- République du Tchad
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Tchad
Jumhuriyat
Tshad
République du Tchad
|
Capitale: Ndjamena
Population: 11,1 millions (est. 2009)
Langues officielles: arabe classique et français
Groupe majoritaire: aucune langue
Groupes minoritaires: arabe tchadien (10,3 %), sara
(10,3 %), kanembou (5,3 %), daza (3,8 %), maba (3,4 %), naba (3,2
%), moussei (2,4 %), moundan (2,2 %), peul (1,7 %), marba (1,7 %),
massana (1,5 %), kanouri (1,2 %), toubouri (1,2 %), zagawa (1 %),
etc. Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 9 de la
Constitution
du 31 mars 1996 Lois linguistiques:
Arrêté ouvrant un concours pour l'hymne national du Tchad (1960);
Décret portant organisation de
l'enseignement de la langue arabe dans les ordres du premier et du
deuxième degré de l'enseignement public (1962);
Décret portant application du Code de la nationalité tchadienne
(1963);
Décret portant création et organisation des tribunaux du travail et
de la prévoyance sociale (1966);
Décret portant institution de l'enseignement bilingue dans le
système éducatif tchadien (1995);
Décret portant statut des notaires (1996);
Décision portant cahier de charges de la Radiodiffusion nationale
tchadienne (1999);
Décret portant création d'un Comité d'appui aux activités de
promotion de l'alphabétisation (2001);
Loi portant orientation du système éducatif tchadien (2006);
Décret portant institution du système licence, master, doctorat dans
l'enseignement supérieur au Tchad (2009);
Loi relative à la communication audiovisuelle (2010);
Décision portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale du
Tchad (2011);
Décret portant organisation et fonctionnement de l'École nationale
de formation judiciaire (2011);
Décret portant organigramme du ministère de l'Enseignement primaire
et de l'Éducation civique (2011);
Ordonnance portant création de l'Agence tchadienne de presse et
d'édition (2012).
|
1 Situation
géographique
|
Le Tchad, officiellement la
république du Tchad, est un pays enclavé de l'Afrique centrale de 1,2
million de kilomètres carrés (au moins deux fois la France). Ce pays est limité au nord par la Libye, à l'est par le Soudan, au sud par la République
centrafricaine, au sud-ouest par le Cameroun et par le Nigeria, à l'ouest par
le Niger (voir la carte). Vingtième pays au monde par sa superficie, le Tchad est le cinquième
plus grand d'Afrique après le Soudan, l'Algérie, le Congo-Kinshasa et
la Libye. Ce vaste pays est situé dans une zone
qui partage l'Afrique arabe de l'Afrique noire. |
Le Tchad est divisé en 22 régions ou préfectures: Batha,
Chari-Baguirmi, Hadjer-Lamis, Wadi Fira, Barh el Gazel, Borkou, Ennedi, Guéra,
Kanem, Lac, Logone-Occidental, Logone-Oriental, Mandoul, Mayo-Kebbi-Est, Mayo-Kebbi-Ouest,
Moyen-Chari, Ouaddaï, Salamat, Sila, Tandjilé, Tibesti, ville de Ndjamena (voir
la carte détaillée). La ville de Ndjaména constitue une région régie
par un statut spécial. Chacune de ces régions comprend plusieurs départements
administrés par des préfets; un départements peut comprendre plusieurs
sous-préfectures administrées par des sous-préfets.
La capitale, Ndjamena, est la plus grande ville (553 791
habitants). Les autres agglomérations sont moins importantes: Moundou (99
530), Sarh (75 496), Abéché (54 628), Kélo (31 319), etc. Le nom du pays vient
de celui du lac Tchad, une nappe d'eau peu profonde et d'étendue variable
partagée entre le Tchad (sud-ouest), le Niger (sud-est), le Nigeria (nord-est)
et le Cameroun (nord).
2
Données démolinguistiques
La population tchadienne comptait 11,1 habitants en 2009. Près de la moitié
de la population, soit 47 %, est concentrée sur 10 % de la superficie totale du
pays. Cette population est majoritairement rurale puisqu'en 2009 elle
représentait 78,3 %. Il convient de signaler aussi que près de 57 % de la
population a moins de 18 ans: la population est donc majoritairement jeune.
La densité absolue de peuplement est faible (6,9 habitants au km²), mais la majeure partie de la population est concentrée dans les zones fertiles, au sud des fleuves Logone et Chari, ainsi que dans les zones urbaines où vivent 23
% des Tchadiens. Autrement dit, on constate une très forte concentration dans le
Logone occidental, le Mayo-Kebbi, le
Moyen-Chari et le Chari-Baguirmi, ainsi qu'un faible peuplement dans le Biltine, le
Salamat et le Lac, mais surtout dans le Kanem et
le Borou-Ennedi-Tibesti. La population tchadienne est donc très
inégalement répartie dans l’espace géographique national, car il faut
comprendre qu'au Tchad l’occupation humaine obéit aux conditions
climatiques.
Par exemple, la zone saharienne (au nord) avec 47 % de la
superficie totale abrite seulement 2 % environ de la population; la zone
sahélienne (au centre) qui représente 43 % du territoire national, concentre
48 % de la population, alors que la zone soudanienne (au sud), avec quelque 10
% des terres, accueille la moitié de la population tchadienne. Cette situation
donne des densités de population qui vont de 0,2 habitant au km² dans le Nord
à 52 habitants au km² dans le Sud, notamment dans le Logone
occidental. Le tableau 1
montre la répartition de la population selon les départements.
Tableau 1
Répartition de
la population selon les départements
Région |
Chef-lieu |
Population
(est. 2007) |
% |
Densité
(habitant km2) |
ChariBaguirmi |
Ndjamena |
1 777 284
|
19,9 %
|
22,4
|
Mayo-Kébbi |
Bongor |
1 171 446
|
13,1 %
|
38,9
|
Moyen-Chari |
Sarh |
1 048 555
|
11,7 %
|
23,2
|
Ouaddai |
Abeche |
772 154
|
8,7 %
|
10,1
|
Logone occidental |
Moundou |
646 641
|
8,6 %
|
74,3
|
Tandjilé |
Lai |
644 318
|
7,2 %
|
35,7
|
Logone oriental |
Doba |
626 162
|
7,0 %
|
22,3
|
Guéra |
Mongo |
434 776
|
4,8 %
|
7,3
|
Batha |
Ati |
409 513 |
4,5 % |
4,6 |
Kanem |
Mao |
397 402 |
4,4 %
|
3,4
|
Lac |
Bol |
359 078 |
4,0 %
|
16,0
|
Biltine |
Biltine |
262 364 |
2,9 %
|
5,6
|
Salamat |
AmTiman |
261 790 |
2,9 %
|
4,1
|
BorkouEnnediTibesti |
Faya
Largeau |
103 898 |
1,1 %
|
0,2
|
TOTAL |
|
8 915 381 |
100 % |
6,9 |
Source : World Gazetteer,
2007.
Les Peuls et les Arabes (très métissés) pratiquent l’élevage dans le
centre du pays. Les Toubou nomadisent des oasis de Libye au lac Tchad et sont
divisés en trois groupes: au nord, les Teda, éleveurs de chameaux; au sud-est,
les Goranes (ou Daza), éleveurs de bovins; au sud de l'Ennedi,
les Zaghawa.
Pour leur part, les populations noires dominantes au sud sont les Sara, un peuple d’agriculteurs, et les
Kirdi. Les Hadjaraï sont installés de très longue date dans le massif de la Guera. À l’ouest, des Haoussa assurent le commerce entre le Nigeria et la Libye.
L'une des caractéristiques marquantes de la population
tchadienne est le clivage Nord/Sud, car le pays résulte de l'assemblage d'un
Nord et d'un Sud très distincts et historiquement antagonistes. Le Nord,
composé d'anciens sultanats a dominé le pays en pratiquant une politique de
razzia à l'encontre du Sud, le Dar El Abid, le pays des esclaves. Le Nord
possède à la fois une population nomade et sédentaire, tandis que l'ensemble est
très fortement islamisé. Le Sud, moins étendu et plus peuplé, est
majoritairement sédentaire, animiste et chrétien.
2.1 Les ethnies
Le Tchad est composé de nombreux groupes ethniques. Les 12 principaux
sont les Arabes (12,3 %), les Baguirmiens (1,5 %), les Fitri Batha (4,7 %), les Goranes
(6,3 %), les Hadjarai (6,7 %), les Kanem-Bornou(9 %), les Iro (0,5 %), les Mayo-Kébbi
(11,5 %), les Ouaddai (8,7 %), les Peuls (2,4 %), les Sara (27,7 %), les Tandjilé
(6,5 %). Le tableau 2 illustre la répartition de la population par lieu de
résidence, selon le groupe ethnique.
