République d'Arménie
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Arménie
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Données historiques |
1 L'Arménie
historique
L'histoire de l'Arménie s'est étendue sur plusieurs millénaires, et ce,
depuis la Préhistoire. Les Arméniens ont pris du temps à se fixer, mais ils
développèrent une civilisation particulière en dépit de leur situation au
carrefour de grands empires qui vont se disputer le territoire: les Perses, les
Séleucides, les Parthes, les Romains, les Sassanides, les Byzantins, les Arabes,
les Turcs seldjoukides, les Turcs ottomans, les Turcs de Moustafa Kemal, les
Russes. De tous ces peuples, trois langues étrangères ont
exercé une influence plus grande que les autres: le grec, le
persan (ou iranien) et, plus tard, le
russe. Bien que l'apport des langues slaves,
surtout le russe, fut important, la langue arménienne a su intégrer
phonétiquement et morphologiquement tous ces éléments provenant des langues
étrangères.
1.1 Le début des conquêtes
L'Arménie primitive, appelée royaume
d'Ourartou, fut attaquée vers le XIIIe siècle (avant notre
ère) par les Assyriens jusqu'à l'invasion,
au VIIe siècle, d'un peuple indo-européen qui, fondu avec la
population autochtone, constituera le peuple arménien. Il
s'agit d'une tribu thraco-illyrienne originaire
des Balkans, qui a envahi le royaume de l'Ourartou en se mélangeant à la
population autochtone et qui a, de ce fait, imposé sa langue et sa culture en
fondant la nation arménienne. Les Arméniens d'aujourd'hui sont pour la plupart
des descendants de cette tribu. Au cours du VIe siècle
avant notre ère, les Arméniens ont donc cohabité avec les Ourartéens, un peuple
non indo-européen; leur langue, l'ourartéen, a fortement influencé l’arménien,
en laissant des traces phonétiques, morphologiques et lexicales. L'ourartéen
constitue ainsi la première source d’influence linguistique externe.
- L'Empire perse
Ensuite, l’Arménie devint tour à tour une province
conquise par les Mèdes, puis une satrapie de l’Empire perse. Dès lors, les
Arméniens se sont trouvés en contact avec la langue iranienne; ces contacts
concernaient essentiellement les domaines administratif, juridique et religieux.
Les emprunts à l'iranien ont débuté avec l’iranien ancien (entre 560 et 330
avant notre ère), puis ils sont passés par le pehlevi de l’époque parthe (entre
256 avant notre ère et 224 de notre ère) et par le pehlevi de l’époque sassanide
(jusqu’en 642) et finalement par l’iranien moderne. En ce qui concerne les
emprunts à la langue iranienne, nous pouvons signaler qu’ils sont nombreux dans la mesure
où les Perses et les Arméniens ont cohabité pendant plus de 1600 ans, sur des
relations établies de maîtres à vassaux. De nombreux mots iraniens relatifs à la
structure de l’État et de son administration, ainsi que dans le domaine
juridique, sont entrés dans la langue arménienne.
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À la fin du IVe siècle, l'Arménie
se trouvait complètement soumise aux Perses. Les
Arméniens tentèrent de se libérer de ce joug, mais le pays finit par
perdre son indépendance. Une partie du peuple arménien émigra alors vers le
nord, tandis que d'autres partirent vers vers l'ouest. Au
Ve
siècle, l'Arménie se vit interdire l’usage du grec dans l'écriture ainsi
que dans le culte. Afin de contrer l'influence persane, un alphabet
particulier fut inventé par le moine Mesrop Machtots, avec le soutien du catholicos
Sahak (chef suprême de l'Église arménienne) et du roi Vramchapouh; cet alphabet fut inspiré de l’alphabet grec,
pour la graphie comme pour l’ordre des phonèmes.
La langue arménienne fut
alors employée dans tout le pays et remplaça le grec et le syriaque (apporté
par les Assyriens), mais l'arménien subit fortement les marques de l'influence
persane dont il emprunta un bon millier de mots ou de racines. Cependant,
l'arménien a tellement réussi à absorber cet apport que ces emprunts font
maintenant partie intégrante de la langue.
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C'est un peu comme les emprunts
arabes (alcool, algèbre, amiral, etc.) et italiens (aquarelle, arsenal, banquet,
bombe, etc.) en français: ils sont tellement intégrés dans la langue que plus
personne ne peut percevoir leur origine étrangère.
Après la conquête de l'Empire perse par
Alexandre le Grand (356-323), les
Arméniens adoptèrent la culture hellénistique, mais réussirent à conserver une
certaine indépendance face aux successeurs d'Alexandre dans la région, les
Séleucides, une dynastie hellénistique issue de Séleucos Ier,
l'un des généraux d'Alexandre. Vers 190 avant notre ère, les Parthes devinrent
la nouvelle puissance en Perse.
- La Grande Arménie
L'Arménie dut céder des territoires aux Parthes. En 189 avant notre ère, Ardachès Ier
déclara l'indépendance de l'Arménie avec l'assentiment
des Romains et créa le royaume de
la Grande-Arménie. Sous Tigrane II
le Grand (vers 140-55), le royaume d'Arménie atteignit son expansion
maximale, tant aux dépens des Parthes que des Séleucides. Son empire s'étendit
de la mer Caspienne jusqu'à la Méditerranée, ce qui correspond à l'extension
maximale de l'Arménie; il conquit également le nord-ouest de l'Iran actuel, la
Palestine, la Syrie et le Liban. Après sa retraite de la
Palestine, Tigrane le Grand installa environ 10 000 juifs en
Arménie. L'expansion territoriale de Tigrane correspond à ce qu'on
appelle la Grande Arménie historique.
C'est en Arménie historique que se trouve le mont Ararat
(actuellement en territoire turc). C'est là que, d'après la Bible, «le
dix-septième jour du dix-septième mois, l'arche de Noé s'échoua dans le
massif de l'Ararat». Le mont Ararat est le plus haut sommet de l'Arménie
historique avec 5158 mètres d'altitude. Les sommets du mont Ararat sont
couverts de neiges éternelles.
Les aléas de l'histoire ont fait en sorte que
l'Arménie a graduellement perdu 90 % de son territoire initial en
raison des occupations étrangères successives. L'Arménie a eu le
destin d'être située au carrefour de plusieurs grandes
civilisations. À l'époque de Tigrane II, l'expansion de l'Arménie vers la Méditerranée
inquiéta grandement les Romains qui lui déclarèrent la guerre.
En -66, Tigrane fut battu par les légions romaines du général
Pompée; il dut renoncer à la plupart de ses conquêtes et s'allier avec
Rome tout en continuant de régner jusqu’à sa mort en 55 avant notre ère.
