi |
154 355 |
6 968 km² |
Kuna
Yala (1938) |
El Porvenir |
31 577
|
2 340 km² |
Emberá-Wounaan (1983) |
Unión Choco |
9 544
|
4 383 km² |
Sous-total indigène |
- |
195 476 |
13 691 km² |
Total du
pays |
- |
3 322 576 |
78 200 km² |
Source: Panama, Censos Nacionales
2010
Ces trois comarques ont une population
totale de 195 476 indigènes, mais il y en a d'autres, notamment dans les
comarcas de Madungandi et de Wargandi, ainsi que dans les autres provinces.
Deux autres comarques possèdent le statut de corregimiento : la
comarca de
Madungandí et la comarca de
Wargandí. Les comarques à statut de
corregimiento correspondent à des divisions administratives possédant un
district; c'est aussi là où le représentant de l'autorité est le Corregidor appelé
"Representante de corregimiento" («représentant»). Par exemple, la comarca
Kuna de Wargandí est un "corregimiento" ayant la caractéristique d'une comarca.
Les comarques ayant le statut de corregimiento font juridiquement
partie d'une province : la comarca de
Madungandí fait partie de la province de Panamá et la comarca de Wargandí, de la
province de Darién (voir la carte
des provinces et des comarcas indígenas).
La première comarque fut créée en 1938 pour
les Kuna, sous la pression des États-Unis: la comarca de San
Blas, devenue plus tard la comarca de Kuna Yala. Vinrent ensuite
les comarcas d'Emberá-Wounaan (1983), de Ngöbe-Buglé (1997), de
Madungandí (1996) de Wargandí (2000). Seuls les Teribe-Naso et
les Bri-Bri ne bénéficient pas d'un territoire officiellement
défini; ils en espère la création.
2
Données démolinguistiques
Au point de vue ethnique, le Panama compte environ 65 % de
Métis («Mestizos», 15 % de Noirs, 10 % d’Européens descendants des
Espagnols, 8,3 % d’Amérindiens («Indígenas») et plus de 2 % d’Asiatiques
(des Chinois). La population est répartie inégalement selon les provinces. Ce
sont les provinces de Panamá, de Chiriquí, de Veraguas, de Colón et de Coclé
qui sont les plus importantes du point de vue de la population.
2.1 Les autochtones
Selon les données décennales de l'année 2000, on
comptait 234 400 indigènes au Panama, ce que signifie 8,3 % du total des habitants du
pays. Ces autochtones sont divisés plusieurs ethnies, bien que les deux tiers de
l'ensemble appartiennent au groupe des Guaymí (env. 150 000 personnes) et 25 %
du groupe Kuna (plus de 58 000). Au total, le pays compte sept peuples
indigènes, dont un grand nombre dans des régions dotées d’une certaine
autonomie, les comarcas: les Ngöbe, les Kuna, les Emberá, les
Waunan, les Buglé, les Naso et les Bri-Bri.
Groupe ethnique |
Population |
Pourcentage |
Ngäbe |
260 058 |
61,3 % |
Kuna |
80 526 |
18,9 % |
Emberá |
31 284 |
7,3 % |
Buglé |
24 912 |
5,8 % |
Wounan |
7 279 |
1,7 % |
Teribe/Naso |
4 046 |
0,9 % |
Bokota |
1 959 |
0,4 % |
Bri-Bri |
1 068 |
0,2 % |
Autre - non déclaré |
6 427 |
1,5 % |
Total |
417 559 |
100
000 % |
Source: Panamá, Censos Nacionales
2010
Selon le recensement de 2010 du gouvernement panaméen, les
417 559 indigènes représentent 12,5 % de la population du pays, laquelle était
en 2010 de 3,3 millions d'habitants.
La majorité des Ngöbe
et des Buglé réside dans le nord-ouest
de la comarca de Ngöbe-Buglé (selon la
loi 10 de 1997) et les provinces de Bocas del Toro,
de Chiriquí et de Veraguas. Les Kuna se trouvent au
nord-est dans la comarca de Kuna Yala —
«le pays des Kuna» — (selon
la loi 16 de 1953), la comarca Kuna de
Madungandi (selon la loi 24 de 1996), la
comarca
kuna de Wargandi (selon la loi 34 de 2000) et dans deux communautés kuna,
les Pucuru et les Paya (Takarkunyala), lesquelles se trouvent dans le parc
national de Darién (en vertu du décret
exécutif 21 de 1980). La plupart des Kuna habitent dans l'archipel appelé
«de las Mulatas» («Mulâtres»), mieux connus sous le nom de «îles
de San Blas» (archipel), ainsi que dans les bassins des rio Bayano et Chucunaque.
Quelques-uns des peuples Emberá
et Wounaan résident dans la
comarca
d’Emberá (Loi 22 de 1983), mais d'autres habitent dans le parc national de Darién et
certaines communautés dans la province du Darién; les
Naso (Teribe) habitent dans le parc international de La Amistad («L'Amitié») et les
Bri-Bri
sur les rives de la rivière Sixaola, à la frontière du Panama et du
Costa Rica. La majorité des peuples indigènes est organisée au sein des "Congresos
Indígenas" («Congrès indigènes»). Près de 20 % du territoire panaméen
fait partie des comercas indigènes.
2.2 Les langues
|
La majorité des Panaméens parlent l’espagnol
comme langue maternelle, soit 75,8 %. Ce sont tous les Blancs et les Métis du
pays,
ainsi qu’un certain nombre de Noirs et d’indigènes. Ils vivent surtout dans le
centre, le sud et le sud-ouest du Panama
Les Noirs
(originaires de la Barbade et de la Jamaïque) parlent généralement un créole
à base d’anglais (14 %), appelé «créole panaméen».
Mais les premiers habitants du pays, les indigènes, parlent
surtout le ngäbere (175 000), le
kuna de San Blas (66 100), l'emberá
du Nord (14 000), puis le teribe
(3800) et le woun meu (3000).
Ces langues connaissent plusieurs variétés
dialectales, surtout chez les Kuna qui vivent dans le nord-est du pays. Il
existe trois grandes zones indigènes, le Nord-Ouest avec les Kuna; le Sud-Est avec les Emberá et
les Epena; et le Nord-Ouest avec les Teribe, les Buglere et
les Gyaymi, les locuteurs du ngäbere).
|
Pour leur part, les immigrants parlent
l'anglais (Américains, Jamaïcains, Britanniques, Canadiens, etc.), l'hindi
(Indiens), le chinois hakka (Chinois), l'arabe (Libanais, Palestiniens,
Syriens, etc.), le français (Français et Canadiens), l'italien (Italiens),
le coréen (Coréens), etc.
3 Données historiques
Avant l’arrivée des Européens, ce sont les
Amérindiens kuna, choco et guaymi, qui occupaient cette région stratégique du
fait, d'une part, qu'elle relie l'Amérique du Nord à l'Amérique du Sud, d'autre
part, qu'elle sépare
l'océan Pacifique de l'océan Atlantique.
3.1 La colonisation espagnole
C’est Rodrigo de Bastidas, un rival de Christophe
Colomb, qui découvrit la région en 1501. L'année suivante, Christophe Colomb
revendiqua le territoire au nom de l'Espagne. La région fut explorée en 1513
par Vasco Núñez de Balboa, le gouverneur espagnol du territoire qui, le
premier, traversa l’isthme et atteignit le Pacifique.
La ville de Panamá
(mot signifiant «zone riche en pêche»), fondée dès 1519, devint le point de
départ de toutes les expéditions coloniales espagnoles vers le nord et le sud
du continent. C’est par cet axe stratégique que passait tout l’argent du
Pérou. C’est pourquoi la colonie suscita la convoitise des corsaires
hollandais, français et anglais, qui l'attaquèrent à maintes reprises, ce qui a
considérablement nui à la prospérité de Panamá. Pour se défendre, les Espagnols
fortifièrent la côte est. Cela n’empêcha pas le célèbre pirate britannique Henry Morgan
(1637-1688) de s’emparer de la ville de Panamá en 1671, alors que les défenseurs
de la ville sont plus nombreux que les troupes ennemies; le butin de Morgan se
serait élevé à plus de 100 000 livres sterling, mais la renommée de cet exploit
fut ternie par la cruauté de Morgan et de ses hommes.
Sous la dépendance de la vice-royauté du Pérou, le
Panama fut ensuite intégré à la Nouvelle-Grenade
au début du XVIIe siècle, puis de la Colombie, mais resta sous la
domination espagnole jusqu'en 1821. C’est durant cette période que la
population se métissa et que la langue espagnole se répandit dans tout le
pays, sauf chez les indigènes.
Au cours de la colonisation espagnole, le roi d'Espagne,
Charles Quint, commanda une étude en 1523 pour préparer un premier projet d’un canal sur l’isthme de Panama.
Il croyait qu'en creusant une tranchée les voyages vers l'Équateur et le Pérou
seraient plus courts et permettraient aux navires d'éviter le fameux cap Horn et
ses dangers, notamment pour le transport de l'or. Un plan des travaux fut
même élaboré en 1529, mais le roi n’en prit pas connaissance. En 1534, un notable espagnol proposa un projet de canal proche de celui qui existe aujourd’hui. Il y eut par la suite plusieurs propositions de plans,
mais rien ne fut réellement entrepris. Il faut admettre que la situation
politique en Europe et le niveau technologique de l'époque rendaient le projet
encore impossible.
