Canton des Grisons

5) Les politiques linguistiques locales

Les communes grisonnes

Plan de l'article
 

1 L'organisation des communes
1.1 Le nombre des communes
1.2 La législation communale
1.3 Le principe de la territorialité
1.4 Les compétences des communes

2 Le statut linguistique des communes
2.1 La règle des 40% et 20%
2.2 L'obligation d'employer la langue officielle
2.3 Les changements de statut linguistique
2.4 Droits ancestraux contre droits acquis

3 Les langues d'enseignement
3.1 La première langue d'enseignement
3.2 La langue scolaire

3.3 Les écoles bilingues
3.4 Les associations scolaires

4 La politique linguistique dans les communes unilingues
4.1 Les communes unilingues allemandes
4.2 Les communes unilingues italiennes
4.3 Les communes unilingues romanches

5 La politique linguistique dans les communes bilingues
5.1 Les communes bilingues allemandes-italiennes
5.2 Les communes à forte minorité italienne
5.3 Les communes bilingues allemandes-romanches

6 Les langues de la justice

7 Les médias

1 L'organisation des communes

Depuis 2016, le canton des Grisons compte 11 régions (Regionen en allemand, regioni en italien) au point de vue administratif : Albula, Basse-Engadine/Val Müstair, Bernina, Imboden, Landquart, Maloja, Moesa, Plessur, Prättigau-Davos, Surselva et Viamala. Chacune des régions est divisées en communes (Gemeinden en allemand; comuni en italien, vischnauncha en romanche), entre 2 à 19, pour un total de 101. Les régions sont des organismes purement administratifs du canton et elles ne disposent donc pas d'une autonomie interne, contrairement aux communes.

En Suisse, la commune est le plus bas niveau d'autorité au sein de l'organisation fédérale. Dans les Grisons, la commune est appelée Gemeinde en allemand (au pluriel: Gemeinden), comune en italien (au pluriel: comuni) et vischnanca en romanche (au pluriel: vischnancas).

Généralement, les Grisons emploient les expressions «commune politique» : politische Gemeinde (all.), comune politico (ital.) et vischnanca politica (rom.). Chaque citoyen suisse est d'abord citoyen d'une commune; il s'agit du «droit de cité communal».

Dans les Grisons, le terme Gemeinde peut se traduire en français par «municipalité» ou «commune», mais ces mots ne sont pas synonymes, car le contexte permet de les différencier. En effet, Gemeinde en allemand ou comune en italien désigne soit l'ensemble des élus soit l'organisme exécutif de la commune. Ainsi, la commune représente une localité (une ville ou un village), alors que la municipalité est associée aux personnes élues. En ce sens, on peut parler d'un conseil municipal ou d'un conseil communal (Gemeindevorstand ou Consiglio comunale) ou d'une assemblée municipale (Gemeindeversammlung) ou d'une assemblée communale. En allemand, on aura toujours Gemeinde, de sorte qu'il est difficile à traduire en dehors de tout contexte. En français, on emploie aussi «ville» (Stadt en allemand) pour désigner le conseil municipal.

1.1 Le nombre des communes

La Loi sur les communes du canton des Grisons (Gemeindegesetz des Kantons Graubünden) de 2017 énonce que celles-ci sont des entités territoriales de droit public dotées d'une personnalité juridique propre. Elles administrent leurs affaires de manière autonome dans le cadre du droit cantonal qui leur accorde la plus grande marge de manœuvre possible.

Artikel 2

Rechtsstellung der Gemeinden

Die Gemeinden sind öffentlich-rechtliche Gebietskörperschaften mit eigener Rechtspersönlichkeit.

Artikel 3

Autonomie

1) Die Gemeinden regeln ihre Angelegenheiten im Rahmen des übergeordneten Rechts selbständig. Das kantonale Recht gewährt ihnen einen möglichst weiten Handlungsspielraum.

2) In diesem Rahmen steht der Gemeinde das Recht zur Gesetzgebung und Verwaltung zu.

Artikel 4

Fraktionen

Die Unterteilung des Gemeindegebietes in Fraktionen* dient ausschliesslich der geografischen Bezeichnung.

Article 2

Statut juridique des communes

Les communes sont des collectivités publiques dotées de la personnalité juridique propre.

Article 3

Autonomie

1) Les communes règlent leurs affaires de manière autonome dans le cadre du droit supérieur. Le droit cantonal leur accorde la plus large marge de manœuvre possible.

2) Dans ce cadre, la commune a le droit de légiférer et d’administrer.

Article 4

Factions

La division du territoire communal en fractions* sert uniquement à la désignation géographique.

Dans toutes les lois, le terme Kraktion a été remplacé par "Region" («région»), y compris dans la Loi sur les langues.  

Selon la Loi sur la division du canton des Grisons en communes (2014), il y a 100 communes (ou 101, selon les sources) réparties dans les 11 régions (Regionem en allemand ou ou regionali en italien). Le tableau qui suit présente la liste des communes telle qu'elle apparait dans la loi précédemment mentionnée.
 

Région Nombre Communes*
Albula

6

Albula/Alvra, Bergün Filisur, Lantsch/Lenz, Schmitten, Surses, Vaz/Obervaz
Bernina 2 Brusio, Poschiavo
Basse-Engadine/Val Müstair 5 Samnaun, Scuol, Val Müstair, Valsot, Zernez.
Imboden 7 Bonaduz, Domat/Ems, Felsberg, Flims, Rhäzüns, Tamins, Trin
Landquart 8 Fläsch, Jenins, Landquart, Maienfeld, Malans, Trimmis, Untervaz, Zizers.
Maloja 12 Bever, Bregaglia, Celerina/Schlarigna, La Punt Chamues-ch, Madulain, Pontresina, Samedan, Saint-Moritz, S-chanf, Sils im Engadin/Segl, Silvaplana, Zuoz
Moesa 12 Buseno, Calanca, Cama, Castaneda, Grono, Lostallo, Mesocco, Rossa, Roveredo, San Vittore, Soazza, Santa Maria in Calanca
Plessur 3 Arosa, Coire, Churwalden.
Prättigau/Davos 11 Conters iP, Davos, Fideris, Furna, Grüsch, Jenaz, Klosters, Küblis, Luzein, Schiers, Seewis iP.
Surselva 15 Breil/Brigels, Disentis/Mustér, Falera, Ilanz/Glion, Laax, Lumnezia, Medel/Lucmagn, Obersaxen Mundaun, Safiental, Sagogn, Schluein, Sumvitg, Trun, Tujetsch, Vals.
Viamala 19 Andeer, Avers, Cazis, Domleschg, Ferrera, Flerden, Fürstenau, Masein, Muntogna da Schons, Rheinwald, Rongellen, Rothenbrunnen, Scharans, Sils im Domleschg, Sufers, Thusis, Tschappina, Urmein, Zillis-Reischen
Total 100 *Les noms en rouge indiquent qu'il s'agit de la capitale régionale.

1.2 La législation communale

Dans le système fédéral suisse, le pouvoir législatif communal est exercé de deux façons : soit au moyen d'un organisme élu, soit directement par le peuple.

- Le pouvoir des citoyens

Le pouvoir législatif peut être directement exercé par la population réunie en assemblée communale qui prend une décision en fonction du nombre de votes. Dans les Grisons, comme ailleurs en Suisse, il existe aussi des «initiatives populaires», lesquelles ne viennent pas d'un parlement ou d'une assemblée municipale, mais des citoyens eux-mêmes; elles sont considérées comme l'un des piliers de la démocratie directe dans ce pays. Donc, un canton ou une commune peut demander une consultation populaire au moyen d'un référendum auprès de la population.

- L'Assemblée communale

Beaucoup de communes préfèrent se doter d'une assemblée communale ou municipale élue, selon un nombre de membres variables. D'autres prévoient l'institution d'un tel organisme à partir d'un nombre déterminé d'habitants.

Dans certaines communes politiques, un parlement communal (all. Gemeindeparlament ; ital. parlamento municipale) fait office d’autorité législative; dans les autres communes, c'est l'assemblée municipale (all. Gemeindeversammlung; ital. Riunione della comunità politica), à laquelle peuvent participer tous les résidents ayant le droit de vote, qui exerce cette fonction; en allemand, le terme versammlung signifie «réunion».

En Suisse alémanique, les termes Gemeinderat (Conseil municipal, en français), Grosser Rat (Grand Conseil), Generalrat (Conseil général) Stadtparlament (Parlement municipal), Stadtrats (Conseil municipal) sont courants. Dans les Grisons, les termes Gemeindeversammlung et Gemeinderat semblent plus employée et se rendent en français par «assemblée municipale» (litt. «réunion communautaire» et «conseil municipal». En Suisse italienne, on emploie le plus souvent Consiglio comunale (Conseil communal ou municipal).

Dans les cantons francophones (Genève, Vaud, Neuchâtel, Jura), on emploie Conseil communal, Conseil général, Conseil municipal, Conseil de ville, etc.

1.3 Le principe de la territorialité

Selon la législation fédérale, la Suisse fonctionne en vertu du principe de territorialité linguistique qui postule que, dans un territoire donné, il doit y avoir qu'une seule langue officielle:  cuius regio, eius lingua. Ainsi, la Suisse est découpée en quatre zones linguistiques unilingues, sauf dans les Grisons avec le romanche.

C'est le seul canton qui adapte de façon particulière le principe de la territorialité linguistique. En d’autres termes, il il existe une voie entre la territorialité rigide et la situation anarchique, où chaque individu bénéficierait de la liberté d’employer sa langue dans la sphère publique, ainsi que le droit de recevoir des services de l'État dans cette langue, et ce, indépendamment du contexte social et historique dans lequel il se situe. C'est le pari des autorités cantonales.

On peut consulter une carte linguistique des parlers locaux en cliquant ici s.v.p.

1.4 Les compétences des communes

Du fait que l'administration cantonale assume ses responsabilités de façon décentralisée en matière de langue, cela signifie que ce sont les communes qui sont chargées de réglementer les langues en usage sur leur territoire. Comme il y a 101 communes, il existe donc 101 politiques linguistiques, mais certaines communes unilingues allemandes peuvent avoir des adaptations particulières si elles abritent des minorités romanches.

Le cas du canton trilingue des Grisons est unique en Suisse, dans la mesure où il se caractérise, entre autres, par une très forte décentralisation, puisque la langue officielle est déterminée par les communes. Ce sont elles qui décident aussi des «langues scolaires» dans le cadre de leurs compétences et en collaboration avec le canton, ce qui signifie à partir de certaines règles connues de tous. À cet égard, les communes doivent, par exemple, prêter attention à la «composition linguistique traditionnelle» et prendre en compte les minorités linguistiques autochtones; on pense surtout aux Romanches, le seul groupe linguistique de la Suisse dont la survie, à long terme, est véritablement mise en question.

2 Le statut linguistique des communes

Bien que le gouvernement cantonal ait délégué ses pouvoirs aux communes, il en a conservé le cadre par une réglementation précise. Ainsi, les communes ne peuvent pas décider ce qu'elles veulent sans aucune restriction. La Loi sur les langues (2006-2017) et l'Ordonnance sur les langues (2007-2025) prévoient des balises et des normes en matière de langue. En principe, près de 50% des quelque 101 communes comptent moins de 1000 habitants. Chacune d'elles choisit sa ou ses langues officielles et sa ou ses langues scolaires. Dans les Grisons, une commune peut avoir deux langues officielles, mais elle peut les appliquer différemment selon les localités, les villages ou les bourgs, qui font partie d'une même commune. On peut consulter une carte linguistique plus complète des parlers locaux dans le canton des Grisons en cliquant ici s.v.p.