Tableau 2
Répartition de la
population
par lieu de résidence, selon le groupe ethnique
Grands groupes ethniques |
Milieu urbain |
Milieu rural |
Ensemble |
% |
Arabe |
164 024 |
597 750 |
761 774 |
12,3 % |
Baguirmien |
34 551 |
57 525 |
92 076 |
1,5 % |
Fitri Batha |
84 678 |
204 216 |
288 894 |
4,7 % |
Gorane |
103 318 |
280 470 |
383 778 |
6,3 % |
Hadjarai |
98 125 |
315 794 |
413 919 |
6,7 % |
Kanem-Bornou |
117 868 |
438 607 |
556 475 |
9,0 % |
Lac Iro |
6 092 |
27 453 |
33 545 |
0,5 % |
Mayo-Kebbi |
81 363 |
632 464 |
713 827 |
11,5 % |
Ouaddai |
85 837 |
455 445 |
541 282 |
8,7 % |
Peul |
26 020 |
125 663 |
151 683 |
2,4 % |
Sara |
394 116 |
1 320 650 |
1 714 766 |
27,7 % |
Tandjilé |
63 156 |
337 723 |
400 879 |
6,5 % |
Source : BCR, Ministère du plan et de la coopération,
RGPH/93.
2.2 Les langues nationales
La diversité linguistique est l'une des caractéristiques de la population
tchadienne. On dénombre plus de 130 langues (et de nombreux dialectes)
réparties en trois grandes familles linguistiques (chamito-sémitique,
nilo-saharienne et nigéro-congolaise).
Seules 18 des 130 langues sont parlées par 50 000 locuteurs ou plus:
N |
Langue |
% |
Famille
de langue |
1 |
Arabe
tchadien |
10,3 % |
chamito-sémitique |
2 |
Sara |
10,3 % |
nilo-saharienne |
3 |
Kanembou |
5,3 % |
nilo-saharienne |
4 |
Daza |
3,8 % |
nilo-saharienne |
5 |
Maba |
3,4 % |
nilo-saharienne |
6 |
Naba |
3,2 % |
nilo-saharienne |
7 |
Moussei |
2,4 % |
chamito-sémitique |
8 |
Moundan |
2,2 % |
nigéro-congolaise |
9 |
Peul |
1,7 % |
nigéro-congolaise |
10 |
Marba |
1,7 % |
chamito-sémitique |
11 |
Massana |
1,5 % |
chamito-sémitique |
12 |
Kanouri |
1,2 % |
nilo-saharienne |
13 |
Toubouri |
1,2 % |
nigéro-congolaise |
14 |
Zagawa |
1,0 % |
nilo-saharienne |
15 |
Gor (ou
bodo) |
1,0 % |
nilo-saharienne |
16 |
Nanchere |
0,9 % |
chamito-sémitique |
17 |
Massalit |
0,7 % |
nilo-saharienne |
18 |
Mango |
0,6 % |
nilo-saharienne |
La plupart des langues de ce pays ne sont donc parlées
que par un petit nombre de locuteurs. On comprendra que cette grande diversité
linguistique impose, au Tchad comme dans d'autres pays, certaines contraintes
fonctionnelles, sans oublier que l'arabe classique (parlé par personne) et le
français (parlé par presque personne) constituent les deux langues officielles
de ce pays.
2.3 Les langues véhiculaires
L’apprentissage des deux langues officielles (arabe classique
et français) à l’école pose toujours des problèmes puisque ce sont
des langues secondes pour tout élève tchadien. Seulement 10 % des Tchadiens
parlent l'arabe tchadien comme langue
maternelle, mais 50 % le parlent comme langue seconde ou véhiculaire, pour un
total de 60 %.
En tant que langue maternelle, personne ne parle l'arabe classique
enseigné dans les écoles. En général, les Tchadiens parlent
plus l'arabe tchadien dans le nord du pays, alors que dans le Sud le
français est plus répandu comme langue
seconde, étant donné que c'est la langue de travail du gouvernement et des
affaires. La proportion des Tchadiens qui comprennent le français est
probablement inférieure à 30 %.
Dans une étude de Henri Coudray («Langue, religion,
identité, pouvoir : le contentieux linguistique franco-arabe au Tchad», un
évêque catholique français en poste au Tchad, il est mentionné que le
taux d'analphabétisme de la population tchadienne âgée de plus de 15 ans atteint
les 86,5%. Parmi les 433 775 adultes qui déclarent
savoir lire et écrire,
78 % déclarent pouvoir le faire en français, contre
20 % pour l'arabe.
Il ne reste que 4945 personnes qui affirment «maîtriser
les deux langues».
De plus, quelques autres langues véhiculaires viennent
s'ajouter à cette complexité. Ainsi, dans la région de Sarh, le sara
sert de langue véhiculaire, mais plus au nord, le long du fleuve Chari, on
parle le bagirmi. Mais la langue
véhiculaire la plus populaire est l’arabe tchadien,
la langue des nomades commerçants qui voyagent partout dans le pays; dans les
marchés de la région du Ouaddaï, presque tout le monde n'utilise que l'arabe
tchadien, comme au Guéra et à Ndjamena. Encore là, la situation s'avère
complexe, car on compte beaucoup de variétés dialectales en arabe tchadien:
certaines d'entre elles ressemblent à l’arabe libyen, d’autres à l’arabe
soudanais.
Bref,
dans l'ordre
des pourcentages de leurs locuteurs, arrive en première place l'arabe tchadien
dans le Nord et de plus en plus dans le Sud, en second lieu le français à peu
près partout et, en troisième lieu, le sara commun dans le Sud. Toutefois, comme
langue de prestige, le français occupe le premier rang devant l'arabe et le sara,
2.4 Les religions
En principe, le Tchad est un État laïc, mais la
religion demeure un élément important dans ce pays. Plus de la
moitié de la population, 55,7 %, est de confession musulmane
(sunnite, confrérie soufie tidjane), alors que 20 % des Tchadiens
sont catholiques et 15 % protestants. Il existe également une petite
communauté orthodoxe. Les autres pratiquent des religions
traditionnelles animistes. Il existe des tensions entre les
chrétiens et les musulmans, ainsi qu'entre les musulmans modérés et
les fondamentalistes. Le Nord est perçu comme musulman et
arabophone, le Sud comme chrétien et francophile. Ainsi, le conflit
entre le Nord et le Sud est exacerbé par l'opposition entre deux
religions et deux langues: l'arabe et l'islam au nord, le
christianisme et le français au sud.
Musulman à plus de 55 %, le Tchad est le plus méridional et le plus
occidental des pays d'Afrique où la communauté arabophone représente
une présence significative. C'est pourquoi le débat sur le statut de
la langue arabe y est particulièrement sensible, car c'est un pays
où l'héritage colonial a légué à la langue française un statut
privilégié. Beaucoup de Tchadiens
musulmans contestent la Constitution laïque actuelle parce qu'elle
institue une christianisation indue de l'État, par exemple, le congé
hebdomadaire du dimanche, les vacances scolaires des fêtes de Noël
et de Pâques, l'usage privilégié du français aux dépens de l'arabe,
l'instauration éventuelle d'un nouveau Code de la famille, etc.
3 Données
historiques
De nombreuses peintures et gravures rupestres dans le
Tibesti et l'Ennedi témoignent d'une civilisation de pasteurs de bovidés dans le
Nord avant l'assèchement du Sahara par la sécheresse, à partir de 6000 ans avant
notre ère. Chassés du Sahara par la sécheresse, les populations se sont
déplacées vers le sud pour vivre de la pêche et de l’agriculture en bordure du
lac Tchad, provoquant ainsi brassages et migrations. À partir du
VIe siècle avant notre ère, les Saos, des pasteurs venus de l’est, se sont installés dans les montagnes de l’Ennedi et du
Tibesti, au nord.
3.1 L’empire de Kanem-Bornou
Vers 800, un peuple, qui serait issu du métissage des populations du Sud et des populations du
Nord, fonda en bordure nord-est du lac Tchad le royaume du Kanem. Celui-ci se
développa grâce au contrôle du commerce saharien vers la Méditerranée et au trafic d’esclaves capturés dans le Sud et acheminés vers le Fezzan et Tripoli.