Ce n'est qu'en 1819 que le gouvernement espagnol accorda
officiellement l’autorisation de construire un canal et de créer une compagnie commerciale pour
en réaliser la construction. Ces efforts
demeurèrent encore une fois sans résultat, car la révolte des colonies empêcha
l'Espagne de contrôler les emplacements pouvant être utilisés pour sa construction.
3.2 Une province colombienne
|
À la fin de la domination espagnole en 1821, le Panama
fut rattaché à la république de Grande-Colombie, créée par Simón Bolívar. En 1826, Bolívar réunit les gouvernements des États de la
Grande-Colombie (Venezuela, Colombie, Équateur et
Panama), à Panamá, lors du congrès panaméricain,
afin de construire avec eux l'unité du continent sud-américain. Il mourut
cependant en 1830, avant d'avoir consolidé cette unification. Lors de la
dissolution de la république de Grande-Colombie, chacun des États se retrouva
politiquement autonome, mais le Panama continua de faire partie de la Colombie,
dont il constituait une province. Entre 1850 et 1855, les États-Unis achevèrent la
construction d’une voie ferrée au Panama afin de relier l'Atlantique au
Pacifique; ce chemin de fer faisait 75 km de long, de Colón sur la côte
Atlantique jusqu’à Panamá sur le Pacifique. Cette construction représentait
alors un chef d'œuvre d'ingénierie, car elle était réalisée dans des conditions
très difficiles. On croit que plus de 12 000 ouvriers sont morts lors de la
construction, généralement du choléra ou du paludisme.
Rappelons que les Espagnols avaient, au XVIe
siècle, eu
l'idée de construire un canal pour relier les deux océans, mais ce fut un
Français, Ferdinand de Lesseps qui, en 1880, réalisa cette première
tentative, avec la Compagnie universelle du canal interocéanique. Le
père du canal de Suez avait créé une compagnie en faisant appel à
l’épargne privée en France.
|
Cependant, neuf ans plus tard, les
travaux de construction du canal furent interrompus, car un grave scandale politico-financier
secoua la France (IIIe République)
en même temps que des
difficultés diverses (épidémie de fièvre jaune, accidents de terrain,
faillite, etc.) empêchèrent la poursuite des travaux. Ce fut la fin du
«canal français».
En 1903, le gouvernement de la Colombie refusa aux États-Unis le droit
d'achever le canal. Aussitôt, les États-Unis «invitèrent» le Panama à
se soulever. Le 3 novembre de cette même année, la Colombie dut se
départir du Panama, qui devint la république du
Panama. Sous le couvert d’un Traité de paix et d’amitié,
les Américains débarquèrent dix fois sur le territoire du Panama entre 1856
et 1902. Beaucoup d'Américains ont alors cru sincèrement que l’armée des
États-Unis avait soutenu le peuple panaméen dans son «aspiration à la liberté»
et dans son désir de se libérer de «l’oppression colombienne»... pour tomber
sous le joug des États-Unis. Le 6 mai 1902, le président américain,
Théodore Roosevelt, avait sanctionné la loi Spooner qui devait lui permettre de s’approprier une bande de 16 km de large
pour la construction du canal et maintenir des «droits perpétuels» sur la
zone.
3.3 L’indépendance et le Canal
Des troupes américaines furent envoyées pour «soutenir»
le nouveau gouvernement panaméen et, le 18 novembre 1903, les droits du
canal furent «vendus» aux États-Unis. En réalité, le Panama fut contraint
de signer un traité avec les États-Unis par lequel ces derniers entreprenaient
la construction d'un canal interocéanique à travers de l'isthme de Panama. En
1904, les États-Unis achetaient à la Compagnie française du Canal ses droits
et propriétés pour une somme de 40 millions de dollars. Deux semaines après,
et en échange de 10 millions de dollars, le traité Hay-Brunau-Varilla concédait
aux États-Unis «l'usage à perpétuité» d'un canal encore à creuser et
d'une zone de huit kilomètres sur chacune de ses rives, ainsi que la «totale
souveraineté» sur cet ensemble. En retour, les États-Unis garantissaient
l'indépendance du Panama. En fait, il devait y avoir deux gouvernements: un
pour le Canal (américain) et un pour le pays (panaméen).
|
Le canal fut achevé par les
Américains en 1914 pour un coût d'environ 387 millions de dollars de
l'époque. Il
mesurait quelque 80 km de longueur. Les États-Unis demeuraient
propriétaires de la zone du canal (le «Canal Zone»), soit 16 km de large
sur 80 km de long. Ce fut, jusqu’à la rétrocession du canal, un
État dans l’État, ce qui permettait dans un environnement «pacifique» de
maintenir une présence militaire américaine dans la région. Dans
cette zone du canal, Washington déploya jusqu'à plus de 10 000 soldats
répartis dans 14 casernes et forts. La
zone du canal devint le centre d'entraînement des forces
armées américaines et d'Amérique latine, un centre d'espionnage continental
et une base d'appui aux opérations de contre-insurrection. Bref, cette zone du
canal recouvrait un territoire 1474 kilomètres carrés sur lequel Washington
exerçait une souveraineté entière: un État indépendant créé de toute
pièces par et pour les États-Unis. |
Le canal de Panama devint aussitôt après son ouverture
un passage obligé pour les bâtiments naviguant entre les océans Atlantique et
Pacifique, ce qui leur évitait le long périple de 14 800 km, le long des
côtes du continent sud-américain et le dangereux détroit de Magellan à la
pointe de l’Amérique du Sud. Étant donné que les États-Unis contrôlaient le canal,
la plupart des postes de direction furent confiés à des citoyens américains.
Au lendemain de l'ouverture du canal, une grande partie de
l’économie du Panama commença à dépendre de la rente annuelle versée par les
administrateurs du canal et des milliers d’emplois — environ 8000 — créés pour
son entretien. La langue anglaise s’installa dans le pays et fit concurrence à
l’espagnol. Dans la zone du canal, les temples, les églises, les bureaux administratifs,
les médias, les commerces, etc., ne fonctionnaient qu'en anglais.
Cependant, depuis l'indépendance, la vie politique du
Panama a connu de nombreux soubresauts, car les relations avec les États-Unis
sont demeurées tendues. N’oublions pas que les Américains contrôlaient tout le
secteur du canal et y ont investi près de trois milliards de dollars dans
l'entreprise, mais les deux tiers de cette somme étaient déjà récupérés en
1977.
En 1953, le gouvernement panaméen accorda aux
autochtones, les Kuna, une grande autonomie dans la
comarca
de San Blas (les îles de San Blas), aujourd'hui la
comarca de Kuna Yala; par la
suite, cette autonomie fut étendue à quatre autres communautés autochtones: les
Emberá
(1983), les Ngobe-Buglé (1997), les Kuna Madugandí (1996) et les Wargandí
(2000).
- La rétrocession du Canal
En 1968, à la suite d'une série d'élections contestées
et de crises constitutionnelles, le général Omar
Torrijos, commandant de la garde nationale, s'empara du pouvoir.
Celui-ci lutta pour obtenir la restitution du canal. En mai 1976, Ronald Reagan,
alors candidat à la présidence américaine, avait déclaré: «Il n'y a
absolument rien à négocier à propos du canal. Nous l'avons acheté, nous
l'avons payé, nous l'avons construit; il est à nous, et nous le garderons.»
Mais le traité Carter-Torrijos (du nom des présidents
américain James Carter et panaméen Omar Torrijos) de 1977 accorda au Panama
une répartition plus équitable des bénéfices, la cogestion du canal avec les
États-Unis et la disparition progressive de la zone du canal (prévue pour l’an
2000). Ce texte, entré en vigueur en octobre 1979, donnait vingt ans pour
assurer le transfert de la zone, ainsi que de l'administration et du
fonctionnement du canal, aux autorités panaméennes. Malgré cet accord, les
relations entre les États-Unis et le Panama restèrent tendues, du fait que la
Canal constituait un État dans l'État.
|
À la mort de Torrijos, en 1981, son
ministre de la Défense, le général Manuel Antonio Noriega
devint de plus en plus influent. En 1988, Eric Arturo Delvalle, devenu
président en 1985, essaya de chasser Noriega, lequel, par la suite,
destitua Delvalle. Noriega gouverna en tant que chef de l'Assemblée
nationale et décréta l'état d'urgence. Puis, le régime de Noriega
devint de plus en plus répressif et corrompu. Les relations avec les
États-Unis se détériorèrent, le président américain (George Bush)
appela en mai 1989 l'armée et le peuple panaméens à renverser
Noriega, inculpé de trafic de drogue. En octobre 1989, une tentative de coup d'État contre
Noriega échoua et, le 20 décembre de la même année, les États-Unis
envoyèrent des troupes au Panama, lors de l’opération «Juste Cause».