1.2 La domination romaine
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Après plusieurs règnes de courtes durées, le royaume de
l’Arménie tomba totalement en l'an I sous le contrôle total de l'Empire
romain, ce qui n'empêcha pas l'empereur romain Néron (37-68) de
couronner en 66 Tiridate Ier comme
roi d'Arménie. Celui-ci
fonda la seconde dynastie des rois arméniens, les Arsacides qui régnèrent
de 66 à 428 dans une relative indépendance par rapport à Rome.
Cependant, en 115, l'empereur Trajan (53-117) annexa purement
et simplement l'Arménie
et la réduisit à nouveau au rang de «province romaine». Étant
donné que la «province de l'Arménie» était fort éloignée de Rome, il
n'était pas facile pour les Romains d'y maintenir leur domination,
avec le résultat que les rébellions se succédaient les unes aux
autres.
La guerre qui opposa Rome et la Perse (l'actuel Iran) fut
une catastrophe pour l'Arménie, alors transformée en champs de bataille des deux
grands empires. |
Sous Tiridate III (294-324), l'Arménie se
christianisa avec saint Grégoire, dit «l'Illuminateur», comme premier
évêque (d’ou le nom de l’Église «grégorienne» donné a l’Église
arménienne). En 301, le pays devint le premier État à adopter le
christianisme comme religion officielle. Lorsque la paix fut signée entre Rome et la Perse (en 387), l'Arménie
fut partagée entre les deux empires, mais la plus grande partie
— appelée dorénavant la Persarménie
— tomba alors sous
la domination perse. Ce fut la fin de l'Arménie historique. Selon une
tradition bien établie, le moine Mesrop (360-440) inventa l'alphabet
arménien en 406, ce qui rendit possible la traduction de la Bible dans cette
langue. En
451, l'Église arménienne se rallia à l'interprétation «monophysite» de la
nature du Christ et rejeta le concile qui se tint sans elle à Chalcédoine,
puis en 551, lors du concile de Dvin, elle devint «autocéphale» et se sépara tant de
Byzance que de Rome.
2
Les dominations arabe et byzantine
Les Arméniens durent subir la domination arabe et la domination
byzantine.
2.1 La domination arabe
(653-885)
Les conquêtes arabes, lancées à partir du
milieu du VIIe siècle, parvinrent rapidement en
Arménie (alors soumise à la Perse), qui fut envahie dès 640 (jusqu'en 885). Par
voie de conséquence, l'Arménie se trouva dans
l'orbite arabe, qui devint tributaire du califat
omeyyade en 653. L'Arménie conserva une certaine
autonomie politique et religieuse tout en étant dirigée par un ichkhan,
c'est -à-dire un «prince d'Arménie» issu de l’une ou l’autre des deux familles
qui dominaient la vie politique arménienne depuis plusieurs siècles, les
Bagratouni et les Mamikonian. À la fin du VIIe
siècle, les Arabes mirent en place une administration directe, la région étant
dirigée par un gouverneur arabe installé dans la ville de Dvin. Mais les impôts
exigés rendirent le califat arabe et ses agents largement impopulaires auprès de
la population arménienne. De nombreuses révoltes éclatèrent en Arménie au cours
du VIIIe siècle, ce qui entraîna de sévères répressions dont le point culminant
apparut en 772 avec la bataille de Bagrévand, la famille princière des
Mamikonian s'effaçant au profit des Bagratouni et des Arçrouni, qui profitèrent
de l'indiscipline des émirs arabes pour obtenir des faveurs du calife et revenir
au système des ichkhan.
Mais l'Empire
arabo-musulman ne couvrait pas
l’intégralité ni du territoire, ni de la population arménienne. En effet, en
raison des déplacements de populations, de nombreux Arméniens se trouvaient
dans le territoire byzantin. L'Arménie demeurait donc sous la domination de
deux influences antagonistes: celle de l’islam en Arménie arabe et celle de
Byzance sur sa frontière occidentale, où se trouvait une grande partie de sa
population. Cette période peut expliquer la présence
de plusieurs emprunts à la langue arabe par l'arménien.
Il est probable que l'arménien ait aussi
emprunté environ 200 mots provenant du syriaque, une
langue sémitique apparentée à l'araméen.
Ce phénomène semble essentiellement dû à la proximité et au mélange des deux
peuples arméniens et syriens. Cette proximité tenait à la proximité
théologique des deux églises, puisqu’ils furent les deux premiers peuples à
se convertir au christianisme. Les Syriens ont tout simplement laissé des
traces de leur langue dans l’arménien En même temps, les
Arméniens demeuraient culturellement plus proche de Byzance que du califat
abbasside, notamment en ce qui concerne la religion chrétienne.
L'Arménie ne redevint indépendante qu'en 885 et Achot Bagratouni
fonda la dynastie des Bagratides qui reconstituèrent ensuite l'unité nationale
et régnèrent durant deux siècles. Mais l'Arménie allait être conquise de nouveau à
l'occasion des invasions mongoles du XIe siècle
de 1237 à 1259 (voir la carte de l'Empire
mongol).
2.2 L'Arménie byzantine
(1045-1453)
Traditionnellement située à
l'extrémité est de l'Anatolie et à la frontière entre les mondes arabe et
perse, l'Arménie byzantine constitua une zone tampon entre
l'islam et la chrétienté. La pression militaire exercée par les Byzantins,
les Arabes et les Perses sassanides a souvent menacé la stabilité de la
région, ce qui n'a pas empêché ce peuple de conserver sa langue, sa culture
et sa religion unique.
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Entre 1045 et 1071, l'Arménie passa sous la coupe de l'Empire
byzantin.
Elle conserva pendant quelque temps une certaine autonomie, jusqu'à ce que les
luttes incessantes entre Byzantins et Turcs contraignirent une partie de la
population arménienne à se réfugier en Crimée
et en Galicie (une région de l'Europe de l'Est, le long des
Carpates, située aujourd'hui au sud-est de la Pologne et à l'ouest de
l'Ukraine). En 1080, le prince Rouben Ier, un Bagratide, créa un
nouvel État arménien au bord de la Méditerranée: ce fut la principauté
de Cilicie, qui devint la «Petite-Arménie»
(aujourd'hui en Turquie). Cette Petite-Arménie fut florissante comme centre
de commerce à la croisée de routes commerciales et comme base avancée
pour les croisades. |
En 1342, faute d'héritier mâle, c'est une dynastie française
— celle des Lusignan — qui régna sur cette principauté (ainsi que sur
l'île voisine de Chypre), laquelle disparut en 1375 en raison des invasions des Mameluks égyptiens et des Turcomans; Léon V de Lusignan perdit alors
son fief de la Petite-Arménie. En tant que français et dernier roi d'Arménie,
le cénotaphe de Léon V de Lusignan côtoie aujourd'hui les tombeaux des rois
de France dans la basilique Saint-Denis (au nord de Paris).
La fin du royaume de la Petite-Arménie,
au tournant du XVe siècle, eut comme conséquence de recréer un destin commun
pour l’ensemble des territoires arméniens — celui
de l'islam et celui de Byzance — par l'entremise
de la religion.