2.1 La règle des 40% et 20%

Dans la Loi sur les langues, l'un des articles les plus importants semble être l'article 16 qui énonce dans quelle condition les communes doivent choisir leur langue officielle ou leurs deux langues officielles:

Article 16

Communes

1. Langues officielles
a) Choix

1) Les communes définissent les langues officielles dans leur législation en tenant compte des principes communs de la présente loi.

2) Les communes ayant une proportion d'au moins 40 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone sont considérées comme des communes unilingues. Dans ces communes, la langue autochtone est la langue officielle de la commune.

3) Les communes ayant une proportion d'au moins 20 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone sont considérées comme des communes multilingues. Dans ces communes, la langue autochtone est l'une des langues officielles de la commune.

4) Pour déterminer la proportion en pourcentage d'une communauté linguistique, il est fait état des résultats du dernier recensement fédéral. Sont considérées appartenant à la communauté linguistique romanche ou italienne toutes les personnes qui ont répondu à au moins une question sur l'appartenance linguistique indiquant la langue romanche ou italienne.

Le principe est le suivant: une commune est considérée comme unilingue quand au moins 40 % de sa population fait partie d'une minorité linguistique cantonale dite «autochtone», ce qui exclut l'allemand comme minorité. Dans ces communes, la langue officielle est celle de cette minorité (par. 2), même si une majorité de la population parle l'allemand. Une commune est considérée comme multilingue, en fait bilingue, lorsque cette proportion se situe entre 20 % et 40 % (par. 3).

Signalons que l'établissement du pourcentage d'une communauté linguistique se fait selon les résultats du dernier recensement fédéral (par. 4). Afin de respecter cette règle, les autorités communales doivent donc se baser sur le dernier recensement fédéral disponible pour tenir compte de l’évolution démolinguistique.

Cet article 16 de la Loi sur les langues avait comme but de protéger les langues minoritaires romanche et italienne dans leurs territoires traditionnels. Mais, compte tenu de la stabilité démographique et de la résistance de l’italien dans les vallées italophones, il ne fait pas de doute que la langue romanche se trouvait être la principale bénéficiaire de cette disposition. Il est légitime de se demander où est la logique de déclarer unilingue une commune où seulement 40 % de la population parle la langue officielle de la commune, mais cela ne s'applique que pour le romanche là où traditionnellement il était implanté.

Par ailleurs, les statistiques démographiques peuvent être faussées par les communes dont la fiscalité est avantageuse et qui attirent des germanophones; ceux-ci y installent leur boîte postale, mais ils n'habitent pas «leur» commune. En Basse-Engadine, il existe des collèges où vivent en internat de nombreux jeunes germanophones qui ne sont jamais en contact avec la population romanche, mais néanmoins comptabilisés. De plus, pour être solidaires avec la minorité romanche, plusieurs personnes de langue allemande déclarent, lors du recensement, le romanche comme leur langue, même si elles ne le parlent pas. Dans tous ces cas, les réponses sont comptabilisées dans des statistiques possiblement faussées au sujet de la présence effective des romanchophones. Tant que cela avantage les Romanches... 

2.2 L'obligation d'employer la langue officielle

En vertu de l'article 17 de la Loi sur les langues, les communes unilingues doivent utiliser leur langue officielle, en particulier lors des assemblées communales, lors des votations municipales, dans les communications et publications, dans les rapports avec les administrés, ainsi que pour la signalisation des bureaux municipaux et des routes (par. 1). Les communes multilingues (bilingues) sont tenues d'employer la langue autochtone officielle de manière appropriée (par. 2). En collaboration avec les services cantonaux compétents, les communes réglementent les détails relatifs au champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement.

Article 17

b) Champ d'application

1) Les communes unilingues sont tenues d'employer leur langue officielle, en particulier lors des assemblées communales, lors des votations communales, dans les communications et publications communales, dans les rapports officiels avec les administrés, ainsi que pour la signalisation des bureaux et des routes. Dans le cas des panneaux privés destinés au public, la langue officielle doit être adéquatement prise en compte. 

2) Les communes multilingues sont tenues d'employer de manière appropriée la langue officielle autochtone.

3) Les communes réglementent les détails relatifs au champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement.

On aura compris que la langue «autochtone» est le romanche, pas celle d'un aborigène. L'article 25 de la Loi sur les langues prévoit que les régions composées de communes unilingues ayant une même langue officielle sont considérés comme unilingues:

Article 25

Régions

1) Les régions composées de communes unilingues ayant la même langue officielle sont considérées comme unilingues. Dans ces régions, la langue officielle est la langue officielle des communes qui en font partie. *

2) Les régions composées de communes ayant des langues officielles différentes ou de communes multilingues sont considérées comme multilingues. Les langues officielles de ces régions sont toutes les langues officielles des communes qui composent la région concernée. *

3) Abrogé.*

4) Les régions règlent les détails relatifs au champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement. *

Par conséquent, ce ne sont pas les régions qui dictent le statut des langues dans une commune, mais ce sont les communes qui décident du statut linguistique d'une région. Par exemple, du fait qu'il n'y a aucune commune unilingue romanche ou bilingue dans la région de Prättigau-Davos, celle-ci demeure nécessairement unilingue allemande. Le fait que toutes les communes de la région de la Moesa soient unilingues italophones entraîne l'unilinguisme de la région. De même, parce que la région d'Albula compte cinq communes bilingues sur six fait de celle-ci une région résolument bilingue de langues allemande et romanche.  

La Loi sur les langues traite de la question de l'affichage dans les communes. L'article 17 énonce expressément que «dans le cas des panneaux privés destinés au public, la langue officielle doit être adéquatement prise en compte». Pour les communes bilingues, il est prévu de manière plus générale que la langue autochtone officielle doit être employée également de manière adéquate :

Article 17

b) Champ d'application

1) Les communes unilingues sont tenues d'employer leur langue officielle, en particulier lors des assemblées communales, lors des votations communales, dans les communications et publications communales, dans les rapports officiels avec les administrés, ainsi que pour la signalisation des bureaux et des routes. Dans le cas des panneaux privés destinés au public, la langue officielle doit être adéquatement prise en compte. 

2) Les communes multilingues sont tenues d'employer de manière appropriée la langue officielle autochtone.

3) Les communes réglementent les détails relatifs au champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement.

L'affichage privé et institutionnel est généralement en romanche, mais les établissements commerciaux préfèrent l'allemand. De fait, les communes romanches présentent des affiches dans cette langue (Unium Rumantscha Grischun Central) ou en italien dans les communes italophones (Comune di Roveredo in Piano) et, bien sûr, en allemand dans les communes allemandes. Il est rare de présenter des inscriptions bilingues ou multilingues, sauf s'il s'agit d'une commune bilingue (Vischnauca Ilan/Glion Gemeinde) ou pour signaler un danger. À l'exemple des germanophones, les communes italiennes ont plus de facilités pour présenter des inscriptions dans leur langue que les Romanches.   

2.3 Les changements de statut linguistique

Pour la première fois dans une législation cantonale, le législateur a prévu des changements dans le statut linguistique. En effet, l'article 24 de la Loi sur les langues précise que tout changement d'une commune unilingue en une commune multilingue (et l'inverse), de même que le changement d'une commune multilingue en une commune germanophone, doit être soumis à un référendum communal. Une telle proposition présuppose que la proportion de la population appartenant à la communauté linguistique autochtone tombe en dessous de 40 % dans le cas du changement d'une commune unilingue en une commune plurilingue, et en dessous de 20 % dans le cas du changement d'une commune multilingue à une commune germanophone :

Article 24

5. Changement de langue

1) Le passage d'une commune unilingue à une commune multilingue et vice versa, ainsi que le passage d'une commune multilingue à une commune germanophone sont soumis au vote populaire. Une proposition correspondante suppose que la part de locuteurs appartenant à la communauté linguistique autochtone soit tombée en dessous de 40 % dans le cas d'une transition d'une commune unilingue à une commune multilingue et en dessous de 20 % dans le cas d'une transition d'une commune multilingue à une commune germanophone.

2) Un changement de langue est considéré comme accepté si, dans le cas d'un passage d'une commune unilingue à une commune multilingue, la majorité et, dans le cas d'un passage d'une commune multilingue à une commune germanophone, les deux tiers des électeurs, moins les votes blancs et nuls, approuvent le changement.

3) Les décisions relatives aux changements linguistiques nécessitent l’approbation du gouvernement.

Un changement de statut de la langue officielle est agréé lorsque la majorité de la population l'a approuvé (dans le cas du changement d'une commune unilingue en une commune plurilingue) et que les deux tiers des électeurs l'ont approuvé (dans le cas du changement d'une commune plurilingue en une commune germanophone. De plus, toute décision de modification doit être entérinée par le gouvernement cantonal (par. 3).

Bref, si la proportion des Romanches devait tomber au-dessous de 40 % dans une commune, celle-ci cesserait d'être officiellement unilingue pour devenir bilingue, mais ce changement de statut linguistique doit être accepté par référendum communal. De plus, si la proportion descendait sous la barre des 20 %, le romanche y perdrait spn statut officiel. La loi prévoit une majorité simple des votants pour changer une commune bilingue (romanche - allemand ou italien - allemand) en une commune unilingue allemande, mais il faut que les deux tiers des personnes habilitées à voter acceptent un tel changement (art. 23.2). Il s’agit manifestement de freiner le passage d'une commune vers la germanophonie.

Si plusieurs communes romanches fusionnent avec une ou deux communes germanophones, une commune bilingue est créée selon la législation cantonale et la jurisprudence. Selon les associations locales, le romanche risque d'être tôt ou tard supplanté. Pour atténuer cet effet, les organismes linguistiques demandent au gouvernement cantonal de modifier sa pratique en matière de fusions communales. En cas de fusion, diverses lois, notamment la Loi sur les langues et la Constitution cantonale, devraient être interprétées davantage en faveur du romanche.

Si plusieurs communes romanches fusionnent avec une ou deux communes germanophones, une commune bilingue est créée selon la législation cantonale et la jurisprudence. Selon les associations locales, le romanche risque d'être tôt ou tard supplanté. Pour atténuer cet effet, les organismes linguistiques demandent au gouvernement cantonal de modifier sa pratique en matière de fusions communales.

2.4 Droits acquis contre droits ancestraux

De façon générale, une «langue ancestrale» est une langue qui existe depuis plusieurs générations, mais qui, sur un territoire donné, n'est plus parlée que par un groupe restreint de locuteurs et qui n'est plus la langue maternelle de la majorité. Il peut s'agir d'une langue traditionnelle parlée par un groupe minoritaire, comme c'est le cas des Romanches, ou une langue immigrante parlée par une communauté de première génération, comme les Portugais immigrés à Saint-Moritz. Dans les Grisons, la langue ancestrale n'est pas forcément la langue des personnes âgées, car elle est parlée par les enfants et enseignée dans les écoles primaires.