Noriega se réfugia dans la nonciature du Vatican, mais il fut peu après extradé aux
États-Unis. |
En 1990, les Américains installèrent au pouvoir Guillermo
Endara. Reconnu coupable de trafic de drogue, Noriega fut condamné,
en 1992, à purger une peine de prison de quarante ans aux États-Unis. En 1994,
l’élection du président Ernesto Pérez Balladares
(Parti révolutionnaire démocratique) n’a pas apaisé les tensions. La
question du Canal demeura incontournable, car elle était liée au départ des troupes
américaines. En 1999, la question de la restitution par les États-Unis de la
zone du canal, le 31 décembre de la même année, devint le centre des
discussions. Finalement, le commandement américain des forces spéciales pour le sud (Socsouth)
devait quitter Panama pour s'installer, à l'été 1999, à Porto Rico. La
création d’un «centre international de lutte contre la drogue» — Centre
multilatéral antidrogue — pour la sécurité du trafic interocéanique
devrait néanmoins maintenir sur place une présence militaire américaine.
- Le retrait symbolique des Américains
Rappelons que Washington prétend, en vertu du
traité Carter-Torrijos, pouvoir encore intervenir unilatéralement au Panama,
sans autorisation préalable du gouvernement de ce pays, si la «neutralité»
du canal était en danger. Évidemment, cette thèse est vigoureusement
contestée par le gouvernement panaméen, qui a accordé des concessions à une
entreprise de Hong-Kong. En effet, c’est la société Hutchison Whampoa, dont
le siège est à Hong-Kong, qui s'est assurée la gestion (pour les prochains 25
ans) des ports de Cristobal (côte atlantique) et de Balboa (côte pacifique).
En somme, après l’«Oncle Sam», ce serait au tour de l'«Oncle Tchang»!
Mais que vaut le droit international, lorsque l'Empire
américain s'inquiète de ses intérêts? Il est vrai que la présence des
États-Unis sur le territoire panaméen a toujours eu pour objet de projeter
leur pouvoir militaire sur tout le continent. Ce n’est pas pour rien que les
Panaméens ont toujours dit: «No hay democracia en Panamá porque no conviene a
los gringos» («Il n'y a pas démocratie au Panama parce que cela ne convient
pas aux étrangers»). On peut quand même se demander comment un pays de 3,4
millions d'habitants pourrait, sans difficultés, subvenir aux frais exorbitants du canal de
Panama.
4
La politique linguistique à l'égard de l'espagnol
La politique linguistique de la république du Panama s’ouvre
sur deux volets: la langue espagnole et les langues indigènes. En raison de l’omniprésence de l’anglais, le
gouvernement panaméen a dû proclamer l’espagnol comme langue officielle de
la République. C’est l’objet de l’article 7 de la Constitution de 1972,
modifiée en 1983 et 1994:
Article 7
L'espagnol est la langue officielle
de la République. |
4.1 La nationalité panaméenne
Le statut de l'espagnol comme langue officielle signifie que
l'espagnol sert dans toutes les
communications auprès de la population, que ce soit la législation, l’administration
gouvernementale, l’enseignement, la justice, les médias, etc. C’était une
façon pour le Panama de proclamer son identité hispanophone face aux Américains
anglophones. D’ailleurs,
l’article 10 de la
Constitution vient préciser certaines modalités pour accéder à la
nationalité panaméenne:
Article 10
Peuvent demander à
être naturalisés panaméens:
1) Les étrangers qui
ont résidé cinq ans consécutifs sur le territoire de la République
si, une fois majeurs, ils déclarent leur volonté de se faire
naturaliser, renoncent expressément à leur nationalité d'origine ou
à tout autre, et font preuve
qu'ils possèdent la langue espagnole
et des connaissances élémentaires sur la géographie, l'histoire et
l'organisation politique panaméennes;
2) Les
étrangers qui ont séjourné trois années consécutives sur un
territoire de la République et qui ont des enfants nés de père
panaméen ou de mère panaméenne ou qui ont un conjoint de nationalité
panaméenne, s'ils font la déclaration et fournissent la preuve
mentionnée à l'alinéa précédent;
3) Les
nationaux de naissance d'Espagne ou d'un État latino-américain,
s'ils remplissent les mêmes conditions que celles qui sont exigées
des Panaméens dans ces pays pour les naturaliser.
|
Pour obtenir la citoyenneté panaméenne, il faut faire la
preuve de maîtriser l'espagnol. Cette disposition semble être là pour créer des
difficultés aux ressortissants américains qui ne connaissent pas la langue
espagnole. Par contre, elle facilite la tâche aux ressortissants hispanophones,
c'est-à-dire aux «nationaux de
naissance d'Espagne ou d'un État latino-américain».
4.2 La pureté de la langue
Quant à l’article 78 de la
Constitution, il déclare que l'État doit veiller à la défense, à la
diffusion et à la pureté de la langue espagnole:
Article 78 L'État veille à la défense,
à la diffusion et à la pureté de la langue espagnole. |
Il s’agit là manifestement d’une disposition
permettant à l’État d’intervenir dans le code linguistique, par exemple
dans la chasse aux anglicismes. Juridiquement parlant, ce genre de disposition
est difficile à appliquer, car il s'agit davantage d'un vœu pieux, et ce,
d'autant plus que d'autres
États souverains ont l'espagnol comme langue officielle et... qu'ils
pourraient avoir leur mot à dire sur ce sujet.
4.3 La justice
Les tribunaux panaméens n'utilisent que l'espagnol lors de
la procédure judiciaire. Cependant, lorsque quelqu'un ignore l'espagnol,
la cour fait intervenir un interprète. D'ailleurs, plusieurs articles du
Code judiciaire de 2010 prévoient des dispositions à cet effet, que ce soit
pour un justiciable, un accusé, un témoin, etc., y compris les sourds-muets:
Article 492
Chaque fois qu'il faut effectuer une poursuite quelconque dans
laquelle doit intervenir une personne qui ne parle pas
l'espagnol, le juge doit désigner un interprète officiel ou un
interprète ad hoc nommé par lui-même, qui devra confirmer la
poursuite.
Article 951
Lorsqu'il y aura à déclarer qu'une personne ne comprend pas
l'espagnol ou est sourde-muette, le juge doit désigner
interprète, dont il est exigé de prêter serment qu'il exercera
fidèlement ses fonctions.
Article 2012
L'accusé qui ne comprend pas l'espagnol doit faire ses
déclarations par l'intermédiaire d'un interprète, lequel sera
préalablement assermenté.
Article 2117
Les témoins sont examinés séparément par le juge d'instruction,
son secrétaire et les parties présentes, lesquels peuvent les interroger ou les
examiner. Ceux qui ne
parlent pas l'espagnol sont interrogés par l'intermédiaire d'un
interprète
Article 2253
Les témoins qui ne connaissent pas l'espagnol pour s'exprimer
font leurs déclarations par l'intermédiaire d'interprète approprié et les
témoignages des muets, des sourds, des sourds-muets et des aveugles
sont acceptés en conformité avec les méthodes adéquates ou
scientifiques pour ces cas.
|
Dans ces conditions, il est normal qu'un
non-hispanophone ignorant l'espagnol ne puisse devenir juré dans un procès.
L'article 2323 du
Code judiciaire est clair à ce sujet:
Article 2323
Sont exemptés de servir comme jurés :
17. Ceux qui
ne connaissent pas la langue espagnole ;
|
Il en est ainsi dans les testaments.
Ainsi, d'après le Code
civil (1916), tout document écrit dans une autre langue que l'espagnol
doit avoir été attesté par un notaire et un interprète assermenté, sous
peine de nullité:
Article 1746
Lorsque la langue du
signataire ou de l'un d'eux n'est pas le castillan, le notaire doit
demander s'ils comprennent cette langue. S'ils répondent négativement,
le document doit être accepté avec l'intervention d'un interprète
officiel ou d'un interprète ad hoc nommé par le notaire, sous
peine de nullité.
S'ils répondent de
manière affirmative, cela doit être déclaré avec certitude et le
document ne peut être annulé, même s'il est prouvé plus tard que les
signataires ou l'un d'eux ignoraient le castillan.
Article 1747
Est considéré comme nul
un document signé sans que le notaire n'ait attesté qu'il a posé la
question prévue à l'article précédent, si cela s'avère que les
signataires ou l'un d'eux ignoraient le castillan. |
Évidemment, selon l'article 713 du
Code civil (1916), ceux
qui ne comprennent pas la langue du testateur, si celui-ci ignore le
castillan et témoigne dans sa langue, ne peuvent être témoins dans un
testament:
Articles
713 Ne peuvent
être témoins dans les testaments :
3. les aveugles et
ceux qui sont totalement sourds ou muets;
4. ceux qui ne
comprennent pas la langue du testateur, si celui-ci ignore le
castillan et témoigne dans sa langue;
|
Il en est ainsi pour les personnes
souffrant d'un grave handicap d'ordre visuel ou auditif.
4.4 L'éducation
En éducation, l’État prend certaines précautions.