À l'exemple de plusieurs pays africains au sud du Sahara, le premier contact du
Tchad avec l'islam s'est produit vers le VIe
siècle. Toutefois, la pratique de la religion musulmane n'eut lieu que vers le
Xe siècle lors de
l'islamisation du royaume du Kanem. Cette islamisation fut suivie par la traite
des esclaves, ce qui remit en cause la relative cohabitation qui existait entre
les royaumes. Ce phénomène s'est poursuivi de nos jours, car le nord du Tchad
considère le Sud comme le berceau des esclaves; les ressortissant du Sud sont
appelés «el-abid» en arabe tchadien, ce qui signifie «esclaves». Au
XIe siècle, les souverains
de Kanem se convertirent à l’islam, puis au
XIIIe siècle ils étendirent leur domination jusqu’au Bornou (dans l’actuel Nigeria), au Fezzan et au Ouaddaï, en direction du Nil.
Au siècle suivant, l’empire de Kanem-Bornou fut affaibli par les raids des nomades boulalas venus de l’est, qui contraignent son souverain à se réfugier au Bornou en 1380. Le
royaume de Bornou réussit à reconquérir le Kanem au XVIe siècle. À partir du
XVIIe siècle, le royaume du Bornou dut céder ses parties périphériques aux Touaregs
du Nord-Ouest. Ce déclin favorisa l’apparition au nord-est de trois sultanats musulmans esclavagistes: le Baguirmi, le Ouaddaï et le Darfour.
À la fin du XIXe siècle, la France lança plusieurs expéditions pour
prendre le contrôle du Tchad afin de relier ses possessions d'Afrique
du Nord, du Centre et de l'Ouest. Toutefois, elle rencontra de fortes
résistances de la part des forces de Rabah Zobeir, un Soudanais arabisé et marchand d’esclaves, qui avait conquis le Borkou et le
Baguirmi. En 1890, le lac Tchad fut découpé en trois zones: l'une britannique,
une allemande et une autre française. Dans ses frontières actuelles, le Tchad
résulte d'une création du colonialisme européen, à la suite de négociations
entre Français, Allemands et Britanniques dans les années 1880.
3.2 La conquête française
Les explorations françaises se multiplièrent dans le bassin du Tchad.
L'année 1900 marqua le début de la conquête du territoire par l’armée française et la fin de l'indépendance africaine dans cette partie du Sahel.
Un décret de 1900 créa un «Territoire militaire des pays et protectorats du
Tchad», intégré à la colonie de l'Oubangui-Chari. La population du Ouaddaï
résista jusqu’en 1909, tandis que le Nord (Borkou, Ennedi et Tibesti) resta sous administration militaire française jusqu’en 1965. En revanche, les populations du Sud, pays des esclaves
(dar el-abid) pour les trafiquants islamisés du Nord, accueillirent assez favorablement la présence
française. Pour les Tchadiens du Sud, les Français finirent par représenter une
délivrance et ils accueillirent favorablement l'école française.
L'administration coloniale se heurta, dans les trois royaumes du Nord, à une
résistance farouche, car l'arabe était une langue administrative et une langue
de l'enseignement religieux.
En 1910, le Tchad fut rattaché à l’Afrique
équatoriale française
(AEF) avant de devenir, dix ans plus tard, une colonie autonome dotée d'une administration civile.
Le français était la langue officielle du territoire. C'est pourquoi les
autorités françaises furent impitoyables à l'égard de l'arabe et à ceux qui
l'enseignaient; non seulement l'arabe pouvait concurrencer le français, mais il
était confondu avec la religion musulmane considérée comme un véhicule de la
résistance tchadienne contre l'occupant et sa politique d’assimilation. En 1923, la frontière soudano-tchadienne fut fixée avec précision et, en 1929, le Tchad intégra
le Tibesti.
L’Administration coloniale française privilégia la mise en valeur du Sud,
chrétien et animiste, plus peuplé et plus fertile pour la culture du coton, et
ce, d'autant plus que les Tchadiens du Sud étaient plus réceptifs à la
«civilisation française». En 1935,
Pierre Laval, le président du Conseil français,
signa avec le dictateur italien Benito Mussolini un accord prévoyant la cession de la bande d’Aozou
(au sud de la frontière tchado-libyenne) à l’Italie, alors présente en Libye. On
sait que cet accord ne fut jamais ratifié du fait de l’alliance entre Mussolini
et Hitler: Paris n'a jamais ratifié l'accord parce que Mussolini n’a pas rempli
ses engagements du fait de sa politique agressive en Afrique (Libye et
Éthiopie). Néanmoins, cet «accord» non ratifié servit de prétexte au colonel
Kadhafi (le dirigeant libyen), pour occuper ce territoire de 104 000 km². Le
Tchad devint la première colonie française qui s'est ralliée à la France libre
en 1940; par la suite, le territoire servit de base militaire pour la reconquête
de l’Afrique du Nord à partir du Fezzan. Le français servit de langue administrative aux populations locales, qui
ignoraient tout du français.
De façon générale, les Français ne développèrent que fort
peu leur colonie du Tchad. Ils
se contentèrent d'imposer la culture du coton dans le Sud et d'utiliser
les Tchadiens pour construire le chemin de fer Congo-Océan, mais le travail forcé
provoqua de nombreuses révoltes chez les autochtones. La France réussit à
implanter durablement le français au sud, mais échoua au nord, trop arabisé et
plus islamisé. On pourrait résumer la politique arabo-musulmane de la France
selon le principe suivant : séparer l'islam noir de ses racines arabes. Devant
l'attitude de refus radicale des Tchadiens du Nord, les français privilégièrent
une élite francisante sudiste habilitée à assumer éventuellement leur succession
en cas d'indépendance. C'est parmi cette élite francisée du Sud qu'allait être
recrutée la majorité des cadres du futur Tchad indépendant.
En 1946, naquit le Parti progressiste tchadien (PPT) dirigé notamment par un
enseignant tchadien de l'ethnie sara, François Tombalbaye (1918-1975). En 1956, le PPT remporta les premières élections au suffrage universel, organisées selon les
dispositions de la loi-cadre Defferre, qui renforçait l’autonomie locale.
Rappelons que la loi Deferre fut appelée ainsi parce que le ministre de la
France d'outre-mer de l'époque, Gaston Defferre, avait élaboré cette loi en juin
1956. Elle créait dans les territoires d'outre-mer des Conseils de gouvernements
élus au suffrage universel, ce qui accordait un peu d'autonomie au pouvoir
exécutif local (même si le mode de scrutin demeurait défavorable aux
«indigènes»). En 1959, un an après que le Tchad
soit devenu une république autonome au sein de la Communauté française, François Tombalbaye
devint premier ministre.
3.3 L’indépendance et la guerre
L’année suivante, le 11 août 1960, le Tchad accéda à l’indépendance sous la présidence du dirigeant du
Parti progressiste tchadien, le PPT, François Tombalbaye. Celui-ci reconduisit le français comme langue
officielle. Mais l’indépendance raviva la rivalité séculaire entre le Sud dominé jusqu’à la colonisation française, et le
Nord (Borkou, Ennedi, Tibesti, ou BET), une région où l'administration militaire n'avait jamais cessé de s'exercer durant toute l'époque coloniale.
Les seuls Tchadiens à avoir pu (et voulu) profiter de l'enseignement français
et occuper des postes de responsabilité avaient été les chrétiens
francophiles du Sud. C'est une situation que les musulmans du Nord, plus
arabisés, avaient jugée injuste et inadmissible. D'ailleurs, aussitôt
après l'indépendance, l'ethnie des Sara, à majorité chrétienne, confirma
son emprise sur l'administration et l'armée. Au nord, les Goranes ou Daza, des musulmans
hostiles aux Libyens, formèrent l'essentiel de l'administration française au Tibesti. Héritière
de l'État colonial français, l'élite sudiste
francophone se trouva confrontée
à
une contre-élite arabisante, produit de l'enseignement arabe des
Madrasas,
les écoles coraniques. Évidemment,
les populations
du Nord se révoltèrent contre le pouvoir du Sud, alors que la question du statut
de la langue arabe devint l'une des principales revendications des rebelles en
raison de sa valeur symbolique identitaire.
Le président François Tombalbaye
poursuivit une politique favorable aux populations chrétiennes et animistes du Sud contre les
nordistes de confession musulmane. En pratiquant une politique de marginalisation des populations nordistes,
le président Tombalbaye
suscita des rébellions. En 1963,
Tombalbaye réprima durement la révolte des musulmans du Nord, principales
victimes de sa politique, puis les troubles dégénérèrent en quasi-guerre civile à partir de 1965.
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L’armée française
intervint en avril 1969 contre la rébellion et indirectement contre la Libye, dont le nouveau dirigeant, le colonel Kadhafi,
apportait son appui logistique au Front de libération nationale du Tchad (Frolinat)
et revendiquait des droits sur la bande d’Aozou.