Dans les faits, des communes unilingues dans leur vie quotidienne peuvent être administrativement bilingues; et des communes multilingues dans leur vie quotidienne sont considérées comme des communes unilingues au point de vue administratif en vertu de la notion de la «langue ancestrale», ce qui n’exclut nullement l’usage de l’allemand à côté du romanche.

Il faut aussi signaler que la protection du romanche devient aléatoire dans le cas des communes qui avaient établi leur politique linguistique avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues en 2006. En effet, 18 communes, qui auraient été obligées de maintenir la langue romanche sous une forme minimale en vertu de cette loi, ont été libérées de cette obligation en raison des droits acquis avant l'adoption de la loi, ce qu'on pourrait qualifier de «compromis électoral». Par conséquent, même avec une règle de 50 %, une commune peut rester bilingue si elle l’était avant l'adoption de la Loi sur les langues en 2007. Selon les dispositions de la loi actuelle, ce n’est que lorsque la proportion de la population du groupe linguistique ancestral tombe en dessous de 10 % que la commune n’est plus obligée d’employer la langue dans son administration, mais elle ne peut refuser l'accès en romanche aux enfants à l'école primaire.

Communes allemandes - Communes italiennes - Communes romanches

3 Les langues d'enseignement

Si la Loi sur les écoles publiques (art. 29) énonce que le gouvernement cantonal détermine les matières optionnelles et les matières facultatives obligatoires, et publie les programmes d’études pour les niveaux de l’enseignement primaire, ce sont les communes, on le rappelle, qui choisissent la langue d'enseignement en fonction de critères déterminés par le canton. Il faut que ce soit l'une des trois langues officielles du canton ou la langue de la région ou de la zone linguistique. L'article 18 de la Loi sur les langues énonce que les communes réglementent dans leur «législation» la langue d'enseignement dans les écoles en tenant compte des principes de la loi:

Articles 18

2. Langues d'enseignement

a) Dispositions générales

1) Les communes réglementent dans leur législation la langue d'enseignement dans l'école publique en tenant compte des principes de la présente loi.

2) L'attribution des communes en communes unilingues et en communes multilingues est assignée de façon similaire aux dispositions sur les langues officielles.

3) Dans l'intérêt de la sauvegarde d'une langue cantonale menacée, le gouvernement peut, sur demande de la commune, autoriser des exemptions dans le choix de la langue d'enseignement.

Cette mesure est conforme à l'article 3 de la Constitution cantonale de 2003, qui prescrit que les communes déterminent leurs langues officielles et les langues d'enseignement dans le cadre de leurs compétences et en collaboration avec le canton.

3.1 La première langue d'enseignement

Dans les régions de la Moesa et de la Bernina, les communes doivent enseigner en italien. Dans les régions de Landquart, d'Imboden, de Plessur ou du Prättigau/Davos, c'est obligatoirement l'allemand. Mais dans les autres régions, les communes choisissent l'allemand, le romanche ou les deux langues, selon le statut linguistique de la commune. C'est dans les communes bilingues que la situation devient plus délicate.

L'article 20 de la Loi sur les langues déclare que l'enseignement de la première langue est offert dans la langue autochtone dans les communes multilingues:

Article 20

c) Communes multilingues et communes de langue allemande

1) Dans les communes multilingues, l'enseignement de la première langue est offert dans la langue autochtone.

2) Dans les communes multilingues et les communes de langue allemande, dans l'intérêt de la sauvegarde de la langue autochtone, le gouvernement peut, sur demande de la commune, autoriser la gestion d'une école publique bilingue.

3) Dans les communes ayant une proportion d'au moins 10 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone, il est fait obligation pour l'école d'offrir au choix l'enseignement du romanche ou de l'italien.

La règle des 20 % s'applique dans le choix de la langue officielle dans les écoles grisonnes.

3.2 La langue scolaire

Mais ce qu'il y a de particulier dans la législation grisonne, c'est que la «langue officielle» (en all. Amtssprache) d’une commune ne correspond pas forcément à la «langue scolaire» (en all. Schulsprache), ce n'est pas nécessairement la même langue. Les paragraphes 2 et 3 de la loi affirment que, dans le choix de la langue scolaire, les autorités municipales doivent privilégier l'enseignement du romanche ou de l'italien. Cette disposition oblige les communes officiellement unilingues allemandes, où le romanche a déjà été la langue autochtone, à offrir l'instruction dans cette langue si le pourcentage des romanchophones demeure au-dessus de 10 %. Cette disposition de la loi ne s’applique pas aux communes unilingues romanches ou italiennes avec une minorité allemande. Une commune peut donc avoir, par exemple, l'allemand comme langue officielle, mais le romanche comme langue scolaire.

Dans ces conditions, une commune officiellement unilingue allemande doit offrir une instruction en romanche. À la rigueur, une petite commune officiellement allemande peut être dans l'obligation d'offrir une école unilingues romanche à la population germanophone. Bien qu'il soit possible de demander une exemption, peu de parents réclament une telle exemption pour leur(s) enfant(s). Il arrive cependant que des parents demandent que leur(s) enfant(s) puisse(nt) fréquenter une école voisine germanophone afin de se soustraire au romanche. En ce cas, les communes concernées doivent s'entendre sur les frais de scolarité, et s'il y a désaccord le département cantonal de l'Instruction publique doit trancher.

Quant à l'article 19 de la Loi sur les langues, il prescrit que, dans les communes unilingues, l'enseignement de la première langue est offert dans la langue officielle de la commune. Toutes les communes doivent veiller à ce que la première langue fasse l'objet d'un soin particulier à tous les nivaux scolaires:

Article 19

b) Communes unilingues

1) Dans les communes unilingues, l'enseignement de la première langue est offert dans la seule langue officielle de la commune. Ces communes prévoient que la première langue fasse l'objet d'un soin particulier à tous les niveaux scolaires.

2) Le choix de la langue seconde est basé sur les prescriptions de la loi scolaire cantonale.

Les communes des Grisons sont libres de choisir la variété linguistique de l'enseignement: sursilvan, surmiran, sutsilvan, puter ou vallader. Les communes peuvent choisir aussi les documents pédagogiques et les manuels qui sont produits dans les cinq idiomes romanches, ainsi qu'en romanche grison.

3.3 Les écoles bilingues

À la demande de la commune, dans le but de préserver la langue maternelle et de promouvoir la langue cantonale du romanche ou de l’italien, le gouvernement peut autoriser le fonctionnement d’écoles populaires bilingues ou de sections bilingues dans les communes multilingues et germanophones. Dans les écoles bilingues, la moitié des matières sont enseignées en allemand, l’autre moitié en romanche ou en italien. De cette façon, les élèves apprennent dès le début à employer les deux langues comme outil de réflexion et de communication. Ces écoles visent à atteindre un niveau très élevé de compétence linguistique dans deux langues (niveau natif dans les deux langues).

3.4 Les associations scolaires

Dans le canton des Grisons, il existe des communes qui se regroupent en association scolaire (en allemand: Schulverband) de sorte que certaines communes peuvent unir leurs forces en tant qu'autorités scolaires. Toutes les communes doivent entretenir leur(s) école(s), mais les plus petites communautés ne peuvent pas surcharger leurs finances communautaires. Elles se tournent alors vers une fusion ou plutôt une association de conseils scolaires dans le cadre d'une coopération intercommunale pour agir en tant qu'autorité scolaire unique.

L'une des association les plus connues est celle de la Schulverband Schams qui regroupe les communes d'Andeer (germanophone), de Donat (romanche) et de Zillis (romanche). Cette association compte les établissements suivants: les Kindergarten Andeer (Jardons d'enfants d'Andeer), la Primaschule Andeer (l'école primaire d'Andeer), la Scola prima Donat (l'école primaire de Donat), la Scola Ziran (l'école de Ziran) et l'Oberschule Zillis (l'école secondaire de Zillis).

Les articles 3 et 3.1 du Règlement de l'Association scolaire de Schams (2014) énoncent les communes concernées et les écoles primaires allemandes et romanches:

Article 3

École primaire à choix d'école

1)
Chaque enfant résidant dans la zone de recrutement de l'Association a la possibilité de terminer l'école primaire à l'école primaire germanophone d'Andeer ou à l'école primaire romanche de Donat.

Article 3.1

Choix de l'école maternelle

1)
Les enfants des communes de Casti-Wergenstein, de Mathon, de Lohn, de Donat, de Zillis-Reischen et de Rongellen fréquentent l'école maternelle romanche de Zillis-Reischen, les enfants des communes d'Andeer et de Ferrera fréquentent l'école maternelle germanophone d'Andeer. Le Conseil scolaire peut accorder des exceptions à cette règle dans des cas justifiés.

Les articles 1 et 2 des Statuts de Association scolaire de Schams (2020), étant davantage à jour, désignent les nouvelles communes (Andeer, Ferrera, Muntogna da Schons, Rongellen et Zillis-Reischen):

Article 1er

Nom, lieu


Sous le nom de « Association scolaire de Schams », ci-après dénommée SVS, existe une personne morale de droit public au sens de l'article 51 et suivants de la
Loi sur les communes du canton des Grisons. L'association scolaire est composée des communes membres suivantes :

1. Andeer, Ferrera, Muntogna da Schons, Rongellen et Zillis-Reischen.

2. L'Association est située au bureau du président du conseil scolaire.

Article 2

Types d'écoles, emplacement de l'école

L'Association une école secondaire à Zillis-Reischen, une école primaire germanophone à Andeer, une école primaire romanche à Donat, ainsi qu'un jardin d'enfants germanophone à Andeer et un jardin d'enfants romanche à Zillis-Reischen.

Ce type d'association scolaire permet aux petits villages d'assurer l'accès à l'éducation aux enfants de la maternelle et du primaire dans leur langue.

4 La politique linguistique dans les communes unilingues

Dans le canton des Grisons, il existe des communes unilingues et des communes bilingues. Les communes unilingues peuvent être allemandes, italiennes ou romanches. Sur la base de 101 communes selon la Loi sur la division du canton des Grisons en communes (2014), voici la répartition numérique des communes :

Communes unilingues allemandes 53 - -
Communes unilingues italiennes 15 Communes bilingues
allemandes-romanches
17
Communes unilingues romanches 16 Communes bilingues
allemandes-italiennes
0

Communes allemandes - Communes italiennes - Communes romanches

4.1 Les communes unilingues allemandes

Les communes unilingues allemandes sont au nombre de 53 sur 101 et elles sont réparties dans toutes les régions du canton des Grisons, sauf dans celles de la Bernina et de la Moesa.  