Chez les Arméniens, l'identité nationale se forma en effet autour de la
religion nationale, ce qui permettait de marquer la différence à la fois par
rapport au califat musulman et par rapport à l’Empire byzantin dont l’Église
arménienne s’était séparée au plan dogmatique. Le christianisme de l'Arménie
n'est ni catholique romain ni orthodoxe, c'est une Église particulière.
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Dès le Ve siècle, l'Empire romain d'Orient ou byzantin constituait un État multi-ethnique intégré culturellement au monde grec. Non
seulement la Grèce était le plus proche voisin européen, mais la
péninsule anatolienne abritait un grand nombre de locuteurs
hellénophones, tandis que la culture et la langue grecques
représentaient alors le monde moderne. L'élite byzantine parlait
le grec, ainsi que les Grecs et certains Romains. Des villes
telles que Constantinople, Alexandrie, Antioche, Éphèse, Nicée,
Thessalonique, Trébizonde, etc., étaient des pôles majeurs de
l'hellénisme et de la forme orthodoxe du christianisme.
La langue grecque touchait particulièrement les classes sociales
les plus instruites de la population qui comptait aussi des
Arméniens (arménien), des Caucasiens (langues caucasiennes), des
Illyriens (illyrien dans les Balkans), des Araméens (araméen),
des Égyptiens (copte), des Arabes (arabe), des Slaves (bulgare,
serbe, macédonien), des Romaniotes (judéo-grec et yévanique),
etc. La langue arménienne présente des ressemblances nombreuses
avec le grec ancien, une influence qu'elle doit à la domination
byzantine qui avait adopté le grec. |
Durant la période byzantine, il y a eu de nombreux
emprunts grecs, car la cour royale de Byzance utilisait le grec comme
langue officielle. L'influence hellénistique au sein de la cour royale
pénétra dans la langue et la culture arméniennes. Si peu de mots grecs
sont entrés dans la langue arménienne au début, il en fut autrement
lorsque les Arméniens adoptèrent le christianisme. On parle alors d'une
forte influence du grec sur la langue arménienne
3 Les Ottomans et
la Turquie génocidaire
Au XVe siècle, l’Arménie fut occupée par
les Ottomans qui lui laissèrent un certain
degré d’autonomie entérinée par le pacte de l’Aman en 1461. Sous l'Empire
ottoman, les Arméniens bénéficiaient du statut de dhimmis («protégés») et
constituaient une nation reconnue par le sultan. Mais le
territoire arménien s'amenuisa au cours de l'occupation turque, notamment en
1555, 1620 et 1639. En 1746, l'Arménie fut partagée entre
les Turcs ottomans et les Perses: l’ouest alla à la
Sublime Porte (les Ottomans), l’est aux Perses. C'est à cette époque
que l'Artsakh (Haut-Karabah)
reçu son nom perse de Karabagh («Jardin noir»). Après quelques siècles de
domination turque, les territoires initialement peuplés d'Arméniens virent
progressivement grossir le nombre des musulmans, entre autres, des Kurdes et des
Turcs. Forcément, le peuplement arménien perdt sa continuité géographique,
notamment en Cilicie et dans les vilayets de l'est de l'Anatolie.
En 1801, les Russes firent
leur apparition dans le Caucase. La Géorgie fut occupée, puis le Nakhitchevan
en 1808, le Karabagh et le Kantzak en 1813. En 1828, la Russie s’empara
de la région d’Erevan (Arménie orientale) qui devint une province russe sous
le nom d’Armianskaia Oblast. Cependant, la région
d'Erzurum (ville de l'est de la Turquie actuelle, chef-lieu de la province d'Erzurum dans l'ancienne Arménie)
demeura à la Turquie. La communauté
arménienne commença alors à s’organiser politiquement, tant en territoire
russe qu'ottoman; on assista à la création des premiers partis politiques
arméniens. En représailles, la Russie ferma en février 1885 quelque 600
écoles arméniennes dans le Caucase. Le nom Karabagh fut complété
par l'épithète russe Nagorny («Nagorny Karabagh») signifiant
«montagneux», (d'où le «Haut-Karabagh»).
3.1 La création des deux langues
arméniennes
C'est au cours du XIXe siècle que sont nés les deux
langues arméniennes. En effet, l'arménien de cette époque, appelé depuis
l'arménien classique, se scinda en deux variantes, l’une occidentale, se
rapprochant naturellement du parler citadin de Constantinople et de sa région,
ignorant par la même les variantes linguistiques trop régionales; l’autre, dite
orientale, se rapprocha du parler de Tiflis (aujourd'hui Tbilissi en Géorgie) en
puisant largement dans les variantes régionales. Ainsi, chacune des deux grandes
langues arméniennes a subi des influences différentes, ce qui a provoqué deux
variantes d'une même langue, notamment dans la phonétique et le vocabulaire.
Il se produisit diverses transformations. La variante orientale fut plus
conservatrice en gardant le mot d’origine classique, alors que la variante
occidentale opta pour davantage de variantes dialectales et régionales. De plus,
beaucoup de mots arméniens ayant une origine commune ont évolué vers des
significations distinctes en arménien occidental et en arménien oriental. Au
point de vue phonétique, si l'arménien oriental a conservé un alphabet quasi
phonétique, l’arménien occidental s'en est davantage écarté.
3.2 La politique de turquisation
Les Turcs
réagirent à la résistance arménienne par de terribles répressions et des
massacres, notamment en 1884 et en 1896, alors que plus de 150 000 Arméniens
auraient péri. Puis le mouvement
Jeunes-Turcs fit instaurer une politique
de «turquisation intransigeante» à mesure que l’Empire ottoman se
désagrégeait (indépendance de la Bulgarie, pertes de la Bosnie, de la
Tripolitaine, de la Macédoine et de l'Albanie).
Il faut dire que la présence des Arméniens et leur réussite économique
étaient de plus en plus ressenties comme un danger par les dirigeants turcs.
Les
Arméniens autonomistes réclamaient rien de moins que la reconstitution de l’Arménie
historique, avec à sa tête un gouvernement reconnu par les grandes puissances.
Pour répondre à ce courant indépendantiste, le gouvernement ottoman envoya des
émissaires dans les provinces afin d'inciter la population musulmane à se
méfier des Arméniens, les accusant de conspiration avec l’ennemi historique,
la Russie. Puis des campagnes de fanatisation furent organisées afin
d'attiser la haine du peuple turc (musulman) contre les Arméniens
«infidèles» (chrétiens). Les
manifestations des Arméniens réclamant,
par exemple, une baisse des impôts, la liberté de culte ou
d’enseignement, finirent par être réprimées dans le sang. En
1894-1895, les Arméniens furent massacrés de façon systématique par les
Turcs. Le 25 décembre 1895, quelque 3000 Arméniens furent brûlés vifs dans
le cathédrale d'Ourfa. Dans les années qui suivirent (jusqu'en 1898), par
ordre du sultan Abdul Hamid II, près de 300 000 Arméniens de la Cilicie furent
exterminés.