En 1973, la Libye annexa la bande d’Aozou. Un coup d'État en 1975 libéra le
Tchad du dictateur assassiné et sonna la fin des «sudistes» au pouvoir, totalement évincés en
1979.
Le général Félix Malloum, qui succéda à la tête de l'État, renforça la
dictature de François Tombalbaye. Les rebelles nordistes lancèrent une nouvelle offensive en 1977.
L'année suivante, l'arabe devint la langue co-officielle avec le français; depuis, le sujet
revient régulièrement sur le devant de la scène politique nationale et,
occulté ou écarté volontairement, assimilé par certains à l'expansion de la
langue arabe et sujet à controverses, la question de l'islam n'a jamais été
l'objet d'un échange serein au Tchad.
Au cours de cette période, le colonel Kadhafi, en plus d'avoir
annexé la bande d'Aozou, en profita pour occuper le nord du Tchad entre 1983 et 1987, tandis que
les Forces armées françaises avaient stoppé les Libyens à la «ligne rouge». En
1994, à la suite d'une décision de la Cour internationale de justice de La Haye,
la Libye rendit la fameuse bande d'Aozou au Tchad.
|
Idriss Déby Itno |
À compter de 1979, le Tchad fut dirigé par des hommes du Nord:
d'abord Goukouni
Weddeye (1979-1982), puis Hissène Habré (1982-1990), dont la dictature a fait des
milliers de victimes, et ensuite Idriss Déby Itno (depuis 1990). Tous ces assoiffés de pouvoir
ont conquis leur présidence par la force et ont exercé leurs prérogatives en
s'appuyant sur leur ethnie d'origine, forcément très minoritaire dans leur
pays. Durant trois décennies, le Tchad fut un bateau qui prenait l'eau de toutes
parts, sans commandant et livré à une bande de pillards et de guerriers
impitoyables.
En
1982, afin de tenter un rééquilibrage des langues en présence, un
compromis fut trouvé et l'arabe fut adopté comme «seconde langue
officielle». Toutefois, dans une situation politiquement troublée, cette
décision fut aussitôt contestée par une bonne partie des populations non
musulmanes, et ce, d'autant plus que l'identité de l'arabe tchadien n'a
jamais été clairement établie.
En 1996, Idriss
Déby Itno, après avoir promulgué une Charte nationale garantissant la liberté
d'expression, le multipartisme et une nouvelle constitution, organisa enfin
l'élection présidentielle et la remporta. En mai 2001, Idriss Déby Itno fut reconduit
à la présidence du pays avec plus de 60 % des suffrages.
|
Pour le moment, le Tchad vit une
démocratie pluraliste en trompe-l'œil, tout en rêvant de
l'exploitation de son pétrole. Le pays est complètement lessivé en raison des effets
conjugués de la guerre, de la sécheresse et de la famine, sans compter que les
institutions et les infrastructures du pays se sont gravement dégradées.
L’opposition entre le Nord musulman et le Sud animiste et chrétien menace toujours l’unité nationale.
Le Tchad compte environ 80 % d'analphabètes, lesquels sont soumis à toutes les
précarités alimentaires à cause du climat et les précarités dues aux
maladies épidémiques. Les guerres civiles à répétitions ont
été causées par les antagonismes ethniques qui ont débouché sur une
fracture Nord-Sud et un «imbroglio politique» où se sont entremêlés des
conflits armés, des chefferies traditionnellement hostiles à la démocratie,
un «banditisme généralisé», des blocages économiques divers, en somme une
sorte de violence chronique figée dans le temps.
En avril 2011, après plus de vingt ans
de pouvoir, Idriss Déby Itno fut réélu pour un quatrième mandat dès le
premier tour de l'élection présidentielle par 88,7 % des voix, contre Albert
Pahimi Padacké (6 %) et Madou Nadji (5,3 %). Le Tchad demeure aujourd'hui l'un
des pays les plus pauvres de la planète et
l'un des plus corrompus. En 2010, il était classé 163e sur 169
pays sur l'échelle de l’Indice de développement humain (IDH). Le Tchad vit une
fin de régime. Il faudra reconstruire le pays à partir des décombres de la
longue présidence d'Idriss Déby.
4 La politique
linguistique
La Constitution du 31 mars 1996
reconnaît, à l'article 9, que le français et l'arabe sont les langues
officielles du Tchad:
Article 9
1) Les langues officielles sont le français et l'arabe.
2) La loi fixe les conditions de promotion et de développement des langues nationales. |
La Constitution ne mentionne pas de quelle langue arabe il
s'agit : est-ce l'arabe classique ou l'arabe tchadien? Rappelons que l'arabe classique et le français ne sont
parlés par pratiquement personne dans ce pays : ce sont deux langues étrangères.
Bien que le texte constitutionnel ne le précise pas, il s'agit vraisemblablement de l'arabe
classique ou littéraire, qui sert de langue co-officielle avec le français,
puisque l'arabe tchadien ne s'écrit que très rarement. De plus,
pour l'élite
arabisante, seul l'arabe coranique ou littéraire mérite le nom de «langue», car
l'arabe dialectal, c'est-à-dire l'arabe tchadien, est perçu par eux comme «un
acte de sabotage». Néanmoins, beaucoup de Tchadiens arabophones prônent le
prédominance de l'arabe tchadien sur l'arabe littéraire.
Rappelons-le, la présence de deux langues officielles
«étrangères» suscite des débats acrimonieux depuis l'indépendance. Dans la
pratique, le français s'est implanté dans l'Administration aux dépens de
l'arabe. Pour une partie des Tchadiens, l'arabe est intimement associé à
l'islam; pour d'autres, le français se rapporte à tout ce qui est étranger à
l'islam. Comme à l'époque coloniale, beaucoup de Tchadiens confondent arabe et
islam. Bien que les liens entre l'arabe et
l'islam soient manifestes et que l'islamisation d'une population ait souvent
entraîné son arabisation, certaines
populations islamisées n'ont pas adopté l'arabe et
certaines populations arabisées ne se sont
jamais islamisées. Les autres peuples de religion musulmane (sunnite ou
chiite) non arabophones habitent la Turquie, l'Iran, le Pakistan, le
Bangladesh et l'Indonésie. En Afrique, les musulmans non arabophones couvrent le
Mali, le Niger, la Somalie et les Comores. Le Tchad est coupé en deux: le Nord
est arabophone, le Sud, «francophone» de
langue
nilo-saharienne.
On comprendra pourquoi les Tchadiens forment
deux groupes antagonistes: les arabisants et les francisants. Les arabisants du
Nord défendent l'usage de l'arabe (classique ou tchadien?), alors que les
francisants prônent l'usage du français. Les dirigeants politiques ont choisi
une solution qui ne satisfait personne: le bilinguisme
franco-arabe. D'une part, les francisants considèrent que le bilinguisme
signifie la francisation des arabophones sans arabisation des francisants,
tandis que les arabisants estiment que le bilinguisme entraîne l'arabisation des
francisants, sans la francisation des arabisants. On n'en sort pas. En même
temps, les
arabisants
font valoir que l'introduction de l'arabe est très ancien au Tchad, tandis que
le français est plus récent (moderne?). Pour beaucoup d'arabisants, seuls les
arabophones francisants ignorent l'arabe littéraire ou coranique: ils
appartiennent en fait à la «constellation» francophone. Toutefois, l'arabe
classique ou littéraire qui est prôné est tout aussi étranger aux Tchadiens que
peut l'être le français. En général, le choix de l'arabe coranique ou
littéraire, par opposition à l'arabe tchadien, est perçu au Tchad comme une
«option militante». Quant au point de vue des francophones, ils considèrent que
l'introduction de l'arabe dans le Sud est une forme d'«impérialisme
arabo-islamique». Finalement, il existe une catégorie importante: les arabisants
francisants, qui occupent de nombreux postes dans l'enseignement tant public que
privé.
Dans les faits, les débats portant sur la
langue et le bilinguisme ne concernent que les cercles étroits du monde
politique, car ils ne touchent l'opinion publique que dans les périodes de
crise.
4.1 Les langues de la législation
En vertu de la Constitution, le français et l'arabe
(classique) sont devenus les langues de l'État, non celles de la population,
puisque personne ne parle spontanément ces langues. Le français et l'arabe
sont les langues de la législation,
c'est-à-dire de la rédaction et de la promulgation des lois. En vertu de
l'article 151 de la
Décision portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale du
Tchad (2011), le français et l'arabe sont les langues de
travail à l'Assemblée nationale du Tchad:
Article 151
Les langues de travail sont
: le français et l'arabe. Un service de traduction est mis en place. |
En général, les
lois sont rédigées en français, puis traduites en arabe (classique). Dans les débats,
les parlementaires s'expriment soit en français soit en arabe tchadien,
pratiquement jamais en arabe classique.