Région Communes unilingues allemandes Nombre des
communes unilingues
 Nombre total
des communes
Albula Schmitten  1  6
Bernina sans objet  0  2
Basse-Engadine/Val Müstair Samnaun  1  5
Imboden Bonaduz, Felsberg, Flims, Rhäzüns, Tamins  5  7
Landquart Fläsch, Jenins, Landquart, Maienfeld, Malans, Trimmis, Untervaz, Zizers.  8  8
Maloja Bever, Madulain, St Moritz  3 12
Moesa sans objet  0 12
Plessur Arosa, Coire, Churwalden.  3  3
Prättigau/Davos Conters iP, Davos, Fideris, Furna, Grüsch, Jenaz, Klosters, Küblis, Luzein, Schiers, Seewis iP. 11 11
Surselva Mundaun, Safiental, Vals  3 16
Viamala Andeer, Avers, Cazis, Domleschg, Ferrera, Flerden, Fürstenau, Masein, Rheinwald, Rongellen, Rothenbrunnen, Scharans, Sils iD, Sufers, Being, Tschappina, Urmein, Zillis-Reischen 18 19
Total * Les noms avec un lien renvoient à la Constitution de la commune. 53 101

Les communes unilingues allemandes n'ont que l'allemand comme langue officielle. Cela signifie que les services publics et scolaires de la commune sont dans cette langue, mais il s'agit toujours de la langue écrite, car nous savons que les germanophones parlent tous le suisse allemand ou ses variantes locales (Bündnerdeutsch, Walserdeutsch, Bairishdeutsch) englobées dans le suisse allemand (Schweizerdeutsch).  
 

De plus, il faut distinguer les communes situées dans l'aire germanophone du Nord où l'unilinguisme est effectif et celles localisées dans la zone ancestrale romanche. En ce cas, bien que l'allemand soit l'unique langue officielle, certains services peuvent être disponibles en romanche, généralement en éducation, afin de conserver les valeurs culturelles traditionnelles ou ancestrales des Romanches.

Il existe en effet dans les Grisons une notion un peu floue de «langue traditionnelle» ou de «langue ancestrale» (en all. angestammte Sprache), qui s'applique sur la base de volontariat dans certaines communes allemandes. De façon générale, c'est le romanche qui est considérée comme «langue traditionnelle» ou comme «langue ancestrale», rarement l'italien.

Les exceptions au tout allemand concernent les écoles primaires. Par exemple, à Coire, la capitale (statut de ville ou Stadt) située dans l'aire allemande, bien qu’elle abrite environ 3300 romanchophones (1700 comme langue principale) et 4600 italophones (2000 comme langue principale), dont une bonne partie de nationalité italienne, la ville est unilingue et emploie uniquement l’allemand dans l’administration. Avant l'admission des enfants à la maternelle, la Ville avertit les parents étrangers que les connaissances de l'allemand sont très importantes. C'est pourquoi la Ville de Coire soutient dès le plus jeune âge les enfants de langue étrangère dans leur apprentissage de l'allemand. Cependant, en vertu de cette notion de «langue traditionnelle» ou de «langue ancestrale», il existe au moins une école pour les enfants romanchophones et italophones qui peuvent recevoir un enseignement bilingue en allemand et en romanche ou en allemand et en italien. Les cours sont donnés par deux enseignants, l'un de langue allemande, l'autre de langue romanche ou italienne, selon le cas.

Il existe d'autres communes qui offrent un enseignement bilingue, notamment à Davos, à Bever, Madulain, Flims, Andeer, etc. Compte tenu qu'une commune peut compter plusieurs localités, un enseignement en romanche peut n'être possible que dans l'une des localités de la commune.

Le cas de la commune de Bever (Maloja) est intéressant. En 2000, la plupart de ses habitants parlaient l'allemand (66,6 %), le romanche étant la deuxième langue la plus répandue (18,9 %) et l'italien la troisième (11,7 %). Cette commune a été romanchophone durant des siècles, mais après la Seconde Guerre mondiale l'allemand est devenu la langue majoritaire, de sorte que la commune est devenue germanophone. Dans la Constitution de la commune de Bever (Maloja), l'article 3 distingue la langue officielle de la commune et les langues scolaires qui sont le romanche puter et l'allemand. Donc, l'école primaire de Bever est une école bilingue (romanche/allemande). Tous les enfants germanophones, romanchophones et italophones apprennent les deux langues dans un système à deux classes, où les enfants des deux principales communautés sont regroupés pour recevoir le même enseignement. Après avoir terminé la 6e année scolaire, les jeunes passent au niveau supérieur de l'école à Samedan où l'enseignement se donne exclusivement en allemand.

Constitution de la commune de Bever (2013)

Article 3

c) Langue officielle

La langue officielle de la commune est l'allemand.

d) Langue de l'école

Les langues scolaires sont le romanche puter et l'allemand.

À Saint-Moritz, la langue officielle de la commune est l'allemand, mais les noms des rues sont présentés souvent en romanche ou dans les deux langues. La langue italienne est largement répandue, parlée comme langue maternelle par plus de 23 % des résidents et également utilisée par la municipalité à des fins touristiques et administratives; la troisième langue la plus répandue est le portugais (6,6%). Cette commune est exemptée de l'enseignement du romanche à cause de son caractère cosmopolite.
Sur les 53 communes unilingues, seules quelques communes peuvent offrir un enseignement bilingues et elles sont encore plus rares celles qui imposent cet enseignement aux germanophones. En cas, il s'agit de communes situées dans une ancienne aire romanche, particulièrement dans la région de Majola où plusieurs communes sont devenues unilingues allemandes parce que les locuteurs du romanche sont passés en-dessous de 20%. Mais en vertu de la règle des 10% concernant la «langue traditionnelle» ou «ancestrale», c'est encore possible.

Depuis plusieurs années, les écoles primaires germanophones enseignent l’italien ou le romanche comme première langue étrangère. Une langue cantonale (l’italien ou le français) et l’anglais sont enseignés comme matières obligatoires au premier cycle du secondaire. L'anglais est enseigné comme deuxième langue étrangère dès la 5e année de l’école primaire. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, il existe également des matières optionnelles spéciales pour les langues nationales (dont le français) qui ne sont pas obligatoires. Les communes allemandes doivent proposer l'enseignement d'une langue étrangère. S'il s'agit d'une langue nationale, on choisit généralement le français ou l'italien, mais dans le canton des Grisons l'italien est préféré, alors qu'en 5e année l'anglais est prédominant.

On trouvera ici des exemples de loi scolaire adoptée par des communes unilingues allemandes:

4.2 Les communes unilingues italiennes

Au nombre de 15, les communes unilingues italiennes sont toutes situées dans deux régions: la Bernina et la Moesa, sauf la commune de Bregaglia qui fait partie de la région de Maloja.

Région Communes unilingues italiennes Nombre
des communes unilingues
Nombre total
des communes
Bernina Brusio, Poschiavo 2 2
Maloja Bregaglia 1 12
Moesa Buseno, Calanca, Cama, Castaneda, Grono, Lostallo, Mesocco, Rossa, Roveredo, San Vittore, Soazza, Santa Maria in Calanca 12 12

Total

* Les noms avec un lien renvoient à la Constitution de la commune.

15  

Dans les communes italophones de la Bernina et de la Moesa, toutes sont protégées par l'unilinguisme territorial.

 
  Région Commune unilingue italienne Population Italophones Densité
1  Bernina Brusio 1 116 92,4 % 24 hab./km²
2  Bernina Poschiavo 3 521 90,4 % 18 hab./km²
3 Moesa Buseno     92 88,2 % 8 hab./km²
4 Moesa Calanca   206 73,7 % 5 hab./km²
5 Moesa Cama   562 88,2 % 37 hab./km²
6 Moesa Castaneda   240 79,6 % 61 hab./km²
7 Moesa Grono   1 513 85,0 % 67 hab./km²
8 Moesa Lostallo    735 81,4 % 14 hab./km²
9 Moesa Mesocco 1 297 89,1 % 8 hab./km²
10 Moesa Rossa   125 84,1 % 2 hab./km²
11 Moesa Roveredo 2 531 93,0 % 65 hab./km²
12 Moesa San Vittore   754 88,7 % 34 hab./km²
13 Moesa Soazza   361 91,9 % 8 hab./km²
14 Moesa Santa Maria in Calanca   113 86,5 % 12 hab./km²
15  Maloja Bregaglia 1 564 79,0 % 6 hab./km²

Comme on peut le constater, il s'agit de 15 communes à forte proportion d'italophones. Dans toutes les constitutions ou (Costituzioni) ou statuts (statuti) italophones des Grisons, on peut lire cet article: «La langue officielle de la commune est l'italien.»
 

En fait, les habitants italophones de ces communes vivent dans une sécurité linguistique aussi grande que chez les germanophones dans les communes allemandes. Le principe de la territorialité est très bien préservé et protégé par des frontières linguistiques imperméables. Cela signifie que les services administratifs cantonaux et municipaux doivent se faire en italien. Il en est ainsi dans les établissements d'enseignement. Il n'en demeure pas moins que, sur le territoire italophone, l’homogénéité linguistique favorise l’italien de s’établir comme seule langue d’enseignement.

- Les variétés rhéto-romanes

Bien que l'italien standard soit la langue officielle, dans la plupart de ces communes environ 50 % des locuteurs parlent l'une des variétés rhéto-romanes tels que le bregagliotto, le mésolcino, le calanchese, le poschiavo, etc. Ces variétés du lombard alpin sont diversement influencées par le romanche avec des emprunts à l'allemand, tandis que la grammaire est plus proche de celle du lombard. Ces parlers sont demeurés très vivants dans les Grisons italiens, y compris chez les jeunes. Sur le lieu de travail, l’italien est la langue la plus employée, mais une personne sur deux s’exprime également "in dialetto". Évidemment, dans les communications orales, beaucoup des échanges peuvent se faire dans ces parlers locaux, mais dans toutes les communications formelles c'est l'italien standard qui est employé.

Dans l'enseignement des langues étrangères, l'allemand est quasiment obligatoire dans toutes les écoles du canton des Grisons. Dans les écoles primaires de langue italienne, l’allemand est enseigné comme première langue étrangère. Une langue cantonale (le français ou l’allemand) et l’anglais sont enseignés comme matières obligatoires au premier cycle du secondaire. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, il existe également des matières optionnelles spéciales pour les langues nationales (dont le français) qui ne sont pas obligatoires.

Bien que l'unilinguisme italien s'applique avec succès dans les communes italophones, celles comptant moins de 80 % d'italophones ont tendance à se bilinguiser, notamment à Calanca et à Castaneda, ainsi qu'à Bregaglia (Maloja).

- La commune de Bregaglia

La commune italophone de Bregaglia constitue un cas d'exception, car c'est la seule qui fait partie de la région de la Maloja, une région officiellement bilingue avec l'allemand et le romanche.
 

De fait, Bregaglia demeure la seule commune de langue italienne à l'extérieur des régions de la Bernina et de la Moesa. La commune est composée de plusieurs localités dans le Val Bregaglia, une région de hautes montagnes et de profondes vallées : Maloja, Casaccia, Borgonovo, Vicosoprano, Stampa, Bondo, Promontogno, Soglio et Castasegna. Il existe aussi de nombreux petits villages considérés comme des hameaux, La «capitale» de la commune est Stampa, mais la mairie (cancelleria: «chancellerie») se situe à Promontogno. La population des localités est la suivante:
 
Bondo Borgonovo Casaccia Castasegna Maloja Promontogno Soglio Stampa Vicosoprano
204 1700 68 191 310 104 167 595 445

La majorité de la population, environ 75 %, parle l'italien et le bregagliotto, une variété rhéto-romane du lombard-alpin aux influences romanches et allemandes; c'est une variante du valtelinois parlé en Lombardie (Italie). Selon les localités, les locuteurs peuvent parler le romanche ou l'allemand (suisse allemand) comme langue maternelle. Cependant, selon l'article 6 de la Constitution de la commune: «La langue officielle de la commune est l'italien.» C'est le seul texte juridique qui fait mention de la langue italienne. Même la Legge scolastica («Loi scolaire») de 2020, ni la Legge sulla protezione della popolazione del comune («Loi sur la protection de la population de la commune») ne traitent de la question linguistique, car Bregaglia fait partie des Grisons italiens protégés par la règle de la territorialité.