3.3 Le génocide arménien
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Les Arméniens habitaient la plus grande
partie de l'est de l'Anatolie, ce qu'on appelait jadis
l'ancienne
Arménie historique. Durant la Première Guerre
mondiale, les atrocités commises par les Turcs ottomans à l'encontre des Arméniens
s'accrurent, même si les Arméniens de Turquie avaient
été mobilisés dans l'armée turque pour combattre la Russie. Soupçonnant
les militaires arméniens de traîtrise, environ 200 000 militaires arméniens
furent fusillés par les Turcs au mois de janvier 1915. En avril de la même
année, des Arméniens de la ville de Van s'insurgèrent et instaurèrent un
gouvernement provisoire arménien. Tous les intellectuels arméniens furent arrêtés,
puis exécutés.
Les dirigeants «Jeunes-Turcs», c'est-à-dire Enver, Talaat et
Djemal, décidèrent de déporter l’ensemble de la population arménienne dans
les déserts de la Mésopotamie. En août 1915, les Arméniens de la Cilicie et
de l’Anatolie occidentale furent à leur tour déportés. À la fin de l'été
1915, tout l'est de la Turquie (l'ancienne
Arménie historique) était vidée de sa population arménienne. |
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Le 15
septembre 1915, Talaat Pacha, l'influent ministre turc de l'Intérieur, envoya ce télégramme
officiel à la direction du Parti Jeunes-Turcs (préfecture d'Alep): «Le gouvernement a
décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut
mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures
à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les
scrupules de conscience n'ont pas leur place ici.» Talaat Pacha
fit parvenir un second télégramme au Parti Jeunes-Turcs:
Il a été
précédemment communiqué que le gouvernement a décidé
d’exterminer entièrement les Arméniens habitant en Turquie. Ceux
qui s’opposeront à cet ordre ne pourront plus faire partie de
l’Administration. Sans égard pour les femmes, les enfants et les
infirmes, quelques tragiques que puissent être les moyens
d’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience,
il faut mettre fin à leur existence. |
Enfin, pour résumer la situation, le ministre de
l'Intérieur déclara: «J'ai accompli plus pour la résolution du problème arménien
en trois mois qu'Abdul Hamid ne l'a accompli en trente ans!».
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Évidemment, les
gouvernements européens n'ignoraient pas ce qui se passait alors dans l'Empire ottoman.
La Grande-Bretagne, la France et l'empire
de Russie déclaraient conjointement, le 23 mai
1915, à Londres:
Depuis un mois environ, la population kurde et turque d'Arménie procède, de connivence et souvent avec l'appui des autorités ottomanes aux massacres des Arméniens. De tels massacres ont lieu vers la mi-avril à
Erzerum, Tertchan, Eguine, Bitlis, Mouch,
Sassoun, Zeïtoun et dans toute la Cilicie. Les habitants d'une centaine de villages des environs de Van ont été assassinés et le quartier arménien est assiégé par des populations kurdes. En même temps, à Constantinople, le gouvernement ottoman a sévi contre la population inoffensive. En présence de ces nouveaux crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime
Porte qu'ils tiendront personnellement responsables desdits crimes tous les membres du gouvernement ottoman, ainsi que ceux des agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres.
(source : agence Havas) |
En un peu plus d’un an, près d’un million (entre 800
000 et 1,2 million) d’Arméniens périrent par les armes, soit presque la
moitié de la population arménienne ottomane. Les victimes des massacres et des famines se chiffrèrent à environ
deux millions. Les Turcs s’accordent à reconnaître un maximum de 300 000
victimes, mais refusent encore aujourd'hui d’y voir une extermination planifiée,
c'est-à-dire un génocide.
Par la suite, de nombreux Arméniens quittèrent la région et trouvèrent
refuge dans d'autres pays, dont environ 200 000 en Russie.
3.4 L'éphémère indépendance de 1918
L'Arménie dite orientale (russe) accéda à une
éphémère indépendance en 1918. Le 10 août 1920, le traité de Sèvres
reconnut officiellement l’indépendance de l’Arménie, qui devient un État
s’étendant sur quelque 70 000 km². De plus, le traité de Sèvres
prévoyait un foyer national arménien en Cilicie, sous protectorat français.
Mais, le 22 septembre 1920, les troupes du général Mustafa Kemal pénètrent
en république d’Arménie, aidées par les Azéris et les bolcheviks. Le 20
octobre 1921, les Turcs chassèrent les Français de Cilicie, massacrant par la
même occasion les Arméniens. Le 2 décembre 1920, le gouvernement arménien dut renoncer à l’application du traité de Sèvres et rétrocéda plusieurs
territoires, dont Kars, Ardahan et le Nakhitchevan.
Rappelons qu'à la suite d'un nouveau
mouvement nationaliste en Anatolie sous la direction de
Mustafa Kemal (Atatürk)
et la naissance de la république de Turquie (1923), le traité de Sèvres ne
fut jamais appliqué et fut remplacé par le traité de Lausanne (1923). Par ce
nouveau traité, les régions turques de la Thrace et de l'Anatolie orientales
furent autorisées à former leur propre État, mais l'Arménie resta
soviétique. Quant à la république de Turquie, elle devait être dirigée de
main de fer durant quinze ans par Mustafa Kemal dit Atatürk, (le «père des
Turcs»). Cette fois-ci, la répression s'abattit sur les Kurdes, les anciens
alliés des Turcs contre les Arméniens. Au cours de cette longue période,
les Turcs laissèrent aux Arméniens un petit nombre de leurs mots, seulement une
cinquantaine. On comprendra que, dans ces conditions, beaucoup d'Arméniens ne
portent pas les Turcs en haute estime. Encore aujourd'hui, les mots empruntés au
turc (une centaine) sont souvent mal perçus et condamnés par les Arméniens,
notamment dans les écoles. On ne refait pas l'histoire!
4 L'Arménie soviétique
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À l’initiative d’Anastas Mikoïan, l'un des
leaders du mouvement révolutionnaire dans le
Caucase, l’Arménie
orientale fut proclamée République socialiste
soviétique (RSS). La plus petite des 15
républiques
fédérées de l’URSS, l’Arménie, ne s’étendait plus que sur 29 800 km². La petite
Arménie paraissait bien minuscule dans la grande URSS.
Les région de Kars et d'Ardahan furent rendues à la Turquie, tandis que, sur
l'ordre de Staline, le Nakhitchevan et le Karabagh passèrent
en 1923 sous la tutelle de l’Azerbaïdjan soviétique, et que la Géorgie reprenait
les provinces d’Akhaltskha et d'Alkhalkalak. La RSS d’Arménie se retrouvait
unie
à l’Azerbaïdjan et à la Géorgie au sein de la «République socialiste
fédérative soviétique de Transcaucasie» (RSFS).