L’article 96 de la
Constitution énonce que l'enseignement dans les établissements publics doit être
dispensé dans la langue officielle. Toutefois, pour des motifs d'intérêt public,
la loi peut permettre que, dans certains établissements, l'enseignement soit aussi
dispensé dans une langue étrangère. Quoi qu’il en soit, l'enseignement de
l'histoire de Panama et de l'éducation civique doit être décidé par des
Panaméens:
Article 96
L'éducation
doit être dispensée dans la langue officielle, mais pour des motifs
d'intérêt public la loi peut permettre que, dans quelques
établissements, celle-ci soit aussi dispensée dans une langue
étrangère.
L'enseignement de l'histoire de Panama et de l'éducation civique
doit être dispensé par des Panaméens.
|
Quoi qu'il en soit, tous les
établissements d'enseignement dispensent une instruction en espagnol, à
l'exception des dispositions prévues pour les peuples indigènes.
4.5 Les médias
|
La quasi-totalité des
journaux panaméens est publiée en espagnol, que ce soit La
Prensa, La Estrella, El Siglo, El Panamá America, El Universal,
Bocas Breeze, Mi Diario, Panamá América, etc. Cependant,
quelques rares journaux, tels Panama News et Noti
News, peuvent être publiés en anglais. |
Dans les médias électroniques, les
réseaux radiophoniques nationaux, tels que KW Continente et
RPC, diffusent en espagnol, alors que les chaînes télévisées RPC,
Telemetro et TVN émettent leurs émissions également en
espagnol. Seuls Panama FM (radio) diffuse en anglais. Il existe de
très nombreuses stations de radio locales et elles diffusent
pratiquement toutes en espagnol, sauf quelques-unes dans des langues
indigènes.
Pour le cinéma, la
Loi no 36 du 19 juillet favorisant l'industrie cinématographique et
audiovisuelle, et édictant toute autre disposition (2007) distingue les
productions nationales des productions étrangères. L'article 6 de cette
loi considère comme une œuvre cinématographique ou audiovisuelle
nationale celle qui, entre autres, est réalisée de préférence dans sa version originale en espagnol ou
dans certaines des langues indigènes parlées dans
la république de Panama:
Article 6
Est considérée comme
une œuvre
cinématographique ou audiovisuelle nationale
celle qui répond
aux conditions suivantes :
1. Que le producteur ou
l'entreprise productrice du film soit de nationalité panaméenne.
2. Qu'au moins cinquante et un pour
cent (51 %) des personnes membres des équipes
techniques et artistiques qui participent à son
élaboration, comme les acteurs, les
directeurs de production, de la photographie, du
son, du montage, des décors et des costumes, soient
panaméennes.
3. Que le film soit
réalisé de préférence
dans sa version originale en espagnol ou
dans certaines des langues indigènes parlées dans
la république de Panama.
4. Que le tournage, sauf pour les besoins du script,
soit effectuée sur le territoire de la république
de Panama.
|
4.6 Les affaires
Le monde du travail est en espagnol.
L'article 11 du Code du travail
(1971) interdit qu'une entreprise ordonne à des travailleurs hispanophones
de recevoir des ordres, des instructions ou des directives dans une autre langue que
l'espagnol:
Article 11
Dans aucune entreprise ni
milieu de travail il ne peut être ordonné aux
travailleurs hispanophones de recevoir des ordres, des
instructions ou des directives concernant le travail dans une autre langue que
l'espagnol. |
Dans le cas des
contrats bancaires, l'article 202 du
Décret exécutif no 52
du 30 avril 2008 énonce que contrats bancaires rédigés
dans une autre langue que l'espagnol sont nuls, sauf
si le caractère international du contrat l'exige:
Article 202
Nullité des clauses
contractuelles
Le champ d'application et l'interprétation de
l'article 74 de la loi 45 de 2007 sont les suivantes :
[...]
3) Sont considérés
comme nuls les contrats bancaires rédigés
dans une autre langue que l'espagnol,
pourvu que le bénéficiaire de service le sollicite
et qu'il ne s'agisse pas d'un document public.
Ainsi, la rédaction d'un contrat bancaire est
autorisée dans une autre langue que
l'espagnol dans les cas
où le caractère international du contrat l'exige. |
Dans la
Loi no 8 du 14 juin 1994 favorisant les activités touristiques dans la république de
Panama, le Centre des congrès doit prévoir la
de traduction simultanée en plusieurs
langues:
Article 4
Aux
fins de la présente loi, «offre touristique»
désigne
toute activité commerciale ayant pour objet
de stimuler le séjour des touristes dans le
pays, ainsi que de la
promotion du tourisme intérieur.
Pour les fins de la présente loi,
les
entreprises touristiques sont ainsi définies:
[...]
Centre des
congrès : installation adéquate et
équipée pour la tenue de conférences, de
réunions et d'événements technologiques,
culturels et touristiques, avec des
facilités en personnel de bureau et
de traduction simultanée en plusieurs
langues, et
habilitée pour tenir simultanément plusieurs
événements. |
Ces quelques textes juridiques démontrent
que l'usage de l'espagnol est obligatoire dans certains secteurs du monde
des affaires.
5
La politique linguistique à l'égard des autochtones
Le Panama s’est doté d’une politique indigéniste
assez sophistiquée. Celle-ci a commencé à se concrétiser après un
conflit armé en 1925 — la «révolution Tule» — avec les indigènes (qui avaient alors constitué une
république autonome), lors de l’adoption d’une loi en 1938 créant la
première comerca
de San Blas, un territoire caractérisé par une autonomie politique et
administrative pour les Kuna. La législation fut précisée par la suite en 1953,
par la
Loi no 16 du 19 février 1953
instituant la comarca de San Blas (Ley 16 del 19 de febrero de 1953 «Por la cual se organiza la
Comarca de San Blas»). L’ancienne organisation politique des Kuna a été
améliorée par des "Congresos Locales" («Congrès locaux») et des "Congresos
Generales" («Congrès généraux» ou comarcas) qui ont contribué à conserver une forte
cohésion des Kuna et maintenir le pouvoir de décision sur les activités
effectuées sur leur territoire, puis exercer le contrôle sur leurs ressources
naturelles ou d'autres ressources de la région. La comarca de San Blas est
devenue la comarca de Kuna Yala.
Par la suite, en 1983, fut créée la
comarca
de Emberá-Waunan dans la province du Darién,
laquelle a été divisée en deux secteurs (Cémaco et Sambú). Depuis lors, les
peuples des Emberá et des Wounan se trouvent dans un processus de consolidation de leur
organisation politico-administrative et de leur pouvoir de décision face à
l'État national. On compte quelque 48 communautés Emberá-Waunan
réparties dans la province de Darién et dans une partie de l'est du Panama
dont les membres sont demeurés hors de la comarca et qui luttent pour la
reconnaissance de leurs terres collectives.
La comarca
de Kuna de Madungandi a été créée en 1996 (loi no 24 du 12 janvier
1996). Située à l’est de la province de Panamá dans la zone connue sous le
nom de Alto Bayano. Cette comarca est constituée de 12 communautés
kuna.
Le dernier territoire reconnu en 1997 est celui de la
comarca
de Ngöbe-Buglé (loi no 10 du 7 mars 1997), qui abrite le peuple indigène
le plus nombreux du pays. La reconnaissance juridique de ce territoire a tardé
durant plusieurs années en raison des intérêts de la part des propriétaires
fonciers, des éleveurs et des exploitations minières. Actuellement, la lutte
est particulièrement forte dans ce secteur étant donné l'exploitation des
mines de Cerro Colorado et d'autres concessions dans l'exploitation des
ressources.
Au total, on compte donc cinq comarcas autochtones:
la
comarca Kuna Yala, la comarca d'Emberá-Waunan, la comarca de
Ngobe-Buglé, la comarca de Kuna Madugandí, la comarca de
Wargandí. Le Panama est l’un des rares États d’Amérique latin a avoir
adopté ce mode d’autogestion à l’intention de ses autochtones.
Ceux-ci peuvent adopter des lois dans la mesure où elles ne contreviennent pas
aux dispositions constitutionnelles de la République, ni aux lois du pays.
Toutefois, cette autonomie indigène demeure fort limitée.
Les indigènes ont présentement cinq représentants à l’Assemblée
nationale sur un
total de 78 députés. Ces représentants ne correspondent pas à tous les peuples indigènes :
trois sont de la comarca de Ngöbe-Buglé et deux sont de la
comarca de Kuna Yala. Les
députés indigènes ne sont pas désignés par leur communauté respective, mais par les partis
politiques panaméens, ce qui leur fait perdre une certaine indépendance.
5.1 Les règles constitutionnelles
La
Constitution
de 1994 a prévu quelques dispositions au
sujet des langues indigènes panaméennes. L’article 84 précise que les
langues indigènes font l’objet d’une étude spéciale ainsi que l’objet
de conservation et de développement, tandis que l'État devra promouvoir des
programmes d'alphabétisation bilingue dans les communautés indigènes:
Article 84 Les langues aborigènes font
l'objet d’études spéciales, de conservation et de développement, et
l'État doit faire la promotion des programmes d'alphabétisation bilingue dans les
communautés indigènes. |
L’article 86 de la
Constitution reprend des considérations générales
concernant l’identité ethnique de ces communautés, mais admet que les
langues amérindiennes doivent faire l’objet d’études et de recherches:
Article 86 L'État
reconnaît et respecte l'identité ethnique des communautés indigènes
nationales; il entreprend des programmes visant à développer les valeurs
matérielles, sociales et spirituelles propres à chacune de leur
culture et fonde une institution pour l'étude, la conservation, la
diffusion de ces communautés et de leurs langues, ainsi que la
promotion du développement intégral de ces groupes humains. |
L’article 104 de la
Constitution prévoit des programmes d’éducation et
de promotion à l’intention des populations indigènes, mais rien ne précise
de quel type d’éducation il s’agit. Est-elle bilingue ou non, interculturelle ou
non?