Par conséquent, la commune est unilingue italienne parce qu'elle dépasse de beaucoup les 40% prévus à l'article 16 de la Loi cantonale sur les langues. L'administration municipale ne fonctionne qu'en cette langue, mais à l'oral l'italien, le suisse allemand et le romanche puter font bon ménage, et ce, d'autant plus que beaucoup de citoyens parlent les trois langues.  À l'écrit, seul l'italien fait foi pour la commune, mais certains formulaires peuvent être disponibles en allemand.

La localité de Vicosoprano abrite l’école maternelle et primaire; à Stampa, il y a une école secondaire et Maloja dispose d'un jardin d’enfants et d'une école primaire bilingue pour les élèves qui parlent normalement l’italien et l’allemand. Bref, les écoles primaires, de la 1re à la 6e année sont situées à Maloja et à Vicosoprano. On y enseigne exclusivement en italien jusqu'à la 3e année, l’allemand est appris comme langue seconde; l'anglais est introduit à partir de la 5e année.

- La Bernina et la Moesa 

Dans les toutes les régions italophones, Bernina, Moesa et Bregaglia, les habitants connaissent une baisse de la natalité et une émigration pour des raisons de travail et d'éducation. L'offre scolaire dans les vallées italophones est relativement limitée : la région ne dispose pas d'écoles secondaires (lycées, formations professionnelles à l'exception de Poschiavo) et les places d'apprentissage ne sont pas nombreuses, la seule école professionnelle se trouvant à Poschiavo. C'est pourquoi de nombreux jeunes sont contraints de poursuivre leurs études dans le canton du Tessin ou dans la partie germanophone du canton; une telle situation implique que les compétences en allemand, acquises à partir de la troisième année de l’école primaire, sont fondamentales, tandis qu’à l’inverse l’italien dans les régions germanophones, enseigné et appris à partir de la troisième année tend à avoir plutôt une valeur d'accessoire.

4.3 Les communes unilingues romanches

Les communes unilingues romanches sont au nombre de 16, dont 4 situées dans la Basse-Engadine/Val Müstair, 11 dans la Surselva et une seule dans la Majola. Le statut linguistique est celui désigné par les constitutions communales, sans tenir compte des possibles pratiques bilingues.

 
Région Communes unilingues romanches Nombre
des communes unilingues
Nombre total
des communes
Basse-Engadine/Val Müstair Scuol, Valsot, Val Müstair, Zernez 4 5
Surselva Breil/Brigels, Disentis/Muster, Falera, Laax, Lumnezia, Medel/Lucmagn, Sagogn, Schluein, Sumvitg, Trun, Tujetsch 11 16
Maloja S-chaf 1 12

Total

* Les noms avec un lien renvoient à la Constitution de la commune.

16  
Le statut linguistique d'une commune romanche doit respecter la règle des 40% et des 20% de l'article 16 de la Loi sur les langues : «Les communes ayant une proportion d'au moins 40 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone sont considérées comme des communes unilingues. Dans ces communes, la langue autochtone est la langue officielle de la commune.» Cette disposition cantonale s'applique précisément au romanche.
 
  Région Communes unilingues romanches Population Romanchophones Variété romanche Germanophones Densité
1 Basse-Engadine/Val Müstair Scuol 4 700  49,4 % vallader 39,2 %    10,0 hab./km²
2 Basse-Engadine/Val Müstair Valsot   832  78,1 % vallader 19,3 %      5,1 hab./km²
3 Basse-Engadine/Val Müstair Val Müstair 1 425 74,4 % jauer 23,1 %     7,2 hab./km²
4 Basse-Engadine/Val Müstair Zernez 1 532 65,7 % vallader 27,9 %    4,6 hab./km²
5 Surselva Breil/Brugels 1 719 68,9 % sursilvan 30,8 % 18,0 hab./km²
6 Surselva Disentis/Muster 2 009 65,6 % sursilvan 34,4 % 23,0 hab./km²
7 Surselva Falera 637 65,1 % sursilvan 34,9 % 28,0 hab./km²
8 Surselva Laax 2 001 40,1 % sursilvan 50,3 % 67,0 hab./km²
9 Surselva Lumnezia 2 029 64,5 % sursilvan 35,3 % 13,0 hab./km²
10 Surselva Medel/Lucmagn   332 70,7 % sursilvan 29,3 % 2,4 hab./km²
11 Surselva Sagogn  7 55 57,1 %

sursilvan

41,4 % 111,0 hab./km²
12 Surselva Schluein   597 56,1 % sursilvan 43,9 % 128,0 hab./km²
13 Surselva Sumvitg 1 082 70,0 % sursilvan 29,4 % 11,0 hab./km²
14 Surselva Trun 1 152 79,0 % sursilvan 15,0 % 22,0 hab./km²
15 Surselva Tujetsch 1 180 66,2 % tuatschin (sursilvan) 19,7 % 9,2 hab./km²
16 Maloja S-chanf  705 51,8 % puter 37,3 % 5,1 hab./km²

Certaines communes romanches ont adopté une réglementation en plus de leur constitution. Il s'agit notamment des communes suivantes:
 
Surselva Medel/Lucmagn Règlement sur la langue municipale officielle (1996) unilingue romanche
Sulselva Disentis/Muster Règlement sur la langue municipale officielle (1996) unilingue romanche
Sulselva Disentis/Muster Loi scolaire (2015) unilingue romanche
Surselva Trun Règlement de la commune sur la langue officielle (1996) unilingue romanche
Surselva Tujetsch Règlement sur la langue municipale officielle (1998) unilingue romanche
Surselva Sumvitg Règlement sur la langue officielle communale (1996) unilingue romanche
Surselva Breil/Brigels Loi sur la langue officielle (2018) unilingue romanche

Comme on peut le constater, ces communes sont toutes majoritaires ou répondent au critère des 40% pour que la langue soit officielle en dépit du fait qu'une bonne proportion de germanophones puissent y résider. Ces derniers peuvent néanmoins bénéficier de certains services en allemand. Étant donné qu'aucune commune n'est jamais composée à 100% de romanchophones et qu'il s'y trouve une nombre assez élevé de germanophones, soit entre 15,0 % et 50,3 % dans les cas extrêmes, des adaptations sont nécessaires en d'autres langues, même si le romanche est la seule langue officielle.

Ces textes juridiques, qu'ils soient des lois ou des règlements, sont tous semblables à quelques détails près. Pour résumer, on trouve les dispositions suivantes :

- Le romanche sursilvan est la langue officielle.

- L'usage du romanche est garanti comme langue officielle communale dans les différents domaines de l'administration, de l'école et de la présence publique.

- Les décrets législatifs sont rédigés en roman: Constitution communale, lois, règlements, ordonnances, publications officielles destinées au public.

- S'il existe des traductions en d'autres langues, la version romanche est officielle.

- Les assemblées et les réunions des organismes municipaux sont tenues et rédigées en romanche.

- L’administration s'adresse en romanche auprès des autorités cantonales et fédérales.

- La commune est responsable des jardins d'enfants et des écoles primaire; la langue d'enseignement est le romanche sursilvan. 

- La commune soutient les activités qui favorisent l’intégration linguistique des résidents de la commune.

On peut consulter ces documents en cliquant ici s.v.p. 

- Le romanche obligatoire

En principe, l'usage du romanche est obligatoire dans les administrations communales ou municipales dans les régions romanches; les citoyens ont le droit de demander une traduction en allemand ou en romanche concernant les décisions provenant des assemblées municipales. De toute façon, non seulement certaines communes émettent leurs documents en format bilingue, mais tous les Romanches maîtrisent le suisse allemand dans les communications orales et de nombreux germanophones possèdent une maîtrise du romanche local qu'ils ont appris à l'école primaire.

- Les écoles

La langue d'enseignement dans les écoles demeure exclusivement le romanche durant les quatre premières années du primaire et dans les jardins d'enfants, y compris pour les germanophones. À partir de la 5e année, seul l'allemand standard est enseigné dans les écoles. La plupart des communes romanches disposent également d'une école maternelle (jardins d'enfants) en romanche. Dans les communes linguistiques frontalières (communautés romanches bilingues ou pas encore complètement germanisées), les jardins d’enfants sont parfois organisés en parallèle en romanche et en allemand, et aussi dans des langues mixtes. L’Uniun da scolina Cuira veille à ce que les enfants de parents ayant un lien avec le romanche puissent également fréquenter un jardin d’enfants romanche dans la capitale du canton de Coire. Le canton assure la gestion des jardins d’enfants romanche avec la formation des enseignants de jardin d’enfants de langue romanche.

Grâce à une immersion totale précoce, les élèves qui ne parlent pas le romanche sont « immergés » dans le romanche et apprennent non seulement la langue elle-même, mais aussi les matières non linguistiques en romanche. À l’école primaire supérieure, l’allemand joue le rôle de langue principale d’enseignement, seules la matière romanche et la biologie sont enseignées en romanche. Ce changement de langue d’enseignement permet aux élèves de langue romanche de s’imprégner dans la langue allemande.
Dans les communes de la Basse-Engadine, c'est le vallader qui est choisi comme langue d'enseignement, mais le jauer dans la commune de Val Müstair et le puter dans la commune de S-chanf. Dans toutes les autres communes, l'idiome sulsilvan est la langue d'enseignement.

Une langue cantonale (l’italien ou le français) et l’anglais sont enseignés comme matières obligatoires au premier cycle du secondaire. L'anglais est enseigné comme deuxième langue étrangère dès la 5e année de l’école primaire. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, il existe également des matières optionnelles spéciales pour les langues nationales (dont le français) qui ne sont pas obligatoires. Les germanophones ont la possibilité d'envoyer leurs enfants en dehors de leur commune romanche, mais peu font ce genre de choix parce que celui-ci entraîne d'autres problèmes, comme le transport scolaire et des coûts supplémentaires.

5 La politique linguistique dans les communes bilingues

On compte 17 communes officiellement bilingues dans le canton. Toutes ont l'allemand et le romanche comme langues officielles, car aucune d'entre elles n'a l'allemand et l'italien, ce qui n'exclut pas cette possibilité dans une localité particulière. 

5.1 Les communes bilingues allemandes-italiennes

Dans le cas de communes bilingues allemandes-italiennes, il n'existe pas de commune-centre bilingue, mais seulement une petite localité allemande-italienne, celle de Bivio. Jusqu'en 2005, Bivio était la seule commune suisse en dehors de la zone géographique italienne, avec l'italien comme langue officielle. Durant des dizaines d'années, Bivio fut considérée comme la seule communauté trilingue des Grisons avec l'allemand, l'italien et le romanche. C'était une petite commune autonome comprenant quatre villages. 