Créée en 1923 en tant que
«République autonome du Haut-Karabagh», celle-ci
accéda en 1936 au
rang de «République fédérée de l’URSS». L'année suivante, Staline
fit emprisonner et exécuter un grand nombre d'intellectuels arméniens;
plusieurs autres durent s'exiler. Puis, progressivement, le Nakhitchévan,
peuplé à l'origine à plus 50 % d'Arméniens fut vidé de sa population
arménienne. |
Quant au Karabagh, le pourcentage d'Arméniens
passa de 95 % en 1914 à 75% en 1980. Les méthodes utilisées par les Azéris
furent l'inégalité sociale, la répression politique et économique, les
exactions et spoliations et la discrimination religieuse. Lors
de la Seconde Guerre mondiale, l'Arménie participa à la guerre comme
l'ensemble de l'Union soviétique, mais plus de 280 000 Arméniens périrent aux
cotés des Russes.
4.1 La russification
Au point de vue linguistique, le travail
de russification et de soviétisation commença dès le début de l'Arménie
soviétique. On créa un Comité terminologique d'Arménie auprès du Conseil des
ministres de la République socialiste soviétique d'Arménie, chargé de «prendre
toutes les mesures appropriées concernant la langue arménienne». Le discours
officiel de l'époque se plaisait à souligner que, n'ayant jamais bénéficié des
structures d'un État, l'arménien moderne connaissait «des carences de
vocabulaire». La solution fut parfois d'encourager l'emprunt au russe, mais
aussi d'encourager l'emploi du terme arménien lorsqu'il existait, ou simplement
sa création s'il n'existait pas. Le Comité terminologique écrivait en 1939:
Pour la création de termes
scientifiques et techniques arméniens, les principes à suivre sont les
directives du Parti qui conduit une politique nationale par la forme et
socialiste par essence. La langue est le moyen des peuples d'accéder à la
culture, il faut tenir compte de la pratique des peuples d'URSS et lutter
contre le fétichisme national. |
Pendant tous ces siècles, le mouvement nationaliste
arménien ne s’est jamais résigné. Au contraire, il resurgit périodiquement
avec vigueur. Les demandes d’émigration peuvent en témoigner. Entre 1956 et
1972, plus de 28 000 Arméniens ont quitté l’URSS; il y en eut 12 000 pour
les seules années 1979-1980 et 5000 en 1987. Après les Juifs, c’est le plus
important contingent national à fuir l’URSS, surtout pour les États-Unis. Le
manque de liberté, le refus de prendre en compte les revendications nationales,
les difficultés économiques et même la pollution (depuis le début des années
quatre-vingt) n’ont fait qu’accroître ce mouvement migratoire, que ce soit
à l’extérieur des frontières de l’URSS ou vers d’autres républiques
soviétiques.
Tout au cours de la domination soviétique, la langue
arménienne n'avait d'importance que pour les seuls Arméniens. Les autorités
soviétiques, de même que toutes les minorités nationales, ce qui inclut les
Russes, n'utilisaient que le russe pour les communications interethniques. Il
paraissait plus rentable d'apprendre le russe plutôt qu l'arménien. Le système
scolaire fit l'objet de nombreux remaniements, notamment en 1958 et en 1977.
Déjà en 1956, le nombre d'heures dans l'enseignement du russe au secondaire (de
la 7e année à la 10e année) avait augmenté pour dépasser celui des heures
consacrées à l'arménien. En 1958, suite à une réforme de l'enseignement, les
écoles russes se multiplièrent. Si le nombre des élèves des écoles arméniennes
était estimé à 98,5 % en 1927, il avait baissé à 91 % en 1955-1956, puis à 86,2
% en 1975-1976) (voir Donabédian
dans la bibliographie). La diminution des heures d'arménien s'inscrivait dans
une politique destinée à diminuer l'enseignement des «matières littéraires» au
profit des «matières scientifiques et techniques». Évidemment, l'enseignement du
russe n'a jamais été affecté par la réforme.
4.2 L'enclave du Haut-Karabagh
Puis, en 1988, après un demi-siècle de domination soviétique,
les Arméniens manifestèrent leur volonté d’indépendance. Le 20 février
1988, profitant du climat de réformes instauré par le président soviétique
Mikhaïl Gorbatchev, l’enclave arménienne du Haut-Karabagh en
Azerbaïdjan réclama son rattachement à l’Arménie. Ce
fut l’un des détonateurs de la «flambée nationale» en URSS. De
gigantesques manifestations populaires et des grèves, à Erevan (capitale de
l'Arménie) et à
Stepanakert (capitale du Haut-Karabagh), marquèrent le «réveil national»
du peuple arménien. La question du Haut-Karabagh déboucha sur un conflit
sanglant avec l’Azerbaïdjan.
En Arménie, le «Comité Karabagh», formé par
un groupe d’intellectuels, se fit rapidement le porte-parole des aspirations
à la démocratisation, à la liberté et à la souveraineté nationale. La même année, en décembre 1988,
tout le pays fut profondément touché par un tremblement de terre qui fit plus
de 50 000 morts.; officieusement, il y aurait plus de 100 000 victimes. Les autorités
soviétiques profitèrent alors de ce «génocide naturel» pour contrer le
mouvement nationaliste arménien qui s’organisait autour du «Comité Karabagh».
Le 12 janvier 1989, Moscou mit en place une commission spéciale chargée
d’administrer directement le Haut-Karabagh. Pendant ce temps, les deux parties
pratiquèrent le même «nettoyage ethnique»: l'Arménie expulsait ce qui restait
des Azéris pendant que l'Azerbaïdjan faisait de même avec les Arméniens: on a
mentionné que, au total, plus de 120 000 Arméniens et 80 000 Azéris furent
déportés.
4.3
La politique linguistique soviétique
Alors qu’elle constituait une république socialiste
soviétique, l'Arménie avait adopté, le 14 avril 1978, une constitution qui
avait ensuite été modifiée en 1989. La politique linguistique de l'Arménie
soviétique était tout axée sur l’égalité
des droits linguistiques de tous les citoyens (y compris les
russophones) et sur le développement harmonieux de toutes les nations et
ethnies de l’URSS. C’est ainsi qu’on pouvait lire à aux articles 32 et
34:
Article 32
1) Les citoyens de la République socialiste soviétique (RSS) d'Arménie sont égaux devant la loi indépendamment de leur origine, de leur situation sociale et de leurs biens, de leur appartenance raciale et nationale, de leur sexe, de leur niveau d'instruction, de leur langue, de leur attitude vis-à-vis de la religion, du genre et du caractère de leurs occupations, de leur lieu de résidence et autres circonstances.
2) L'égalité en droit des citoyens de la RSS d'Arménie est garantie dans tous les domaines de la vie économique, politique, sociale et culturelle.
Article 34
1) Les citoyens de la RSS d'Arménie de races et de nationalités différentes jouissent de droits égaux.