Article 104
Afin d'assurer leur participation
active dans leur rôle de citoyens, l’État doit élaborer des
programmes d’éducation et de promotion pour les groupes indigènes, car
ils possèdent des modèles culturels particuliers.
|
Dans les faits, le type d’instruction dispensée
correspond à ce qui existe en principe à peu près partout en Amérique latin:
l’éducation bilingue. D'ailleurs, l'article 11 de la
Loi
34 modifiant la Loi organique sur l'éducation, no 47, de 1946 (1995)
le mentionne explicitement:
Article 11
L'éducation des
communautés indigènes
s'inscrit dans le cadre des principes et
objectifs généraux de l'éducation nationale
et se déroule conformément aux caractéristiques, aux objectifs et à
la méthodologie de l'éducation bilingue interculturelle.
|
De plus, le
Décret exécutif no 274 du 31 août 2007 créait la Direction
nationale de l'éducation interculturelle bilingue:
Article 1er
Il est institué au ministère
de l'Éducation la Direction nationale de l'éducation
interculturelle bilingue, qui est responsable de la planification,
de la programmation et de la coordination de toutes les activités reliées à la
mise en œuvre de l'éducation interculturelle bilingue.
|
5.2 La question des terres indigènes
Un domaine non linguistique mérite d'être mentionné: la
question des terres indigènes. L'article 123 de la
Constitution ne traite pas de la langue, mais il
reconnaît aux peuples indigènes le droit à leurs terres ancestrales:
Article 123
L'État garantit aux communautés
indigènes la réserve des terres nécessaires et la propriété
collective de ces communautés pour la réalisation de leur bien-être
économique et social.
La loi
prévoit les procédures à
suivre pour atteindre cet objectif ainsi que les limites correspondantes dans
lesquelles l'appropriation privée des terres est interdite. |
Malgré cette disposition constitutionnelle, les peuples
indigènes de Panama se sont trouvés devant un énorme défi: défendre leurs
territoires contre les exploitants étrangers des ressources minières. Malgré
cette reconnaissance constitutionnelle, le processus juridique reste néanmoins
basé sur un Code minier (Código Minero) désuet datant de 1963. Le
Code
minier ne reconnaît pas dans sa totalité l'intégrité et le respect des
régions indigènes. Pour beaucoup de Panaméens, les autochtones sont encore
considérés comme des «ennemis du développement» («enemigos del desarrollo»)
économique et restent isolés du «progrès».
Or, l'opinion publique panaméenne est persuadée que la
prospérité du pays passe obligatoirement par les investissements étrangers
dans le domaine minier. Le problème, c’est que jusqu’ici, la plupart des
exploitations minières ont eu lieu dans des territoires indigènes, notamment
dans les comercas d’Embera et de Ngobe-Buglé, tout comme dans les
comercas
de Kuna Yala et de Madungandi, qui comprennent des dizaines de milliers d’hectares
de richesses minières. Comme il n’existe pas de véritables mécanismes de
consultation des peuples indigènes et que peu de lois favorisent une
consultation avec ces derniers, les consultations sont généralement totalement
ignorées. Dans l'état actuel des choses, c'est l’INRENARE, l'Institut
national des ressources naturelles renouvelables (Instituto Nacional
de Recursos Naturales Renovables), qui autorise les concessions d'utilisation
forestière dans les comarcas, conjointement avec les Congrès indigènes.
Tel est le cas de la
Loi n° 1 du 3 février 1994 sur la législation du travail (Ley 1 del 3 de febrero de 1994 Legislación Laboral)
qui édicte dans son article 44:
Article 44 Les autorisations et les
concessions d'utilisation forestière, dans les comarcas ou
réserves et communautés indigènes seront autorisées par l'INRENARE,
conjointement avec les Congrès indigènes respectifs, et avec l’étude
préalable d'un plan d’élaboration scientifique. |
Pour les autochtones, le gouvernement panaméen ne
reconnaît pas les limites légitimes de leurs territoires, et souhaite en outre
disposer arbitrairement des terres pourtant reconnues comme des propriété
indigènes dans le but d’accorder à des entreprises étrangères des
exploitations minières, sans aucune consultation auprès du Congrès général
des indigènes. Autrement dit, il ne suffit pas de protéger les terres des
indigènes dans la Constitution pour que le tour soit joué.
Pourtant, la
Loi no 16 du 19 février 1953
instituant la comarca de San Blas précise bien, dans son article 21 qu’«il ne sera attribué de
terres situées dans les réserves indigènes à aucune personne ne faisant pas
partie de la communauté indigène, à moins que ne soient approuvées des
demandes d'adjudication par deux Congrès kuna différents». Manifestement, la
législation n’a jamais été appliquée à la lettre.
Dans les faits, la plupart des activités minières
entraînent des conséquences écologiques importantes sur la flore, la faune et
les eaux, ce qui oblige le gouvernement à déplacer des populations autochtones
entières vers d’autres lieux de résidence. Par exemple, le Conseil des
ministres a approuvé un contrat entre la Coopération Minière Cerro Colorado (CODEMIN)
et la société de Panacobre S.A., pour l'exploitation de gisements minéraux.
Or, le peuple Ngobe-Buglé n'a eu aucun mot à dire dans cette décision qui les
affecte au premier plan. On considère que le territoire du Cerro Colorado
constitue l’un des plus grands réservoirs de cuivre au monde et que ce fait
justifie le gouvernement de se passer du consentement des Ngobe-Buglé.
Ce n’est pas pour rien que le Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale de l’Organisation des Nations unies (le 14e
rapport périodique de 1996) mentionnait que «la question des droits fonciers
des populations autochtones n’a pas été réglée dans la grande majorité
des cas» et reconnaissait que ces droits semblent «menacés par les activités
minières entreprises par des sociétés étrangères, avec l’accord des
autorités centrales», et par le développement du tourisme dans les régions
habitées par les populations autochtones.
Soulignons enfin que le gouvernement du Panama n'a pas
encore signé ni ratifié la Convention
169 relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du
travail (OIT). Pourtant, beaucoup d'États latino-américains l'ont ratifiée:
l’Équateur, la Bolivie, le Paraguay, le Pérou et, en Amérique centrale,
le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et l’Argentine. Il est vrai que la
Convention est plus ou moins appliquée dans la plupart des pays et qu'une
ratification qui ne s'accompagne pas de mesures destinées à la mettre en
vigueur reste inutile. Il est probable que c'est là le point de vue du
gouvernement panaméen. En mars 2011, le Panama s’est engagé à ratifier la
Convention 169 de l’OTI. Contrairement à la Déclaration des Nations-Unies,
la Convention 169 est juridiquement contraignante. Elle reconnaît les droits
territoriaux des peuples indigènes, leur droit à l’autodétermination et à
être consultés sur tout projet qui les affecte. Quant aux articles 28 à 30
de la Convention 169, ils portent sur les langues indigènes et l'éducation.
Il faut dire aussi que le Panama a signé la
Convention
107 relative aux populations aborigènes et tribales. Toutefois, la Convention 107
n'est plus ouverte à la ratification. Des 27 pays ayant ratifié la
Convention, il n'en reste plus que 17 où elle est encore en vigueur.
On peut consulter la liste des
pays
ayant ratifié la Convention 169.
5.3 Les droits des langues indigènes
Les lois panaméennes nationales ne mentionnent que rarement la question des
langues indigènes. Mentionnons d'abord la loi 34 du 6 juillet 1995 (Loi
organique sur l’éducation) ou
Loi
34 modifiant la Loi organique sur l'éducation, no 47, de 1946 (1995).
Cette loi modifie celle de 1946 et incorpore huit articles sur l'éducation
interculturelle bilingue en prévoyant quelques articles à propos des droits
linguistiques des indigènes. L'État reconnaît pour la première fois dans une loi
le droit des peuples indigènes du Panama à un système d'éducation conforme avec
leurs valeurs et à leurs cultures.
- L'éducation interculturelle bilingue
L'article 10 reconnaît aux communautés indigènes le droit
de préserver, de développer et de respecter leur identité et leur patrimoine
culturel. L'article 11 précise que l'éducation dispensée aux indigènes s'inscrit
dans le cadre de l'«éducation interculturelle bilingue». En vertu de l'article
24, Le ministère de
l'Éducation crée une unité de coordination technique ("unidad de coordinación técnica") pour
la mise
en œuvre des programmes spéciaux dans les régions indigènes. D'après
l'article 153, l'application du programme scolaire dans les communautés
indigènes doit prendre en considération les particularités et
les besoins de chaque groupe, après consultation auprès des éducateurs
indigènes. Quant à l'article 154, il stipule que les contenus des
programmes scolaires dans les communautés indigènes doivent intégrer
les éléments et les valeurs propres à chacune de ces cultures.