Au 1er janvier 2016, le village de Bivio a fusionné avec huit autres localités supprimées pour former la nouvelle commune : Surses, dont Bivio fait dorénavant partie. Surses est aujourd'hui une commune bilingue (allemand-romanche) de 3543 habitants située dans le Val Sursette; elle comprend les localités suivantes: Bivio, Cunter, Marmorera, Mulegns, Riom-Parsonz, Salouf, Savognin, Sur et Tinizong-Rona. Seule Bivio est italienne-allemande. Depuis 2022, la municipalité de Bivio est considérée comme faisant partie de la Suisse alémanique, car la majorité des habitants (55,3%) parle désormais le suisse allemand.

Communes Région Population Langues officielles Italien Allemand Romanche Densité
Bivio (Surses) Albula 204 italien/allemand 29,4 % 55,3 % 12,2 % 3 hab./km²

La petite localité de Bivio compte à peine plus de 200 habitants, sans compter la poignée d'étrangers qui y vivent dans les hautes saisons. Pourtant, ils parlent tous trois langues différentes et divers dialectes de chacune d'elles : un quart parle la langue officielle, l'italien, un cinquième parle le romanche, tandis que la majorité parle des variantes de l'allemand.  Dans la commune de Surses, seul le village de Bivio (204 habitants) est allemand-italien, les autres ayant le romanche comme langue officielle, bien que l'allemand soit employé dans l'administration communale.

5.2 Les communes à forte minorité italienne

Il faudrait tenir compte de quelques communes à majorité allemande, mais avec une forte présence italophone et/ou romanche:

  Commune Région Population Langue officielle Allemand Italien Romanche Densité
1 Bever Maloja   633 allemand/romanche 66,6 % 11,73 % 18,9 % 14 hab./km²
2 Celerina/Schlarigna Maloja 1 488 allemand/romanche 65,0 % 19,29 % 11,0% 62 hab./km²
3 Madulain Maloja   227 allemand 53,9 % 17,22 % 22,2 % 14 hab./km²
4 Pontresina Maloja 2 115 allemand/romanche 57,9 % 16,10 %  9,0 % 18 hab./km²
5 Rheinwald Viamala   581 allemand 75,2 % 14,29 % 2,0 % 1 hab./km²
6 Samedan Maloja 3 007 allemand/romanche 61,5 % 14,90 % 16,7 % 23 hab./km²
7 Sils im Engadin Maloja   756 allemand/romanche 59,3 % 15,45 % 11,9 % 12 hab./km²
8 Silvaplana Maloja 1 067 allemand/romanche 65,9 % 15,88 % 10,6 % 24 hab./km²
9 St Moritz Maloja 5 149 allemand 58,7 % 21,83 %  4,7% 179 hab./km²
10 Zuoz Maloja 1 214 allemand/romanche 53,2 % 9,83 % 25,8 % 18 hab./km²

Ces 10 communes sont majoritairement germanophones. Trois d'entre elles sont exclusivement des communes allemandes, mais les sept autres sont des communes bilingues avec le romanche. Les communes allemandes n'offrent en principe aucun service dans une autre langue, mais dans le canton des Grisons il y a toujours des surprises avec la notion de «langue ancestrale» dont les locuteurs forment au moins 10% de la population locale. Par exemple, la commune de Madulain est unilingue allemande, mais la plupart des citoyens peuvent communiquer oralement en allemand, en romanche et/ou en italien, voire en anglais. La situation est à peu près identique à St Moritz où le quart de la population est italophone.

5.3 Les communes bilingues allemandes-romanches

Les communes bilingues sont situées dans cinq des 11 régions grisonnes. La Viamala n'en compte qu'une seule: Muntogna da Schons. Imboden et la Surselva en ont chacune deux. Mais on en dénombre cinq dans l'Albula et sept dans la Majola.  

Région Communes bilingues romanches Nombre des
communes bilingues
Nombre total
des communes
Albula

Albula/Alvra, Bergün Filisur, Lantsch/Lenz, Vaz/Obervaz, Surses

5 6
Imboden Domat/Ems, Trin 2 7
Maloja Celerina/Schlarigna, La Punt Chamues-ch, Pontresina, Samedan, Sils im Engadin/Segl, Silvaplana, Zuoz 7 12
Surselva Ilanz/Glion, Obersaxen Mundaun 2 16
Viamala Muntogna da Schons (Casti/Wergenstein et Donat) 1 19
Total * Les noms avec un lien renvoient à la Constitution de la commune. 17  

Les communes bilingues avec l'allemand et le romanche comme langues officielles révèlent un ensemble complexe de localités souvent entremêlées et ayant conservé jalousement leurs habitudes ancestrales ou traditionnelles, même après les fusions qui ont eu lieu dans tout le canton des Grisons. C'est pourquoi il est difficile de dresser un portrait d'ensemble de ces 17 communes grisonnes.

  Région Communes bilingues allemandes-romanches Population Germanophones Romanchophones Variété romanche
1 Albula Albula/Alvra 1 250 64,0 % 30,0 % surmiran
2 Albula Bergün Filisur  750 84,0 %   6,0 % surmiran
3 Albula Lantsch/Lenz  560 54,2 % 36,7 % surmiran
4 Albula Vaz/Obervaz 2 780 82,9 %   9,0 % surmiran
5 Albula Surse 3 543 61,2 % 50,6 % surmiran
6 Imboden Domat/Ems 8 199 73,2 % 11,0 % sutsilvan
7 Imboden Trin 1 488 72,7 % 10,7 % sutsilvan
8 Maloja Celerina/Schlarigna 1 424 65,0 % 11,0 %

puter

9 Maloja La Punt Chamues-ch   698 66,6 %   20,6 % puter
10 Maloja Pontresina 2 100 57,7 %    8,0 % puter
11 Maloja Samedan 2 924 61,5 %  16,7 % puter
12 Maloja Sils im Engadin/Segl   686 59,3 %  11,9 % puter
13 Maloja Silvaplana 1 083 65,9 % 10,6 % puter
14 Maloja Zuoz 1 228 73,2 % 21,2 % puter
15 Surselva Ilanz/Glion 4 969 64,3 % 35,6 % sursilvan
16 Surselva Obersaxen Mundaun 1 138 89,3 % 5,0 %

sursilvan

17 Viamala Muntogna da Schons 253 41,5 % 54,3 % sursilvan

- Un portrait d'ensemble

Il semble préférable de s'en tenir à quelques exemples pour illustrer les politiques linguistiques de ces communes.

Région Commune Politique linguistique
Maloja La Punt Chamues-ch Cette commune, d'origine romanche (qui fait allusion à un pont), est bilingue, alors que la proportion de romanchophones (puter) n'est que de 20%, mais la plupart des résidants sont bilingues et la commune pratique le bilinguisme administratif de façon systématique, à l'oral comme à l'écrit. À l'école primaire bilingue, certaines matières sont données en romanche, d'autres en allemand.
Imboden Domat/Ems Domat/Ems est un double nom composé des noms romanche (Domat) et allemand (Ems); il est généralement prononcé "Domatems". Avec environ 8000 habitants, Domat/Ems est la quatrième plus grande commune du canton des Grisons; il s'agit de la commune la plus septentrionale où l'on parle le romanche (11% de la population). C'est un cas particulier comme seul le canton sait le faire : la langue officielle de la commune est l'allemand, mais la langue traditionnelle est le romanche, ce qui donne des droits linguistiques.
Maloja

Pontresina

Dans cette commune à grande majorité germanophone (57,7%), les langues officielles sont l'allemand et le romanche, mais la langue ancestrale est l'idiome puter, ce qui explique le statut de cette langue en dépit d'un petit nombre de locuteurs (8%). Les habitants parlent généralement le suisse allemand, le romanche puter et l'italien. L'école communale de Pontresina est bilingue, romanche et allemande, mais la langue commune pour communiquer est le suisse allemand. De plus, les enfants non romanches reçoivent un enseignement minimal en langue romanche et les enfants non germanophones reçoivent un enseignement minimal en langue allemande, afin de préparer de manière optimale tous les enfants à l'école bilingue de Pontresina.
Maloja Celerina/Schlarigna Bien que la population romanchophone soit peu nombreuse (11%), tous les résidents ont le droit d'employer leur langue maternelle, le puter ou le suisse allemand. La commune dispose d'une école bilingue; l'idiome puter et l'allemand standard sont enseignées en alternance dès le jardin d'enfants, dans le but de faire apprendre les deux langues.
Viamala Muntogna da Schons Cette petite commune au nom romanche de 250 habitants abrite des locuteurs romanches et germanophones. Les langues officielles sont donc l'allemand et le romanche dans les deux localités (Casti-Wergenstein et Donat), mais la langue scolaire est le romanche sutsilvan dans la localité de Donat qui dessert l'autre localité.
Albula Surses Cette commune abrite une seule localité italophone (Bivio) qui doit composer avec des germanophones et des romanchophones. Les enfants parlent à l'école alternativement l'italien, le surmiran et le Bündnerdeutsch, sinon l'anglais, selon le jour de la semaine. La plupart des citoyens parlent l'italien, le romanche et le suisse allemand, mais les langues officielles sont le romanche et l'allemand. Cette commune se trouvait auparavant en Suisse romanche, mais elle considérée maintenant comme faisant partie de la Suisse alémanique, car la majorité des habitants parle désormais le suisse allemand.
Surselva Obersaxen Mundaun Les romanchophones (sursilvan) ne comptent que pour 5%, mais ils sont concentrés dans la localité de Mundaun, alors que les germanophones parlent la variété walser à Obersaxen, ancienne localité romanche, dont tous les noms de lieu sont restés romanches. Chacun des deux communautés conserve sa langue parlée, mais emploient l'allemand standard comme langue commune. Les écoles sont bilingues.  
Albula Bergün Filisur

En janvier 2018, les anciennes communes de Bergün/Bravuogn et de Filisur ont fusionné pour former la nouvelle commune de Bergün Filisur. Cette commune est partiellement bilingue en dépit de la faible proportion de romanchophones (6%). En fait, dans le village de Bergün/Bravuogn (pop. de 460, dont 83,9% de germanophones et 10,6% de romanchopobes), les langues officielles sont l'allemand et le romanche, la langue romanche, qui était enseignée avant la fusion, continue d'être proposée. À l’école, le romanche est enseigné comme deuxième langue à raison de deux leçons par semaine à partir de la première année. Dans le village de Filisur (pop. de 290, dont 84,5% de germanophones et de 3,0% de romanchophones), l'allemand est l'unique langue officielle. Le romanche est une matière facultative pour les élèves du primaire à Filisur.

En général, à la maternelle (jardins d'enfants) et de la première à la quatrième année du primaire, les cours se donnent exclusivement en romanche. Les élèves qui ne parlent pas le romanche apprennent le romanche dès le premier jour. Cette concentration précoce et intensive sur la langue minoritaire (ou non dominante), le romanche, permet de consolider les structures linguistiques de tous les élèves et de jeter les bases d’un bilinguisme équilibré, sans que le romanche ne subisse trop tôt et trop de pression de la part de la langue majoritaire, l’allemand. De plus, cette approche offre une certaine garantie que les familles non romanes sont plus susceptibles de faire un effort pour s’intégrer linguistiquement dans la zone romane.