4.2 Les langues de l'Administration
Bien que les langues française et arabe soient toutes
deux officielles, le français est resté la langue de travail de l'Administration,
surtout dans le Sud. Les fonctionnaires répondent oralement en arabe tchadien
ou en sara dans le Nord, en arabe tchadien ou en français dans le Sud. Les
formulaires administratifs sont disponibles normalement en français et en arabe
classique, parfois uniquement en français dans le Sud (par exemple, dans le Logone
occidental). En juillet 2012, le
ministre de
l'Enseignement secondaire (M. Oumar Ben Moussa) a procédé, dans le cadre de la
promotion de l'arabe, au lancement d'un programme de formation en langue arabe
pour quelque 1280 cadres francophones de l'administration publique tchadienne.
Il
convient de noter l'omniprésence des panneaux et autres pancartes en français,
par opposition à la rareté des écriteaux en arabe.
Il n'existe que fort peu de textes juridiques concernant
l'emploi des langues officielles dans l'Administration. Il est possible d'en
mentionner quelques-uns seulement. Ainsi, l'article 3 de l'Arrêté ouvrant un concours pour l'hymne national du Tchad (1960)
précise que les paroles de l'hymne national sont en français et qu'elles sont
«susceptibles d'être traduites ou adaptées ultérieurement en arabe ou en sara»:
Article 3
L'hymne comportera deux couplets et un refrain. Il aura de
préférence l'allure d'une marche au rythme énergique, ce qui
n'en exclut pas pour autant l'utilisation de tams-tams et
d'instruments locaux. Les paroles seront en langue française
et seront susceptibles d'être traduites ou adaptées
ultérieurement en arabe ou en sara. |
Selon l'article 10 du
Décret portant application du Code de la nationalité tchadienne
(1963), l'un des critères pour accéder à la nationalité tchadienne
est la connaissance de la langue française ou d'un dialecte en usage au Tchad:
Article 10
Dans tous les cas où la déclaration
est souscrite en vue d'acquérir la qualité de tchadien,
l'autorité qui la reçoit :
- Procède à une enquête sur la
moralité et le loyalisme du déclarant.
- Constate dans un
procès-verbal, de modèle joint en annexe II, le degré
d'assimilation de l'intéressé aux mœurs, usages et
coutumes du Tchad, sa
connaissance de la langue française ou dialecte en usage
au Tchad.
|
Au Tchad, le notion de «dialecte» demeure ambiguë.
Certains croient qu'il s'agit de l'arabe tchadien, parlé par beaucoup de
Tchadiens, d'autres réfèrent aux dialectes arabes locaux, tous parlés par un
petit nombre de locuteurs.
L'article 74 du
Décret portant statut des notaires (1996), autorise en principe
l'emploi de n'importe laquelle langue pour rédiger des contrats ou des actes
devant notaire:
Article 74
Toutes
les fois qu'une personne ne parlant pas la
langue dans
laquelle l'acte est dressé y
est partie ou témoin, le notaire doit être assisté d'un
interprète assermenté, qui explique l'acte rédigé, le
traduit littéralement et signe comme témoin additionnel. Les
signatures qui seraient écrites en caractères étrangers sont
transcrites, et la transcription en est certifiée et signée
au pied de l'acte par l'interprète.
|
Ainsi, les documents juridiques concernant l'emploi des
langues ne sont pas d'une grande clarté. Plusieurs langue sont théoriquement
possibles, mais dans les faits l'arabe tchadien est employé dans le Nord, le
français dans le Sud, l'arabe classique et le français dans les textes de loi.
4.3 Les langues de la justice
Les seuls documents
écrits permis sont en français ou en arabe dialectal. En vertu de l'article
9 du
Décret portant création et organisation des tribunaux du travail et
de la prévoyance sociale (1966), les assesseurs doivent posséder
une connaissance suffisante du français:
Article 9
Peut remplir les fonctions
d'assesseur toute personne âgée de 25 ans domiciliée dans la
république du Tchad, ayant exercé depuis trois ans,
apprentissage compris, une profession entrant dans une
catégorie énumérée à l'article précédent et exerçant cette
profession dans le ressort du tribunal depuis un an au
moins.
Les assesseurs ne doivent pas avoir encouru de condamnations
à une peine correctionnelle à l'exception toutefois des
condamnations visées à l'article 42 du Code du travail.
Ils doivent posséder une
connaissance suffisante de la langue française. |
Les assesseurs sont des citoyens adjoints au juge chargés
de s'occuper de la justice. En réalité,
les procès se déroulent en arabe dialectal ou en sara, parfois en français
dans le Sud, mais le juge doit rendre sa sentence en français.
4.3 Les langues des médias
La grande majorité des journaux sont en langue
française, rarement en arabe classique.
On dénombre plus d'une quarantaine de publications, dont un
quotidien en français, deux bi-hebdomadaires en français, une quinzaine d'hebdomadaires
(dont trois en arabe classique), plus d'une dizaine de bi-mensuels (dont sept en
arabe), une douzaine de mensuels (en français). L'article 3 de l'Ordonnance portant création de l'Agence tchadienne de presse et
d'édition (2012) prescrit l'emploi du français, de l'arabe
(lequel?) et des langues nationales:
Article 3
L'Agence tchadienne de presse et
d'édition a pour missions de :
[...]
- Assurer la confection, l'impression et la vente du
quotidien national en français et en arabe, la diffusion
de toutes les informations en
langues nationales ;
[...]
|
Dans les médias électroniques, la situation est
différente, particulièrement à la radio où les langue nationales prennent le
dessus, surtout l'arabe tchadien, le sara et parfois le kanembou, en plus de
l'arabe classique et du français. À la télévision, le français prend aussi le
dessus, mais il est suivi de l'arabe classique et de l'arabe tchadien. Les
citoyens tchadiens des zones rurales ne reçoivent que sporadiquement des journaux
en raison des difficultés de
transport et de la faiblesse du pouvoir d'achat. Plus de 70 % de la
population tchadienne n'a pas accès à la presse écrite.
Les médias audiovisuels comptent plus de 60 stations de
radios et de télévisions.
La plupart des émissions des stations nationales sont diffusées en
français; des tranches horaires sont consacrées aux langues
nationales et à l'arabe. Les radios privées d'informations générales et parfois des radios
dites «associatives»
ou «communautaires» diffusent leurs en française,
avec des
tranches horaires pour les principales langues nationales. Ainsi, ce
système semble conforme à l'article 12 de la
Décision portant cahier de charges de la Radiodiffusion nationale
tchadienne (1999) au sujet de la RNT (Radio nationale
tchadienne):
Article 12
La RNT par ses
programmes valorise le patrimoine culturel en puisant
essentiellement aux sources nationales.
Les stations régionales veillent et contribuent à
l'expression des langues et de la culture locale.
|
Il en est ainsi de l'article 14 de la
Loi relative à la communication audiovisuelle (2010):
Article 14
Les opérateurs des médias
audiovisuels exercent leurs activités dans
les limites fixées par la loi et dans le respect des droits
d'autrui, de la dignité de la personne humaine, de l'ordre
public, des bonnes mœurs, de la
diversité des langues,
des courants de pensée et d'opinion, des droits des
consommateurs et dans le respect de l'éthique de leur
profession. |
Dans les faits, la situation est plus complexe. D'une
part, les stations de télévision sont toutes localisées à Ndjamena. D'autre
part, en raison de la faiblesse de la
couverture du réseau électrique, de la précarité de l'approvisionnement en
électricité
et des coûts élevés
des équipements (téléviseurs, antennes, décodeurs, etc.), moins de 5
% de la population peut y avoir accès.
Quant à la vie économique, elle se déroule en français
pour les affaires, en arabe tchadien mais aussi en sara pour les commerces, jamais en arabe classique. Pour
schématiser, l'affichage est généralement en français et en arabe classique
pour le gouvernement, mais en français pour les commerces du Sud et en arabe
pour le Nord.