Enfin, l'article 183 de la Loi
organique sur l’éducation oblige le ministère de
l'Éducation à ce que le personnel enseignant et
administratif, qui exerce des fonctions au sein des communautés
indigènes, possède une formation bilingue avec la maîtrise de
l'espagnol et de la langue indigène de la région.
Article 10
L'éducation destinée
aux communautés indigènes est fondée sur le droit de celles-ci à
préserver, développer et respecter leur identité et leur patrimoine
culturel.
Article 11
L'éducation des
communautés indigènes
s'inscrit dans le cadre des principes et
objectifs généraux de l'éducation nationale
et se déroule conformément aux caractéristiques, aux objectifs et à
la méthodologie de l'éducation interculturelle bilingue.
Article 24
Le ministère de
l'Éducation crée une unité de coordination technique pour la mise
en œuvre des programmes spéciaux dans les régions indigènes.
Article 120
L'État doit
promouvoir, au moyen des institutions pertinentes, l'octroi de
bourses et d'autres facilités assurant la formation de spécialistes
dans les domaines de l'éducation bilingue interculturelle, avec
l'engagement d'œuvrer dans les régions indigènes et les autres
secteurs qui le requièrent ainsi pour un temps déterminé.
Article 153
L'application du
programme scolaire dans les communautés indigènes, pour tous les
niveaux et modalités, doit prendre en considération les particularités et
les besoins de chaque groupe et ce programme est planifié par des spécialistes du
ministère de l'Éducation, en consultation auprès des éducateurs
indigènes qui sont recommandés par leurs associations ou leurs corporations
respectives.
Article 154
Les contenus des
programmes scolaires dans les communautés indigènes doivent intégrer
les éléments et les valeurs propres à chacune de ces cultures.
Article 155
L'État assure la mise
en œuvre des programmes spéciaux avec une méthodologie interculturelle
bilingue pour l'éducation des adultes indigènes, avec
l'objectif de parvenir à la réaffirmation de leur identité ethnique
et culturelle, et d'améliore leur condition et niveau de vie. indigènes, avec
l'objectif de parvenir à la réaffirmation de leur identité ethnique
et culturelle, et d'améliore leur condition et niveau de vie.
Article 183
Le ministère de
l'Éducation veille à ce que le personnel enseignant et
administratif, qui exerce des fonctions au sein des communautés
indigènes, possède une formation bilingue avec la maîtrise de
l'espagnol et de la langue indigène de la région. |
En juin 2000, le Parlement panaméen a
adopté le Régime spécial de la propriété intellectuelle sur les droits
collectifs des peuples indigènes (Régimen Especial de Propiedad Intelectual sobre
los Derechos Colectivos de los Pueblos Indígenas de 26 de junio de
2000). Cette loi porte sur les droits collectifs des peuples
indigènes pour la protection et la défense de leur identité culturelle et de
leurs connaissances traditionnelles. L'article 1 de la loi cite les
inventions, modèles, dessins et conceptions, innovations contenues dans les
images, figures, symboles, graphiques, pétroglyphes et autres particularités;
s'y ajoutent les éléments culturels leur histoire,
de leur musique, leurs arts et de leurs expressions artistiques
traditionnelles, le tout dans le but d'une exploitation commerciale par
l'intermédiaire d'un système spécial d'enregistrement, de promotion et
de commercialisation de leurs droits; il s'agit ainsi de souligner les valeurs socioculturelles des cultures indigènes et
leur accorder l'équité sociale. Autrement dit, font partie des droits collectifs
d'ordre culturel les arts, la peinture, l'artisanat, les vêtements,
l'histoire, la danse, les traditions, la musique, et autres modes
d'expression culturelle, sans nécessairement inclure la langue ni
l'exclure, mais la loi ne mentionne aucunement la langue. L'article 13 de la
loi précise que le ministère de l'Éducation devra inclure dans les programmes
scolaires les contenus relatifs aux expressions artistiques
indigènes, comme faisant partie intégrante de la culture nationale.
- L'Unité de
coordination technique
L'article 24 de cette loi concernant
cette «unité de coordination technique» a donné lieu au
Décret exécutif no 94 du 25 mai 1998 créant l'unité de coordination
technique pour la mise en œuvre des programmes spéciaux dans les régions
indigènes. Cet organisme a notamment comme fonction de
concevoir et d’élaborer des textes, des guides pédagogiques et autres
documents de soutien pour l'éducation bilingue interculturelle. L'article 5
du décret décrit ainsi les objectifs de cette «unité technique de
coordination»:
Article 5
Les objectifs de
l'unité technique sont les suivants :
1. Développer
et mettre en œuvre l'éducation interculturelle bilingue dans
les communautés au sein du système d'éducation national.
2. Incorporer
au plan de modernisation de l'éducation panaméenne les
programmes pédagogiques utilisés dans les régions indigènes
et leur assurer une qualité optimale du service pédagogique
;
3. Élaborer
des plans et des programmes d'éducation interculturelle
bilingue pour les populations indigènes ;
4. Contribuer
à la formation des ressources humaines indigènes pour
l'éducation interculturelle bilingue.
5. Promouvoir
le développement et la diffusion des langues et des cultures
indigènes du pays ;
6. Contribuer
à la promotion intégrale de la population indigène du pays.
|
Les fonctions de l'unité technique de coordination sont
longuement décrites à
l'article 6 du décret no 94.
- La Direction nationale de l'éducation
interculturelle bilingue
De plus, un décret plus récent, le
Décret exécutif no 274 du 31 août 2007, a permis de créer au
ministère de l'Éducation la Direction nationale de l'éducation interculturelle
bilingue, laquelle est responsable de la planification, de la programmation et
de la coordination de toutes les activités reliées à la mise en œuvre de
l'éducation interculturelle bilingue. Selon l'article 2 du décret, la Direction
nationale de l'éducation interculturelle
bilingue poursuit les objectifs suivants :
a) Garantir le développement de l'éducation
interculturelle bilingue à tous les niveaux et toutes les modalités du
système d'éducation, afin d'assurer que les peuples culturellement différenciés
développent une instruction de qualité, avec équité, en éliminant l'exclusion
et la marginalisation grâce à un processus d'éducation
interculturelle.
b) Assurer la participation effective des peuples
ethniques dans le processus d'institutionnalisation de
l'éducation interculturelle bilingue.
c) Contribuer à des niveaux plus élevés de la
scolarisation parmi les peuples culturellement différenciés, en améliorant
l'accès, la rétention et le rendement scolaire.
L'article 3 du
Décret exécutif no 274 du 31 août 2007 énumère une longue série de
fonctions dévolues à la Direction nationale de l'éducation interculturelle bilingue.
Les plus importantes sont les suivantes :
- établir des lignes directrices et définir les
stratégies pour la mise en œuvre de l'éducation interculturelle bilingue;
- planifier, diriger,
orienter, superviser et évaluer les aspects techniques et administratifs pertinents du
processus d'institutionnalisation de l'éducation interculturelle bilingue;
- conseiller, coordonner et donner suite à des projets
et des programmes d'éducation interculturelle bilingue, qui doivent
être élaborés dans les établissements d'enseignement;
- Planifier et mener des
études et des recherches linguistiques, culturelles et
socio-éducatives, conformément aux besoins de la mise en œuvre de
l'éducation interculturelle bilingue.
- Planifier et coordonner la production de textes,
de guides et d'autres documents pour les matières de l'éducation
interculturelle bilingue.
En vertu de l'article 11, le décret 274 abroge le décret exécutif
no 94 du 25 mai 1998 ("Decreto deroga el Decreto Ejecutivo 94 de 25
de mayo de 1998").
- Les droits collectifs des indigènes
Dans le
Règlement de la loi no 20 du 26 juin 2000,
l'article 7 traite de l'enregistrement des droits collectifs des indigènes. Ces
demandes d'enregistrement doivent être présentées à la fois dans une langue
indigène et en espagnol:
Article 7
Le règlement régissant l'usage des droits
collectifs doit être présenté dans un format qui, pour cette fin,
établit des bureaux d'enregistrement et dans lesquels seront
recensés et accompagnés les éléments suivants:
1. Les peuples indigènes qui demandent
d'enregistrer leurs savoirs traditionnels ou les objets susceptibles
d'être enregistrés.
2. Les Congrès généraux ou les autorités
traditionnelles indigènes qui ont présenté une demande
d'enregistrement.
3. Les droits collectifs indigènes qui
demandent un enregistrement. Pour les identifier, le nom et le
contenu doivent être employés dans une langue indigène, avec une
traduction immédiate en espagnol.
|
- Les lois des comarques
Les comarques, à l'instar des provinces, peuvent adopter
des lois, dans la mesure où elles ne contreviennent ni à la Constitution ni aux
lois nationales. Les lois adoptées par les comarques et impliquant des
dispositions sur les langues indigènes sont les suivantes:
-
Loi no 16 du 19 février 1953
instituant la comarque de San Blas (1953);
-
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque de Ngöbe-Buglé
(1999);
-
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque
d'Embera-Wounaan (1999);
-
Règlement de la loi no 20 du 26 juin 2000 ;
-
Loi instituant la comarque kuna de Wargandi (2000);
-
Loi fondamentale de la comarque de Kuna Yala (2006).