Néanmoins, les enfants qui parlent le romanche à la maison «grandissent bilingues» : lorsqu’ils entrent à l’école, ils comprennent déjà l’allemand sous forme de suisse allemand et le parlent le plus souvent. Ils sont également exposés à l'allemand standard (le haut allemand) par le biais de la radio, de la télévision et d’autres médias. Dans la majorité des communautés considérées comme romanches, il y a aussi des résidents qui ne peuvent pas communiquer en romanche. Par contre, les villages où la langue romanche ne suffit pas ne sont jamais très loin.

- Les règlementations

Toutes les communes bilingues ou unilingues romanches ont rédigé une constitution interne. On emploie les termes suivants: Constituzium (en romanche), Verfassung (en allemand) et, pour les communes italiennes Statuto ou Costituzione. En général, les textes des communes unilingues sont rédigées en romanche, mais ceux des communes bilingues sont en allemand. Certaines communes ont élaboré une réglementation particulière sur l'éducation.

Région Commune Langue officielle Titre
Abula Abula/Alvra allemand-romanche Loi sur les langues officielles (2016)
Abula Abula/Alvra allemand-romanche Règlement sur les langues officielles (2016)
Abula Abula/Alvra allemand-romanche Loi visant à promouvoir la langue romanche (2016)
Abula Surses allemand-romanche Règlement scolaire (2016)
Maloja Samedan allemand-romanche Loi scolaire de la commune (2012)
Maloja Pontresina allemand-romanche

Règlement sur la maternelle (2014)

Maloja Pontresina allemand-romanche Règlement sur l'organisation des mesures pédagogiques spéciales (2013)
Maloja Pontresina allemand-romanche Règlement sur la Commission du bilinguisme (2013)
Maloja Sils im Engadine /Segl allemand-romanche Règlement scolaire de la commune (2012)
Imboden Domat/Ems allemand-romanche

Loi sur l'école et les jardins d'enfants (2019)

Surselva Ilanz/Glion allemand-romanche Règlement sur les langues officielles (2015)

- Pontresina (Majola)

La commune de Pontresina (Maloja) a adopté la Règlement sur la Commission du bilinguisme (2013), le Règlement sur l'organisation des mesures pédagogiques spéciales (2013) et le Règlement sur la maternelle (2014). Ces textes font la promotion du bilinguisme à la maternelle et au primaire; aujourd'hui, de la maternelle ("scouletta") jusqu'à la 9e année, l'enseignement est bilingue, en romanche et en allemand. Le Règlement sur la Commission du bilinguisme veut proposer une bilinguisme systématique dans le village, mais ce qui semble exceptionnel, c’est la proportion de locuteurs de l'italien (16,1%), laquelle est depuis des décennies supérieure à celle des locuteurs romanches (7,94%). La troisième langue la plus courante en 2000 était le portugais, avec 9,04% de la population totale, ce qui est attribué aux employés de l'hôtel. En 1990, 32,4% des citoyens étaient encore capables de communiquer en romanche, mais en 2000, ce chiffre était de 25,3%. Néanmoins, le bilinguisme juridique ne concerne que l'allemand et le romanche.

- Domat/Ems (Imboden)

La commune de Domat/Ems (73,2% en allemand; 11,0% en romanche) a adopté la Loi sur l'école et les jardins d'enfants (2019). Celle-ci énonce que «la langue d'enseignement est l'allemand», mais les enfants ont le droit de fréquenter la maternelle bilingue en romanche et en allemand. De plus, les autorités proposent un enseignement bilingue au primaire en immersion partielle; au secondaire, le romanche est une matière facultative: 

Article 6

Langue d'enseignement, langues étrangères

1) La langue d'enseignement est l'allemand.

Article 6a *

Enseignement bilingue

1) Au niveau primaire, l'enseignement bilingue allemand/romanche est généralement proposé par groupes d'âge au moyen d'une immersion partielle. En raison du manque d'effectifs, l'enseignement bilingue peut être regroupé en classes mixtes.

2) Au niveau secondaire supérieur,
l'enseignement de la langue romanche est proposé comme matière facultative et est donné quel que soit le nombre d'élèves inscrits.

3) En outre, au 1
er  et au 2e cycle du secondaire, des matières individuelles sont proposées en immersion partielle en romanche. Au 3e niveau supérieur, le romanche peut être proposé et enseigné dans le domaine de l'individualisation dans le cadre de deux leçons.

4) Si aucune offre bilingue n'est faite pour un ou plusieurs niveaux scolaires en raison d'un manque de demande, la commission scolaire décide d'une éventuelle offre alternative dans le cadre de la législation générale.

- Surses et Sils im Engadine/Segl (Albula + Majola)

Les communes de Surses et de Sils im Engadine/Segl disposent d'une école maternelle en romanche. À Surses (Règlement scolaire), il s'agit d'une école unilingue en surmiran (Surses), mais en puter et en allemand à Sils im Engadine/Segl (Règlement scolaire). La Loi scolaire de la commune de Samedan ne traite que de l'intégration des étrangers, mais la Constitution est beaucoup plus précise.

Article 6

Langues

1)
Le romanche (idiome putèr) est la langue traditionnelle de la communauté. Les langues officielles tout aussi importantes sont le romanche et l'allemand. Tout habitant de la commune a le droit d'employer librement l'une des deux langues officielles, tant parlées qu'écrites.

2) La commune soutient et prend les mesures nécessaires pour préserver et promouvoir la langue traditionnelle. Dans sa pratique de publication, la commune emploie l'une ou les deux langues officielles, en tenant compte de la proportionnalité. Dans ce dernier cas, s'il y a des divergences d'interprétation, la version allemande prévaut.

3) Les langues équivalentes de l'enseignement scolaire sont le romanche (idiome putèr) et l'allemand.

Pourtant, la proportion des romanchophones n'est que de 16,7%, contre 61,5% pour les germanophones, mais le statut de «langue traditionnelle» du canton des Grisons assure une éducation en romanche, alors que le statut de «langue officielle» est un choix de la commune.

- Albula/Alvra (Albula)

La commune d'Albula/Alvra fut créée le 1er janvier 2015 à la suite de la fusion des anciennes communes d'Alvaneu, d'Alvaschein, de Brienz/Brinzauls, de Mon, de Stierva, de Surava et de Tiefencastel. Or, il faut tenir compte de la répartition des germanophones et des romanchophones dans les villages ou localités pour comprendre comment est appliquée la politique de bilinguisme. Le total des habitants de la commune d'Albula/Alvra est 1250, répartis de la façon suivante selon les sept villages : 

  Alvaneu Alvaschein Brienz/Brinzauls Mon Stierva Surava Tiefencastel
Population totale 419 145 128 90 137 199 256
Germanophones % 76,4 % 53,2 % 68,4 % 45,3 % 32,8 % 78,4 % 58,3 %
Romanchophones % 16,8 % 40,3 % 31,6 % 52,3 % 66,4 % 10,7 % 37,8 %

La plupart de ces petites localités ont déjà été des villages romanches, dont certains on conservé le nom d'origine: Brinzauls, Mon, Stierva et Surava. Les autres ont changé de nom: Alvagni >Alvaneu; Alvachagn > Alvaschein; Castello Impitinis > Tiefencastel. Auourd'hui, seuls les villages de Mon (52,3%) et de Stierva (66,4%) sont majoritaires, mais les autres villages comptant plus de 10% de romanchophones ont conservés des droits scolaires; ceux de plus de 20% peuvent être officiellement bilingues, alors que ceux de 40% ou plus peuvent être unilingues romanches. Il s'agit dans tous les cas de petits villages réunis autour de la commune-centre d'Albula/Alvra, dont la proportion totale est de 64% pour les germanophones et de 30% pour les Romanches.

La commune a adopté deux documents importants: la Loi sur les langues officielles (2016) et la Loi visant à promouvoir la langue romanche (2016), sans oublier l'article 5 de la Constitution (2014) qui déclare que «le romanche et l'allemand sont les langues officielles et scolaires en matière communale au sens de la Loi cantonale sur les langues. La Loi sur les langues officielles déclare dans son article 2 que les langues officielles peuvent être utilisées librement à l'Assemblée municipale, au conseil municipal et dans toutes les commissions et à l'article 3 que toutes les publications de la commune sont dans les deux langues à l'exception des avis d'experts et autres documents similaires qui ne sont généralement fournis qu'en allemand. De plus, les deux langues sont aussi les langues scolaires, mais les anciens villages romanches d'Alvaschein (40%), de Brienz/Brinzauls (31%), de Mon (52%), de Stierva (66%) et de Tiefencastel (37%) sont considérés comme appartenant à l'aire romanche et peuvent fonctionner dans cette seule langue; les enfants de ces villages unilingues fréquentent l'école romanche, mais les enfants germanophones ont le droit à la maternelle en suisse allemand; les enfant d'Alvaneu et de Surava vont à l'école primaire en allemand.

Quant à la Loi visant à promouvoir la langue romanche, elle oblige la commune à favoriser (art. 2) le recrutement à compétences égales des employés maîtrisant les deux langues. De plus, la commune s'engage à verser des contributions annuelles récurrentes (art. 3) à des organismes privés qui visent à promouvoir la langue romanche pour la préservation et la promotion de la langue, et de la culture romanches. 

Ilanz/Glion (Surselva)

Le Règlement sur les langues officielles (2015) régit l'usage des langues officielles, le romanche sursilvan et l'allemand, par les autorités et l'administration municipales. Mais le règlement distingue 12 localités comme appartenant à la zone linguistique romanche, ce qui implique que le romanche a la priorité dans les zones romanches. Tous les organismes doivent s'assurer que les langues officielles peuvent être employées librement avec, au besoin, le droit de demander la traduction. Toutes les publications institutionnelles doivent être publiées dans les deux langues officielles, sauf les rapports des experts qui peuvent être uniquement en allemand. L'administration municipale réponde aux demandes écrites et orales dans la langue officielle dans laquelle elles sont posées. Les inscriptions sur les bâtiments accessibles au public de la commune dans les arrondissements romanches sont en romanche. À Ilanz, les inscriptions sont généralement bilingues.

- Les écoles bilingues

Contrairement à ce qu'on peut croire, l’école romanche traditionnelle n’est pas une école unilingue romanche, car elle correspond probablement à l’un des systèmes scolaires bilingues parmi les plus anciens. Le bilinguisme de l’école romanche s’est développé au cours du XIXe siècle à partir de la réalité linguistique et culturelle des Grisons, et l'arrivée des germanophones et des touristes étrangers un peu plus tard.  Ainsi, l’école romanche peut être décrite comme une «école bilingue naturelle». Cependant, dans le canton des Grisons, on fait la distinction entre les écoles romanches normales en principe unilingues — à la maternelle et au primaire jusqu'à la 4e année — et les écoles formellement bilingues durant tout le cursus scolaire, à l'exception de la maternelle.

À la demande formelle d'une commune, afin de préserver la langue maternelle et de promouvoir une langue cantonale minoritaire — le romanche ou l’italien —, le gouvernement peut autoriser le fonctionnement d’écoles publiques bilingues ou de sections bilingues dans les communes multilingues et germanophones. Les écoles bilingues et les classes bilingues sont fréquentes dans le canton des Grisons. Elles font partie intégrante du paysage scolaire grison en apportant une contribution importante au maintien et à la promotion des langues minoritaires cantonales, car elles servent de modèle pour des projets similaires dans d’autres cantons.