2) L'exercice de ces droits est garanti par la politique de développement harmonieux et de rapprochement de toutes les nations et ethnies de l'URSS, par l'éducation des citoyens dans l'esprit du patriotisme soviétique et de l'internationalisme socialiste, par la possibilité d'utiliser sa langue maternelle et la langue des autres peuples de l'URSS.
3) Toute restriction directe ou indirecte des droits, tout établissement de privilèges directs ou indirects pour les citoyens en raison de la race ou de la nationalité, de même que toute propagande d'exclusivisme racial ou national, de haine ou de mépris sont punis par la loi. |
- L'arménien comme langue officielle
Il est vrai que le paragraphe 1 de l'article 72 proclamait
l'arménien comme langue officielle, mais le paragraphe 3 venait éliminer toute
restriction dans l'utilisation des autres langues:
Article
72
1) L'arménien est la langue
officielle de la RSS d'Arménie.
2) La RSS d'Arménie accorde tout
le soin possible de l'État au développement de la langue arménienne
et garantit son utilisation dans les organismes gouvernementaux et
sociaux, dans les institutions culturelles, dans les institutions
d'enseignement et autres. En RSS d'Arménie est garantie, dans les
organismes et institutions susmentionnés, la libre utilisation du russe
et des autres langues qu'emploie la population.
3) Aucun privilège ou restriction
dans l'utilisation de ces langues ou d'autres langues n'est autorisé. |
D'ailleurs, même les lois de la RSS
d'Arménie et les autres documents du Soviet suprême de la RSS d'Arménie
devaient être publiés dans trois langues: l'arménien, le russe et l'azéri.
Voici le libellé de l'article 104 de la Constitution de 1978:
Article
104
Les lois de la RSS
d'Arménie, les décrets et les autres documents du Soviet suprême de
la RSS d'Arménie sont publiés dans les langues arménienne, russe et
azérie, et portent les signatures du président et du secrétaire du
Soviet suprême de la RSS d'Arménie. |
L'article 157 traitait de
la procédure judiciaire. Celle-ci devait être fformulée en
arménien ou dans «la langue de la république autonome» ou «de la
région autonome» ou «dans la langue de la majorité de la population de la
localité donnée». Il était également précisé que «les personnes
participant au procès et ne possédant pas la langue dans laquelle se fait la
procédure judiciaire ont le droit de prendre pleinement connaissance du
dossier, de prendre part aux actions judiciaires par l'intermédiaire d'un
interprète et de s'exprimer durant l'audience dans leur langue maternelle».
Enfin, l'article 43 garantissait non seulement la
gratuité de la formation scolaire, mais aussi «la possibilité d'un
enseignement à l'école dans la langue maternelle», ce qui favorisait, bien
sûr, les minorités russes et azéries.
À cette époque révolue, la vie était plus facile pour
les russophones d'Arménie. En effet, ceux-ci bénéficiaient de tous les
avantages d’un groupe à statut majoritaire qui n’a pas besoin d’être
bilingue, car en tant que représentant d'une force occupante ils étaient
avantagés au point de vue économique, social, culturel, etc. Comme il fallait
s'y attendre, la Constitution de l'«Arménie soviétique» a volé en éclats
au moment de l’indépendance, et ce, d’autant plus que ce même texte avait
été adopté dans des termes presque identiques par toutes les anciennes républiques
de l’URSS. Il s’agissait d’une «égalité forcée»
destinée à avantager les Russes de toutes les républiques soviétiques.
Parallèlement, le discours officiel ne se privait pas de préciser que les
langues nationales étaient destinées à catalyser les «excès nationalistes»,
alors que le russe pouvait favoriser l’objectif de «fusion des peuples», qui
était celui de la société communiste. Pour favoriser cette idéologie, une langue
véhiculaire était nécessaire: le russe.
- L'égalité à l'avantage de la langue
russe
La linguiste française d'origine arménienne,
Anaïd Donabédian-Demopoulos, a su résumer la
situation en disant que, si toutes les langues
étaient égales, le russe était néanmoins supérieur. C'était la «langue nationale
de la majorité de la population de l'URSS»; c'est une langue «proche de l'ukrainien et du
biélorusse»; elle était «répandue en URSS»; elle possédait «des particularités internes
(dialectes peu différenciés entre eux, prononciation proche de l'écriture) qui
le rendent accessible»; c'est aussi une langue «riche et expressive» et parlée dans le monde
entier.
Les linguistes russes ont bien tenté de convaincre les
Arméniens du bien-fondé de leur idéologie en proposant de recourir massivement
aux emprunts russes. En URSS, on comptait «127 langues égales» et il ne pouvait
y avoir de rapprochement entre toutes ces langues. C'est pourquoi le russe
devait être perçu comme la «langue fondamentale» où devaient puiser toutes les
autres langues. Le linguiste K. X. Xanazarov pouvait affirmer en 1977 que la
perte de la langue maternelle (autre que le russe) laissait la liberté
d'appartenir à une nationalité (la russe) et contribuait à l'accélération du
processus de rapprochement des peuples:
On rencontre des cas de plus
en plus fréquents où la langue et la nationalité diffèrent. Ce phénomène
existe déjà dans la société capitaliste qui provoque des migrations de
personnes en quête de travail, ce qui conduit souvent à la perte de la
langue d'origine. La science et la statistique bourgeoise préfèrent
déterminer l'appartenance nationale en fonction de la langue maternelle.
Donc, en même temps que sa langue, l'homme perd sa nationalité. La société
fait pression sur des millions de travailleurs et met en place leur
assimilation forcée. Dans la société socialiste, on perd sa langue, mais
volontairement, sur le principe de la démocratie socialiste. Tous les
peuples tendent à la même chose, ont la même idéologie, le sentiment
d'appartenir à un ensemble plus grand. Tout le monde, toutes les nations
sont partie intégrante du peuple soviétique. La perte de la langue
maternelle laisse la liberté d'appartenir à une nationalité et contribue à
l'accélération du processus de rapprochement des peuples. Changer de
langue maternelle est un des moyens principaux pour développer le
bilinguisme puisqu'il ne signifie pas renoncer à la langue précédente. |
Ce genre de propagande idéologique était véhiculée non
seulement en Arménie dans dans toute l'URSS.
5 L’Arménie indépendante de 1991
En 1989, le Soviet suprême arménien proclama la
souveraineté de la république d'Arménie. Le Mouvement national arménien,
issu du Comité, remporta les premières élections législatives libres au
cours de l’été 1990. On peut lire la «Proclamation d'indépendance» en
français en cliquant ICI.
Le Parlement arménien adopta des lois sur les libertés de parole, de presse et
d’association, sur le multipartisme et sur la privatisation des terres. Il
proclama l’indépendance de l’Arménie en septembre 1991. En octobre, Levon
Ter-Petrossian fut élu, au suffrage universel, à la présidence de la
République, avec 84 % des votes. En 1992, l’Arménie devint membre de l’Organisation
des nations unies (ONU).