Comarque de Kuna Yala
La
Loi no 16 du 19 février 1953
instituant la comarque de San Blas (1953) est l'une des plus
anciennes lois du genre. Le mot «langue» ("idioma") n'y apparaît même pas, bien
que la loi fasse allusion à l'enseignement des indigènes. L'article 8 énonce que
l'enseignement dans les écoles de la comarque
est régi par des programmes, des plans, des méthodes et des
calendriers adoptés conformément aux coutumes et aux besoins de la
vie des populations, ce qui demeure vague, puisqu'on ne précise ni
ces coutumes ni ces besoins.
Article 18
L'enseignement dans les écoles de la comarca
est régi par des programmes, des plans, des méthodes et des
calendriers adoptés conformément aux coutumes et aux besoins de la
vie des populations. |
Il s'agit évidemment des coutumes et
des besoins des Kuna dans la comarque qui, aujourd'hui s'appelle
Kuna Yala. En 2006, cette loi
fut révisée et remplacée par la
Loi fondamentale de la comarque de Kuna Yala. La nouvelle loi
ne traite que fort peu de la langue des Kuna. Seuls deux articles font
mention de la langue. L'article 28 mentionne que la culture kuna est
constituée par le système intégré et cohérent de valeurs,
d'institutions, d'histoire, de religion, de langue, de coutumes et de
traditions:
Article 28
La culture kuna est constituée par le
système intégré et cohérent de valeurs, d'institutions, d'histoire,
de religion, de langue, de coutumes et de traditions, qui forme la
base de l'identité du peuple kuna et se manifeste par
l'intermédiaire de sa philosophie, de ses arts et de son système
sociopolitique créé et développé par l'homme kuna au fil des
siècles.
|
L'article 39 oblige tout enquêteur à
obtenir l'autorisation expresse du Congrès général de la culture kuna
pour mener des enquêtes, mais aussi de remettre un exemplaire de
l'original des résultats de la recherche en espagnol:
Article 39
Pour mener des enquêtes au sein de la
comarca, toute personne physique ou morale doit obtenir
l'autorisation expresse du Congrès général de la culture kuna et est
tenue de remettre en même temps un exemplaire de l'original des
résultats de la recherche en espagnol. [...]
|
Quant à l'article 37 de la
Loi fondamentale de la comarque de Kuna Yala, il énonce
que la religion d'Ibeorgun
est celle des Kuna et qu'elle doit faire l'objet d'un enseignement
dans les écoles de la comarca:
Article 37
Il est reconnu que la religion d'Ibeorgun
est celle des Kuna et elle doit faire l'objet d'un enseignement
dans les écoles fonctionnant dans la comarca.
|
On s'attendrait à ce que la langue
kuna soit mentionnée comme l'une des matières obligatoires, mais ce
n'est pas le cas.
Comarque de Wargandi
En 2000, fut adoptée la
Loi instituant la comarque kuna de Wargandi (2000), donc
située dans la province du Dariéen.
L'article 6 de cette loi est très discret sur la langue kuna, puisque
seule le mot «langue» ("idioma" en espagnol) apparaît:
Article 6
Le Congrès général et les autorités
traditionnelles ont comme principale fonction de renforcer, de
développer, de préserver et de protéger la culture kuna, ainsi que
les traditions, la langue, l'unité et l'intégrité de ses habitants
ainsi que les ressources naturelles de la région, dans le but de
promouvoir son développement économique et social. |
Comarque de Ngöbe-Buglé
La
comarque de Ngöbe-Buglé a aussi adopté un décret en 1999: le
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque de Ngöbe-Buglé
(1999). Contrairement aux textes précédents, ce décret mentionne à plusieurs
reprises des dispositions concernant la langue des Ngöbe et des Buglé,
soit le ngöbe et le buglé. Pour exercer des fonctions publiques au sein
de la comarque de Ngöbe-Buglé (gouverneur comarqual, membre du Congrès
général, membre du Conseil d'administration, membre de la direction du
Congrès local, cacique général, cacique régional, cacique local, etc.),
il faut maîtriser la langue ngöbe ou la langue buglé. Il s'agit des
articles 57, 72, 111, 114, 124, 139, 141, 145 et 155 (voir
les textes). Nous ne reproduisons ici que l'article
155 concernant le gouvernement de la comarque:
Article 155
Les conditions pour devenir gouverneur
d'une comarca sont les suivantes:
1. être né à Ngöbe ou à Buglé;
2. avoir trente ans révolus;
3. maîtriser la langue ngöbe ou buglé.
|
Quant à l'article 240, il décrit les éléments
constituant la culture du peuple de Ngöbe-Buglé, dont la langue fait partie:
Article 240
Font partie de la culture du peuple de
Ngöbe-Buglé toutes les manifestations qui soulignent les
caractéristiques propres depuis des temps immémoriaux aptes à
perpétuer l'existence future des peuples de Ngöbe-Buglé, de Ka, de
Gwrä, de Krün, de Tärä Mie, de Gwará, ainsi que l'artisanat, la
langue, les œuvres artistiques, les religions, les familles, les
mariages, les noms en ngöbere, en ngöbe et en d'autres
langues. |
Comarque d'Embera-Wounaan
Dans la comarque d'Embera-Wounaan, existe aussi le
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque
d'Embera-Wounaan (1999). L'article 44 précise que, pour être admissible
au poste de cacique général ou de chef, il faut résider à Embera ou à Wounaan,
parler la langue locale, et de préférence être capable de la lire et de
l'écrire:
Article 44
Les conditions pour être admissible au
poste de cacique [chef] général sont les suivantes:
1. résider à Embera ou à Wounaan,
parler la langue locale, et de préférence être capable de la
lire et de l'écrire;
|
Pour devenir "noko" (chef de village à Embera) ou "chi por"
(chef de village à Wounaan), il faut notamment, selon l'article 49, résider à Embera ou à Wounaan, et
parler la langue locale:
Article 49
Les conditions pour
devenir noko ou chi por sont les suivantes:
1. résider à Embera ou à Wounaan, et
parler la langue locale.
|
Quant à l'article 102 du
Décret adoptant la Charte administrative organique de la comarque
d'Embera-Wounaan, il énumère les fonctions de la
Direction de la culture et de l'éducation:
Article 102
Les fonctions de la
Direction de la
culture et de l'éducation sont les suivantes:
1. promouvoir et développer des plans,
des programmes et des projets d'éducation interculturelle
bilingue;
2. promouvoir et encourager la musique,
la danse et les arts pour tout le peuple des Embera-Wounaan, afin de
restaurer et de renforcer les connaissances historiques et
ancestrales de la culture du peuple des Embera-Wounaan;
3. recommander au Congrès et aux
autorités traditionnelles des plans et des programmes
pédagogiques et culturels qui impliquent le ministère de
l'Éducation, et de les superviser;
4. élaborer des programmes afin de
promouvoir la pratique des langues du peuple des Embera-Wounaan.
|
- Le point de vue des indigènes
Les documents juridiques sont importants, mais qu’en est-il dans les faits?
Or, les diverses associations
indigènes panaméennes se montrent très insatisfaites de leur sort et de celui
de leurs populations respectives. Voici une liste de quelques-unes de leurs
critiques:
- le statut juridique des comarcas par rapport
aux provinces reste mal défini et donne lieu à des conflits de juridiction
et des insatisfactions, voire des culs-de-sac;
- le taux de participation des populations autochtones
aux élections reste faible;
- les indigènes demeurent sous-représentés dans la
fonction publique;
- la loi no 34 de 1995 (Loi organique sur
l'éducation)
obligeant l’État à offrir une éducation bilingue n’est que fort peu
appliquée, par manque d'intérêt de l'État panaméen à promouvoir une
politique d'éducation interculturelle bilingue dans les régions indigènes;
- l’Unité de coordination technique pour la mise en œuvre
des programmes spéciaux dans les secteurs indigènes ne remplit pas ses
fonctions, par manque d'intérêt des organismes gouvernementaux responsables
de l'Éducation, en opposition avec les exigences des peuples indigènes;
- il n’existe que fort peu de statistiques
détaillées sur les groupes autochtones;
- L'État panaméen n'a jamais signé ni ratifié la
Convention
relative aux peuples indigènes no 169 de l’Organisation internationale du
travail (OIT).
En fait, l’éducation primaire est généralement
dispensée dans une langue indigène lors de la première année scolaire. Par la
suite, les élèves passent à l’espagnol. On invoque le fait que les écoles
manquent de manuels et d’enseignants bilingues qualifiés. La plupart des
professeurs viennent de Panamá Ciudad, la ville de Panama, et ils donnent leurs cours en
espagnol, car ils ignorent généralement les langues indigènes.