Dans ces écoles, rappelons que la moitié des matières sont enseignées en allemand, l’autre moitié en romanche (ou en italien). Les élèves apprennent dès le début à employer les deux langues comme instrument de communication.

Le système scolaire bilingue a été introduit dans les communes situées à la frontière linguistique ainsi que dans les écoles qui jusqu'à présent étaient uniquement germanophones. En voici une liste :

École primaire Bever (romanche/allemand);
École primaire de Celerina (romanche/allemand);
École primaire La Punt Chamues-ch (romanche/allemand);
École primaire Maloja (italien/allemand);
École de Pontresina (romanche/allemand);
École Samedan (romanche/allemand);
École primaire Trin (romanche/allemand);
École primaire d'Ilanz (allemande avec classes bilingues allemand/roman);
École primaire Domat/Ems (allemande avec classes bilingues allemand/roman);
École municipale de Coire (allemande avec classes de maternelle et d'école primaire bilingues allemand/romanche et allemand/italien).

Ces écoles visent à atteindre une très haute compétence linguistique dans deux langues (niveau de locuteur natif dans les deux langues). Cela dit, il ne faut pas oublier que les modèles d’écoles formellement bilingues ont été introduits afin d'éviter le pire. Devant la pression croissante dans certaines communes situées à la frontière linguistique avec une majorité germanophone qui exerce des contrainte pour favoriser un enseignement précoce en allemand ou surtout pour changer une école romanche en une école allemande, ce genre d'école tend à maintenir la population minoritaire et de calmer les ardeurs la population majoritaire germanophone. À long terme, même les germanophones finissent par accepter pour leurs enfants ces écoles bilingues.

6 Les langues dans la justice

Il faut rappeler que, dans les tribunaux de première instance et de deuxième instance, les procès peuvent en principe se dérouler en allemand, en italien ou en romanche, mais en tenant compte de la région où siège le tribunal. Il existe 11 tribunaux régionaux; la langue officielle de la cour est celle de la région. En fait, il n'existe aucune région avec trois langues officielles. Les langues possibles sont l'allemand pour le Landquart, le Plessur et le Prëttigau/Davos et l'italien pour la Moesa et la Bernica. Dans les autres régions, c'est l'allemand ou le romanche, ou les deux langues. La parité des langues vaut en principe pour toutes les phases de la procédure judiciaire: instances et mémoires, débats, rédaction de sentences, etc.). Les parties sont libres dans le choix de la langue officielle pour leurs instances et pour leurs interventions devant les tribunaux bilingues.

L'article 9 de la Loi cantonale sur les langues énonce que la langue officielle d'une région est obligatoire dans une salle d'audience:

Article 9

3. Tribunaux régionaux

a) Régions unilingues

2) La langue officielle de la région doit être utilisée dans les mémoires et les requêtes. *

3) L’audience principale se déroule dans la langue officielle de la région. *

Article 10

b) Régions multilingues

2) Dans leurs plaidoiries et requêtes, les parties peuvent utiliser une langue officielle de la région. *

3) L'audience principale se déroule généralement dans une langue officielle de la région parlée par le défendeur ou l'accusé. *

Le texte de la loi énonce que toute la documentation doit être transmise dans la langue officielle de la région et que les débats ou plaidoiries doivent être menés dans la même langue (art. 9). Dans les tribunaux cantonaux, les parties impliquées peuvent transmettre toute la documentation «dans la langue de leur choix» (art. 8.1). Cela signifie que la «langue procédurale» doit correspondre «en règle générale» à la langue utilisée dans la décision attaquée ou dans la langue que la partie accusée maîtrise bien. Ainsi, les Romanches peuvent présenter la documentation écrite dans leur langue, mais cela ne leur garantit pas la possibilité de s’exprimer en romanche au cours de la procédure, puisque la plupart des décisions sont rédigées en allemand, sans oublier que les Romanches maîtrisent l’allemand. Par conséquent, l’allemand pourrait ne plus être employé dans les tribunaux des zones unilingues romanchophones ou italophones. Lorsqu'une région est multilingue, toutes les langues de cette région peuvent être utilisées dans le tribunal (art. 10).

Ces modifications de la loi en 2017 (identifiées par un astérisque) abolissent non seulement l'usage exclusif de l'allemand, mais permet l'usage exclusif de la langue nationale minoritaire. Ces articles 9 et 10 mettent fin à une vieille habitude héritée d'une loi de 1857 qui imposait l'allemand comme langue des tribunaux ("Gerichtssprache"). À cette époque révolue, les documents transmis dans une autre langue devaient être traduits en allemand aux frais de la partie concernée.

7 Les médias dans le canton des Grisons

Il est normal que les médias paraissent massivement en langue allemande dans le canton des Grisons. Mais les minorités italienne et romanche peuvent bénéficier de certains médias locaux.

7.1 Les journaux

Le journal La Quotidiana, le seul journal interrégional en romanche, est rédigé dans les cinq idiomes traditionnels, qui ont leur propre langue écrite, ainsi qu'en rumantsch grischun; mais l'idiome sulsilvan accapare plus de la moitié des articles, en raison du nombre plus important de ses abonnés dans la Surselva. Ce journal a absorbé tous les autres journaux romances, sauf La Pagina da Surmeir en publiée à Surses en surmiran.

Enfin, en italien, l'Il Grigione Italiano est rédigé en italien et est lu dans les régions de la Moesa, de la Bernina et de l'Albula; il a en concurrence La Pagina da Surmeir. L'offre médiatique en italien est plus limitée que celle en allemand. Une infrastructure technique en partie obsolète, la transition des offres de médias imprimés vers l'ère numérique et la petite taille du marché des lecteurs et de la publicité ne sont que quelques-uns des problèmes auxquels sont confrontées les entreprises de médias dans les vallées du sud des Grisons.

7.2 Les médias électroniques

La Schweizer Radio und Fernsehen (SRF) produit des émissions en allemand, mais les radios locales émettent aussi en suisse allemand, en Bündnerdeutsch, en Walserdeutsch et en Bairishdeutsch. Évidemment, les germanophones peuvent capter des émissions de l'Allemagne, sinon de l'Autriche.

La Radiotelevisione svizzera di lingua italiana (RSI) diffuse des émissions en italien dans les vallées du sud des Grisons, mais il est aisé de la part des italophones des Grisons d'écouter des émissions de la Radiotélévision suisse de langue italienne (RSI) et de la Società cooperativa per la radiotelevisione nella Svizzera italiana (CORSI).

La Radiotelevisiun Svizra Rumantscha diffuse ses émissions en romanche sur la chaîne de télévision SRF 1, comme le Telesguard (journal d'information quotidien) du lundi au vendredi, le Minisguard (programme d'information pour enfants) le samedi et les Cuntrasts le dimanche. Les programmes sont sous-titrés en allemand. L'émission Telesguard sera également rediffusée sur SRF info et RSI LA 2. Il existe plusieurs stations locales de radio, qui diffusent 24h/24 dans les cinq variétés romanches.

Plus de 50 % des émissions de la Radio Rumantsch appartiennent au secteur de l’information. L’autre moitié est constituée d'émissions d’accompagnement et de divertissement. À la télévision RTR, la part des programmes d’information est de 60 %, et 30 % des productions traitent de la culture et de la société, tandis que 10 % appartiennent à des programmes pour enfants et jeunes. La Südostschweiz (anciennement Radio Grischa) est la seule station de radio locale survivante dans les Grisons; elle produit chaque semaine l’émission romanche «Saira Rumantscha».

Les communes unilingues allemandes et unilingues italiennes ne connaissent pas de problème avec l'emploi de leur langue officielle ou de leurs variétés linguistiques locales. Ces communes sont protégées par la principe de la territorialité selon lequel il ne peut y avoir qu'une seule langue dans un territoire donné. Toutes les activités quotidiennes se déroulent dans la langue officielle. De plus, bien que l'italien soit une langue minoritaire dans le canton et qu'il subisse une certaine influence des germanophones, il dispose aussi d'un arrière-pays, l'Italie, vers lequel il peut s’appuyer linguistiquement.

La situation du romanche est très différente. Le principe de la territorialité ne s'applique que dans 16 communes unilingues et 17 communes bilingues, alors qu'on sait que 63,2% des Romanches vivent hors de leur territoire linguistique. Dans tous les cas, deux langues sont en concurrence: l'allemand et le romanche. Mais l'allemand, en raison de sa population, est en situation de forte dominance dans la mesure où les germanophones cohabitent avec les romanchophones, dont la population est très minoritaire. Par conséquent, non seulement il n’existe pratiquement plus de frontière linguistique évidente dans les Grisons, mais tous les locuteurs du romanche sont bilingues. Pour ses locuteurs, le romanche est avant tout une langue parlée. L'allemand domine comme langue écrite, même dans les communautés à fort caractère romanche. La plupart des gens lisent des livres en allemand, et le romanche est employé au mieux à côté de l'allemand, en particulier dans les journaux. Dans les faits, les Romanches sont constamment confrontés à la langue allemande, y compris dans les communes unilingues. Il est donc impossible d'aller à l'école, de regarder la télé ou de travailler avec la seule langue romanche, l'allemand étant aujourd'hui incontournable.

Jusqu'au début des années 1960, il y avait des enfants qui grandissaient en parlant exclusivement le romanche; ils ne parlaient pratiquement pas l'allemand, en dehors des cours d'allemand à l'école, jusqu'à ce que celui-ci devienne la langue principale d'enseignement en 4e année. Puis le tourisme, qui s'est développé après 1850, a amené des touristes germanophones et anglophones à Davos, à Arosa, à Saint-Moritz et dans de nombreuses lieux de ski ou de vacances. Les stations thermales se sont développées, tandis que dans les zones rurales, la population romanche a diminué. Dans les grands centre touristiques comme Davos et Saint-Moritz, les hôtels et les commerces se sont mis à employer du personnel venant non seulement des régions germanophones, mais aussi d'autre pays. Pendant ce temps, Zurich est devenue la plus grande communauté romanche de la Suisse, mais le romanche ne bénéficie d'aucune protection ou promotion particulière en vertu de l'unilinguisme territorial. Les enfants romanches n'ont donc aucune possibilité d'apprendre leur langue maternelle à l'école, qui est d'ailleurs une langue nationale en Suisse.

Enfin, contrairement à l’italien, la langue romanche ne dispose pas d’un arrière-pays vers lequel elle pourrait s’appuyer linguistiquement. Dans le canton des Grisons, l'allemand est devenu incontestablement la langue principale, même si le romanche et l'italien sont des langues officielles au même titre que l'allemand. En somme, le principe de la territorialité linguistique peut accorder à une langue menacée comme le romanche une certaine protection, mais il ne peut néanmoins pas empêcher son déclin dès que les locuteurs sortent de leur «réserve» linguistique. Bien que le romanche soit une langue bien vivante, elle appartient à l’une des petites communautés linguistiques les plus menacées.

Dernière mise à jour: 16 mai 2025

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1) Situation générale
 

2) Donnée démolinguistiques
 

3) Données historiques
 

4) La politique linguistique cantonale
 

5) Les politiques linguistiques locales
 

6) Bibliographie
 

Grisons - Suisse

 

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