5.1 Le Haut-Karabagh
À la fin de 1991, les autorités azerbaïdjanaises
avaient répondu aux revendications nationalistes du Haut-Karabagh
par l’abolition du statut d’autonomie de cette enclave où vivent une
majorité d'Arméniens. Les Arméniens d'Azerbaïdjan répliquèrent en
proclamant unilatéralement, le 2 septembre 1991, l’indépendance du Haut-Karabagh. Les combats s’intensifièrent
(bombardements, blocus et vagues de réfugiés). Le conflit fut marqué, en
1993, par une vaste offensive arménienne qui aboutit à l’occupation de la
partie occidentale de l’Azerbaïdjan (séparant l’Arménie du Haut-Karabagh)
et provoqua le déplacement de centaines de milliers de réfugiés et le départ
de presque tous les Azéris d’Arménie. Un cessez-le-feu entra en vigueur au
printemps 1994. Des négociations sur la république
autoproclamée du Haut-Karabagh s’ouvrirent en novembre 1995, mais
butèrent assez vite sur le problème du fameux «couloir
de Latchin» qui sépare au sud-est le Haut-Karabagh de l’Arménie.
Depuis le début des combats en 1988, 15 000 personnes environ ont été tuées et un million d’autres ont été déplacées.
Pour sa part, l'Azerbaïdjan a accusé l'Arménie d'avoir pratiqué «un véritable
nettoyage ethnique» tant en Arménie que dans les «territoires occupés» de
l'Azerbaïdjan. Pour l'Azerbaïdjan, l'Arménie est considérée comme un «pays
agresseur», qui occupe militairement 20 % du territoire de l'Azerbaïdjan et
qui a forcé plus d'un million d'Azerbaïdjanais à quitter leurs villes ou
leurs villages. En attendant, l'indépendance du Haut-Karabagh n'a été
reconnue que par l'Arménie et l'enclave ne reçoit aucune aide internationale;
son budget est alimenté à 40 % par les subventions d'Erevan, alors que la
plupart des investisseurs étrangers se tiennent à l'écart.
5.2 La Loi sur la langue
Par ailleurs, l'année 1993 fut celle de l'adoption de la
Loi sur
la langue de la république d'Arménie (17 avril 1993). Le texte de cette loi met
l'accent sur quatre points principaux, énoncés dans ses quatre premiers
articles (en résumé):
Article 1er
La langue nationale est
l'arménien standard dans tous les secteurs de la vie publique.
Article 2
La république d'Arménie
assure le développement de la langue arménienne dans les populations
arméniennes vivant hors de la république d'Arménie.
Article 3
La république d'Arménie
favorise la réunification des orthographes.
Article 4
La république d'Arménie
garantit le libre usage des langues des minorités nationales sur son
territoire. |
Remarquons que l'article 4 de la
Loi sur
la langue
ne fait aucunement allusion au russe. On parle seulement des «langues des
minorités». Certains y ont vu là une nouvelle «clause de protection du russe»,
mais la loi ne mentionne aucune langue, pas même le russe. La loi n'affirme pas
non plus que les écoles russes seraient interdites, même si elles disparaîtront
pour un temps et revenir ensuite.
Mais l'adoption de cette
loi linguistique, pourtant jugée nécessaire, a été suivie par un autre flot
de migration, en particulier de la part de l'élite intellectuelle (des
enseignants, des professeurs d'université et des scientifiques), vers d'autres
pays; les Azéris et les Russes ont quitté l'Arménie par milliers. On estime
qu'environ un demi-million de personnes, soit de 12% à 13% de la population,
auraient quitté le pays entre 1993 et 1995. La plupart des émigrants se
sont dirigés vers les régions centrales et méridionales de la Fédération
russe, ainsi que vers divers États de la Communauté des États indépendants;
au moins 40 000 Arméniens sont parties pour les États-Unis et d'autres pays
industrialisés (France, Canada). Néanmoins, on aurait tort de considérer que
la
Loi sur
la langue serait la cause première de la fuite de beaucoup de
minorités.
Dans l'histoire de l'Arménie, les minorités n'ont jamais eu à
souffrir de répression; en général, elles ont toujours bénéficié de
l'égalité des droits et d'une pleine liberté. En réalité, le blocus
économique imposé par la Turquie et l'Azerbaïdjan semble avoir été plus
important comme cause du départ de grand nombre de non-Arméniens: en
général, ceux-ci en ont eu assez des longues coupures d'électricité et d'eau
courante, de la pénurie des emplois (plus de 60 % de chômage) et des pertes
industrielles. Les salaires sont restés très bas (inférieurs à 30 $ US/mois)
et le PIB annuel par habitant est de 500 US $. Malgré les nombreux facteurs de fragilisation
entravant
son décollage économique, l’Arménie commença à récolter les premiers
fruits de sa politique de réformes. Les élections législatives de 1995
donnèrent une large majorité au parti présidentiel, le Mouvement national
arménien. Le même jour fut adoptée la nouvelle Constitution renforçant les
pouvoirs du président et déclarant l'arménien comme «langue officielle de la
République».
Exerçant un pouvoir de plus en plus autoritaire — Ter-Petrossian
fit interdire le Dachnakt, la principale formation d’opposition —, le président fut réélu en 1996, dès le premier tour. Le
déroulement et les résultats du scrutin furent cependant violemment contestés
par l’opposition. Isolé au sein même de son gouvernement, surtout après ses
prises de position en faveur d’un compromis avec l’Azerbaïdjan sur la
question du Haut-Karabagh, Ter-Petrossian fut contraint de démissionner en
1998. Vainqueur de l'élection présidentielle de mars 1998, grâce au soutien
d'anciens membres du gouvernement et de l'opposition, son premier ministre (Robert
Kotcharian) lui succéda à la tête de l’État.
Robert Kotcharian avait fait campagne sur son opposition résolue
au traité de paix favorable à l'Azerbaïdjan et proposé par le «groupe de
Minsk» (Russie, États-Unis et France); les positions arméniennes sur la
question du Haut-Karabagh se durcirent par la suite. En 1999, l’alliance «Miasnoutioun»,
créée par le ministre de la Défense Vazken Sarksian et l’ancien dirigeant
communiste Karen Demirtchian, remporta les élections législatives. Dans
les mois qui suivirent, l’instabilité politique s’accrut : Vazken Sarksian
et Karen Demirtchian furent assassinés en octobre 1999 par un commando armé,
au cours d’une session parlementaire. Cette action, à laquelle l’entourage
du président fut soupçonné d’avoir participé, serait liée aux
négociations menées actuellement avec l'Azerbaïdjan sur la question du
Haut-Karabagh:
le premier ministre et le président du Parlement reprochaient au président
Kotcharian de faire trop de concessions à l’Azerbaïdjan. Le successeur de
Vazken Sarksian, Aram Sarksian, son frère, a été limogé et remplacé en mai
2000 par Andranik Markarian, chef du parti d’opposition Unité et ancien
dissident soviétique.