Les indigènes
estiment aussi qu’il est difficile de parler des droits humains, de
démocratie et d’équité, alors qu’ils sont impliqués contre leur gré
dans des projets économiques qui accentuent les différences
entre les plus riches et les plus pauvres. Alors qu’ils représentent 10 %
(sic) de la population panaméenne, 95,4 % des indigènes vivent sous le deuil
de la pauvreté et 86,4 %, dans une «extrême pauvreté».
Les autochtones affirment également partager, «comme d'autres peuples
indigènes», une «triste histoire» soumise aux politiques qui ont provoqué l’invasion
de leurs territoires, la modification de la biodiversité, la violation des
accords nationaux et internationaux, la discrimination, le génocide, les
conditions sanitaires précaires et les difficiles conditions de vie propres aux
peuples opprimés.
Dans le domaine de l'éducation, les indigènes croient
que l’État panaméen a entrepris des réformes pédagogiques qui ne tiennent
jamais compte des réalités indigènes. Ils estiment nécessaire d'élaborer
un projet intégral d'éducation conforme à la réalité de leurs peuples afin
de mettre fin à cette longue «politique de soumission» dont ils ont toujours
été victimes. C’est pourquoi ils formulent les propositions suivantes»:
- la décentralisation et la régionalisation en
matière d’éducation, laquelle doit correspondre aux nécessités des
peuples autochtones;
- la participation aux Congrès, communautés,
associations d’enseignants et d’étudiants dans l'élaboration de tout
projet éducatif;
- le développement d'un projet intégral en vue d’améliorer
la qualité de vie des autochtones;
- l’amélioration de la formation du personnel
enseignant et administratif, lequel doit être basé sur l’éducation
bilingue et interculturelle;
- la mise en vigueur de la loi no 34 de 1995 ou Loi
organique sur l’éducation;
- l’élaboration d'un programme d'études régionales
indigènes;
- la disponibilité pour l’État d’assurer les
ressources financières matérielles, économiques et humaines pour mener à
bien les politiques éducatives.
En somme, la situation des autochtones
panaméens ne semble pas être meilleure que dans la plupart des pays
latino-américains. On constate aussi d'énormes écarts en matière de
fréquentation scolaire entre les enfants des villes (94 %) et ceux vivant en
zone rurale (86 %), surtout chez les indigènes (62 %), qui ne disposent pas
d’un système d’éducation correspondant à leurs valeurs et à leur
identité culturelles.
De plus, les taux de «persévérance
scolaire» restent faibles, alors que les taux de redoublement et de
décrochage sont élevés, notamment en fin de cycle primaire. Il ne faut
surtout pas oublier que le problème de l’analphabétisme persiste parmi
tous les groupes autochtones et que les enfants semblent se heurter à des
difficultés qui les empêchent d’accéder aux services pédagogiques,
aux services de santé et aux services sociaux.
- L'analphabétisme
Les statistiques gouvernementales de 1997
révélaient que 62 % des enfants indigènes étaient alphabétisés, alors que la
moyenne nationale atteignait les 97 %. Dans une étude comparative publié en
2006 par la Dirección de
Estadística y Censo ("Direction de la statistique et du recensement"),
on constate que les indigènes ont un taux d'analphabétisme (en rouge dans le
tableau-ci-dessous) beaucoup plus élevé que le reste de la population
panaméenne.
Population
analphabète de 10 ans et plus dans la République,
selon la province de résidence, recensements de 1980, 1990 et 2000
(Source: Dirección de
Estadística y Censo, 2006)
Province |
1980 |
1980 |
1990 |
1990 |
2000 |
2000 |
|
Nombre |
Pourcentage |
Nombre |
Pourcentage |
Nombre |
Pourcentage |
Bocas del Toro |
12 151 |
34,6 % |
18 682 |
30,1 % |
10 442 |
16,9 % |
Coclé |
11 253 |
11,4 % |
12 469 |
9,7 % |
9 335 |
6,1 % |
Colón |
6 062 |
6,3 % |
7 133 |
5,7 % |
5 808 |
3,7 % |
Chiriquí |
39 242 |
19,1 % |
43 649 |
15,9 % |
22 030 |
7,7 % |
Darién |
6 284 |
36,7 % |
7 032 |
28,6 % |
6 454 |
23,0 % |
Herrera |
11 540 |
18,9 % |
10 242 |
14,0 % |
8 587 |
10,4 % |
Los Santos |
10 579 |
19,1 % |
9 209 |
14,8 % |
7 491 |
10,7 % |
Panamá |
32 510 |
5,3 % |
36 481 |
4,3 % |
30 828 |
2,8 % |
Veraguas |
34 480 |
28,5 % |
32 731 |
21,9 % |
24 515 |
15,2 % |
Comarque de Kuna
Yala |
10 022 |
50,6 % |
9 567 |
40,0 % |
8 821 |
38,5 % |
Comarque d'Embera-Wounaan |
- |
- |
1 989 |
39,4 % |
1 838 |
34,5 % |
Comarque de Ngöbe-Buglé |
- |
- |
- |
- |
31 991 |
45,9 % |
Total |
174 123 |
13,2 % |
189 184 |
10,7 % |
168 140 |
7,6 % |
La
province du Darién compte une bonne population d'indigènes dans la
comarque de Wargandi, alors que
ceux-ci forment l'essentiel de la population des comarques de
Kuna Yala,
d'Embera-Wounaan et de Ngöbe-Buglé. Bien que le taux analphabétisme
soit en baisse depuis 1980, il est nettement plus élevé dans les comarques
indigènes que dans les autre provinces. La comarque de Kuna
Yala compte 38,5 % d'analphabètes; la comarque d'Embera-Wounaan,
34,5 %; la comarque de Ngöbe-Buglé, 45,9 %. Dans les autres provinces, le
taux d'analphabétisme dépasse rarement les 10 % à 15 %.
Enfin, le 14e rapport
périodique de l'ONU sur la discrimination raciale du Panama considère que le
travail des enfants, incluant les indigènes, est un problème non
encore résolu par le gouvernement panaméen. Même dans le cadre des comarcas, les institutions locales ne contrôlent que partiellement l’enseignement
dans les villages, car les programmes sont nationaux.
La politique linguistique du Panama
s'apparente aux politiques couramment en usage dans les pays d'Amérique latine. Elle
diffère un peu dans la mesure où la politique à l'égard de l'espagnol
apparaît un peu plus manifeste sur papier. Le Panama, contrairement à
la plupart des autres pays du continent, a toujours eu un peu plus de
difficulté à faire respecter l'usage de la langue officielle en raison de
l'omniprésence des États-Unis qui occupaient une partie du territoire — le
canal de Panama — et fonctionnaient en anglais comme un État dans l'État.
Cela étant dit, les dispositions législatives demeurent rares, de
même que les mesures destinées à les appliquer.
En ce qui a trait à la politique
linguistique appliquée aux autochtones, force est de constater qu'elle
correspond davantage à une politique indigéniste qu'à une politique
linguistique. Au Panama comme ailleurs, l’éducation interculturelle bilingue — sensée intégrer unilatéralement les
communautés autochtones dans un environnement où l'espagnol est la langue
commune de la vie publique — est confinée à une sorte de folklorisation du fait indigène.
Il faudrait une présence plus grande de ces langues, notamment dans les comarques,
dans l'ensemble des sphères de la vie publique et privée: en commençant par
le système d'éducation à tous les niveaux — y compris l'universitaire —,
puis dans les médias, les soins de santé, l’Administration
gouvernementale et le système judiciaire.
Présentement, les indigènes bénéficient d'une
certaine autonomie dans leurs comarques (comercas). Il s'agit d'une forme d’autonomie
qui peut leur être utile, mais qui demeure nettement insuffisante. Les
indigènes
savent aussi qu'il ne suffit pas de gérer leurs «réserves» pour améliorer
leur situation déplorable au point de vue économique et culturel, car les
Congrès indigènes n'administrent qu'une infime fraction du budget national
(probablement moins de 5 %, contre 60 %, par exemple, en Suède pour les Lapons
ou Sames).
Comme ailleurs en Amérique du Sud, le système actuel ne répond
pas nécessairement aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes
nationaux qui
n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les élèves indigènes
sont tenus d'apprendre une autre langue que leur langue maternelle, ce qui
n’est pas le cas des autres Panaméens. En d'autres termes, les autochtones
sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés
de bilinguisme, alors que les autres citoyens s’en tiennent à la seule langue
espagnole. Quant à la politique d'interculturalité, comme partout en
Amérique latine, il s'agit d'une sorte de mascarade, car elle ne correspond à aucun échange
interculturel, l'interculturalité étant réservée aux seuls indigènes. Elle ne vaut que pour les autochtones qui se voient obligés de
s'ouvrir à la culture espagnole, alors que les «Ladinos» demeurent complètement
fermés à toute interculturalité à l'égard des indigènes. Pour les
«Ladinos», l'interculturalité ne vaut que pour l'anglais, et, dans une
moindre mesure, le portugais. Dans la situation actuelle, les autochtones de
Panama risquent d'attendre encore un bon bout de temps avant de voir mise en
œuvre une véritable politique linguistique indigène! La politique du Panama
se résume à une politique d'unilinguisme espagnol avec un volet sectoriel
éducatif minimal destiné aux indigènes.
Dernière mise à jour:
03 janv. 2024
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