4
Les langues dans le système d'éducation
Il existe trois types d’écoles au Tchad: les écoles publiques,
les écoles communautaires et les écoles privées, qui
représentaient ensembles près de 8800 établissements
d'enseignement lors de l'année scolaire 2010-2011. Les écoles publiques
sont administrées en partie par l’État et elles sont de deux types : confessionnelles
ou
laïques. Mais ces écoles sont très
peu répandues dans le pays (7 %) et elles sont exclusivement
situées dans les villes. Les écoles communautaires, les
plus nombreuses, sont créées et gérées directement par la communauté locale
(association des parents d’élèves). Depuis l'indépendance, le système
d'éducation primaire s'est principalement développé sous l'initiative des
communautés locales qui assurent la construction des salles de classes en
matériaux traditionnels et contribuent à la prise en charge des enseignants
communautaires (près de 70 %). Quant aux écoles privées, leur nombre reste faible
par rapport aux autres types d’écoles. Il faut dire que
l'instauration des écoles privées est due à une stratégie politique destinée à
faire contrepoids aux organisations syndicales qui favorisaient les grèves
générale: la création des établissements privées fut considérée comme solution
aux problèmes de grève. On espérait ainsi éliminer le problème des grèves qui
menaçaient constamment la scolarité des élèves.
4.1 Le système scolaire
De plus, le
système scolaire tchadien comprend deux modalités d'enseignement:
l'enseignement formel et
l'enseignement non formel. L'enseignement formel comprend le préscolaire, le fondamental
(primaire et moyen), le secondaire (secondaire général et
technique) et le supérieur. Pour ce qui est de l'enseignement non formel,
il comprend l'alphabétisation et
l'éducation de base non formelle. L’enseignement primaire,
c'est-à-dire le premier cycle
de l’enseignement fondamental, est dispensé dans les écoles
primaires pour les enfants de 6 à douze 12 ans autour des
apprentissages fondamentaux que sont l'écriture, la lecture et
le calcul
dans les langues officielles (français et arabe). Mais cet
enseignement est aussi dispensé dans les langues nationales du Tchad.
L'enseignement secondaire est d'une durée de trois ans et est organisé en deux
filières : l'enseignement général et l'enseignement professionnel débouchant sur
le baccalauréat. L'enseignement technique professionnel est dispensé dans les
collèges techniques pour une formation de trois ans.
L'enseignement supérieur comprend des formations diversifiées dont
la durée d'études varie de 2 à 7 ans. Ces formations sont
organisées principalement au sein des universités, des instituts
universitaires et des grandes écoles.
Le français a toujours été l'unique langue
d'enseignement depuis 1900. Après l'indépendance, le système est resté le
même, bien que les programmes aient été «réactualisés» en 1962. Cette
année-là, une première législation a été adoptée
sous de la présidence
de François Tombalbaye, afin d'introduire l'arabe classique dans
l'enseignement. Il s'agit du Décret
portant organisation de l'enseignement de la langue arabe dans les ordres du
premier et du deuxième degré de l'enseignement public
(6 janvier 1962).
L'article 1er précisait que «dans l'enseignement public, qui se donne en langue française, une place
particulière est faite à la langue arabe». Cela signifiait que l'enseignement
de l'arabe classique était moins important que celui du français. Selon l'article
2, l'enseignement de la langue arabe à tous les niveaux était facultatif: il ne
pouvait être dispensé qu'en dehors des horaires officiels.
4.2 La législation sur les langues
Cependant, depuis 1978,
l'État a rendu le bilinguisme obligatoire dans tous les établissements d'enseignement
où l'apprentissage du français et de l'arabe classique est nécessaire. Mais dans
les écoles l’apprentissage de ces deux langues pose des problèmes,
puisqu'elles ne sont la langue maternelle de personne. Le texte le plus
important en matière d'enseignement est le
Décret portant institution de l'enseignement bilingue dans le
système éducatif tchadien (1995). L'article 1er
déclare que le français et l'arabe sont les langues
d'enseignement en république du Tchad, et que l'enseignement de la langue arabe est laïc et obligatoire:
Article 1er
Le français et l'arabe sont les langues
d'enseignement en république du Tchad.
L'enseignement de la langue arabe est laïc et obligatoire.
Il est dispensé dans toutes les écoles publiques et privées.
|
L'article 2
précise que tous les établissements publics d'enseignement arabe
sont bilingues. Selon l'article 3,
les établissements du
premier et du second degré de l'enseignement public sont divisés en
deux catégories : les
établissements bilingues et les établissements francophones. Dans les établissements
dits bilingues,
toutes les matières sont dispensées en arabe aux cours
préparatoires première et deuxième année (art.
4). Pour les cours du primaire, l'enseignement du français
est exclusivement consacré à l'étude de la langue parlée et
écrite selon les horaires et programmes actualisés (art.
5). De la sixième jusqu'en classe
terminale, toutes les matières scientifiques sont enseignées en
français (art. 8). Dans les
établissements de l'enseignement technique, professionnel et
supérieur enseignements sont dispensés en arabe ou en français (art.
12).
En 2006, le gouvernement a adopté une nouvelle loi qui ne
modifiait pas réellement le système en place. De fait, les
articles 5, 25 et 26 de la
Loi portant orientation du système éducatif tchadien (2006)
reprend les principales dispositions de la loi de 1995:
Article 5
L'enseignement et la formation sont
dispensés dans les deux langues officielles que sont le
français et l'arabe.
L'enseignement et la formation peuvent aussi être dispensés
dans les langues nationales. Des langues étrangères
interviennent comme disciplines d'enseignement.
Article 25
L'enseignement primaire est
dispensé dans les écoles primaires ouvertes aux enfants de
six à douze ans autour des apprentissages fondamentaux
d'écriture, de lecture et de calcul dans les langues
officielles. Il est également dispensé dans les langues
nationales.
Article 26
L'enseignement primaire est
organisé en un cycle unique de six ans structuré en trois
cours ayant chacun deux niveaux : le cours préparatoire, le
cours élémentaire et le cours moyen. Chaque cours dure deux
ans.
Les modalités de passage à l'intérieur et entre les cours
ainsi que celles relatives à l'accès à l'enseignement moyen
sont précisées par arrêté du (ou des) ministre (s) en charge
de l'éducation. |
Le Tchad demeure l'un des dix pays parmi les plus pauvres du monde
: il occupe le rang 163 sur 169 pays selon le
classement de l'Indicateur de développement humain. En 2010, les enfants en âge de fréquenter
l'école
primaire représentaient seulement 18 % de la population totale. Le système éducatif primaire
était, cette année-là, à 93 %
francophone, à 4 % arabophone et à 3 % bilingue. Bref, le
système d'éducation tchadien favorise nettement le français plutôt que l'arabe.
C'est ce qui explique que, dans le formation judiciaire,
le
Décret portant organisation et fonctionnement de l'École nationale
de formation judiciaire (2011) précisait que l'École nationale
de formation judiciaire a notamment pour missions la formation ou perfectionnement en langue française
:
Article 3
L'École nationale de formation
judiciaire a pour missions :
- La formation initiale et
continue des magistrats, des greffiers, des notaires,
des avocats, des huissiers et des autres personnels de
justice;
- La formation initiale et continue des magistrats et
futurs magistrats d'États étrangers dans les conditions
fixées entre le gouvernement du Tchad et le gouvernement
du pays des postulants;
- La coopération internationale, notamment par des
conventions d'échanges ou départenariats avec d'autres
écoles de formation ;
- La conduite des activités de recherches dans le
domaine juridique et toute forme d'enseignement dispensé
;
- L'organisation des concours et examens professionnels
pour le recrutement des magistrats, des greffiers, des
notaires, des avocats, des huissiers et des autres
personnels de justice ;
- La formation ou perfectionnement en langue française ;
- Toute mission confiée par le conseil d'administration.
Article 11
L'École est dotée d'un laboratoire
de langues rattaché à la Direction des études et des stages. |
Dans les faits, l'adoption du
français langue officielle a été favorisée dans l'enseignement. En fait,
c'est l'un des moyens qu'a trouvé le Tchad, comme pour beaucoup d'autres
pays arabophones, pour demeurer compétitif dans le monde contemporain, entre
autres, pour des raisons économiques et scientifiques. De plus, le
gouvernement tchadien veut aussi augmenter les heures d'enseignement pour
las langue anglaise pour les mêmes raisons. Évidemment, dans un pays aussi
pauvre que le Tchad, cette mesure est perçue comme autre façon
supplémentaire de diminuer la qualité de l'enseignement, et ce, d'autant
plus que le français, l'arabe classique et l'anglais constituent tous des
langues étrangères, alors que els langues nationales sont laissées pour
compte.
4.3 La langue arabe
Dès l'accession à l'indépendance, le Tchad a utilisé
l'enseignement de la langue arabe à des fins politiques. L'arabe
classique a été choisi comme langue d'enseignement afin de mieux
correspondre aux réalités nationales et de mieux adapter l'école aux
élèves tchadiens. En 1962, le gouvernement adoptait le
Décret portant organisation de
l'enseignement de la langue arabe dans les ordres du premier et du
deuxième degré de l'enseignement public :
Article 1er
Dans l'enseignement public, qui se donne en langue française, une place
particulière est faite à la langue arabe. Cet enseignement est laïc.