5.3 Le Conseil de l'Europe
En 1994, à Moscou, les chefs d'État de la
Communauté
des États indépendants ont signé la Convention pour la protection des
droits des personnes appartenant aux minorités nationales (en russe:
Конвенція про забезпечення прав осіб, які належать до національних меншин). L'Assemblée
nationale de la république d'Arménie a ratifié cette Convention, le 11
octobre 1995. Même si le pays est situé en Asie (comme l'Azerbaïdjan, la
Géorgie et la Turquie), l'Arménie est devenue, le 25 janvier 2001, le 42e
membre du Conseil de l'Europe, après avoir
ratifié la Convention des droits de l'Homme. La république d’Arménie avait
déposé, le 7 mars 1996, une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe.
L’examen de cette demande avait été lié à l’adoption de la recommandation
1247 (1994) relative à l’élargissement du Conseil de l’Europe, dans
laquelle l’Assemblée avait alors déclaré:
En raison de leurs liens culturels
avec l’Europe, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie auraient
la possibilité de demander leur adhésion à condition qu’ils
indiquent clairement leur volonté d’être considérés comme faisant
partie de l’Europe. |
Dans le cadre de ses engagements
résultant de cette adhésion, la république d'Arménie a signé, le 25 juillet
1997, la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales, celle-ci étant entrée en vigueur
en Arménie depuis le 1er novembre 1998. L'Arménie a également
signé, le 11 mai 2001, la Charte européenne
des langues régionales et minoritaires, laquelle a été ratifiée le
25 janvier 2002 pour entrer en vigueur le 1er mai 2002. Par ailleurs,
l'Arménie est partie aux instruments juridiques internationaux suivants:
· Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, du 16 décembre 1966, et Protocole;
· Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, du 16 décembre 1966;
· Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, du 21 décembre 1965;
· Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime
d'apartheid, du 30 novembre 1973;
· Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
du 9 décembre 1949;
· Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes, du 31 mars 1953;
· Convention UN contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984;
· Convention relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, et
Protocoles;
· Convention relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1959.
Dans l'histoire récente de l'Arménie, bien plus que la
langue, la guerre de territoire avec l’Azerbaïdjan
et les conséquences dues au tremblement de terre de 1988 sont restées au centre des
préoccupations nationales.
5.4 La seconde guerre du Haut-Karabagh
Le 27 septembre 2020, ce fut la reprise
des combats au Haut-Karabagh. En novembre 2020, après une guerre de 44 jours,
qui a opposé les deux anciennes républiques soviétiques du
Caucase, il y eut un
nouveau cessez-le-feu à l'automne 2020. Ce conflit s'est soldé par la mort de
6500 personnes au moins et la victoire de l'Azerbaïdjan qui a pu reprendre des
territoires perdus en 1994, notamment au sud du Haut-Karabagh. L'Arménie a donc
été contrainte de céder à l'Azerbaïdjan des territoires autrefois conquis
(voir la carte).
Selon l'accord, l'Azerbaïdjan conservait
les territoires reconquis et récupérait la totalité des sept districts entourant
le Haut-Karabagh d'où les forces arméniennes
durent se retirer complètement. Les Arméniens avaient la garantie du droit de
passage dans le corridor de Latchin (voir
la carte), qui demeure sous le
contrôle des forces de paix russes.
6 La Francophonie
La république d'Arménie s'est portée candidate
pour devenir membre de la Francophonie en
tant qu'«observateur». L’Arménie est membre associé de l’OIF depuis 2008 et
membre en règle depuis 2014. On peut s'interroger sur les justifications de
faire entrer l'Arménie dans la Francophonie.
L’Arménie est membre associé de l’OIF depuis 2008.
L’Arménie est un pays très francophile, particulièrement attaché à la langue
française et à sa culture. On estime à 200 000 le nombre d'Arméniens capables de
s'exprimer en français et à 250 le nombre d’écoles où le français est
enseigné (sur 1360 écoles dans le pays), dont 45 à Erevan.
En 2012, une étape a été franchie avec son adhésion à
l’Organisation internationale de la Francophonie et la signature d’un Pacte
linguistique, qui vient d’être renouvelé pour 3 ans en avril 2016. Ce pacte
prévoit plusieurs actions concrètes, parmi lesquelles celle de renforcer
l’apprentissage du français dans les écoles arméniennes. Plusieurs d’entre
elles ont mis en place un enseignement bilingue en
français dans certaines matières comme l’histoire-géographie. Il faut ajouter
aussi l'instauration du français en tant que troisième langue étrangère
optionnelle dans les établissements scolaires, la formation d’environ 200
fonctionnaires et diplomates à l’utilisation du français dans les organisations
internationales, la mise en place d’un «master» en Métiers du livre et de
l’Édition à l’Université Brusov, avec l’appui de l’Agence
universitaire de la Francophonie, etc.
En 2012, une étape a été franchie avec son adhésion à
l’Organisation internationale de la Francophonie et la signature d’un Pacte
linguistique, qui vient d’être renouvelé pour trois ans en avril 2016, puis
jusqu'en 2018. Ce pacte prévoit plusieurs actions concrètes, parmi lesquelles
celle de renforcer l’apprentissage du français dans les écoles arméniennes. Dans
le but de poursuivre dans cette voie, la Francophonie et l’Arménie ont convenu
que le Pacte linguistique 2016-2018 s’attacherait à concrétiser les
priorités suivantes :
- Éducation :
l’extension progressive de la mise en place de
l’enseignement du français en tant que 3e langue
étrangère ou encore le renforcement de la formation
des professeurs de français, en cohérence avec le
plan national de formation ;
-
Enseignement supérieur :
le développement de la coopération entre les
universités arméniennes et l’Agence universitaire de
la Francophonie ;
- Formation
des diplomates et fonctionnaires :
la mise en œuvre de l’Initiative francophone
nationale (IFN), programme qui vise à développer les
compétences professionnelles et techniques en langue
française au sein des administrations cibles ;
- Culture et
communication : la
poursuite des initiatives culturelles francophones
(Saison de la Francophonie, notamment) en promouvant
celles visant à créer un environnement scolaire
francophone ainsi que l’introduction de TV5MONDE
dans l’offre de la télévision numérique terrestre
(TNT).
Membre de l’OIF depuis 2014, après
en avoir été membre associé dès 2008, l’Arménie sera
ainsi outillée pour renforcer encore davantage la place
du français au sein d’une population qui compte quelque
200 000 locuteurs ou locuteurs partiels sur environ 3
millions d’habitants.
L’Arménie organisera le XVIIe
Sommet de la Francophonie en 2018. Rappelons que la capitale Erevan avait
déjà accueilli la 31e session de la
Conférence ministérielle de la Francophonie en octobre 2015.
Dernière révision:
30 sept. 2023
Arménie