Article 2
L'enseignement de la langue arabe à tous les niveaux est facultatif. Il ne
peut être dispensé qu'en dehors des horaires officiels. Dans la limite des
moyens disponibles et sous réserve des nécessités du service, il est assuré
partout où un nombre suffisant de demandes émanant des parents d'élèves
justifie l'ouverture d'un cours.
Article 3
Nul ne peut suivre un cours de langue arabe dans un établissement
d'enseignement public s'il n'est régulièrement inscrit dans cet établissement
en qualité d'élève. La demande d'inscription au cours facultatif de langue
arabe doit être faite dans la semaine de la rentrée scolaire. Cette demande
agréée, l'élève est tenu de suivre assidûment les cours. La mauvaise
conduite ou la fréquentation irrégulière entraînent les mêmes sanctions que
pour les disciplines obligatoires, notamment l'exclusion à temps ou
définitive.
|
Évidemment,
personne n'a semblé constaté que l'arabe classique, à l'instar
du français, n'était la langue maternelle de personne, et
que l'enseignement de cette langue n'avait rien à voir les
réalités nationales et les élèves tchadiens. C'est ce qui
explique en partie pourquoi le français a finalement pris le
dessus sur l'arabe: il était ancrée dans l'enseignement plus
profondément que l'arabe classique. La situation aurait été
sûrement pus différente si l'arabe tchadien avait été intégré
dans l'enseignement, mais le gouvernement a préféré s'aligner
sur les autres pays arabes qui ont choisi l'arabe classique
comme langue d'enseignement.
Dans les faits, la langue arabe ne fut jamais
obligatoire avec le résultat que le français a pris presque
toute la place. Cependant, en 2010, le chef de l'État, Idriss
Déby Itno, a décidé de rendre l'enseignement de l'arabe
obligatoire, dès l'année scolaire de 2010-2011,
dans tous les établissements
scolaires primaires et secondaires, les lycées, les collèges et
les universités du pays. S'adressant aux Tchadiens depuis la ville de Sarh,
le chef de l'État voulait ainsi redonner à l'arabe, langue
nationale inscrite dans la Constitution, la place qu'il mérite pour
renforcer la cohésion nationale : «L’enseignement de l'arabe
doit être systématique dans tous nos établissements scolaires pour les
intégrations à la fonction publique. Les cadres arabophones doivent être
traités comme leurs collègues francophones et doivent accéder à toutes
les fonctions administratives.» Les élèves qui maîtrisent le français
devront apprendre l'arabe et ceux qui maîtrise l'arabe devront
apprendre le français pour que le bilinguisme serve comme
élément de cohésion nationale entre les Tchadiens. Pour beaucoup
de Tchadiens, cette mesure consiste à faire imposer l'arabe de
la part de 3 % d'arabophones à 97 % de la population tchadienne.
Pour les opposants, l'arabisation du système
d'éducation ne constitue pas en soi un problème, mais la façon
dont les autorités perçoivent cette arabisation en est un.
Celle-ci consiste à faire connaître les deux langues officielles
à tous les Tchadiens.
Quoi qu'il en soit, le Tchad manque
cruellement d'enseignants qualifiés. En si peu de temps
(quelques mois), il est impossible de trouver un nombre
suffisant d'enseignants arabes, à moins d'aller les chercher
dans les autres pays arabes. Ensuite, il faudrait les payer avec
des salaires décents, de l'argent que le Tchad n'a manifestement
pas. Quoi qu'il en soit, tout le monde sait qu'au Tchad
l'imposition des deux langues officielles pour tous les
Tchadiens est impossible, mais le discours politique sur ce
sujet est, lui, rentable au plan électoral.
4.4 La scolarisation
Le taux d'alphabétisation
était officiellement de 50 % en 1995-1996, mais dans les faits il était beaucoup
plus élevé en raison des incessantes guerres civiles. Lors du recensement général
d'avril 1993, l’effectif de la population résidante
totale au Tchad était de 6,2 millions d'habitants. Or, environ 11 personnes sur
100 avaient déclaré savoir lire et écrire dans une langue quelconque. Il s'agit
d'un taux d’alphabétisation au niveau national de 10,8 %. Autrement dit, la
population tchadienne était alors majoritairement analphabète dans une proportion de 89
% environ. En 2001, le gouvernement adoptait le
Décret portant création d'un Comité d'appui aux activités de
promotion de l'alphabétisation (2001), qui créait le Comité
d'appui aux activités de promotion d'alphabétisation (CAPAL):
Article 1er
Il est créé une structure
nationale de promotion d'alphabétisation dénommée Comité d'appui
aux activités de promotion d'alphabétisation en abrégé CAPAL.
Article 2
Le Comité d'appui aux
activités de promotion d'alphabétisation CAPAL a pour
attributions de :
a. susciter tant au niveau de la population elle-même que
des acteurs à tous les degrés une prise de conscience accrue
de la nécessaire élimination de l'analphabétisme pour
favoriser la participation optimale de tous au développement
économique et social.
b. contribuer à la
définition des stratégies pertinentes pour un développement
conjugué de l'enseignement primaire et du programme
d'alphabétisation des jeunes et des adultes et en suivre la
mise en œuvre.
c. contribuer à la
mobilisation des ressources humaines et matérielles
disponibles pour la réalisation des programmes et projets de
promotion de l'alphabétisation.
|
Cependant, la situation ne semble pas s'être
grandement améliorée depuis les années 1990. En effet, d'après le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le taux brut
de scolarisation au Tchad était de 36,5 % en 1010, ce qui classe
le pays parmi les moins avancés dans le domaine. Au pal national, les
dépenses du gouvernement tchadien pour l'éducation représentaient
seulement 2 % du PIB, l’un des taux les plus bas du monde. Cela signifie
que 10,4 % du budget général de l'État en 2012 a été consacré à
l'éducation. Pendant que le système d'éducation scolarise 10 garçons, seulement 7 filles sont
scolarisées. De nombreuses difficultés affectent le niveau primaire, car en
moyenne moins de quatre élèves sur dix qui fréquentent ce cycle vont terminer
leurs cours. Les filles achèvent encore moins l’école primaire que les
garçons. De plus, le taux de redoublement est élevée au Tchad avec 23 %. En 5e année, plus de
six élèves sur dix ont déjà redoublé au moins une fois.
Par ailleurs, l'analphabétisme est
plus marqué chez les femmes (86 %) que chez les hommes (69 %). En
milieu rural, les
femmes sont encore plus touchées avec un taux
d’analphabétisme de 92 %. Au plan international, Le Tchad appartient
aux 25 % des pays n’ayant pas atteint la parité garçon/fille dans le
système d'éducation.
4.5 La promotion des langues
nationales
Selon la Société internationale de linguistique (SIL)
présente au pays depuis 1990, il y aurait environ 120 langues au Tchad.
Le département des sciences du langage de l'Université de N'Djaména
avance, pour sa part, le nombre de 170 langues. Mais la Direction de la
promotion des langues nationales du ministère tchadien de l'Enseignement
primaire et de l'Éducation civique, quant à elle, se contente des
résultats de la SIL.
En septembre 2012, le président de la république du
Tchad, Idriss Déby Itno, déclarait que l'école tchadienne devait
retrouver ses «lettres de noblesse» dans l'édification de la nation
tchadienne: «Il est impératif de renverser les tendances négatives
existantes. Le système éducatif tchadien dans son ensemble se doit de
parvenir à l’excellence.» Et l'un des moyens consiste à enseignement les
langues nationales. La Direction générale de l'alphabétisation et de la
promotion des langues nationales (DGAPLAN) est chargée de la conception,
de l’élaboration, du suivi en évaluation et du contrôle de l’exécution
de la politique du gouvernement en matière d’alphabétisation,
d’éducation non formelle et de promotion des langues nationales. S'Il
est facile de trouver des enseignants pour le français, voire l'arabe,
ce n'est pas le cas dans les langues nationales. La quasi-totalité des
cours pour les enfants et les jeunes sont donnés en français ou en rabe,
seuls les adultes peuvenr recevoir d un enseignants dans certaines
langues locales: en arabe tchadien, en sara, en ngambaye, en mabaye, en
gor, en moundag, etc.
Pourtant, l'article 20 du Décret portant organigramme du ministère de l'Enseignement primaire
et de l'Éducation civique (2011) assurait la promotion des
langues nationales:
Article 20
Placée sous l'autorité d'un
directeur, la Direction de la promotion des langues
nationales est une structure technique chargée de
l'organisation, de l'animation, du suivi et du contrôle de
la mise œuvre de la politique du gouvernement en matière de
promotion des langues nationales.
À ce titre, relèvent de ses attributions :
- L'organisation, l'orientation
et l'harmonisation des activités des comités
des langues
nationales ;
- L'élaboration, la production, l'impression et la
diffusion des matériels didactiques d'alphabétisation et
d'éducation non formelle.
- Le recensement, la codification et à la transcription
des langues nationales ;
- L'appui à l'expérimentation des programmes
d'alphabétisation et d'éducation non formelle
dans les
langues nationales
;
- L'évaluation des matériels didactiques produits par
les différents partenaires dans les langues nationales ;
- Le suivi et l'évaluation des programmes d'enseignement
en langues nationales ;
- L'étude des dossiers des associations linguistiques en
vue de leur reconnaissance ;
- L'application des règles et modalités de gestion des
emplois des personnels ;
- La tenue à jour d'une banque de données sur les
langues nationales ;
- L'élaboration et le suivi de l'exécution du budget de
fonctionnement de la direction ;
- L'élaboration des rapports périodiques sur l'état des
activités de développement
des langues nationales.
|
La multiplicité des langues au Tchad rend
difficile toute politique visant à protéger à la fois le patrimoine
culturel et favoriser l'ouverture au monde extérieur. Bref, ce n'est pas
pour demain la veille que l'on verra un système d'enseignement dans les
langues nationales. Il faudrait commencer au moins par l'enseignement de
l'arabe tchadien, ce qui n'est même pas le cas.
4.6 Les enseignants
En plus du faible taux de scolarisation et
d'alphabétisation des adultes, le système d'éducation du Tchad souffre de graves
lacunes. Par exemple, plus 48 % des enseignants du primaire sont sans formation
professionnelle. Les programmes de l’enseignement primaire datent de
l'indépendance et n'ont été en partie «réactualisés» qu'en 1987, alors
que des réformes urgentes seraient nécessaires. De plus, les conditions
matérielles dans lesquelles se déroulent l'enseignement demeurent très
précaires, tant pour les élèves que pour les maîtres. Bref, le rendement du système d'éducation demeure faible. Les principales
faiblesses concernent la mauvaise formation du personnel
enseignant, l'absence de contrôle sur les programmes, la pénurie de matériel
pédagogique, l'insuffisance des infrastructures et des équipements, sans oublier
le manque d'appui presque total de la part du ministère de l'Éducation
nationale. Dans de nombreuses régions, les écoles fonctionnent en toute
indépendance et liberté, parfois sans aucun encadrement ni supervision
pédagogique, notamment dans les écoles coraniques.
Sauf dans les plus grandes villes, les écoles
manquent cruellement d'enseignants. C'est pourquoi on trouve des écoles
sans salles de classe, où des élèves prennent des cours à même le sol
sous des hangars en paille ou en tiges de mil. On trouve des effectifs
de 100 à 200 élèves par classe, avec trois ou quatre élèves par banc,
tandis que d’autres sont assis ou debout à l’extérieur. Le moins que
l'on puisse dire, c'est que le système d'éducation tchadien n'est pas au
point. D'ailleurs, les données statistiques gouvernementales révèlent
aussi que seulement 47,9 % des Tchadiens étaient scolarisés au primaire,
contre seulement 17,9 % au secondaire et 0,5 % à l'université. Pire, 41 % des
enfants entrant à l'école primaire ne terminent pas leurs études. Les
problèmes sont nombreux, notamment le manque ou l’insuffisance du
personnel enseignant qualifié, le faible niveau de l'enseignement et le
manque de matériels pédagogiques. Ajoutons aussi que les moyens
financiers sont nettement insuffisants. L’État
accorde 20 % de son budget annuel à l’éducation, et cette part est affectée
exclusivement aux salaires des enseignants (environ 90 %). Cela signifie que
tout investissement dans le domaine de l’éducation repose essentiellement sur
l'aide internationale ou extérieure.
4.7 Les universités
L'Université de Ndjamena, créée en 1971 sous le nom
d'«université du Tchad», fut longtemps le seul établissement
d'enseignement supérieur du pays, mais depuis ce temps de nombreux
autres établissements ont vu le jour. Malgré tout, moins de 1 % des
Tchadiens ont accès aux études supérieures. L'enseignement se donne
normalement en français, à l'exception des cours dispensés en arabe
classique. L'un des rares textes juridiques mentionnant la question des
langues est le
Décret portant institution du système licence, master, doctorat dans
l'enseignement supérieur au Tchad (2009) instituant le
système LMD dans l'enseignement supérieur (licence, master et doctorat).
L'article 2 ne parle que la «maîtrise des langues», sans autre
précision:
Article 1er
Il est institué le système
licence, master, doctorat (système LMD) dans
l'enseignement supérieur au Tchad.
Article 2
L’institution du système LMD
dans l’enseignement supérieur a pour objectif de :
- faciliter la lisibilité
et la comparaison des diplômes délivrés par les
établissements d’enseignement supérieur ;
- accroître l’attractivité et la crédibilité des
offres de formation ;
- développer la professionnalisation des études
supérieures ;
- intégrer l’acquisition des compétences
transversales,
notamment la maîtrise des langues et
de l’outil informatique ;
- favoriser la mise en œuvre de méthodes
d’enseignement et d’évaluation adaptées et faisant
éventuellement appel aux technologies de
l’information et de la communication ;
- permettre la prise en compte et la validation des
acquis de formation antérieure ;
- favoriser la mobilité des enseignants-chercheurs
au niveau sous régional, africain et international.
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Le bilinguisme officiel de la république du
Tchad est un bilinguisme inégalitaire à l'avantage du français. Il est normal
qu'il en soit ainsi puisque, d'une part, le français est la langue coloniale,
d'autre part, personne ne parle l'arabe classique et que cette
langue n'a été introduite qu'au début des années 1980 (mais près
d'un siècle pour le français). Ce sont des
raisons symboliques et religieuses — stratégiques — qui ont introduit l'arabe classique. En
réalité, il aurait été plus approprié que l'État proclame plutôt l'arabe
tchadien en tant que langue officielle, mais manifestement les dirigeants ont
préféré s'aligner sur les autres États arabes en choisissant l'arabe
classique. Le problème, c'est que l'arabe classique est totalement artificiel
au Tchad, comme il l'est dans la plupart des pays arabophones.
On peut même dire que l'arabe a été choisi
comme langue officielle avant tout pour calmer les revendications nordistes, car
dans les faits c'est une langue officielle de second ordre, bien loin après le
français. Or, une langue est officielle ou ne l'est pas. Dans le cas du Tchad,
l'une des deux est plus officielle que l'autre. C'est pourquoi on peut dire que
le bilinguisme du Tchad correspond à un bilinguisme déséquilibré. En ce
sens, ce n'est probablement pas un modèle dont pourraient s'inspirer d'autres États.
Enfin, les langues nationales sont restées à peu près oubliées dans cette
politique. On ne peut même pas parler d'une politique de récupération
linguistique, puisqu'une telle politique n'a jamais été entamée ni même désirée.
Dernière mise à
jour:
19 déc. 2023
Bibliographie
- CAPRILE, Jean-Pierre. «Situation respective du
français et des langues africaines en Afrique centrale», dans Les
relations entre les langues négro-africaines et la langue française,
Paris, Conseil International de la langue française, 1977, p.
108-137.
-
- CAPRILE, Jean-Pierre. «Situation du français
dans l’Empire centrafricain et au Tchad», dans Le français
hors de France, Paris, Champion, 1979, p. 493-506.
-
- GOUVERNEMENT DU TCHAD, Recensement général
de la population et de l'habitat, N'djamena, Bureau central de
recensement (BCR), 1993.
-
- HALAOUI, Nazam, Danielle BOUHAJEB, Anne DUPUY,
Anne-Marie BUI DO. Les langues des États francophones :
législations, politiques et situations, Talence, ACCT, CIFDI,
1994; vol. III: «États francophones d’Afrique noire» (Bénin à Côte
d’Ivoire).
-
- KLEIN, Michel. La problématique tchadienne,
Marchés tropicaux et méditerranéens, n° 2619. 1996/01/19, p.
104-106.
- LEMOINE, Thierry. Tchad 1960-1990. Trente
années d'indépendance, Paris, Lettres du monde, 1997, 398 p.
-
- MANESSY, Gabriel. Le français en Afrique
noire, Mythe, stratégies, pratiques, Paris, 1994, Éditions
L’Harmattan, 245 p.
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